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28 novembre 2024
Opinions
PAR Nioxor Tine
L’HÉRITAGE DU 23 JUIN
Le pouvoir s’est, de fait, placé dans l’illégalité. Le schéma du "faux dialogue national" s’apparente à "une société civile du Prince", sous le regard bienveillant d’une opposition de salon et de prétendus non-alignés
Avec la fin de son pseudo-dialogue-express, Macky Sall se rapproche de plus en plus de l’heure fatidique où il sera bien obligé de répondre à la question fatale, qui dans tous les cas de figure, va signer l’arrêt de mort de Benno Bokk Yakaar.
P’têt ben qu’oui p’têt ben que non : une réponse de normand aux lourdes conséquences !
C’est un secret de polichinelle que plusieurs composantes de la coalition présidentielle, y compris au sein de l’APR, sont plus que réticentes à l’idée de remettre en cause la limitation des mandats et seraient plutôt favorables à une candidature portée par un autre membre de Benno Bokk Yakaar.
Si le président décidait de postuler à une troisième candidature, cela pourrait les pousser vers la sortie, ce qui affaiblirait politiquement une majorité, qui va très probablement être confrontée à l’embrasement du pays.
Il se peut, que contre toute attente, Macky Sall choisisse de décliner la troisième candidature controversée, c’est-à-dire, d’écouter la voix de la raison en décidant de se conformer à la Constitution et de respecter sa parole. Dans ce cas aussi, les risques sont réels d’assister à une implosion de sa coalition devenue acéphale et qui serait plongée dans la tourmente, se traduisant par une multiplicité de candidatures.
Une crise politique sans précédent
L’indécision du président Macky Sall sur la troisième candidature est loin d’être fortuite. En dehors de l’impact délétère que cette question peut avoir sur la majorité présidentielle, il y va surtout de la survie du système de prédation néocolonial.
Un des plus grands mérites de la nouvelle génération d’hommes politiques, particulièrement d’Ousmane Sonko, c’est cette volonté proclamée de rompre avec cette dépendance vis-à-vis des pays impérialistes, la France en premier lieu, qui perdure malgré les deux alternances de 2000 et 2012. Elles ont, en effet, montré leurs limites pour ce qui est de la résolution des enjeux fondamentaux, auxquels notre peuple fait face.
C’est précisément cette volonté de plus en plus affirmée des jeunesses africaines et particulièrement celle sénégalaise, de s’émanciper du carcan néocolonial qui se heurte à une agressivité inédite de la classe politique traditionnelle, qui s’est retrouvée au dialogue officiel, en ordre de bataille contre le spectre du patriotisme, qu’on cherche à éradiquer du champ politique.
Cela entre dans le cadre d’une stratégie longuement mûrie de reconfigurer notre modèle démocratique qui n’arrive plus à contenir les coups de boutoir des forces œuvrant pour une véritable souveraineté nationale et l’approfondissement de la démocratie.
C’est en raison de l’importance de ces enjeux, que notre pays est en train de traverser l’une des crises politiques les plus graves de son histoire. Elle est d’autant plus préoccupante, que le régime apériste semble adopter une attitude extrémiste, qui risque de compromettre une issue heureuse en termes de stabilité et de paix sociale.
Le troisième mandat : un saut dans l’inconnu
Cette crise pourrait également, si elle n’est pas maitrisée, provoquer une ingouvernabilité durable, dont les prémisses sont déjà perceptibles ou déclencher un putsch militaire.
Sans jouer aux oiseaux de mauvais augure, certains observateurs pensent, que même une guerre civile, telle que celle ayant eu lieu au Congo-Brazzaville, entre juin et octobre 1997, n’est plus à écarter. En tout cas, les mêmes ingrédients se retrouvent, comme les préjugés ethniques cultivés et/ou instrumentalisés surtout par certains grands responsables de la Coalition présidentielle ou résultant de la crise économique (hostilité croissante envers les ressortissants de pays frères/frontaliers), mais également l’utilisation de nervis ou de milices privées et les nouvelles ressources pétrolières et gazières…
Il n’est pas trop tard pour arrêter l’engrenage fatal
Il y a douze ans, le 23 juin 2011, un soulèvement populaire, dont Macky Sall faisait partie des sponsors, avait donné un coup d’arrêt à une tentative de tripatouillage constitutionnel et constitué le point de départ du processus ayant mené à la deuxième alternance de 2012. Il n’avait fallu, au président Wade, que quelques heures pour prendre acte de son erreur et la rectifier.
Cela devrait inspirer le pouvoir actuel qui, depuis plusieurs années, fait montre d’un entêtement suicidaire à vouloir, coûte que coûte, se maintenir au pouvoir, en briguant un troisième mandat illégal et illégitime.
Avec le recul, on peut aussi établir une compulsion obsessionnelle du président Sall à vouloir liquider ses concurrents les plus représentatifs, scénario qui a servi aux présidentielles de 2019 et que le régime est en train de vouloir rééditer avec les condamnations arbitraires, dont Ousmane Sonko fait l’objet et qui ont pour finalité de le rendre inéligible.
Au vu de l’effroyable coût humain, qui fait, d’ores et déjà l’objet de procédures judiciaires au niveau des juridictions internationales, le pouvoir actuel s’est, de fait, placé dans l’illégalité. Il serait, dès lors, naïf de douter, un seul instant, qu’il acceptera de perdre des élections organisées par un ministre de l’Intérieur issu de ses rangs. Il ne resterait plus aux hommes du pouvoir que la fuite en avant, dans une spirale répressive, pour échapper aux poursuites judiciaires, qui leur pendent dorénavant au nez.
Comment alors qualifier les délibérations du faux dialogue national, qui auraient entériné le scénario de validation de l’impossible candidature à un troisième mandat de l’actuel président de l’APR, par le Conseil constitutionnel ?
Ce schéma aurait la faveur de ce qui s’apparente, de plus en plus à "une société civile du Prince", sous le regard bienveillant d’une opposition de salon et de prétendus non-alignés. Le hic est que le Conseil constitutionnel est présidé par un magistrat, proche de la mouvance présidentielle, connu pour ses démêlés avec l’OFNAC et le rôle décisif qu’il aurait joué dans l’éviction judiciaire des rivaux du candidat de la coalition présidentielle en 2019.
Le mutisme sur le sort peu enviable fait au président du Pastef, sous prétexte d’un esprit républicain, qui occulte l’instrumentalisation de la Justice, dont les régimes socialiste et libéral s’étaient également rendus coupables, dans le passé, prouve amplement, que le pseudo-dialogue a été le prétexte pour mobiliser le ban et l’arrière-ban des hommes du système pour barrer la route au candidat antisystème.
Il n’est pas trop tard pour exorciser les démons, qui planent au-dessus de notre nation connue pour sa tolérance et son hospitalité, en s’inspirant de l’esprit de dépassement du 23 juin 2011 et de la charte du F24. Il suffit de renoncer à ces projets chimériques de troisième mandat, de libérer tous les détenus politiques, y compris le président du Pastef, et de permettre la participation de tous les citoyens remplissant les conditions à des élections présidentielles transparentes et inclusives.
RAS-LE-BOL DES DIRIGEANTS POLITIQUES MALENTENDANTS
Le leader doit avoir en face de lui des élites politiques et intellectuelles dont la vocation est de penser et d’opérer les changements dans nos sociétés, c’est-à-dire de donner aux problèmes politiques des solutions politiques
«L’État est le plus froid des monstres froids» disait Nietzsche. Il ment froidement. Et voici le mensonge qui s’échappe de sa bouche : «Moi l’Etat, je suis le peuple.» Mettons le pied à l’étrier avec cette vieille rengaine : le peuple n’est là que pour nourrir le roi et ses sujets très proches, et on doit surtout ne rien dire. Donc, si nous ne disons rien, le roi n’a rien entendu. Serait-on sans en être conscient dans un pays de blasés, de muets et de malentendants ? Il est vrai que les sénégalais sont écoutés comme dans tous les pays démocratiques. Ils ont le droit d’élire leurs dirigeants. Ce qu’ils oublient, c’est qu’ils sont obligés de respecter la loi du vainqueur pendant toute la durée de son mandat, n’est-ce pas vrai ? Le peuple a des droits que les politiques bafouent sans état d’âme. Il est tout de même très écouté. La preuve : il n’y a jamais eu autant d’écoutes téléphoniques qu’aujourd’hui. Et parlons de cette société civile, que reste-t-il de ses prérogatives de contre-pouvoir?
Mais, faut-il pour autant que la société civile soit incapable de se faire entendre ? Pour l’instant, elle semble faible, peu audible et si peu écoutée. Il est vrai que certains de ses « corps intermédiaires » peuvent donner l’image de l’archaïsme, ou d’une rigidité qui risque d’entraîner les acteurs dans des combats sans issue.
