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28 novembre 2024
Opinions
par Cheikh Omar Diallo
MACKY SALL, L’HISTOIRE ET LA LOI DE LA GRAVITÉ ÉLECTORALE
EXCLUSIF SENEPLUS - Monsieur le président, en renonçant au troisième mandat, vous avez dé-standardisée la présidentielle 2024. Lorsque les candidats ne croisent pas le fer avec le président sortant, le scrutin impose un second tour d'office
Dans une tribune publiée dans les colonnes de Jeune Afrique en 2019, au lendemain de sa réélection, j'évoquais ce que sera le dernier mandat du président Macky Sall, 48 heures après son investiture. Aujourd'hui, à la lumière des bouleversements historiques récents, je voudrais poursuivre mon analyse, après l’acte fondateur du 3 juillet 2023, dont Macky Sall est l’unique et le véritable métronome.
Monsieur le président de la République, depuis que vous avez décidé de ne pas briguer un autre mandat, votre camp est sonné, l’opposition désarçonnée et le peuple, lui, continue de frissonner. En vrai de vrai, votre apogée historique marque désormais votre retraite politique. Dorénavant, pour les 230 jours restants, vous aurez l'illusion du pouvoir, mais la réalité du pouvoir est déjà ailleurs.
En outre, comme je l’écrivais dans les colonnes de J.A en 2019 : « vous serez le premier chef d'État à organiser une élection présidentielle sans y être candidat, et vous ne serez plus éligible en tant qu'électeur. Autrefois maître du jeu politique, vous ne serez plus qu'un arbitre électoral. De l'enviable position d'acteur principal, vous deviendrez un simple spectateur. Vous serez le premier président dont la date de fin de mandat sera officiellement connue, le 2 avril 2024. Bien mieux, vous serez le premier homme politique à quitter le pouvoir sans avoir été défait par un scrutin ».
Quatre années après, il est inutile de dire que l’histoire nous donne raison.
À présent, il nous faut questionner le présent et envisager le futur immédiat sans vous.
Les médias, d'ici et d'ailleurs, ne s'intéresseront à vous que pour connaître votre choix personnel parmi les candidats probables à la présidence de la République.
La lutte pour votre succession sera impitoyable, féroce et intense. Eh oui ! depuis votre déclaration de non-candidature, les ambitions sont fortes, tenaces, légitimes, débridées. Dans votre camp, il y a déjà plusieurs camps. Quant à l'opposition radicale, elle ne cherchera plus à vous abattre. Tenez ! Même l’intrépide Ousmane Sonko [prêt à vous pardonner et à oublier] ne fera plus de vous, son principal adversaire. La tenace Aminata Touré non plus. Au lieu de chercher à vous battre, Idrissa Seck, Karim Wade et Khalifa Sall convoitent votre fauteuil. Tandis que vos deux potentiels dauphins Amadou Ba et Abdoulaye Daouda Diallo se débattent silencieusement en vous demandant de bien capter leurs atouts et atours.
Monsieur le président, vous êtes en train de tourner la page la plus héroïque, la plus palpitante et la plus noble de votre vie publique. Aussi grand que le président Léopold Sédar Senghor, vous entrez dans l’histoire pour y rester éternellement.
Toutefois, vous ressentirez bientôt quelques regrets et pleurerez en secret l’oubli d'un bilan par endroits élogieux et controversé ailleurs. Au crépuscule de votre carrière, vous commencerez à être entouré de bien peu de personnes. Jeune retraité de la vie politique à 63 ans, l'histoire retiendra que n'étant pas fait pour des défaites électorales, vous avez préféré vous défaire de la politique. Indubitablement, vous avez frappé nos esprits et touché nos cœurs.
En renonçant à briguer un troisième mandat, vous avez soudainement fait de la présidentielle de 2024, la plus inédite, la plus complexe et la plus épique de notre histoire politique et institutionnelle. Vous l’avez dé-standardisée grand Dieu !
En effet, le programme des candidats ne se résumera plus à déclarer que le président sortant est l'homme à abattre. Le "Tout Sauf Macky" ne sera plus le thème de campagne. Il en faudra bien plus...
Hic et nunc, une seule question légitime préoccupe l'opinion nationale et internationale : qui sera le candidat de votre parti et de votre coalition ? Cependant, mon intérêt se porte ailleurs. Avons-nous pris en compte la fatalité d'un second tour ? Permettez-moi de rappeler une loi : celle de la gravité électorale que j'ai développée dans ma thèse de doctorat en Sciences juridiques et politiques.
Cette loi se résume ainsi : lorsque les candidats ne croisent pas le fer avec le président sortant, le scrutin impose un second tour d'office. Après un monitoring d’une centaine d'élections présidentielles dans le monde, nous avons pu trouver une seule exception à ce principe. Jour J- 230. A ce décompte, il faudra vraisemblablement ajouter 15 jours supplémentaires de campagne électorale.
Par Abdoul Aly KANE
LE RETRAIT POLITIQUE DU PRESIDENT MACKY SALL OU LES IMPLICATIONS D’UN CHOIX
L’annonce du Président Macky Sall de ne pas briguer un 3e mandat est le fait nouveau qui rebat les cartes concernant les élections présidentielles de février 2024. D’emblée, il faut convenir qu’il a respecté sa parole. Faut-il l’en féliciter pour autant ?
L’annonce du Président Macky Sall de ne pas briguer un 3e mandat est le fait nouveau qui rebat les cartes concernant les élections présidentielles de février 2024. D’emblée, il faut convenir qu’il a respecté sa parole. Faut-il l’en féliciter pour autant ? Il ne devrait pas en être ainsi.
En effet, féliciter un homme politique pour avoir respecté sa parole, revient à dire qu’il était susceptible de ne pas avoir l’intention de tenir un engagement aussi important pour le pays, ce qui serait tout de même vexatoire. C’est le lieu de faire un succinct bilan de sa politique économique. A notre sens, sur le plan de la satisfaction des besoins du plus grand nombre (emploi des jeunes), le PSE du Président Macky Sall est un échec. Le Président Sall a certainement pu constater que le mirage des infrastructures de transport, fussent-elles de dernières génération (TER, BRT) n’était pas arrivé à masquer la revendication sociale primordiale de la jeunesse, qui est le droit au travail. Le droit au travail est un droit humain essentiel.
Le droit au travail est essentiel pour assurer la dignité humaine, l’épanouissement personnel et la participation active à la vie sociale et économique. Après 10 ans de pouvoir, il avait d’ailleurs partiellement reconnu la déconvenue, en imputant les évènements de mars 2021 au chômage des jeunes.
Il s’en suivit son fameux « je vous ai compris » et l’élaboration dans l’urgence du programme XEYYU NDAWYI, dont les résultats ont été jusque-là sans rapport avec les terribles vagues de 300 000 nouveaux demandeurs qui échouent annuellement sur un marché du travail structurellement atone. Le Président SALL vient à nouveau, confirmer cet échec, lors de son discours de renoncement du 03 mai 2023 en ces termes :
« J’entends bien les aspirations du peuple sénégalais, de sa jeunesse en particulier, de ses attentes légitimes en matière de justice socio-économique, de création d’emplois, de renforcement du système d’éducation et de formation professionnelle, de meilleurs cadres de vie. Je comprends la volonté de notre jeunesse de vouloir vivre une vie qui vaut la peine d’être vécue, ici au Sénégal et non ailleurs. C’est justement à nous concerter à repenser ensemble cette solidarité que nous parviendrons, en tant que société, à répondre aux justesrevendications de notre jeunesse et de l’ensemble des citoyens sénégalais ».
Gap entre demande et offre d’emplois
D’ailleurs, le gap entre demande et offre d’emplois risque encore de s’aggraver. Les résultats provisoires de l’actuel (5ème ) recensement général de la population et de l’habitat (un taux de 85% de couverture), l’actuelle Ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération, Oulimata Sarr livre l’information suivante qui fait froid dans le dos, alors qu’on devrait s’en réjouir : ‘’Les données provisoires que nous avons disent que nous en sommes à près de 70 %, voire 75 % de Sénégalais ayant moins de 25 ans ». En effet, on sait tous que « jeunesse » doit rimer avec ardeur au travail, productivité, ingéniosité et développement, dividende démographique, pour autant qu’une bonne politique de développement humain sous-jacente à une stratégie de développement industriel pertinente soit mise en œuvre. Tel n’a pas été le cas depuis les indépendances.
