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7 avril 2025
Opinions
par Zak Alfa Diallo
QUAND LE FOOT ET LES RÉSEAUX SOCIAUX CACHENT UNE XÉNOPHOBIE RAMPANTE
La popularisation de la parole xénophobe qui indexe le Peul Fouta ou l’autre comme responsable de son malheur, ce mépris des Peuls Fouta ou « Ndring » relèvent d’une mécanique d’extrême droitisation de la société sénégalaise
Elle est loin l’époque où les tribunes débordaient d’une saine rivalité lors des matches entre les Lions et le Syli national de Guinée. Loin, cette ère, quelque peu bon enfant, où même un derby entre le grand Hafia Football Club de Conakry et le Jaraaf de Dakar, quoique transpirant les petites querelles idéologiques entre Senghor et Sékou Touré, était avant tout une fête fraternelle du football ouest-africain.
C’est vrai qu’entre temps, il y a les réseaux sociaux, son côté trivial et bestial, l’amplification digitale de la rivalité et le fait que des imbéciles, qui n’osaient pas s’exprimer en public, ont désormais une liberté totale et des moyens de communication à leur disposition, véhiculant le mépris voire la haine entre les supporters des deux pays frères.
La défaite inattendue du Sénégal face à la Côte d’Ivoire en 8èmes de finale de la CAN 2023 a déclenché une série de réactions exacerbées de la part des Camerounais, de Congolais et du voisin guinéen. Comme du reste l’ont fait les aficionados sénégalais lors des victoires de la bande à Sadio Mané contre le Syli et les Lions indomptables. Mais apparemment pour certains Dakarois, des Guinéens sont « ingrats » de chambrer les Sénégalais, ce peuple de la « Téranga » accueillant des « millions de Guinéens ».
Parmi les perles avancées sur les réseaux sociaux, certains reprochent aux Guinéens d’avoir « jubilé (sic) lors de la défaite du Sénégal contre la Côte d’Ivoire ». « Ce sont des choses qu’aucun étranger n’ose faire nulle part dans le monde », s’est avancé un éclairé du web.
« Les Guinéens raflent maintenant tout ce qu’il y a des terrains ou de maisons à vendre en banlieue dakaroise. Dans moins de dix ans, ils constitueront un tiers de la population du Sénégal », note également ce « démographe » des quartiers, insistant sur cette future « bombe démographique ».
Pétition pour exiger une carte de séjour aux Guinéens au Sénégal
« Nous n’avons rien en commun avec la Guinée et sincèrement je ne veux rien avoir en commun avec ces gens-là », fait remarquer un autre inculte à la critique facile. D’autres iront même plus loin en prônant le boycott du Guinéen, avec comme « première étape, d’arrêter d’acheter dans les boutiques de ces minables ». Ce sont-là certains des sortilèges lus sur Seneweb.
Cette phraséologie de tous les excès reproduit finalement un discours du désordre, une version tropicalisée de la soi-disant théorie du « grand remplacement », avec une population « sénégalaise » de souche menacée par les Peuls originaires de la Guinée Conakry. « Faites un tour dans les hôpitaux notamment à Abass Ndao, vous verrez que 95% des accouchements, ce sont des Guinéennes », fait remarquer ce « Zemmour » de la Gueule Tapée qui se fait courageusement appeler « Boy Dakar » sur les réseaux sociaux.
Et dans ce combat pour véhiculer cette idéologie si chère à Renaud Camus, certains illuminés du web, de sinistres personnages et « influenceurs du dimanche » en réalité, ont ainsi lancé une pétition pour le vote d’une loi dont l’objectif hautement salvateur est d’exiger la carte de séjour aux seuls Guinéens. Au mépris des textes de la CEDEAO.
Cette pétition d’une abjection sans nom est le dernier acte d’une xénophobie rampante au pays de Senghor. Le Peul-Fouta bashing ne cesse de prospérer ces dernières années, de fleurir comme une mauvaise herbe domestiquée par ces nouveaux chantres du chaos, héritiers de cette inculture tout en paille et en flammes notée lors des tragiques événements sénégalo-mauritaniens de 1989. Et parfois à des niveaux insoupçonnés.
De plus en plus, la parole xénophobe se libère et même, parfois, se banalise sur certaines plateformes et réseaux sociaux. Les sites d’info et les réseaux sociaux sont finalement devenus un défouloir pour l’intolérance et la haine.
La tactique nauséeuse ou quand le Premier ministre est désigné Amadou Oury Ba
Une situation qui n’épargne même pas de hauts fonctionnaires et certains responsables de l’opposition, qui ne cessent d’appeler le candidat du pouvoir, Amadou Oury Ba ou Amadou Diouldé Ba. L’allusion est claire et la tactique nauséeuse. Dangereuse. Certaines franges « patriotes » ou « nationalistes » profitent d’ailleurs de cette séquence sportive ivoirienne pour tenter de diaboliser le Premier ministre. Comme le dit si bien un ami et frère sénégalo-guinéen, le match de foot et les incidents rapportés sont juste des prétextes qui exacerbent une intolérance à peine enfouie.
Par ailleurs, c’est comme si l’odeur du pétrole et du gaz récemment suscite un espoir de prospérité démesuré chez certains compatriotes qui pensent que les Peuls Fouta vont les envahir davantage si un autre peul prend le pouvoir.
En fait, l’habitude fait tomber dans une triste banalité cette xénophobie rampante. Au point de ne choquer personne. Surtout dans une société dans laquelle l’art de l’esquive fait recette.
A ce sujet, j’ai été choqué par le silence de justes quand un ancien parlementaire s’est avancé, un dimanche 31 mai 2021, dans un délire verbal qui justifie son ignorance derrière des airs savants. « Prenez aussi l’exemple des Guinéens, leur reviennent les petites boutiques de quartier alors qu’ils n’habitent pas ici. Au moindre accroc, ils vont rentrer chez eux », avait-il ânonné. En toute impunité.
Alors comment s’étonner de voir le nombre exponentiel de « likes » chez « Tons TikTok » ou de reprises lors de passages nauséabonds de l’infect Tahirou Sarr dans certains médias en ligne.
L’art de l’esquive
Au rythme où cette « bêtise humaine » gagne en viralité, l’urgence réclame ne plus brider notre capacité d’indignation, de s’ériger en toute responsabilité et en toute intelligence face à cette ignominie galopante dont les conséquences pourraient se révéler désastreuses. Car au lieu d’esquiver, rien de plus indispensable que de démasquer la xénophobie dans toutes ses formes. La tâche est d’autant moins aisée que, de nos jours et dans nos pays africains, personne n’ose s’afficher ouvertement xénophobe.
Dès lors, ce chancre ne défigure clairement aucun visage et, à la moindre trace du mal, des alibis innombrables sont à la disposition de chacun. Or, sous la surface polie et les convenances, nos sociétés de Saint Louis au Cap Skirring, et de Bakel à Dakar ne manquent pas de se multiplier les signes et les gestes de l’exclusion, ou d’entretenir préjugés d’où peut s’épanouir la tige vénéneuse de cette xénophobie anti peule.
La popularisation de la parole xénophobe qui indexe le Peul Fouta ou l’autre comme responsable de son malheur, la critique avec comme moteur la citoyenneté, ce mépris des Peuls Fouta ou « Ndring », comme certains les appellent parfois avec dédain, relèvent forcément d’une mécanique d’extrême droitisation de la société sénégalaise. S’en prendre aux Peuls Fouta, c’est oublier la sénégalité de millions d’entre eux sur des « supposés critères parfaitement aléatoires ». Ce qui constitue un grand danger pour l’unité nationale.
