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28 novembre 2024
Opinions
Texte Collectif
RESTEZ DEBOUT AVEC NOUS, CHER SONKO, EN METTANT UN TERME À VOTRE GRÈVE DE LA FAIM
Vous n’avez plus rien à prouver à ces millions de jeunes qui ont fini de faire de vous une icône, une référence et un guide. Mais ils ont, comme nous, besoin de vous vivant, debout, fort, libre et déterminé pour élever et gagner ce combat
Nous, citoyennes et citoyens sénégalais, africains et démocrates du monde entier, signataires du présent appel, suivons, avec indignation et regrets, la persécution politique que vous, votre parti et vos proches subissez stoïquement depuis de nombreuses années et qui a pris, ces derniers mois, des formes totalement abjectes. Nous sommes aussi témoins de votre arrestation arbitraire et illégale ainsi que votre placement injuste sous mandat dépôt.
Vous avez, face à cette situation inqualifiable, et avec des membres de votre parti, des journalistes et des activités également injustement emprisonnés, fait le choix d’utiliser la grève de la faim comme un moyen de dénonciation de l’acharnement du régime du président Macky Sall contre votre personne et votre parti mais aussi un instrument de lutte pour le respect de vos droits fondamentaux.
Nous respectons votre décision et savons que de nombreux grands hommes, tout au long de l’histoire humaine, y ont eu recours.
Cher Ousmane,
Nous sommes des milliers, des millions, des dizaines de millions d’hommes et de femmes, d’Afrique et du monde, à croire en la sincérité de votre engagement politique et patriotique, en votre courage et votre volonté de toujours agir pour le bien des Africains que nous sommes. Vous n’avez plus rien à prouver à ces millions de jeunes qui ont fini de faire de vous une icône, une référence et un guide dans le combat qu’ils mènent pour la libération et l’émancipation de leur continent.
Mais ils ont, comme nous, besoin de vous vivant, debout, fort, libre et déterminé pour élever et gagner ce combat.
Voilà pourquoi nous vous demandons, cher Ousmane, du fond de notre cœur, de mettre un terme à votre grève de la faim et d’appeler tous vos codétenus à faire de même.
Avec vous à nos côtés, nous resterons mobilisés et déterminés à mener le combat pour la démocratie, pour la sauvegarde de la République, la restauration de l’Etat de droit et le respect des droits et libertés fondamentaux, la gouvernance vertueuse de nos économies, la juste redistribution des richesses de nos nations à l’ensemble des segments de nos peuples et la souveraineté des peuples africains.
Ont signé
M. Alioune TINE, AfricaJom Center
M. Mamadou MBODJ , F24
M. Ibrahima KANE , Raddho
Mme Aida MBODJ, AND
Mme Maimouna BOUSSO, Forces Citoyennes
M Mamadou Lamine DIANTE, MCE
M. Moustapha GUIRASSY, SET
M. Cheikh Tidiane DIEYE, Avenir Sénégal Bi Ñu Begg
M. Ahmed AIDARA, Journaliste
M. Serigne Moustapha GUEYE Yarwaye
M. Malick GAKOU, Grand Parti
par Mimi touré
PAPE ALÉ NIANG NE DOIT PAS MOURIR !
J’ai rencontré Pape Alé quand il avait 22 ans alors qu’il poursuivait ses études de journalisme et couvrait fréquemment les activités des partis d’opposition, notamment celles d’And Jëf/PADS dirigé par Landing Savané, parti auquel j’appartenais à l’époque
J’ai rencontré Pape Alé quand il avait 22 ans, alors qu’il poursuivait ses études de journalisme et couvrait fréquemment les activités des partis d’opposition, notamment celles d’And Jëf/PADS dirigé par Landing Savané, parti auquel j’appartenais à l’époque. Je me souviens très bien de ce jeune homme à la corpulence fine, au regard malicieux et au verbe taquin. Sa perspicacité ne laissait personne indifférent.
Dans la cour de notre siège du quartier de la Zone A, nous discutions souvent de sujets divers et variés, et son caractère frondeur et déterminé se révélait à chaque tour d’idées et d’arguments. Déjà, il inscrivait son action de journaliste en herbe dans la remise en question de l’ordre établi et la lutte contre les injustices. Il est resté fidèle à son engagement de jeunesse dans un style tout à fait particulier. On oublie souvent de dire qu’on lui doit un style journalistique spécifique au Séégal : la revue matinale des titres des journaux en langue nationale. Par sa voix fluette et son humour caustique en langue de Kocc Barma qu’il maîtrise parfaitement, Pape Alé a contribué incontestablement à l’éveil politique des populations.
Sous les régimes des présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall, il a choisi de se positionner en inquisiteur plutôt que de négocier des avantages et privilèges pour son confort personnel et celui de sa famille. Qu’on soit d’accord avec ses idées ou pas, qu’on aime son style baroudeur ou qu’on le désapprouve, on ne peut que lui reconnaître un courage hors du commun. Connaissant Pape Alé depuis sa jeunesse, je redoute que ce courage ne le conduise à la mort. Pape Alé ne doit pas mourir ! Tout doit être mis en œuvre pour qu’il soit libéré et retrouve sa santé avant qu’il ne soit trop tard.
TEXTE COLLECTIF DES 168
NON À UNE INTERVENTION MILITAIRE DE LA CEDEAO AU NIGER
EXCLUSIF SENEPLUS - Une telle intervention serait une régression dans le cours de l’histoire. La persistance de la tutelle française sous diverses formes symbolise une décolonisation inachevée, devenue insupportable pour la jeunesse africaine
Nous, signataires de cette déclaration, forts de notre engagement pour la paix, la démocratie, la souveraineté nationale et le panafricanisme, exprimons notre opposition résolue et sans équivoque à toute intervention militaire au Niger initiée directement ou indirectement par la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), en alliance explicite ou implicite avec toute puissance étrangère quel qu’elle soit.
Nous sommes profondément convaincus qu'une telle intervention serait une régression dans le cours de l’histoire, faisant fi du choix des peuples africains pour la paix et la liberté. Elle serait rejetée avec force et véhémence non seulement par tous les peuples ouest-africains, mais aussi par les défenseurs de l'idéal panafricain, hostiles à toute intervention militaire non soutenue par les peuples eux-mêmes. Cette opposition sera d'autant plus forte que cette région du continent africain est déjà en proie depuis plusieurs années à une insécurité croissante, dont les populations sont malheureusement les premières victimes.
Dans un monde où la démocratie, la liberté et les droits des citoyens sont de plus en plus reconnus comme fondamentaux, nous, signataires, tenons à réaffirmer avec force notre attachement à ces valeurs inaliénables. C'est avec une détermination sans faille que nous prônons l'idéal de bonne gouvernance et le respect des principes démocratiques dans la gestion des États et dans les méthodes d'accès au pouvoir.
Nous signons ce texte afin de faire entendre haut et fort notre message : l'avenir immédiat du Niger doit être déterminé par les Nigériens eux-mêmes et, subsidiairement, facilité par les bonnes volontés désireuses d'encourager toutes les parties concernées à poursuivre le dialogue en vue de trouver des solutions pacifiques à la crise actuelle.
Que personne ne se méprenne sur notre position. Aujourd'hui, en signant cette tribune, nous marquons notre engagement envers les principes démocratiques, la liberté et les droits des citoyens, et contre toute forme d'intervention militaire qui irait à l'encontre de ces valeurs que nous tenons pour sacrées.
La situation au Sahel, et la menace d’une intervention militaire au Niger, au cœur de l’Afrique de l’Ouest, sous la houlette d’une organisation, dédiée pourtant à l’intégration économique, est l’un des paradoxes et non des moindres de la perte de repères des élites politiques africaines. La CEDEAO, organisation dont le principe fondateur est de rendre poreuses les frontières entre les pays membres, de faciliter les mouvements des personnes et des biens, de construire une identité ouest-africaine grâce à une pièce d’identité commune, un passeport commun et bientôt une monnaie commune, trahirait sa mission historique en menant une guerre au détriment de nos populations.
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NO TO ECOWAS MILITARY INTERVENTION IN NIGER
We, the signatories of this declaration, strong in our commitment to peace, democracy, national sovereignty and Pan-Africanism, express our resolute and unequivocal opposition to any military intervention in Niger initiated directly or indirectly by the Economic Community of West African States (ECOWAS), in explicit or implicit alliance with any foreign power whatsoever.
We are deeply convinced that such an intervention would be a regression in the course of history, ignoring the choice of the African peoples for peace and freedom. It would be forcefully and vehemently rejected not only by all West African peoples, but also by the defenders of the pan-African ideal, hostile to any military intervention not supported by the peoples themselves. This opposition will be all the stronger as this region of the African continent has already been plagued for several years by growing insecurity, of which the populations are unfortunately the first victims.
The refusal to take into account the clearly expressed will of the youth of Niger and West Africa to maintain equitable relations devoid of any neocolonial ulterior motive with all potential partners is largely at the root of the situation in Niger and West Africa. The persistence of French tutelage in various forms symbolizes an unfinished decolonization, which has become unbearable for African youth.
In a world where democracy, freedom and the rights of citizens are increasingly recognized as fundamental, we, the signatories, would like to strongly reaffirm our attachment to these inalienable values. It is with unfailing determination that we advocate the ideal of good governance and respect for democratic principles in the management of States and in the methods of access to power.