On a « vendu » aux populations que le développement économique, construire des infrastructures faisant ressembler Dakar à Paris(l’an 2000 pour Senghor) pour donner l’illusion d’une politique efficiente de rattrapage économique. L’érection d’infrastructures à fort impact médiatique, initié avec succès par Abdoulaye Wade, a été poursuivie par Macky Sall via un endettement à peine soutenable, et sans un accompagnement par des politiques de transformation structurelles de l’économie du pays. Jamais un dirigeant du Sénégal n’a eu à sa disposition autant de ressources financières extérieures que Macky Sall.
Il est même à craindre que les revenus pétroliers et gaziers soient mis à contribution pour faire éviter les défauts de paiements. Cette situation induit pour la gestion future des choix drastiques à opérer en matière d’endettement, de développement industriel. Au plan politique, le retrait de Macky Sall ouvre de grands défis.
Quid de l’APR après son départ ?
Pour les élections de février, le parti va-til se réunir en congrès pour se choisir un candidat, ou alors va-t-il confier ce choix à la coalition BBY ? L’APR accepterait-il qu’un candidat ne soit pas choisi en son sein ? S’il est choisi au sein de son parti, Macky Sall va-t-il laisser le libre le choix du candidat aux militants, ou alors, va-t-il directement désigner son successeur comme Senghor l’avait fait avec Abdou Diouf ? Quelles seront les conséquences du choix de « l’élu » sur la cohésion du parti ? Quels sont les risques que certains cadres en proie à la frustration, quittent le navire avant le scrutin ? En toutes hypothèses, on peut craindre que la non-candidature de Macky Sall soit génératrice de dissensions voire de secousses dans l’APR dont la particularité est d’avoir une structuration horizontale (le Secrétaire général d’une part et tous les autres d’autre part). L’autre gros défi est la mise à l’écart de Sonko de la présidentielle, pour des motifs judiciaires apparaissant aux yeux de l’opinion comme véniels, et par conséquent à soubassements politiques. Les violents évènements de juin 2023 nous ont édifiés sur les réactions de la jeunesse concernant l’élimination de SONKO du jeu politique. La tenue d’un scrutin démocratique et apaisé en février 2024 pourrait donc en pâtir. Qu’adviendrait-il alors en termes de légitimité institutionnelle, avec un Président au mandat achevé et l’impossibilité d’en choisir démocratiquement un autre ? Notre conviction est que la décision de retrait de la candidature de Macky Sall ne saurait, à elle seule, ramener le calme.
Lever l’hypothèque qui pèse sur la participation de Sonko, Khalifa et Karim
Pour laisser derrière lui un Sénégal apaisé, le Président Macky devrait consacrer ce qui lui reste de son mandat, à lever l’hypothèque qui pèse sur la participation d’Ousmane Sonko, de Khalifa Sall et de Karim Wade à ces joutes, et confier l’organisation de celles-ci à une structure indépendante, animée par des personnalités consensuelles, comme on a pu le faire par le passé.
En conclusion, le débat sur le 3eme mandat étant clos, c’est celui de la participation de Sonko devient le plus épineux, d’autant que les motifs des diverses décisions de justice n’emportent pas la conviction du plus grand nombre, surtout des jeunes. Une fois les élections terminées, il reviendra aux acteurs politiques soucieux du développement du pays de tenir de larges concertations sur les questions économiques, d’autant que la mondialisation n’est plus le cadre exclusif de développement des échanges. Nous sommes dans une période où les politiques de développement en Afrique se font dans un contexte géopolitique heurté, d’accroissements démographiques très forts demandant de l’anticipation, et par conséquent la constitution de pôles d’intelligence économique permettant d’affiner les choix décisionnels. Dans une telle configuration, les choix économiques doivent être largement partagés pour une appropriation populaire. Le « Je » devra laisser la place au « Nous ». Avec la crise géopolitique et la question du climat, le défi du développement est devenu consubstantiel au règlement du problème des sources d’énergie. Comment comprendre que l’Afrique soit invitée à utiliser des énergies fossiles pour son développement sans pour autant que sa responsabilité ne soit engagée dans la détérioration du climat ?
D’aucuns comme le Président du Brésil LuizInacio Lula da Silva, ont souligné à juste titre l’injustice de la situation en ces termes : « Ceux qui ont pollué la planète ces 200 dernières années étaient ceux qui ont fait la révolution industrielle », et ceux-ci devraient donc s’acquitter en faveur des pays n’ayant pas de responsabilités majeurs dans les émissions de CO2 » ((discours prononcé en marge du sommet sur le Nouveau pacte financier Mondial).
Se priver dans l’immédiat de nos ressources pétrolières et gazières dans un contexte où les pays africains peinent à créer de l’emploi relèverait d’une forme de suicide économique. Les acteurs politiques sénégalais ne devraient pas être aphones dans ce débat crucial pour l’avenir du pays. Bâtir un pays relève d’une aventure collective avec des choix forts largement partagés par toutes les composantes politiques et sociales d’une société, ce qui induit consultation information participation et appropriation par le plus grand nombre. Pour finir, Macky Sall a un défi majeur à relever : celui d’apaiser le climat politique et social d’ici son départ. Cela passe par la libération des détenus politiques et autres victimes collatérales des récents évènements. Il lui revientsurtout, de veiller à passer le témoin à un successeur dans des conditions apaisées, et non suspectes de « combinazione », faute de quoi, les lauriers qui lui sont actuellement tissés pourraient se transformer très rapidement en couronnes d’épines. Si y a de nouvelles manifestations suivies de pertes en vie humaines, l’irréparable pourrait se produire, et par conséquent réduire à néant les bénéfices engrangés et autres perspectives ouvertes. Pour finir, à ceux qui invoquent la jeunesse d’Ousmane Sonko pour lui demander de patienter jusqu’en 2029, il faudrait éventuellement rappeler que ni notre démographie actuelle, encore notre histoire ne sauraient conforter leur analyse. N’oublions pas en effet qu’Abdou Diouf est parvenu à la magistrature suprême à 45 ans. A ceux qui pensent que Macky préparerait un scénario où il présenterait sa candidature en dernière minute, je voudrais dire qu’à mon avis, il sait qu’il aurait tout à perdre à le faire, sous peine de perdre tout le crédit qu’il vient d’engranger à l’international, lui ouvrant la voie à une autre filière promotionnelle.
Abdoul Aly KANE
Par Pape NDIAYE
L’HEURE A-T-ELLE SONNÉ POUR AMADOU BA ?
Figure emblématique de la vie politique nationale, icône de l’administration centrale et symbole de la diplomatie sénégalaise à l’international, le Premier ministre a gravi tous les échelons du pouvoir
Après plus de deux ans de suspense et de tensions politiques, la déclaration du président Macky Sall de ne pas briguer un troisième mandat « anticonstitutionnel » sonne comme une délivrance. Une délivrance qui a provoqué un tournant décisif pour la vie et la survie de la mouvance présidentielle (Bby) et particulièrement l’Alliance Pour la République (Apr). Parce qu’au lendemain du discours d’adieu du président Macky Sall, tous les regards-apéristes sont désormais tournés vers le portrait robot du candidat de substitution sur lequel ils jouent plus que jamais leur survie politique. Et si le processus électoral était un championnat de football finissant, on aurait prédit que l’Apr joue le maintien au pouvoir. Un défi majeur qui ne peut être relevé que dans l’union et la solidarité. Il est vrai qu’en stipulant publiquement en 2019 que « nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs », le président Macky Sall nouvellement réélu n’aurait jamais imaginé que 2024, c’est demain ! Evidemment quand on s’amuse, le temps passe très vite…Un changement climatique « imprévisible » qui s’annonce hérissé d’embuches et de tiraillements entre les opportunistes, les fidèles, les traîtres, les saboteurs, les activistes, les taupes et activistes de l’Apr dont le maitre de la survie politique reste et demeure toujours un Macky Sall sortant.
Rien ne sera plus comme avant !