*Le choc des temporalités*
Il ressort de ces exemples que le système démocratique actuel, basé sur la victoire de la majorité, crée des frustrations. Cette lacune fondamentale de la démocratie rappelle qu’elle ne fait pasle bonheur de tout le monde, qu’elle ne peut écouter tout le monde. À la lumière de ce constat, il apparaît évident que la population a le droit de contester le gouvernement élu par la majorité – deuxième idée sur laquelle on s’accorde aisément. Généralement, il y a contestation quand on n’est pas d’accord avec les décisions des dirigeants. Cependant, ce droit de contester ne signifie malheureusement pas qu’on soit entendu par le pouvoir. Quand il y a litige, l’idée du dialogue veut que toutes les parties soient entendues et écoutées. Mais dans le système démocratique, il n’existe que deux solutions : être pour ou contre ; d’où la nécessité de trouver des solutions concrètes à cette lacune de la démocratie.
Le leader politique, une fois au pinacle, doit-suivre le peuple ou le guider ?
Le choix oscille entre la grandeur et le cynisme. La vérité est, semblerait-il entre les deux car la multiplication des sources d’information et des réseaux fait évoluer l’opinion de l’obéissance citoyenne à l’acceptation sociale. Aucune décision ne pourra désormais durablement s’imposer si les enjeux ne sont pas appropriés par l’opinion et les débats suffisamment riches et participatifs. L’important est de construire un rapport de forces favorable, mais aussi et surtout une crédibilité dans un choix qui assure le respect des minorités et apporte de la clarté dans les raisons et les conséquences des décisions arrêtées. Or il ne suffit plus de gérer les raisons mais aussi les émotions. Ceci provoque un choc de temporalités et un conflit entre l’urgence qui impose une réaction ou une attention rapide du décideur et le temps nécessaire à une coconstruction. Toute cette rhétorique pour dire que nous attendons encore l’émergence du leader nouveau, notre Messi de la politique.
À la recherche du dirigeant qui écoute
.Après des décennies de surdité chronique, nous voudrions désormais un dirigeant qui écoute. Tout. Même parfois ce qu’il ne devrait pas entendre. Mais, écouter c’est accepter d’entendre. On le veut volontaire et obstiné même quand il trouve le temps de faire son travail de commandant destroupes, c’est-à-dire diriger, animer, motiverses collaborateurs, mobiliser ses troupes, fidéliser ses meilleurs éléments, montrer l’exemple. À se demander même si l’obligation nouvelle de concertation, de médiation, voire de pacification, ne paralyse pas son sens inné du discernement et n’inhibe passon sens acquis de l’appréciation. L’action est-elle toujours au bout de la réflexion ? Rien n’est moins sûr ! Peu importe, nous le voulons en Divinité Shiva, engageant, engagé, hyper cérébral et multitâche... Écouter les revendications, les récriminations, les requêtes, les demandes légitimes et injustifiées, les réclamations. Écouter les râleurs, les emmerdeurs, les contestataires, les opposants, les protestataires, les contradicteurs, les frondeurs, ceux qui ont quelque chose à dire et ceux qui n’ont pas grand-chose à exprimer. C’est leur triste lot. Ce n’est pas une sinécure mais, c’est son job !
À quoi peut bien servir l’écoute ?
À montrer qu’on est un Président capable et responsable, doté d’une attitude ouverte, compréhensive et attentive, ce qui permet de légitimer plus facilement sa fonction et de ne pas être remis en question toutes les cinq minutes. Un leader qui même si à force d’écouter, en arriverait même à oublier la principale raison de l’écoute : amasser un maximum d’informations, en faire une analyse, puis une synthèse et tirer les enseignements de cette information récoltée afin de prendre des décisions en toute connaissance de causes et d’effets. Écouter et décider, c’est le choix inévitable. Car, écouter est une occupation chronophage dont il faut savoir tirer bénéfices et avantages quitte à en avoir des oreillons... Il faut écouter ce que dit l’acteur en question mais aussi ce qu’il ne dit pas ou ce qu’il n’arrive pas à exprimer avec des mots. Ses non-dits seraient aussi importants que ses dits. Sans parler de la communication non verbale et de la morphopsychologie. Certains affidés du Chef nous rétorqueraient aisément : « comment voulez-vous que le dirigeant ait le temps de penser au changement alors qu’il doit se transformer lui-même en nounou, en assistante sociale, en psychologue et en oto-rhino-laryngologiste, spécialisé dans les troubles auditifs lourds ?» Nous exigeons puisque cela fait partie du pacte social, un dirigeant en alerte permanente, comme les Sioux, l’oreille collée à la piste, à l’écoute du terrain. Il s’agit de cultiver l’expertise opérationnelle.
Portrait du leadership politique que nous désirons
A la fois responsable et responsabilisant, humble et empathique, un leader est porteur de sens et de valeurs capable de s’adapter de manière permanente et être lui-même acteur du changement, capable aussi de mobiliser les énergies même à distance. Il puise son pouvoir, non pas de ses attributs de position et de statut, mais de sa capacité à créer de la valeur directement utile pour les populations en les aidant à surmonter les obstacles. Cette posture mobilise des compétences d’écoute, de soutien, de prise de recul, de vision globale et systémique des situations. Et à toutes les échelles, le jambaar dont nous rêvons est un manager ‘post-héroïque’ qui ne joue pas au général ou au lieutenant-colonel à la tête de ses troupes. Il est sur le terrain, au service de ses équipes, animé d’une passion: réussir à faire réussir. ‘Donner pour recevoir’ plutôt que ‘commander puis contrôler’ devient le premier levier de légitimité. En cas de crise, les leaders résilients sont définis d’abord par qui ils sont, puis par les gestes qu’ils posent. Avec précision et détermination, les plus résilients d’entre eux se concentrent d’abord sur la mission immédiate. Après avoir stabilisé la situation en amont, Après avoir stabilisé la situation en prenant des mesures décisives, ils privilégient la rapidité au détriment de la finesse. Et ainsi, ils incarnent le style de leadership et la vision que le contexte exige, en formulant un argumentaire clair sur la voie à suivre et en adoptant une perspective à long terme. Même dans les moments de désarroi, les leaders résilients ne perdent jamais de vue les occasions qui se profilent à l’horizon.
De la nécessité pour le pouvoir d’avoir des interlocuteurs force de propositions et de changement
Force est pour nous également d’élever le débat au niveau des vrais problèmes. Le leader doit avoir en face de lui des élites politiques et intellectuelles dont la vocation est de penser et d’opérer les changements dans nos sociétés, c’est-à-dire de donner aux problèmes politiques des solutions politiques. Pour ce faire, nous devons pouvoir surmonter le désespoir que le comportement de certains dirigeants suscite parfois en nous. C’est pourquoi il nous faut non seulement pouvoir poser les problèmes dans toute leur complexité et leur étendue, mais également savoir nous adapter à une nouvelle attitude d’esprit dansl’examen de nos problèmes et l’interprétation des lois qui régissent le monde. À partir du moment où les problèmes sont correctement posés, la situation nous impose d’affronter la réalité dans son extrême complexité. Le lien politique doit donc s’instaurer en relation avec tous les acteurs, dans une communauté transversale, autour d’un espace de visibilité, et se renforcer par un dialogue continu, à l’œuvre aussi bien dans la réflexion politique que dans la mise en pratique quotidienne des normes. À force d’intelligence, de ténacité, de courage, d’imagination et de générosité, nous devons parvenir graduellement à contrôler, maîtriser la situation et conjurer la montée des périls et mettre notre pays sur la véritable voie de l’émergence au service d’un développement équitable, durable et inclusif.
Par Marie Hélene DIONE
SALAM OUSMANE SONKO
Au nom de ce peuple, je te demande pardon... ici et maintenant... Pardonnes nous Ousmane, pardonnes nous pour tout... On a tellement mal, pour toi… pour nous, pour ce pays…Cette tristesse, cette désillusion nous tétanisent presque
On ne s’est jamais connu, on ne s’est jamais vu. Je t’ai découvert un soir de ramadan en 2016 sur une télévision de la place. Tu m’es apparu jeune, plein d’entrain, d’ambition mais surtout cohérent dans ton discours avec ... ce fil conducteur qui ne t’a jamais quitté. C’est cette cohérence qui m’a d’abord attirée, elle est tellement rare sous nos cieux. Ton discours m’a plu, m’a interpellée, découragée de la politique sénégalaise je me suis dit pourquoi pas lui ?... Et j’ai commencé à te suivre mais de loin, tu as commencé à faire ton bout de chemin dans le cœur des Sénégalais.