We sign this text in order to make our message heard loud and clear: the immediate future of Niger must be determined by the people of Niger themselves and, alternatively, facilitated by those of goodwill wishing to encourage all the parties concerned to continue the dialogue with the aim of finding peaceful solutions to the current crisis.
Let no one misunderstand our position. Today, by signing this statement, we mark our commitment to democratic principles, freedom and the rights of citizens, and against any form of military intervention that would go against these values that we hold sacred.
The situation in the Sahel, and the threat of a military intervention in Niger, in the heart of West Africa, under the leadership of an organization, nevertheless dedicated to economic integration, is one of the paradoxes and highlights one of the significant failings of the African political elites. ECOWAS, an organization whose founding principle is to make the borders between member countries open, to facilitate the movement of people and goods, to build a West African identity thanks to a common identity document, a common passport, and soon a common currency, would betray its historical mission by waging a war that would be to the detriment of our populations.
Below is the list of the first 168 signatories in alphabetical order. You can sign this petition adding your name and affiliation in the comments window.
Ci-dessous, la liste des 168 premiers signataires par ordre alphabétique. Vous pouvez signer cette pétition, en rajoutant votre nom et votre affiliation dans la fenêtre des commentaires.
Saadatou Abdoukarim, sociologue, Montréal
Frantz André, Porte parole et coordonnateur CAPSS et SQ-H, Montréal
Pierre Max Antoine, avocat, Miami, Floride
Félix Atchadé, médecin, éditorialiste SenePlus.com, Paris
Selly Ba, sociologue, Dakar
Ndeye Khady Babou, médecin, Sénégal
Walter Baier, président PGE, Autriche
Ibrahima Bakhoum, journaliste, enseignant, Dakar
Kebert Bastien, artiste, Port-au-Prince
Alymana Bathily, écrivain, sociologue des médias, éditorialiste SenePlus.com, Dakar
Jean Pierre Bejin, ingénieur, Montréal
Nadjet Bouda, sciences politiques UDM, Canada
Vincent Boulet, vice-président PGE, France
Ibrahima Boye, opérateur économique, Thiès
Rébecca Cadeau, MOHFREC, Paris
Thiaba Camara Sy, administrateur de sociétés, Dakar
Aminta Touré, ancienne Premier ministre du Sénégal, Dakar
Coumba Touré, directrice Kuumbati, Dakar
Aminata DramaneTraoré, écrivaine, ancienne ministre de la Culture du Mali
Abdou Aziz Wane, expert international, Dakar
Almamy Mamadou Wane, écrivain, essayiste et poète, Paris
Hamdou Raby Wane, économiste du développement, Dakar
Mamadou Mao Wane, sociologue, éditorialiste SenePlus.com, Dakar
Oumou Wane, éditorialiste, présidente de la chaine de télévision Africa 7, Rome
Amadou Tidiane Wone, écrivain, ancien ministre de la Culture, Dakar
Maimouna Astou Yade, directrice JGEN Global Enterpreneurship, Sénégal
par l'éditorialiste de seneplus, alymana bathily
SONKO OUT, PASTEF DISSOUT : ET APRÈS ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Une stratégie du chaos semble en place pour favoriser à tout prix la victoire du candidat de Macky à la présidentielle. Le passé révèle que de telles initiatives ont engendré des situations désastreuses ici comme ailleurs
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 08/08/2023
C’était annoncé : Ousmane Sonko ne doit participer à aucun prix à l’élection présidentielle de février 2024. Mais ni le « complot de la masseuse » avec son calamiteux verdict de « corruption de la jeunesse » ni l’ignominieux « complot du ministre » renvoyé en appel n’y ont suffi.
A sept mois de l’élection présidentielle, Macky Sall ayant été contraint de renoncer à un troisième mandat, la guerre des candidats à la candidature faisant déjà rage au sein de Benno Bokk Yakar, il fallait en finir avec Ousmane Sonko
On a donc monté ce nouveau complot par gendarmes et procureurs interposés. Des accusations lourdes et nombreuses ont été portées contre Sonko, notamment de "vol de portable", avant d'être élargies à la suite d'une enquête expéditive, à « vol commis en réunion », « attentat à la destruction du régime constitutionnel" et "commission d'actes terroristes".
En sus, la dissolution du Pastef, son parti politique, a été décrétée. Est-ce la fin pour Sonko ?
Ousmane Sonko a réussi à devenir une personnalité charismatique unique au Sénégal, une icône adorée par la jeunesse, à l'instar des "Saints" des tarikhas. Le Pastef est devenu le principal parti d'opposition du pays. Au cours des élections législatives de juillet 2022, la coalition de partis qu'il dirigeait a mis en difficulté Benno Bokk Yakar, arrivant à une voix près de l'égalité. Du jamais vu au Sénégal !
La jeunesse s'est emparée du projet du Pastef, dédié au Sénégal et à l'Afrique, basé sur la souveraineté nationale, l'unité africaine et la refonte de l'État sénégalais pour une meilleure gouvernance. Malgré l'assassinat d'au moins 40 personnes lors des manifestations de mars 2021 et juin 2023 et l'emprisonnement de plus de 700 membres du Pastef, la jeunesse reste fidèle à ce projet. Cela est clairement démontré par les soulèvements à travers le pays suite à l'annonce de l'emprisonnement de Sonko et de la dissolution de Pastef.
Une autocratie autoritaire
Face à Ousmane Sonko et à son parti, une autocratie autoritaire s'est installée progressivement. Déjà les libertés individuelles et collectives sont allégrement bafouées.
Le droit à l’information est perverti avec la caporalisation de l’audiovisuel public, la prolifération brusque de médias « marron-beige » aux couleurs du parti au pouvoir spécialisés dans l’intox, la manipulation et la désinformation.
La traque sans relâche des journalistes jaloux de leur liberté et respectueux de l’éthique de leur profession et la coupure du signal des télévisions indépendantes deviennent courant.
Les opinions de citoyens ordinaires exprimées sur les médias sociaux leur valent régulièrement convocation à la sinistre DIC (Division des Investigation Criminelles) et garde-à-vue.
Le droit de manifester est ignoré systématiquement, les demandes de manifestations et de réunions publiques pacifiques des partis politiques comme des organisations de la société civile étant régulièrement rejetées.
Quand elles se tiennent quand même, les manifestations font face à des forces de police et de gendarmerie suréquipées et encadrées par des « nervis » qui font usage d’armes létales ainsi que Le Monde l’a documenté.
L’internet est suspendu en ce moment pour la deuxième fois cette année et les médias sociaux sont étroitement surveillés.
Les sièges de plusieurs partis politiques d’opposition sont présentement barricadés par la gendarmerie, c’est le cas outre Pastef, du Parti Républicain pour le Progrès/DISSO AK ASKAN WI et du Parti de l'Unité et du Rassemblement (PUR) e du Grand Parti.
La stratégie du chaos
Une stratégie du chaos semble être mise en place pour favoriser à tout prix la victoire du candidat du président Sall à l'élection présidentielle de 2024.
C’est la stratégie que Léopold Senghor et Mamadou Dia avaient mises en œuvre avec les dissolutions du Parti Africain de l’Indépendance (PAI) en 1960 puis du Bloc des Masses Sénégalaises (BMS) de Cheikh Anta Diop en 1962.
On sait ce qui s’en est suivi : le Sénégal en a perdu sa souveraineté à peine entrevue.
C’est ce qui a mené à la situation désastreuse dans laquelle notre pays se débat encore aujourd’hui 62 ans après.
En Algérie, c’est la dissolution du Front Islamique de Salut (FIS) en 1992 qui a précipité le pays dans l’horrible guerre civile de dix ans.
Il est essentiel par conséquent que les démocrates et les patriotes sénégalais continuent à exiger le respect de l'Etat de droit et la restauration des libertés individuelles et politiques.
Ils doivent exiger la libération d'Ousmane Sonko et de tous les prisonniers politiques, ainsi que la réhabilitation de la légalité de Pastef.
La question demeure cependant : est-il encore possible de faire entendre raison au président de la République et de le faire renoncer à son vieux rêve de "réduire l'opposition à sa plus simple expression" ?
par Ndongo Samba Sylla
MULTIPLE PHOTOS
DÉMYSTIFICATION DES COUPS D'ÉTAT EN AFRIQUE
Il y a actuellement deux déterminants forts des « coups d'État réussis » en Afrique : le fait d’être une ancienne colonie française et celui d’être dans une zone militarisée par des puissances étrangères
SenePlus reproduis ci-dessus le thread (fil twitter) de l’économiste Ndongo Samba Sylla invalidant le narratif selon lequel il y aurait un retour aux coups d’État sur le continent africain à la lumière des cas malien, guinéen, burkinabè et nigérien.
Avec les coups d’État militaires observés dans certains des 55 pays du continent africain, les spéculations et les déclarations grandioses abondent. La plupart des commentateurs parlent d’un “retour” des coups d’État et du recul de la démocratie.
Ce récit dominant (partagé par de nombreux Africains) est faux. Parce qu’il n’inclut pas de faits corrects. Toute enquête devrait commencer par des faits et des concepts de base corrects.
Malheureusement, dans le cas de l’Afrique, c’est toujours une trop grande demande. C’est pourquoi les clichés et les mythes invalidants abondent.
