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28 novembre 2024
Opinions
Texte Collectif
FACE AU MONSTRE, VIVRE OU PÉRIR
L’heure du choix a sonné pour tous les journalistes sénégalais qui tiennent encore à leur dignité et qui pensent, avec raison, que leur indépendance éditoriale est incompatible avec la compromission
Quand les bornes sont dépassées, il n’y a plus de limite qui tienne. L’heure du choix a sonné pour tous les journalistes sénégalais qui tiennent encore à leur dignité et qui pensent, avec raison, que leur indépendance éditoriale est incompatible avec la compromission. Quoi qu’il doive leur en coûter. Ce choix doit être celui de tous ceux qui estiment que la situation actuelle de la presse n’est plus supportable. Ceux qui ont l’intime conviction de vivre dans un environnement anormal.
Ceux qui reconnaissent avec humilité que les sacro-saintes libertés constitutionnelles qui sont la boussole de notre métier sont désormais administrées par le bon vieux Monstre de nos malheurs. Cela est une réalité. La fiction serait de croire au contraire. Le Monstre est un faux-père Noël ! Les dosettes d’humiliation intermittentes qui nous chatouillaient la tête comme des pluies fines, nous les accueillions naïvement comme de simples épiphénomènes promis à disparaître dans les caniveaux d’à côté. Aujourd’hui, elles font notre déshonneur sous forme de pluies diluviennes dont les vagues inondent notre espace professionnel, nous contraignant à patauger dans la gadoue.
Les dernières actualités qui émeuvent certains d’entre nous – oui, seulement certains, c’est ainsi - ont mis en lumière notre totale impuissance à riposter et tenir tête au Monstre de nos malheurs. Les agressions violentes et répétées contre le Groupe Walfadjri depuis plusieurs mois n’auraient jamais été possibles sans les faiblesses quasi rédhibitoires de nos cadres syndicaux. La coupure du signal télé de notre confrère pour une durée de trente jours, endossée par notre ministre de tutelle, a révélé toute notre impuissance à faire face lorsqu’un droit constitutionnel est foulé au pied par ceux qui censés le respecter et le faire respecter.
Les emprisonnements ciblés de journalistes, facilités par notre apathie à consommer l’intolérable, ont créé chez beaucoup d’entre nous un réflexe d’autocensure. Même la fameuse ‘’carte nationale de presse’’, élément matériel distinctif des membres de la corporation, a commencé à devenir une arme au service de nos tortionnaires. Nous ne sommes plus en danger, comme nous aimions à le dire naguère pour alerter sur les risques qui nous guettaient. Nous sommes tous prisonniers du Monstre de nos malheurs et de ses exécutants. L’incompétence et la sournoiserie avec lesquelles le secteur des médias est régenté sont à la hauteur de la réputation des politiciens choisis pour la sale besogne.
Aujourd’hui, sommes-nous en mesure de sonner la révolte qui imposerait au Monstre de nos malheurs l’arrêt de ses agressions contre la liberté de la presse ? Certainement. Cela suppose de reconstituer la force collective et unitaire d’une corporation dont le rayonnement et l’autonomie sont indispensables à la démocratie et à l’Etat de droit. Tous les segments de la presse n’y contribueront pas au vu des positionnements divergents face au pouvoir politique. Mais en parallèle au travail de réunification des rangs de la presse sénégalaise, le temps est venu de densifier la lutte pour le respect de nos droits fondamentaux avec les moyens légaux à notre disposition. Les grandes mobilisations réussies par la Coordination des associations de presse (CAP) il y a quelques mois, sont la preuve vivante que nous avons encore notre destin en main. Engagement, organisation, action. Sans relâche. Tout reste possible pour faire reculer le Monstre de nos malheurs. Faisons face, sinon nous disparaîtrons !
par Sheikh Ndiaye
LA CRITIQUE DE LA DESCRIPTION PURE
Quand des jeunes s'attaquent à leur lieu d'épanouissement, quand des personnes n'ont pas honte de s'approprier le bien d'autrui, alors de toute urgence une piqûre sociale doit être administrée
Il y a quelques années, les professeurs Souleymane B. Diagne et Boubacar B. Diop ont régalé les passionnés du choc des idées, dans un échange mémorable. Tout ou presque y était concernant la posture d'un intellectuel : l'équilibre, la nuance, l'observance axiologique...
Boris nous est revenu avec Felwine et Mbougar, cette fois-ci pour une description pure et simple d'un tableau. Un tableau social. C'est alors qu'une meute en colère, sans visière intellectuelle, s'empare des bonshommes, à défaut de leur mettre la muselière, veulent les passer sous la serpillière. Une démarche intellectuelle inusitée. En art, la critique porte sur l'œuvre non sur l'auteur. Voici le tableau et les artifices des prompteurs.
1. Nos trois auteurs nous ont habitué à des nectars cachetés. Le plus jeune fait partie des derniers Goncourt. Qui peut le plus, peut le moins. Ils auraient pu nous présenter un chef-d'oeuvre littéraire social. Mais ils ont préféré s'en limiter aux faits sociaux graves aussi bruts soient-ils. La démarche est juste et équitable. Évidemment, elle est partisane parce que penchant pour la sacralité des faits, de leur justesse pour dire leur caractère abrupt. L'émotion et l'appartenance n'ont pas leur place dans l'évocation, la narration de faits sociaux graves devant susciter des réactions appropriées,salvatrices, puisées dans l'équilibre et la mesure lucide. Ils sont adeptes d'une partisanerie de justice en alertant sur des dérives pouvant être sources de perturbations généralisées. On sait toujours le début mais l'ampleur s'engouffre dans l'inconnu. Les responsabilités renvoient à des lunettes. Ce qui paraît subjectif ; mais une sculpture de feu Ousmane Sow restera toujours de marbre ou de pierre, en dépit des interprétations. Donc, convenons-en, nos mousquetaires de la plume ont tronqué l'encre de l'art pour l'art de la narration sans une virgule de plus ou de moins.
2. "Les problèmes politiques sont les problèmes de tout le monde. Les problèmes de tout le monde sont les problèmes politiques ". L'emblème de cette célèbre maison d'édition nous sert de tremplin vers les répliques visant nos orfèvres des mots. Cependant, nous ne retiendrons que celles qui ont une once de lueur. Les participants au concert du bruit de complaisance n'ont pas d'espace ici malheureusement.
C'est un mauvais procès que de convoquer des attributs de la pensée discursive dans un tableau qui se veut sans fard ni dard. La sacralité des faits en aurait pris un sacré coup. Nul doute que nos artistes sont capables de nous présenter les meilleurs tableaux teintés d'artifices les plus exquis. Il faudrait, par ailleurs, chercher le manque d'humilité et la prétention à s'exhiber dans d'autres terrains qui ne sont pas les leurs. L'étoile n'a point besoin de publicité. De partout, un coup d'oeil vers le haut suffit.
Certains n'ont pas hésité à faire un amalgame fumeux, de bonne foi certes, mais téléguidé par une impéritie du silence. Mission oblige.
