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28 novembre 2024
Opinions
par Yassine Fall
L’ALLIANCE POUR LA DICTATURE FONCIÈRE CONTRE MBANE
Senegindia, le maire de Mbane et un Libanais d’originefont pression sur de pauvres paysans afin de leur arracher leurs terres et réaliser l’accès tant rêvé de cette entreprise aux eaux très prisées du Lac de Guiers
La collusion des intérêts entre le Sénégalo-Libanais Rabih Fakhy, la firme indienne Senegindia, le maire de Mbane et les autorités administratives s’est encore une fois de plus affirmée avec éclat à travers le bras de fer ouvert imposé au village de Saneinte qui risque de perdre tout de go 300 hectares de terres des plus fertiles soustraits de son patrimoine foncier agressé plus que de raison en l’espace de quelques années par la prédation et la tyrannie foncières auxquelles s’ajoutent le parti pris délibéré de la gouvernance, de la Sous-Préfecture et de la Préfecture du département de Mbane contre les populations dont elles ont la mission de défendre les intérêts vitaux.
Pendant que tous les esprits sont braqués sur la crise politique sans précédent que traverse notre pays avec une confiscation des libertés et une violation sans limite de l’État de droit, Senegindia, le maire de Mbane et un Libanais d’origine, Rabih Fakhy, profitent de cette situation de tension pour organiser une vendetta en harcelant et en faisant pression sur de pauvres paysans afin de leur arracher leurs terres et réaliser l’accès tant rêvé de cette entreprise aux eaux très prisées du Lac de Guiers qui alimentent principalement une grande partie des populations de la région de Dakar et de plusieurs autres villes du Sénégal.
Le maire de Mbane a convoqué à son bureau, il y a quelques semaines, le chef du village de Saneinte, l’imam, un notable et une conseillère municipale, pour leur signifier que Senegindia se serait plaint auprès du Gouverneur de la région de Saint Louis du fait que Saneinte accapare et exploite 300 hectares de terres qui lui appartiendraient.
Cet acte est le plus récent épisode d’une longue confrontation entre les populations des villages de Kouel, Mar, Singou Diery, Pomo et Saneinte qui avoisinent le site de plusieurs milliers d’hectares occupés par Senegindia. Plusieurs échauffourées ont déjà eu lieu à propos de 1700 hectares de terres que revendique illégalement et injustement Senegindia avec le soutien des autorités administratives locales. A plusieurs reprises ces autorités se sont rendues sur les lieux escortées de la gendarmerie pour faire pression sur les populations des 4 villages de Kouel, Mar, Singou Diery et Pomo afin qu’elles acceptent d’octroyer leurs espaces de pâturages et de culture à Senegindia. Le dernier obstacle à franchir dans cette quête forcenée pour l’accès de Senegindia à l’eau douce en abondance, c’est le village de Saneinte, positionné pieds dans l’eau sur le lac de Guiers.
Dans un Article que j’ai publié le 27 aout 2020 dans SenePlus, intitulé « Corruption Foncière et Pillage des Terres de Mbane », j’exposais clairement le processus frauduleux utilisé par Rabih Fakhy et Senegindia pour tenter d’arracher ces terres aux populations de Mbane. Voici 2 extraits édifiants tirés de mon article du 27 aout 2020.
« Pour une famille libanaise : 1 700 hectares !
« Ce scandale foncier concerne 1 700 hectares de terres que l’opérateur économique Rabih Fakih essaie de convertir frauduleusement en bail emphytéotique.
« Cet épisode a commencé avec l’octroi de 1 200 hectares du village de Pomo et de ses alentours à son père Abdou Fakih et de 1 700 hectares de terres du village de Louguéré Bayré et de ses alentours à Rabih Fakih lui-même. Leur ambition déclarée était de construire un centre touristique au bord du lac de Guiers, l’un des principaux gisements aquacoles et hydriques du Sénégal.
« Ce projet n’a jamais été réalisé. L’octroi de ces 2 900 hectares n’a pas davantage fait l’objet d’un acte d’officialisation auprès du Centre d’expansion rurale d’alors. Ces terres étant englouties dans le périmètre foncier actuellement occupé par Senegindia, Rabih Fakih a joui de subterfuges douteux pour se faire octroyer 1 700 hectares supplémentaires sous la législature de l’actuel maire de Mbane. Ces 1 700 hectares couvrent des terres que cultivaient les populations du village de Saneinte en période hivernale et des parcelles qui auraient été antécédemment allouées au projet Novasen et à Serigne Mansour Sy Djamil. Ces 1 700 hectares couvrent des domaines exceptionnellement fertiles appartenant aux villages de Mbane, Saneinte, Pomo, Kouwel, Marr, et au village de l’érudit islamique Thierno Aliou Aissata. Cet octroi n’a jamais été officialisé devant les chefs des villages impactés, en présence du Centre d’expansion rurale polyvalent, comme l’exige la loi.
Aujourd’hui M. Fakih tente de détourner son objectif de centre touristique initialement annoncé dans la délibération pour proposer d’entreprendre des activités agricoles. Comment peut-on accepter de voir M. Fakih accaparer une telle superficie et aliéner des zones de terroirs alors que les villageois, en l’occurrence les jeunes, sont obligés de louer la terre pour la cultiver ? L’Etat du Sénégal doit prendre ses responsabilités, au risque d’être taxé encore une fois, de complicité de pillage foncier au bénéfice d’opérateurs privés étrangers. Les populations et les chefs de village de Pomo et Saneinte, étant parmi les plus impactés, demandent au ministère de l’Économie et des finances de rejeter la demande de Rabih Fakih de transfert de ces 1 700 hectares en un bail emphytéotique.
Plus de 1500 hectares à Senegindia
Senegindia, entièrement sous possession indienne, est l’autre rapace de l’aliénation de terres récemment débarquée dans la commune. Cette compagnie était toute petite juste en 2008 avec la construction d’un building de 5 étages, à Rufisque. Elle a été installée à Mbane et se retrouve aujourd’hui avec au moins 1 500 hectares de terres pour la production de pommes de terre en direction du marché local et international. Quelle valeur ajoutée une entreprise qui n’est même pas capable de donner des contrats décents à ses travailleurs pourrait-elle apporter au peuple sénégalais ? En quoi l’économie sénégalaise bénéficie-t-elle de possibles retombés de Senegindia ? Il est vrai que ses bénéfices sont inclus dans notre taux de croissance mais en quoi cela se reflète-t-il dans l’amélioration de la qualité de vie des populations du Sénégal et de Mbane en particulier ? Les coûts économiques et humains sont trop élevés par rapport au bénéfice que procurerait cette compagnie. Les populations de cette zone de terroir se préoccupent du fait que si on n’y prend garde, Senegindia pourrait finir par faire main basse sur le restant de terres entre Saneinte et Diaglé. Il est dit qu’elle ne cesse de demander avec insistance, l’octroi additionnel de terres à l’autorité municipale, qui aurait déjà été complice d’aliénation foncière et qui dit-on, résisterait difficilement à de telles injonctions de corrupteurs financiers.
Ces terres du Waalo ont été le théâtre de violents affrontements au fil des siècles. Durant l’époque coloniale se sont déroulés les essais de colonisation agricole de l’occupant français ainsi que les guerres de résistance sanglantes des populations autochtones du Waalo contre Louis Léon César Faidherbe, gouverneur français du XIXe siècle, célèbre pour ses crimes de guerre à grande échelle et la doctrine raciste de la prétendue mission civilisatrice de la France.
Ces blessures profondes à peine cicatrisées, de nouvelles convoitises opposent les populations de Mbane aux efforts coalisés d’élites sénégalaises et d’hommes d’affaires d’origine française, libanaise ou indienne. L’État est encore une fois interpellé au premier chef ».
Aujourd’hui le maire de Mbane, qui est supposé représenter les populations de sa commune, a non seulement pris fait et cause pour Rabih Fakhy et Senegindia mais joue aujourd’hui le rôle de commissionnaire en leur faveur. C’est lui qui convoque et, de manière peu voilée, essaie d’intimider les chefs de villages, s’adonne au jeu de la carotte et du bâton, pour défendre de manière illégitime les intérêts de ces affairistes. Toute cette manigance d’accaparement des terres a pour objectif ultime de déplacer le village traditionnel multi centenaire de Saneinte pour permettre à Senegindia l’accès au lac de Guiers. Senegindia a envoyé avant-hier une sommation interpellative au chef de village de Saneinte. Le commandant de la gendarmerie est informé de la situation qui pourrait virer au pire.
Cette situation à Mbane est symptomatique de la gestion calamiteuse du régime de Macky Sall qui a opté pour la promotion et la protection des intérêts économiques et financiers des investisseurs étrangers au prix de l’aggravation de la pauvreté des populations. C’est cela le legs de Macky Sall qui est aujourd’hui décrié et sanctionné par tous les Sénégalais. A cela s’ajoute l’arrogance des politiciens de L’Alliance pour la République qui prennent le pays pour leur propriété privée et leur terroir comme un bien qu’ils peuvent vendre, prêter ou gaspiller à volonté sans aucune once d’égard pour les populations. C’est ce que les populations de Bargny crient au scandale à propos de Tosyalı de Turquie ; c’est ce que les pécheurs pleurent à propos des bateaux chinois qui ont pillé les ressources halieutiques au point de faire de l’immigration clandestine par la mer le facteur primordial d’augmentation du taux de mortalité des jeunes ; c’est ce que les usagers de l’autoroute à péage et de la téléphonie mobile dénoncent à propos du cout exorbitant que leur taxent respectivement Eiffage et Orange de France.