Plus largement, ces propos nauséabonds distillés ici et là sont finalement le fruit « d’une modernité qui nie notre culture et son histoire ». Tout simplement, et oubliant au passage que la « Téranga » est le socle de la nation sénégalaise.
Pour les Sénégalais d’origine guinéenne, ainsi que tous les sénégalais épris de paix, c’est un devoir de lutter contre ces discours haineux, qui constituent une menace sérieuse pour la paix et la cohésion sociale que nous chérissons tant. Car le pays de Senghor et Cheikh Anta Diop mérite un vivre-ensemble harmonieux et heureux, où la diversité s’exprimerait dans une belle intelligence sociale. Et sportive.
Zak Alfa Diallo est Journaliste, Suisse romande.
PAR Khandiou
FIN DE L'ILLUSION D'UNE CEDEAO DES PEUPLES
EXCLUSIF SENEPLUS - Depuis quelques années, on assiste à la montée du nationalisme dans nombre d’États membres. Au niveau de l’élite politique, on note une absence de leadership au sein de cette organisation créée depuis 1975
La décision est qualifiée par une grande partie de l’opinion de malheureuse, de n’être ni dans l’intérêt de ceux qui restent dans la CEDEAO, ni dans l’intérêt de ceux qui sont sortis, le Niger, le Burkina Faso et le Mali regroupés dans un cadre dénommé l’Alliance des Etats du Sahel (AES).
Les conséquences lourdes dont les civils seraient les premières victimes sont souvent évoquées. Comme elles l’ont été déjà depuis l’embargo imposé à l’AES au lendemain des putschs militaires.
Quid des coups d’Etat constitutionnel et institutionnel qui ont fait le lit de tout ce désordre en Afrique de l’Ouest déjà fortement éprouvé par le péril terroriste, les changements climatiques, les épidémies, etc. ? Nous en reparlerons plus bas.
La CEDEAO des peuples clamée sur tous les toits est une réalité de façade. D’abord l’épidémies d’Ebola en 2015 concentrée notamment en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone, puis la pandémie à Covid-19, ont montré à quel point le multilatéralisme et la solidarité ne sont qu’un vœu pieux. Au contact de la réalité, les faits sont tout autres.
Ne nous voilons point la face.
Depuis quelques années, on assiste à la montée de ce qui s'apparente à du nationalisme dans nombre d’États membres de la CEDEAO. La démographie galopante, combinée à la pauvreté à cause du chômage des jeunes notamment, irritent de plus en plus les populations. Les exemples de scènes de xénophobie en Afrique du Sud contre les Nigérians, et plus près de nous, les mêmes actes entre Burkinabè et Ivoiriens, en sont quelques illustrations. La circulation des personnes et des biens, obligatoire en vertu du protocole de la CEDEAO sur la question, ne connait pas une application rigoureuse. La célèbre phrase qui veut qu'"en Afrique on est partout chez soi" s’effrite chaque jour un peu plus. Le nationalisme est de plus en plus chuchoté, avec pudeur, même dans le cercle des intellectuels africains qui ne croient presque plus aux idéaux d’une Afrique unie. La vocation première de la CEDEAO, soulignons-le, était de mettre en œuvre des politiques cohérentes pour une intégration économique de ses Etats membres.
Au niveau de l’élite politique, on note une absence de leadership au sein de cette organisation créée depuis 1975. S'y ajoute une division issue, entre autres, et plus récemment, des sanctions de la CEDEAO contre les régimes militaires dans la région. Des sanctions qui visent d’abord les populations civiles, faut-il le rappeler.
Mais comment ses militaires sont parvenus à s’imposer dans leur pays respectif et semblent recueillir l’adhésion et le soutien des populations ? Les scènes de liesse populaire qui accompagnent les chutes de régimes civiles, au Burkina Faso, au Niger et au Mali renseignent suffisamment sur la rupture profonde et le manque de confiance de ces populations vis-à-vis de leur gouvernant, de l’élite politique plus généralement.
Le protocole additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, pourtant document de référence, est peu ou pas considéré par les dirigeants qui, au lieu de mettre en place des mécanismes juridiques, réglementaires et législatifs pour son application effective, trouvent toujours les moyens de rester au pouvoir au-delà de leurs mandats légaux. Des actes anticonstitutionnels qui ne sont presque jamais condamnés par la CEDEAO désormais considérée comme une organisation moribonde, au service de puissances étrangères, la France plus précisément.
Constat : les mécanismes régionaux au sein de la CEDEAO ont montré leurs limites dans de nombreuses situations. Souvenons-nous-en, alors que le Mali et tout le Sahel étaient menacés en 2012 par des groupes armés terroristes, l’organisation n’a pas pu apporter avec célérité une réponse forte et coordonnée à la hauteur de la menace, montrant ainsi des défaillances profondes dans les systèmes de défense collective. Ce qui a été à l’origine de l’intervention de la France rejointe par d’autres puissances et finalement de ce bousculement de forces étrangères dans le Sahel.
Que nos dirigeants se le tiennent pour dit. L’Afrique, sa population, ses armées, ne nourrissent plus de complexes vis-à-vis de l’Occident. Les temps ont changé. Plus rien ne se décidera sur le dos des Africains de plus en plus conscients que tout ce qui se fait sans eux est contre eux, conscients également que leurs nombreuses ressources minérales et leur forte et jeune démographie pèsent sur la balance.
C’est aussi une question de dignité.
Mon avis est qu’il nous faut de grands chocs pour après rebâtir de bonnes choses avec et pour nos populations. La souveraineté ne se proclame pas. On doit aussi mettre en place des réformes endogènes, structurantes et résilientes pour faire face aux chocs exogènes. Nous devons prendre notre destin en main. Ce ne sera pas facile. Nous n'en verrons certainement pas les résultats immédiats. Mais l’avenir et la dignité des générations futures en dépendent.
Par Alpha Amadou SY,
L’HOMOLOGIE ENTRE LE PARTI ET L’ÉTAT, UNE DES SOURCES ORIGINELLES DES PERVERSIONS DEMOCRATIQUES
Dans nos travaux antérieurs, nous faisions remarquer que l’élection de Maître Wade à la magistrature suprême, en mars 2000, était plus que le simple produit d’un mécanisme électoral.
Dans nos travaux antérieurs, nous faisions remarquer que l’élection de Maître Wade à la magistrature suprême, en mars 2000, était plus que le simple produit d’un mécanisme électoral. Elle était plutôt la résultante d’un mouvement social qui débordait le cadre d’un scrutin dont il se servait comme prétexte pour déployer son cours sur l’intégralité de l’espace politique.
Ainsi, au-delà de l’évènement politiquement chargé que constituait le verdict des urnes, cet avènement de Me Wade à la tête de l’Exécutif sénégalais portait la marque indélébile d’une maturation citoyenne. En fonction de cette lecture, nous nous étions posé ces questions : le pouvoir, issu de l’alternance, pourra-t-il toujours être en adéquation avec la mouvance citoyenne en tenant la promesse des fleurs ? L’esprit universel sera-t-il à même de triompher des intérêts domaniaux ? Quid de l’éthique politique dont la centralité dans le jeu démocratique rend intelligible la ferveur citoyenne qui a accouché du « séisme » de mars 2000 ?
Le président Wade semblait prendre la pleine mesure des fortes attentes de ses concitoyens quand il déclarait, comme s’il était élu par tout le continent, la fin de la gestion solitaire du pouvoir en Afrique. Mais son discours, très tôt confronté au magnétisme du pouvoir, révéla son caractère davantage mystifié que mystificateur.
Dès la constitution du nouveau gouvernement, nous avions émis la crainte de voir le pouvoir reconduire cette homologie entre le parti politique et l’État qui a été la quintessence du mode de gouvernance des socialistes défaits. Et Me Wade, en intégrant les états-majors des formations politiques significatives du Front pour l’Alternance dans l’espace du pouvoir, avait hérité de cette homologie qui a été à la base de cette politique désastreuse sanctionnée sans ambages le 19 mars 2000 par les citoyens-électeurs du Sénégal.