Comme le disait le président Abdou Diouf, « rien ne sera plus comme avant » où le président de la République Macky Sall écartait voire limogeait ses proches collaborateurs et hauts cadres politiques qu’il soupçonnait à tort ou à raison de lorgner son fauteuil présidentiel en direction de 2024. Aujourd’hui l’inévitable plan d’urgence qui s’impose pour le président Macky Sall, c’est de choisir un candidat de substitution ou un dauphin désigné. Un candidat sérieux aux qualités techniques et politiques multidimensionnelles. Parce que Sa Majesté Macky II ne doit plus s’adonner à son éternel jeu paradoxal dont la règle principale est de couronner les perdants ou les médiocres en espérant leur victoire future dans un combat dont le champ offre des fronts sans répit.
A bien des égards, l’actuel Premier ministre Amadou Ba semble être le mieux placé comme coach et capitaine d’équipe pour le maintien au pouvoir. Aussi bien pour l’Apr que pour Bby. Figure emblématique de la vie politique nationale, icone de l’administration centrale et symbole de la diplomatie sénégalaise à l’international, Amadou Ba a gravi tous les échelons de par sa légitimité morale, professionnelle et politique pour devenir un grand homme d’Etat.
Chef du gouvernement, Amadou Ba a été successivement directeur des Impôts (2004), puis directeur général des Impôts et Domaines (2006), ministre de l’Economie et des Finances (2013), ministre de l’Economie, des Finances, du Plan et du Budget, puis ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur (2019-2020). Assurément, Amadou Ba a marqué son passage à la tête du ministère de l’Economie et des Finances où il a été le plus grand argentier de l’Etat. Un véritable forcené du travail ! La preuve par ces six ans de Mef où il était sur tous les fronts, se démultipliant en quatre, afin de renflouer les caisses de l’Etat. Une sorte de pêche aux fonds à l’échelle planétaire allant de conventions de financement à accords de partenariat en passant par des appuis budgétaires et autres subventions qui s’était traduite par les collectes — ou des promesses de financement — de plus de 5.000 milliards cfa à l’époque.
Au-delà de son ancien statut d’argentier de l’Etat, l’actuel Premier ministre Amadou Ba est un poids lourd de la majorité présidentielle à Dakar abritant une très forte démographie où il a été de manière décisive à aider le président de la République Macky Sall à inverser la tendance électorale grâce à son influence politique et sa force de frappe financière. Evidemment comme renfort de taille puisque le président Macky Sall ne l’a jamais responsabilisé à Dakar ou investi tête de liste. La preuve par les dernières élections locales et législatives où le président Macky Sall et sa coalition Bby avaient misé sur Moussa Sy et Abdoulaye Diouf Sarr.
Après la Primature, la présidence…
Certes, le président Macky Sall a eu son vrai Premier ministre en l’occurrence Amadou Ba. Autrement dit, l’homme qu’il faut à la place qu’il faut pour avoir fait ses preuves partout où il est passé. Non seulement c’est un homme à la fois calme, serein, discret et effacé, mais c’est un technocrate doublé d’un fin politicien expérimenté, fédérateur et chevronné. Et surtout il est très bien introduit dans tous les foyers religieux, les mouvements de jeunesse et les associations sportives. Mais quoi qu’il en soit, le président Macky Sall reste le maitre du jeu, le maitre du casting bien que choisir un dauphin ou un candidat, c’est éliminer. Donc c’est un exercice facile, mais impératif !
Toujours est-il qu’en matière politique au sein de l’Apr, de nombreux observateurs et analystes s’accordent à reconnaitre qu’en dehors d’Amadou Ba, c’est le désert ! Certains rajouteront que son profil serait de nature à sauver l’Apr dans un contexte qui lui est défavorable
Comme pour dire ou prédire que l’heure du grand choix a sonné pour Amadou Ba afin qu’il frappe aux portes de la présidence de la République. Il en a les clés ! Lui, le bon jockey doté d’un excellent « cheval » de bataille pour la survie de l’Apr et pour la continuité au pouvoir. L’autre atout d’Amadou Ba, c’est qu’il est un homme aux réseaux multiples reconnu pour son entregent et son efficacité de politique sociale. Encore, encore, Amadou Ba est un homme d’une courtoisie d’accueil sans commune mesure et d’une grande capacité d’écoute. Son seul et unique défaut, c’est qu’il est trop patient ! Une patience définie comme l’aptitude d’un individu à se maîtriser face à une longue attente, à rester calme dans une situation de consécration ou de promotion. Ou alors face à des difficultés sociales, professionnelles et autres coups-bas politiques. Certains philosophes et sociologues nous diront même que dans le monde des croyances, la patience est une vertu spirituelle voire valeur morale. Mais pour ce coup-ci, la patience d’Amadou Ba est en passe de porter ses fruits….
par Makhtar Diouf
QUAND MACKY APRÈS 1+1 = 1, REVIENT À 1+1 = 2
EXCLUSIF SENEPLUS - Ce que Macky peut faire de mieux après sa déclaration de non-candidature, c’est : déplorer tous ces morts et blessés, mener enfin des enquêtes sur les tirs à balles réelles, libérer ces manifestants qui n’ont fait qu’exprimer un droit
« Sur la base des résultats que nous avons compilés, il faut féliciter le président Macky Sall pour sa réélection avec un minimum de 57 pour cent des voix ».
En langue française, ‘’réélection’’ a un seul sens : élu pour la seconde fois.
Et de 2
Arithmétique à l’APR. Logique et absurde
Par la suite à l’APR, sentant la fin prochaine, on soutient mordicus que le premier mandat et le deuxième mandat ne font que 1. Ce qui dans leur drôle d’arithmétique donne : 1 + 1 = 1.
L’arithmétique est une branche de la mathématique correspondant à la science des nombres. Elle découle de la logique qui enseigne de ne pas tenir des propos insensés. Le contraire de la logique est l’absurde. Par bonheur, l’absurde ne tue pas. Sinon ce serait l’hécatombe dans les rangs de l’APR.
Il est vrai qu’en politique, il est toujours pénible de quitter les délices du pouvoir. Ce qui a prévalu à l’APR, c’est le syndrome « peur du changement » si Macky Sall quitte le pouvoir. Alors, adieu logements confortables de fonction, voitures de luxe, carburant gratuit, passeports diplomatiques …etc. Bonjour logements banals, voitures ne démarrant qu’à la poussée, carburant cher, cars rapides et autobus, visas Schengen… Surtout pour les mains propres exempts de détournement.
Choses constitutionnelles
La Constitution du Sénégal de 2001 (toujours en vigueur) en son article 27 dit :
La durée du mandat du président de la République est de cinq ans. Le mandat est renouvelable une seule fois.
Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire ou constitutionnelle.
(2)En France, le 23 juillet 2008, le gouvernement publie la loi constitutionnelle faisant toilettage de la Constitution gaulliste de 1958. En son article 6 elle dit :
« Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct.
Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ».
Au Sénégal, la Commission nationale de réforme des institutions (décembre 2013) dit :
« Le président de la République est élu au suffrage universel direct et au scrutin majoritaire à deux tours, pour un mandat de cinq ans. Il ne peut être réélu qu’une seule fois.
Toujours au Sénégal, une Loi constitutionnelle du 5 avril 2016 portant révision de la Constitution de 2001, en son article 27 déclare :
« La durée du mandat du président de la République est de cinq ans. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs »
Dans chacune de ces quatre dispositions, le contenu est le même, mais la formulation diffère. C’est dans le texte français de révision constitutionnelle de 2008 qu’on trouve l’expression « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs » qui se retrouve dans la Loi constitutionnelle sénégalaise de 2016.
Une question s’impose à l’auteur de la Loi constitutionnelle du Sénégal 2016 : C’est quoi le « copier – coller » ?
Bref. C’est le même dispositif constitutionnel qui régit la France et le Sénégal. En France aucun apprenti sorcier ‘’expert constitutionnaliste’’ n’ose se livrer à des contorsions abracadabresques pour en inférer que l’actuel président Macron a droit à une troisième candidature.
Certains ici ont dit qu’il faut attendre l’avis du Conseil constitutionnel, comme si c’était une référence absolument infaillible et crédible. Les membres du Conseil constitutionnel ne sont pas les meilleurs juristes du pays. Ils ne sont imbus d’aucune science infuse. Leur autorité ne découle que d’une nomination par l’exécutif. Depuis Abdou à ce jour, a-t-on vu un Conseil constitutionnel prendre une décision non conforme à la volonté d’un président de la République ? Il en est de même pour certains membres du judiciaire.