L’on devrait cependant se demander, pour qui roule Senegindia ? Nous ne savons pour quels intérêts cachés roule Senegindia. Mais la vérité finira par exposer au grand jour cette puissance clandestine qui actionne et mobilise d’énormes moyens administratifs et de sécurité pour protéger une simple entreprise indienne au-dessus de populations sénégalaises.
Aujourd’hui nous prenons à témoin le peuple sénégalais, le peuple africain, les organisations de défense des droits humains et des droits économiques, du génocide, semblable au génocide du peuple Ogoni, qui pourrait arriver, si Senegindia, de concert avec les autorités administratives et sécuritaires de la commune de Mbane, s’évertuait à vouloir arracher de force ces 300 hectares des mains des populations rurales du village de Saneinte.
Il est temps d’arrêter. Trop c’est trop.
Le président Macky Sall ne voudrait pas ajouter à son actif, 6 mois avant son départ de la présidence de la République du Sénégal, le massacre des populations de Saneinte résistant à la spoliation impitoyable et arrogante de leur patrimoine foncier. Les populations mobilisées de Saneinte se tiennent debout pour protéger leur terroir ancestral déjà affaibli et rendu exigu par des politiques agricoles extraverties et non créatrices d’emplois ou de bien-être social.
L’accès tant convoité de Senegindia au lac de Guiers ne passera pas par Saneinte !
Texte Collectif
LE TEMPS DU DÉSENCHANTEMENT DÉMOCRATIQUE
Entretenir un amalgame entre le droit constitutionnel à la résistance et l’appel à l’insurrection revient à judiciariser l’espace politique à des fins d’exclusion. Que reste-t-il encore de la démocratie qui n’ait été déjà profané au Sénégal ?
Nous vivons mondialement une crise du fait démocratique. Le regain de coups d’états militaires dans la bande sahélienne ces dernières années, ainsi que les crises institutionnelles à répétition dont nous faisons l’expérience, sont le résultat d’assauts contre le principe démocratique dans son essence, ainsi que dans ses modalités de mise en œuvre.
Le temps de la démocratie - politique, judiciaire, institutionnel, populaire -, au Sénégal est celui du désenchantement. Les deux mandats de président Macky Sall ont précipité la déliquescence de l’État de droit et des principes qui fondent la démocratie sénégalaise. Par utilitarisme politique, le régime actuel a désolidarisé le binôme État-nation, transformant la crise politique en une crise de société profonde.
Une démocratie véritable se mesure à l’aune de la réalisation effective des droits fondamentaux consacrés par la Loi fondamentale. La négation du pacte républicain et du serment national tacite pour faire société constitue la dernière manifestation d’un récit néocolonial qui remonte aux indépendances. Depuis la crise de régime de 1962, le droit a souvent été l’instrument d’une conspiration contre le Peuple. Sans expérimenter une rupture de l’ordre constitutionnel comme au Mali, au Burkina Faso, au Niger, en Guinée…, le temps de la démocratie au Sénégal est parsemé de coups de force institutionnels et de commandes politiques d’interprétation fourbe du droit.
Dans les imaginaires, la quête d’un sens démocratique, volontairement confondue avec la lente fabrique d’un État institutionnel, a fini par faire croire que la démocratie pouvait éclore par décret, loin des conquêtes sociales. Or, le Grand Soir démocratique, comme dans toutes les civilisations humaines dans lesquelles le Peuple a voix au chapitre, procède d’un plébiscite populaire quotidien. Le temps de la démocratie, comme du reste celui de la nation, défie toute idée de finitude. Il se régénère au gré des crises protéiformes ou, à rebours, périclite. Au Sénégal, la démocratie n’est pas le produit d’acquis populaires. La démocratie ne se définit pas seulement par l’existence d’institutions (parlement, exécutif, appareil judiciaire) et par l’organisation d’élections régulières. La démocratie ne saurait être discursive. La sociologie lui imprime sa réalité.
Les signes du désenchantement démocratique au Sénégal sont légion : une magistrature aux ordres, une administration docile et répressive, des milices privées qui opèrent en toute impunité auprès des forces de défense et de sécurité, des arrestations aux allures de rafles, des barricades fréquentes devant les sièges de partis politiques, l’assignation à résidence surveillée sans base légale du domicile du principal opposant au régime, les atteintes à la libre circulation de l’information par la suspension de l’accès à Internet ou du signal de rares médias insoumis, etc. La démocratie ne s’accommode pas de la réduction au silence des citoyens par l’imposition d’une terreur institutionnelle à laquelle se sont soumis les corps intermédiaires, les syndicats, une bonne partie des intellectuels, les médias classiques…
Le bilan démocratique du régime de Macky Sall pendant ses deux mandats se résume à l’étouffement des voix politiques et citoyennes discordantes par la répression, l’emprisonnement, la disgrâce, la radiation et la sélection des candidats à l’élection présidentielle (Khalifa Sall, Karim Wade, Ousmane Sonko). Plus que jamais, les réminiscences du parti unique ou dominant affleurent notre temporalité politique quand bien même la relation Etat-individu bascule inexorablement vers le triomphe de la volonté populaire. La démocratie, c’est le temps des peuples libres.
Entretenir un amalgame entre le droit constitutionnel à la résistance à l’oppression et l’appel à l’insurrection revient à judiciariser l’espace politique à des fins d’exclusion. La mobilisation opportuniste d’une sémantique martiale permit à des dictatures d’auto-légitimer des coups d’État institutionnels (Chine, Russie, Corée du Nord …). Le spectre de la peur, brandi par l’État-policier sous la couverture d’un discours régalien, renseigne sur le dessein d’imposer la terreur avec l’onction d’une certaine presse qui a lâchement déchiré sa profession de vérité. Dans l’histoire politique, la lutte contre la nébuleuse terroriste a souvent été le paravent légal des violations des droits et libertés. Le Patriot act nous en fournit un exemple frappant.
La dissolution du parti Pastef, entité constitutionnellement protégée, est révélatrice des dérives autoritaristes d’un régime qui vise, avec le concours d’une certaine magistrature complice, à reconstruire un espace politique monolithique. On assiste à un retour de l’histoire et un changement d’époque. Les conditions de cette dissolution s’inscrivent dans la négation des principaux instruments internationaux, au demeurant constitutionnalisés, de protection des droits humains. Elles matérialisent la violation des libertés d’expression, de réunion pacifique, d’association et de participation démocratique à la conquête du pouvoir politique.
Éloignée de la logique historique de la dissolution-absorption (PAI, Bloc des masses sénégalaises), la dissolution décrétée est une entorse à l’idéal d’une société libérale et au pluralisme politique. En effet, l’adoption d’un acte administratif négatif est assujettie au respect du principe dit du contradictoire. L’arbitraire de l’État se loge dans l’occultation des droits de la défense. Le droit à l’information, par le biais de la procédure de la mise en demeure, participe de la démocratie administrative. L’éthique de la transparence exige un rapport préalable du ministre de l’intérieur. Ce moyen ne saurait être inopérant que s’il y avait une décision de justice préalable établissant la véracité des faits reprochés avec toute la rigueur de l’autorité de la force jugée. Ce qui n’est pas le cas à l’évidence. En sus, les autorités exécutèrent la mesure de dissolution sans qu’aucune notification préalable n’ait été adressée, violant manifestement la loi. Tous les actes d’exécution de la mesure, alors même que la décision individuelle n’était pas encore notifiée, constituent une voie de fait de nature à engager la responsabilité de la puissance publique.
L’épure du droit n’est point de dissoudre pour motif d’insurrection lorsque le crime susmentionné est l’objet d’une instruction judiciaire.
Que reste-t-il encore de la démocratie qui n’ait été déjà profané au Sénégal ?
Gageons que le dêmos, ultime faiseur d’un système républicain, saura entretenir la lueur du réenchantement démocratique
SIGNATAIRES
Abd-El Kader BOYE :
Professeur titulaire de droit privé, Ancien Recteur de l’Université Cheikh Anta Diop, Ancien Doyen de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Mamadou DIOUF :
Professeur d’histoire et d’études africaines, titulaire de la chaire Leiner family, Université Columbia / Etats-Unis
Felwine SARR :
Professeur titulaire, agrégé d’économie, titulaire de la chaire Anne-Marie Bryan, Université Duke / Etats-Unis
François Joseph CABRAL :
Professeur titulaire, agrégé d’économie, Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Abdoul Aziz DIOUF :
Professeur titulaire, agrégé des facultés de droit, Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Sidy Alpha NDIAYE :
Maître de conférences, agrégé des facultés de droit, Université Cheikh Anta Diop de Dakar
El Hadji Samba NDIAYE :
Maître de conférences, agrégé des facultés de droit, Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Babacar NIANG :
Maître de conférences, agrégé des facultés de droit, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, avocat au barreau de Paris
Par Abdoul Aziz TALL
CEDEAO, NE TIREZ PAS SUR VOS COMPATRIOTES !