Cette relation de correspondance entre le Parti et l’État, une constante déterminante durant les quarante ans de règne des socialistes, a connu deux formes d’expression différenciées. Sous Senghor, c’est la position au sein du parti qui détermine le statut dans l’administration. Les principaux leaders socialistes étaient placés dans les plus haute sphères de l’État Cette configuration gouvernementale, propre au Parti- État, est pratiquement inversée avec l’avènement de l’ÉtatParti dont le cycle est ouvert par le duo Abdou Diouf/Jean Colin et clos avec le tandem Abdou Diouf/ Ousmane Tanor Dieng.
Le pouvoir de Me Wade a hérité de cette deuxième forme d’homologie dont la caractéristique essentielle est de coopter des cadres et des technocrates qui sont ensuite mis en demeure de se trouver une base politique. Cette forme d’homologie sécrète un présidentialisme d’autant plus accentué que le PDS qui en hérite ne bénéficie ni de la même pratique militante que le parti socialiste ni de la même régularité du fonctionnement de ses structures dirigeantes. Pire, le parti libéral a terriblement souffert de son identification à la personne de Me Wade.
Révélatrice, à ce sujet, est la fulgurante promotion politique du fils du président Wade. La volonté de faire accéder Karim Wade à l’espace du pouvoir a trouvé son répondant dans cette dynamique qui a éjecté du PDS des cadres précieux pour le parti libéral. Au nombre de ceux-ci Aliou Sow de la direction du Mouvement des Jeunesses Travaillistes et Libérales et Aminata Tall, militante de première heure, et capitalisant une riche expérience gouvernementale avant et sous l’alternance, responsable du Mouvement national des femmes.
La dernière victime de cette stratégie de mise à mort politique de tout libéral soupçonné de s ‘opposer à l’accès de Karim Wade au sommet a été Macky Sall qui avait été ministre, puis premier ministre, directeur de campagne et enfin président de l’Assemblée nationale.
Le projet, qualifié de dévolution monarchique du pouvoir, avait alimenté un puissant courant de résistance porté par des militants d’autant plus remontés qu’ils rappelaient, pour reprendre Abou Abel Thiam, que Karim Wade « n’avait pas voté pour son père en 2000, tout simplement parce qu’il n’avait pas qualité d’électeur, ayant obtenu sa carte d’identité seulement en 2002 ».
Et le double recours au parachutage et au tripatouillage constitutionnel pour forcer le destin politique de son fils a été sanctionné par le verdict sans appel de la rue le juin 2011, confirmé par les urnes en mars 2012 !
À la suite de cette débâcle électorale, Macky Sall a accédé à la Magistrature suprême. Cette élection avait été jugée d’autant plus salutaire pour la consolidation de l’État de droit que le nouvel élu avait vécu auparavant l’expérience traumatisante de l’arbitraire politique. Mieux, le fait que son élection a été portée par une dynamique des forces coalisées contre les dérives d’autoritarisme avec son lot de privations, de sacrifices et même de morts d’homme avait conféré une légitimité certaine à cet optimisme.
Dans cet esprit, Macky Sall avait déclaré, à haute et intelligible voix, vouloir s’en limiter à deux mandats, conformément à l’esprit de la Constitution. Et cet engagement était rythmé par un slogan d’une forte charge républicaine : la patrie avant le parti !
Bien plus, dans l’euphorie de sa coalition victorieuse et dans une ambiance particulièrement marquée par les effets salvateurs des luttes citoyennes, Macky Sall reconfrontera davantage les citoyens en dénonçant les transhumants ravalés au rang de… rats.
Toutefois, cette volonté si clairement affichée d’être en phase avec l’idéal originel de l’alternance politique n’a pu résister à la logique pouvoiriste. Ce retour du même a été largement favorisé par la reconduction par Macky Sall de l’homologie entre le Parti et l’État. Précisément, en optant de gouverner, en plus de sa coalition primitive « Macky 2012 » , avec tous ceux qui ont apporté ne serait-ce qu’un moindre concours à son élection, notamment toutes les autres forces constitutives de BBY, le leader de l’APR s’était engagé dans les sentiers battus par ces prédécesseurs.
Ce changement de cap a non seulement créé de la frustration au sein des « militants de la première heure », mais a éloigné le Président des fortes attentes citoyennes. Ainsi, en plus de l’enterrement progressif du slogan la partie avant le parti, les acteurs de cette pernicieuse mobilité politique, dénommée transhumance, furent lavés à grande eau sous prétexte qu’il faut bien trouver les moyens de massifier la mouvance présidentielle. S’y ajoute que, sous la poussée de ses camarades sans doute les moins soucieux du respect de son code d’honneur, la question de la durée de son premier mandat de même que celle du nombre avaient fini par faire monter l’adrénaline au sein du landerneau politique.
Dans ce contexte apparait toute la fragilité des multiples coalitions constituées en dehors de repères idéologico-politiques, lesquels leur garantissent solidité et engagement. Ainsi, les membres de la majorité, laquelle ne manque certainement pas d’identités remarquables, ne sont, en vérité, fidèles à Macky Sall que dans la simple mesure où ils ont ou espèrent avoir des postes de sinécure. Dans cette logique, la figure du militant est minorée au profit du manœuvrier politique qui entend se faire payer à la tâche !
Le triomphe de ce mode de gouvernance rend, au moins en partie, intelligible toute cette mise en scène tragico-comique dont l’Assemblée nationale du Sénégal est encore une fois de plus le théâtre. Après le face à face de tous les dangers des policiers et des gendarmes en 1987, se dessinent, sous nos yeux, les conditions d’un duel inédit entre l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel. Sans préjuger de l’issue de ce contentieux désastreux pour les institutions, il est clair que l’alliance entre le PDS et BBY pour mener une enquête sur les conditions du rejet de la candidature de Karim Wade et, par ricochet, mettre un terme un processus électoral, atteste d’une profonde déchirure qui n’a pas encore livré toute sa vérité. S’agit-il d’une stratégie pour réaliser la volonté prêtée au chef de l’État de rester encore au pouvoir ? Est-il question d’une fronde contre le choix d’Amadou Ba ? Le couts politique héritera de ces questionnements.
En tout état de cause, l’unité de BBY est d’autant plus en sursis que le Président Macky Sall, pour avoir renoncé au pouvoir, n’intéresse plus aucun manœuvrier politique !
En définitive, il se donne alors à lire que l’APR, à l’instar du PDS des flancs duquel elle est sortie, ne s’est pas préoccupée de ces questions majeures, relatives au présidentialisme, à la représentation démocratique, aux rapports entre l’État et le Parti, et aux réseaux de prébendes. Ce faisant, le système politique sénégalais draine les mêmes tares non sans donner l’impression de faire toujours un pas en avant et deux pas en arrière. Et l’avenir politique interroge car même si des offres politiques existent, elles ne sont pas, pour une raison ou une autre, soumises à l’examen des citoyens-électeurs. En lieu et place se constate un basculement vers une juridicisation à outrance des questions politiques avec le risque de voir les Sénégalais se détourner du jeu politique.
Par Kaccoor Bi
«CES AUTRES RENTIERS DE LA TENSION»
Ce pays qu’on leur a confié dans la paix, ils doivent avoir l’élégance et la courtoisie de nous le rendre dans le même esprit et partir.