Disons le tout haut: le saccage de l'université, des biens publics et privés, comme conséquence malheureuse des faits, est à dénoncer énergiquement. Aucune justification n'est admissible. Mais dans le même temps, aucune corrélation analogique avec les profondeurs d'hier et l'Allemagne d'avant, ne saurait légitimement prospérer pour un esprit honnête. Bagdad est devenu, après le passage des Mongols, le centre de rayonnement du monde islamique. Plusieurs célèbres compagnons du prophète (saw) dont son petit-fils (imam Hussein) y reposent. Quant aux Landes de Goethe, elle est la locomotive de l'UE. Les perspectives ne sont pas lugubres M. le conseiller spécial. Dénoncer ces actes de vandalisme car n'augurant pas les effluves d'une société émergente encore moins la coloration d'un corps social sain et civilisé aux raffinements pointus, disais-je donc, équivaudrait également à dénoncer les raisons, faits et actes qui ont été à l'aube de ces fâcheux événements. Les causes dont on ne veut pas entendre parler, sont pires que les conséquences, que les réactions sur lesquelles on s'attarde dans le rétroviseur de la vengeance et des règlements de compte. Les mêmes causes produisent les mêmes effets, disent les physiciens. Quand des jeunes s'attaquent à leur lieu d'épanouissement, quand des personnes n'ont pas honte de s'approprier le bien d'autrui, quand les voies du suicide dans le désert et en mer enchantent plus les jeunes qu'un projet d'insertion locale, alors de toute urgence une piqûre sociale doit être administrée. On ne peut pas se contenter d'opérations de relation publique. Les armes chimiques de Sadam Hussein sont toujours invisibles après une méga communication. Le dictateur fût déchu. Les vainqueurs furent emportés aussi.
Pour, à la fin, avancer un truisme. La superstructure doit précéder l'infrastructure. Les populations bénéficiaires, dans les sociétés émergentes, sont psychologiquement préparées pour gérer les infrastructures. Et, seule, la loi est capable de réussir cette merveille. Elle survole la République, comme l'aigle, prêt à briser les ailes de tout récalcitrant,fut-il le premier d'entre-eux. Elle fortifie les institutions, dégarni les détenteurs de puissance absolue. Elle est en porte-à-faux avec Nietzsche et son surhomme. Sévère, dictatoriale mais juste et équitable. Sarkozy et Trump en ont déjà fait l'expérience. Boris Johnson est dans les starting blocks.
Sheikh Ndiaye est Maîtrise en développement international et mondialisation &philosophie, Canada.
par Modou Dione, Alioune Gueye et Hamat Seck
QUAND LA POLITIQUE FUSILLE À BALLES RÉELLES NOS UNIVERSITÉS
EXCLUSIF SENEPLUS - L’avenir des étudiants est actuellement entre la Tabaski et les grandes vacances. Aucun pays ne s’est développé sans un système d’enseignement performant, innovant et stable
Modou Dione, Alioune Gueye et Hamat Seck |
Publication 18/06/2023
Une université doit se soucier de son rôle social et former ceux qui, demain, auront en mains cette machine gigantesque et complexe qu'est une société. Aujourd'hui, au Sénégal, l'accomplissement de ce devoir est menacé par les convulsions politiques entre l'opposition farouche et le régime en exercice. Ces tensions s'étendant jusqu'aux universités, suscitent des interrogations sur la lancinante question de l'inter-relation entre la politique, l'université et la société. Une seule évidence apparaît ici, les deux premières sont au service exclusif de la dernière. Mais, mesure-t-on vraiment les conséquences des troubles de la première sur les autres.
Dans cet article, il sera question d'engager une gymnastique intellectuelle audacieuse sur la situation de l'enseignement supérieur dans le contexte des soubresauts politiques du Sénégal. Dans les lignes qui suivront, nous allons de prime abord montrer l'interaction idéale entre l'université et la société, interroger l'histoire des mouvements politiques dans l'espace universitaire. Subséquemment, une analyse des discours sera faite pour comprendre les intentions des autorités politiques et universitaires. Enfin, la pertinence de leurs stratégies d'adaptation afférentes aux décisions d'entreprendre des cours à distance seront soumis à une appréciation multiscalaire.
Une réverbération entre l'université et la société est un principe pour opportuniser les savoirs académiques. La première est un cadre de formation et de réflexion sur les grandes questions qui concernent la deuxième. Ses fonctions tournent autour de l'enseignement, de la formation et de la recherche. Cela dit, l'université participe ou doit participer fondamentalement au progrès et à la dynamique de la société.
Aujourd'hui, il est connu de tous que l'enseignement supérieur est fortement aux dépens de la situation politique nationale. Cette dernière se résume à des stratégies de conquête du pouvoir contre des stratégies de maintien du pouvoir. Elle entrave sans doute le bon fonctionnement de l'université, force motrice de la société, et source de progrès en ce qu'elle forme les individus qui la composent. En effet, depuis presque une année, le déroulement normal des enseignements dans les universités sénégalaises fait défaut. Pour l'illustrer, invitons l'anticipation apparente des vacances hivernales de 2022 à l'Université Gaston Berger de Saint-Louis après des grèves revendicatives à l'approche des élections législatives. A la suite de ces dernières, celles de la quinzaine de la jeunesse, qui n'étaient plus données aux étudiants en raison du retard des calendriers académiques à rattraper, ont été également accordées en 2023. Et récemment remarque-t-on que les emplois du temps des cycles primaire, secondaire, et ceux de l'enseignement supérieur sont arrimés aux convulsions des procès infernaux du sieur Ousmane Sonko avec la dame Adji Sarr et le sieur Mame Mbaye Niang. Si rien n'est fait, ne serons-nous pas amenés dans nos universités à faire une production massive d'inadaptés sociaux et professionnels ?
Amusons-nous à faire une comparaison de ce mouvement avec la crise universitaire de mai 1968 comme aiment le faire certains de l'opinion publique. On peut déceler des différences dans les facteurs mais aussi une ressemblance subtile des dégâts provoqués. Les tensions de mai 1968 étaient motivées à l'origine par la bourse d'étudiant. Cette lutte était donc à la base syndicale avant de prendre une coloration politique se manifestant par une protestation contre le néocolonialisme et le train de vie élevé de l'Etat. De fait, l'université de Dakar était française dans ses structures, ses programmes, son personnel et même par le nombre des étudiants ressortissants français selon Omar Guèye dans son papier "Mai 1968 au Sénégal : Dakar dans le mouvement social mondial". Contrairement à ces événements, les affrontements qui ont lieu aujourd'hui ne sont pas syndicaux mais purement politiques en ce qu'ils sont le fruit d'une décision de justice frustrante et mal appréciée par une partie de la population. Dans les universités, les manifestations se présentent comme des luttes syndicales. Au regard de ce qui précède, on remarque facilement que l'approche de mai 1968 est bottom-up et syndicale et celle actuelle est top down et politique.
Les conséquences de ces crises sont l'arrêt systématique des cours dans les universités et le pillage de matériels d’équipement. Mais, le dernier événement n'est pas sans susciter un questionnement. Les luttes politiques doivent-elles prendre des formes violentes dans les temples du savoir jusqu'à perturber les activités pédagogiques ? À cette question, Arendt nous enseigne dans "La condition de l'homme moderne" que "être politique, vivre dans une polis, cela signifiait que toutes les choses se décidaient par la parole et la persuasion et non par la force ni la violence". Mais cette manière élégante proposée, ce politiquement correct et exemplaire marche-t-elle au Sénégal pour faire valoir sa vision politique ? La réponse à cette dernière question ne saurait être trouvée dans la manière dont l'homme politique Sénégalais exerce le pouvoir.
