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5 avril 2025
Opinions
par Amadou Tidiane Wone
ODEURS DE GAZ
Tout ce qu’il nous est donné de voir depuis la signature du décret annulant l’élection du dimanche 25 février ressemble, étrangement, aux événements du 17 décembre 1962. Ne manque au tableau que la mise aux arrêts du Premier ministre
Lorsque l’on assiste à une représentation théâtrale, les scènes se succèdent en plusieurs actes dans un déroulement pensé, réfléchi pour accrocher notre attention et nous mener, par le bout du nez, jusqu’à l’acte final. Au moment où le rideau tombe, la salle applaudit à tout rompre pour rendre hommage au jeu des acteurs, saluer le moment enchanteur qu’ils viennent de vivre. A ce moment-là, nul ne pense à l’immensité du travail des petites mains dans les coulisses : machinistes, éclairagistes, maquilleuses, costumiers, sonorisateurs etc. Toute une armée de compétences sans lesquelles la magie n’aurait jamais opéré… Et, au-dessus de tout ce beau monde, il y’a l’auteur de la pièce et le metteur en scène. Ils ont inventé, créé et livré un moment de joie à des centaines de spectateurs. À quelques exceptions près, l’unanimité étant impossible en la matière. Certains sortiront en grommelant, déçus ou frustrés que telle ou telle partie du spectacle ne fut pas à la hauteur de leurs attentes… Ainsi va la vie !
A l’identique, la scène… politique nous offre, mais rarement, des spectacles de haute qualité frisant la perfection. Au point où l’on ne se demande jamais le pourquoi du comment, tant la magie opère ! On se fait mener par le bout du nez, les scènes et les actes se succèdent et l’on se retrouve à la fin d’un… mandat sans en avoir saisi le fil conducteur découvrant, stupéfait le dénouement d’une intrigue savamment menée. Ceci dans l’hypothèse d’une mise en scène réussie, au service d’une histoire bien écrite et qui connait un dénouement heureux. Dans le cas contraire, d’une histoire dont les actes s’enchainent sans inspiration, laissant deviner la fin de l’intrigue dès le premier acte, les spectateurs ont une boule au ventre. Ils n’applaudissent pas. Ils subissent le jeu des acteurs, eux-mêmes stressés par le ressenti des spectateurs qui leur renvoient des ondes négatives par des soupirs désapprobateurs.
Revenons à la réalité !
Je le dis tout de go : Tout le long des douze années de règne du président Macky Sall, les sénégalais assistent, médusés, à une pièce de bien mauvais goût dont, tant la mise en scène que les acteurs se montrent bien en deçà des promesses du générique.
Au début était la promesse d’une gouvernance sobre et vertueuse… Le film annoncé, à fort budget de communication, tournera progressivement au film d’horreur. Et la chute, à laquelle nous assistons depuis le 03 février, date initiale du début de la campagne électorale pour l’élection présidentielle prévue le 24 février, dévoile progressivement les coulisses où s’activent tant de petites mains, que dis-je tant de petits esprits… La fin du spectacle approche et il y a comme un air de plagiat dans l’air. Tout ce qu’il nous est donné de voir depuis la signature du décret annulant l’élection du dimanche 25 février ressemble, étrangement, aux événements du 17 décembre 1962. La qualité de la mise en scène faisant la différence, ainsi que le jeu des acteurs, mais surtout en raison des enjeux colossaux, notamment économiques, sous-jacents.
Tout y est : Un président de la République qui fragilise le chef du gouvernement, Une assemblée nationale encerclée par les forces de l’ordre et vidée des députés de l’opposition, une judiciarisation de la politique, des guides religieux complices de fait ou par leur silence, la mise en berne de la Constitution, la domestication de l’administration, une presse qui concoure à assurer le service après-vente de toutes les dérives du pouvoir…
Il ne manque au tableau que la mise aux arrêts du Premier ministre comme ce fut le cas du président Mamadou Dia, chef du gouvernement en 1962, le contrôle total du pouvoir par un parti unique dit unifié pendant des dizaines d’années.
Ce qu’il me semble intéressant de remarquer et que les nombreux analystes de notre pays devraient scruter à la loupe lorsque je convoque ces similitudes, c’est la méthode Foccart qui semble être la trame de tout cela. Jacques Foccart, tout puissant « Monsieur Afrique » du temps du Général De Gaulle, était un expert en déstabilisation des régimes africains à peine sortis de la colonisation. Avec ses armées de mercenaires et de barbouzes, il mettait son ordre dans tous les pays africains dotés de leaders aspirant à une vraie décolonisation, plutôt qu’à une indépendance formelle. Tous les premiers coups d’Etats qui se sont déroulés en Afrique, autrefois sous domination française, portent l’empreinte de Jacques Foccart. La force de Jacques Foccart résidait dans le fait qu’il était invisible du grand public. Il ne cherchait pas la gloire pour sa personne. Il servait exclusivement le Général de Gaulle dans son idée du rayonnement de la France. Foccart inspire et continue d’inspirer une catégorie de nostalgiques de la France conquérante, « sûre d’elle-même et dominatrice » comme le disait le Général De Gaulle parlant de l’Angleterre… Malheureusement les héritiers de la Françafrique de Jacques Foccart n’ont ni son génie ni son talent. Et l’Afrique a tellement changé !
Cette digression juste pour indiquer une direction vers laquelle nous devrions porter nos regards : l’hyperactivité de Monsieur Robert Bourgi, qui se revendique fils adoptif de Jacques Foccart, doit etre interrogée et mise en contexte. Quel rôle joue-t-il auprès du président Macky Salldont il se dit familier ? On l’a vu aussi, sur une photo qui aurait dû rester privée, attablé au domicile du Premier Ministre-candidat Amadou Ba. De temps à autres Il se répand en interview suggestives sur les enjeux cruciaux de notre pays dont il aurait la nationalité, non exclusive ! J’ai vu à la une d’un site internet qu’il prétend nous apprendre ce que le président Macky Sall compte faire après le 2 avril 2024, date de son départ de la présidence de la République…
En vérité, Robert Bourgi n’a ni l’envergure de son mentor ni, surtout, sa légendaire discrétion. Il est amateur de costumes sur mesure, fait l’étalage de ses relations … Il révèle les confidences qu’on lui fait pour se faire mousser et séduire. Il n’est pas un homme de l’ombre, ce qu’il aurait dû rester ! Et c’est pourquoi la pièce en cours au Sénégal, et dont il prétend être un acteur, dévoile presque totalement l’identité des véritables auteurs de la mise en scène ! De plus, l’acteur principal est sujet, de plus en plus, à des accès d’énervement qui dévoilent des faiblesses coupables dont des dérapages verbaux incompatibles avec le prestige de la fonction… Cela pousse les souffleurs à élever la voix pour se faire entendre de lui lorsqu’il sort du texte… Malheureusement les spectateurs attentifs les entendent aussi, ce qui est le comble pour un souffleur.
Tout cela fait passablement désordre !
Espérons qu’à son retour du sommet des pays exportateurs de gaz où il se rend aujourd’hui, le 01 mars 2024, le président Macky Sall, qui va rencontrer du beau monde dans le cadre de la reconfiguration des partenariats stratégiques pour la mise en valeur de nos ressources gazières et pétrolières, nous reviendra avec des contrats signés avant la fin de son mandat prévu le 02 avril 2024.
« Heureusement que l’élection a été annulée à temps ! » pensent les mauvais esprits !
Ah ! Cette odeur de gaz !
par Pape Ndiogou Mbaye
QUAND L’ÉTAT TRANSIGE AVEC LES DROITS DE L’HOMME
La loi d’amnistie introduirait une discrimination entre les victimes de la répression lors de ces manifestations selon leur nationalité. Certains pourront obtenir justice tandis que d’autres non
Le 26 février 2024, le président de la République du Sénégal, Monsieur Macky Sall a annoncé la préparation, pour mercredi 28 février « d’un projet de loi d’amnistie qui va couvrir les manifestations de 2021 à 2024 ».