Le drame, en Afrique, c’est de voir des aspirants au pouvoir se métamorphoser sitôt élus ou après quelques années d’exercice du magistère suprême. L’homme au visage d’agneau peut se révéler être en moins de temps qu’il n’en faut en méchant loup. Surtout si l’on arrive avec l’idée de régler des comptes à des gens avec qui on a eu des contentieux antérieurs ou dont le crime est de vouloir être Califes à la place du Calife que vous êtes devenu.
Dans les régimes dictatoriaux des premières années de nos glorieuses indépendances, où l’on faisait peu cas du respect des droits de l’Homme, on coupait les têtes ou faisait disparaitre ces empêcheurs de gouverner sans avoir de comptes à rendre.
Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux et la toute-puissance des organisations de défense des droits de l’homme, c’est l’exil forcé ou la prison pour faire taire ces messieurs et dames qui ont le toupet de s’opposer aux nouveaux monarques au pouvoir. Ça vous fait penser à un pays à la démocratie très chahutée depuis quelques années ?
On peut bien se désoler de la trajectoire prise par ce charmant pays qui vit des moments d’incertitudes à quelques heures du démarrage de la campagne électorale et où l’on agite sournoisement l’idée d’un probable report de la présidentielle. Un report motivé par des calculs politiciens fort douteux. Report qui se justifie d’autant moins dans un pays ou aucune institution n’est en crise et où tout marche même si on peut déplorer les erreurs d’appréciation des Juges du Conseil constitutionnel concernant la candidature de Karim Wade.
Le chaos que l’on agite dans des discours martiaux et virils pourrait ne point venir d’opposants ou de populistes que l’on toise avec la haine au cœur comme s’ils n’étaient pas des Sénégalais. Il pourrait plutôt venir de gens qui n’ont cessé de déclarer qu’ils ne laisseraient pas ce pays, qu’ils croient être leur propriété, à des aventuriers qui se trouvent être des membres de la plus grande formation politique du pays. Un parti dont ils n’espéraient guère voir un des responsables faire valider sa candidature pour la présidentielle. C’est dans ces moments troubles que l’on nous tympanise avec l’idée d’un report du scrutin et la formation de je ne sais quel gouvernement d’union nationale de transition.
A tous ces « rentiers » de la tension – l’expression est empruntée à un proche du Chef — qui se sont réfugiés dans les dédalles du pouvoir. A tous ces gens, donc, on est tenté de demander d’arrêter de jouer avec le feu après avoir fait traverser le pays dans des zones de turbulences à cause de leurs calculs machiavéliques. Ce pays qu’on leur a confié dans la paix, ils doivent avoir l’élégance et la courtoisie de nous le rendre dans le même esprit et partir.
Par Moussa KAMARA
AUX URNES, CITOYENS !
Nos politiciens, encore eux, se manifestent en voulant faire différer l’élection présidentielle. Pour dire vrai c’est une infime partie de l’opposition, précisément le Pds, qui se démène ainsi pour faire revenir dans le jeu son candidat recalé...
Nos politiciens, encore eux, se manifestent en voulant faire différer l’élection présidentielle. Pour dire vrai c’est une infime partie de l’opposition, précisément le Pds, qui se démène ainsi pour faire revenir dans le jeu son candidat recalé par le Conseil constitutionnel. Ils oublient que ce parti a perdu de sa superbe depuis qu’il a été jeté dans l’opposition par Benno Bokk Yakaar.
Le puissant Secrétaire Général National des années de braise a pris de l’âge et tous ses ultimes projets ont été contrariés. Son fils biologique lui a succédé mais a causé le départ des fils putatifs et autres ténors du parti. Ceux qui sont restés dans le parti le sont plus par affinité avec la famille ou pour avoir bénéficié des largesses de Wade Président. Encore que, pour ces derniers, la reconnaissance du ventre n’est pas toujours mise en bandoulière !
Les caciques du Pds d’antan ne sont plus à l’Assemblée nationale. Où les jeunes d’aujourd’hui, très radicaux, voulant tout changer tout de suite, n’ont aucune idée des confrontations Ps/Pds d’antan avec des débateurs de très haute facture et maîtrisant leur sujet, qu’ils soient dans le pouvoir d’alors ou dans l’opposition. Cette époque est sans commune mesure avec ce que l’on voit et entend de nos jours. A l’époque il y avait aussi des analphabètes comme aujourd’hui, mais ils étaient très discrets et sans Internet. Aujourd’hui qu’il y a la traduction simultanée et la recherche du buzz, la parole n’est plus distribuée, elle s’arrache. Notre société se retrouve en miniature à l’Assemblée. Toutes les vilénies dans cette société peuvent se constater dans cette Assemblée. Après on viendra nous dire que nous n’avons que les dirigeants et députés que nous méritons.
M’enfin… Le Pds pourra-t-il réussir son projet de faire participer Karim Wade à l’élection présidentielle ? Un vaste chantier mené par des hommes et femmes pas forcément du même calibre que leurs devanciers. Faut savoir que les bisbilles entre le Pds et le Conseil constitutionnel ne datent pas d’aujourd’hui.
Ceux qui défendent le plan, pour ne pas dire projet, du Pds sont moins lourds, moins audibles, moins convaincants et moins hardis. La force du Pds, c’était sa capacité de mobilisation. Qui pouvait remplir tous les terrains vagues de Dakar où se tenaient ses fameux meetings. Avec l’effritement qui a vu ses cadres essaimer selon leurs intérêts vers d’autres cieux, ce parti est moins prégnant, plus absent que présent. Et malgré les foucades de son intrépide et frasque députée, Karim Wade est hors course. Et nous irons tous voter à Dieu ne plaise le 25 février.
par Oumou Wane
NOTRE CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET ASSEMBLÉE NATIONALE DÉSHONORÉS
Ce séisme contre notre République et nos institutions, n’a d’autre but que de rebattre les cartes pour déboulonner ou repositionner certains candidats. Lorsque je regarde ces gens, je me demande bien qui représentent-ils ?
Les débats violents sont un classique de la vie politique au Sénégal. Clashs et coups d’éclat à l’Assemblée nationale, menaces en pleine séance parlementaire ne sont pas rares chez nous, mais les agressions physiques n’ont pas leur place dans un débat politique sain.
L’atmosphère délétère qui régnait au sein de l’Assemblée nationale sénégalaise ce mercredi 31 janvier 2024, a en effet transformé l’hémicycle en scène indigne d’affrontements verbaux et physiques.
La honte et le déshonneur sur nos institutions démocratiques ont atteint leur paroxysme lorsque Mame Diarra Fam a dépassé toute bienséance, en interceptant physiquement Thierno Alassane Sall pour l’empêcher de s’exprimer, outrepassant ainsi toutes les attentes de respect et de décence dans un environnement politique de plus en plus haineux et choquant.
Mais posons-nous la question de ce que cache cette confrontation explosive. Au-delà de l’incident lui-même, cette confrontation ne révèle-t-elle pas, outre les tensions croissantes au sein de la vie politique sénégalaise, une tentative d’user de manœuvres pour empêcher un vote démocratique ? D'une stratégie consciente de déstabilisation de l’appareil politico-judiciaire sénégalais et d’un appel au chaos démocratique ?
Là, dans une Assemblée nationale vernaculaire, sans coup férir, une députée drapée dans ses lâchetés et calculs politiciens accuse de conflits d’intérêts et de soupçons de corruption certains membres du Conseil constitutionnel, la plus haute institution de notre pays. En clair, selon certains députés, ils auraient été corrompus pour faire invalider certaines candidatures. Les accusations sont graves et ont toutes les chances de se retourner contre leurs auteurs sous le trait d’une plainte en bonne et due forme !
Dieu merci, Thierno Alassane Sall a échappé ce mercredi à une agression et sur ces entrefaites, le président de l'Assemblée nationale a finalement suspendu la séance.