Je pense qu’ils ont vu ou perçu l’intérêt sincère que tu portes à l’avenir de ce pays, à leur avenir. Cette sincérité, cette volonté de bien faire, elle irradie dans ta communication et a comblé nos cœurs desséchés de Sénégalais sous le coup de chagrins d’amour politique sans cesse réitérés... Nous t’avons adopté Ousmane. Tu as intégré nos familles, nos foyers... tu as commencé à avoir ta place dans les pause-déjeuners du bureau, tu fais partie de nous. Tu as ensuite engrangé les succès politiques, tout d’abord « député au plus fort reste ». Tu as profité de la tribune qui t’était offerte pour toucher plus de Sénégalais, dénoncer plus de scandales, marquer d’une empreinte indélébile la marche du pays.
L’année 2019 a marqué un tournant, tu t’es lancé dans la course à la présidentielle, tu as mené ta campagne, avec rigueur, cohérence, sur la base d’un programme bien pensé mais aussi et surtout avec cette empathie sincère sur laquelle s’appuie ton charisme naturel.
Tu t’es retrouvé avec 15%, personnellement je n’ai pas voté pour toi car étant en dehors du territoire national durant cette période. Mais j’ai pris mon téléphone, j’ai appelé une tante par-ci un cousin par-là, j’ai séduit certains, convaincu d’autres, menacé quelques-uns... Mais, je me suis rendue compte à l’époque que beaucoup restait encore à faire, un nombre conséquent t’avaient adopté, mais tu faisais encore «peur». Ton style était tellement inédit au pays de la Téranga et du « Maslaa », où on effleure les mots... on élude les faits… pour ne pas heurter. Tu disais les choses franco, brut avec des mots simples sans figure de style, sans litote ni pléonasme. Tu t’es simplement contenté d’être toi... Tu l’as compris et tu as lissé un peu plus ton discours, consolidé ton image mais sans jamais te renier.
Tu es resté droit dans tes bottes malgré les provocations tapageuses et outrageuses du pouvoir en place. Ils ont compris très vite que tu constituais un danger à la survie de ce «système» fossoyeur de notre dignité de Sénégalais... Mais nul ne semblait pouvoir te détourner de ton objectif. C’est là, dans un moment de tortuosité et de perfidie sans nul autre pareil, que le spectacle «Adji Sarr» a été répété, monté, déclamé... Je ne te le cacherai pas, quand j’ai su que tu t’étais rendu à Sweet Beauty je t’en ai tout d’abord voulu, «qu’est-ce-que tu y faisais, comment pouvais-tu mettre en danger cet espoir que je… nous, avions en toi». Puis je t’ai vu à la télé, pour une fois... moins à l’aise. Tu t’es retrouvé obligé de partager des éléments de ta vie privée personnelle, de ta santé pour nous faire comprendre que tu étais innocent de tout ce qui t’était reproché.
Mon Sénégal, comment en est-on arrivé là ?
Et, nous t’avons cru Ousmane, on a compris ta bonne foi et on t’a défendu urbi et orbi. Ne l’oublie pas, tu es membre de beaucoup de familles sénégalaises. Quand je reviens du boulot, ma maman me demande souvent comment tu vas comme si on bossait ensemble... Ça m’a toujours fait sourire.
On t’a défendu oui, on a cru en toi oui et à aucun moment on a été ébranlé dans cette foi en tes dires. Tous les faits, tous les dires convergeaient vers l’évidence de ton innocence. On t’a accompagné pour les élections locales et législatives et tes scores ont été plus qu’honorables, pour la première fois au Sénégal, le pouvoir en place avait perdu sa majorité absolue. Tu avais enfin gagné ta place de leader de l’opposition incontesté. On a commencé à entrevoir la réalisation de ce rêve, te voir «Président» en 2024, rien que de l’écrire mon cœur se remplit de joie. Et puis, et puis ... Ce 1er juin 2023 vers les coups de 10-11h, on t’a jugé coupable non plus de viol mais de «corruption de la jeunesse». Le sol s’est dérobé sous mes pas, sous nos pas. On était effondré, juste inconsolable, j’ai pleuré… on a pleuré, cette injustice qui s’abattait sur toi c’était plus qu’on ne pouvait supporter. Et entrevoir une «prison ferme pour toi», c’était juste inimaginable pour beaucoup. Je ne suis pas violente pour un sou, je ne supporte pas la violence. Ce jour-là pourtant, j’ai eu envie de tout casser de tout brûler, je n’en ai rien fait... le courage m’a manqué. J’ai suivi les éditions spéciales la larme à l’œil, voyant partir en fumée une partie de cette ville de Dakar que j’aime tant, la peur au ventre pour ces jeunes dehors… la colère de ce jour-là, elle n’a jamais existé de mémoire de Sénégalais... Et puis, et puis… ces jeunes tués, dans la rue, en toute inhumanité, mon cœur de mère en saigne encore, la douleur de leur famille, de leurs mamans… les mots me manquent. Mon Sénégal, comment en est-on arrivé là ? On était tellement fier de notre pays, de notre démocratie et patatras voilà que tout s’écroule comme un château de cartes sous les yeux médusés et stupéfaits du monde entier qui nous a tant magnifiés. La blessure de ces jeunes décédés sur notre histoire commune, n’est pas prête de se refermer. Je ne m’en remettrai jamais... ces jeunes ont été tués, tués par des jeunes Sénégalais comme eux, des jeunes pour qui ils se battaient, pour qui ils ont mis leur vie en danger. Quelle ironie. Quelle hérésie... Je prie pour eux tous les jours, puisse le bon Dieu les accueillir dans son paradis, «fi gnou dieum gueunele lene fi gnou dogue». On ne se rend pas compte de l’ampleur de cette tragédie, de la souffrance de nos jeunes… je prie Dieu d’apaiser mon cœur et de me faire accepter leur disparition… et pourtant je n’en connais aucun, mais leur visage, leur jeunesse me hantent encore.
Et toi Ousmane, pendant ce temps , on t’a cloîtré chez toi avec tes deux femmes et tes enfants... comme dans un monde parallèle. Que te dire ! Tes femmes ne peuvent pas aller au travail, tes enfants dans l’impossibilité d’aller à l’école, d’apprendre, de retrouver leurs copains et copines, de vivre leur vie d’enfant d’adolescent... et jusqu’à quand? ... nul ne le sait
Ousmane, j’ai conscience, on a conscience, d’être à un moment très noir de notre histoire commune, de notre mémoire collective. On regarde, on voit ...sans rien dire. On détourne presque les yeux, pressé de retrouver notre train-train quotidien de sénégalais lambda... J’ai tellement honte, honte de ne pouvoir t’aider, honte d’être partie intégrante de ce peuple qui assiste à « çà », ce peuple qui ne sait plus quoi faire ni vers qui se tourner. Et qui n’a pas le courage de braver ces forces de l’ordre qui te retiennent prisonniers dans ta propre maison, sans aucun fondement juridique. Ah te connaissant, tu lui trouves des circonstances atténuantes à ce peuple, tu expliques... tu comprends et tu pardonnes... Mais ce peuple, a honte, il n’a pas su te rendre ce que tu lui as donné. Tu lui as donné beaucoup… tu as perdu énormément... Et ce peuple ne trouve pas encore la force de se lever comme un seul homme pour te protéger et s’ériger en bouclier de ta dignité, de ton droit fondamental à la liberté...
Au nom de ce peuple, je te demande pardon... ici et maintenant... Pardonnes nous Ousmane, pardonnes nous pour tout... On a tellement mal, pour toi… pour nous, pour ce pays…Cette tristesse, cette désillusion nous tétanisent presque. Cette anesthésie générale, cette apathie, face à une injustice tellement flagrante, je ne me l’explique pas... Comment pourrons-nous justifier cette défection aux générations futures ? Mais sois fort… reste debout ! Je le sais, tu as déjà fait montre de ressources insoupçonnées, et le plus important tu as une foi inébranlable... Ne baisses pas les bras, jamais… restes avec nous... Un jour très proche In Shaa Allah... Demain peut-être...il fera jour sur notre Sénégal...
Par Henriette Niang KANDE
LEUR HISTOIRE, NOS MORTS ET NOS MAUX
Comment vivre avec ces incertitudes et rester conscient, sans tomber ni dans la paranoïa, ni dans le relativisme, ni dans un discours pro ou antisystème, ni dans une cécité militante ou mercenaire, dénué de sens ?
Le verdict a été prononcé le jeudi 1er juin 2023. Une histoire de mœurs entre une jeune fille d’origine modeste, et un homme politique en pleine ascension, dont l’arrivée sur la scène publique a balayé toutes les règles, les traditions, tous les rites politiques dont on nous avait habitués. Il a fait ses humanités et fréquenté une école d’où sort la crème de l’administration sénégalaise.