Ces manifestations auraient occasionné entre 60 et 80 morts et seraient à l’origine de plusieurs détentions, de même que des images montrant des voitures pick-up, des nervis et policiers bastonner et violenter des manifestants. Cette allégation est étayée par de nombreuses vidéos circulant sur les téléphones et réseaux sociaux. Suite à ces actes d’une particulière gravité, des prisonniers ayant été interpellés, certains en manifestant d’autres affirmant vaquer tranquillement à leurs occupations, lors de leur interpellation, ont exposé dans les médias, à leur sortie de prison, des cas de tortures, de mauvais traitement, de mutilations etc. Lors des libérations en masse de prisonniers dits politiques mi-février 2024, leurs témoignages confirment les maltraitances alléguées, avant leur interpellation et à l’intérieur même de la maison d’arrêt.
Les récits rappellent Nelson Mandela qui disait : « personne ne peut prétendre connaître vraiment une nation, à moins d’avoir vu l’intérieur de ses prisons. Une nation ne doit pas être jugée selon la manière dont elle traite ses citoyens les plus éminents, mais ses citoyens les plus faibles ».
L’Assemblée nationale a adopté un projet de loi fixant la date des élections présidentielles au 15 décembre 2024, alors que celles-ci étaient prévues par décret pour le 25 février 2024, ce dernier ayant été annulé par décret du 3 février 2024 qui fut censuré par la conseil constitutionnel en date du 15 février 2024 (N°1/C/2024). Cette annulation n’a pas abouti à la fixation d’une nouvelle date d’élection, mais à l’instauration d’un prétendu dialogue et la préparation d’une loi d’amnistie.
La question porte sur la pérennité d’une telle loi d’amnistie et son efficience, autrement dit l’amnistie a-t-elle pour vocation d’absoudre de tels faits ?
Le rôle du législateur sénégalais : le parlement a-t-il pour fonction de valider un tel projet, dans un contexte particulier ?
Cette interrogation est d’autant pertinente qu’en cas de vote d’une loi d’amnistie, celle-ci introduirait une discrimination entre les victimes de la répression lors de ces manifestations selon leur nationalité. Les faits dénoncés par les personnes ayant la nationalité sénégalaise seront frappés par la loi d’amnistie.
Ceux ayant une autre nationalité pourront contourner cette loi d’amnistie et ceux ayant une nationalité française, américaine ou européenne ne seront nullement concernés par cette loi d’amnistie.
Trois exemples illustrent cette postulation.
D’une part, les victimes de nationalité française pourront, dans le cadre de la compétence internationale des tribunaux français, saisir les juridictions de leur pays, pour ce qui concerne l’aspect pénal (visant les articles 689 à 689-14 du code de procédure pénale) ou exciper de la compétence internationale des tribunaux (visant l’article 14 du Code civil) pour obtenir réparations pour l’aspect civil et ainsi échapper à la Loi d’amnistie.
Les Français ne seront donc pas concernés par cette d’amnistie.
Ensuite, les personnes de nationalité américaine pourront invoquer les dispositions sur l'extraterritorialité du droit américain les protégeant de toute loi d’amnistie votée hors des USA.
Ainsi les personnes détenteurs d’une nationalité américaine ne seront pas concernés par d’amnistie.
Puis, les autres personnes ayant une nationalité européenne-hors la France- n’auront qu’à exciper de l'extraterritorialité du droit de l'Union européenne, pour écarter cette amnistie.
Les personnes détenteurs d’une nationalité européenne ne seront pas concernés par cette Loi d’amnistie.
Les personnes détenteurs de la seule nationalité sénégalaise seront concernés par l’extinction des poursuites si poursuite il y a et une impossibilité d’évoquer ces faits sous peine d’amende, puisqu’il est interdit de faire référence à des faits amnistiés.
Certaines victimes pourront obtenir justice tandis que d’autres n’auront aucun arsenal juridique les soustrayant aux effets de cette amnistie.
Il y a donc là une discrimination dès lors que la loi d’amnistie aura pour conséquence de traiter des situations identiques de manière discriminée et cela sur le seul fondement de la nationalité.
D’une part, les engagements internationaux ont une primauté sur le droit national d’autre part aucun Etat ne peut se soustraire de ses obligations internationales en votant une loi d’amnistie, a fortiori si cette dernière a pour but de passer outre une infraction relevant de traités internationaux des droits de l’homme et du droit humanitaire, par exemple la torture qui ne peut être couverte par une loi nationale. Au surplus, les faits objet de l’amnistie ont fait l’objet de saisine de la CPI (Cour Pénale Internationale), des juridictions française et canadienne.
Une loi d’amnistie est incompatible avec les instruments relatifs aux droits de l’homme, par exemple la torture.
La loi d’amnistie n’entraînera donc des conséquences qu’à l’égard des seuls Sénégalais. Ce qui illustre le fait que le législateur sénégalais n’a pas opéré la transposition - puisque les dispositions juridiques sont issues d’une transposition artificielle des lois françaises - des mécanismes de protection de ses citoyens de la même manière que la compétence internationale de certaines juridictions étrangères place leurs ressortissants dans une position qui les protège des lois des pays étrangers.
Pape Ndiogou Mbaye est Docteur en droit, avocat au Barreau de Paris.
par tidiane sow
ÉLOGE FUNÈBRE DE SANOU MBAYE
Sanou était un homme plein de sciences et de talents. Il fut un panafricain, un penseur, un écrivain. Je puis dire, avec les nombreux témoignages que j’ai reçus, que tu laisseras aux tiens une mémoire honorée
Il y a 12 ans que les hasards de la polémique politicienne m’ont mis en rapport avec l’ami dont nous déplorons aujourd’hui la perte. Nous nous trouvions l’un et l’autre autour du micro d’Alassane Samba Diop pour une émission de remue-ménage. Nous étions censés nous opposer, mais nous nous comprîmes sur tout.
Depuis lors nous ne nous sommes plus quittés.
Il était dans sa période « stagnante », retraitée dans son paradis de la Somone comme il aimait à l’appeler.
Sanou était un homme plein de sciences et de talents. Il fut un panafricain, un penseur, un écrivain.
J’adorais nos longues conversations sur la littérature, la politique, l’Afrique, la jeunesse, la beauté, le sport. Tout était prétexte à discuter. Sanou m’a souvent dit ce qu’il savait, ce qu’il pensait. Il est parti en grande intelligence.
Cher ami, je ne sais plus quel poète (tu m’aurais dit qui) a dit « les morts vivent tant qu’on les aime ». Tu vivras alors toujours, parce que nous t’aimerons toujours.
Puisse cette assurance adoucir, quand la blessure de ta perte sera moins cuisante, l’affreuse douleur d’une famille unie frappée de coups cruels en ces derniers mois.
Je sentais en toi les blessures de la calamité qui te marquèrent profondément avec la disparition de tes fils. Quelle épreuve ! Depuis lors tu t’es détaché, peu à peu, du monde actif et changeant.
Entouré d’une famille magnifique, apprécié de tous tes amis, soutenu par l’affection inaltérable d’une épouse dont tu parlais avec amour, tu as pu t’acheminer doucement vers ce terme où nous allons tous.
Sanou je puis dire, avec les nombreux témoignages que j’ai reçus, que tu laisseras aux tiens une mémoire honorée.
Sanou, cher ami : je te dis aurevoir.