Les juristes de ce pays devraient avoir du respect pour l’emblème posé devant cette université (Ucad) où la plupart d’entre eux ont reçu leur formation : « Lux Mea Lex » (La lumière est ma loi). Cette lumière n’est rien d’autre que la raison, la vérité et la justice. Certains de ceux qui ont été formés dans ce Droit pur, une fois hors du campus universitaire l’ont perverti dans le champ politique à des fins de promotion et d’enrichissement rapide.
C’est aussi de la logique que découle le Droit. Si la loi transgresse la logique et le Droit, elle devient source de problèmes. Comme le Sénégal en fait la tragique expérience depuis 2021.
Charles Aznavour de retour : Il faut savoir…
Cela dit, devant tout ce tohubohu relatif à l’élection présidentielle 2024, ceux de ma génération d’étudiants du début des années 60 n’ont pas pu s’empêcher de penser à cette chanson du Français d’origine arménienne Charles Aznavour qu’ils aimaient fredonner en pensant à Senghor :
« Il faut savoir quitter la table quand l’amour est desservi, sans s’accrocher l’air pitoyable, et partir sans faire de bruit. Il faut savoir cacher sa peine sous le masque de tous les jours et retenir les cris de haine qui sont les derniers mots d’amour. Il faut savoir rester de glace et taire un cœur qui meurt déjà. Il faut savoir garder la face ».
Chanson d’amour, mais aussi chanson à forts relents politiques. Ironie de l’histoire. Aznavour a entonné cette chanson pour la première fois en 1961. C’est la même année que Macky Sall est venu au monde dans ce beau Sénégal. Il s’est peut-être inconsciemment inspiré des paroles sages de cette chanson en renonçant à se présenter une troisième fois. Se faisant, il s’est conformé en technicien qu’il est, à la logique 1 + 1 = 2, conforme à la Constitution. Quitter la table, et sans bruits ! Ce qui reste à ceux qui persistent dans le 1 + 1 = 1 est de faire appel de cette décision de leur chef. Mais auprès de quelle instance ?
Macky Sall un champion de la démocratie en Afrique ?
Dès le lendemain de la décision de Macky Sall, qu’est-ce qu’on n’a pas lu dans la presse bien-pensante en dithyrambes : « Macky au panthéon des grands du monde », « Macky la mention très honorable », « Macky, quelle grandeur ! », « Macky par la grande porte » … Les mêmes auraient applaudi s’il avait décidé de se représenter.
Macky aurait même donné une leçon à toute l’Afrique. Voyons alors ce qui se passe, rien que dans notre sous-région d’Afrique de l’Ouest. Le mandat présidentiel y est fixé pour une durée de quatre, cinq ou six ans selon les pays, renouvelable une seule fois. La disposition constitutionnelle est rigoureusement respectée, sans tergiversations.
Bénin : Mathieu Kérékou, Yayi Boni, Patrice Talon, actuel président
Ghana : Jerry Rawlings, John Atta-Mills (décédé en présidence), John Kufuor, Nana Akufo-Addo, actuel président.
Libéria : Ellen Johnson Sirleaf, George Weah, actuel président.
Niger : Mahamadou Issoufou, Mohamed Bazoum, actuel président
Nigeria : Olusegun Obasanjo, Goodluck Jonathan, Muhammadu Buhari, Bola Tinubu, élu en mai 2023.
Sierra Leone : Ahmad Tejan Kabbah, Ernest Bal Koroma, Julius Maada Bio, actuel président.
Dans chacun de ces pays le président ayant bouclé ses deux mandats a, sans se présenter, organisé l’élection présidentielle de façon transparente. Son successeur actuellement en exercice fera de même car la démocratie y est solidement ancrée maintenant.
Ici même au Sénégal, Senghor a quitté volontairement le pouvoir alors qu’aucun texte ne l’y contraignait. Dans tous ces pays d’Afrique de l’Ouest, tous les premiers présidents ont exercé le pouvoir sur une durée de 10 à 20 ans. On a tendance à ne retenir que cela, en plus des coups d’Etat dont le Burkina Faso détient le record. Et on oublie que depuis les années 1980 et 1990 la démocratie a commencé à s’installer solidement.
Ce n’est qu’après des tergiversations sur une durée de plus de deux ans que Macky a jeté l’éponge. La réputation de démocratie exemplaire du Sénégal lui provient surtout de sa situation exceptionnelle d’absence de coup d’Etat et non de son fonctionnement politique interne. Actuellement le Sénégal est loin d’être le modèle de démocratie sur le continent, à moins de prendre en comparaison le Cameroun de Paul Biya, le Congo de Sassou Nguesso, la Guinée Equatoriale de Teodoro Nguema…
Conseil à Macky
Ce que Macky peut faire de mieux au Sénégal après sa déclaration de non-candidature, c’est : déplorer tous ces morts et blessés, mener enfin des enquêtes sur les tirs à balles réelles, libérer ces jeunes militants manifestants qui n’ont fait qu’exprimer un droit constitutionnel, en les triant des voyous pillards. C’est le président en exercice qui à chaque jour de l’an sort de prison des dizaines de délinquants qui vont reprendre du service. Ceux qui n’ont rien pillé ne peuvent être que des prisonniers politiques. Les pillards qui existent dans tous les pays sont des professionnels des émeutes, qui n’attendent que des manifestations pour une raison ou une autre pour entrer en action. On en a vu récemment en France lorsqu’un jeune a été tué par un policier. On en a vu aux Etats-Unis lors de l’assassinat de l’Afro-américain George Floyd par un policier. Les chaînes de télévision CNN, BBC ont montré des Américains blancs, latinos, noirs, piller de grands magasins pour remplir leurs voitures d’appareils électroménagers, téléviseurs, magnétoscopes, ordinateurs … etc.
La seule manière de les juguler est d’éviter l’élément déclencheur qui provient toujours d’un ministère de l’Intérieur et qui leur permet d’entrer en action. Dans ces deux cas de France et des Etats-Unis, le procureur est intervenu pour dire que rien ne justifiait l’usage d’arme à feu et le policier coupable a été écroué. Mais au Sénégal le procureur reste muet dans les mêmes circonstances.
Le sang a assez coulé dans le pays du fait d’événements politiques depuis trois ans. Une dernière grande mesure salutaire qui permettra à Macky Sall de vraiment sortir par la grande porte, d’entrer dans l’histoire, est de permettre à tous ceux qui veulent être candidats à la présidentielle de 2024 de le faire, et d’organiser à la régulière les élections. Ce qui sera une première dans l’histoire politique du Sénégal. Un président qui, sans se présenter, organise à la loyale une élection présidentielle. Ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’a fait.
Ne pas le faire, c’est faire renaître les violences avec leurs conséquences imprévisibles, ternir son blason après tous les compliments qui lui ont été adressés de l’extérieur. Ce serait comme ce joueur de rugby qui après avoir réussi un essai magnifique rate la transformation du tir entre les poteaux.
par Thierno Alassane Sall
EXPLOITATION DU PÉTROLE ET GAZ AU SÉNÉGAL : DES CHIFFRES ET DES LEURRES
EXCLUSIF SENEPLUS - Le contrat relatif au champ de Sangomar par exemple, est un modèle de capitulation devant des compagnies mues par la spéculation. C'est bien dans le partage des ressources que gît l'arnaque
Le Sénégal va être producteur de pétrole et de gaz sur deux champs différents et la même année, en 2024. La propagande gouvernementale, qui a tant fait saliver le peuple sur ces perspectives dorées est passée au mode muet à un semestre des "noces" en or noir tant attendues. C'est que les retombées escomptées pour les trois prochaines années de la production des champs de gaz et de pétrole sont... décevantes.
Selon le Document de programmation économique et budgétaire pluriannuelle (DPBEP) 2024-2026 de ce mois de juin du ministère des Finances, les recettes projetées pour les trois prochaines années seront de 753,6 milliards FCFA, soit 251,2 milliards F CFA par an. Ces projections sont les plus optimistes possibles du fait d'une conjoncture plus que favorable pour l'industrie pétrolière caractérisée par des cours au plus haut et le dollar US qui truste les sommets. Les hypothèses de calcul sont en effet de 85,5 $ le baril, pour un taux de change du dollar à 655 F CFA.