Elle, comme des milliers d’autres jeunes filles ou garçons, a quitté une terre exsangue qui ne nourrit plus et est arrivée dans un territoire où elle rêvait de trouver sa place et profiter d’opportunités qui suscitent l’enthousiasme, car la ville, pour nombre de ses semblables, est un aboutissement, un couronnement. Mais la «Ville cruelle », peut être de perdition, d’aliénation culturelle et mentale, comme le décrit si bien Eza Boto, avant qu’il ne devienne Mongo Béti.
Cette histoire qui a tenu en haleine le pays tout entier pendant deux ans, s’est présentée comme une poupée russe : il y a des affaires dans l’affaire. Une passion dévorante avec des outrances qui nous ont été données d’entendre, s’est emparée du Sénégal devenu un terrain où se confrontent des problèmes d’ordre varié, liant le domaine de l’intime, du social, de la politique, de la justice, de la sécurité publique. Ce qui jusqu’ici n’était que latent, a pris une dimension singulière, embrasant tous les secteurs, dans un processus global généré par la radicalisation et la passion de tous. Si les passions ont un statut ambigu, le seul point sur lequel on peut s’entendre est leur force, leur capacité à faire agir, parfois - et souvent – inconsidérément. Qu’elles soient amoureuses, haineuses, individuelles ou collectives, politiques, juvéniles, les passions se déchaînent toujours dans un ordre social chaotique dans lequel on ne fait que patauger dans les caillots de l’Histoire. Les réactions des uns et des autres attestent des progrès de la contagion, des urticaires surgissent, virulents, purulents
Dans ce pays, les procès se terminent souvent par celui de la justice. Cette histoire de Ousmane Sonko-Adji Sarr n’y échappe pas. Les profanes, c’est-à-dire le plus gros de la troupe, a sa petite idée de la justice et nous offre un spectacle qui a quelque chose de déprimant : chacun cherchant dans sa vérité judiciaire, la confirmation ou non de ce qu’il pensait déjà de l’affaire, mais plus généralement de l’idée qu’il se fait du fonctionnement de la justice, sans en savoir grand-chose non plus. S’il y a bien un sujet qui a fait beaucoup parler et qui fâche, c’est bien celui-là. Parce que surtout chacun voudrait la justice pour soi, les siens et son leader, plus rarement pour les autres. Chacun en parle pour se scandaliser d’une décision ou s’en réjouir. Aussi se féliciter des ennuis judiciaires de ses ennemis politiques est-il désormais un sport national. On a fait et refait le procès, comme on refait le match. Le Sénégal ne manque pas de juges, il en compte au moins 14 millions. Dans ce brouhaha, des citoyens se prennent pour des juges et les juges se demandent s’ils sont des citoyens, et les arguments sont les mêmes : la justice est profondément inégalitaire, pas indépendante, à la fois trop rapide après avoir été trop lente. Au point de refuser de se présenter à elle, sous prétexte de « désobéissance civile ». La conclusion que l’on peut en tirer est que la critique de cette institution est toujours riche d’enseignements politiques .
Aujourd’hui, on est classé soit « républicain », soit « patriote », consacrant ainsi, l’incertain mariage de l’huile et du vinaigre. Le pays est devenu binaire, et chaque camp nous la joue sévère, déterminé, irresponsable, excessif, animé par des fayots, qui semblent entourer une saucisse. On ne débat plus, on « résiste », pour témoigner de son engagement, installant ainsi, une culture de meute, sans foi ni loi. Manichéisme des bons et des méchants. Plutôt une horde arc-boutée sur elle-même, réfractaire aux lois, prête à aboyer, à mordre qui sourcille ou élève la voix.
Les violentes émeutes qui ont explosé les 1 et 2 juin 2023 suivies d’une répression brutale, voire létale, ont, à y regarder de plus près, dessiné, un « paysage politique imprévisible », en attendant les conclusions du Dialogue national, entamé le 31 mai 2023, dont le président désigné, fantôme rescapé de l’année de l’indépendance, qui ne « vieillit » pas, accumule des jeunesses successives, inexpugnable bernique sur son rocher, moulé dans des certitudes anciennes.
Pour les uns qui ont le sentiment de ne se voir offrir qu’un présent insupportable et un avenir bouché, excédés par le chômage, l’indigence, la sousscolarisation et/ou l’exclusion de l’école, du foncier, du système de santé, le sentiment d’une justice à deux vitesses, des services publics, le moment était propice pour descendre dans la rue. Si ce n’étaient que ceux-là !
Toute une racaille s’y est glissée, nervis, voleurs ou violeurs, la plupart des jeunes. Ces jeunes surveillant les obligations des dirigeants dont les missions sont scrutées en temps réel. Si la « spontanéité » et la radicalité des soulèvements témoignent de la profondeur de la crise, elles n’ont pas masqué une organisation qui laisse à penser aux pays limitrophes, véritables poudrières, dont les explosions en tel ou tel endroit, se diffusent à très bref délai dans les autres Etats. Devant le danger qui ne s’embarrasse pas de frontières, des mouvements d’origines diverses sont traversés par une onde de généralisation qui se nourrit d’une commune misère et n’est entravée par aucune barrière. Ni linguistique, ni culturelle. La destruction d’une partie de l’Université Cheikh Anta Diop, et du Cesti par des pyromanes, amateurs de tablerase est l’exemple parfait d’une visible répugnance pour l’éducation, et le sens de la critique.
REFAIRE SOCIÉTÉ
Ce qui s’est passé en mars 2021 et juin 2023 et qui a fait une trentaine de morts, ne doitil pas faire l’objet d’études sérieuses, pour que l’on connaisse l’appellation sous laquelle il faut les ranger ? Révolte, troubles, agitation, mouvement social, jacquerie, pillage, manipulation par des milieux divers et variés ? Ces actes de rage, de destruction et de pillage sont-ils politiques au sens où ils se résument à la destruction de lieux et de biens privés tenus pour symboliser l’actuel pouvoir ?
Dans ce pays qui n’a jamais été un pays de silence, la parole libre et indépendante est devenue suspecte et les espaces d’expression sont surveillés attentivement, si elles ne sont fermées à double tours. Face à une défiance d’une ampleur inédite à laquelle il a été très difficile de répondre, tant les critiques, les doléances, les informations, sont à la fois hétérogènes, individualistes, irréalistes et contradictoires, l’Etat a pris la décision de couper Internet pendant quelques jours, entendant ainsi restaurer sa souveraineté, que quelques mesures policières, sociales et administratives achèveraient de réhabiliter dans sa toute-puissance.
Espace de communication et d’échanges, cet outil, dont l’impact est d’autant plus grand que le nombre de ses utilisateurs actifs -des jeunes- va crescendo, rend également l’exercice du pouvoir difficile. C’est un espace où les revendications de toutes sortes s’expriment à peu de frais et sans retenue, Comme pour répondre à la politique de la chicotte « qui les exclut de tout » ; il démonétise la parole publique et favorise la circulation d’informations, mettant systématiquement en cause la compétence, la vertu ou les intentions du personnel politique. Dans les deux camps, attaques et contre-attaques, renforcent la polarisation de l’opinion publique.
La faillite que nous vivons est elle la cause structurelle de cette situation ou plutôt, la non intégration et l’absence d’une imagination partagée de la communauté nationale ? Les crises ne révèlent-elles pas les structures ? L’aggravation des inégalités et la forte pression démographique n’ont-elles pas rendu possible une asymétrie sociale qui n’a cessé de s’accentuer face à un pouvoir économique et financier qui s’est constitué en dehors des sites légitimes de l’exercice des pouvoirs?
« Mais, depuis vingt ans, l’élite s’est transformée en “étatocratie” lorsqu’elle est restée au service de l’Etat, en autocratie lorsqu’elle s’est mise au service des entreprises, et en mafia lorsque certains de ses membres ont eu des difficultés et qu’on a préféré couvrir au nom de « l’esprit de corps » plutôt que de les punir », a déclaré quelqu’un au cours d’une discussion.
L’historien Mamadou Diouf pose la question : « Plus gravement, est-ce la distorsion Etat Société ou bien la disjonction Etat/Société qui est la cause de l’impossibilité de cadrer Etat/Société dans un moule qui établisse un fonctionnement cohérent d’abord et harmonieux ensuite ? »
En tout cas, si on analyse la société sénégalaise, la question centrale est celle du citoyen, de ses droits, de ses devoirs, ses capacités d’intervention et des ressources qu’ils exigent. Peut on parler d’un citoyen sénégalais et d’une intégration nationale ?