Les coups d’État « réussis » (c’est-à-dire le renversement du gouvernement) ont atteint leur apogée sur le continent africain au cours des périodes 1970-1979 et 1990-1999 (36 cas pour chacune). Ils ont décliné au cours des décennies suivantes ; 8 entre 2020 et 2022. Voir ici.
La plupart des pays africains ont été épargnés par les coups d’État depuis les années 1990, tandis que moins d’un tiers n’ont jamais connu de coup d’État “réussi” depuis leur indépendance (quelque chose de jamais reconnu).
Étant donné que les récents coups d’État ont eu lieu dans les mêmes pays du #Sahel, il est faux de parler du “retour” des coups d’État pour l’ensemble du continent.
Mais devinez quoi ? Tous les pays où des coups d’État ont été observés depuis 2020 sont d’anciennes colonies françaises, à l’exception du Soudan : le Burkina Faso, le Mali, la Guinée et récemment le Niger.
Si vous regardez la carte, vous voyez que les coups d’État sont géographiquement situés dans la bande “sahélienne”. Voir ici.
Laissons de côté le cas tunisien (un ancien protectorat français) ; certaines personnes parlent d’un coup d’État là-bas.
Il y a actuellement deux déterminants forts des « coups d’État réussis » en Afrique : le fait d’être une ancienne colonie française et celui d’être dans une zone militarisée par des puissances étrangères.
Les récents coups d’État n’indiquent aucune tendance particulière sur la « santé » politique du continent, mais ils révèlent une réalité que les gens détestent reconnaître : la crise de l’impérialisme français.
Les coups d’État en Afrique francophone révèlent des tentatives de certains pays de se déconnecter de l’emprise de la France (Mali, Burkina) ainsi que des tentatives de la France de maintenir son influence (le coup d’État au Tchad a ensuite été soutenu par la France et n’a créé aucun problème particulier pour l’Occident).
La crise de l’impérialisme français est également visible dans le caractère hautement répressif des pays africains francophones qui sont dépeints comme des « démocraties » - c’est-à-dire « loyales » aux intérêts occidentaux - et qui répriment violemment la dissidence interne et l’opposition.
Il n’est donc pas surprenant que certains des coups d’État aient été une réaction à des excès despotiques - comme en Guinée lorsque le président sortant a été renversé après s’être accordé un “troisième mandat” en utilisant des manipulations constitutionnelles.
Le Niger est décrit comme un pays avec une tradition « démocratique ». En 1996, les responsables français étaient « satisfaits » du coup d’État militaire d’Ibrahim Baré Maïnassara. Lorsque ce dernier a été tué lors d’un nouveau coup d’État, ils ont déploré un « revers démocratique ».
Le fait que l’Afrique francophone soit touchée par des coups d’État n’est pas un phénomène nouveau. C’est structurel. Dans un chapitre du livre que j’ai écrit en 2015, j’ai formulé l’évaluation suivante : « À l’heure actuelle, les tentatives de coup d’État en tant que mode de régulation politique en Afrique subsaharienne survivent principalement dans les pays francophones, y compris ceux de la zone franc […] Elles ont toujours été un frein coûteux en termes de vies humaines. »
J’ai produit le tableau suivant (voir l’illustration) : 78 tentatives de coups d’État dans les pays CFA entre 1960 et 2012, soit 38 % du total des tentatives de coups d’État et 58 % des coups d’État réussis après 2000.
Pour citation : NSS, « Émerger avec le Franc CFA ou Émerger du Franc CFA ? », in K. Nubukpo, B. Tinel, M. B. Zelinga, D.M. Dembélé (éd.), Sortir de la servitude monétaire : à qui profite le Franc CFA ?, Les éditions La Dispute, Paris, 2016, p.186.
Inutile de répéter que l’imposition du FCFA a bloqué le développement économique de l’Afrique. Prenez la Côte d’Ivoire, le plus grand pays francophone utilisant le franc CFA. Ses habitants sont plus pauvres maintenant qu’ils ne l’étaient en 1978 (voir le tableau 2 en illustration).
Prenez le Niger. Il a enregistré son meilleur niveau de PIB réel par habitant en 1965. Son PIB réel par habitant actuel est inférieur de 59 % à cette performance. (Les données proviennent des indicateurs vérifiés de développement de la Banque mondiale).
En plus des mauvaises performances économiques à long terme, ces pays n’ont connu aucun développement institutionnel autonome (y compris la distribution « autoritaire mais développementale » que l’on trouve dans certains endroits à travers le monde).
Il est temps que les gens cessent de généraliser à tout un continent une question qui touche principalement les pays francophones sous le néocolonialisme. Pour mettre fin aux coups d’État « réussis » en « Afrique », il est peut-être temps de commencer à penser à mettre fin au franc CFA et aux interventions militaires étrangères.
par Babacar Justin Ndiaye
LA FRANCE EST-ELLE MEMBRE DE LA CEDEAO ?
L’Élysée et le Quai d’Orsay sont tellement ulcérés par le putsch de Niamey que Macron et Colonna ne se satisfont plus de tirer les ficelles grosses comme des câbles
Point d’apologie du coup d’État ! En revanche, un dur réquisitoire s’impose contre les agissements et les arguments de la France. Propos et gestes de Paris très hostiles à la Junte du Niger qui, en principe et au regard de son manque de légitimité, est aussi affreuse ou vilaine que ses copies conformes ou lithographies du Burkina et de Birmanie.
L’Élysée et le Quai d’Orsay sont tellement ulcérés par le putsch de Niamey que Macron et Colonna ne se satisfont plus de tirer les ficelles grosses comme des câbles. Le Président français et son Ministre des Affaires Étrangères actionnent, sans gêne, les catapultes (comme sur un porte-avions) qui projettent les contingents de la CEDEAO en territoire nigérien.
Le mur de l’hérésie est allègrement franchi avec les manœuvres qui ont abouti à l’invitation du Général Mahamat Déby au sommet d’Abuja. Si l’humour convenait dans l’antichambre de l’enfer imminent et au seuil du chaos certain, on pourrait insinuer et même dire que la France et le Tchad sont respectivement les seizième et dix-septième États membres de la CEDEAO.
Hélas, l’impact fâcheux et l’effet désastreux des influences de la France sont d’ores et déjà perceptibles dans les craquements et les fractures sonores au sein de la CEDEAO. Le Mali, le Burkina et la Guinée- Conakry se cabrent contre l’option militaire et s’apprêtent à rompre les amarres avec le bloc ouest-africain. A contrario, l’Union Européenne (UE) accorde solidement ses violons à propos du Niger. Dommage pour les Africains : éternels divisés et éternels dominés !
Au chapitre des arguments relatifs au coup d’État du Général Tchani, la France nage dans un bassin d’incohérences et d’inconséquences. En avril 2021, le Président Emmanuel Macron se déplace à Ndjaména, pour assister et/ou installer le Général Mahamat Idriss Déby, chef de la DGSSIE (Garde présidentielle), à la tête de l’État et de la Transition du Tchad. En août 2023, l’Élysée mobilise la CEDEAO et la communauté internationale contre le Commandant de la Garde présidentielle du Niger.
Pourtant, l’un et l’autre – Déby comme Tchani, ont enjambé le Président de l’Assemblée nationale, enjambé le Premier ministre, enjambé le Ministre de la Défense et contourné le chef d’État-major, pour prendre le contrôle du pays. Dans quel pays normal, le chef de la Garde présidentielle remplace automatiquement le chef de l’État après la mort ou l’empêchement de ce dernier ? Réponse : le Tchad. Avec le soutien actif de la France. Le Général Diendéré, chef du défunt RSP de Blaise Compaoré n’a pas eu cette chance. Il est en prison.
En Afrique de l’Ouest, le « deux poids, deux mesures » de Paris est davantage illustré par le putsch du Colonel Doumbouya. La France condamne mollement mais coopère fructueusement. En Guinée, la Première Dame est une gendarme française. Ah, si le Général Tchani avait une conjointe française ! Le 14 juillet dernier, l’Ambassadeur de France à Conakry, Son Excellence Marc Fonbaustier, a prononcé un discours lyrique devant le Premier ministre guinéen. Même feu Sékou Touré qui humilia Charles de Gaulle en septembre 1958, y a reçu une dose d’éloges. Bref l’ordre constitutionnel et la légitimité sont les cadets des soucis de la France en Afrique.
Cependant, ce qui inquiète au sujet de la crise nigérienne, ce sont les arguments juridico-agressifs exprimés par des voix autorisées dans l’Hexagone. En effet, le gouvernement français trouve que la Junte du Général Tchani est illégitime pour exiger la fin de la coopération militaire et le départ des 1 500 soldats français.
L’argument est très faible quand on sait que l’Opération SERVAL (mère de l’opération BARKHANE) a été déclenchée en 2013, à la demande et sur la base d’un document signé par un Président non élu, en l’occurrence, Dioncounda Traoré, installé à la tête d’une Transition elle-même issue des entrailles du coup d’État du Capitaine Sanogo, tombeur du Président légitime ATT en mars 2012. À cette époque, l’Ambassadeur de France au Mali, Christian Rouyer, se rendait souvent à Kati pour discuter avec le Capitaine et non moins putschiste Sanogo
Un document au demeurant antidaté et trafiqué par les conseillers de François Hollande, d’après le journal français « Le Monde ». Il s’y ajoute que c’est un autre Président malien (non encore élu), le Colonel Assimi Goïta qui a exigé et obtenu les départs successifs de BARKHANE et de la MINUSMA. Sans accrocs. La leçon de Mirabeau est encore fixée dans nos têtes d’anciens élèves de l’École coloniale : « On peut tout soutenir, sauf l’inconséquence ».