Le MESRI (ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation) Pr Moussa Baldé a dans son entretien sur la RFM (Radio Future Média) montré qu’il ne maîtrisait pas certaines réalités que traversaient les universités du Sénégal, à travers la nomination qui désigne « un acte de parole contextualisé » (Paul Siblot). Ainsi avec ce procédé, il montre clairement son besoin de mise en écart des processus d’enseignement présentiel dans ce contexte où certaines universités (UCAD et UASZ) ont subi des dommages matériels graves. Par conséquent, dans son élan de vouloir coûte que coûte rouvrir les Universités, le ministre dans cet entretien a sapé la posture des apprenants. En effet, pour valider ces hypothèses (utilisation excessive de « peut-être, si, propositions, etc. »), il se focalise sur le « potentiel intellectuel » des universités comme l’UCAD. Toutefois, nous remarquons qu’il a esquivé la question du nombre d’étudiants qui est, selon nous, un facteur déterminant pour la faisabilité des enseignements à distance. De là, la sortie du ministre peut être considérée comme un exercice de délivrance de « concepts mobilisateurs » (Clément Viktorovitch) pour persuader son interlocuteur (le monde universitaire) que la situation est sous contrôle. Notons que le mimétisme des universités sur la base des recommandations « déguisées » du ministre portera préjudice à plus d’un. Car, les conditions pour faire des cours en ligne ne sont pas réunies. Par conséquent, nous notons une évolution discursive des autorités en charge de l’enseignement supérieur. En effet, les notes d’information issues des Conseils académiques montrent la mainmise du ministre sur ces institutions. Ainsi, il découle d’une lecture détaillée de la situation pour se rendre compte que les autorités universitaires ne font qu'appliquer les directives du ministre. Les décisions des différents Conseils académiques devraient varier d’une université à une autre mais malheureusement nos universités sont dans le « mimétisme institutionnel » pour emprunter les propos du sociologue Mamadou Tall. N’oublions pas de préciser que dans certaines universités, la suspension des cours n’était pas obligatoire. De là, la reprise en ligne demeure aussi une décision qui va décourager plus d’un et à plus forte raison qu’elle n’est pas accompagnée. Le cas de l’UCAD en est une parfaite illustration. Ainsi, nous notons que le discours du politique sur l’enseignement supérieur est borné de décisions « anxieuses » pour les apprenants. Car, ces derniers ne sont pas pris en considération ni dans le discours encore moins dans l’élaboration des décisions prises par les instances universitaires. En un mot, nous pouvons qualifier cette décision de « violence symbolique » (Professeur Souleymane Gomis) à l’égard de l’étudiant.
Ainsi, le mardi 13 juin 2023 voit pleuvoir un lot de communiqués issus des conseils académiques des différentes universités publiques du Sénégal. La décision qui a fait office de répétition ou de « copier-coller » est celle relative à la poursuite des enseignements mais à distance. Comme toujours, l’université devient un haut lieu d’exécution de décisions politiques au lieu d’être un espace de conflit d’idées et de débat de haut niveau. Nul besoin d’avoir des compétences visuelles ou une résonance sur la rotondité de la terre pour savoir que le phénomène de l’enseignement supérieur à distance ne tourne pas rond chez la majeure partie de nos universités.
Cette stratégie, d’enseignement à distance, a été utilisée par l’Etat du Sénégal, par le biais du MESRI, lors de la crise pandémique de COVID-19 en raison des mesures restrictives imposées par les autorités pour endiguer la maladie. Dans les 78 recommandations qui ont été faites, lors de la concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur (CNAES) en 2013, figure la promotion du numérique dans le système. C’est ainsi que la recommandation n°49 est d’une part de « renforcer l’utilisation des TIC (e-learning) pour élargir l’accès à la formation ».
Ceci pour juste montrer, selon l'État, que des politiques ont été mises en œuvre pour initier, au mieux, les universitaires, de tout ordre, à l’utilisation du numérique et/ou à la formation à l’enseignement à distance. Force est d’admettre que beaucoup de mesures se fondent essentiellement sur un tâtonnement avec une démarche déconnectée de la réalité. Ces politiques baguenaudent et flânent avec l’avenir de milliers d’étudiants qui sont des ambassadeurs de leurs familles respectives. L’enseignement à distance connaît une multitude de variétés. Parmi les acronymes et expressions les plus souvent utilisés, on peut retenir les formations ouvertes et à distance (FOAD), les Massive Online Open Courses (MOOCs), les enseignements à distance (EAD), le e-learning ou l’apprentissage en ligne, les formations à distance (FAD), etc. L’UNESCO a tenté une approche assez généraliste et simpliste pour ainsi dire : « Les termes enseignement à distance et formation ouverte et à distance désignent une démarche qui vise à élargir l’accès aux services éducatifs et de formation en permettant aux apprenants de franchir les obstacles que représentent l’espace et le temps et en proposant des modalités d’enseignement souples aux individus comme aux groupes d’apprenants ».
Les typologies d’enseignement à distance, mises en œuvre dans certains établissements d’enseignement supérieur (EES), différent d’une université à une autre. A travers les travaux de Thibault et al. en 2006, on peut noter le « présentiel enrichi » (formation essentiellement en présentiel avec une légère dimension à distance), l’enseignement mixte ou dual (entre 30% et 60% de la formation s’effectue à distance) et le véritable e-learning qui implique plus de 60% de la formation à distance. Au-delà de ces typologies susmentionnées, nous y ajoutons, l’apprentissage dénommé « le tout Virtuel » où toutes les offres se font en ligne. Mais leur mise en œuvre requiert des outils préalables et une préparation aux changements éventuels des systèmes d’enseignement.
Ceci est renforcé par les propos de Fournier Fall (2006) qui selon lui « Le e-learning n’est pas simplement une innovation ou un renouveau dans l’enseignement, il dénote un véritable changement de paradigme pédagogique ». Ceci interpelle les autorités sur les pré-requis et les mesures d’accompagnement qui doivent suivre certaines décisions. Notre démarche est contre « la vision technophile » et « la vision technophobe », qui, toutes deux, accordent une place essentielle aux technologies utilisées, au détriment de la dimension sociale. Nous avons une société qui n'a pas cette culture numérique tant développée ailleurs et le contexte n’est pas propice à une mise en œuvre hâtive de ces enseignements en ligne.
Dès lors, il serait judicieux de se poser au moins cette question : Qu’est-ce qui empêche certaines universités de reprendre les cours en présentiel (UGB, UASZ, UIT, UCAD, etc.)?
Même l’UVS qui est officiellement créée sur décret présidentiel le 23 Septembre 2013 et a fait presque dix ans d’existence avec le e-learning rencontre des difficultés sans précédent et vous mettez les étudiants dans une situation cahoteuse et douteuse. Parmi ces difficultés, on peut noter principalement le défaut de couverture en électricité dans certaines zones reculées, le débit de connectivité à Internet qui est faible dans beaucoup de contrées habitées par les étudiants, le manque d’outils adaptés pour suivre normalement les enseignements (Smartphone, ordinateur, etc.), la consommation excessive de données mobiles notées durant ces enseignements, etc.
Ainsi, en situation de crise et d’incertitudes, telle que l’actuelle crise, surgit inévitablement un conflit entre deux temporalités : celle du politique, qui doit prendre des décisions dans l’urgence, et celle de la recherche, qui peut certes accélérer ses protocoles, mais en aucun cas s’affranchir de toute méthodologie, sous peine de briser la branche sur laquelle elle s’est laborieusement hissée. Les acteurs universitaires aiment souvent qualifier l’université d’autonome, d’indépendant, etc. Nous pensons que ceci ne reflète guère ce qui se passe dans les instances suprêmes de prises de décision (Conseil d’Administration en particulier) de nos universités. L’autonomie de l’université doit se matérialiser par la non influence des décisions politiques sur le mécanisme décisionnel et les recteurs doivent aussi éviter dans le futur de tomber dans ce que Etienne Klein appelle « l’ipsédixitisme » et ce que Dan Sperber qualifie d’« effet gourou » cette sensibilité aux arguments d’autorité. Le manque d’évaluation et de bilan des enseignements à distance durant la période de la Covid-19 a conduit les autorités à répéter les mêmes erreurs déjà commises il y a 2 ans ! L’université est un sanctuaire qui mérite beaucoup plus de considération et les décisions qui concernent son fonctionnement méritent beaucoup plus de froideur et de sérieux. L’avenir des étudiants est actuellement entre la Tabaski et les grandes vacances.