Aujourd’hui, les chefs d’Etat de la CEDEAO, avec tout le respect dû à leur rang, ne semblent malheureusement pas prendre toute la mesure de la gravité d’une décision de s’attaquer militairement au Niger
L a CEDEAO aurait décidé de l’usage de la force pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger. Une décision lourde de conséquences pour de multiples raisons. Ce serait d’abord un précédent dangereux qu’un ensemble de chefs d’Etat de pays africains, dans un élan solidaire, décident de s’attaquer à un pays frère appartenant à la même communauté. Celle-ci n'est pas seulement politique, mais elle est aussi culturelle, cultuelle, ethnique et tant d’autres caractéristiques communes. Bref, il s’agit là d’une communauté que tout réunit au plan sociologique.
Avec la Gambie de Yaya Jammeh, la menace avait été brandie de faire partir ce dernier du pouvoir, après qu’il eût voulu renoncer à le quitter, malgré sa défaite à l’élection présidentielle. Finalement, il dût se résoudre à l’exil, après d’âpres négociations.
Aujourd’hui, les chefs d’Etat de la CEDEAO, avec tout le respect dû à leur rang, ne semblent malheureusement pas prendre toute la mesure de la gravité d’une décision de s’attaquer militairement au Niger
Sur le plan institutionnel, entendons nous bien ! Il s’agit d’un pouvoir illégal qu’ils veulent combattre pour rétablir l’ordre constitutionnel.
De ce point de vue, nul ne saurait justifier que le pouvoir soit conquis autrement que par la voie démocratique. Cela dit, en dépit de cette considération d’illégalité et d’illégitimité du pouvoir qui s’est installé à Niamey, ces chefs d’état de la CEDEAO devraient reconsidérer leur processus décisionnel en prenant en compte les conséquences désastreuses que leur option pourrait engendrer à plusieurs niveaux.
Les populations civiles du Niger sont éprouvées par une pauvreté endémique qui fait que leur pays est l’une des trois nations les plus pauvres du monde. En cas d’intervention militaire, le Niger risque de ne plus avoir la moindre chance de se relever de cette précarité alarmante, pour ne pas dire de cette misère, d’autant qu’il est déjà fortement engagé dans la guerre contre les “djihadistes” au Sahel.
Une telle intervention militaire ne se limitera certainement pas au niveau des pays de la zone de la CEDEAO.
La France et d’autres puissances occidentales qui ont des intérêts à protéger au Niger et dans la sous-région vont s’impliquer à travers divers moyens. Ils l’ont déjà ouvertement annoncé.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ces populations qui seront les premières victimes d’une intervention militaire semblent plutôt en phase avec les nouvelles autorités, au regard des manifestations de soutien dont elles ont fait l’objet au lendemain du coup d’état du 26 juillet.
Des manifestations qui ont donné lieu à des scènes d’hostilité, de défiance et de rejet de la France, considérée comme une des principales sources de la misère qui les frappe, du fait notamment de l’exploitation de leurs ressources naturelles, dont elles ne sentent guère les retombées dans leurs conditions de vie. Bref, ce fut l’expression de frustrations longtemps retenues de la part de citoyens révoltés. Sur le plan géopolitique, les conséquences risquent donc d’être encore plus catastrophiques.
En effet, il n’est pas évident que les peuples de la CEDEAO vont adhérer à cette initiative pour de multiples raisons.
Déjà leurs ressortissants vivant au Niger se plaignent et alertent sur le fait qu’une guerre contre le Niger pourrait entraîner des conséquences fâcheuses dans leur cohabitation pacifique au sein de leur pays d’accueil. Leurs inquiétudes sont d’autant plus fondées que les pays occidentaux qui vont appuyer la CEDEAO ont déjà mis en place un dispositif pour rapatrier leurs ressortissants. Alors, ces chefs d’état, vont-ils laisser leurs propres compatriotes être des victimes innocentes en cas de conflit armé ?
Il y a un risque réel d’embrasement de cette région de l’Afrique déjà fortement éprouvée par la guerre larvée contre les “jihadistes”, dont le Niger est l’un des foyers les plus ardents.
L’absence de cohésion au sein des pays membres de la CEDEAO est un facteur aggravant des divisions qu’une éventuelle intervention militaire pourrait entraîner. En effet, des états comme le Cap-vert, le Mali, le Burkina Faso et la Guinée ont déjà manifesté leur désaccord ou leur réticence à toute intervention militaire contre le Niger. Les trois derniers cités lui ont même exprimé leur solidarité agissante à travers un communiqué commun indiquant que «toute attaque contre le Niger serait considérée comme une déclaration de guerre contre eux». S’il est vrai que du point de vue des rapports des forces en présence leur menace n’a que peu d’incidence sur leur décision, en revanche au plan psychologique, elle devrait interpeller la conscience des dirigeants de la CEDEAO favorables à l’engagement militaire. Dans la foulée, ces trois pays précités sont même allés jusqu’à menacer de quitter la communauté et de former la leur éventuellement, avec toutes les conséquences que cela pourrait entraîner au plan politique, économique et financier, notamment avec le retrait éventuel du Mali et du Burkina de la zone franc.
Les partisans de la rupture des pays de la zone monétaire ouest africaine d’avec la tutelle française, trouveraient ici une bonne opportunité de relancer le débat sur la question
N’y a-t-il pas encore là un risque de dislocation de la communauté ?
Le Niger attaqué par ses voisins de la CEDEAO, avec le soutien logistique de l’occident, notamment celui de la France et des États-Unis, ne laisserait certainement pas la Russie indifférente de même que la Chine. Le groupe Wagner serait déjà signalé du côté du Mali voisin. Il y a donc là autant de risques d’une internationalisation du conflit et d’un embrasement de toute a zone du Sahel. Face à une telle situation, aucun des pays de la sous-région ne peut s’assurer d’avance qu’il en sortirait indemne.
Enfin, il est fort à craindre que si les mutins de Niamey devaient se rendre à la suite d’une défaite face à la CEDEAO et ses alliés, qu’ils envisagent le pire en faisant du Président Bazoum et de sa famille un bouclier humain, avec toutes les conséquences désastreuses que cela pourrait entraîner.
Prions pour que le Président Bazoum et à sa famille sortent indemnes de cette délicate situation. Des témoignages le présentent comme un homme d’Etat imbu de valeurs humanistes et profondément attaché à ses relations avec autrui.
Mais au-delà de toutes ces questions géostratégiques , il y a lieu de s’interroger sur la démarche de la CEDEAO qui n’anticipe guère sur les problèmes pouvant engendrer ces changements de régime non désirés au sein de la communauté.
En effet, on peut bien se demander où était la CEDEAO, lorsque certains États africains faisaient subir à leur peuple, des «coups d’Etat électoraux» ou violaient délibérément les dispositions de leur constitution.
Où était-elle lorsque des états refusaient impunément d’appliquer les décisions issues de ses instances ?
Hier encore, c’était le Mali. On avait constaté la fermeté agissante, pour dire le moins, avec laquelle la CEDEAO s’était acharnée sur le peuple malien, au point de lui imposer un embargo, comme pour lui faire payer son «outrecuidance» à vouloir se débarrasser de son ex-président (paix à son âme), à qui il était reproché de nombreux griefs liés à sa gouvernance.
Il y a donc lieu de s’interroger sur l’attitude de la CEDEAO, voire de la communauté internationale qui font du «deux poids deux mesures», par des positionnements largement déterminés par des facteurs aux antipodes des intérêts réels des peuples.
Cette démarche sélective se fonde plus sur les intérêts crypto-personnels de certains chefs d’Etat, sur les enjeux géostratégiques et économiques des occidentaux qui tirent visiblement les ficelles dans l’ombre.
Toutes choses étant égales par ailleurs, qui est-ce qui peut donc expliquer ce silence assourdissant de la CEDEAO, au vu de l’obsession du troisième mandat et les violations des droits humains les plus élémentaires qui se sont soldées par des morts ?
Au demeurant, comment ne pas déplorer l’attitude de certains médias occidentaux qui se distinguent par une indignation sélective, s’émouvant à peine de la mort par dizaines d’africains qui se battent pour la préservation de leur dignité et le triomphe de la démocratie. Aucune vie n’a plus de valeur qu’une autre. C’est le lieu de condamner sans ambages le manque d’équité dans le traitement de l’information et de respect en toutes circonstances, de l’égale dignité de tous les êtres humains
La sauvegarde des intérêts occidentaux semble guider dans bien des cas tous ces comportements qui n’honorent pas l’Afrique.
Peu importe le non-respect des règles de bonne gouvernance, dès lors que les intérêts des grands groupes occidentaux, des lobbies de toutes sortes sont préservés.
Peu importe la vie des africains face aux gros enjeux financiers menacés. A fortiori lorsqu’ils trouvent leur soubassement dans la cupidité de certains de nos dirigeants.
Loin de toute attitude fataliste, la situation actuelle nous impose donc aujourd’hui plus que jamais un sursaut d’orgueil, un réveil hardi de la conscience nationale voire africaine .