Pour mieux apprécier la portée réelle de ces recettes projetées, il serait intéressant de les comparer au service de la dette sur la même période triennale, qui est projeté à 5332,55 milliards F CFA, soit sept fois les recettes attendues de la production d'hydrocarbures ! Sans jeu de mots mal à propos, le moteur de notre économie carburera encore et toujours à la dette. Notre "entrée dans le club très fermé des pays producteurs d'hydrocarbures", pour emprunter au mantra des discours officiels, n'y fera rien.
Qu'est-ce qui explique ces chiffres loin des illusions entretenues depuis les annonces retentissantes de découvertes ?
Certes, les champs de gaz (projet Grand Tortue Ahmeyim - GTA) et de pétrole (Sangomar) ne sont pas aussi prolifiques que le laissaient entendre certaines déclarations. Il demeure néanmoins moins constant que la production du gisement de Sangomar, pour ne prendre que ce seul exemple, se situera autour de 32 millions de barils de pétrole de très bonne qualité en 2024. En reprenant les estimations de cours et de taux de change retenues par le ministère des Finances, les recettes, pour le pétrole uniquement, seront de 1792 milliards F CFA pour la seule année 2024. Comparé à la part globale du Sénégal sur le pétrole et le gaz évoqués plus haut (251,2 milliards F CFA), il saute aux yeux que c'est bien dans le partage des ressources que gît l'arnaque.
Les personnes qui suivent de près la gestion des contrats de recherche et de production d'hydrocarbures ne sont en rien surprises par cette tournure décevante. Le contrat relatif au champ de Sangomar, par exemple, est un modèle de capitulation devant des compagnies mues par la spéculation.
La part de l'État du Sénégal (hors Petrosen) dans le partage de la production est de maximum 40 % après recouvrement des coûts. Et encore, des conditions drastiques compliquent à souhait l'atteinte de ce plafond. En prenant en compte les données disponibles sur l'économie de ce gisement, on peut dire qu'en réalité la part du Sénégal (Petrosen y compris) sera de l'ordre de 30 % après recouvrement des coûts. Il est à noter que ce recouvrement des coûts engloutira un minimum de 70 % de la production totale ! Selon toute probabilité, il sera de l'ordre de 75 %.
Si l'on déduit des flux positifs générés par l'industrie pétrolière, les coûts inévitables provoqués sur l'environnement, la pêche, le tourisme, etc. les gains réels seront encore plus faibles.
Ce contrat, qui réservait la part congrue au Sénégal, a été établi en juillet 2004 avec la compagnie HUNT.
Monsieur Serigne Mboup, qui s'est longtemps fait passer pour l'alchimiste en or noir au Sénégal, nous doit quelques éclairages sur ce contrat. Il est en effet cosignataire de ce partage de Bukki qui met le Sénégal à la place du quidam noyé dans un barril de pétrole, couvert de plumes et sans un franc en contrepartie.
Au cours de la décennie écoulée entre l'établissement dudit contrat et les découvertes de pétrole dans ce bloc, le permis a changé plusieurs fois de mains avant que des travaux de recherche sérieux ne soient engagés, conduisant aux annonces de découvertes en 2014.
Après ces découvertes, la précipitation pour faire coïncider l'agenda électoral au calendrier de développement et de production des projets, n'a pas servi les intérêts économiques du Sénégal. La volonté de signer sans délai un accord avec la Mauritanie et d'approuver tambour battant les évaluations des gisements opérées par les compagnies pétrolières a pris le dessus sur une évaluation sérieuse des meilleures opportunités à chaque étape, comme du reste l'exigent les dispositions du Code pétrolier.
Un audit sérieux des conditions de négociation des contrats et de validation des décisions d'investissement reste à faire. L'espoir d'un début de prise en charge responsable de ces audits était né à la suite des élections législatives qui avaient accouché de l'Assemblée nationale la plus équilibrée, sur le papier de l'histoire du Sénégal. Le débat d'orientation budgétaire, bâclé en quelques heures ce 26 juin 2022 par une Assemblée nationale traversée par les remous politiques habituels, prouve que les ruptures que devait impulser l'actuelle législature sont aussi illusoires que les mirages d'un Sénégal devenu un émirat pétrolier.
Le rapport de force engagé par une partie de l'opposition, qui a finalement eu gain de cause, pour la libération de quatre députés, prouve que quand ils le veulent, les députés de l'opposition peuvent influer sur le cours des débats parlementaires. Leur présence significative dans le bureau tout comme à la conférence des présidents devrait permettre de faire de l'hémicycle le temple du débat et du contrôle de l'action gouvernementale. Pas le temple de Shaolin. Hélas, la politique politicienne n'en a rien à faire de l'intérêt général.
Thierno Alassane Sall est député à l’Assemblée nationale du Sénégal
République des Valeurs/Réewum Ngor
par Momar Dieng
BBY ET L'IMPÉRATIF D'UN PLAN B D'URGENCE
Le choix du porte-drapeau éventuel de Benno Bokk Yaakaar ne sera pas aisé en raison de la composition hétéroclite d’une coalition que Macky Sall a tenu en laisse pendant une décennie avec bonheur, dextérité et fermeté
Les dès sont jetés : la coalition Benno Bokk Yaakaar qui porte la gouvernance politique de Macky Sall depuis une dizaine d’années, devra se trouver un candidat de consensus pour espérer conserver le pouvoir en février 2024. La décision du chef de l’Etat de ne pas briguer une 3e candidature la contraint à cette alternative plus ou moins inattendue et qui fait l’effet d’un tsunami dans l’alliance. Le pari est d’autant plus lourd de risques et d’incertitudes que les délais impartis pour relever le défi sont extrêmement serrés : 7 mois à tout casser. Cependant, si on prend en compte les propos du président Sall disant qu’il n’a jamais été dans ses intentions de violer ses engagements sur le nombre de mandats à faire pour lui, il est permis de penser qu’il a eu également le temps et la latitude de concocter un projet de succession à plusieurs dimensions dont la détermination du profil politique idéal pour reprendre le flambeau.
A dire vrai, le choix du porte-drapeau éventuel de Benno Bokk Yaakaar ne sera pas aisé en raison de la composition hétéroclite d’une coalition que Macky Sall a tenu en laisse pendant une décennie avec bonheur, dextérité et fermeté. Aucune tête n’a émergé pour être un obstacle à son management de l’alliance. Du reste, les alliés de la première heure ne se sont jamais plaints à un niveau qui ait pu susciter des craintes de rébellion a fortiori d’implosion. Dénominateur commun à tous et accepté de tous, Macky Sall s’est bien facilité la tâche en octroyant aux uns et aux autres les moyens de « massifier » la coalition à travers le travail politique de terrain. Les prébendes et les nominations par décrets ont coulé à flot.
Mais aujourd’hui, avec le retrait du président Sall, des questions apparaissent brutalement tant Benno n’a jamais donné l’impression de travailler à un PLAN B pour la présidentielle du 25 février 2024. La coalition survivra-t-elle aux luttes naturelles visant la capture du leadership interne ? Dans quelle mesure Macky Sall pourra-t-il influer de manière décisive sur le choix de son successeur éventuel à la tête du pays ? Quel mode de désignation approprié emporterait le consensus général au sein de la coalition ?
Ces questions sont sans réponse pour le moment, mais une autre, capitale, viendra s’y rajouter : quelles attitudes adopteront les partis locomotives historiques de la coalition que sont le PS et l’AFP surtout, mais aussi la LD et le PIT, face à cette nouvelle donne ? Se rangeront-ils encore une fois sous l’hégémonie du parti présidentiel en acceptant que le dauphin soit issu de l’Alliance pour la république (APR) ? Où, perspective radicale, considéreront-ils que le compagnonnage avec Macky Sall est arrivé à terme comme cela a pu être théorisé chez certains socialistes et progressistes ?
L’urgence de concocter un Plan B consensuel est donc une urgence impérative pour la coalition Benno Bokk Yaakaar. Au-delà du profil à investir et de son caractère politique, la question est aussi fondamentalement d’ordre stratégique. C’est la gestion de l’héritage global de Macky Sall qui a besoin d’être prise en charge, avec ses forces et ses faiblesses. Car suivant l’exemple de 2012 et la défaite d’Abdoulaye Wade, un nouveau régime éventuel porteur d’une grande légitimité populaire pourrait faire de la reddition des comptes une option politique de départ, en attendant la suite, comme l’a tenté…Macky Sall.