A toutes fins, pour bénéficier de l'enseignement supérieur à distance, il est essentiel d'avoir accès à une connexion Internet stable et rapide, de gérer les défis liés aux inégalités socio-économiques, le manque de compétences techniques et l’isolement et manque d'interaction sociale. Pour relever ces défis, il est crucial de mettre en place des infrastructures technologiques adéquates, d'investir dans la connectivité Internet, de dispenser une formation aux étudiants et aux enseignants sur les compétences numériques, d'adapter les méthodes d'enseignement pour favoriser l'interaction et l'engagement, et de développer des stratégies d'évaluation en ligne sécurisées.
En conclusion, l’espace universitaire sénégalais est politisé et son fonctionnement est rythmé par des heurts conduits souvent par des structures syndicales d’un côté et de l’autre par des structures à coloration politique. Ce qui explique aussi la situation complexe du combat mené pendant la crise actuelle et aussi le caractère politique du mouvement. Ces irrégularités bouleversent et impactent les décisions des instances universitaires.
Les universités sénégalaises sont souvent exposées à l’influence des décisions politiques d’une part et d’autre part aux violences universitaires causées par des questions d’ordre politique. Elles doivent divorcer avec ces pratiques qui ne garantissent nullement leur autonomie de gestion et leur indépendance vis-à-vis des facteurs exogènes. La relation tripartite entre la politique, l'Université et la société mérite d’être repensée afin de garantir une université sénégalaise qui sera, au-delà de la formation et de la recherche, un lieu de discussions, de débats contradictoires et de partage entre acteurs. L’émergence de la « dictature musculaire » dans nos universités dénote d’une insuffisance d’arguments et d’une démarche belliqueuse et dangereuse. À nos gouvernants, l’université ne doit pas être un prolongement de décisions politiques et des cadres d’exécution des visions des politiques. L’histoire nous a montré qu’aucun pays ne s’est développé sans avoir mis en place au préalable, un système d’enseignement performant, innovant et stable, ce qui est loin d’être le cas au Sénégal.
Que le salut du peuple soit la loi suprême.
Vive le Sénégal
Modou Dione est Chercheur en Analyse du discours politique en temps de crise Gradis (Groupe de Recherches en Analyse des Discours Sociaux)/UGB
LE FRANÇAIS CARREFOUR A RAISON SUR LA STARTUP SÉNÉGALAISE MARKETCARREFOUR.COM
Vous aurez beau prénommer votre fille du très beau prénom sénégalais et wolof Dior, vous ne pourrez jamais déposer le nom de domaine Dior.com. Et même pas Dior.sn, qui restent toutes propriété de la marque de luxe française, qu'elles les déposent ou non
Mon avis de juriste en propriété intellectuel est clair : le groupe français Carrefour est dans ses droits et sera rétabli dans sa propriété pleine et entière, y compris sur le nom de domaine marketcarrefour.com, dans les jours et semaines et venir, par la WIPO (World Intellectual Property Organization) qu'il a saisi.
Je dois d'abord dire d'où je parle : je suis titulaire d'un certificat en contentieux de la propriété intellectuelle, conjointement décerné en 2003 par le Centre de Formation Judiciaire de Dakar et l'nternational Development Law organization de Rome. En 2006, j'ai conseillé le PPIP (Projet de Promotion des Investissements Privés) dirigé par le défunt Mabousso Thiam et financé par la Banque Mondiale, dans son volet ayant trait à la mise en place d'un nouvelle loi sur le droit d'auteur et les droits voisins, laquelle sera finalement votée en janvier 2008, et l'ai accompagné dans les choix stratégiques de la rédaction de la loi en question. Mais cela est une autre histoire.
En peu de mots, pour en revenir au géant français Carrefour, il s'agit de ce qu'on appelle une marque notoire. Mondialement connue. Comme Coca Cola, Nike ou Nescafé. Ces marques n'ont pas besoin de prendre des mesures de protection pour être protégés sur toute la planète. Leur notoriété y suffit. En plus de sa marque Carrefour, le groupe français à les enseignes Carrefour Market, au nombre de 1020 dans toute la France. Si aux balbutiements des rapports de l'Internet avec la propriété intellectuelle en 1999-2000, un privé, que nous nommerons pudiquement de son pseudonyme Paul Stewart, a pu au Sénégal acheter le nom de domaine Sonatel.com pour le revendre ensuite à la Sonatel, de tels cas ne sont plus possible depuis belle lurette. La jurisprudence constante de la WIPO-OMPI est de rétablir dans leurs droits les marques et noms commerciaux (enseignes) dont les noms de domaines se font acheter par des tiers. En clair, la startup sénégalaise marketcarrefour.com va perdre cette bataille. J'y compatis, mais dura lex, sed lex.
La vraie bataille, pour nos pays, c'est de créer et batîr patiemment leurs propres marques. Gage de valeur ajoutée qui permet de pratiquer des prix élevés, avec la satisfaction du client qui fait preuve de son consentement à payer, convaincu qu'il est du très bon rapport qualité - prix offert par le produit ou service. Comme le font déjà des marques sénégalaises comme Mathidy, Seraka (Selly Raky Kane), Paps, Chargel, ou encore Logidoo ; ces dernières étant bien des startups. La propriété intellectuelle est un actif de premier plan pour toute aventure entrepreneuriale. Que cela soit dit. Et répété partout où de besoin. Vous aurez beau prénommer votre fille du très beau prénom sénégalais et wolof Dior, vous ne pourrez jamais déposer le nom de domaine Dior.com. Et même pas Dior.sn, qui restent toutes propriété de la marque de luxe française, qu'elles les déposent ou non. Toutes les nombreuses usurpations de marques et plagiats de noms commerciaux qui existent sous nos latitudes sont juste tolérés parce que les multinationales ont d'autres chats à fouetter ailleurs ou parce qu'ils ne sont pas présents sur nos étroits marchés tropicaux. Eh bien, ça suffit : comme disait l'autre, "la tolérance, il y a des maisons pour ça!". En 2006 déjà, sur un autre registre que les noms de domaine, anticipant sur l'arrivée de la marque téléphonique Orange, le fabricant de matelas Reflex (Plastiques et Élastomères du Sénégal) avait inondé la capitale sénégalaise de panneaux de 12 mètres carrés représentant son matelas dont la marque était Orange : les matelas avaient néanmoins dû faire place nette, sans être dédommagés, quand la marque téléphonique Orange est arrivée.
Ousseynou Nar Gueyeest fondateur de Tract.
PAR Aliou Lam
ALLIANCES ET COALITIONS POLITIQUES AU SÉNÉGAL
Il faut absolument casser cette dynamique qui alimente et entretien ‘’le système’’ en créant sans limite des partis pour seulement, rentrer dans des coalitions, des mutuelles d’intérêts politiques et attendre son retour d’investissement à court terme
Le système politique d'un État définit son mode de fonctionnement, qu'il soit démocratique, autoritaire ou totalitaire. "Faire partie du système" fait référence à l'adhésion ou à l'intégration dans un système existant. Il peut être perçu d’une manière positive ou négative. Le bon côté du système est la normative, incarné par des politiciens expérimentés, efficaces, bien connectés et qui ont un impact positif sur le système à même d’en assurer la sécurité et la stabilité. Le côté négatif du système implique chez les individus qui l’incarnent une conformité excessive à des intérêts avérés ou à des attentes préétablies, une perte d'autonomie et d'individualité (les gens se tiennent pour peu ou prou), ainsi que la perpétuation d'inégalités ou d'injustices inhérentes au système lui-même.