Ce qui me choque, me meurtris et m’inquiète c’est qu’il se dit que ce séisme contre notre République et nos institutions, n’a d’autre but que de rebattre les cartes pour déboulonner ou repositionner certains candidats. Lorsque je regarde ces gens, je me demande bien qui représentent-ils ?
Au Sénégal, la polémique enfle concernant un potentiel report de l’élection présidentielle du 25 février prochain, ce que Macky Sall lui-même a réfuté. Ce que le Premier ministre Amadou Ba et candidat à la magistrature suprême, a clairement écarté, précisant que les autorités administratives sont déjà à pied d’œuvre pour poursuivre le processus électoral.
Alors, commission d’enquête parlementaire ou pas, que nous retrouvions vite confiance en nos institutions, que nous reparlions à nouveau de l’avenir qui nous attend et que la campagne présidentielle commence pour que nous débattions enfin sur le fond et le sens des idées et de la politique.
Par Meissa Diakhaté
L’ARGUMENT DE DROIT EST-IL CONTRE LE REPORT DE LA PRÉSIDENTIELLE ?
La question de fond est celle de penser si la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001 en vigueur a institué des conditions et des modalités d’un report de l’élection présidentielle.
L’agitation parlementaire autour du report de l’élection présidentielle du 25 février 2024 a fini de semer l’angoisse dans l’esprit du citoyen sénégalais. Le seul jour-là, où le Peuple aura le don d’apparaître en majesté et le pouvoir de reprendre sa souveraineté, est emblématique dans une société naguère réputée être l’exception démocratique en Afrique francophone. Certes, c’est le temps d’une rose démocratique, mais c’est le seul moment au cours duquel l’élu est suspendu à la volonté de l’électeur. C’est bien cette vertu démocratique qui est aujourd’hui mise en question dans le débat public consacré à la Commission d’enquête parlementaire.
Mais en toile de fond, c’est notre référentiel constitutionnel qui est, de nouveau, interpelé par l’actualité politique, et c’est réconfortant qu’il en soit ainsi. Disons-le bien, le droit constitue la sève nourricière d’une démocratie en pleine croissance, comme la nôtre.
Cela nous donne alors, abstraction faite des dispositions d’esprit des acteurs politique, de réfléchir sur l’état du droit constitutionnel par rapport à une question de report de l’élection présidentielle.
A ce titre, deux arguments de droit méritent d’être investis : l’imprévisibilité du report et l’improbabilité du contrôle.
I/ Un report constitutionnellement imprévisible
La question de fond est celle de penser si la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001 en vigueur a institué des conditions et des modalités d’un report de l’élection présidentielle. A l’analyse, certaines dispositions constitutionnelles pourraient contenter les tenants de la thèse du report. Cependant, celles-ci gagneraient à être relativisées voire contestées.
En premier lieu, il ressort de l’alinéa premier de l’article 27 de la Constitution que « la durée du mandat du Président de la République est de cinq (05) ans ». Dans la syntaxique légistique, l’usage du présent de l’indicatif a valeur impérative et rend superfétatoire les adverbes « obligatoirement / impérativement / absolument ».
A la différence, la durée du mandat des députés ou des conseillers territoriaux de nature législative (fixée dans le Code électoral) peut être allongée ou raccourcie au gré d’une simple loi votée par l’Assemblée nationale à la majorité relative des suffrages exprimés.
Plus fondamentalement, la durée du mandat présidentiel, en plus d’être figée dans le marbre constitutionnel, est élevée au rang des dispositions constitutionnelles interdites de révision par l’article 103 de la Constitution : « La forme républicaine de l’Etat, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ne peuvent faire l’objet de révision ».
Ces dispositions irrévisables sont aussi appelées, dans le narratif qualifié des constitutionnalistes, de « clauses intangibles » ou de « clauses d’éternité ».
Autrement exprimé, défense est faite au pouvoir constituant de porter atteinte, de quelque maniérée que ce soit, à de telles dispositions sanctuarisées. Ainsi, toute initiative de révision de la Constitution ne saurait prospérer dans le contexte actuel.
Au demeurant, et pour ce qui reste à dire sur ce point, il devrait être possible d’opérer une révision de la disposition irrévisable pour faire sauter le verrou constitutionnel. Mais, il reste simplement une improbable hypothèse d’universitaire.
En second lieu, l’argument des pouvoirs exceptionnels du Président de la République (article 52 de la Constitution) est convoqué par certains analystes : « Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire national ou l’exécution des engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ou des institutions est interrompu, le Président de la République dispose de pouvoirs exceptionnels. Il peut, après en avoir informé la Nation par un message, prendre toute mesure tendant à rétablir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions et à assurer la sauvegarde de la Nation ».
Force est de constater que ce principe est assoupli par deux interdictions absolues : « Il [le Président de la République] ne peut, en vertu des pouvoirs exceptionnels, procéder à une révision constitutionnelle (…). Elle [l’Assemblée nationale] ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels ».
En conclusion, la durée du mandat présidentiel est placée hors de portée de toute initiative de révision constitutionnelle et à l’abri des pouvoirs exceptionnels du Président de la République.
II/ Un contrôle constitutionnellement improbable
Sur la question de la justification de la Commission d’enquête parlementaire dirigée vers l’institution constitutionnelle, ou du moins de certains de ses membres, deux pistes de réflexion s’offrent justement à notre curiosité.
D’une part, la souveraineté nationale appartient-elle au Peuple sénégalais qui l’exerce par « ses représentants » ou par la voie du référendum ?
Cet argument constitutionnel a abondé certaines déclarations relatives à la Commission d’enquête parlementaire mise en place lors de séance la plénière du 31 janvier 2024. La pratique des institutions nous a jusque-là habitués à l’exercice de la souveraineté par la représentation parlementaire. Tout de même, il s’agit d’une lecture assez réductrice de l’incarnation institutionnelle de la souveraineté. Sur le fondement de la tradition révolutionnaire de 1789, la souveraineté du Peuple sénégalais est, depuis la première Constitution sénégalaise du 24 janvier 1959, exercée régulièrement par le Parlement et épisodiquement par la voie du référendum constitutionnel (1963, 1970, 2001 et 2016). Au gré de cette évolution, les parlementaires ont cessé de détenir ce quasi-monopole depuis la légitimation au suffrage universel de la figure présidentielle (référendum du 28 octobre 1962 en France et référendum du 3 mars 1963 au Sénégal).
D’ailleurs, on aurait pu discuter du cas de la juridiction constitutionnelle à travers la légitimité de ses décisions rendues au nom du Peuple. Ce phénomène accentué par le fait majoritaire (soutien du Gouvernent par une majorité parlementaire) a radicalement transfiguré l’Assemblée nationale en chambre de ratification systématique de la volonté du pouvoir exécutif. Dans notre modèle démocratique, plus de 99,99% des textes votés sont des projets de loi initiés par le Gouvernement.
En tout état de cause, la représentation n’est plus une fonction « exclusivement » exercée par les parlementaires ou par la voie du référendum. A tout point de vue, elle est désormais l’œuvre solidaire des pouvoirs légitimes de la République. Conséquemment, l’Assemblée nationale doit évoluer en conformité avec cette nouvelle réalité constitutionnelle.
Cette précision faite, il reste maintenant à affronter l’épineuse question de la compétence de la Commission d’enquête parlementaire à contrôler ou à entendre un membre du Conseil constitutionnel. Deux arguments en présence : le statut de magistrat des juges mis en cause et l’exercice de la souveraineté par les parlementaires. Néanmoins, il est nécessaire de comprendre que les deux preuves d’autorité alléguées par les protagonistes majeurs du débat partagent un dénominateur commun : elles ne résistent pas à la controverse.