Par DIAGNE Fodé Roland
LE PEUPLE DOIT GAGNER CELLE DE LA CANDIDATURE DE O. SONKO
Après avoir tout essayé et préparé, l’opposition du peuple, l’isolement politique national et international et les impasses politico-répressives et morales viennent de contraindre le président Macky Sall a renoncé à sa troisième candidature anticonstituti
Après avoir tout essayé et préparé, l’opposition du peuple, l’isolement politique national et international et les impasses politico-répressives et morales viennent de contraindre le président Macky Sall a renoncé à sa troisième candidature anticonstitutionnelle.
Jusqu’au dernier moment, Macky Sall a mouillé son parti APR et sa coalition BBY, y compris ses Maires après avoir fait faire contre le peuple, en particulier la jeunesse déterminée des répressions mortifères qui se sont soldées par une trentaine de morts auxquels s’ajoutent les 14 de 2021, près d’un millier de prisonniers politiques, des dizaines de torturées et des centaines de blessés. C’est donc contraint que Macky Sall renonce à son projet de candidature illégale pour se concentrer sur sa stratégie d’exclusion de O. Sonko de la présidentielle. Son « dialogue » est l’acte 1 du plan concocté pour mettre en branle le « tout sauf Sonko ».
L’acte 2 est la saisine de l’Assemblée nationale pour faire voter « l’inclusion » de Karim Wade (PDS) et Khalifa Sall (Taxaw). Les députés sont invités à conditionner leur vote à « l’inclusion » de Sonko, la libération de tous les détenus politiques et à l’exigence de justice pour les morts, les torturés, les blessés.
L’acte 3 peut être double
- Arrêter Sonko ou forcer par le blocus de son domicile Sonko à se rendre prisonnier, ce qui « anéantit » comme le dit Sonko lui-même le verdict inique de la chambre criminelle de « 2 ans fermes » et le rend automatiquement éligible en attendant le nouveau verdict
Mais Macky Sall peut aussi maintenir tout simplement le blocus arbitraire pour laisser courir le verdict inique jusqu’à la veille du dépôt des candidatures, laisser même Sonko déposer sa candidature qui sera ainsi invalidée par le Conseil Constitutionnel. Nous faisons confiance à Sonko pour la parade à mettre en place au moment nécessaire.
- Ces deux scénarios peuvent être accompagnés d’une dissolution de Pastef-Les Patriotes désigné sur la base d’une « enquête bidon » comme « l’ennemi intérieur et extérieur » dont à abondamment parlé Macky Sall dans son allocution de renoncement à sa candidature illégale
La solution à toutes ces perversions liberticides de Macky/APR/BBY est la mobilisation et la détermination qu’a montré le peuple jusqu’ici, de qui a permis de gagner la première bataille.
Les donnes nouvelles sont de deux ordres:
- Macky Sall escompte sur le ralliement à son stratagème anti-Sonko/Pastef de la famille libérale PDS/APR, des sociaux libéraux du PS à Taxaw flanqués des renégats des ex gauches devenus « gauche plus rien ».
Mais sans compter que le « chat » ayant annoncé son absence, c’est toutes « les souris qui vont mettre à danser » dans une compétition où chacune va se prendre pour le nouveau et futur « chat ». Au sein même de l’APR les couteaux vont s’aiguiser, de même qu’au sein de BBY sans oublier le PDS et le PS et leurs multiples démembrements pendant que nos renégats de l’ex-gauche vont comme toujours devoir choisir à quel maître vendre leur servilité légendaire. La « transhumance » étant devenue une seconde nature, certains rats de ce beau monde peut même devenir de sonkistes de la 25ème heure selon que « force est au peuple » pour que « force soit à la loi ».
Il est clair qu’ayant engagé le pays sur la voie d’une négation des conquêtes démocratiques des deux alternances néocoloniales, ayant exercé des pratiques liberticides relevant de l’autoritarisme fascisant, le présidentialisme version Macky/APR/BBY les met dans des impasses politique, judiciaire, sociale et répressive quise traduisent par l’annonce de ne pas candidater dans le cadre d’un projet d’empêcher par tous les moyens, y compris les plus sales, la candidature du vrai chef de l’opposition le patriote O. Sonko que tousles sondages donnent gagnant dès le premier tour de la présidentielle 2024. Alors c’est au peuple de parachever contre les plans ourdis de l’apprenti dictateur sa victoire. Alors le peuple, partout sur le territoire national et dans la diaspora, doit organiser des rassemblements populaires pour investir le candidat O. Sonko.
par l'éditorialiste de seneplus, félix atchadé
ÉTAT D’EXCEPTION
EXCLUSIF SENEPLUS - Le pouvoir a inventé une gouvernance basée sur des circuits informels de décisions, une nouvelle nomenclature juridique. Il tente d’imposer un nouvel ordre sans rapport avec la Constitution, les lois et règlements connus
Félix Atchadé de SenePlus |
Publication 06/07/2023
Le philosophe anglais John Langshaw Austin (1911-1960), qualifié de « philosophe du langage ordinaire » assigne deux fonctions au langage. Selon lui, il peut être « constatif » lorsqu’il décrit le réel et « performatif » lorsque le fait de parler crée le réel. Dans un État de droit, une démocratie et une République digne de ce nom, le gouvernement construit l’ordre légal et institutionnel en utilisant le langage « performatif » que lui confère la Constitution. Afin que nul n’en ignore pour parler comme les juristes, c’est par des circulaires, arrêtés, décrets, lois, qu’il met sa politique en actes et gouverne le peuple. Comme les exemples qui suivent vont le montrer, la pratique gouvernementale est en rupture avec cette tradition sénégalaise et tend à créer un ordre qui consacre le fait du prince.
Le fait du prince
Depuis le 28 mai 2023, date à laquelle il a été ramené manu militari à Dakar, Ousmane Sonko, le président du parti Pastef et maire de la ville de Ziguinchor est assigné à son domicile. Plusieurs compagnies de policiers et de gendarmes quadrillent son quartier et les rues qui mènent à son habitation sont barrées et interdites à ceux qui veulent lui rendre visite. Les amis, proches et camarades de monsieur Sonko ne peuvent pas avoir accès à son domicile. Une délégation de son collectif d’avocats qui a cherché à se rendre dans sa maison a essuyé un refus catégorique des forces de l’ordre qui ont invoqué comme explication « les ordres de l’autorité ». Et pour sans doute montrer qu’ils ont tous les droits, la délégation d’avocats a été gazée sans sommation. Il y a quelques jours, des députés ont été interpellés puis mis en garde à vue parce qu’ils voulaient rendre visite à leur camarade. Maître Ciré Clédor Ly, le coordinateur du pool d’avocats de monsieur Sonko, a rapporté avoir tenté sans succès, neuf fois de suite, d’entrer en contact avec son client. Un dirigeant du parti Pastef qui a fait constater par huissier l’inaccessibilité au domicile du président du parti. À ce jour, on ne sait pas qu’elle est la base légale à cette assignation à domicile de monsieur Sonko décidée par « l’autorité supérieure » ou « l’autorité suprême ».
Restriction de la liberté de circulation
Ce n’est pas le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, ni son collègue de l’Intérieur qui pourraient nous aider à trouver un début d’explication à cette entrave aux libertés en cohérence avec notre Constitution. Le premier nommé a dit sans que l’on sache s’il s’agit d’un trait d’humour ou sa conviction profonde que la réponse pourrait venir de la décision de la Cour suprême en cas de saisine par… Ousmane Sonko. Le ministre de l’Intérieur a invoqué lui le « principe de précaution ». Un principe issu du droit de l’environnement et qui s’est étendu aux décisions publiques en matière de santé humaine, animale ou végétale qui stipule que l’absence de certitudes scientifiques sur la réalité d’un risque ne doit pas empêcher de prendre des mesures de prévention parfois radicales. Il est extrêmement préoccupant que ce principe soit évoqué pour priver les citoyens de leurs libertés.