Abdoul Aziz TALL
Ancien ministre
par Bassirou Sakho
SADIO MANÉ ENTRE ACCUSATIONS DE RACISME ET INTERROGATIONS SUR LA COMMUNICATION DE SON ENTOURAGE
Il semble crucial que l'entourage de Sadio Mané adopte une approche objective pour évaluer les performances récentes du joueur. Le rôle des conseillers est également crucial en période de crise
La semaine dernière, lors de l'émission « After Foot » diffusée sur RMC, le conseiller de Sadio Mané a été interrogé au sujet du récent transfert du joueur du Bayern Munich vers un club en Arabie Saoudite. Bien que plusieurs raisons aient été évoquées pour justifier ce départ, une en particulier a retenu l'attention du public et des médias : la question du racisme.
Selon le conseiller, la couleur de peau de Sadio Mané aurait posé un problème à certains membres de l'équipe, notamment Leroy Sané, ainsi qu'aux dirigeants du Bayern de Munich. Il suggère que ces derniers, en réglant le salaire annuel de vingt-deux millions d'euros et d'autres avantages accordés à Mané, auraient eu des préjugés raciaux. Ces déclarations ont par la suite été relayées par le journal sportif Onze.
L'approche communicative adoptée par l'entourage du natif de Bambali suscite de nombreuses interrogations. Si les présomptions sont avérées, elles revêtent une gravité considérable. En réponse, le Bayern Munich a publié un communiqué sur son site officiel pour réfuter ces accusations.
Plusieurs observateurs du monde footballistique, dont moi-même, se sont posés des questions sur le contexte et le calendrier de ces révélations. Pourquoi ces déclarations interviennent-elles précisément après le départ de Mané de la Bavière ? De plus, suite à l'incident présumé avec Leroy Sané, pourquoi l'entourage de Mané est-il resté silencieux ? Son conseiller, ayant accès à divers moyens de communication (presse écrite, télévision, etc.), aurait pu exprimer et défendre le point de vue de Sadio Mané, à l'instar de nombreux agents et conseillers reconnus dans le milieu.
Ce mode opératoire, qui semble insinuer une forme de victimisation, n'est pas sans rappeler d'autres incidents. Lorsque les performances de Sadio Mané à Liverpool ont fléchi, des rumeurs ont circulé, insinuant que Salah et Klopp seraient racistes. Des allusions similaires ont également été évoquées lors de la victoire de Messi au Ballon d'or.
Il semble crucial que l'entourage de Sadio Mané adopte une approche objective pour évaluer les performances récentes du joueur. Le Bayern Munich, qui est actuellement la cible d'accusations, est le même club qui a proposé un contrat d'une ampleur exceptionnelle au double Ballon d'Or africain, une première pour un joueur africain en Allemagne. L'accueil chaleureux que le club a réservé à Mané lors de sa présentation officielle à l'Allianz Arena en atteste.
Il est compréhensible que le Bayern exprime des préoccupations lorsque les rendements d'un de ses joueurs les mieux rémunérés ne correspondent pas aux attentes établies. Remplacer un joueur du calibre de Lewandowski et marquer plus de 25 buts dans une saison est, certes, une tâche ardue. La blessure qu'a subie Mané la dernière saison pourrait expliquer certaines de ses performances en deçà des attentes, ce qui a probablement conduit à son statut de remplacement vers la fin du championnat.
Le rôle des conseillers est également crucial en période de crise. Il est étonnant de constater que l'entourage de Mané s'exprime principalement lors de la finalisation de contrats lucratifs, plutôt que dans les moments de défi et d'adversité. Il est impératif pour ces conseillers de comprendre qu'ils sont rémunérés pour un soutien continu, et pas uniquement lors des temps forts.
Bassirou Sakho est Conseiller sportif, Londres.
par l'éditorialiste de seneplus, félix atchadé
PROPOS SUR LE TERRORISME ET LES IDIOTS UTILES DE L’OPPRESSION
EXCLUSIF SENEPLUS - En érigeant le drame de Yarakh en équivalant des actions djihadistes ou terroristes, le pouvoir crée un contexte idéologique aux conséquences dramatiques pour les libertés publiques et le sort des militants et cadres du Pastef
Félix Atchadé de SenePlus |
Publication 10/08/2023
L’attaque tragique au cocktail Molotov d’un bus du réseau de transport AFTU (deux morts et cinq blessés), le mardi 1er août 2023, à Yarakh, quartier de la commune Hann-Bel Air de Dakar a donné l’occasion au ministre de l’Intérieur Félix Antoine Diome d’appliquer la règle qu’il s’est fixée. Il a outrepassé ses fonctions et tenu en haleine les médias par un discours ampoulé. Après le F. Antoine Diome médecin légiste à Ngor, à Yarakh il est Procureur de la République de Dakar. Les xamb lebous n’y sont pour rien, c’est son style, sa personnalité qui font qu’il s’est autoproclamé maître des poursuites de la région de Dakar, et a parlé « d’attentat terroriste » alors qu’il n’y avait pas encore eu d’enquête et par conséquent pas de résultats de celle-ci ! L’affirmation de F. Antoine Diome était une manœuvre de basse politique politicienne de plus, s’inscrivant dans la stratégie gouvernementale qui remontent à fin du premier semestre 2021 et qui vise à criminaliser les actes d’opposition.
Les lois scélérates du 25 juin 2021
De nouveaux dispositifs législatifs sur le terrorisme ont été adoptés le 25 juin 2021. Le président de la République avait convoqué l’Assemblée nationale, dix jours avant, pour discuter et adopter en procédure d’urgence deux projets de loi modifiant le Code pénal et le Code de procédure pénale qui constituent la base l’arsenal juridique sur le thème.
Ces lois définissent les « actes terroristes » comme ceux susceptibles de « troubler gravement l’ordre public », « l’association de malfaiteurs » et « les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication », etc. La peine encourue en cas de condamnation peut aller jusqu’à la prison à vie. Comme on peut le constater, cette définition vague et tautologique est la voie ouverte à la criminalisation des activités politiques, la liberté d’association et de réunion. Selon ces lois, le fait « d’inciter à la commission d’un acte terroriste » est une infraction pénale. Bien évidemment, les lois ni aucun autre texte ne viennent définir la notion « d’incitation ». C’est sur la base de ces lois scélérates qu’Outhmane Diagne et Kara Mbodj ont été privés de liberté pendant plusieurs pour émoticônes. Ces dispositions liberticides et antidémocratiques font des dirigeants d’associations, de syndicats ou de partis politiques pénalement responsables des « délits commis » par leurs organisations ! Les textes donnent à l’appareil sécuritaire le droit d’effectuer la surveillance d’un « suspect de terrorisme » sans demander l’autorisation d’un juge.
Des dispositions de la loi donnent une grande marge de manœuvre au pouvoir à travers le parquet de qualifier d’acte terroriste la participation à un mouvement insurrectionnel, la destruction de biens, les violences ou les agressions commises contre des personnes lors de rassemblements.
Du terrorisme et du terrorisme au Sénégal
Même s’il est en « isme » comme le libéralisme, le communisme, etc., le mot terrorisme n’est pas une idéologie. Nul, y compris ceux qui l’utilisent comme instrument politique, ne veut instaurer un ordre terroriste. Si l’on s’en tient à l’étymologie, le mot vient du latin classique terror qui veut dire effroi, épouvante. Le Robert 2011, dix ans après le début de « la guerre contre le terrorisme », le définit comme « l’emploi systématique de la violence pour atteindre un but politique. » En prenant en compte la longue histoire, on peut même dire que c’est une expression relativement nouvelle. C’est dans l’édition 1798 du dictionnaire de l’Académie française qu’on retrouve pour la première fois le mot. Il est aisé d’en déduire qu’il a un lien avec la Révolution française.
Pour s’en tenir aux faits, au constat de son acception médiatique, on peut définir le terrorisme comme un ensemble d’actions opérées par des organisations politiques, des groupuscules, des réseaux criminels en tant que moyens de perturber l’ordre politique établi ou d’asseoir une domination sur un territoire donné. Si l’on procède par cette approche, on peut affirmer que dans le passé notre pays a connu des actes terroristes. Au cours des trente dernières années, il y en a eu un certain nombre. En 1988-1989, des groupuscules issus de la jeunesse urbaine, dakaroise en particulier, avaient perpétré des attentats à la voiture piégée et essayée de s’attaquer au système d’approvisionnement en eau de la capitale. Ces groupes s’étaient formés à la suite de la victoire, usurpée à leurs yeux, du président Abdou Diouf à l’élection présidentielle de 1988. Le Mouvement démocratique des forces de Casamance (MFDC) au cours des années 1990 et 2000 en plus des actions de guérilla, a commis des attentats terroristes notamment au Cap Skirring en 1992, et contre des personnalités : un haut fonctionnaire à Oussouye, et dans le Bignona contre Omar Lamine Badji, président du Conseil régional de Ziguinchor au moment de son assassinat. L’attentat d’Oussouye avait été un traumatisme pour les populations, mais avait atteint également l’État. À la messe d’inhumation de ce haut fonctionnaire, il n’y avait aucun représentant de celui-ci.