Par Assane Guèye
TOUT LE MONDE EST CONSTITUTIONNALISTE
Être dans l’air du temps n’est pas une posture mais une imposture. C’est un temps mort et un angle mort. Le temps ne s’arrête ni ne suspend son vol. Il faut être volatile pour ne pas le comprendre. Le pays vole bas.
Être dans l’air du temps n’est pas une posture mais une imposture. C’est un temps mort et un angle mort. Le temps ne s’arrête ni ne suspend son vol. Il faut être volatile pour ne pas le comprendre. Le pays vole bas. Le débat n’est même plus survolé par ceux qui parlent le plus fort. Pas question de dénigrer systématiquement son pays et sa classe politique sans classe mais le verdict implacable est qu’on n’y respecte plus les standards. Comment un ancien chef de la diplomatie peut-il faire de la presse étrangère un bouc-émissaire ? Celle-ci a beau exagéré ou colporté, il est étrange qu’une personnalité de l’envergure de Cheikh Tidiane Gadio veuille jeter en pâture une catégorie. Aurait-il oublié qu’il n’est plus à la chancellerie. Comment un professeur en journalisme peut-il se méprendre à ce point ? Les mauvaises nouvelles voyagent toujours plus vite que les plus bonnes. Il est vrai que cette presse extérieure a été bancale dans le traitement de l’information mais les choux gras lui ont été servis sur un plateau d’argent. Un média local n’a-t-il pas été immédiatement fermé quand on s’est aperçu qu’il s’écartait du bon chemin ? Au même moment, les soi-disant diffuseurs de fake news ont continué sans problème. Deux poids, deux mesures. En vérité, la régression est à chercher dans le report de l’élection et la tentative d’extension du mandat. La traduction est simple. Le Sénégal n’est pas arrivé à bon port. Ce précédent est à la base de la confusion, du coq-à-l’âne et de toutes les histoires sans queue ni tête. Quand ceux qui sont supposés être vifs dans l’analyse ne le sont plus, ils tirent tous vers le bas.
Usurpation
Tout le monde s’improvise par exemple constitutionnaliste sans en avoir la moindre compétence. Incontestablement incompétents, les experts auto-proclamés bricolent articles et alinéas. Dans l’usurpation, il y a d’abord de l’a- liénation puis un sort peu enviable de pantins articulés. Ils sortent tout de leur contexte croyant faire mouche alors qu’ils sont la mouche du coche. Peu de respect pour les autres, donc pas de respect du tout pour soi-même. Toujours les mêmes. Tels des acteurs de théâtre ou des activistes qui sautent de plateau télévisé en plateau pour croquer la pomme de discorde. Les spécialistes sont les premiers à s’aplatir publiquement en se comportant comme des influenceurs dont le métier est le trafic d’influence. La cacophonie ambiante chatouille les tympans propres mais ne les crève pas. L’écran aussi n’est plus crevé. Le plus grand crève-cœur est ce spectacle affligeant offert par les vrais savants qui se présentent chacun avec sa propre religion. Tout dépend des lunettes ou le bord où ils sont. Intouchable dans son domaine, Ismaïla Madior Fall dépasse aujourd’hui les funambules dans leur art de marcher sur un fil. Il marque les esprits sur son terrain mais n’a pas encore marqué de son empreinte le costume de ministre des Affaires étrangères qui paraît ample pour lui. Il est loin d’être flamboyant et doit faire la preuve qu’il est aussi bon en realpolitik qu’en géopolitique. Il n’est pas encore une voix forte sur la scène internationale. On tombe dans les travers de la personnalisation mais c’est pour dire que le climat interne agit sur l’image du pays au dehors du pays. Sans observance des règles et de la décence communes, tout est déréglé comme le dérèglement climatique. Le manque d’éthique est une pollution et un poison mortel. Il en est de même pour l’intuition et le style quand ils se font rares.
La lumière manque dans le débat public
La société souffre de pénurie d’incarnation et de perles rares. Toujours la même poignée de personnes pour parler des problématiques nationales. Sans mettre tout le monde dans le même sac, il est évident que les mêmes visages, les mêmes thuriféraires sont à chaque fois conviés aux pourparlers souvent pour soliloquer. Ils se parlent à eux-mêmes. Autocentrés, ils arrivent avec une sorte de miroir pour se regarder et se convaincre qu’ils n’ont pas de rides. Les rides du visage se voient. Celles du cœur ou des neurones ne peuvent être vues. Le microcosme n’est pas génial. Il n’a plus d’idées. Il passe son temps à raser les murs et fuir la charge sociale écrasante. Les mêmes gens plus soucieuses de la caméra que du qu’en-dira-t-on sont toujours là mais ne savent plus ce qui se passe. La multitude cosmopolite n’a jamais droit à la parole alors que les plus belles idées se trouvent dans la rue. Un ancien ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom en l’occurrence, a suggéré de maintenir le pilote aux 12000 heures de vol. Il file ainsi la métaphore de l’aviation civile. Il aurait pu ajouter que les 19 candidats qualifiés voyagent en première classe. Les disqualifiés qui se nomment pompeusement spoliés sont en classe économique. C’est cela être juste. La lumière manque dans le débat public.
par Moubarack Lo
L’HEURE DU CHOIX
En l’état actuel des choses, seul le Conseil Constitutionnel est en mesure de prendre des décisions inattaquables concernant la fixation de la date de l’élection présidentielle.
Le dialogue national convoqué par le président Macky Sall, autour des questions relatives à l’organisation de l’élection présidentielle de 2024 au Sénégal, a vécu. En l’absence de 17 candidats retenus par le Conseil Constitutionnel sur 19, les participants ont notamment formulé les suggestions ci-après :
(i) fixation de la date du scrutin présidentiel au 2 juin 2024 ;
(ii) réintégration de certains candidats recalés par le Conseil Constitutionnel dans la liste des candidats à l’élection présidentielle ;
(iii) prorogation du mandat du président Macky Sall jusqu’à la fin du processus électoral et le passage du témoin à son successeur élu dès le premier tour (donc en mi-juin 2024) ou éventuellement au second tour (en début juillet 2024).
Le Président de la République avait indiqué qu’il prendrait à l’issue du dialogue un nouveau décret convoquant les électeurs et qu’il s’appuierait sur les conclusions du Dialogue en cas de consensus sur les propositions retenues. A défaut de consensus, il s’adresserait au Conseil Constitutionnel pour lui demander d’indiquer la voie à suivre. Etant donné que le Dialogue s’est conclu, selon l’opinion officielle, par un consensus, le Chef de l’Etat pourrait choisir de valider telles quelles les recommandations des participants, d’en informer le Conseil Constitutionnel et de publier les actes réglementaires qui relèvent de lui (décret de convocation des électeurs et décret de fixation de la date de l’élection présidentielle). Cependant, plusieurs difficultés se heurtent à l’acceptation par le Conseil Constitutionnel de l’agenda ainsi proposé par les participants au Dialogue et qui serait éventuellement validé par le Président Macky Sall.
D’abord, comment convaincre que cet agenda procède d’un consensus si l’écrasante majorité des candidats retenus a refusé de se joindre au dialogue ?
L’argument consensuel ne pourrait donc pas prospérer pour justifier une révision des règles du jeu en plein milieu du processus électoral, comme l’exige la CEDEAO. Le seul élément qui intéresserait le Conseil Constitutionnel serait donc la position du Président de la République qui lui serait transmise par voie épistolaire.