Si l’armée française refuse de quitter le Niger, elle se transformera de facto en une force d’occupation voire de colonisation. Ce qui va réveiller le sinistre souvenir du Général Gallieni à Madagascar ou celui du Colonel Dodds au Dahomey. Le Niger aura alors les allures et les couleurs d’une Nouvelle Calédonie du Sahel. Et Macron pourra y nommer le Général De Saint-Quentin ou le Général Gomart comme Proconsul de la France . À l’instar de ce que fut le Général américain Mac Arthur dans le Pacifique-Japon.
En vérité, la France veut, à fois, pousser le Général Tchani à la faute et trouver le prétexte pour entrer en guerre, en apportant une logistique décisive aux soldats de la CEDEAO. Car, tant que l’armée nigérienne n’est pas balayée de l’Aéroport de Niamey, les troupes de la CEDEAO seront sérieusement confrontées à l’immensité du territoire du Niger et aux obstacles de l’atterrissage ou du posé d’assaut. Du reste, les axes terrestres les plus proches et les plus rectilignes en direction de la capitale passent par le Burkina et le Mali, deux pays solidaires de la Junte.
En conclusion, les observateurs, analystes et journalistes des pays membres de la CEDEAO sont tristes d’entendre les radios étrangères s’appesantir joyeusement sur le mandat robuste octroyé aux contingents ouest-africains mobilisés.
Encore hélas ! Rappelons qu’en trente ans de déploiement, la MONUC/MONUSCO n’a jamais reçu de mandats robustes de l’ONU ; car les soldats péruviens, pakistanais et népalais ne sont pas prêts à mourir pour la paix au Congo. Même chose pour la MINUSMA dépourvue de mandats robustes durant ses dix ans de présence au Mali. Mais pour aller abattre des camarades nigériens issus des mêmes promotions, des militaires africains sont vite munis de mandats robustes.
par Nioxor Tine
LA DISSOLUTION DU PASTEF, UN PUTSCH PRÉVENTIF ?
Les émeutes spectaculaires de février-mars 2021, où ils ont failli perdre le pouvoir, ont renforcé la conviction des pontes du Benno-APR que Sonko était l’homme à abattre
Comme par hasard, l’arrestation d’Ousmane Sonko et la dissolution du Pastef sont intervenues au surlendemain du putsch au Niger, c’est-à-dire à un moment où le pré-carré français en Afrique occidentale rétrécit comme une peau de chagrin.
Pourtant, le 3 juillet dernier, le président Macky Sall, face à la réticence de ses maîtres impérialistes et à la profonde désapprobation de plusieurs segments du peuple sénégalais, dont certains groupes politiques de sa majorité, avait dû abdiquer et renoncer à sa troisième candidature à la prochaine présidentielle. Tout le monde s’en était félicité, pensant, qu’une nouvelle ère de décrispation allait s’ouvrir. C’était sans compter avec l’esprit vindicatif et la posture politicienne, dont les ténors de Benno Bokk Yakaar ont toujours fait montre et qui a transparu tout au long d’un discours, qui était censé poser les premiers jalons de ce qui, à défaut d’être une réconciliation nationale aurait au moins pu constituer les prémisses d’une coexistence pacifique et d’un assainissement du climat politique.
Au lieu d’adopter cette position de sagesse, le président a choisi de prendre parti pour les faucons de son camp, qui ne font que piller, en toute impunité, les maigres ressources de la Nation. Ce clan de flagorneurs parasites a pris le leader du Pastef et sa propension à porter les habits de lanceur d’alerte en grippe, d’autant plus qu’ils sont atterrés face aux perspectives de reddition de comptes, en cas de changement de régime.
Il est révélateur, à ce niveau, que les deux premières procédures judiciaires initiées contre lui l’aient été par des politiciens cités dans des scandales à milliards, qu’il s’agisse du complot de Sweet Beauty ou de la prétendue diffamation dans l’affaire Prodac.
Les émeutes spectaculaires de février-mars 2021, où ils ont failli perdre le pouvoir, ont renforcé la conviction des pontes du Benno-APR que le leader Pastef était l’homme à abattre.
Ils se sont, donc, depuis lors attelés à construire la figure de l’ennemi violent et cruel, transformant de simples appels à la mobilisation et à la résistance constitutionnelle, (pourtant utilisés, dans le passé, par divers opposants comme Me Wade et le président actuel) en appels au meurtre.
Pire, on a observé une judiciarisation de l’activité politique et une criminalisation des opposants, qui ont servi de prétexte à un renforcement de l’appareil répressif et à un dévoiement des missions assignées aux FDS infiltrées par des nervis et des hommes-liges, sans aucune expertise sécuritaire.
Ces forfaitures n’ont pu être possibles, que parce que l’arsenal juridique avait été rendu plus répressif et est devenu digne des pires dictatures, ce qui se traduit par des arrestations aussi abusives qu’arbitraires et des prisons surpeuplées. Pour justifier cette répression tous azimuts des opposants, le pouvoir n’a eu cesse de les provoquer, du moment que tout acte de rébellion légitime voire de résistance constitutionnelle du citoyen face aux violations de ses droits est considéré comme un acte terroriste et un appel à l’insurrection.
Rappelons que dans notre pays, l’Assemblée nationale avait voté, dès le 28 octobre 2016, l’article 279 du Code pénal, qui sous prétexte de durcir la lutte contre le terrorisme, cherchait plutôt à en élargir l’acception, pour le confondre à tout acte d’opposition, abusivement redéfini comme trouble grave à l’ordre public.
L’histoire a prouvé que les régimes autoritaires se servent du terrorisme comme alibi pour faire reculer les droits et libertés. On en a eu une illustration emblématique avec le Patriot act, une loi antiterroriste votée aux Etats-Unis, en octobre 2001, juste après les horribles attentats du World Trade Center, qui continue d’inspirer les législations de plusieurs régimes anti-démocratiques en la matière.
Le 25 juin 2021, au lendemain des émeutes de l’affaire Adji Sarr, notre Assemblée a voté, malgré les protestations de membres de l’opposition et de la société civile, deux projets de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénal, pour prétendument renforcer la lutte contre le terrorisme.
C’est pourquoi, il faut rester circonspect quand un régime autoritaire qualifie une attaque criminelle, aussi odieuse soit-elle, comme celle d’un bus de transport au cocktail Molotov, survenue à Yarakh, d’attentat terroriste. Et ce, d’autant plus, qu’aucune des morts enregistrées depuis 2021 durant les émeutes n’a encore fait l’objet d’investigation.
Définitivement écarté de la course à la prochaine présidentielle, l’alchimiste de l’avenue Léopold S. Senghor, perdu dans ses formules et obsédé par l’idée de transformer l’étiolement progressif de l’électorat de son clan maffieux en déferlante marron-beige, au soir de la prochaine présidentielle du 25 février 2023 s’attelle, vainement, à neutraliser son principal challenger, à savoir Ousmane Sonko.
Mais curieusement malgré tous les moyens à sa disposition qui ne se limitent pas au seul trésor de guerre colossal que lui et ses compères de Benno ont amassé en une décennie de prédation, en toute impunité, leur camp n’a fait que subir des échecs répétitifs. Ces revers sont d’autant plus humiliants qu’il ne s’agit pas de combats démocratiques, à la loyale, mais de coups fourrés et de crocs-en-jambe, tous aussi imprévisibles et inélégants, les uns que les autres.
C’est en désespoir de cause qu’ils ont opté pour l’incarcération arbitraire du véritable chef de l’opposition et pour la dissolution illégale de son parti, qui ressemble, à s’y méprendre à un putsch préventif contre un éventuel danger de révolution patriotique, populaire et panafricaniste.
CULTIVER LE CONSENSUS POUR UNE MEILLEURE EFFICACITE DES POLITIQUES PUBLIQUES
Depuis 2021, début des ennuis politico-judiciaires d’Ousmane Sonko, la vie politique du Sénégal est marquée par l’affrontement entre deux hommes, le chef du PASTEF et le Président Macky Sall.
Depuis 2021, début des ennuis politico-judiciaires d’Ousmane Sonko, la vie politique du Sénégal est marquée par l’affrontement entre deux hommes, le chef du PASTEF et le Président Macky Sall.
Cette lutte pour le pouvoir, qui s’accompagne de violences et de sang versé depuis deux ans et demi, prend de plus en plus les allures d’une tragédie grecque mettant face à face deux adversaires déterminés à en découdre, dont l’un dispose de tous les moyens de l’Etat pour imposer sa loi, et l’autre, qui lui oppose son refus de céder, la force d’une jeunesse engagée, fascinée par son charisme et sa détermination.
Leur affrontement a fait des morts, des blessés et environ 700 prisonniers politiques. Jamais notre pays n’avait connu une telle situation depuis la confrontation UPS/PRA Sénégal dont le bilan officieux est de 63 morts dans une seule journée aux Allées du Centenaire.
Avec la levée du blocus policier du domicile d’Ousmane Sonko, on espérait un dégel, donc du répit. Hélas, son arrestation vient rajouter de l’huile sur le feu. En d’autres temps, cette affaire serait à notre avis assez banale car la prison pour un aspirant au pouvoir suprême a souvent été un passage obligé sous nos cieux.