Par contre, on peut parler d’une culture sociale devenue celle de la dépense, de l’achat des consciences et de l’allégeance. Une culture de la dépendance qui a jeté aux orties toutes les convenances et conventions sociales, privilégiant l’ignorance sur l’apprentissage, la distraction sur le travail, l’imitation, sur la création, l’anarchie sur le savoir-être et le vivre ensemble
Décidément, la Nation vit des heures de plus en plus sombres, et aucun camp politique ne semble à même d’inverser la tendance, chaque camp tenant un discours dénaturant la politique et l’acteur politique. D’ailleurs avez-vous remarqué que le mot acteur est bien le même mot qui désigne les comédiens et ceux qui agissent en politique ? Et c’est le même mot, représentation, qui désigne l’aboutissement du travail des acteurs et celui dus politiciens.
Comment vivre avec ces incertitudes et rester conscient, sans tomber ni dans la paranoïa, ni dans le relativisme, ni dans un discours pro ou antisystème, ni dans une cécité militante ou mercenaire, dénué de sens ? L’enjeu est de taille : il s’agit de refaire société. S’il faut un miracle, alors qu’il arrive vite.
LA SOUVERAINETÉ POPULAIRE EN MARCHE, FORCE RESTERA AU PEUPLE
Non au dialogue de la diversion de l’opinion, de la division de l’opposition et de la légitimation de décisions scélérates antidémocratiques prises sur le dos du peuple et de ses authentiques représentants
Un éminent penseur a écrit ; « Tous les grands événements et personnages de l’histoire du monde se produisent pour ainsi dire deux fois…, la première fois comme une grande tragédie, la seconde fois comme une farce sordide ». Au Sénégal, grande tragédie du ‘’despotisme éclairé’’ il n’y a guère, et présentement, farce sordide de la tyrannie d’un ’’État de droit’’ balafré. Le 23 juin 2011, le peuple sénégalais, toutes franges confondues, bravait la répression, dressé massivement contre le reniement de la parole donnée (wax waxet) et la volonté autocratique de violation de la Constitution au seul nom des intérêts étroits d’un homme, d’une famille, d‘un clan. Plus de dix ans après, un des principaux acteurs politiques de ce combat pour la République, la démocratie et l’État de droit, principal bénéficiaire de la mobilisation populaire victorieuse de l’époque, vient nous jouer la farce du monarque se prenant si bien pour Dieu le père qu’il faudrait le supplier à genoux, pour rendre au peuple ce qui n’appartient qu’au peuple, la Constitution et l’obligation de faire respecter ses dispositions fondamentales, en l’occurrence la limitation à deux (02) du nombre de mandats présidentiels successifs ! Arrogance et mépris des citoyen-ne-s ne sauraient être plus flagrants.
Mais, à l’exemple du 23 juin 2011, les masses populaires, les jeunes en tête, s'érigent encore une fois en détentrices authentiques de la légitimité constitutionnelle, au nom de la souveraineté du peuple : force restera au peuple, sans le respect de qui « pouvoir exécutif », « pouvoir législatif » ou « pouvoir judiciaire » ne peuvent être revêtus d’aucune dignité ni d’aucune sacralité ! Depuis plus nettement sa réélection en février 2019, le président Macky Sall s’est employé, par tous les moyens, à implémenter au Sénégal un pouvoir tyrannique, aujourd’hui finissant, qui ne recule même plus devant aucune forfaiture. Loin de toute logique consistant à renvoyer dos à dos l’agresseur et la victime (ki tooñ ak ki feyu), il faut le souligner avec force, le régime de Macky Sall est largement responsable des injustices, violences et tueries qui se succèdent au Sénégal depuis 2021, cumulant plus d’une quarantaine de morts (Pour plus de détails, voir le mémorandum publie par Ousmane Sonko le 20 juin 2023 sous le titre : « Lumières sur les violences de l’État du Sénégal contre les populations civiles avant, pendant et après la décision judiciaire du 1er juin 2023 » / www.pastef.org).
Une telle barbarie ne saurait rester impunie, d’autant plus que depuis mars 2021, l’on ne cesse d’agiter devant nos yeux le chiffon des « forces occultes, forces spéciales, terroristes, rebelles infiltrés » et j’en passe. Fort opportunément, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, dans un communiqué en date du 13 juin dernier, s’est déclaré préoccupé par les nombreuses morts enregistrées entre le 1er et le 3 juin, déplorant l’usage d’armes à feu par les forces de l’ordre contre des manifestants, avant de réclamer «des enquêtes rapides, indépendantes et approfondies », de sorte que toute personne reconnue responsable « d’un usage inutile ou disproportionné de la force rende des comptes, quels que soient son statut et son appartenance politique ». Qui est responsable du recrutement de milices, de nervis armés, de ‘’marrons du feu’’ infiltrés ou d’éléments des FDS habillés en civils, qui circulent dans des pick-up immatriculés ou non, pour semer impunément la terreur partout à travers rues et quartiers, jetant même le discrédit sur les forces régulières de défense et de sécurité ? Qui est responsable aujourd’hui de l’emprisonnement arbitraire de près de 1 000 personnes dont plus de la moitié sont des militants et militantes de Pastef, de près de 200 manifestants blessés, des tortures ou autres traitements inhumains et dégradants infligés à des citoyens sans défense comme le jeune Papa Abdoulaye Touré membre du Mouvement « Sénégal Notre Priorité » ? Responsable des arrestations d’artistes ou de lanceurs d’alerte dont le seul tort est de refuser la soumission et la corruption ? Responsable des emprisonnements ciblés de journalistes, des restrictions d’accès à internet, de la suspension arbitraire et répétée du signal de Walf TV avec en prime cette fois-ci, l’ordre brutal de blocage des fonds de la campagne populaire de solidarité en faveur de la Fondation Wal Fadj’ri, autant d’entraves aux libertés et à l’indépendance de la presse amenant la Coordination des Associations de Presse (CAP) à se mettre en ordre de bataille autour du mot d’ordre: « Face au monstre, vivre ou périr ? » (Editorial commun du lundi 19 juin 2023) ? Pleinement responsable des dégâts collatéraux, déplorables certes, que sont les destructions de biens publics ou privés, en tant que réactions et comportements collectifs face aux injustices, aux inégalités et à la misère sociale ambiante qui mènent notre pays tout droit vers le gouffre ?
Le régime finissant de Macky Sall laisse de hauts responsables de l’APR-BBY, ou des personnalités poches du pouvoir, proférer publiquement et en toute impunité, des appels au meurtre à l’encontre d’Ousmane Sonko ou plus globalement du peuple résistant , le dernier en date étant cet apprenti sorcier, journaliste bien connu, qui vient de lancer un appel génocidaire au « meurtre de 90% des Sénégalais », étant entendu pour lui que « les 10% restants suffiront pour redresser le pays !». Déclaration faite au nom de la justice, a-t-il osé affirmer péremptoirement, sans autre forme de procès ! Le régime finissant de Macky Sall est seul comptable de la prédation de nos ressources foncières, du bradage et du pillage de nos ressources naturelles, du détournement de nos ressources financières jusque-s-y compris les Fonds Covid-19 comme révélé par le récent rapport de la Cour des comptes. Seul responsable de la vie chère, du chômage des jeunes, de la détérioration du service public de l’école, de la santé, de la Poste et autres. Le régime finissant de Macky Sall est seul responsable de la mise en résidence surveillée forcée dont sont victimes Ousmane Sonko, ses enfants et toute sa famille, sans droit de sortie ni d’accès, ni même d’assistance judiciaire, ses avocats privés arbitrairement d’exercer leurs fonctions à l’endroit de leur client, comme vient d’ailleurs de le dénoncer le Conseil de l’Ordre des avocats qui appelle à la « levée immédiate de tout obstacle de nature à entraver le libre exercice du ministère de l’avocat et/ou le libre accès de tout citoyen, qui en éprouve le besoin, à un avocat » (Communiqué en date du 17 juin 2023). Blocus installé depuis plusieurs semaines, sans aucune décision de justice connue, mais simplement sur ‘’instruction de la hiérarchie’’- on se croirait sous l’empire du ‘’régime de la détention administrative’’, pratiquée par les tristement célèbres Etats d’apartheid d’Afrique du Sud et d’Israël ! Blocus flagrant du domicile de Sonko, blocus à peine voilé de la région naturelle de Casamance, Ziguinchor en particulier, avec un transport public par route et par mer au bord de l’asphyxie, avec des fouilles systématiques des passagers et de leurs bagages, les féroces bergers allemands montant la garde! II faut urgemment mettre un terme à la stigmatisation ethniciste et régionaliste de la Casamance et des Casamançais, sous peine de porter un grave préjudice à notre culture du vivre-ensemble, à l’unité et à la cohésion nationales si précieuses au Sénégal. Il est tout aussi dangereux de chercher des boucs-émissaires chez nos compatriotes des pays voisins frères, ce en contradiction flagrante avec nos options et idéaux panafricanistes tels que portés par les illustres devanciers, à l’exemple de Lumumba, Nkrumah, Cabral, Sankara, Cheikh Anta Diop et tant d’autres.