Ensuite, la date du 2 juin 2024 ne respecte pas la décision 1/c/2024 du Conseil Constitutionnel, en date du 15 février 2024. Au Considérant 14, le Conseil Constitutionnel a clairement indiqué que : «la date de l’élection ne peut être reportée au-delà de la durée du mandat». Par conséquent, aucune date, éventuellement retenue par les Autorités compétentes dans l’organisation élections, qui enjamberait le 2 avril 2024, ne respecterait cette disposition contraignante, et tout texte réglementaire pris à cet effet pourrait être rejeté par le Conseil Constitutionnel. La seule possibilité qui semble s’offrir au Président de la République serait donc d’éviter de prendre de nouveaux textes réglementaires relatifs à l’élection présidentielle et de se borner à informer le Conseil Constitutionnel des positions des différents acteurs (les candidats qui ont refusé de joindre le Dialogue d’une part, les participants au Dialogue de l’autre), de proposer une démarche et de laisser le Conseil Constitutionnel arbitrer sur les dates à retenir pour la tenue de l’élection. Cette voie s’imposerait d’autant plus que les Autorités compétentes ne maîtrisent plus le calendrier depuis le 3 mars 2024, car ayant franchi la limite maximale de 30 jours francs (avant la fin du mandat présidentiel) retenue dans la Constitution pour tenir le premier tour du scrutin. Toute initiative prise à leur niveau sortirait du cadre strict du droit, tel qu’organisé par la Constitution (article 31 alinéa 1). En plus du respect des dispositions constitutionnelles, l’avantage de confier au Conseil Constitutionnel la fixation de la date du scrutin réside dans le fait que le Conseil peut, en raison des retards constatés et considérant des circonstances exceptionnelles, d’autorité, enjamber la date du 2 avril 2024 et retenir un calendrier dans la période qui lui paraît la plus raisonnable, dans le respect de la Constitution.
Par ailleurs, la suggestion des participants au Dialogue national de rouvrir le processus de sélection des candidats est en contradiction avec les décisions du Conseil Constitutionnel dressant la liste des candidats retenus, et toute tentative de réouverture du processus pourrait engendrer une cacophonie (tous les candidats recalés pouvant exiger d’être requalifiés) et fragiliserait pour l’avenir le Conseil Constitutionnel dont les décisions sont, selon la Constitution, définitives et s’imposent à tous. La seule possibilité de reprendre les opérations de sélection des candidats découlerait d’une éventuelle démission du Président de la République avant le terme de son mandat.
Enfin, la proposition des participants au Dialogue national de proroger le mandat présidentiel audelà du 2 avril 2024 n’est pas en phase avec la décision 1/c/2024 du Conseil Constitutionnel, en date du 15 février. Au même Considérant 14, le Conseil Constitutionnel a rappelé que « la durée du mandat du Président de la République ne peut être réduite ou allongée au gré des circonstances politiques, quel que soit l’objectif poursuivi ; le mandat du président de la République ne peut être prorogé en vertu des dispositions de l’article 103 précité. Pour cette raison, il y a peu de chances que le Conseil Constitutionnel, consulté par le Chef de l’Etat, revienne sur ce Considérant 14, sauf à évoquer lui-même des circonstances exceptionnelles et de hauts impératifs nationaux. A défaut, il lui faudra interpréter l’esprit de la Constitution et retenir un dispositif de gestion de la transition conforme aux principes généraux qui irriguent la Constitution.
Que retenir de tout cela ? En l’état actuel des choses, seul le Conseil Constitutionnel est en mesure de prendre des décisions inattaquables concernant la fixation de la date de l’élection présidentielle. La réouverture du processus de sélection des candidats est non seulement contraire aux dispositions constitutionnelles mais elle s’avérerait très vite contre-productive. Le Président de la République gagnerait à se borner uniquement à transmettre un avis au Conseil Constitutionnel et à se conformer aux décisions que celui-ci sera amené à prendre. Toutes les parties prenantes au scrutin présidentiel (candidats retenus, candidats recalés, acteurs de la société) devraient s’aligner sur la voie tracée par le Conseil Constitutionnel. C’est le seul moyen de consolider notre Etat de droit et la solidité de nos institutions.
PAR Thierno Alassane Sall
MAIMOUNA NDOUR FAYE EST LA DERNIÈRE VICTIME D'UNE SÉRIE LOIN D'ÊTRE ÉPUISÉE
a souvent prévenu qu'elle était menacée, on ne l'a pas prise au sérieux. Le Sénégal, naguère un pays de dialogue se transforme, sous nos yeux en un pays où l'intolérance se propage et s'exprime par une violence désormais amnistiée et libérée
MNF a souvent prévenu qu'elle était menacée, on ne l'a pas prise au sérieux. Elle-même a pris sans doute l'affaire à la légère ou peut-être n'a-t-elle pas vu changer le pays où nous vivons.
Le Sénégal, naguère un pays de dialogue, de tolérance, où l'impertinence était chez elle, se transforme, sous nos yeux en un pays où l'intolérance se propage et s'exprime par une violence désormais amnistiée et libérée.
MNF est la dernière victime d'une série loin d'être épuisée. Nous sommes nombreux à nous savoir menacés et à ne sortir que bien entourés.
Ce qui rend l'agression contre MNF intolérable, c'est non seulement le modus operandi odieux (heure de prédiction de crimes, l'arme utilisée pour tuer après avoir défiguré à jamais) mais la cible choisie. MNF est l'incarnation de l'impertinence, du courage, de la liberté... L'une des rares à poser des questions qui fâchent à tous. Et à rire de tout.
Voilà pourquoi tous les agresseurs connus ou inconnus, tous ceux qui humilient, balafre, insultent, propagent la haine doivent être identifiés et sanctionnés. Pas amnistiés sans que l'on ne sache ni leur identité ni l'étendue de leur responsabilité dans des crimes aussi odieux.
Je ne souhaite pas du courage MNF, car c'est lui qui t'a conduit où tu es. Je souhaite que Rook veille sur toi.
Par Abdoul Aly Kane
CRUELLE FIN DE REGNE
Le régime du président Macky Sall prend fin dans une grande confusion découlant de sa façon d’avoir gouverné le pays
A l’entame de son dialogue national des 26 et 27 février courant, le Président Macky Sall a annoncé qu’il en aurait fini avec la fonction de président de la République dès la fin de son mandat qui échoit le 02 avril. Il a même ajouté qu’il avait assez du pouvoir « Doyalnaa seukk », et qu’il ne souhaiterait même pas être présent au Sénégal lors de l’élection présidentielle. Il a confirmé hier sur le réseau X que « le dialogue national a retenu la date de 02 juin comme date des élections », et qu’il aura préalablement quitté le poste à ce moment-là.
Son conseiller, le journaliste Madiambal DIAGNE, précise via le même réseau que « Sa décision est irrévocable. Macky SALL nous a annoncé qu’il va écrire au Conseil Constitutionnel ce 1er mars 2024 pour préciser qu’il quitte ses fonctions au terme de son mandat et qu’il invite le Conseil Constitutionnel à installer un Président intérimaire à la date du 2 avril 2024 ».
Cette communication du Président SALL et les précisions de son conseiller, sont sidérantes au regard de l’instabilité dans laquelle il a installé le pays depuis le début du processus de validation des candidatures.
Dégageant toute responsabilité, il impute le report des élections aux accusations du PDS contre deux juges constitutionnels soupçonnés de corruption pour avoir invalidé la candidature de Karim Wade, le corrupteur étant le Premier ministre actuel, candidat de la coalition au pouvoir à ces mêmes élections.
La commission d’enquête parlementaire mise en place par la coalition BENNO/PDS dans le but d’établir la véracité de ces accusations est entretemps supprimée, du fait qu’un des juges incriminés aurait porté plainte contre ses accusateurs.
Le Conseil Constitutionnel, atteint dans son honneur, décide malgré tout de fixer la fin du mandat de l’actuel Président au 02 avril. Entretemps, le Président continue la collaboration avec le Conseil Constitutionnel et renouvelle sa confiance au Premier ministre.