Abdoulaye Wade et bien d’autres opposants ont connu plusieurs fois la prison sous Abdou Diouf. Khalifa Sall, Karim Wade aussi l’ont connue sous Macky Sall.
Cependant, les périodes sont différentes ; le harcèlement exercé sur Sonko, l’ultra médiatisation des événements, y compris les affrontements entre Pastef et les FDS vécus en « live » via les réseaux sociaux, les messages politiques d’activistes suivis…tout cela a fini de rendre plus compactes les émotions, en particulier chez les jeunes et les femmes.
Au-delà de l’arrestation d’Ousmane Sonko, un acte fort, en l’occurrence la dissolution du PASTEF, est venu confirmer la volonté du pouvoir d’exclure son leader de la présidentielle de février 2024, et ses cadres des toutes les autres élections futures sous cette bannière. La guerre est donc déclarée, alea jacta est!
Les coups sont donnés sans retenue et le pays est en voie de paralysie faute de transport fluide ; l’économie est perturbée, et la violence, à son paroxysme.
Tirs à balles réelles, cocktails Molotov, actes terroristes, nervis, le feu à tous les coins de rue ! Le Sénégal est loin de l’image de pays pacifique et de berceau de la démocratie africaine qu’il a toujours incarnée. La dissolution du PASTEF par voie administrative renvoie à celle du PAI de Majhmout Diop et Seydou Cissokho dans les années 60, acculant ce parti à la clandestinité.
Avec cette nouvelle donne, le Sénégal entre dans une ère d’instabilité dont on ne saurait situer la durée. C’est en cette période que la tenue du dialogue national aurait été efficace car il aurait pu aboutir à la désignation de médiateurs comme Famara Sagna, qui, en son temps, avait réussi la mise en lien Abdou Diouf/Abdoulaye Wade pour un dialogue direct.
Faute d’initiatives allant dans le sens du dégel, on entre à nouveau dans une période de crispation dont il est difficile de déterminer la fin. On peut donc dire qu’en la circonstance, ce sont les « faucons » qui ont gagné.
Il ne serait pas hasardeux de prédire, dans ces conditions, qu’au gré des évènements actuels, les schémas de succession envisagés parle Président Macky Sall finissent par relever de l’accessoire.
Le rassemblement des forces nécessaires pour éliminer le PASTEF et son leader ne saurait en effet s’embarrasser de discordes et de tiraillements qu’occasionnerait le choix au sein de l’APR du candidat au remplacement de Macky Sall à la tête de l’Etat.
Concentrés et focalisés sur les péripéties politiques que nous vivons depuis mars 2021, on en oublierait presque que l’économie est en train de se dégrader dangereusement, comme en écho à la profonde crise de l’économie occidentale.
Une crise financière mondiale se profile !
Une crise financière mondiale monumentale se profile selon les spécialistes, avec comme élément déclencheur la création d’une monnaie commune des BRICS. Cette création devrait être annoncée lors du prochain sommet de cette organisation à Johannesburg, dans un contexte plus global d’inflation et d’endettement en Europe et aux USA, de crise de l’énergie et des céréales en Europe
Dans notre pays, l’échéance électorale de février 2024 s’inscrit par conséquent dans un contexte géopolitique inédit de compétition économique et de conflit militaire à l’échelle mondiale. La situation du Sénégal est d’autant plus préoccupante qu’elle subit et alimente à la fois les effets de la crise déclenchée parle coup d’Etat au Niger, suivie de menaces d’interventions militaires de tous bords. Cette élection présidentielle va sans nul doute déboucher sur une nouvelle ère faite de ruptures indispensables dans la gestion économique du pays.
Au-delà, il s’agit bien évidemment de la rupture d’avec le modèle de développement datant d’après-guerre. Comme nous l’avons dit dans nos précédentes contributions, nous sommes loin d’avoir été convaincus par la pertinence globale du PSE, encore moins de sa réussite, à la fin du mandat de son initiateur.
Il faut rappeler que les plans de développement économiques proposés par les pouvoirs successifs, de l’indépendance à nos jours, ont été élaborés par des techniciens et autres experts de l’administration, certes rompus à la tâche, mais sans concertation avec les différents segments de la société. C’est la raison de leur faible niveau d’appropriation par les acteurs économiques et les populations, condition essentielle de leur pérennisation.
L’expérience du développement économique de pays asiatiques comme la Corée du Sud, la Chine, le Vietnam, le Japon avait établi qu’un lien solide devait unir Etat et secteur privé pour l’élaboration de la vision économique, l’exécution des programmes y relatifs et leur monitoring.
La Corée du Sud doit son développement économique fulgurant, qualifié de “miracle”, aux entreprises familiales (Chaebols) telles Samsung, Lg, Hyundai etc., sur lesquelles l’Etat s’est adossé pour bâtir une stratégie de développement basée sur l’industrie manufacturière, accompagnée par une politique soutenue de « recherche et développement » et de mise en lien solide du système éducatif avec les objectifs économiques, et d’attraction des capitaux étrangers.
Un tel consensus entre Etat et secteur privé n’a pu être trouvé au Sénégal en l’absence d’une concertation avec les représentants des entreprises familiales qui auraient pu être les interlocuteurs de la puissance publique pour bâtir une stratégie nationale de développement sectoriel et aussi constituer le socle d’une politique efficace de promotion du secteur privé national.
Pour en revenir au PSE, il n’a pas été percussif quant à ses deux volets les plus importants, soient l’emploi des jeunes et la promotion du secteur privé national.
La mise en ouvre de la DER (Délégation générale à l’entreprenariat des femmes et des jeunes) n’a pas été une réussite en matière d’auto-emploi, et la promotion du secteur privé en est restée aux déclarations d’intention.
La situation faite au secteur privé est d’autant plus étonnante que ce dernier, en butte à l’absence de soutien de l’Etat pour accéder à la commande publique et aux ressources des banques et du marché financier, se voit assigner la mission de créer de l’emploi dans la phase 2 du PSE !
Les bijoux de famille cédés au capital étranger!
Pire, on observe pour le déplorer des actes de dislocation du tissu industriel ; des entreprises privées stratégiques et leaders dans leurs domaines d’activités sont cédées au capital étranger sans intervention de l’Etat pour les maintenir dans le patrimoine national.
Financial Afrik nous apprend ainsi que la holding marocaine Al MADA vient de prendre le contrôle du groupe Omaïs, et par conséquent son fleuron Patisen
Le Maroc nous avait déjà délesté de la CBAO, anciennement BIAOS, qui aurait pu être le champion bancaire appelé de tous nos vœux si l’Etat s’était porté acquéreur des parts vendues.
Il nous revient encore par Financial Afrik que c’est cette holding Al MADA qui détient le groupe bancaire Attijariwafa Bank, elle-même société mère de la CBAO.
Selon toujours Financial Afrik, le groupe malgache Axian Telecoma signé un accord pour acquérir une participation supplémentaire de 40 % dans l’opérateur de téléphonie « Free Sénégal », ce qui lui permet de prendre le contrôle de l’entreprise avec 80 % des parts qui auraient pu être redistribuées au secteur privé sénégalais si l’Etat avait pu — s’il avait surtout voulu!— faire jouer un droit de préemption dans ce secteur à forte valeur ajoutée.
Au vu de ce qui précède, on pourrait conclure que l’Etat reste indifférent à la cession des entreprises les plus performantes de notre pays à des « privés » étrangers, au motif que ces cessions relèveraient de transactions purement privées.
Ce phénomène qui tend à se perpétuer interpelle l’Etat sur son rôle de promotion d’un secteur privé sénégalais fort, comme il en existe partout dans le monde, et au Maroc en particulier.
Par le passé, des entreprises publiques ont été cédées au privé international sans implication notable des entrepreneurs sénégalais comme la SONATEL à Orange et les ICS au privé indien etc
C’est l’occasion de s’interroger sur le champ d’intervention des fonds souverains comme le FONSIS qui, en toute logique, devraient pouvoir appuyer le privé local pour la prise de participation dans les opérations d’acquisition d’entreprises à forte valeur ajoutée, à vocation nationale et sous-régionale
En toutes hypothèses, cette politique de « laissez-faire » apparent car sans intervention de l’Etat gagnerait à être revue si l’on sait que la prospérité de ces entreprises en cession été favorisée parles divers savoir-faire de leurs personnels, les concours financiers des banques locales, les divers avantages fiscaux accordés. Sans compter, quelquefois, la mobilisation d’importants fonds d’Etat pour de coûteuses opérations d’absorption de pertes colossales et de recapitalisation (ICS).
N’eut été la crise politique ouverte avec l’emprisonnement de Sonko, l’heure aurait dû être à la construction de consensus économiques forts, populaires et « transpartisans » pour redéfinir de nouvelles orientations économiques de rupture par rapport au modèle de développement actuel, masquant l’extraversion de l’économie derrière des indicateurs de croissance et de développement comme le taux de croissance du PIB.
Les « Assises nationales » avaient eu l’ambition de dégager des orientations sommaires ; leurs conclusions et recommandations ont été remisées dans les tiroirs parle Président actuel, qui a déclaré dès l’entame de son magistère, qu’il n’était pas tenu par celles-ci.
Aussi, des états généraux de l’économie devraient suivre dès l’installation des nouvelles autorités, à l’effet d’aboutir à des pactes consensuels permettant de tracer les voies d’un développement économique autocentré.