L’armée de réserve de l’État policier et d’exception
Les affirmations à l’emporte-pièce du ministre de l’Intérieur ont précipité la sortie du bois de l’armée de réserve de la coalition des forces conservatrices, antipopulaires et soumises aux intérêts des puissances impérialistes et des multinationales. Celle qui contrôle le pouvoir et l’État. Par des raisonnements tortueux et des concessions ahurissantes à l’immoralité, leurs hérauts ont érigé le drame de Yarakh en équivalant des actions menées par les groupes insurgés djihadistes ou terroristes du Soum, du Liptako Gourma ou du Macina. Le procédé pour méprisable qu’il est ne peut être ignoré. Il crée un contexte idéologique aux conséquences dramatiques pour les libertés publiques et le sort des centaines de militants et cadres du Pastef. Il permet également de remettre en cause le suffrage universel, en privant les citoyens des édiles qu’ils se sont librement choisis. Ces derniers jours, les maires Maïmouna Diéye, Djamil Sané ont été embastillés sur les chefs d’inculpation « d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, organisation d’un mouvement insurrectionnel, actes ou manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique ou à causer des troubles politiques graves, provocation directe d’un attroupement armé ». Tous ceux qui sont impliqués dans ces procédures savent, pour parler comme l’autre, que « jusqu’à l’extinction du soleil » aucune preuve ne sera apportée pour étayer ces lourdes charges. Rien ne sera fait pour cela, le but étant atteint avec la mise hors de leurs mairies de ces élus.
Que Macky Sall et son appareil répressif se le tiennent pour dit : les arguties juridiques et les manipulations subséquentes des institutions n’y pourront rien. Il trouvera sur son chemin des militants armés de l’éthique de conviction qui s’approprient les mots du philosophe et poète américain Henry David Thoreau (1817-1862) : « nous sommes des hommes avant d’être des sujets ».
Par Me Cheikh Khoureysi BA
«SONKO, LA RESISTANCE D’UN HOMME DEBOUT»
Le président #OusmaneSONKO que nous venons juste de visiter avec Mes Ousseynou FALL et Babacar NDIAYE au Pavillon Teranga de l’Hôpital Principal de Dakar nous a reçus malgré son état de grande fatigue et sa santé précaire qui se dégrade visiblement
Le président #OusmaneSONKO que nous venons juste de visiter avec Mes Ousseynou FALL et Babacar NDIAYE au Pavillon Teranga de l’Hôpital Principal de Dakar nous a reçus malgré son état de grande fatigue et sa santé précaire qui se dégrade visiblement de jour en jour. Néanmoins, en dépit de nos suppliques, en écho aux nombreuses prières qui lui sont adressées, il reste infrangible dans sa détermination à aller jusqu’au bout de sa diète.
Il en a profité pour nous demander de remercier en son nom les hommes et femmes de foi et de bonne volonté d’ici et d’ailleurs pour leurs invitations pressantes à mettre un terme à cette grève de la faim qu’il a décrétée bien malgré lui et qui en est à son 11ème jour.
Tout en comprenant la vive préoccupation des uns et des autres et en faisant siens leurs arguments en faveur de la sauvegarde de sa santé, le bien le plus précieux de l’homme, Monsieur #Ousmane SONKO reste cramponné à sa posture originelle d’acteur politique de premier plan qui a opté en parfaite connaissance de cause pour un combat sans concession contre un système oppresseur d’une singulière cruauté autocentré sur sa liquidation totale.
Dans cette perspective il est aisé de constater et de comprendre que les appels à la cessation de la grève de la faim d’une figure politique aussi persécutée ne peuvent avoir un écho favorable, ce d’autant moins que bon nombre de ces appels originent d’acteurs qui pour la plupart n’ont aucune prise réelle sur les comportements absolutistes et les errements d’adversaires usant et abusant avec une violence extrême de leur position de pouvoir.
Aussi, sur un autre plan, même s’il partage la ferme motivation de ses dignes compagnons d’infortune, également décidés à ne pas faire droit à sa propre requête aux fins d’arrêter leurs mouvements de grève de la faim, il s’adresse à leur fibre patriotique ainsi qu’au sens de la discipline qui ne leur a jamais fait défaut pour qu’ils considèrent cette invite comme un ordre solennel qu’il se croit fondé du pouvoir de leur donner en ces moments importants de la lutte qu’ils mènent ensemble.
C’est l’attitude que l’on est en droit d’attendre d’un Chef. Il reste aux troupes, vaillantes victimes d’un système répressif tous azimuts, à œuvrer dans le sens attendu d’elles. Leur bravoure n’est plus à démontrer dès lors qu’elles ont accepté sans rechigner de défier la faim et la soif dans ces mouroirs à ciel ouvert que sont devenus les univers carcéraux de notre pays. C’est la plus belle preuve d’attachement à sa personne, à la cause patriotique et au Projet.
OUSMANE SONKO attache de ce fait un grand prix au respect de cette consigne. Nul ne peut ou ne doit lui dénier le droit du leader qu’il est de diriger le combat en payant de sa personne, en prêchant par l’exemple.
par Abdou Karim Fofana
LA DÉRIVE DU JOURNAL LE MONDE
Le Sénégal, pour préserver son modèle démocratique, ne laissera pas prospérer les tentatives de déstabilisation menées par des extrémistes soutenus de l’extérieur, que ces soutiens soient des intérêts privés, des mouvements politiques ou des médias
Le quotidien français Le Monde relève un « raidissement » de l’Etat du Sénégal dans un éditorial intitulé « La dérive du Sénégal, nouvelle source d’inquiétude pour l’Afrique de l’Ouest ». Il y est question de la dissolution du parti d’Ousmane Sonko et de ses démêlés avec la justice dont le texte s’épanche sur les conséquences supposées sans s’arrêter sur les causes.
Pour n’avoir pas poussé la rigueur journalistique jusqu’à offrir à ses lecteurs un réel aperçu des actes et du discours ayant conduit M. Sonko et son ex-parti à cette situation, nous apportons au Monde quelques faits par souci de délivrer la bonne information.
Entre mars 2021 et juin 2023, Ousmane Sonko a, entre autres, appelé des jeunes à aller déloger le Président de la République ; demandé à ses partisans, par la violence, je le cite : « d’en finir avec Macky Sall » et de le traiter « comme Samuel Doe » (ancien président libérien trainé par des putschistes dans la rue jusque sur une place publique, torturé et découpé en morceaux) en précisant que les jeunes sont bien entrainés et, dotés d’armes, chacun d’entre eux pourra mener à bien ce projet ; demandé encore à ses partisans de donner leur vie face aux forces de l’ordre dans ce qu’il appelle, avec des accents de gourou religieux, un Jihad ; appelé l’armée à, je le cite toujours, « prendre ses responsabilités », appel que son ex-parti réitèrera dans un communiqué daté du 1er juin 2023 exhortant au coup d’Etat.
Ces paroles ont été accompagnées d’actes menés par des bandes armées et organisées s’adonnant à des casses, des pillages de commerces, de banques et ciblant des infrastructures névralgiques telles que des transports, des centrales électriques, des usines de distribution d’eau dans le but de paralyser l’activité économique du pays et installer le chaos.
La dernière action en date liée à ces appels à la violence et à cette constitution de bandes organisées est l’attentat perpétré, le mardi 1er août dernier, contre un bus de transport en commun qui a fait deux morts et de nombreux blessés.
Conformément aux lois sénégalaises, plusieurs dossiers liés à ces violences ayant pour dénominateur commun des responsables et militants du parti dissous sont pendants devant la justice. En tant que principal instigateur de ces violences, Ousmane Sonko a été inculpé et placé sous mandat de dépôt.
L’ex-parti de M. Sonko, avant sa dissolution, avait, à travers ses dirigeants et instances, fréquemment appelé à des mouvements insurrectionnels ayant entrainé des pertes en vies humaines, de nombreux blessés ainsi que des actes de saccage et pillage de biens publics et privés. Ces actes ont constitué un sérieux et permanent manquement aux obligations des partis politiques figurant à l’article 4 de notre Constitution et à l’article 4 de la loi n°81-17 du 06 mai 1981 modifiée par la loi n° 89-36 du 12 octobre 1989.
Aucun pays démocratique ne peut accepter de tels manquements. Un ancien président américain est, par exemple, poursuivi actuellement pour avoir demandé à ses partisans d’envahir le siège d’une institution. En France, la dissolution de l’organisation Les Soulèvements de la Terre pour appel à l’insurrection et violences contre la Police est à l’ordre du jour sans que Le Monde ne pense à remettre en cause le régime démocratique français.
Le jour même de la publication de son éditorial dénonçant la dissolution d’une organisation au Sénégal pour violation de nos lois, le site internet du journal Le Monde, pas à une incohérence prés, se contentait d’annoncer que le ministre de l’Intérieur français a activé ses services pour la dissolution d’un mouvement dénommé Civitas. La raison de cette action se trouve dans des propos tenus lors de l’université d’été de cette organisation et qui sont de nature à inciter à la haine et à compromettre le vivre ensemble entre communautés.
En démocratie la violence, l’invective permanente et l’incitation à la haine ne sont pas acceptables. S’attaquer aux institutions, aux forces de défense et de sécurité, aux juges, aux régulateurs sociaux est inadmissible. Car c’est s’attaquer à ce commun vouloir de vie commune qui nous a été légué et que nous avons le devoir de préserver.