Deux semaines avant que le président du Pastef ne soit assigné à son domicile, c’est la Commune de Ngor qui a connu un sort similaire. À la suite de manifestations consécutives à un conflit foncier opposant les habitants de la commune avec à leur tête le Conseil municipal et la gendarmerie. La gendarmerie qui est une partie au conflit a décidé de le régler à sa manière. Le 9 mai 2023, des éléments de la gendarmerie ont interdit toute entrée et sortie de Ngor. Les médecins n’ont pas pu visiter leurs patients. En plus de ce blocus, les gendarmes ont réprimé violemment les manifestations de protestation et une adolescente de 15 ans a été tuée. Le ministre de l’Intérieur, magistrat de profession, s’est essayé à la médecine légale à l’occasion de ce drame. Il a imputé la cause de la mort de l’adolescence à une hélice de pirogue qui aurait percuté sa tête. Le compte-rendu de l’autopsie pratiquée par des professionnels a démenti les affabulations ministérielles et confirmé les propos des témoins qui ont incriminés les tirs par arme à feu.
Liberté de la presse bâillonnée
Pendant un mois, le signal de la chaîne de radio et télévision Walfadjri a été coupé sur les différents réseaux de diffusion. L’ordre de sanctionner le groupe de presse de Khar Yalla n’émane pas de l’autorité chargée de réguler l’audiovisuel. C’est le ministre de la Communication qui n’est pas compétent en la matière qui a pris l’initiative. L’acte par lequel il a notifié la suspension a été pris neuf jours après le début de celle-ci et est une véritable nouveauté dans la nomenclature des actes administratifs sénégalais. La décision a été contestée par les dirigeants du groupe de presse devant la chambre administrative de la Cour suprême. Le juge des référés sollicité a rejeté la demande de Walfadjri, au motif que la mesure est exécutée dans sa « presque en totalité » et que plaignants n’ont pas présenté de motif sérieux prouvant le péril qui les menacerait. Cela fait maintenant un mois que la liaison maritime qui relie Dakar à Ziguinchor est interrompue. La compagnie nationale de transport routier Sénégal Dem Dik ne dessert plus la région méridionale et un arrêté du Gouverneur y a restreint de manière radicale les horaires de circulation interurbains. Cet isolement de la région du reste du pays n’est pas le fait d’un concours de circonstances malheureuses, mais plutôt la conséquence de décisions politiques illégitimes et illégales qui visent à punir les populations. En un trimestre, à trois reprises, le siège du Parti républicain pour le progrès (PRP) de Déthié Fall a été barricadé par la gendarmerie qui a positionné ses éléments à l’entrée, interdisant tout passage. Sans mandat ni acte administratif quelconque, les forces de l’ordre ont empêché des activités de partis légalement constitués. Des parlementaires sont régulièrement interpellés et mis en garde à vue au prétexte de participation à une manifestation non autorisée.
Depuis mars 2021 et plus encore ces derniers mois, le président Macky Sall, son gouvernement et les différentes institutions ont décidé de s’affranchir de toutes les formes traditionnelles et légales d’administration de l’État sénégalais et de sa population. Le pouvoir a inventé une gouvernance basée sur des circuits informels de décisions, une nouvelle nomenclature juridique et tente d’imposer un nouvel ordre sans rapport avec la Constitution et les lois et règlements connus. Si l’on en revient à la distinction opérée par John Langshaw Austin, en langage « constatif » nous sommes dans l’état d’exception qui mêle des restrictions aux libertés relevant de l’État d’urgence ou de l’état de siège. Or à aucun moment, le président de la République n’a pris de décrets autorisant ces mesures.
Par Pr. Meïssa Diakhaté
LES JURISTES A L’EPREUVE DE LA METEO DU 3E MANDAT AU SENEGAL
La perspective du 3e mandat a bruyamment actionné la doctrine juridique sénégalaise. Plus que jamais auparavant, les juristes universitaires ont rivalisé d’ardeur pour abreuver l’espace public de des constructions savantes. Rien d’étonnant.
La perspective du 3e mandat a bruyamment actionné la doctrine juridique sénégalaise. Plus que jamais auparavant, les juristes universitaires ont rivalisé d’ardeur pour abreuver l’espace public de des constructions savantes.
Rien d’étonnant. Armés de bonne foi, ils ont tenté, au mieux, de remplir leurs charges doctrinales, évidemment avec les aléas inhérents à la relativité de la vérité juridique. C’est la tonalité tout à fait normale de la liberté qui rythme la quête du savoir dans un contexte de tonalité démocratique.
Toutefois, il n’est pas sans intérêt professionnel de se livrer, à présent, à une approche réflexive sur la posture du juriste dans une ambiance de vacarme politique. Dit autrement, quelles leçons pourrait-on tirer de l’intimité ou de l’inimité entre le juriste et le politique ?
I. Restaurer la raison juridique
La mise en scène juridique du 3e mandat montre, à bien des égards, le poids de l’impréparation de certains acteurs. La matière constitutionnelle a exercé un attrait sur plusieurs catégories de juriste. Chacun se pare de l’éclat constitutionnaliste et le risque est réel de s’exprimer par émotion ou subjectivités sur des espaces de réflexion qui ne sont pas jusque-là fréquentés.
Tout étant converti à l’idée d’une solidarité scientifique ou d’une démarche holistique, il y a lieu de prendre en compte le risques potentiel d’interférences voire de confusions. La réalité nous parle : des concepts, des théories et des modes de pensée peu familiers au constitutionnalistes ont égaillé le débat public sur le 3e mandat. La vérité acquise est justement qu’il n’est pas approprié de lire les certitudes constitutionnelles sous le prisme des évidences juridiques autrement élaborées. Le brillant esprit a raison de nous faire comprendre que les habitudes intellectuelles sont susceptibles d’entraver la recherche, ici en matière constitutionnelle. « Notre esprit, dit parfaitement M. Bergson, a une irrésistible tendance à considérer comme plus claire l’idée qui lui sert le plus souvent ».
La dilution des autres logiques juridiques dans la réalité constitutionnelle a installé un malaise s’est installé dans l’imaginaire des Sénégalais, à savoir le doute sur la scientificité du droit constitutionnel ou, de manière plus théoriquement sophistiquée, l’existence d’une axiomatique dans ce domaine. Certes, les frontières scientifiques ne sont en aucun cas étanches. Mais, tout porterait à dénoncer la présence d’allogènes dans le champ constitutionnel. La science n’est pas une simple donnée de l’émotion ou une question de courage.
La substance du droit constitutionnel ne réside plus seulement dans la parole sacrée du Constituant (l’exégèse des textes) ou la sagesse vénérée du juge (jurisprudence constitutionnelle). Elle brasse de nouvelles sensibilités, qu’elles soient, d’une part, de l’ordre des droits fondamentaux ou des garanties institutionnelles et, d’une part, des niveaux communautaires ou universels. Dès lors, il n’est plus souhaitable de l’aborder sous l’angle des marges étroites de la lettre de la Constitution, de la posture du politique ou de l’appréciation contingente du juge constitutionnel.
Désormais, les lectures et les prises de position sur les questions constitutionnelles contemporaines ont besoin de cerner les contours et de maîtriser l’écosystème faisant du droit constitutionnel un droit en mouvement.
II. Repenser la vocation didactique
La spécificité de la matière impose de reconsidérer la vocation du constitutionnaliste. Loin de s’adonner à l’incantation des dispositions pourtant claire de la Constitution ou de ressasser les motivations situationnistes du juge constitutionnel. Il doit finalement changer de métier, en s’appropriant des vertus didactiques. Son rôle doit être davantage d’expliquer, d’analyser, de commenter, de comparer et, au besoin, d’extrapoler. Autant d’opérations intellectuelles qui établissent une distinction nette entre l’animation politique et l’analyse juridique et, en même temps, aseptisent la réflexion scientifique de tout jugement de valeur ou engagement partisan.
Pareil équilibre était indispensable à la compréhension de la problématique juridique relative à l’article 27 de la Constitution. Les impératifs didactiques devraient libérer notre réflexion de l’étroitesse du carcan « validation / invalidation ». L’orientation didactique aurait pu conduire à une meilleure expression de l’esprit dans le séquençage de la scène juridique de la 3e candidature.