Le président Macky Sall, ses affidés et sa justice ont tout tenté pour obtenir l’inéligibilité d’Ousmane Sonko à la présidentielle de 2024, trainé dans la boue pendant plus de deux ans, sous le fallacieux prétexte d’une accusation de « viol et menaces de mort répétées avec armes à feu », avant qu’ils n’en arrivent à exhumer in extremis ce délit suranné de « corruption de la jeunesse », invoqué il y a 2 500 ans pour condamner injustement à mort Socrate, le célèbre philosophe de l’antiquité grecque ! Qui serait surpris demain de voir des situations de troubles fomentés dans le dessein machiavélique d’en imputer la responsabilité à Pastef, aux seules fins de justifier, à posteriori, toute décision antidémocratique concoctée contre le parti Pastef et son président Ousmane Sonko ?
Pastef-Les Patriotes salue la mobilisation et le courage des citoyens et citoyennes du Sénégal attaché-e-s à l’exercice de leur droit imprescriptible à la résistante de masse constitutionnelle, démocratique et de légitime défense, avec un encouragement particulier à l’endroit de la jeunesse, des femmes et des personnes du 3ème âge, se battant vaillamment aux côtés des forces vives nationales regroupées dans les organisations politiques et citoyennes. Pastef-Les Patriotes les exhorte tous et toutes à rester déterminé-e-s, organisé-e-s et vigilant-e-s, uni-e-s autour des exigences du combat pour la souveraineté et la dignité, sur la voie tracée le 23 juin 2011. Non au dialogue de la diversion de l’opinion, de la division de l’opposition et de la légitimation de décisions scélérates antidémocratiques prises sur le dos du peuple et de ses authentiques représentants (‘’Tout sauf Sonko’’ !). Oui au vrai dialogue du peuple, contre l’instrumentalisation politicienne de la justice et des institutions, pour la libération immédiate de tous les détenus politiques, pour des élections régulières, libres, inclusives et transparentes (Makki du bokk, Sonko da fay bokk !), dans la vérité et la justice égale pour tous, gage de la paix, de la stabilité et de l’unité nationales, contre toute manœuvre ou combinaison politicienne, d'où qu'elle vienne, destinée à perpétuer le système néocolonial de servitude volontaire, de prédation, de misère sociale et de présidentialisme autocratique (Makki du bokk, sonko da fay bokk )! Pour un vrai changement, une alternative souveraine de rupture dans une Afrique unie et prospère, au service d’abord des enfants d’Afrique !
Madieye Mbodj est vice-président de Pastef chargé de la vie politique nationale / maajeey@gmail.com
par Bassirou Dieng
ET MIMI EUT RAISON SUR EUX
La décision de remettre seulement en scelle Karim Wade et Khalifa Sall et d’écarter Ousmane Sonko prouve également le deal dont Mimi ne cessait de parler depuis plusieurs semaines
Le temps est le meilleur des juges, dit-on. Et le temps a donné raison à Mimi Touré. Le « dealogue » auquel elle faisait référence est maintenant clair aux yeux de tous. Il est acté. En effet, la décision des participants au dialogue politique de laisser au Conseil constitutionnel de trancher la question de la troisième candidature du président Macky Sall, conforte les dires de Mimi qui disait avec intelligence que ce dialogue n’est rien d’autre qu’un deal et une manœuvre politique orchestrés par le président de l’Alliance pour la République pour diviser et fragiliser l’opposition mais aussi légitimer la troisième candidature de ce dernier.
La présidente du Mouvement pour l’Intégrité, le Mérite et l’Indépendance (Mimi2024) avait, en effet, vu juste. La décision de remettre seulement en scelle Karim Wade et Khalifa Sall et d’écarter Ousmane Sonko prouve également le deal dont Mimi ne cessait de parler depuis plusieurs semaines.
En effet, si ce dialogue, pour lequel le président Sall disait nécessaire, était sincère, les participants seraient catégoriques sur la non-participation du président Macky Sall à l’élection présidentielle du 25 février 2024. Ils allaient aussi être fermes sur la participation sans condition de tous les candidats qui désirent prendre part à ses joutes électorales. Que nenni ! Ce dialogue est plus que du « Roki Mi Roki » (je vous donne et vous me donnez).
Dans ce « dealogue », il laisse Karim et Khalifa revenir dans la course. Et les participants de lui ouvrir grandement les portes afin qu’il puisse prendre part à la présidentielles du 25 février 2024. Cette opportunité que les participants au « dealogue » lui ont donné sur un plateau d’or lui a fait pousser des ailes. Et c’est pourquoi il a, avec confiance, affirmé, ce mercredi 21 juin 2023 à Paris, qu’il va se maintenir au pouvoir avec la volonté du peuple sénégalais. Le « dealogue » est en marche.
Et Mimi eut raison sur eux. La dame de fer doit être félicitée même par ceux qui ne l’aiment pas pour sa clairvoyance et sa parfaite maîtrise de l’homme qui séjourne depuis bientôt 12 ans au Palais de l’Avenue Roume. Ses paroles doivent désormais être prises comme une Bible quand elle nous parle surtout avec insistance sur certains sujets...
Bassirou Dieng est journaliste et Coordonnateur de Mimi2024 du département de Pikine.
par Aminata Touré
HARO SUR LE DIALOGUE DE L'INJUSTICE
Karim Wade qui reste devoir 138 milliards aux contribuables sénégalais pourrait participer à la présidentielle mais pas Ousmane Sonko condamné suite à des poursuites à motivation purement politique
Nous apprenons que la réouverture du procès de Karim Wade est actée par le pseudo-dialogue du président Macky Sall. Les Sénégalais qui ont cru aux promesses de bonne gouvernance du président Macky Sall feront ainsi le deuil des 138 milliards que Karim Wade doit au Trésor public. Les Sénégalais sauront tirer toutes les conséquences d’un tel reniement qui aura coûté beaucoup d’efforts à des magistrats sénégalais parmi lesquels l’actuel ministre d’Interieur Antoine Diome et des ressources publiques conséquentes ont été donc gaspillées.
Il aurait été également convenu de modifier l’article L28 et L29 du code électoral pour permettre aux candidats auparavant inéligibles de pouvoir se présenter à l’élection présidentielle de 2024. Cependant, ces modifications introduiraient une précision de taille : les candidats concernés devront avoir purgé leur peine au préalable.
Autrement dit, Karim Wade qui reste devoir 138 milliards aux contribuables sénégalais pourrait participer à la prochaine élection présidentielle mais le leader de Pastef Ousmane Sonko condamné suite à des poursuites à motivation purement politique lui ne pourrait pas participer à cette même élection.
C’est assurément le dialogue de l’injustice !
Le deal annoncé se révèle ainsi au grand jour pour se confirmer :
-Primo, le président Macky Sall fait légitimer sa candidature juridiquement et moralement inacceptable
-Secundo, le président Macky Sall sélectionne ses adversaires de 2024 à sa seule guise.
- Tertio, le président Macky Sall élimine le candidat Ousmane Sonko. En attendant de voir comment faire avec les autres candidats gênants de l’opposition.
Si l’objectif tant chanté par les participants au pseudo-dialogue du president Macky Sall est le rétablissement de la paix dans l’arène politique, ces accords concoctés il y a longtemps s’inscrivent dans la continuité de l’injustice et de la régression démocratique dans lesquelles le président Macky Sall enfonce le Sénégal.
Les démocrates et tous les citoyens épris de justice et de paix devront se mobiliser pour refuser ce recul sans précédent de nos acquis démocratiques.
Aminata Touré est présidente du Mouvement pour l’Intégrité, le Mérite et l’Indépendance.
CONFIDENCES INÉDITES DE L’ANCIEN PM DE MACKY
Il écrira sans doute ses mémoires. Mais Abdoul Mbaye a déjà livré un coin de sa mémoire. Abdoulaye Wade avait Un destin pour l’Afrique.