Depuis son avènement, l’Etat du Sénégal n’a pas connu de coup d’Etat. Ceux qui veulent le déstabiliser, sachant le succès de ce procédé qui réussit dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest impossible chez nous, tentent de s’appuyer sur des mouvements aux apparences démocratiques. Ces derniers s’attèlent à cette déstabilisation par la promotion de valeurs antirépublicaines. Qu’une partie des médias français s’en fasse l’écho pour remettre en cause les modèles démocratiques ouest-africains appelle chez nous une plus grande vigilance à leur égard.
L’Etat du Sénégal, pour préserver la supériorité de son modèle démocratique, ne laissera pas prospérer les tentatives de déstabilisation menées par des extrémistes soutenus de l’extérieur, que ces soutiens soient des intérêts privés économiques, des mouvements politiques ou des médias cachant mal des objectifs inavoués derrière une amputation de la bonne information à dessein.
Abdou Karim Fofana est ministre du Commerce, de la Consommation et des PME et Porte-parole du Gouvernement du Sénégal.
par Bosse Ndoye
LA CEDEAO, LE NOUVEAU GROUPE DE BRAZZAVILLE ?
Si la France insiste et persiste pour faire intervenir militairement ses laquais de la CEDEAO, c’est pour la défense ses intérêts
Devenu le groupe de Monrovia en mai 1961 - avec des États membres plus hétéroclites -, le groupe de Brazzaville était essentiellement composé d’anciennes colonies françaises au moment de sa naissance, dans la capitale congolaise, en décembre 1960, au milieu d’une Afrique où le soleil des indépendances venait à peine de se lever sur nombre de pays. Selon la juriste haïtienne, Mirlande Hyppolite: « Pour beaucoup d’observateurs, il (le groupe de Brazzaville) demeure l’ensemble des États qui, entre 1960-1962, se sont prononcés en faveur de la France lors de la discussion de l’affaire algérienne, ou qui se sont opposés à la majorité des États africains sur le problème congolais[1].» En choisissant ainsi de se ranger en bloc, et ouvertement du côté de l’oppresseur, du (néo)colon, il fait penser, à bien des égards, à la CEDEAO qui, instrumentalisée ces dernières années par des puissances occidentales, notamment la France, a pris des décisions iniques allant dans le sens de leurs intérêts, au grand dam des peuples du Mali, du Burkina Faso, de la Guinée et actuellement du Niger contre lesquels elles ont été et sont encore appliquées
Il suffit juste de rappeler certains des principaux points du discours inaugural du roi Mohammed V, tenu à Casablanca le 6 janvier 1961, lors de la conférence qui devait donner naissance au groupe – composé du Maroc, du Mali, de la Guinée Conakry, de la Libye de l’Égypte, du Ghana et du GPRA - qui allait porter le nom de cette ville marocaine pour s’apercevoir que l’unité africaine totale, la défense du continent par des forces africaines et la volonté de libération des peuples encore sous le joug du (néo) colonialisme qui animaient ce groupe étaient loin de plusieurs des positions prises par celui de Brazzaville. En voici quelques-uns : lutte contre le néocolonialismesous tous ses aspects et dénonciation de ses nouvelles méthodes de mystification; consolidation et défense de l’indépendance des États africains libérés; édification de l’unité africaine; évacuation de toutes les forces d’occupation en Afrique ; opposition à toute ingérence étrangère dans les affaires africaines; action pour la consolidation de la paix dans le monde[2]. Pendant ce temps, sous la houlette d’Houphouët Bobigny, que Frantz Fanon surnommait le commis-voyageur du colonialisme français[3] - le groupe de Brazzaville votait contre le plan Kennedy lors de la XVe Assemblée générale des nations unies, lequel prévoyait de confier la gestion de la crise algérienne[4] à l’ONU. Lors de la crise congolaise, juste quelque temps après la déclaration d’indépendance du pays, alors que le groupe de Casablanca soutenait le gouvernement lumumbiste du vice-président Antoine Gizenza installé à Stanleyville, celui de Brazzaville supportait le gouvernement du président Kasa-Vubu à Léopoldville (actuel Kinshasa), lequel était appuyé par les puissances (néo)coloniales – France, Belgique et États-Unis -, qui avaient encouragé, voire fomenté la sécession du pays pour préserver, dans un contexte de guerre froide très marquée, leurs intérêts financiers et géostratégiques dans le pays.
En ces temps de tiraillements très tendus entre partisans d’un monde multipolaire et ceux d’une hégémonie occidentale éternelle, la CEDEAO est instrumentalisée par la France, qui l’a poussée à prendre nombre de décisions injustes et illégales pour faire plier des pays qu’elle accuse d’avoir commis un crime de lèse-majesté en voulant se dépêtrer de son emprise pour sortir de sa zone d’influence. Dans le cas du Mali – où les sanctions prises à la suite des 2 coups d’État ont été les plus sévères, certainement pour faire peur aux anciennes colonies françaises de la sous-région qui seraient tentées de lui emboîter le pas - elle a outrepassé ses prérogatives en allant jusqu’à ordonner le gel des avoirs du pays dans les banques centrales et commerciales (de la CEDEAO). Elle avait aussi ordonné la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays membres de la CEDEAO et le Mali et suspendu toutes les aides financières de ses institutions financières. Mais le peuple malien a fait stoïquement face à toutes ces décisions. Des sanctions avaient été aussi prises contre la Guinée Conakry et le Burkina Faso à la suite des coups d’État survenus dans ces 2 pays. Mais elles étaient plus souples que celles infligées au Mali. La nouveauté dans le cas du Niger, après le putsch du 26 juillet dernier, est que, outre la batterie de sanctions habituelles, la CEDEAO, poussée encore et toujours très fortement par la France, qui n’a plus besoin de porter de masque pour agir, a brandi cette fois-ci la menace d’une intervention militaire pour réinstaller le président Bazoum, l’homme de Paris. Après l’expiration ultimatum donné au Niger, tout le monde reste dans l’incertitude totale, même si solution pacifique semble privilégiée pour le moment.
La Nigéria, qui a quasiment la même population que le Niger, partage 1 500 Km de frontière avec ce pays. Pour autant, sous l’influence de Paris, il est très vite allé en besogne en déconnectant rapidement la ligne de haute tension qui transporte l'électricité au Niger. Cette décision est pour le moins ubuesque. Qui eût cru que ce pays, qui avait interrompu ses relations diplomatiques avec la France entre 1961 et 1966, à cause des essais nucléaires que cette dernière menait dans le désert algérien serait capable d’un tel acte pour les beaux yeux de la France. L’histoire regorge hélas d’ironies, et au pays du président Tinubu, ses leçons ne semblent pas être très bien retenues. C’est pourquoi il convient bien de rappeler le rôle que le pays du président Macron a joué dans la guerre du Biafra, qui a causé près d’un million de morts sinon plus selon certaines estimations. Le général de Gaulle disait que : « Le morcèlement du Nigéria est souhaitable et si le Biafra réussit, ce ne sera pas une mauvaise chose[5]. » Ses propos ont été suivis d’actes concrets sur le terrain : « 384 millions de dollars en équipements militaires ont été fournis par Paris…par un pont aérien, qui avait atteint parfois 450 vols par mois[6]. Le soutien était aussi financier : 500 00 livres sterling fournis par la compagnie ELF. L’Hexagone avait choisi de plonger ses mains dans le cambouis juste pour défendre ses intérêts stratégiques en voulant démanteler un grand pays anglophone gênant au milieu d’anciennes colonies francophones encore soumises: « La crise du Nigeria, que l’histoire a situé au cœur de l’ensemble colonial français, ne pouvait pas laisser la France indifférente : quatre États francophones entourent la fédération et l’on trouve d’importantes minorités Yorubas au Dahomey, Haoussas au Niger, Ibos au Cameroun oriental[7]. » D’aucuns disent que l’or noir qui avait été découvert en grande quantité au Biafra faisait aussi partie des visées inavouées. La situation n’est pas différente de ce qui se passe actuellement au Niger. Si la France fait des pieds et des mains et adopte une attitude arrogante et belliqueuse, tout en essayant de pousser la CEDEAO à la guerre, laquelle ne ferait que des victimes africaines, c’est entre autres pour maintenir ses soldats chassés du Mali dans le pays et surtout continuer de bénéficier encore et toujours du prix avantageux qu’elle paie pour acheter l’uranium nigérien. Par conséquent, elle est prête à tout pour faire réinstaller son homme au pouvoir, dût-elle pousser à faire semer le chaos dans la région comme elle l’avait fait en Lybie. Rappeler ces faits historiques n’est pas synonyme pour autant d’absoudre les coups d’État qui profilèrent dans cette zone de l’Afrique. Loin s’en faut. Toutefois, la question que l’on devrait aussi se poser est de savoir pourquoi ces coups d’État sont toujours bien accueillis par les peuples. D’autant que les scènes de liesses auxquelles ils donnent lieu en disent long sur la nature des régimes renversés. De plus, dans beaucoup de pays africains, les populations n’ont pas la possibilité de porter aux sommets des États les personnes de leur choix à travers des élections (transparentes et démocratiques), parce que celles-ci sont souvent soit truquées soit pilotées de l’extérieur ou les deux à la fois.