Quelle suite à ce coup de théâtre ? Rien pour l’instant. A l’issue du dialogue national dont la légitimité institutionnelle reste à établir, le 02 juin est finalement retenu par les participants et annoncé par le président de la République comme la nouvelle date des élections qui devaient se tenir initialement le 25 février passé.
Afin que nul n’en ignore, le Président SALL a confirmé hier, par tweet sa décision de quitter ses fonctions le 02 avril.
Pour plus de précisions, il fait dire par son conseiller qu’il va demander au Conseil Constitutionnel d’installer un Président intérimaire puisqu’à cette date, son successeur n’aura pas encore été élu.
En clair, après avoir repoussé la date des élections au mois de juin 2024, voilà que le Président SALL nous informe qu’il ne passera pas les pouvoirs à son successeur mais à celui que le Conseil Constitutionnel aura désigné pour assurer « l’intérim ».
Le Président SALL observera donc de loin la cérémonie d’installation de son successeur élu, comme cela a toujours été le cas, et non imposé par d’énigmatiques « forces organisées » contre lesquelles il invitait les politiques à s’entendre.
En 64 années d’indépendance…
En quelques mois, le Sénégal aura ainsi basculé dans une impasse du seul fait d’un président de la République qui a pris des décisions inopportunes ne se rapportant qu’à ses intérêts exclusifs. En 64 années d’indépendance, notre pays n’aura jamais vécu une situation pareille.
Le hasard n’existant pas en politique, il y a lieu de s’interroger sur le « clap final » d’un tel film au scénario hollywoodien de série B qui se déroule sous nos yeux. A n’en point douter, le timing originel des élections, que le Président Sall a sciemment mis sens dessus dessous avec la complicité de l’administration chargée des élections et de sa majorité à l’Assemblée nationale, ne correspondait pas au sien propre.
Le Conseil Constitutionnel étant le dernier rempart contre l’agression des institutions, on attendra de voir les décisions qu’il prendra quant à la date des élections et la constitutionnalité de la loi d’amnistie introduite comme un cheveu dans la soupe dans l’arsenal de décisions d’un Président sortant.
En toutes hypothèses, le pays connaîtra une nouvelle alternance politique après les élections, même si les pouvoirs abusifs de l’actuel Président ont tendance à masquer la réalité de l’avènement d’une nouvelle ère de gouvernance, en lien avec la maturité actuelle du peuple sénégalais, et plus particulièrement de sa frange jeune.
Le régime du Président Macky Sall prend fin dans une grande confusion découlant de sa façon d’avoir gouverné le pays. Sa coalition n’ayant pas eu la majorité absolue à l’Assemblée nationale, il a convaincu des partis d’opposition de se joindre à elle pour rétablir une majorité non sortie des urnes, donc contraire à la volonté du peuple.
Dans sa quête d’un pouvoir exclusif, il aura soumis la quasi-totalité des institutions de la République au service de ses propres desseins. Les juges de fond de Ziguinchor et de Dakar ordonnent la remise à Sonko des fiches de parrainage aux fins de constituer son dossier de candidature, son administration refuse d’appliquer leurs décisions.
La CENA instruit la DGE de remettre des fiches de parrainages à Ousmane SONKO, il congédie tous ses membres et choisit une nouvelle équipe comptant certains membres de son parti.
Le Conseil Constitutionnel retient une liste de candidats qui ne lui convient pas, il reporte la date des élections et menace de dissoudre cet organe si d’aventure il prenait une décision relative à la fixation d’une date des élections qui ne lui conviendrait pas.
Des milices mises à contribution
Les forces de défense et de sécurité et des milices infiltrées sont mises à contribution pour casser du manifestant à balles réelles.
Avide d’exercer ses pouvoirs dans leur plénitude, il a fini par être, au fil de son magistère, un dictateur c’est-à-dire un chef « détenant tous les pouvoirs et les exerçant sans contrôle et de façon autoritaire ».
S’il avait passé quelques années encore à la tête du pays, sa propension à le gérer par la force aurait fini de faire de lui un « tyran », soit un chef qui « exerce une autorité arbitraire et absolue, sans respect des lois et en usant généralement de méthodes oppressives et violentes ».
Le Sénégal démocratique doit se féliciter de son prochain départ qu’il a annoncé urbi et orbi, pour clôturer un magistère à nul autre pareil en termes de violences de tous ordres, de mal gouvernance et de dilapidation des ressources publiques.
La proximité de son départ, malgré une grande vigilance citoyenne à observer sur son effectivité, induit que l’on se penche aussi sur les urgences économiques à affronter.
La question la plus importante pour le mieux être d’une population très jeune, c’est celle de l’emploi. Structurellement, le Sénégal n’est pas un pays d’emplois du fait de choix antérieurs et actuels inappropriés.
Le nouveau pouvoir sera tenu de mettre en œuvre, dans des délais raisonnables, des politiques créatrices d’emplois.
Ces politiques devraient tabler sur les emplois « PME » et être centrées sur des avantages comparatifs sectoriels ainsi que sur la formation professionnelle dans la quête d’une plus grande compétitivité induisant la croissance.
C’est pourquoi, il nous parait indispensable d’articuler toute politique de développement industriel avec celles des pays de la sous-région pour bénéficier d’économies d’échelle indispensables pour concourir à l’international.
L’OMVS pourrait constituer un premier cercle de pays, idéal du fait que les pays membres (la Guineé , le Mali, la Mauritanie et Sénégal) partagent un même bassin, le fleuve Sénégal, et enregistrent des résultats appréciables en matière hydro électrique malgré les échecs en matière de politique agricole commune imputables au défaut d’accompagnement financier et foncier après la réalisation des barrages.
Le deuxième cercle pourrait être constitué de pays avec lesquels nous partageons une certaine similarité en matière de structures productives et de cycles économiques. Ce dans la perspective de partager ultérieurement avec eux une politique monétaire commune, en termes de taux de change et de gestion solidaire des réserves de change.
En effet, il est notoire que le FCFA, de par sa stabilité (taux de change fixe avec l’euro), est une monnaie qui incite à l’importation et discrimine les exportations susceptibles de générer de la valeur ajoutée.
Concernant les PME, le réalisme économique commande que l’on se focalise sur ce que les entreprises artisanales savent faire « le mieux ». Dans ce souci, une attention particulière devrait être accordée à la promotion des industries culturelles créatives, du secteur artisanal déjà exportateur vers la sous-région (chaussures et maroquinerie) et son accompagnement vers des standards semi-industriels, grâce à la maîtrise des processus par le biais de formations adaptées via une coopération efficace avec les pays asiatiques et des agences comme l’ONUDI, réservoirs de coopérants industriels.
En matière d’industries culturelles créatives, nous pensons particulièrement à la musique, la peinture, la mode, le cinéma qui donnent satisfaction si l’on s’en tient aux distinctions glanées dans les festivals.
Dans une précédente chronique, nous évoquions le gisement d’emplois que constituent ces industries culturelles et créatives.
« Les principaux facteurs de production de l’économie créative sont essentiellement la créativité et le capital immatériel, soit la capacité à innover, à créer des concepts et à produire des idées et des œuvres de beauté, principal avantage compétitif à détenir, et non les ressources financières. Cela rend ce secteur attractif pour une population ingénieuse et créative dont l’âge médian est de 19 ans.
La part de ce secteur dans le PIB de notre pays est encore très faible alors que nos talents créatifs sont reconnus dans le monde entier ». Voilà ce que nous écrivions dans ces colonnes.
L’histoire retiendra de Macky…
Dans le sous-secteur de la mode, nos stylistes habillent les stars du monde entier. Il est utile de préciser qu’au Sénégal, la confection est le seul secteur où le chômage n’existe pas.
Malheureusement, cette main d’œuvre souffre d’un déficit de formation aux standards internationaux, une formation qui pourrait davantage ouvrir les produits aux marchés de la sous-région et international via nos stylistes.