Le développement fulgurant des pays asiatiques a prouvé que l’on ne pouvait élaborer des plans de développement économiques sans associer la société dans son ensemble à la définition de la vision, et en particulier les entrepreneurs nationaux, les travailleurs.
Dans cet ordre d’idées, il nous paraît utile de conserver les coalitions politiques, jusque-là limitées aux alliances électorales, et d’étendre leur champ de compétences à l’élaboration de grandes orientations économiques de rupture et de programmes économiques y afférents.
C’est à ce prix que l’appropriation des plans de développement parles Sénégalais pourra être effective, que la continuité des politiques publiques, économique en particulier, pourra être assurée et la mobilisation des citoyens, acquise.
D’une manière générale, il doit être clair que nous sommes dans une ère de rupture à pas forcés d’avec le modèle de développement actuel consistant à exporter les matières premières sans transformation industrielle préalable, et dont on connaît les effets sur l’industrialisation, la balance du commerce extérieur, le non emploi et la pauvreté
Le prochain président de la République, quel qu’il soit et quels que soient ses pouvoirs, ne pourra, par un coup de baguette magique régler dans l’immédiat les priorités telles que l’emploi des jeunes, les réformes structurelles à opérer pour restructurer une économie extravertie, promouvoir le secteur privé national, rénover les programmes d’éducation et de formation professionnelle, améliorer la qualité de la dépense publique, restructurer l’administration dont il est aberrant qu’elle puisse consommer près de 40% du budget national, restructurer la dette extérieure dont la charge d’intérêt, en constant accroissement du fait de l’endettement récurrent et de la hausse des taux directeurs au niveau international, est, avec la masse salariale, l’un des fardeaux les plus lourds de notre budget national.
Face au développement de la pauvreté et à la quête désespérée des jeunes pour des emplois décents, le vent du souverainisme et du partenariat gagnant-gagnant souffle en Afrique.
Le Sénégal gagnerait donc à s’inscrire dans cette perspective ; et pour cela il a besoin de tous ses fils, et en particulier de sa jeunesse.
Le dégel politique que symboliserait la libération d’Ousmane Sonko est à notre sens la voie la plus indiquée pour se réconcilier avec cette jeunesse, renouer avec nos traditions démocratiques, pour aller ensemble et de façon consensuelle dans la voie du développement économique et social.
Par Moussa KAMARA
BRANCO LA TRAQUE
Ayant manqué une bonne tribune pour dérouler son talent, Maitre Branco ne s’en est pas laissé conter. Son expulsion lui est restée en travers de la gorge et il a voulu laver l’affront en revenant à Dakar prenant tous les risques pour cela
Il est vraiment inconcevable que maitre Branco vienne nous narguer ici même à Dakar alors même qu’il est l’objet d’un mandat d’arrêt international. Sachant bien ce qu’il encourt une fois pris, il s’est quand même présenté lors d’une conférence de presse tenue par le pool d’avocats de Ousmane Sonko. Voudrait-il montrer le peu d’estime qu’il a pour nos autorités en osant ainsi défier nos services de sécurité en se présentant à Dakar et délivrer son message ?
Pour cette fois-ci, nos services de sécurité ont manqué de vigilance ou de promptitude car l’avocat français a traversé au moins quatre régions avant de se présenter à la conférence de presse de l’opposant. Cet avocat et activiste, homme de gauche ayant eu une enfance dorée dans les beaux quartiers de Paris, est venu défier à Dakar les autorités de notre pays. Avec cette traque lancée contre lui gageons qu’il sera défendu par les avocats d’Amnesty si toutefois il est pris.
C’est comme si Juan Branco adorait susciter la controverse avec ses prises de position très extrémistes. On peut lui concéder qu’il ait choisi de défendre Sonko rien que pour enquiquiner l’Etat sénégalais. Il le fait déjà en France en volant dans les plumes de Macron. Ce qui ne surprend d’ailleurs personne chez cet homme né avec une cuillère d’or dans la bouche. On l’attendait pour défendre bec et ongles son client.
L’Etat sénégalais avait choisi de l’expulser du pays. Ayant manqué une bonne tribune pour dérouler son talent, Maitre Branco ne s’en est pas laissé conter. Son expulsion lui est restée en travers de la gorge et il a voulu laver l’affront en revenant à Dakar prenant tous les risques pour cela. Hier il a publié une vidéo sur les réseaux sociaux et tout laisse croire qu’il est encore à Dakar. Alors messieurs de la sécurité, la balle est dans votre camp. Ce n’est pas un petit bourgeois, enfant gâté de surcroit qui va ternir votre image
Par Pr Mamadou Mbodji
UN ESPOIR DE VIE ET UN MOYEN DE RENAITRE
Partir en bravant la mort pour rejoindre «Barça» ou «Barsakh», Pr Mamadou Mbodji, docteur en Psychologie Clinique, conforte le Cemmarine tout en passant sous scanner psychologique ces migrants clandestins
Dans son édition du jeudi 26 juillet 2023, « Le Témoin » a réalisé une interview exclusive du Contre-Amiral (Général) Abdou Sène. Le Chef d’Etat-major de la Marine nationale (Cemmarine) y alertait les candidats au « Barça ou Barsakh » qu’ils auront plus de chance de mourir en haute mer que d’arriver aux îles espagnoles. Dans cette deuxième partie de notre dossier, Pr Mamadou Mbodji, docteur en Psychologie Clinique, conforte le Cemmarine tout en passant sous scanner psychologique ces migrants clandestins. Nous publions — avec l’accord de l’auteur et celui de son éditeur — de larges extraits d’un document-contribution du psychologue Mamadou Mbodji intitulé « Imaginaires et Migrations - le cas du Sénégal » et réalisé sous la direction de Momar Coumba Diop aux Éditions Crepos.
Le Sénégal a connu de profondes mutations marquées notamment par d’amples phénomènes migratoires qui témoignent du dynamisme et de l’ouverture de ses populations. Les ressorts intimes, psychologiques et affectifs qui sous-tendent les dynamiques et mouvements des migrations sont multiples et complexes. Ils relèvent ainsi de plusieurs facteurs intriqués, historiques, culturels, économiques, politiques et fantasmatiques. La grande tradition de voyageurs des Sénégalais, la place de ce pays comme plaque tournante du commerce dans l’histoire de cette partie du continent entre le nord et le sud, les caractéristiques de ses populations comme peuples de voyageurs, de nomades, de commerçants, de migrants en témoignent.
A cela s’ajoutent les liens historiques chargés entre l’Europe — en particulier la France — et l’Afrique, précisément le Sénégal. Déjà, durant la période coloniale, chez les Soninkés du Sénégal ( * ), considérés plus tard comme les premiers migrants africains vers la France, « l’instauration du prélèvement des taxes et l’introduction plus tard de l’impôt et donc celle d’une dépense monétaire obligatoire par les autorités coloniales vont entraîner l’insertion définitive dans les rapports marchands par la mobilisation d’une force de travail qui ira se vendre en dehors du cadre régional.
« Cette émigration de la force de travail va se faire au profit de deux activités principales : la navigation et le navétanat. Ensuite débutera l’émigration, vers d’autres pays d’Afrique, des Soninkés. (…) Ainsi, l’émigration des Soninkés (aura) déjà une histoire avant de connaître un nouvel essor à la fin des années cinquante, inaugurant les départs massifs à destination de la France ». Le caractère clandestin et la dimension frauduleuse qui entourent la circulation des personnes entre les pays africains et la France, malgré les tentatives bilatérales de réglementation (de cette circulation) remonteraient déjà au début des années soixante (… )Et dès 1972, comme en témoigne A. Diarra « le besoin de partir est si intense et la difficulté de satisfaire aux indications légales si grande que l’unique solution pour les migrants reste le passage par le trafiquant. (…) L’utilisation des circuits clandestins devient presque inévitable »1 Aujourd’hui, plus de cinq décennies après, émigrer est encore et toujours, pour bien des Sénégalais, la principale préoccupation qui les anime et la seule forme de liberté qui leur reste. C’est également le seul rêve qu’il leur est encore donné d’avoir, l’unique choix qui leur est laissé.
L’élément déclencheur, les disparités sociales !
Le pays a connu, entre 1980 et 2000, une détérioration de sa situation économique et sociale, qui a engendré de profondes disparités sociales. Et il a fini par s’installer dans un processus de développement à deux vitesses.
Les rapports monétaires ont envahi les relations interpersonnelles et sous-tendent l’essentiel des rapports sociaux. Les inégalités se creusent et le fatalisme et l’indifférence submergent certaines franges de populations en en faisant des spectateurs désabusés ou des acteurs de l’érosion sociale, culturelle et économique du pays.
L’émiettement des groupes familiaux, la solitude et l’obligation, pour beaucoup d’individus, d’assurer seuls leur destin, ont rendu problématiques pour de nombreux citoyens, les moyens d’élaboration des liens et de sauvegarde des éléments culturels d’appartenance et de solidarité.
Dans un environnement social où les modèles de conduite ou d’inconduite comme la plupart des repères sont brouillés, la « structure interne » des individus devient, elle aussi, floue. Au moment où chacun est tenu de se donner une place et un statut, par sa compétence et ses mérites personnels, mais sans y être véritablement préparé. Chacun est condamné à se forger son propre destin, souvent en dépit et en dehors de sa famille, de son groupe, de sa naissance et du nom qu’il porte.