D’abord, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est juridiquement embarrassante. Au moment où les citoyens et les analystes politiques soutiennent et théorisent, à les en croire, une différence de nature entre un mandat de cinq ans et un mandat de 7 ans dans le décompte des mandats exercés entre 2012 et 2024, le Conseil avait déjà énoncé que « la durée du mandat, traduction temporelle de celui-ci, ne peut en être dissociée » (Décision du 29 janvier 2012). Par suite, le mandat de 7 ans consacré en 2008, en lieu et place du mandat de 5 ans déterminé en 2001 a été réceptionné sur le plan institutionnel par le mandat présidentiel exercé de 2012 à 2019.
Ensuite, la réécriture de l’article 27 dans la loi constitutionnelle accentue la nuance. Deux préceptes juridiques sont en concurrence. L’un, un argument « judicaire » : la nouvelle « loi » est d’application immédiate ; elle ne rétroagit pas. L’autre un argument légistique : la nouvelle loi qualifiée de constitutionnelle fait corps, par nature, avec la Constitution du 22 janvier 2001 limitant initialement le nombre de mandats présidentiels à deux.
Enfin, la lecture de la décision n° 1/C/2016 du 12 février 2016 dégage une charge énigmatique. A bien des endroits, elle charrie une quantité importante de subtilités. En son article 3, le Conseil constitutionnel décide : « La disposition transitoire prévue à l’article 27 dans la rédaction que lui donne l’article 6 du projet et aux termes de laquelle ; « Cette disposition s’applique au mandat en cours » doit être supprimée ; elle n’est conforme ni à l’esprit de la Constitution, ni à la pratique constitutionnelle, la loi nouvelle sur la durée du mandat du Président de la République ne pouvant s’appliquer au mandat en cours ». Partant de ce raisonnant, il censura, sans convaincre, la disposition limitative.
Tout compte fait, l’histoire aurait pu témoigner que la règle de la limitation des mandats a l’apparence d’un mirage juridique. Mais, la solution de bon sens est finalement l’œuvre du Président de la République, gardien officiel de la Constitution. Mais, un tel acte politiquement héroïque et démocratiquement historique, ça se préserve.
par Nioxor Tine
SORTIE PRÉCIPITÉE PAR LA PORTE DÉROBÉE DE L’HISTOIRE
Les éloges flatteurs des courtisans de Macky ne pourront jamais occulter le fait, qu’il n’a fait qu’éteindre, avec beaucoup de retard, la mèche du tonneau de dynamite, qu’il avait lui-même allumée, le 31 décembre 2019
Il peut paraitre incongru, voire ridicule, de célébrer le respect, par le président sortant, de la limitation constitutionnelle des mandats, d’autant qu’il était plutôt attendu du président Macky Sall, soutenu au deuxième tour de la présidentielle de 2012, par les acteurs des Assises nationales, une refondation institutionnelle de plus grande ampleur.
Son beau discours du lundi 3 juillet, ainsi que les nombreuses félicitations complaisantes reçues à cette occasion signent paradoxalement l’échec partiel du projet autocratique, que lui et son clan familial ont concocté et qui vise à soumettre le peuple sénégalais aux forces de l’étranger.
Le peuple sénégalais soulagé s’est majoritairement félicité de la sage et salutaire décision de ne pas postuler pour un troisième mandat, permettant au président Macky Sall, de poser un jalon important, pour tenter de se racheter et de sortir par la porte dérobée de l’Histoire ! Mais il n’y avait vraiment pas de quoi pavoiser et les éloges flatteurs de ses courtisans ne pourront jamais occulter le fait, qu’il n’a fait qu’éteindre, avec beaucoup de retard, occasionnant plusieurs dégâts humains et matériels, la mèche du tonneau de dynamite, qu’il avait lui-même allumée, le 31 décembre 2019.
Ce jour-là, interrogé en direct sur la télévision nationale, par un journaliste intrépide, sur son intention supposée de briguer un troisième mandat, il avait eu cette réponse malencontreuse, équivoque et ambiguë, le "ni oui ni non", qui a ouvert une boite de Pandore, qui nous aura valu tant de désagréments et de drames.
En effet, en réfutant des dispositions constitutionnelles incontestables, refusant de prendre de la hauteur et d’adopter un rôle d’arbitre du jeu politique – à cause du cumul des postes de président de la République et de président de la Coalition Benno Bokk Yakaar – le premier magistrat de la Nation s’est lancé dans une entreprise insensée de faire tourner la roue de l’histoire démocratique de notre Nation à l’envers. Il s’en est suivi une oppression pesante exercée sur la vie publique, sous le paravent d’une propagande de type totalitaire, rappelant l’époque de la glaciation senghorienne de triste mémoire.
Le régime de Benno Bokk Yakaar a donc fini par faire l’objet d’un rejet populaire massif, accentué par la crise de la Covid-19 et qui se matérialisera par un déclin électoral qui atteindra le seuil critique de perte de majorité, lors des législatives du 31 juillet 2022.
Le principal bénéficiaire en sera le leader du Pastef, entretemps promu au rang très flatteur de chef de l’opposition, du fait de la défection de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck mais aussi de ses succès électoraux tangibles, malgré ou peut-être à cause de la diabolisation dont il faisait l’objet.
A cause de son rôle de porte-drapeau inflexible et inamovible du mouvement de résistance constitutionnelle à la dictature rampante de l’A.P.R. et de ses affidés, il a gagné ses galons d’ennemi public numéro 1 de la clique des valets locaux de l’impérialisme. Sous son impulsion, des forces connues et reconnues (loin d’être occultes) se sont vaillamment opposées à la gouvernance gabegique et surtout à la persécution judiciaire, avec des points culminants en mars 2021 et en juin 2023.
La tension permanente et les affrontements itératifs entre "apatrides" et patriotes ont fini de semer la panique au sein d’un establishment plus soucieux de son image à l’international et de l’attractivité de notre pays pour les investisseurs capitalistes que de la vie des jeunes sénégalais.
Dans ces conditions, il devenait nécessaire de changer de stratégie, pour se réconcilier avec les autres forces acquises à la perpétuation du système de prédation néocolonial, en vue d’isoler les secteurs panafricanistes et progressistes gravitant autour du Pastef.
Un énième dialogue national fut convoqué suite à plusieurs rencontres informelles, dont la plupart nocturnes, pour ficeler des deals mutuellement avantageux, sur le dos du peuple. Pour garantir la survie d’un système politique en déliquescence, il a également fallu faire le deuil de cette troisième candidature trop impopulaire et qui constituait une pomme de discorde au sein même de sainte alliance néocoloniale.
Ces soudaines retrouvailles entre acteurs politiques ayant la particularité d’avoir, tous, été aux affaires, depuis notre fausse indépendance de 1960 ne peuvent surprendre que ceux, qui entretiennent des illusions sur notre modèle démocratique. Ce dernier, malgré des acquis significatifs, ayant permis deux alternances au sommet de l’État, connait des régressions graves dues, justement, au refus persistant d’opérer les ruptures nécessaires, aussi bien par rapport aux enjeux démocratiques qu’à ceux liés à notre pleine souveraineté nationale.
C’est dire, qu’au-delà de cette question importante de limitation des mandats, le président Macky Sall doit mettre fin à sa fâcheuse propension à traiter de problématiques purement politiques sous l’angle de l’instrumentalisation de la Justice et s’atteler à faire libérer aussi bien le leader du Pastef que les centaines de jeunes militants arbitrairement emprisonnés.
Il faut également organiser des élections transparentes, régulières et inclusives en y associant M. Ousmane Sonko, dont la candidature est une demande sociale pour des centaines de milliers voire des millions de citoyens et une exigence nationale.
Il importe que tous les acteurs politiques de l’opposition comprennent que la tare de l’hypertrophie présidentialiste déteint sur leur approche des questions électorales, comme le montre cette multiplicité inexplicable de candidatures. Cela nous a valu, dans un passé récent, l’élection surprise du président de l’APR en 2012, au moment où le PS et l’AFP se disputaient le leadership de Benno Siggil Senegaal et n’ont pu s’entendre sur une candidature unique, ce qui a compromis la mise en œuvre des conclusions des Assises nationales.
Tant que la classe politique privilégiera la mise en avant d’individualités fortes sur les ententes programmatiques, le système hyper-présidentialiste tant décrié aura de beaux jours devant lui.