Des solutions existent en termes de mobilisation de ressources financières, d’accès aux marchés export, d’accès aux matériels professionnels et de formation ; il s’agit de les identifier et de les mettre en œuvre.
La formation professionnelle permanente est incontournable.
En termes de comparaison avec le football, on perçoit bien les résultats d’une politique de formation locale ayant donné naissance à des talents aujourd’hui reconnus dans le monde entier.
Par conséquent, miser sur le passage de l’artisanat à la semi industrie, et sur les industries culturelles créatives à fort impact sur le marché international, adossés à une formation professionnelle adaptée, pourrait non seulement créer des emplois mais accroître nos réserves de change.
Il faudrait aussi miser sur le numérique en partant des besoins exprimés par les professionnels tout en assurant le financement de l’investissement dans les infrastructures qui assurent la connectivité.
En conclusion, nous appelons les Sénégalais à ne pas faire du « dégagisme » de Président la seule priorité au détriment du choix des programmes.
Quant au Président SALL, j’ai bien peur que l’Histoire retienne de lui non pas le bâtisseur qu’il s’est évertué à incarner mais plutôt l’image d’un chef d’Etat à qui son peuple a tout donné, et qui s’est transformé au final en dieu de la mythologie grecque à cheval entre Hermès, Dieu protecteur des voleurs, et Deimos, Dieu de la terreur envers son peuple.
Par Moussa DRAME
LA VOIX DESESPEREE DES DESERTEURS DE LA PATRIE
La route de la migration irrégulière s’est estompée dans les fonds marins, mercredi dernier 28 février, pour 26 des 300 occupants de la pirogue ayant levé l’ancre à Joal (Ouest), une semaine plus tôt pour l’Espagne
La route de la migration irrégulière s’est estompée dans les fonds marins, mercredi dernier 28 février, pour 26 des 300 occupants de la pirogue ayant levé l’ancre à Joal (Ouest), une semaine plus tôt pour l’Espagne. De retour du détour des côtes marocaines pour regagner le Sénégal, en désespoir de cause, dit-on, leur embarcation de fortune a échoué aux larges de Saint-Louis du Sénégal. Cette embarcation, tout comme celles qui ont précédé, généralement, est remplie de toutes les tranches de la population : hommes, femmes, enfants, bébés, femmes enceintes et personnes âgées. Ces candidats à… la «mort» sont charriés par le désespoir de la vie chère, l’insuffisance de perspective d’emplois dans un contexte d’imbroglio politico-social sans précédent et sans fin au Sénégal.
En réalité, le phénomène migratoire irrégulier n’a plus faibli au Sénégal ces cinq dernières années et à un rythme assez soutenu. Le plus souvent, les embarcations des candidats font fausses routes en fonction, quelques fois, de la volonté et des objectifs inavoués du capitaine de la pirogue. Il s’y ajoute des accidents et des intempéries en haute mer. Toutes circonstances qui entrainent des catastrophes, avec à la clé de lourdes pertes en vies humaines.
Et le plus intriguant est d’abord ces départs massifs composés d’hommes et de femmes, mais surtout d’enfants, de bébés, de femmes enceintes, de personnes âgées, comme si, et seulement si, le mot d’ordre est donné pour quitter le pays. Le dernier sinistre en date est survenu avant-hier mercredi sur les côtes saint-louisiennes du Sénégal, avec 27 morts recensés, une vingtaine de blessés et des disparus, sur les 300 occupants de cette barque.
De quoi s’arrêter un moment et, en toute légitimité, se poser la question de savoir pourquoi diable partir, rien que partir et partir à tous prix ? La réponse la plus communément apportée est l’austérité d’une vie de plus en plus intenable au Sénégal. Une inflation galopante qui asphyxie le pouvoir d’achat du citoyen moyen, un imbroglio politique sans fin, le manque d’emplois pour une population dont la moitié est âgée de moins de 19 ans, selon le dernier Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH - 5) de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD).
DES INFRASTRUCTURES STRUCTURANTES POUR CREER DES CHAINES DE VALEURS !
L’option pathétique des jeunes diplômés de faire les motos-taxis appelé «Jakarta» reste incontestablement le baromètre le plus illustratif du malaise social de cette jeunesse. Option qui, du reste, accroit l’insécurité routière arrimée au taux élevé des accidents. Et pendant ce temps, dans certaines grandes villes comme Dakar, les disparités sociales font croire qu’une certaine catégorie d’individus se love dans une opulence grossière, opposée à la masse indigente qui se louvoie dans la misère quotidienne. D’où la récurrence des agressions physiques et des suicides, en désespoir de cause.
Nombreux sont, en effet, les techniciens qui soutiennent la solution durable de la création d’infrastructures structurantes en fonction de la spécificité des productions de chaque terroir. La région de Sédhiou, classées la plus pauvre, selon l’ANSD, est pourtant la première productrice de noix d’anacarde du Sénégal, avec plus de 30% des exportations, deuxième productrice de riz et troisième pour la banane. Nul doute que la création de toute entreprise ou la facilitation de son implantation aidera à absorber le flux de jeunes avides de trouver un emploi à rémunération acceptable.
CREATION DE POLES TERRITOIRES ET DEMOCRATISATION DES RESSOURCES PUBLIQUES
C’est justement cela qu’avait appelé Mme le ministre Dr Annette Seck Ndiaye, «la création des pôles territoires» pour valoriser le potentiel local. De la production à la commercialisation, en passant par la labélisation, le nombre d’emplois est sans équivoque. Il est facile de reprocher aux jeunes une absence coupable d’initiative créative ; mais le besoin en formation et en orientation dans les besoins d’employabilité est tout aussi attendu des pouvoirs publics. Les faits sont bavards et le malaise assez profond, pour ne plus être qualifié de banal. La démocratisation des ressources publiques, adossée à une gouvernance vertueuse et à toutes les échelles, semble être l’unique voie du salut pour le pays de la «Teranga», le Sénégal.
par le COLLECTIF DES UNIVERSITAIRES POUR LA DÉMOCRATIE
LA LOI D’AMNISTIE OU LE SECOND ASSASSINAT DES MARTYRS DE 2021 À 2024
EXCLUSIF SENEPLUS - L’usage politicien de l’amnistie brouille toute perspective de réalisation d’un avenir collectif empreint de sérénité et d’apaisement. Un tel pacte républicain nous semble odieux et innommable
Réunissant professeurs et chercheurs de toutes disciplines, le Collectif des universitaires pour la démocratie (CUD) alerte sur les dangers de la loi d'amnistie générale annoncée par le chef de l'État Macky Sall. Pour ces intellectuels, effacer les crimes du passé reviendrait à bafouer la mémoire des victimes et à fragiliser les fondements de l'Etat de droit. Refuser l'oubli forcé est la seule voie pour respecter les principes républicains, indiquent-ils dans le manifeste ci-dessous.
L’éventuelle validation par les parlementaires d’un projet de loi ayant pour objet l’amnistie des infractions consécutives aux manifestations politiques interroge notre rapport à l’Histoire. Une telle amnistie rendrait tout accès impossible à notre Mémoire qui est un patrimoine immatériel essentiel pour faire advenir une communauté nationale. L’usage politicien de l’amnistie constitue une défiance au Temps en ce qu’il brûle les archives d’un peuple et, par voie de conséquence, brouille toute perspective de réalisation d’un avenir collectif empreint de sérénité et d’apaisement. Une communauté humaine assimilant sciemment son passé macabre à un trou noir inaccessible à ses contemporains, se représente son ordre social comme un champ de particules où les différents éléments ne seraient liés entre eux que par des relations de calculs, d’opportunités, de stratégies… Un tel pacte républicain nous semble odieux et innommable.