L’antisystème quant à lui désigne généralement tout ce qui s’oppose à cette expression négative des systèmes. En politique, c’est la rengaine des rénovateurs, des anticonformistes et révolutionnaires. Il s’exprime de manière variable allant de la dénonciation, à la contestation parfois violente en passant par des initiatives et projets pacifiques. Le principe est de bien se démarquer, et le faire savoir. Il peut être servi comme modèle au peuple principal victime des pratiques dénoncées aux fins de gagner sa sympathie et renverser démocratiquement un régime.
Malheureusement au Sénégal, opposition et pouvoir s’abreuvant à la même fontaine, brandir l’antisystème à des fins politiques et électoralistes a ses limites et ne constitue le plus souvent qu’un leurre, une belle ruse ou de la pure démagogie. On dit généralement qu’ils sont tous pareils. Ces nuances sont bonnes à saisir pour ne plus se faire avoir tout temps par nos politiciens attitrés.
Un système politique dévoyé par des pratiques corruptrices, l’accaparement, l'opacité et la mauvaise gouvernance
Au Sénégal malheureusement en ces temps qui courent ‘’le système ‘’ n’est plus perçu que péjorativement par les populations et désigne tous ceux qui au tour du pouvoir maintiennent et perpétuent directement ou implicitement à leurs profits, des méthodes de gouvernance considérées comme blâmables ou infructueuses au détriment du peuple, se basant sur le clientélisme, l'accaparement des ressources et le partage de privilèges.
Qu’on l’accepte ou pas les politiciens ont terni l’image de la politique en tant qu’art de gérer la cité, par leurs mauvaises pratiques, faites de fourberies, de tromperies, de mensonges, de manipulations, d’accaparement de profits et de gains très souvent indus. Nous assistons au sein de la classe politique, de façon crescendo depuis deux décennies à une multiplication d’actions et de comportements décrédibilisant la posture et l’image de démocratie mature qu’on attribue au Sénégal. Le laxisme, l’impunité, la mal gouvernance pour ne pas dire la corruption ont atteint des niveaux insoupçonnés aussi bien au niveau du pouvoir que de l’opposition.
La politique est aujourd’hui stigmatisée par un concept dénommé ‘’le système’’ où les partis au pouvoir et l’essentiel des partis d’opposition semblent bien s’entendre pour gouverner moyennant des concessions de partage d’intérêts et de privilèges. L’État et ses démembrements sont comparés à un gâteau dont les parts : ministères ; agences ; directions ; conseillers ; représentations locales et diplomatiques, ressources diverses et avantages sont réservées à un petit cercle d'initiés, d'amis et de collaborateurs excédant à peine le millier, de manière partisane et opaque. Dans ‘’ le système’’ la faute, l’incompétence ou l’insuffisance n’existent plus, tout est couvert, tout s’arrange. Cette gestion bienveillante ne s’encombrant d’aucune rigueur, favorise l'enrichissement personnel au détriment du bien-être de la population et alimente le sentiment de désillusion et de méfiance envers les dirigeants politiques.
Le complot contre le peuple par théorisation du partage du pouvoir pour régner sans rendre compte
Dans ‘’le système’’, le complot savamment ourdi contre le peuple pour valider ce pacte du partage, se singularise par le slogan : ’’aucun parti ne peut plus seul gagner des élections’’. Théorisé et mis en pratique, sa fin est de justifier le besoin de se coaliser pour gagner des élections et de se donner une légitimité usurpée de diriger un peuple berné, en se tenant les uns les autres et de cette posture se donner les possibilités de partager les biens et prérogatives du contribuable, ou tout simplement de régner sur le dos du peuple sans se sentir en devoir de rendre un jour des comptes, grâce à la toute-puissance forgée et entretenue autour d’une impunité sans limites.
Les coalitions ou les sur-coalitions de partis politiques sont les réceptacles bien désignés pour jouer ce pivot central, qui fédère les protagonistes engagés à la conquête des pouvoirs qui leur permettent de gouverner en toute tranquillité en veillant minutieusement à leurs intérêts. Ainsi le nombre de partis alimentant ces coalitions est passé en de de 41 en 2000 à plus de 335 en 2023. Les mêmes hommes politiques occupent le devant de la scène et perpétuent les mêmes méthodes de gouvernance, malgré les alternances du pouvoir en 2000 et en 2012
Les élections municipales de 2022 et législatives de 2023 ont fini de montrer que les coalitions et sur-coalitions puissants leviers pour gagner des élections n’étaient pas toujours viables, car ne reposent sur aucune base solide et durable comme une idéologie commune ou un programme partagé de gouvernance. Une fois les élections révolues ces groupements de partis n’ayant plus que peu de choses en commun, révèlent leurs antagonismes primaires ou sont attirés par d’autres centres d’intérêts qui font qu’ils s’affaiblissent et disparaissent au grand dam des populations qu’ils ont ensemble courtisé, qui les ont fait confiance. Il apparait évident que les nouveaux partis politiques tels qu'ils sont conçus et dirigés ne pouvant point aller seul à la conquête d’aucune forme de pouvoir ne sont plus crédibles. Il faut tout changer. Nos politiciens ont échoué et maintenant tentent de noyer le pays dans la violence, le sang, le feu, et la peur pour espérer régner. Le peuple y gagne quoi ?
La nécessité de réformer le système :
Ces méthodes opportunistes de prise du pouvoir ou de gouvernance ne permettent pas d'apporter les changements nécessaires à résoudre les multiples problèmes d’existence, de sécurité et de bien être dont font face les populations. Tant que ce paradigme restera le principal outil et moyen de conquérir le pouvoir on ne s’en sortira pas. On ne crée plus de parti pour conduire ses militants à assumer un pouvoir dans la société, pour gouverner, mais pour participer au banquet des alliés, au partage du gâteau quel qu’en soit le prix.
Il est nécessaire d'engager une rupture profonde avec le clientélisme politique, d’impliquer les populations dans la réflexion, la formulation et l’adoption de grands mouvements politiques mus par une vision claire, soutenus par d’ambitieux programmes de société et son développement durable. Cela suppose la promotion de nouveaux visages politiques, de nouveaux modèles éprouvés, porteurs de valeurs morales et éthiques, et la mise en place de mécanismes de gouvernance transparents et responsables. Une véritable révolution pacifique à la portée des cartes d’électeurs de nos concitoyens, dont plus de 50% ne se sont pas exprimés depuis fort longtemps et qui forcément sont impatients de jouer les arbitres pour relancer ce pays en panne d’idées et de décisions courageuses, un véritable désordre.
Il faut absolument casser cette dynamique qui alimente et entretien ‘’le système’’ en créant sans limite des partis pour seulement, rentrer dans des coalitions, des mutuelles d’intérêts politiques et attendre son retour d’investissement à court terme. Cette course ou cette propension à profiter du pouvoir est le socle de la transhumance ou migration politique régulièrement observée à chaque changement de régime au pouvoir, quelles que soit ses orientations ou idéologies politiques. Oui en politique au Sénégal on ne vit que pour soi, et le peuple en a vraiment marre, du pouvoir pour ses limites mais aussi de l’opposition pour son immaturité et ou son manque profond de discernement.
Démocratiser la gestion des partis principe élémentaire en démocratie
Il faut réformer et rationaliser le système démocratique au Sénégal en remettant la politique au service exclusif des populations, de la cité, et non celui des chefs propriétaires-actionnaires de partis qui gèrent leur organisation comme bon leur semble. Au Sénégal le parti appartient au chef président ou secrétaire général. Sa gestion autocratique y favorise la dissidence et la duplication. Comment s’imaginer dès lors, que ces pratiques ne prospèrent pas au niveau supérieur qu’est le pouvoir, quand il est finalement conquis par ces types d’organisations. Le chef de parti au pouvoir possède et gère finalement le pays comme il possède et gère son parti, en ménageant intelligemment la quadrature, ses groupes de partis associés ou coalisés. Il s’arroge les droits principaux, d’agir, de faire et faire faire, de profiter sans être inquiétés du système bien contrôlé et verrouillé.