Pour gagner en crédibilité et pour être plus cohérents avec eux-mêmes, les chefs d’État de la CEDEAO doivent appliquer les mêmes sanctions à tous ses pays membres en cas de coup d’État. Celles mises en œuvre au Mali et au Niger ne devraient pas différer de celles appliquées en Guinée Conakry. Qui plus est, les coups d’État constitutionnels doivent être punis aussi sévèrement que les coups d’État militaires. Ces dirigeants devraient surtout être souverains et responsables, en agissant de leur propre chef et en toute conscience plutôt que d’être les pantins aux mains de puissances occidentales qui les manipulent au gré de leurs intérêts. C’est trop facile d’accuser toujours les autres comme étant la cause de ses échecs et de ses malheurs tout en oubliant de se remettre en question à travers une autocritique sans complaisance.
En définitive, il serait bon de rappeler ces propos de Frantz Fanon, qui avait déjà tiré la sonnette d’alarme à la suite de l’assassinat de Lumumba : « Les Africains devront se souvenir de cette leçon. Si une aide extérieure nous est nécessaire, appelons nos amis. Eux seuls peuvent réellement et totalement nous aider à réaliser nos objectifs, parce que, précisément, l’amitié qui nous lie à eux est une amitié de combat[8]. » Si la France insiste et persiste pour faire intervenir militairement ses laquais de la CEDEAO, c’est pour la défense ses intérêts. L’esclavage, la colonisation, les assassinats ciblés des leaders indépendantistes, les coups d’État soutenus après les indépendances, les ingérences répétées, la guerre au Rwanda, en Lybie et en Côte d’Ivoire prouvent s’il en était besoin que la France est loin d’être l’amie de l’Afrique en général et de ses anciennes colonies en particulier. Pas plus que les Américains – dont les actions sont plus discrètes dans la situation actuelle - et les autres puissances occidentales parce qu’il n’existe pas d’amitiés en matière de relations internationales. Les États sont juste mus par leurs intérêts. Donc, toute personne sensée doit savoir que les intérêts d’un pays étranger ne valent aucune vie africaine a fortiori une guerre fratricide qui causerait plusieurs centaines de victimes et de refugiés. Ils ne valent pas non plus l’éclatement de CEDEAO, qui pourrait se voir quitter par le Mali et le Burkina Faso, s’ils mettaient leurs menaces à exécution en cas de conflit. Les crises au Mali, au Burkina Faso, au Niger et les cafouillages notés au niveau de la CEDEAO montrent encore une fois que nos pays sont unis par une communauté de destins sur le plan sécuritaire et économique, et que tant qu’ils seront désunis, ils resteront les proies faciles des puissances cyniques et sans scrupule. La France est en déclin en Afrique, et la tendance, sauf miracle, est irréversible. Et l’histoire a enseigné que les puissances et les classes dominantes en déclin peuvent être très dangereuses. Ayant compris cela, Aimé Césaire, dans le Discours sur le colonialisme, nous avait déjà mis en garde : « C'est une loi implacable que toute classe décadente se voit transformée en réceptacle où affluent toutes les eaux sales de l'histoire; que c'est une loi universelle que toute classe, avant de disparaître, doit préalablement se déshonorer complètement, omnilatéralement et que c'est la tête enfouie sous le fumier que les sociétés moribondes poussent leur chant de cygne[9]."
[1] Mirlande Hyppolite, citée pat Saïd Bouamama, Pour un panafricanisme révolutionnaire, pistes pour une espérance politique, continentale, p. 152
[2] Manuel stratégique de l’Afrique, Saïd Bouamama, tome 2 p.127
[3] Pour la révolution africaine, Frantz Fanon, p.135
[4] « Big brother » ou la géopolitique africaine d’Houphouët Boigny, tiré de L’empire qui ne veut pas mourir ’(œuvre collecte sous la direction de Thomas Borrel, Amzat Boukari-Yabara, Benoit Collombat, Thomas Deltombe), p. 303
[5] Foccart Parle, entretiens avec Philippe Gaillard 1, p. 342.
[7] Pour un panafricanisme révolutionnaire, pistes pour une expérience politique continentale, tiré de la rue française Défense nationale, cité par Saïd Bouamama, p.136
[8] Pour la révolution africaine, Frantz Fanon, p.217
[9] Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, p.54
par Ibrahima Silla
NI DAMNÉS DE LA TERRE, NI CONDAMNÉS DU CIEL
Les boulevards de l’émancipation sont ouverts à nos pays qui semblent refuser de les emprunter du fait de la plupart de ses dirigeants qui, par la mal-présidence, maintiennent notre continent si riche dans la précarité, la vulnérabilité
Les « damnés de la terre » ne seraient-ils en fin de compte que les « condamnés du ciel » ? Au rythme où s’estompent terriblement en Afrique nos élans vers le progrès et la prospérité, la paix et la sécurité, la stabilité et l’espoir du fait de la mal-présidence, tout semble devoir nous inciter à la tentation d’adhérer à un tel fatalisme. Une triste et révoltante observation assidue de la politique en Afrique ne devrait pourtant pas nous conduire à cautionner cet imaginaire d’une fatalité destinale macabre et irréversible. Cette présomption fataliste est à déconstruire ; tout autant que les gouvernements néocoloniaux transformés, en fonction des objectifs occidentaux ou orientaux d’exploitation de l’Afrique, en « mercenaires » et artisans maudits de leur propre misère, déstabilisation et destruction politique.
Laissez Dieu tranquille ! Il n’y est pour rien dans cet entêtement conflictuel, contreproductif et suicidaire qui voit aujourd’hui le pire prendre une dimension régionale voire continentale du fait d’une mauvaise lecture de la géopolitique mondiale. Ni le ciel ni la terre ne sont en cause dans cette « cartographie du tragique », mais bien les hommes qui se prennent pour des institutions, sans être à la hauteur de celles-ci qu’ils sont censés incarner, conformément aux principes républicains et idéaux démocratiques constitutionnellement établis. C’est une évidence : de mauvais chefs, c’est tout ce qu’il faut pour rendre un continent malheureux. De mauvais citoyens aussi, après tout ; car leur tolérance, leur indifférence et leur allégeance face au nuisible balisent la voie à ce qui semble ressembler à une « misère à perpétuité ». Heureusement que certains civils ou militaires continuent à revendiquer et manifester leur droit et leur devoir de résistance.
L’Afrique n’est ni damnée ni condamnée à subir une fatalité irrévocable et irréversible l’enfermant dans un destin ou une spirale du pire multirécidiviste à perpétuité. Les hommes, les femmes et les jeunes qui la peuplent sont fatigués d’être fatigués. Le risque d’embraser le continent, de sacrifier sa jeunesse, d’hypothéquer une fois de plus son avenir est immense. Mais on a l’impression que certains de ces « squatters obstinés du pouvoir » cherchent à placer leur pays dans une situation de guerre, ce qui leur permettrait d’invoquer une « situation d’exception » non propice à la tenue de toute élection présidentielle.
Vouloir faire du Niger « l’agneau du sacrifice » n’est ni politiquement raisonnable ni tactiquement intelligent. Ce n’est pas en cherchant à déstabiliser le Niger, le Mali, le Burkina Faso et la Guinée qu’on obtiendra la paix, la sécurité, le progrès et la prospérité en Afrique de l’Ouest. Aucun îlot de paix, de sécurité et de stabilité ne pourrait voir le jour dans cet océan de désordre qui inondera l’Ouest du continent d’abord, avant de s’étendre partout ailleurs. Le réalisme conduit souvent à la realpolitik et donc vers le pire qui cautionne l’idée chère à Vattel qui disait : « Un canon bien chargé est beaucoup plus efficace qu’un document de droit ». Il a tort. La diplomatie est bien souvent l’oxygène qui permet de donner un nouveau souffle à la négociation et à la construction de la paix.
Les Européens comme les Américains, parfaitement conscients de l’impact que pourrait avoir pour la paix et la sécurité mondiales une attaque contre la Russie, en dépit de ce qu’ils qualifient comme une « violation du droit international » de sa part, à partir d’une « agression contre un État souverain », ont fait preuve, malgré tout, d’une retenue salvatrice pour toute l’humanité au regard du nucléaire en jeu. A l’inverse, en Afrique, certains chefs d’État, prenant non seulement le contrepied de la grande majorité de leur opinion publique nationale hostile à toute manipulation de l’Occident, mais surtout défiant toute raison géopolitique et toute rationalité géostratégique, entendent mener une guerre contre le Niger et par conséquent ses alliés africains soutenus, par ailleurs, par une Russie qui envisage ni plus ni moins de « briser l’occident via l’Afrique ». Ces « mercenaires serviles » du chaos contre eux-mêmes ne semblent pas avoir beaucoup réfléchi sur la « géopolitique des vulnérabilités ». La géopolitique ce n’est pas une affaire de virilité militaire ou de caprice présidentiel, mais bien une question de stratégie subtile portée par une finesse d’esprit savamment élaborée par une expertise avérée qui permet de voir juste et loin.
Libres de tout esclavagisme involontaire et de toute soumission coloniale imposée, les boulevards de l’émancipation sont en réalité ouverts à nos pays qui semblent refuser de les emprunter, non pas du fait des peuples résolus de ne plus servir et d’être asservis contre leur volonté, mais exclusivement du fait de la plupart de ses dirigeants qui, par la mal-présidence dans laquelle ils excellent, maintiennent notre continent si riche en potentialités dans la précarité, la misère, l’insécurité et la vulnérabilité. Mesurent-ils ce qu’ils envisagent de faire au Niger, oubliant ce qu’ils devraient commencer à entreprendre dans leurs pays respectifs dans les domaines politiques, démocratiques, juridiques, économiques, culturels, médiatiques, écologiques, humains… ces immenses chantiers post-matérialistes qui devraient les préoccuper plus que tout, au regard des profondes blessures du continent dont ils sont souvent les indignes maîtres d’œuvre ?