A noter que les magistrats nommés membres du Conseil constitutionnel sont-ils toujours assujettis à la loi organique n° 2017-10 du 17 janvier 2017 portant statut des magistrats. Si oui, sont-ils nommés conformément aux dispositions de l’article 7 de ladite loi organique disposant que « les magistrats du corps judiciaire sont nommés par décret sur proposition du ministre de la Justice, après avis du Conseil supérieur de la Magistrature ». Sinon, deux hypothèses peuvent se présenter : soit leur nomination est entachée d’un vice de forme substantiel, soit ils ne font plus partie intégrante de la compagnie judiciaire ; cette seconde hypothèse étant plus plausible.
s’il y a lieu d’infliger une sanction à un magistrat membre du Conseil constitutionnel, comment moduler judicieusement de l’échelle des peines disciplinaires telle que le blâme, la réprimande avec inscription au dossier, le déplacement d’office, l’interdiction temporaire de fonctions pour une durée de trois (03) mois à un (01) an, l’abaissement d’échelon, la rétrogradation , la mise à la retraite d’office, etc. Certainement, il ne restera à ce magistrat, qui n’a plus de soucis de carrière dans la magistrature, que les peines ultimes que sont « la révocation avec droits à pension » ou « la révocation sans droits à pension ».
La difficulté résiderait même dans l’application de la mesure disciplinaire parce que le Conseil constitutionnel, doté d’une autonomie administrative et de crédits propres, est placé sous l’autorité de son Président et non du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. Cela revient à penser que toute sanction disciplinaire sera logiquement inopérante.
Qui plus est, la mise à la retraite « entraîne radiation du corps et perte de la qualité de magistrat » (deuxième point de l’article 63 de la loi organique n° 2017-10 du 17 janvier 2017 portant statut des magistrats). Autant dire que la mise à la retraite variablement fixée à 65 ans et, selon la fonction, à 68 ans produit le même effet que la révocation, la condamnation à une peine criminelle, la perte de la nationalité ou le décès du magistrat, à savoir la radiation du corps et perte de la qualité de magistrat.
C’est pourquoi on pourrait, avec la plus la commodité d’esprit, s’interroger sur la compétence du Conseil supérieur de la Magistrature de « juger » un magistrat mis à la retraite et nommé membre du Conseil constitutionnel poursuivi pour des faits postérieurs à ses fonctions judiciaires au sein de la Cour suprême ou des cours et tribunaux. Par voie de conséquence, le magistrat nommé membre du Conseil constitutionnel, après la retraite, n’est plus dans l’une des positions statutaires (le congé assimilé à l’activité, le détachement, la disponibilité). Seulement, il lui reste le prestige du corps et la solidarité agissante de ses anciens collègues magistrats.
L’Assemblée nationale peut-elle soumettre le Conseil constitutionnel ou un de ses membres à ses contrôles autorisés par la Constitution et loi organique n° 2002-20 du 15 mai 2002 portant Règlement intérieur de l’Assemblée nationale (RIAN), modifiée ?
C’est une hypothèse critique qui sollicite la prudence et met à l’épreuve la courtoisie républicaine.
Tout de même les fonctions de l’Assemblée nationale sont précises au regard de la lettre et de l’esprit de la Constitution : elle « vote, seule, la loi, contrôle l’action du Gouvernement et évalue les politiques publiques » (alinéa premier de l’article 67 de la Constitution). Subséquemment, le contrôle des autres institutions constitutionnelles ne semble pas être consacré. Avec le précédent en cours, on est en droit de s’attendre qu’une Commission d’enquête parlementaire soit diligentée à l’avenir contre le Président de la République, le Haut Conseil des Collectivités territoriales (HCCT), le Conseil économique, social et environnemental (CESE), la Cour suprême, la Cour des Comptes, les cours et tribunaux.
Plus précisément, le contrôle dont il est question ici est un contrôle spécifique : le contrôle politique de l’action du Gouvernement. Ce contrôle est strictement adossé à la réalisation de la politique générale du Premier Ministre et à l’application des lois dont les lois de finances. Donc, n’étant ni disciplinaire ni pénal, il est purement politique.
En effet, les seules sanctions afférentes au contrôle parlement restent l’engagement de la responsabilité du Gouvernement et la mise en accusations du Président de la République en cas de haute trahison ainsi du Premier Ministre et des autres membres du Gouvernement pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délit au moment au moment où ils ont été commis. Ils sont jugés par la Haute Cour de Justice, présidée par un magistrat depuis 1963 et de membres élus de l’Assemblée nationale.
Tout aussi, la Commission d’enquête parlementaire pourrait dénoncer au Procureur de la République les faits constitutifs d’infractions relevés au cours de leur mission. L’Assemblée nationale serait également fondée à voter une résolution pour inviter le Président de la République à agir dans un sens déterminé en tirant les conséquences des recommandations du rapport de la Commission d’enquête parlementaire. Tout bien considéré, le dernier mot appartiendra au Président de la République, la clé de voûte des institutions.
En fin de compte, ce n’est pas sans raison que le « TITRE VII » de notre Constitution soit baptisé ; « DES RAPPORTS ENTRE LE POUVOIR EXECUTIF ET LE POUVOIR LEGISLATIF ». Jusqu’à preuve du contraire, c’est en vain qu’on chercherait dans la loi fondamentale de la République du Sénégal une quelconque idée de « rapports entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire » sous l’angle du contrôle parlementaire.
D’ailleurs, c’est le caractère politique du contrôle parlementaire qui délimite le périmètre organique des auditions par les Commissions permanentes de l’Assemblée nationale. Ainsi que l’articule sans aucune ambiguïté l’article 81 de la Constitution reprise par les dispositions pertinentes du Règlement intérieur, « le Premier Ministre et les autres membres du Gouvernement peuvent être entendus à tout moment par l’Assemblée nationale et ses commissions. Ils peuvent se faire assister par des collaborateurs. Les commissions permanentes de l’Assemblée nationale peuvent entendre les directeurs généraux des établissements publics, des sociétés nationales et des agences d’exécution. Ces auditions et moyens de contrôle sont exercés dans les conditions déterminées par la loi organique portant Règlement intérieur de l’Assemblée nationale ».
Partant de ces dispositions qui s’appliquent, mutatis mutandis, à la Commission d’enquête parlementaire, il s’impose de se demander : quelle est la possibilité ouverte à l’Assemblée nationale pour entendre un membre du Conseil constitutionnel ?
Enfin, il y a lieu aussi de compter fatalement avec le scénario selon lequel « si une Commission a été déjà créée », comme c’est le cas d’espèce, « sa mission prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire aux faits qui ont motivé sa création » (voir article 48 du RIAN). Dès lors, l’information judiciaire peut être ouverte à la demande du Procureur de la République, certainement à toute étape de la procédure.
Pour ne pas clore la réflexion, on retiendra que l’autre lame de fond du débat sur la Commission d’enquête parlementaire en cours est manifestement la problématique de la révocabilité ou non d’un membre du Conseil constitutionnel (à suivre …).
Par Oumar-Diouf FALL
NON ! CHEIKH TIDIANE COULIBALY NE SERA PAS UN OS POLITIQUE A RONGER!
Aujourd’hui, il n’est plus question de se lamenter sur le cours des choses. A l’instar de ce célèbre philosophe, il nous faut «combattre pour ne pas nous retrouver un cadenas sur la bouche et une prothèse dans la tête »
J’aurai pu me passer de me prononcer sur la fatuité de cette accusation fétide et de nulle pertinence et me contenter de croire que, encore une fois, voilà une gesticulation politicienne d’un groupe politique en désarroi parce que en déroute d’une candidature qui lui offrirait quelque chance de revenir au pouvoir. Encore que, pour l’heure, on n’a pas vu pointer le bout de son nez ce candidat fantôme, tant désiré, fantasmé, déifié parce que fils de son ancien président de père et attendu depuis des lustres. En vain.