Il écrira sans doute ses mémoires. Mais Abdoul Mbaye a déjà livré un coin de sa mémoire. Abdoulaye Wade avait Un destin pour l’Afrique. Maître Moustapha Kamara & Moussa Bèye voient Abdoul Mbaye, un destin sénégalais, titre de leur ouvrage consacré au président de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act). « Ce livre est le portrait d’un homme, Abdoul Mbaye, et celui d’un pays, le Sénégal », résument-ils. Cet ouvrage est aussi surtout un appel à ne pas rater le fils de Kéba Mbaye, candidat en 2024, après avoir « manqué le rendez-vous avec Mamadou Dia, avec Cheikh Anta Diop » et d’autres. Dans ces « Bonnes feuilles », Kamara et Bèye relatent les minutes et les coulisses de la nomination du chef du gouvernement en 2012. Des anecdotes entre le « docteur des banques » et « le secret de ses réussites ». Son camarade de promotion à HEC, François Hollande…
Un président de transition dont l’âge interdit un 2e mandat
« Comme Abdoul Mbaye a été un Premier ministre de transition, il aspire à être un président de la République de transition, l’homme d’un seul mandat. Son âge, au demeurant, lui interdit d’en faire deux. Mais au-delà de cette question calendaire, il est, comme beaucoup, fondamentalement hostile à la multiplication des mandats et au maintien à tout prix au pouvoir de nos dirigeants. Beaucoup, après en avoir accompli deux, ont la tentation d’un troisième alors qu’ils seraient mieux inspirés d’avoir ‘’la tentation de Venise’’, à savoir de se consacrer à autre chose, de changer de mode de vie afin de remplir au mieux leur existence. Les jeunes générations, les jeunes talents sont là, qui frappent à la porte et qui n’aspirent qu’à prendre leur responsabilité. Aucun d’entre nous n’est irremplaçable, et ayons la sagesse de nous retirer, sans faire le mandat de trop, lorsque nous estimons avoir accompli notre devoir.
Dès lors que l’ambition d’Abdoul Mbaye se limitera à l’exercice d’un seul mandat, il n’aurait aucune excuse pour ne pas s’investir pleinement dans la charge de chef de l’État. Sa ligne d’horizon ne sera pas fixée sur sa future réélection, qui a pour conséquence en général de susciter une forme d’inaction politique, d’immobilisme, afin de ne pas décevoir le corps électoral. Il pourra ainsi se consacrer pleinement, sans compter, à ses tâches quotidiennes au profit du peuple sénégalais, sans aucune arrière-pensée ni volonté politique. Seul comptera pour lui le résultat, l’efficacité dans la mise en œuvre des réformes indispensables à l’avenir du Sénégal. Toute action doit être le fruit d’une réflexion, mais la réflexion doit déboucher sur l’action. »
La question de Hollande à Abdoul Mbaye après sa nomination
« François Hollande, très surpris, lui avait posé la question : ‘’Abdoul, comment as-tu fait pour devenir Premier ministre sans faire de la politique ?’’ Ce fut évidemment une grosse surprise. En effet, Abdoul Mbaye avait voté au second tour, pris l’avion le dimanche, pour se rendre à Paris où l’attendait une mission de consultance. Lus mardi, les résultats sont déjà connus, car la tendance est irréversible. Il joint Macky Sall au téléphone pour le féliciter. Le nouveau président le remercie, puis lui dit : ‘’Mais quand seras-tu de retour ? Car nous avons besoin de toi ici’’. Abdoul Mbaye lui précise que son retour est prévu à la fin de la semaine. La conversation achevée, il subodore déjà que Macky Sall pense lui proposer un poste ministériel, et en raison de son passé de banquier, celui de ministre des Finances. Ne souhaitant pas être ministre sous les ordres d’un Premier ministre politicien, il préparait sa réponse au nouveau président de la République en l’imaginant comme suit : il ne souhaite pas être dans le gouvernement, en fait il pensait que le Premier ministre serait un politicien, il était hors de question évidemment qu’il occupe une fonction aussi délicate que celle de ministre des Finances sous les ordres d’un politicien. Il conçoit donc sa future réponse en ces termes : ‘’Je vous remercie de votre proposition, mais je souhaiterais continuer à vous servir de conseiller comme je l’ai été pendant cette campagne présidentielle’’. »
Les sondes de Macky, le coup de fil de minuit, Mme Mbaye…
« Lorsque Abdoul Mbaye fut revenu à Dakar, le responsable du protocole du président l’a appelé pour lui dire que le président cherchait à le joindre au téléphone et qu’il fallait qu’il soit attentif à sa prochaine sonnerie. Finalement, l’appel viendra très tard, à quasiment minuit. Abdoul Mbaye décroche et le président lui dit : ‘’Il fait certes tard, mais je souhaite que tu occupes les fonctions de Premier ministre, on en parle demain.’’ Et Abdoul Mbaye de répondre : ‘’Il se fait certes tard, mais permettez que je vienne à vous maintenant, Monsieur le Président’’. Son accord est déjà donné. En effet, il croit au Yonou Yokouté, qui est son programme de candidat, et il lui propose une fonction de coordination de l’action gouvernementale pour la mise en œuvre de la vision du chef de l’État proposée aux Sénégalais, et largement acceptée par eux puisqu’il a été élu au second tour avec un score particulièrement impressionnant. En l’absence de chauffeur disponible à cette heure, son épouse conduit la voiture pour se rendre au palais de la République. »
Le divorce avec le président Sall
« Parvenu à destination, il attend quelques minutes dans l’un des salons avant d’être reçu par le président. Ce dernier lui confirme son souhait de l’installer dans les fonctions de Premier ministre. Abdoul Mbaye le remercie et ajoute ces phrases qu’il lui rappellera lorsqu’il quittera ses fonctions : ‘’Monsieur le Président de la République, je veux que vous sachiez que quasiment toute ma vie durant, j’ai été un mandataire social révocable ad nutum. Je sais que les fonctions de Premier ministre sont soumises à un principe quasi similaire. Je souhaite que vous sachiez que même si demain vous décidiez de mettre fin à mes fonctions de Premier ministre, je vous serai reconnaissant d’avoir porté votre choix sur ma personne parmi tant d’autres possibilités’’. Le lendemain très tôt, juste après la prière de Fadjr, il fait venir à lui quatre proches pour des conseils après les avoir informés. Puis, il se rend auprès de sa mère pour l’informer avant d’aller prier sur la tombe de son père. Il pense à une continuité de destin. Après trois établissements bancaires à redresser lui vient le gros défi de contribuer au redressement économique et financier du Sénégal, son pays. La dimension est tout autre. Mais il suffira de relever le défi avec l’aide de Dieu. Il est optimiste, pensant moins à l’importance de la fonction qu’à celle de la charge, à sa capacité à l’assumer en fonction de son passé déjà riche d’expériences réussies. »
PAR Fodé Sylla
LES SÉNÉGALAIS SONT DES ÉLECTEURS, PAS DES ÉMEUTIERS
Le monde parle du Sénégal, certains pays veulent avoir plus que leur mot à dire, ils veulent s’ingérer. Le sort de la jeunesse sénégalaise ne les intéresse pas. Les réserves de gaz et de pétrole sont le motif de leur convoitise
Jeune démocratie qui vient de célébrer ses 63 ans, le Sénégal connaît aujourd’hui l’une de ses plus fortes crises politiques et sociales. Si chaque pays se considère à part, le Sénégal est peut-être un peu plus, il est une exception. L’exception d’un pays qui a eu un premier président chrétien à la tête d’un Etat composé à 90 % de musulmans. L’exception d’un pays rassemblé dans une République laïque. L’exception d’un pays qui parle au monde entier et à qui le monde entier parle.
Cette exception mérite que l’on parle avec justesse de ce qui se passe au Sénégal. La mort de seize personnes [vingt-trois, selon Amnesty International] au cours des violences qui ont déchiré le pays début juin redouble ce devoir de justesse et de justice.
Des opinions s’affrontent pour parler de la situation. C’est normal et c’est même nécessaire. Le Sénégal est un pays qui aime et qui sait débattre de politique, de football, de religion. Des personnalités telles que Boubacar Boris Diop, Felwine Sarr et Mohamed Mbougar Sarr ont durement critiqué la présidence de Macky Sall dans une tribune publiée le 5 juin (NDLR : en exclusivité sur SenePlus). Ils ont le droit d’enflammer la discorde. Nous avons le droit de rechercher la concorde dans notre pays, d’abord en les écoutant, ensuite en les convainquant que l’arrêt des violences était le préalable à atteindre au plus vite.
D’autres personnalités comme l’historienne Penda Mbow ont fait valoir que le véritable enjeu était d’abord la question sociale et alerté sur les risques de fracture du pays. 70 % des Sénégalais ont moins de 30 ans, leur destin n’est pas de se retrouver dans la rue pour détruire mais dans les lieux de formation pour bâtir.
Faire preuve de retenue
Le monde parle du Sénégal, certains pays veulent avoir plus que leur mot à dire, ils veulent s’ingérer. Le sort de la jeunesse sénégalaise ne les intéresse pas. Les réserves de gaz et de pétrole sont le motif de leur convoitise. Quand la géopolitique déborde dans la rue, c’est toujours le peuple qui y perd. A une autre échelle, des députés français adoptent des postures de défenseurs d’une jeunesse qu’ils ne connaissent pas et d’un pays qu’ils connaissent mal.