Le monde rural est caractérisé en partie par le basculement de ses populations jeunes vers les centres urbains et suburbains. La vie dans ces centres a eu comme effet, la dislocation des grandes sphères familiales et a contribué en même temps à distendre les liens ou à les ternir, à cause de l’habitat souvent inadapté et inapproprié à la recomposition et à la survie des groupes familiaux dits traditionnels, de la précarité de l’emploi ou du manque d’emploi.
Au sein des classes moyennes et en milieu rural, les individus les plus éprouvés par la crise économique et sociale, se sont de plus en plus retrouvés renvoyés à eux-mêmes, leurs problèmes et leurs aspirations ne pouvant plus être pris en charge convenablement par les familles ni par les systèmes socioculturels habituels.
Il s’agissait là du cumul des effets sociaux d’une crise économique aggravée parla dévaluation du franc CFA et par les conséquences des programmes d’ajustement structurel (Pas).
L’impact de la détérioration du tissu économique et social était difficilement perceptible dans les conduites humaines tant que les systèmes de gestion des dysfonctionnements, étaient encore épargnés par une telle détérioration. Dans les familles, la plupart des recours qui avaient permis d’éviter que la dégradation des conditions de vie ne tourne à la catastrophe grâce à un esprit de débrouillardise et d’entraide, ont fini par se gripper et s’effriter.
Et si une telle évolution place les individus dans une certaine solitude, elle n’en a pas moins constitué, pour certains d’entre eux, un facteur d’émancipation vis-à-vis du carcan social et culturel, voire de la tutelle familiale. En effet, de plus en plus d’individus se sont retrouvés renvoyés à eux-mêmes et ont fini par comprendre qu’ils étaient désormais tenus de se prendre seuls en charge.
En milieu Soninké, les bons fils sont en France…
L’extérieur social qui était jusque-là vécu comme le lieu de tous les dangers, s’est progressivement transformé en un environnement pourvoyeur de liberté et de leviers d’émancipation, un espace d’élaboration d’une « identité individuelle » au détriment des structures habituelles d’édification des représentations et de façonnement des référents.
La saturation des systèmes de défense élaborés par les citoyens pour faire face aux difficiles conditions de vie, au climat social hostile, à l’érosion de l’autorité de l’Etat et à l’impossibilité grandissante pour les institutions sociales et familiales à prendre en charge les besoins et aspirations des individus, a fini par engendrer des initiatives -d’abord solitaires et ensuite progressivement collectives- de franges de populations désormais obligées de prendre en main leur propre destin.
Là où, bien des individus, impuissants devant une telle situation, étaient des spectateurs passifs et médusés, nombre de jeunes ont cherché — et cherchent encore — leur salut dans l’expatriation ou l’émigration à tout prix. « Les bons fils sont ceux qui acceptent de partir en France » disait-on déjà en milieu soninké.
A leurs yeux, rester au Sénégal, c’est mourir de la pire des morts
Partir, aller vers l’ailleurs a toujours été dans les représentations sociales vécu comme une initiative salutaire pour celui qui part. Qu’il s’agisse de migrer du village vers le bourg d’à côté, vers la capitale ou vers l’extérieur, pays voisins ou plus loin, à travers les océans. Malgré « les mesures de blocage de l’immigration en France (premier pays européen de destination) qui sont entrées en vigueur à partir de 1975 »
Les mouvements migratoires, individuels ou collectifs, quels qu’en soient les destinations et mobiles, les modalités, conditions et risques encourus, ont toujours été présentés comme des actes de maturation et de maturité. La grande affluence des demandeurs de visas devant les représentations consulaires occidentales et l’ampleur du nouveau et dramatique phénomène des migrations clandestines à bord de pirogues à destination des côtes européennes, sont assez édifiantes sur le désarroi, la solitude et l’absence de perspectives des jeunes. Mais cela renseigne également sur leur farouche et aveugle détermination à prendre en mains leur propre destin.
Pour la plupart de ces jeunes — hommes et femmes — il faut partir ou mourir. À leurs yeux, rester dans leur pays, c’est mourir de la pire des morts. C’est pourquoi ils préfèrent mourir dans l’aventure, en essayant de s’en sortir, qu’en se consumant à petit feu dans leur terroir devenu si hostile. « Séjourner à l’étranger vaut mieux que mourir », ce proverbe soninké que cite Adrian Adams est aujourd’hui plus que jamais d’actualité pour tous ces candidats à l’émigration. Même si, « devenue en principe illégale (…), l’entrée massive de travailleurs africains en France (a) pris l’aspect d’un délit commis par des individus plutôt que d’un désordre social.
L’Europe, une forteresse à prendre !
Pour ces individus à l’assaut de l’Europe, comme pour ceux qui y sont déjà, « l’Europe est une forteresse à prendre ». Il ne leur est laissé aucun choix. En effet, partir c’est déjà quelque part comme mourir, mais c’est aussi une nouvelle naissance. Et pour tous ces jeunes aux yeux de qui « l’espace Schengen est une forteresse à prendre », partir offre aussi et surtout l’opportunité de « faire mourir » ce qu’ils sont devenus en raison de l’absence de perspectives et d’espoir de s’en sortir autrement que par l’exil, la migration, la fuite.
L’Occident est vécu comme la clé du destin, un préalable, un détour difficile à effectuer mais incontournable. « L’émigration augmente nécessairement, par suite de l’effet second de dépendance qu’elle crée elle-même. L’apparence d’équilibre recouvre un cercle vicieux ; lorsqu’il faut émigrer pour vivre, on en vient inexorablement à vivre pour émigrer ». Ces jeunes perçoivent l’Occident comme gage de leur « étoffage » psycho-socio-culturel ou comme une nouvelle condition pour étayer leur identité. Dans ces conditions, partir relève d’un réflexe de survie malgré les risques du voyage.
Ces populations sont puissamment armées d’un imaginaire à la fois fécond et rigide, d’une grande détermination, d’une ferme résolution et d’une croyance aveugle en leur destinée et en la volonté divine, qui les accompagne. Ces individus ont la ferme conviction qu’aucune frontière, aucune mesure restrictive ni aucun sermon ne sauraient venir à bout de leur détermination à partir.
Déjà il y a plus de trois décennies, « devant les difficultés de parvenir en Europe en partant de Dakar ou d’Abidjan, les migrants n’hésitaient pas à aller d’abord dans d’autres villes africaines comme las Palmas, Casablanca, Tunis (…), etc., d’où ils atteindront leur destination finale en France (…). Et ironie du sort, « dans ces pays de transit qu’ont été jusqu’alors l’Espagne et l’Italie, les Africains n’ont eu qu’à emprunter des circuits existant déjà et utilisés par les Portugais, les Espagnols, les Italiens et les yougoslaves pour entrer clandestinement en France ».
Aujourd’hui, en ce début du 21ème siècle, même si les risques encourus liés aux moyens dérisoires choisis pour s’exiler ne leur laissent qu’une infime chance d’arriver vivants à leur destination européenne, les migrants sénégalais et africains n’hésitent pas à tenter l’aventure, arpentant les mêmes circuits, armés de leurs illusions et de leur seule foi en l’appel du destin et en un avenir meilleur loin de chez eux.
Dans leur univers social et culturel, la valeur intrinsèque de l’individu est habituellement moins déterminée par son parcours personnel et sa personnalité propre, que par le « personnage social » qui lui est dévolu par son sexe, son rang dans la fratrie et par sa capacité à faire face et à assumer, avec plus ou moins de satisfaction, les attentes, devoirs et obligations liés à son statut social.
Pour ces jeunes des pays de forte migration, ce sont leurs chances de réunir les conditions de prise en charge et de gestion de tels obligations et impératifs socio-économiques, en restant sur place, qui sont aujourd’hui et pour longtemps profondément et gravement hypothéquées.
Et pourtant « les apports compensateurs d’argent ne rétablissent pas vraiment l’équilibre, mais entraînent au pays (d’origine) même une dépendance accrue à l’égard de l’extérieur, dépendance qui relaie et renforce le besoin vital ».
Un appel du destin !
Si partir c’est un peu comme mourir, le départ vers l’exil comme la mort, sont encore aujourd’hui vécus par ces candidats au voyage comme un signe, un appel du destin. Mourir dans l’épreuve de l’émigration, fut-elle clandestine, est de loin, préférable aux yeux de ces jeunes, à la mort plus redoutable encore par l’asphyxie à petit feu engendrée par le désœuvrement, le manque ou l’absence de perspective et le marasme quotidien dans leur pays. Le simple fait de partir est déjà, pour eux, en soi un remède à l’ennui, la honte, la désolation et au désarroi. Peu importe ce qu’ils vont trouver en Europe. Le simple fait de partir est un baume, un pari sur l’avenir, un gage de réussite, une protection contre le renoncement, un rempart contre la dépression, et une garantie contre le sentiment de « n’être rien » qui les a envahis depuis fort longtemps.