Passées les premières clameurs sur cette surprenante et incroyable histoire « d’accusation de soupçons de corruption et de conflits d’intérêt », une histoire qui a désormais pris les allures d’un vaudeville politicien après avoir franchi les travées et dorures de notre si « auguste » assemblée nationale, j’ai décidé de prendre ma plume. Une plume que je me suis jusqu’ici gardé de tremper, à tout va, dans l’encrier et que la chaude actualité et le devoir irréfragable de fraternité m’imposent, en cette fatidique circonstance, de dégoupiller, pour témoigner devant Dieu et les hommes, de ce que je sais d’un homme: Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly.
Quel bonheur de prononcer ce nom !
Cheikh Tidiane, quel bonheur de prononcer ce nom! Parce que non seulement j’assume être son jeune frère, parce que je me sens le petit frère de tous les instants, instants d’épreuves et de gaietés.
Mon bonheur et ma fierté en sont devenus plus insistants parce qu’il porte aussi le nom de mon père, homonyme de mon fils aîné. Il est vrai qu’il y a une part affective de parti pris revendiqué et assumé, un brin d’émotion et de sentimentalisme qui évacueraient toute objectivité. Mais pourquoi m’en priver ou m’en défaire au risque de tomber dans l’irresponsabilité et le raccourci de la démagogie chère à une cohorte d’hommes politiques adeptes de l’adage selon lequel la fin justifie les moyens? C’est justement ce raccourci que viennent de prendre ces « ressortissants » du Pds et de l’Apr pour jeter le discrédit sur un juge constitutionnel dont la compétence technique est reconnue et magnifiée, l’amour du travail, le respect de principes professionnels, l’intégrité, la droiture, la disponibilité, la piété, la générosité et la gentillesse teintée d’un sens de l’humour décapant ont jusqu’ici forgé sa réputation.
Entendons nous bien : il n’est nulle part dit qu’il existe un homme parfait, non plus que Cheikh Tidiane est parfait.
Il est tout aussi vrai qu’ils sont rares les hommes et femmes qui ont une histoire d’une seule pièce, comme le rappelle fort à propos un célèbre penseur. Pour la circonstance, il s’agit d’un homme, d’un père de famille, d’un chef de famille, d’un haut magistrat qui n’inspire point une parfaite indifférence. Au contraire, par sa prestance physique, professionnelle et intellectuelle, notre si cher grand frère inspire tout simplement le respect et la fierté. Respect de la majeure partie de ses collègues magistrats et d’auxiliaires de justice, si l’on s’en tient à leurs nombreux témoignages. Respect et fierté de ses parents, amis et concitoyens de Sokone, notre commune de naissance aux fins fonds du Saloum. Des concitoyens qu’il a couvés de son affection et de son hospitalité et qui ont bien fini de l’observer et de le pratiquer pour se convaincre d’en faire une référence, une icône, en un mot un modèle, pour utiliser un lieu commun.
Cet homme là, personne ne peut le salir, personne ne peut le déstabiliser. Encore qu’il faut savoir que Cheikh Tidiane est non seulement impassible mais, en plus, il n’est pas seul. Au grand dam de ses pourfendeurs flibustiers, ses sentinelles sont aujourd’hui vent debout contre toute tentative d’en faire un os politique à ronger, un butin de guerre dans ce monde cruel et immonde de la pratique politique au Sénégal. Il ne leur sera pas donné l’occasion d’user, comme d’habitude, de mensonges, d’intrigues et de combines pour assouvir un dessein si dégoûtant de rachat politique, de toute façon voué à l’échec.
Le jour où il avait mis hors de cause Me Wade
Tiens, tiens! La sublime curiosité dans cette lugubre affaire, c’est que l’accusation puisse venir d’un parti politique comme le Pds. N’est-ce pas que c’est ce même parti démocratique sénégalais qui avait vanté et mis en relief sous tous les cieux et dans toutes les coutures le professionnalisme, la compétence et le courage du juge Cheikh Tidiane Coulibaly, alors Président de la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar qui avait mis, avec ses pairs de séance, hors de cause Abdoulaye Wade alors et toujours secrétaire général de ce parti dans le tragique assassinat de Me Babacar Seye, vice-président du Conseil Constitutionnel en 1993?
Pourtant il n’avait fait que son travail, selon la loi et dans la solitude de sa conscience ! Et comment ! Sont-ils devenus si amnésiques ou ont-ils recommencé la comédie de la danse du ventre pour se donner bonne conscience après les nombreux rendez-vous ratés de leur candidat, Karim Wade, ce formidable joueur d’une fantasmagorie inachevée, que des « militants », navrés, sont obligés de contempler? Hé oui! J’assume en prenant la liberté de dire ce que certains qui me liront ne veulent pas entendre. En attendant de faire face avec beaucoup de délectation a une éventuelle réplique à laquelle je m’empresserai de répondre avec fracas. Que de choses ai-je à dire et à révéler !
Aujourd’hui, il n’est plus question de se lamenter sur le cours des choses. A l’instar de cette célèbre philosophe, il nous faut «combattre pour ne pas nous retrouver un cadenas sur la bouche et une prothèse dans la tête »
Pour finir, je veux m’adresser affectueusement à mon grand frère Cheikh Tidiane: tu es un Sage qui revisite régulièrement le Saint Coran et « l’Esperance en héritage », l’une des trilogies de votre écrivain préféré, l’académicien Jean d’Ormesson. Justement, « la sagesse, c’est savoir ignorer ce qui n’en vaut pas la peine », parole empruntée à un Sage des temps anciens.
Oumar-Diouf FALL
journaliste, Global Executive MBA
ancien Directeur général de SUD FM Sen Radio administrateur et membre du Directoire de ALMADIES Médias…
Par Kaccoor Bi - Le Tèmoin
MISE EN SCENE
Savez-vous les faits pour lesquels Bassirou Diomaye Faye a été arrêté avant que le Proc ne vienne corser son dossier avec d’autres délits imaginaires ?
Petite piqure de rappel qui ne ferait pas mal. Savez-vous les faits pour lesquels Bassirou Diomaye Faye a été arrêté avant que le Proc ne vienne corser son dossier avec d’autres délits imaginaires ?
L’actuel candidat à la présidentielle a été interpelé et envoyé en prison pour diffusion de fausses nouvelles, outrage à magistrats et diffamation envers un corps constitué. Tout cela à la suite de la publication d’un post sur les réseaux sociaux dans lequel il critiquait le comportement de certains magistrats ainsi que le lot de centaines de jeunes gens en prison.
Et depuis quelques jours, on entend du tout sur ces juges qui ne seraient pas des anges, selon la belle et heureuse formule du président du groupe parlementaire de l’armée mexicaine. Deux d’entre ces juges, qui appartiennent à la plus haute des juridictions, auraient été corrompus dans un pays qui ne cesse de s’enliser dans la lanterne rouge de la décrépitude. Ça ne vous choque pas ? Si, si, si, si !!!! Il ne faut pas fermer les yeux sur leurs incartades.
Si les faits sont avérés, que la loi leur soit appliquée dans toute sa rigueur. Tout cela serait très beau si, derrière cette commission d’enquête, il ne se cachait pas des connexions douteuses avec ce report de la présidentielle qui est malicieusement agité par certains députés dont ceux appartenant au camp du fils de Père Wade.