Il est impératif de redonner son sens noble à la politique qui est une affaire de groupe, de société et non d’individu. Les intérêts personnels et partisans doivent être relégués au second plan, et les politiciens doivent se concentrer sur le bien commun et la gestion vertueuse de la société. La gestion du pays doit être basée sur la reddition de comptes, la transparence et la responsabilité envers le peuple, et non sur la satisfaction des intérêts personnels par le truchement de coalitions sans grandes ambitions politiques mues simplement par le but de grappiller quelques menus fretins du gâteau-butin subtilisé au peuple resté naïf.
Au Sénégal les alternances politiques se succèdent et se ressemblent car ne sont que le fruit d’un système qui s’auto entretien par la création incessante de micros partis politiques qui coalisent pour arriver au pouvoir sur la base du cercle vicieux du partage de privilège et d’intérêts constituant les parts du gâteau républicain. En perpétuant ainsi les mêmes méthodes de gouvernance basées sur le clientélisme et l'accaparement des ressources, le jeu des coalitions de partis sans véritables ambitions n’a cessé de trahir les attentes légitimes du peuple. Il est urgent de réformer ce système en remettant la politique au service exclusif des populations qui l’animent et de la cité. Il est primordial de favoriser l'émergence de nouveaux leaders et de grands partis politiques, qui remplaceront les coalitions dépourvues de programme cohérent et d'idéologie claire, pour une gouvernance transparente, responsable et orientée vers le bien-être de la population. Seul un tel changement pourra restaurer la confiance du peuple envers ses dirigeants et permettre un réel développement du pays.
par Falilou Coundoul
QUI CRAINT LA CANDIDATURE DE KHALIFA SALL ?
Pourquoi Yewwi Askan Wi qui s’était engagé à porter le combat de l’éligibilité de Khalifa, au point de l’inscrire, dans sa charte, monte-t-elle aujourd’hui sur ses grands chevaux pour contrer sa participation au dialogue national ?
Les masques tombent. La phobie qui s'est emparée de certains qui se font passer pour des leaders de Yewwi Askan Wi est palpable. Ils ont perdu le peu qui leur restait de retenue et ne se cachent plus pour le montrer. Et les premières salves sont orientées contre la possible candidature de Khalifa Ababacar Sall. Quelqu’un qui a largement contribué à bâtir cette coalition. Quelle ingratitude ! Quelle absurdité!
Il y a une logique derrière les cris d'orfraie qui s'échappent des communiqués rédigés à la hâte par ces « zélateurs ». Les pétitions de principe, les déclarations d'amour et les gestes d'empathie ne visent qu'une chose : s'attirer les grâces d'un électorat orphelin de son véritable mentor qu'ils imaginent exclu de la présidentielle de 2024.
Dans le lot, des « leaders » (encore faudrait-il redonner son sens à ce mot) qui n'ont jamais osé se présenter à des élections fussent-elles locales. D'autres, des novices à l'appétit plus gros que le ventre, n'ont jamais prouvé la moindre représentativité. Et le plus grand nombre, à la tête de mouvements lilliputiens, ne sont ni locomotive ni wagon, juste des chaises à disposer dans un compartiment, pour meubler la galerie. Ce sont ces derniers qui sont les plus bruyants sur la participation de Khalifa Ababacar Sall et de Taxawu Senegaal au dialogue national. Il est de bon ton de souligner qu'ils ne sont que des porte-voix des pique-électeurs qui se pourlèchent les babines et prient intensément pour que les figures les plus en vue de Yewwi Askan Wi soient hors-jeu en février 2024.
Pourquoi donc certains membres de Yewwi Askan Wi qui s’étaient engagés, à porter le combat de l’éligibilité de Khalifa Ababacar Sall, au point de l’inscrire, dans sa charte, montent-t-ils aujourd’hui sur ses grands chevaux, pour contrer sa participation au dialogue national ?
Que reproche-t-on à Taxawu Senegaal? De dialoguer au nom de l’intérêt national ? Que lui propose-t-on ? D'attiser la colère populaire, de pousser les jeunes dans la rue, pour imposer un rapport de force au pouvoir au prix de nombreuses vies.
Entre ces deux options, tout le parcours de Khalifa Ababacar Sall milite pour la première. Où étaient donc les membres de cette « nouvelle ligue de vertu » quand le leader de Taxawu Senegaal subissait la cabale du pouvoir actuel et supportait stoïquement trois années d'emprisonnement, pour avoir refusé de se compromettre ? Qu'avaient-ils fait pour voler à son secours ? Qu'ont-ils fait aujourd'hui pour lui permettre de se présenter, sans entrave, à la prochaine présidentielle ?
En vérité, la candidature de Khalifa Ababacar Sall hante le sommeil de tous ces resquilleurs politiques qui avaient fini de tirer des plans sur la comète. Dans ce contexte de montée des périls, entretenue par des radicalités corrosives, Khalifa Ababacar Sall pourrait être un recours apaisant, pour tous les citoyens, en quête de normalité. Son sens du dépassement, sa stature d'homme d'Etat, sa promesse d'une tranquillité républicaine, avec une Constitution figée sur le marbre de notre vivre ensemble, sa capacité à fédérer les Sénégalais, autour du grand projet national etc. font de lui le candidat idéal pour mettre fin aux meurtrissures nées des disputes autour de l'enjeu de pouvoir. Il connaît le Sénégal, la grandeur de son histoire, le génie de son peuple et de ses bâtisseurs. Il saura faire tomber les barricades et réconcilier son peuple. Une carrure qui provoque des crises convulsives chez nombre de politiciens en mal de notoriété et de représentativité.
Aux prétendus leaders, j'invite à faire preuve de mesure et de responsabilité. Opposer Yewwi Askan Wi à Taxawu Senegaal est aussi absurde que d'opposer l'œuf et la poule !
Yewwi Askan Wi n'est pas une coalition politique, mais une coalition électorale.
En 2024, Yewwi Askan Wi ne sera pas plus qu'un cadre de mutualisation des efforts de l'opposition. Le seul juge demeure et demeurera le peuple sénégalais à travers ses électeurs.
Falilou Coundoul est membre du Cercle des Universitaires de Taxawu Senegaal (CUTS), membre du Cadre d'Analyses Prospectives et Stratégiques (CAPS) de Taxawu Senegaal, membre de la Coordination départementale de Linguère.
Par Dame BABOU
PÉTROLE ET GAZ DU SÉNÉGAL : POTENTIELLES MENACES DE DESTABILISATION
Depuis que le Sénégal est entré dans le cercle fermé des pays producteurs de pétrole et de gaz, le débat sur les convoitises suscitées par le pays ne cesse d’enfler.
Depuis que le Sénégal est entré dans le cercle fermé des pays producteurs de pétrole et de gaz, le débat sur les convoitises suscitées par le pays ne cesse d’enfler. Des contrats de Petrotim aux derniers financements, supposés ou réels du Qatar, évoqués dans un article de l’hebdomadaire français, «Le Canard Enchainé», tout le monde y va de ses informations, des plus saugrenues aux plus drôles.