Le fait de partir constitue un moyen de fuir le monde adulte qui leur est donné en spectacle et dans lequel ils sont tenus d’être des acteurs mais où il ne leur est laissé que le choix d’être des spectateurs impuissants et aphones devant leur propre mort programmée. On comprend dès lors pourquoi au moment de leur embarquement, ces migrants clandestins se dépouillent de leur identité et de tout ce qui est susceptible de permettre de les identifier : « Il ne faut garder aucun papier avec soi, pas de pièces d’identité, de téléphone portable, de numéro de téléphone avec soi ni d’argent local ni aucune trace susceptible de renseigner autrui sur notre pays d’origine ou sur notre nationalité. »
Badara, un patient en psychologie
Selon l’un d’entre eux, Badara M. refoulé des Îles Canaries « partir c’est la seule chose à faire qui nous reste (…) car ici, au Sénégal, quoi que l’on puisse avoir comme activité, quoi que l’on puisse gagner comme argent, on ne pourra rien réaliser (…). Pour avoir sa Teranga, il faut partir, s’éloigner, échapper aux pesanteurs sociales (…) car les valeurs sociales empêchent l’individu de réussir (…), elles sont une véritable camisole de force, un véritable obstacle à la réussite (…). Il faut s’éloigner de la famille pour échapper aux pressions et respirer tout en aidant nos « wadiur ».
Partir est aussi, pour ces jeunes, le préalable intangible, le moyen le plus sûr de pouvoir, plus tard, demain peut-être, plonger de plain-pied dans le versant valorisant et gratifiant de l’univers adulte. A condition toutefois d’échapper à la mort quasi assurée à laquelle les destinent souvent les moyens aléatoires, dérisoires et saugrenus qu’ils empruntent pour effectuer leur voyage.
Toujours selon Badara M. « Au moment où l’on a décidé de partir par la mer, l’on est dans une situation telle que l’on ne voit plus le danger ni les risques encourus, quels qu’ils soient. Ça devient une affaire d’hommes (… ) des hommes mus par le même projet qui est de débarquer en Europe. Et lorsque l’on a embarqué dans une de ces pirogues, le plus dur, c’est le premier jour, le reste, c’est une affaire de solidarité et de fraternité (…) ! Et puis la mort, maintenant ou plus tard, il n’y a qu’une mort » !
Cet « ailleurs », fruit de fantasmes et de projection, a fini, par la force des choses, par formater l’imaginaire de la plupart des jeunes. Celui qui part — et à plus forte raison celui qui est déjà là-bas — est porteur de rêve, d’espérance, donc d’un avenir meilleur, quelles qu’aient pu être les conditions de son départ, de son aventure. Cet « ailleurs », gage de ce qui désormais va fonder soi.
Les migrations et les conditions du voyage ont ainsi des relents qui rappellent les voyages initiatiques de naguère, très longs et périlleux, dont on ne revenait vivant que par miracle. Il faudra désormais les considérer comme un rite de passage. C’est ainsi que dans certaines contrées du Sénégal, le jeune homme qui n’a pas sacrifié à ce rite de l’émigration, a peu de chance de trouver une femme avec qui se marier quand bien même il aurait une activité professionnelle et les moyens de fonder un foyer.
Ces migrations internationales ont permis, dans certains milieux, l’émergence d’une nouvelle catégorie d’individus qui ont progressivement constitué une « caste haut de gamme » de la société sénégalaise. Une caste de nantis aux yeux des populations. Etre de « l’ailleurs » est une denrée très prisée au sein des populations ; car cet ailleurs est un lieu de projection de toutes les attentes et de déploiement de tous les imaginaires, surtout lorsque la réalité quotidienne n’offre rien qui puisse faire espérer des lendemains meilleurs. « La contradiction que recouvre l’apparence d’équilibre est, bien entendu, que le recours systématique à l’émigration draine les forces productives des pays et sape ainsi à terme la production vivrière ».
La fortune ou le travail, peu importe !
Naguère, on partait chercher fortune ou tout simplement du travail. Mais aujourd’hui, pour la plupart de ces jeunes, peu importe ce qu’ils vont trouver en Europe, l’essentiel étant de partir de chez eux. Et ce puissant besoin de fuir la réalité quotidienne a fini par élever, repousser leur seuil de tolérance du danger et d’évaluation des risques fussent-ils mortels. Peu importent les conséquences de leur départ et le déséquilibre que cela pourrait entraîner.
Au-delà de l’ignorance, de la naïveté, du manque de bon sens, du fonctionnement impulsif et de ce vernis d’immaturité que l’on dénote dans cet engouement voire cette ferveur pour l’ailleurs, précisément l’Europe, il y a chez ces candidats à l’émigration, quelque chose qui relève de ce monde merveilleux de l’enfance. Monde où la puissance de l’imaginaire suffit à forger et à magnifier l’ailleurs, en le parant de toutes les lumières, richesses et potentialités diverses, tout en y laissant entrevoir à ces individus un nouveau statut doté de tous les attributs de réussite et de grandeur (…)
La plupart de ces candidats à l’émigration semblent se demander ce que valent une appartenance et une fidélité à un terroir et des repères socioculturels, qui ne les aident plus à s’épanouir ni à survivre ? Que valent une intégration et une insertion socio-familiale sur lesquelles les individus ne peuvent plus s’appuyer pour se réaliser, autrement dit, que valent des « racines » dont les pousses ne sortent pas du sol ? Une insertion sociale qui ne permet plus à l’individu de se réaliser ni de s’épanouir (…).
Pour la plupart de ces candidats, l’Europe, en quelque sorte, leur doit réparation. Car à leurs yeux, c’est en grande partie à cause d’elle, par son rôle joué en Afrique dans le passé que les jeunes d’aujourd’hui ne parviennent plus à survivre chez eux. C’est pour cela qu’ils vont chercher — juste retour des choses — dans cette Europe les moyens de pouvoir de nouveau, demain, vivre et faire vivre décemment les leurs restés en Afrique. Et leur consécration, à leur corps défendant, vient du fait qu’ils sont aujourd’hui au cœur de l’actualité voire du débat politique dans bien des pays européens. Mais ils sont également au centre des préoccupations communes des pays européens et de bien des pays africains (…)
Auparavant, les candidats à la migration partaient seuls, car l’épreuve du voyage et de l’entrée en Europe, bien que fastidieuse, était encore tolérable, surmontables. Ils pouvaient y faire face, seuls. Aujourd’hui, alors que l’Europe se barricade tout en durcissant les conditions d’obtention des moyens légaux d’y entrer, les candidats à l’émigration la perçoivent comme une forteresse a priori imprenable par les voies habituelles et qu’il faut prendre d’assaut à plusieurs dans une communauté de destin. Cela les aide, pensent-ils, à mieux supporter les aléas du voyage.
Un sentiment d’échec chez les refoulés, expulsés ou rapatriés
A leurs yeux, plus ils seront nombreux dans cet assaut, plus ils auront de chance d’y arriver. Ils sont ainsi unis et solidaires dans la conspiration et dans la culture du secret qui enveloppe le voyage clandestin. Une épreuve collective aux allures de rituels et aux finalités quasi initiatiques. En effet, la conduite des migrants clandestins, avec des relents de conspiration, rappelle étrangement celle des jeunes hommes, candidats au rite initiatique qui, dans la discrétion et dans le secret absolu, préparent dans leur retraite, l’épreuve rituelle qui constitue un tournant capital de leur vie.
Dans le cas des refoulés des côtes espagnoles, comme chez tous ceux qui sont rapatriés, expulsés, il y a un puissant sentiment d’échec car à leurs yeux, la procédure rituelle –qu’est le voyage- n’a pas connu le parachèvement normal requis pour être complète et atteindre sa fonction symbolique. Ces candidats en début ou en cours d’initiation par le voyage, ayant été interceptés et renvoyés comme des malpropres, ont le sentiment amer d’avoir été jugés inaptes au voyage/rituel vers le statut d’initié, celui de la maturité, de la responsabilité.
C’est pour cela que leur retour forcé sur le sol africain — retour et départ initial sur les conditions desquels ils ne peuvent généralement pas s’exprimer ni mettre des mots —, est vécu comme une extrême humiliation car signe patent d’inaptitude à la candidature au voyage initiatique et émancipateur, en plus du lynchage publique et médiatique qu’ils subissent, sans parler des démêlés avec la police et des probables poursuites judiciaires qui en résultent.
A la violence du départ et des circonstances cauchemardesques du voyage s’ajoute la violence du retour, le sentiment d’échec qui lui est lié, et l’impossibilité de narrer les péripéties de l’aventure quasi suicidaire que viennent de vivre ces indésirables en terre européenne. A cela viennent se greffer les problèmes psychologiques et matériels engendrés par les difficiles retrouvailles avec leurs familles respectives, les pesanteurs du milieu, et la vie quotidienne ordinaire et insupportable pour ces desperados africains du XXIe siècle, en quête d’une alternative plus réjouissante et salvatrice.
Des voyous de la mer ?
Si la presse et les autorités publiques ont tendance à les présenter comme des voyous et des hors-la-loi, des individus inconscients, fraudeurs et suicidaires, ces candidats au voyage eux cherchent tellement à se soustraire à la forte pression sociale qu’ils subissent en permanence dans leur quotidien, que leur besoin de partir l’emporte sur toute autre considération ou mesure de prudence. Leur credo, c’est partir, s’éloigner, fuir le pays pendant quelque temps, souffler, respirer ! Ce qui fait qu’à leurs yeux, il ne peut y avoir d’obstacle infranchissable ou tout au moins incontournable. D’où leur slogan « Barça » ou « Barsax » Autrement dit, « Barcelone » ou « l’au-delà » ! Débarquer en Europe ou périr !
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