Le temps de l’Afrique sans cesse annoncée semble être coincé dans un contretemps macabre conduisant certains de ces chefs d’État à s’inscrire dans ce que j’avais appelé la « diplomatie du ventre » publié dans un autre article intitulé « la diplomatie de l’indignation n’effacera pas la politique de l’humiliation » (janvier 2018) les conduisant à aller quémander une rencontre et une photo officielle avec l’ancien président américain Donald Trump qui venait de les traiter de « pays de merde ». Aujourd’hui, ils cherchent à pratiquer la « géopolitique du mandat », quitte à replonger une fois de plus le continent dans une instabilité dévastatrice sans issue – pour ne pas dire dans la merde – à la merci des « à-lier d’Occident » et des « aliénés d’Orient ». Il faut savoir être son propre allié. Y arriveront-ils un jour ?
par Mouhamadou Moustapha Mbengue
POUR UNE DÉMOCRATIE DIRECTE AU SÉNÉGAL
Le meilleur modèle de démocratie ne se situe ni dans le présidentialisme, ni dans le parlementarisme, pour le pays
Le Sénégal est un pays qui représente, depuis longtemps, un phare de la démocratie en Afrique puisque votant dès 1833, Saint-Louis et Gorée pourvoyant leur premier siège de député au Parlement français en 1848. Après une participation continue de ses ressortissants à la politique française, notamment avec l’élection de Blaise Diagne comme premier député noir à l’Assemblée française en 1914, la concurrence de 7 partis entre 1918 et 1945, la loi-cadre Gaston Deferre votée en 1956 par l’Assemblée nationale française acte le processus d’autonomisation des colonies ouest-africaines menant à l’indépendance complète de celles-ci.
Le 20 août 1960, le Sénégal vote son indépendance de la tutelle française, puis élit son premier gouvernement à travers l’UPS issu du Bloc démocratique sénégalais, qui gouverne jusqu’en 1962, date du renversement du président du Conseil, Mamadou Dia, par une motion de censure consécutive à un différend avec le Président Senghor.
D’un régime parlementaire, le pays bascule dans un présidentialisme exacerbé par une limitation des partis politiques en 1978 jusqu’au multipartisme intégral en 1981 sous l’impulsion du Président Diouf.
L’alternance politique acquise en 2000 avec l’élection d’Abdoulaye Wade à la succession de Diouf ne s’obtient qu’au prix de luttes et sacrifices humains très lourds ayant occasionné de nombreuses morts et disparitions d’hommes et femmes politiques ainsi que de purs militants et combattants de la démocratie.
Le président Wade exerce, à son tour, un leadership autoritaire jusqu’en 2012, date où il perd l’élection l’opposant à Macky Sall le 26 février, qui, à son tour, est accusé d’autoritarisme par l’opinion sénégalaise.
En effet, les emprisonnements d’opposants et journalistes de premier plan comme Karim Wade (PDS), Khalifa Sall (PS), Ousmane Sonko (Pastef) et Pape Alé Niang (chroniqueur de la presse) se multiplient durant les deux mandats de ce dernier (2012 – 2019 et 2019 – 2024) alors que plusieurs de ses partisans sont accusés d’actes de détournement, de malversations, fraudes ou encore blanchiment, et qu’un grand nombre de mobilisations citoyennes sont interdites ou réprimées. Cette situation mène à penser que les libertés ont été réduites par les gouvernements successifs de Macky Sall, dont la gouvernance autoritaire est dénoncée par beaucoup d’observateurs de la vie politique sénégalaise, alors qu’il avait été élu sur le thème de la rupture avec un système précédent similaire.
Cette analyse nous fait croire que le meilleur modèle de démocratie ne se situe ni dans le présidentialisme, ni dans le parlementarisme, pour le Sénégal, les deux modèles ayant été expérimentés sans succès réel.
Si nous regardons autour du pays, les mêmes situations d’impasse caractérisent la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne, qui ont hérité de systèmes politiques européens après les indépendances.
C’est pourquoi nous pensons que ceux-ci doivent puiser dans le génie civilisationnel qui est le leur, leur ayant permis de vivre ensemble pendant des siècles, avant l’arrivée de colonisateurs arabes et européens.
Pour nous, la bouée de sauvetage de ces pays se trouve dans le retour aux anciens systèmes politiques qui ont prévalu avant les différentes périodes de colonisation : ceux-ci se comportaient démocratiquement, sous l’arbre à palabre, où toutes les décisions importantes étaient prises. Lorsqu’un membre de la société avait dévié de celle-ci, des membres de sa communauté choisis pour leur sagesse et leur bonne moralité se réunissaient pour donner leur avis sur la conduite à tenir le concernant et réussissaient à le redresser. Rien ne doit empêcher que ce même modèle reproduise les avantages qui nous permettaient de vivre ensemble.
Nous prônons, donc, un système de démocratie directe, dans lequel tous les citoyens âgés d’au moins 30 ans révolus et s’acquittant d’un impôt équivalant 1 million CFA seront autorisés à choisir entre plusieurs options dans chaque sujet d’envergure nationale, communale ou territoriale (département ou quartier).
Concrètement, cela signifie que les institutions chargées de représenter le peuple seraient supprimées : gouvernement, parlement, conseils communaux, départementaux, exécutifs territoriaux et nationaux, dont président de la république, qui sera remplacé par un coordonnateur général des affaires de l’Etat, chargé de faire fonctionner les institutions républicaines restantes dont l’administration publique, l’armée, les universités, écoles, hôpitaux, centres de santé, dont les budgets seront débattus, votés dans les assemblées rassemblant les citoyens de chacune de ces instances démocratiques, et contrôlés concomitamment par ceux-ci, semestriellement.
Cette façon de fonctionner aurait l’avantage de remettre chaque citoyen à sa place : celle d’un actionnaire à part entière de son pays, exprimant sa voix dans chaque sujet concernant sa collectivité. L’armée, la justice, la police, l’économie et la santé seront, ainsi, des questions débattues et décidées ensemble, leurs personnels étant choisis parmi une liste de professionnels admis pour leurs qualifications, supervisés – simplement, et non commandés – par un coordonnateur général dont l’action sera contrôlée 2 fois par an, collectivement par l’assemblée des citoyens admis pour leur maturité (30 ans), leur capacité de s’acquitter d’un impôt censitaire d’1 million annuel (au niveau national) et de 100 000 francs 2 fois par an aux autres échelons (département, commune, quartier), où des agents recrutés exclusivement pour exécuter les choix des citoyens composant chaque assemblée pour leurs qualifications rendront compte auxdites assemblées.
Le rôle du coordonnateur général des affaires de l’Etat se limitera à la supervision du travail des agents que la collectivité nationale placera sous sa responsabilité, dans un contrat annuel non renouvelable. Ceci empêchera la course à l’enrichissement à travers la politique d’un personnel ancien, prébendier, avare, qui accapare les ressources du pays depuis l’entrée dans celui-ci de colons arabes, puis européens, sans cesse ; une reproduction discontinue qui a achevé de montrer le caractère professionnel de ce personnel politique.
Ce phénomène prébendier et de professionnalisation de la politique, commun à tous les pays d’Afrique, explique les situations d’impasse dans ces pays, où la compétition pour la gestion de l’Etat justifie tous les comportements déraisonnables : détournements, corruption, assassinats, répression des opposants, restrictions des libertés, censures, mauvaise gouvernance, chômage de masse, présidences interminables.
C’est pourquoi une interdiction de rempiler pour le coordonnateur général des affaires de l’Etat, après une année de gestion pendant laquelle il est contrôlé au milieu et à la fin de sa gestion, permettra de limiter les effets pervers de l’irresponsabilité absolue du président de la république que nos différentes constitutions, copies plates de la Ve République française, ont occasionnés, avec leur lot de divisions profondes dans nos sociétés, d’instabilités politiques, de faillites des institutions et de l’économie nationale, d’injustices...
Nous pensons qu’un système de démocratie directe, dans lequel toutes les questions d’envergure nationale sont débattues et votées par l’ensemble des citoyens ayant 30 ans au moins et acquitté 1 million d’impôt, et celles d’intérêt territorial (commune, département ou quartier) le sont à ces échelons, comme elles le furent avant les différentes colonisations que nous avons subies, est le modèle idéal pour nos sociétés. Si nous arrivons à retourner à celui-ci, nous trouverons suffisamment de temps pour vaquer à des activités lucratives qui, seules, nous garantiront des revenus conséquents pour gagner nos vies, participer, ensemble, à la vie de la nation, nous consacrant majoritairement à la réalisation de projets économiques, évitant la répétition de recettes qui n’ont amené aucune preuve d’efficacité, ni d’efficience, pour nos vies d’homo economicus.
Nous optons pour un système direct parce qu’il sera plus adapté que le système représentatif à notre pays et, plus généralement, aux pays africains, qui n’ont que trop fait l’expérience du système représentatif.