C’était d’abord le frère du Président Macky Sall, Aliou Sall, à qui on aurait vendu à vil prix le pétrole du Sénégal, allant jusqu’à lui réclamer en guise de remboursement la bagatelle de 400.000 FCfa pour chacun des 17 millions de Sénégalais. Ensuite , il a été question du Sénégal qui aurait vendangé son pétrole et son gaz en signant un accord qui ne lui offre que 10% des bénéfices de la compagnie qui exploitera ses ressources naturelles.
En ce qui concerne ces contrats pétroliers et gaziers on n’a pas réellement besoin de trop s’étendre sur la question puisqu’ils sont en grande partie publiés sur www.itie.sn, le site de L’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE). La plupart de ces contrats ont d’ailleurs été signés par le Président Abdoulaye Wade, son fils Karim, alors ministre de l’Energie.
En les lisant ou en les relisant, on est frappé par le fait qu’ils s’inscrivent dans le sillage des formats standardisés. Ce sont ces mêmes transactions normées que l’on retrouve au Venezuela comme en Norvège en passant par l’Angola et l’Arabie Saoudite, etc., sous l’œil vigilant de l’OPEP (Organisation de Pays Exportateurs de Pétrole.)
Du fait que l’exploitation du pétrole et du gaz est un domaine relativement connu, il va de soi que nous sommes souvent dans le fantasme en pensant que quelqu’un peut tout bonnement se présenter avec des valises remplies de dollars pour corrompre les gouvernants et s’en aller avec nos ressources pétrolières et gazières.
Il est d’abord à relever que le pétrole et le gaz sont devenus des ressources dont la durée de vie ne va pas au-delà de 30 ans. Ce qui veut dire que d’ici 2045 au plus tard, elles ne seront plus que très peu d’industries à utiliser de l’énergie fossile. Même si le gaz est moins polluant que le pétrole, les deux ont le même destin, à savoir une disparition certaine au bout de trois à quatre décennies. C’est ce caractère transitoire qui en fait des produits très dangereux entre les mains de pays dotés d’institutions encore faibles et de forces de défense à l’état de construction.
Les cinq pays qui dominent la production et l’exportation de ces ressources sont : les EtatsUnis avec 934 milliards de mètres cubes, la Russie avec 701.7 milliards, l’Iran avec 256.7 milliards, la Chine 209.2 et enfin le Qatar avec 177 milliards de mètres cubes. Parmi ces cinq producteurs, il se trouve qu’il y en a deux qui n’ont pas besoin du marché mondial pour leurs exportations. En dépit de l’immensité de leurs productions, les économies de la Chine et des Etats-Unis, grosses importatrices de ressources énergétiques, sont insatiables en matière de gaz et de pétrole. La Russie, jusqu’au déclenchement de la guerre en Ukraine, avait un marché assuré avec la deuxième base industrielle du monde, l’Europe occidentale, en particulier l’Allemagne sa première économie.
Par conséquent, retenons que les deux autres pays, l’Iran et le Qatar , de même que les producteurs/explorateurs de tailles relatives, ont entre leurs mains un vaste marché très lucratif. Lucratif mais transitoire. Le contrôle de ce marché dans les 25 ans à venir est crucial pour l’Iran et le Qatar. Et ce contrôle ne saurait signifier aller piller les gisements des nouveaux arrivants comme le Sénégal et la Mauritanie.
Le Sénégal et la Mauritanie ne seront pas considérés comme de petits concurrents dans un marché qui disparaitra au bout d’une génération. Dans un article daté du 16 septembre 2022, le quotidien français Le Monde, parlant du Sénégal, affirme que « Le pays, qui va exploiter, avec la Mauritanie, un grand champ offshore, veut profiter du tarissement des livraisons russes vers l’Europe pour s’imposer comme fournisseur du Vieux Continent. »
Le journal poursuit : « Dès le mois de mai, l’Allemagne a annoncé être en discussions « intensives » avec le Sénégal afin de s’y fournir en GNL (gaz naturel liquéfié) Au total, 500 milliards de mètres cubes de gaz ont été découverts dans le gisement de la Grande Tortue Ahmeyim (GTA), situé lui dans les terres, à la frontière avec la Mauritanie. »
L’un des moyens classiques utilisés pour déstabiliser un pays est d’y organiser des émeutes, afin que les Forces de Défense et de Sécurité soient toutes occupées à éteindre l’incendie intérieur. Et cette déstabilisation est encore plus facile si des conflits transfrontaliers venaient à éclater entre/ou dans les deux pays. C’est pourquoi, il faut faire attention lorsque par exemple, des révoltes éclatent concomitamment au Sénégal en Mauritanie. Ou alors lorsque des hommes politiques promettent de remettre en cause les frontières héritées de la colonisation. En cas de conflits permanents, à l’intérieur comme aux frontières, ces deux pays n’auront d’autre préoccupation que d’accélérer la production pétrolière et gazière. Déjà, de voir le Canard Enchainé, hebdomadaire généralement bien informé, parler de financement venant du Qatar, au plus fort des manifestations violentes du début de ce mois, suite à la condamnation de l’homme politique Ousmane Sonko, a de quoi interroger
Dès lors, il ne serait pas hasardeux de dire que le Qatar et l’Iran ont un intérêt particulier à bien surveiller ce qui se passe au Sénégal. A défaut de pourvoir faire main basse sur les ressources énergétiques du Sénégal et la Mauritanie, les deux pays précités, grands exportateurs, pourraient tenter de fermer les portes de ce marché abondant de la vente du pétrole et du gaz à tout nouvel arrivant. Si les forces coalisées (sont nombreuses) contre le Sénégal et la Mauritanie arrivent à créer un climat d’insécurité totale dans la sous-région, aucune activité d’extraction et d’exportation de grande envergure n’y serait possible. L’océan qui abrite les installations portuaires et aéroportuaires sera infesté de pirates maritimes ; comme c’est le cas autour de la Somalie depuis 40 ans. La sécurité sera difficile à assurer. et les coûts de frêt et d’assurance pour la marine marchande seront si élevés que nos ressources énergétiques ne pourront être compétitives sur le marché mondial.
En matière de déstabilisation et les conséquences y découlant, la République Démocratique du Congo et le Mali, sont des exemples patents. Depuis la crise résultante du Génocide au Rwanda, l’Est du Congo, riche en diamant et autres minerais précieux, est devenu un « no man’s land », où chaque seigneur de guerre contrôle une portion du territoire, crée ses aérodromes, voire ses aéroports, exploite et exporte ses minerais, au vu et au su des autorités congolaises impuissantes. Ces mêmes installations illégales servent également à toutes sortes de trafics. Ce n’est pas pour rien que les observateurs avertis se demandent comment se fait-il que le Rwanda qui produit peu, ou pas de pierres précieuses,en devient un grand exportateur.
C’est la même situation au Mali. Partant des revendications irrédentistes de groupes Touaregs comme l’Azawad et autres, on a fini par assister à la destruction d’un Etat et d’une République. L’Etat malien est tellement faible, que des trafiquants de drogue de la mafia internationale ont pu s’installer dans le désert, construire une piste d’aviation pour gros porteurs, y faire atterrir un avion cargo ayant dans ses soutes, de la drogue d’une valeur de plus de 300 millions de dollars, sans que l’Etat ne puisse faire quoi que ce soit. (voir Serge Daniel, « les Mafias du Mali »).
Si aujourd’hui la France possède ses grands stocks d’or sans en être productrice, le Mali y a beaucoup contribué, contre sa volonté. Le cas du Mali est l’un des rares exemples d’accord de défense ou un Etat se voit interdire l’accès à une partie de son territoire (« le Mali utile »).
Et bizarrement il semble s’annoncer au Sénégal le même type d’alliances tactiques contre nature entre la France et les diverses forces qui ont détruit l’Etat malien. En principe, l’opposition dite radicale composée du Pastef, de Frapp France Dégage et autres radicaux de diverses branches, et la France, ne devraient pas se retrouver dans le même camp.