D’un point de vue anthropologique, l’existence programmée de cette loi amnistiante questionne nos rapports au Réel. Depuis mars 2021, notre société sénégalaise est dans une temporalité bestiale, animalière ; notre partie la plus monstrueuse a pris le dessus sur notre bienveillance et empathie certes parfois exagérées. La manipulation politicienne de l’amnistie est constitutive d’un mauvais tabou en ce qu’elle interdit à une société de dialoguer avec ses propres démons. Toute communauté humaine génère des monstres mais les ignorer contribue à faire du mensonge un élément essentiel de notre ordre symbolique. La loi d’amnistie relative aux infractions commises depuis 2021 est une prohibition à investir le passé et, ce faisant, obstrue l’accès à la vérité en remettant en cause ses fonctions instituantes. Ce détournement de l’institution de l’oubli pour assurer l’impunité de hauts responsables étatiques est une menace au narratif républicain fondé sur une idée de vertu et de justice.
Analysé à partir d’un prisme propre à la philosophie juridique, le projet de loi d’amnistie fragilise la vision consistant à admettre la nation comme une communauté liée par un ordre légal. Si tous les vices et tortuosités pouvaient être effacés par des lois, ces dernières perdraient leur sacralité ainsi que leur rationalité.
Ayant pour objet la matière pénale, l’amnistie préoccupe la morale publique et particulièrement les valeurs essentielles de notre société démocratique. Le respect que devrait inspirer la préservation de la dignité de la personne humaine est aux antipodes d’une éventuelle légitimation d’arrestations arbitraires, d’actes de tortures et de barbarie envers des citoyens. Quelles formes de solidarités juridiques entretenons-nous avec nos concitoyens victimes de meurtres, de blessures physiques et psychologiques, d’emprisonnements injustifiés, de destructions de leurs biens… ? Une des fonctions du droit pénal étant la délimitation rationnelle de la sphère de liberté par l’identification des tabous, une telle discipline répare, à cet effet, les vulnérabilités en sanctionnant les déviants et les transgresseurs. Cette promesse de justice assignée à la matière pénale est un des garants du contrat social. Une loi d’amnistie aux relents foncièrement politiciens rend perméable la morale publique et, par voie de conséquence, rend fongible le vice et la vertu.
C’est parce que l’amnistie du président Macky Sall est une invite à l’amnésie, que sa vraie nature n’est autre qu’un permis de tuer. Un tel dessein ne devrait prospérer. L’adoption du projet de loi portant amnistie devra entraîner nécessairement une saisine du Conseil constitutionnel qui pourrait invalider le texte sur le fondement de principes fondamentaux du droit pénal comme le principe de nécessité.
De surcroît, faut-il rappeler que la lutte contre l’impunité a permis d’apporter des limitations ratione materiae de l’amnistie en ce qui concerne les crimes supranationaux. Le Comité contre la torture avait recommandé l’exclusion de la torture du champ des lois d’amnistie (rapport sur l’Azerbaïdjan, A/55/44, §.15).
La jurisprudence va dans le même sens d’un recul des amnisties pour les crimes internationaux. En atteste l’Affaire Ely Ould DHA qui a entraîné la remise en cause d’une loi d’amnistie.
Par-delà, même dans l’hypothèse d’une validation constitutionnelle, aucune disposition ni principe ne s’opposerait à une abrogation de l’amnistie après l’élection d’un nouveau président soucieux de rétablir une orthodoxie dans la mise en œuvre des principes qui guident la responsabilité pénale.
Les promoteurs de cette loi ne devraient pas ignorer que « Rien ne peut faire que ce qui a été n’ait été ». En somme, si ce projet de loi devait advenir les députés sont invités à se remémorer le célèbre vers du poème intitulé “Souffles” de Birago Diop « les morts ne sont pas morts ».
Signataires :
Abdoulaye BATHILY, Professeur des Universités à la retraite, Histoire, Université Cheikh Anta Diop de Dakar ;
Mamadou DIOUF, Professeur des Universités, Histoire, Université de Columbia et Mumbai ;
Felwine SARR, Professeur titulaire, agrégé en Sciences économiques, Titulaire de la chaire Anne-Marie Bryan, Duke University, Caroline du Nord, USA ;
Mbissane NGOM, Professeur titulaire, agrégé facultés de droit, Université Gaston Berger de Saint-Louis
Moussa THIOYE, Professeur de droit privé, Doyen de la Faculté d’administration et communication, Université Toulouse Capitole, France ;
Samba TRAORE, Professeur titulaire de classe exceptionnelle à la retraite, Université Gaston Berger de Saint-Louis ;
Babacar GUEYE, Professeur titulaire de classe exceptionnelle, Droit public et Science politique, Ancien chef de département du Droit public, FSJP/Université Cheikh Anta Diop de Dakar ;
Mamadou Abdoulaye KONTE, Professeur titulaire en Économie, Université Gaston Berger de Saint-Louis ;
Mohamed Ben Omar NDIAYE, Professeur Titulaire en Économie, Université Cheikh Anta DIOP de Dakar ;
Alassane DIEDHIOU, Professeur Titulaire en Mathématiques, Université Assane SECK de Ziguinchor ;
Samba Ndao SYLLA, Professeur titulaire de classe exceptionnelle, FST/Université Cheikh Anta Diop de Dakar ;
Pap Karounga DIAWARA, Professeur titulaire, Directeur du Centre d’études en droit économique, Faculté de droit, Université Laval, Québec, Canada ;
Senghane MBODJI, Professeur titulaire, Physique, Energie solaire, Université Alioune Diop de Bambey ;
Mouhamadou Aliou Mountaga Tall BALDE, Maître de conférences titulaire, Mathématiques, Université Cheikh Anta Diop de Dakar ;
Ndèye Sophie DIAGNE NDIR, Professeur assimilé, agrégée des facultés de droit, droit privé et sciences criminelles, Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Sokhna Mariama Sèye FALL, Enseignante-chercheuse, Droit privé, Université Cheikh Anta Diop de Dakar ;
Ibrahima NDIAYE, Maître de conférences titulaire, Mathématiques, Université Alioune Diop de Bambey ;
Muhammad BA, Maître de conférences titulaire, Sciences économiques, Université Gaston Berger de Saint-Louis ;
Abou SENE, Docteur en Mathématiques, Université Gaston Berger de Saint-Louis ;
Alassane DIALLO, Maître de conférences en économie, Université Amadou Moctar Mbow ;
Abou SALL, Enseignant-chercheur, Droit privé, Université Cheikh Anta Diop de Dakar ;
Abdoulaye NDIAYE, enseignant chercheur en Economie, New York University ;
Aliou SENE, Maître de conférences assimilé, FASTEF/Université Cheikh Anta Diop de Dakar ;
Ibra SENE, Associate Professor, Histoire,The College of Wooster, USA ;
Malado AGNE, Maître de conférences assimilé, Droit public, Université Cheikh Anta Diop de Dakar ;
Khady GUEYE, Enseignante en Philosophie, membre de ResearchGate, Université de Montréal.
par Alymana Bathily de SenePlus
MAKYAVÉLIQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - Les membres du Conseil constitutionnel objet d’accusations de corruption - sans aucune preuve à ce jour - pourraient être acculés à la démission grâce à la nouvelle loi sur l'Ofnac
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 29/02/2024
Nous le savions déjà après cette interview spectacle du 7 Février : le président Macky Sall n’avait aucune intention d’obéir à l’injonction du Conseil constitutionnel d’organiser l’élection présidentielle dans les « meilleurs délais ».
Dès le premier jour du « dialogue » de Diamniadio, son intention de ne pas organiser l’élection avant le terme de son mandat le 2 avril 2024, puis d’assurer lui-même son intérim après s’être amnistié ainsi que ses alliés est apparue très clairement.