Leurs appels à l’insurrection sur les réseaux sociaux sont irresponsables et témoignent d’un néocolonialisme qu’il serait grand temps de déconstruire. Ils réduisent les Sénégalais à des émeutiers, sans considération pour les Sénégalais comme électeurs. Dans leur aveuglement, ils ne voient pas qu’ils prennent aussi le parti d’une xénophobie antifrançaise qui excite les émeutiers.
Nous attendons de celles et ceux qui respectent le Sénégal de se comporter comme des amis du Sénégal. Face à des familles en deuil, dans un pays blessé et fracturé, des véritables amis appellent au dialogue et à la paix, pas à la discorde, ni à l’émeute, ni à l’insurrection. Celles et ceux qui aiment le Sénégal ne sont pas du côté de l’émeute, ils sont du côté du peuple et respecteront le choix du peuple qui vote. Ils nous souhaitent la paix.
Nous sommes profondément attachés à la longue tradition de démocratie, de paix et de stabilité de ce pays. Nous appelons une nouvelle fois tous les Sénégalais à faire preuve de retenue, à s’abstenir de toute violence et à finir cette crise par le dialogue. Personnellement, j’ai confiance dans la capacité du peuple sénégalais à résoudre cette crise, à sortir de ce moment difficile, par le dialogue afin que les élections de 2024 puissent se dérouler dans le respect des règles de la démocratie, du droit et de la tradition de ce pays.
Proposer des solutions ambitieuses
Macky Sall n’a pas dit qu’il briguerait un second quinquennat qui viendrait se rajouter au premier septennat. S’il avait cette ambition, la Constitution la lui permettrait. Cette opportunité politique est une question que seul lui doit trancher et en mesurer tous les aspects. Laissons donc le dêmos, le peuple sénégalais, en décider. Il lui revient, en votant, de dire s’il approuve une nouvelle élection de Macky Sall à partir de son bilan et de son programme ou s’il préfère un autre candidat.
Les Sénégalais voteront selon l’offre politique et, de mon point de vue, rien n’est fait, rien n’est acquis. La présence des femmes dans l’espace public, les médias, l’Assemblée, la diplomatie permet aussi de se demander pourquoi le prochain président ne serait pas une présidente. Toutes ces questions politiques se poseront aux Sénégalais au temps de l’élection. En attendant, rappelons-le au monde entier, les Sénégalais sont des électeurs, pas des émeutiers.
Les Sénégalais voteront d’autant plus qu’on leur proposera des solutions ambitieuses. Pour répondre aux demandes urgentes de la jeunesse, je propose un service civique national et le lancement d’un revenu universel de 10 000 euros (6,5 millions de francs CFA), sous forme de donation unique, financés par les revenus tirés de l’exploitation des réserves de pétrole et de gaz.
Pour les 300 000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché de l’emploi, considérons la formation comme un investissement et non comme une dépense, afin de les amener vers les métiers de la technologie, de l’agriculture, de l’environnement et de la culture. Je lance ainsi un appel pour un droit à la mobilité internationale avec la mise en place d’un Erasmus Afrique-Europe-Monde pour des étudiants en apprentissage et en formation professionnelle. C’est de ce genre d’idées et de projets dont ont besoin les Sénégalaises et Sénégalais. Respectons leur choix de voter et respectons le vote de leur choix.
PAR Thierno Alassane Sall
NOUS SOMMES CONFRONTÉS À UN RÉGIME EN FIN DE PARCOURS
Macky Sall a légitimé le sentiment que seule une résistance acharnée permettrait de se soustraire aux procès politiques. Il a offert le prétexte à un opposant d’effacer sa part de responsabilité dans des dossiers le mettant en prise avec des citoyens
Comme des millions de Sénégalaises et de Sénégalais, une profonde tristesse m’a secoué lors des événements de début juin. Une vingtaine de nos compatriotes ont trouvé la mort, une perte inestimable que rien ne peut justifier. Pourquoi le Sénégal s’est-il retrouvé au bord du gouffre alors qu’il était perçu comme un îlot de paix, de démocratie et d’hospitalité dans une Afrique tourmentée ?
L’accession au pouvoir de Macky Sall, en 2012, signifiait pour beaucoup la consécration de la démocratie sénégalaise malgré les coups de boutoir du régime d’Abdoulaye Wade. Toutefois, les espoirs de progrès que suscitait l’avènement de Macky Sall furent vite déçus. Plus d’une décennie plus tard, nous sommes de nouveau confrontés à un régime en fin de parcours qui agite la possibilité d’un troisième mandat. A cela s’ajoute une stratégie de disqualification d’opposants par l’introduction du système opaque des parrainages, mais aussi par l’instrumentalisation de la justice, ce qui anéantit la confiance des citoyens à l’égard des institutions.
C’est parce que j’avais vu de l’intérieur les graves atteintes aux intérêts stratégiques du Sénégal dans le dossier du pétrole, ainsi que la mauvaise pente que prenait fatalement le régime de Macky Sall, que j’avais démissionné de mon poste de ministre en 2017. Aujourd’hui, en tant que député, j’ai pu de nouveau constater le mépris du président de la République envers la démocratie. J’en veux pour preuve la fermeture injustifiée de l’Assemblée nationale, dans laquelle il dispose d’une très courte majorité, pendant plusieurs mois de cette année.
Une minorité de privilégiés
Le démantèlement de l’opposition classique a laissé un vide dans lequel s’est engouffrée une nouvelle opposition radicale se faisant le porte-parole d’une jeunesse exclue des dividendes de la croissance tant vantée par le régime en place. Cette opposition fait de l’excès dans la dénonciation des malversations réelles ou supposées, sa ligne principale. Macky Sall, en ne faisant juger que ses adversaires politiques, a légitimé le sentiment que seule une résistance acharnée permettrait de se soustraire aux procès politiques. Il a offert le prétexte à un opposant d’effacer sa part de responsabilité dans des dossiers le mettant en prise avec des citoyens du fait de ses propres errements.
Les Sénégalais sont épuisés, tant sur le plan social que politique. Le pays, où plus de 65 % de la population a moins de 30 ans et dans lequel beaucoup se considèrent comme des naufragés de la République, est confronté à un fort potentiel de violence. Une infime minorité de privilégiés bénéficient d’une croissance soutenue par une dette excessive et des investissements dans des infrastructures ayant peu d’impact sur la création de richesse. Les écarts de niveau de vie se creusent entre cette minorité et la majorité, qui supporte le fardeau de la dette à travers l’augmentation des prix des produits de première nécessité.
Il est devenu évident pour tous que la richesse soudaine de certains responsables politiques est alimentée par la misère des Sénégalais. Lorsque la Cour des comptes a mis en cause plusieurs ministres et hauts fonctionnaires dans la gestion des fonds destinés à la lutte contre la Covid-19, peu de Sénégalais ont été surpris. Alors que la justice enquête sur ce dossier à un rythme lent, elle fait en même temps preuve d’une étrange célérité dans le cas de l’opposant Ousmane Sonko. Ce que bon nombre de nos concitoyens voient comme une preuve de liquidation d’un adversaire politique.
Des antagonismes primaires
Les dérives de Macky Sall, aussi intolérables et excessives soient-elles, n’expliquent pas à elles seules la descente aux enfers du Sénégal. Une grande partie de l’intelligentsia a abandonné son rôle d’éclaireur et a laissé place à une multitude de personnes diffusant des idées nauséeuses sur les réseaux sociaux. La banalisation de la violence physique, des discours haineux et l’habitude de voir des manifestants ou des policiers mourir marquent le début d’un cycle potentiellement fatal.
La crise politique actuelle est exacerbée par la bipolarité politique. Une part significative de la société civile, des leaders d’opinion, des intellectuels, des juristes, des journalistes, des professeurs d’université se sont engouffrés dans des antagonismes politiques primaires, plongeant ainsi la nation dans l’obscurité intellectuelle et la radicalité discursive. Les débats sont empreints de haine et de violence. Les tentatives de purges sont monnaie courante et aucune pensée différente n’est plus tolérée. Le débat public est piégé par le sectarisme et une opposition politique qui place la conquête du pouvoir au-dessus de tout.
Il est de notre devoir de faire face à la réalité et d’appeler à la sérénité et au retour des valeurs fondamentales qui constituent notre raison d’être : la tolérance, la « téranga » [« hospitalité », en wolof] et la liberté d’expression. J’adresse un appel solennel à tous les acteurs de notre nation, dont la mission sacrée est de préserver et de renforcer notre jeune démocratie. Je leur dis : ne laissez pas le Sénégal sombrer. Il est impératif de sauver notre République. Notre responsabilité historique est en jeu.
Thierno Alassane Sall est député à l’Assemblée nationale du Sénégal, président du parti La République des valeurs/Réewum Ngor.