Ok, toute la lumière doit être faite sur ces gravissimes accusations portées contre des membres du Conseil constitutionnel. Mais de là à nous faire gober l’idée d’un report, c’est vraiment nous faire tomber dans des combines politiciennes grosses de dangers pour la République. Surtout que, au niveau de l’armée mexicaine, deux camps se font face. Celui des partisans du report et le camp de ceux qui bandent les muscles pour que le calendrier électoral soit rigoureusement respecté comme l’exigeait le Chef en 2011 lorsqu’il menaçait qu’une journée de plus sur le mandat de son prédécesseur mettrait le pays dans le chaos.
Des détenus sont aujourd’hui en prison pour avoir émis cette hypothèse. Elle est belle, la République ! Quid de ceux qui composent ces deux camps ? On peut les présenter ainsi. Les Amadou Ba et les anti-Amadou Ba. Parce que voilà, c’est sa candidature qui est en jeu puisque c’est lui que l’on soupçonne d’être le corrupteur.
Pensez-vous, que ferait-on du mec si les faits de corruption venaient à être confirmés par la commission d’enquête mise sur pied hier ? Oui, oui, c’est le président du groupe parlementaire de l’armée mexicaine et membre de cette commission qui, pince sans rire, nous fait comprendre que les juges ne sont pas des « Malaka ». Tout est dit. En attendant que le metteur en scène se dévoile !
LA DÉCISION DE LA CAF D’AUTORISER 24 PAYS À JOUER LA CAN PORTE SES FRUITS MAIS ELLE A DES RÉPERCUSSIONS SPECTACULAIRES
Plusieurs critiques se sont élevées contre l’élargissement du tournoi. Ils soutenaient que la CAN perdait en qualité et que l’augmentation du nombre d’équipes conduirait à plusieurs matchs médiocres à un moment où l’Afrique essayait de développer son jeu
À l’issue de la phase de groupes, la 34ème Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football s’est distinguée comme l’un des tournois les plus passionnants et les plus mémorables de ces dernières années. Cela a été particulièrement vrai pour les performances des meilleurs joueurs du continent sur le terrain.
En tant qu’universitaire de la communication sportive avec un accent sur le football africain, j’ai suivi ses évolutions avec intérêt, notamment la décision prise en 2019 d’augmenter le nombre d’équipes nationales dans la phase finale de 16 à 24.
Plusieurs critiques se sont élevées contre l’élargissement du tournoi. Ils soutenaient que la CAN perdait en qualité et que l’augmentation du nombre d’équipes conduirait à plusieurs matchs médiocres à un moment où l’Afrique essayait de développer son jeu. Mais l’ouverture des portes à plusieurs équipes qui auraient eu du mal à se qualifier auparavant a donné lieu à une phase de groupe à couper les souffle. Plusieurs équipes considérées comme petites ont créé la surprise face à des équipes supposées plus fortes, et une nation puissante comme le Ghana n’a pas dépassé le stade de la phase de groupe.
La décision d’élargir la compétition a eu plusieurs répercussions en dehors du terrain. Les surprises remettent également en question l’efficacité du système de classement des équipes et l’importance des joueurs vedettes qui évoluent en Europe. Les résultats ont également eu un impact spectaculaire sur les entraîneurs.
DE GRANDES SURPRISES
La Fifa et la Confédération africaine de football (CAF) ont toutes deux revu la formule de leurs tournois pour tenter de combler le fossé entre les pays les plus performants et les autres. Les deux organisations ont adopté un système de championnat pour les phases de qualification. Ce qui permet à un plus grand nombre de pays de disputer plusieurs matches contre les équipes les mieux classées. Les résultats peuvent être constatés lors de la CAN de cette année.
Les grandes surprises de la nouvelle composition élargie sont venues du haut de l’échelle. Quatre des six équipes les mieux classées - la Côte d’Ivoire (8), l’Égypte (5), l’Algérie (4) et la Tunisie (3) - n’ont pas terminé en tête de leur groupe de quatre équipes. Pire, l’Algérie etla Tunisie ont été éliminées du tournoi. Le Ghana (11), quadruple champion du monde, est lui aussi renvoyé à la maison.
Le Cap-Vert (14) et l’Angola (28) ont quant à eux terminé en tête de leur groupe alors qu’ils étaient classés troisièmes. L’une des plus grandes surprises a été la victoire de la Mauritanie, autrefois l’une des équipes les plus mal classées d’Afrique, sur l’Algérie, ce qui lui permet d’accéder à la phase à élimination directe.
LES CLASSEMENTS DÉVOILÉS
L’analyse des résultats de ce tournoi, mais aussi de la CAN précédente, il y a deux ans, et des éliminatoires de la Coupe du monde en cours, montre qu’il ne faut pas se fier au classement des équipes africaines pour déterminer leur potentiel de réussite. De nombreuses équipes sont plus proches les unes des autres que ne le reflètent les classements.
La CAF utilise les classements pour estimer la force relative des équipes et effectuer la tirage pour la composition des groupes du tournoi. En d’autres termes, les équipes africaines les mieux classées, plus le pays hôte, sont séparées, dans des groupes distincts, lors de la CAN. Mais les résultats n’ont pas confirmé l’idée que les classements permettent de prédire quelle sera la meilleure équipe dans chaque groupe.
JOUEURS VEDETTES
L’idée que les équipes africaines dont les joueurs vedettes évoluent dans les meilleurs clubs d’Europe seront victorieuses par rapport aux équipes qui n’ont pas de tels joueurs est un autre mythe régulièrement démenti par les résultats des matches.
La Namibie, dont la plupart des joueurs évoluent dans des ligues africaines, a battu la Tunisie, très bien classée, avec un effectif comprenant des joueurs évoluant dans des clubs européens de premier plan. La Mauritanie, avec sept joueurs évoluant localement en Mauritanie et quelques autres jouant au Moyen-Orient, a battu l’Algérie, dont les joueurs évoluent dans les meilleurs clubs européens. Les joueurs talentueux ne jouent pas seulement en Europe - ils peuvent être trouvés sur le continent et dans diverses régions en Afrique.
IMPACT SUR LES ENTRAÎNEURS
Il y a encore quelques années, la plupart des équipes nationales africaines avaient des entraîneurs étrangers. Aujourd’hui, la moitié des équipes présentes à la CAN de cette année sont dirigées par des entraîneurs locaux. Plusieurs de ces entraîneurs ont obtenu de bons résultats dans le tournoi. On pense notamment au Marocain Walid Regragui et au Sénégalais Aliou Cissé.
Les vainqueurs surprises de la phase de groupe sont la Guinée équatoriale, dirigée par un technicien local, Juan Micha, et le Cap-vert, dirigé par l’entraîneur local Bubista. La seule équipe sortie première de son groupe et dirigée par un entraîneur étranger a été l’Angola, entraînée par le Portugais Pedro Soares Gonçalves. Ce qui est clair, c’est qu’un entraîneur étranger ne garantit pas le succès - et le nombre de jeunes entraîneurs locaux ayant l’expertise nécessaire pour diriger les équipes nationales africaines vers le succès est en augmentation.
Bien entendu, les surprises notées en phase de groupe ont également entraîné le départ de plusieurs managers. Le Ghana, la Côte d’Ivoire, l’Algérie et la Gambie ont déjà décidé de limoger leurs entraîneurs. Le Français Jean-Louis Gasset, de la Côte d’Ivoire, s’est dit soulagé même si son équipe avait encore une chance mathématique d’accéder au deuxième tour. La population était à juste titre mécontente après deux défaites successives, dont une humiliante (0-4) face à la Guinée équatoriale, classée au 18e rang africain. La Côte d’Ivoire a été classée 8e ce mois-ci par la Fifa.
La phase de groupe - et l’engouement qu’elle suscite sur tout le continent - a justifié la décision de la CAF d’étendre le tournoi et d’offrir à un plus grand nombre d’équipes africaines l’occasion de participer à des compétitions internationales. Si la tendance se confirme, le football africain arrivera à maturité.