Un plan makyavélique prémédité et annoncé
Le « dialogue » de Diamniadio procède en fait d’un plan prémédité : il suffit pour s’en convaincre de se référer à un article de Jeune Afrique, cette plateforme de communication et d’influence de la France Afrique dont les directeurs, de père en fils, murmurent à l’oreille des chefs d’État françafricains et enregistrent leurs confidences.
L’article publié le 20 février dernier et intitulé : « au Sénégal, le dernier choix de Macky Sall », annonçait que le président de la République entend « mener des concertations politiques ….organiser l’élection la plus inclusive possible en conservant les vingt candidats validés par le Conseil mais en y ajoutant d’autres… revoir le système de parrainages …promulguer une loi d’amnistie…ce qui revient à libérer Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye…dépasser de quelques semaines cette limite (du mandat présidentiel établi par la Constitution) afin d’organiser l’élection courant mai ou juin…Une alliance pour le second tour serait scellé entre le PDS de Wade, Rewmi d’Idrissa Seck, voire Taxawu Sénégal de Khalifa Sall dans une sorte de front Républicain face à Pastef ».
C’est exactement ce que M. Macky Sall vient de nous annoncer sans fard dès le premier jour de son « dialogue » boycotté par 16 des 19 candidats validés par le Conseil constitutionnel ainsi que par toutes les organisations significatives de la société civile.
C’est ce qui vient d’être confirmé en conclusion du « dialogue » : l’élection aura lieu le 2 juin, nous dit-on. Le président restera en exercice pendant trois mois après le terme de son mandat et une loi d’amnistie générale portant « amnistie générale sur des faits se rapportant aux manifestations politiques survenues entre 2021 et 2024 » aura au préalable été adoptée par l’Assemblée nationale.
Un plan makyavélique
Le « dialogue » a donc pleinement livré la commande de M. Macky Sall.
En outre, on lui passe la reprise complète du processus électoral pour y inclure M. Karim Wade.
Il assurera lui-même son intérim pour reprendre complétement le processus électoral en y incluant bien entendu M. Karim Wade, le candidat de l’indispensable allié qu’est devenu le PDS pour lui, tout faisant croire pour le discréditer et provoquer la scission du Pastef entre pro-Sonko et pro-Diomaye Faye qu’Ousmane Sonko souscrit à la manouvre.
Le calcul électoral non-dit est en tout cas que le Pastef ne pourra pas gagner dès le premier tour et serait battu au deuxième tour par les voix coalisées d’Amadou Ba + Karim Wade + Boun Abdallah + Idrissa Seck + Aly Ngouille Ndiaye + Mame Boye Diao et autres).
Ainsi le « système » serait sauvé.
L’autre partie du plan « makyavélique » annoncé à Diamniadio concerne la loi « d’amnistie générale » dont le président de la République a ordonné l’examen à l’Assemblée nationale dès ce jour mercredi 28 février.
Il s’agit bien entendu, sous le couvert de réhabiliter Ousmane Sonko et les militants de Pastef qui n’ont du reste jamais été jugés et condamnés pour « crimes », de blanchir ceux qui ont organisé les « nervis » et milices et armé les forces de défense et de sécurité d’armes létales et qui sont responsables de la mort d’une soixantaine de jeunes gens, de la torture et de la mutilation de plusieurs autres ainsi que de plusieurs disparitions.
Il s’agit d’une assurance-vie pour Macky Sall et pour certains de ses proches qui pourraient faire l’objet de poursuites pour crimes contre la personne du fait de leur responsabilité voire leur implication personnelle dans ces crimes perpétrés contre des Sénégalais, hommes, femmes et enfants même, au cours de ces dernières années.
Autre volet du plan « makyavélique » qui n’a cependant bien entendu pas été annoncé lors du « dialogue », c’est la « neutralisation » voire la destruction du Conseil constitutionnel s’il lui résistait.
La nouvelle loi sur l’OFNAC (Office National de lutte contre la Fraude et la Corruption) dont le président dispose désormais de pouvoirs de procureur pourrait servir dans ce sens.
Les deux membres du Conseil constitutionnel qui font l’objet d’accusations de corruption (sans aucune preuve à ce jour), qui ne peuvent pas être destitués, pourraient ainsi par contre du jour au lendemain faire l’objet de harcèlements et acculés à la démission ce qui servirait de prétexte à la liquidation de l’organe juge et régulateur des élections.
Un plan qui met le Sénégal en danger
Le plan de M. Macky Sall a déjà provoqué de graves divisions au sein des institutions de la République, des partis politiques et de l’opinion publique.
L’Assemblée nationale est désormais divisée non pas strictement sur des lignes partisanes et idéologiques, mais entre partisans et adversaires de M. Macky Sall, M. Amadou Ba et de M. Karim Wade qui font face au groupe parlementaire Yewwi Wa Askan Yi qui constitue seul l’opposition.
Quant au Conseil constitutionnel, on sait comment l’accusation sans preuve de corruption de deux des sept Sages, a amené l’un des deux à porter plainte et à se mettre à l’écart de la décision d’abrogation de décret du président de la République annulant la convocation du corps électoral.
Ce qui fait que le Conseil constitutionnel est de fait relativement affaibli. D’autant que la menace de l’OFNAC plane maintenant sur lui.
Pour ce qui est du gouvernement de la République, il est de notoriété publique que la confiance n’est plus au beau fixe entre le président et son Premier ministre-candidat dont l’échine particulièrement souple a permis d’éviter jusqu’à présent un esclandre.
Des ministres du gouvernement et des proches du président de la République s’en prennent ouvertement et en public au Premier ministre dont ils raillent « le manque de charisme » et qu’on accuse même de corruption des magistrats du Conseil constitutionnel.
Les pouvoirs législatifs, judiciaires et exécutifs ont sciemment été affaiblis au moment où la défiance des populations à l’endroit du président de la République est extrême, ainsi que le montre les mobilisations populaires quasi quotidienne à travers le territoire national.
Sortir de la crise par le haut
Au sortir du « dialogue », le coup d’État de Macky Sall étant consommé, le Sénégal se retrouve dans une situation qui n’est pas sans rappeler celle prévalant en Algérie à la suite du coup d’État militaire de janvier 1992 visant à empêcher la poursuite de l’élection législative et la victoire annoncée du Front Islamique de Salut (FIS).
On pense également à la Côte d’Ivoire après le ravalement du Code électoral par le président Henri Konan Bédie pour y introduire l’ivoirité et ouvrir ainsi la porte aux démons qui vont ravager la Côte d’Ivoire pendant plus de dix ans : coup d’État militaire, crise « politico-militaire » et intervention militaire étrangère.
Notre pays doit et peut éviter les tragédies que l’Algérie et la Côte d’Ivoire ont connu tour à tour. Le Sénégal en a les moyens. Il possède une société civile structurée avec plusieurs plateformes d’information et d’initiatives politiques, des syndicats de travailleurs et des structures organisées d’intellectuels qui canalisent l’ensemble des forces vives du pays.
Cette société civile doit continuer à mobiliser les forces vives de la nation et engager avec elle des luttes pacifiques et non violentes afin d’imposer la tenue de l’élection avant le 2 avril, de s’opposer à la reprise du processus électoral et à l’inclusion de candidats déjà exclus et contraindre M. Macky Sall à quitter le pouvoir dès le 2 avril au terme de son mandat.
Elle saura s’opposer aussi à la loi d’amnistie annoncée.
Le Conseil constitutionnel qui a invalidé le décret du président de la République annulant la convocation du corps électoral pour le scrutin présidentiel du 25 février 2024 a démontré sa sagacité et son indépendance.
Nul doute qu’il dira et imposera encore une fois le droit.