Et pourtant, au moment même où des troubles principalement animés par les militants du Pastef de Ousmane Sonko et une partie de Yewwi Sénégal, la France, ancienne colonisatrice, monte au créneau pour accabler le gouvernement par la voie de ses « Voix » médiatiques.
La réaction de la France ne devrait pourtant pas surprendre. Ce pays, en train de devenir un poids moyen en Europe, compte toujours sur ses anciennes colonies pour continuer de garder vaille que vaille son statut de grande puissance sur la scène mondiale. Par conséquent l’Elysée ne pourrait voir d’un bon œil que le Sénégal devienne un poids lourd du pétrole et du gaz, sans que la France, qui n’a pas les moyens d’y peser, ne reçoive son quota. A défaut de contrôler cette manne de ressources naturelles entre les mains du Sénégal, l’ancien colonisateur, partie prenante d’ accords de défense des plus nébuleux, ne pourrait rater l’occasion d’attiser le feu pour offrir après « sa protection » en cas de déflagrations.
Le Sénégal du pétrole et du gaz devrait s’attendre à des tentatives de déstabilisation venant d’ennemis et « d’amis », de l’intérieur comme de l’extérieur. Aux élites, dirigeants et citoyens d’en prendre la mesure.
par Ousmane Badiane
L’INELIGIBILITE DE KARIM WADE ET KHALIFA SALL A LA LUMIERE DES ARTICLES L.29, L.30 ET L.31 DU CODE ELECTORAL
Les fruits de ce dialogue, sans aucun doute, tiendront la promesse des fleurs si l’on en juge par le succès éclatant qu’a connu le lancement des travaux de la Commission politique, le vendredi 26 mai 2023 à la Direction Générale des Elections (DGE) .
Les rideaux du dialogue national se sont ouverts le 31 mai 2023 au palais de la république, sous la présidence de Macky Sall. Le constat est que l’essentiel des forces vives de la nation ont répondu positivement à cet appel qui entre dans le cadre de la célébration de la « Journée nationale du dialogue», inscrit dans le calendrier républicain depuis le 28 mai 2016, à l’initiative du chef de l’Etat.
Les fruits de ce dialogue, sans aucun doute, tiendront la promesse des fleurs si l’on en juge par le succès éclatant qu’a connu le lancement des travaux de la Commission politique, le vendredi 26 mai 2023 à la Direction Générale des Elections (DGE) . La diversité et la représentativité des acteurs du jeu politique présents dans la majestueuse salle de conférence qui a abrité la cérémonie, en est une illustration saisissante.
Il y a lieu de se réjouir du fait que tous les acteurs du processus électoral qui ont assisté à cette cérémonie, à savoir les partis politiques, regroupés en 3 pôles (Majorité, Opposition et Non-alignés), la Société civile, le CNRA, la CENA, l’Administration territoriale, les ministères impliqués dans la gestion du processus électoral, les experts de la DGE, ont exprimé leur volonté de participer activement aux travaux et faire en sorte que ce dialogue contribue à sceller le formidable consensus dont notre pays a besoin, pour faire face aux nombreux défis qui l’interpellent. Ce n’est pas un hasard si premier le président de la république Léopold Sédar Senghor définissait le Sénégal comme un « pays de dialogue ». Comme chacun le sait, l’histoire du dialogue au Sénégal est intimement liée à l’histoire de la démocratie sénégalaise. C’est dire qu’il est non seulement consubstantiel à notre démocratie, mais il constitue même un des acquis les plus importants qui ont permis à la vitrine démocratique de notre pays de briller avec un éclat singulier dans le monde entier.
Ce qui est remarquable dans le lancement du dialogue national le 31 mai 2023, c’est que le chef de l’Etat, lors de l’ouverture solennelle de la rencontre, a rassuré les participants sur le caractère ouvert et inclusif du dialogue en rappelant qu’il ne saurait avoir de sujet tabou et que toutes les questions pouvaient être posées sur la table de discussion. Joignant l’acte à la parole, il s’est mis dans une posture d’écoute attentive, avec un sens élevé de l’esprit de responsabilité, pour mettre à l’aise les intervenants. Cela, assurément, a mis à l’aise les personnalités qui ont tenu à répondre positivement à son invitation, à s’exprimer en toute liberté sur les questions d’intérêt national.
C’est dans cet esprit que s’est tenu la première réunion de la Commission politique le 26 mai 2023, sous la présidence de monsieur Thiendella Fall, directeur général des élections (DGE) . Cette rencontre a vu la participation de l’essentiel des acteurs du jeu politique, qui, dans un formidable élan de mobilisation, ont réaffirmé leur volonté de faire en sorte que les travaux puissent se dérouler dans une atmosphère empreinte de cordialité, et qu’ils puissent aboutir à leurs termes dans l’intérêt supérieur de la nation. Il est fort probable que la question de l’inéligibilité de Karim Wade et Khalifa Sall soit inscrite à l’ordre du jour des travaux de la Commission, puisque leurs représentants ont assisté à la cérémonie de lancement des travaux. Un tel fait mérite d’être salué fortement, car les débats qui vont se mener entre les acteurs politiques sur cette question qui les interpelle , ne manqueront pas de trouver une solution heureuse à leur réintégration dans le jeu politique, conformément d’une part, aux recommandations des différentes missions d’audit international qui se sont déroulées dans notre pays en 201O, 2018, 2021 , et d’autre part, conformément à la volonté exprimée par de nombreux sénégalais de voir le plus grand nombre d’acteurs politiques participer aux joutes électorales, mais sur la base des règles et principes qui régissent le jeu électoral.
L’inégibilité qui frappe Karim Wade et Khalifa Sall sous l’empire des dispositions des articles L.29, L.30 et L.31 du Code électoral n’a pas manqué de susciter des vives préoccupations au sein de la « classe » politique.
Karim Meissa Wade, fils de l’ancien président de la république Abdoulaye Wade était poursuivi par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI). Il était détenu à la prison centrale de Rebeuss , puis condamné le 23 mars 2015. à six ans d’emprisonnement. Il a été gracié, par décret n° 2016-880 du 24 juin 2016.
Khalifa Ababacar Sall , maire socialiste de Dakar, et trois autres coaccusés avaient été condamnés le 7 mars 2017 à cinq ans de prison ferme . Il a été gracié le dimanche 29 septembre 2019 par décret présidentiel .
L’opposition sénégalaise, comme chacun le sait, a toujours fait des cas Karim Wade et Khalifa Sall, leur principal cheval de bataille contre le président Macky Sall. Hier, le « Congrès pour la Renaissance de la Démocratie »(CRD) et le « Mouvement pour la Défense de la Démocratie » (M2D), et aujourd’hui le F.24 (Plateforme les forces vives de la nation), indexent du doigt le chef de la coalition BBY comme l’initiateur des articles L.29, L.30 et L.31 du Code électoral, pour écarter du jeu électoral « les candidats gênants ». Pour eux, ces articles ne sont rien d’autre, qu’un moyen de « confiscation permanente des droits civils et politiques de Karim Wade, de Khalifa Ababacar Sall et d’autres leaders… ».
Qu’en est-il des accusations de l’opposition contre le président Macky Sall, d’avoir inventé des articles « scélérates » pour écarter des candidats gênants à la présidentielle de 2019 à celle prévue en 2024 ?
Pour ma part, je considère que le procès fait au président de la République, est moralement injuste, juridiquement infondé et politiquement indéfendable.
En effet, Il est établi que les dispositions de la loi qui prévoit la déchéance de leurs droits civiques de toute personne dont la condamnation entre dans le champ d’application des dispositions générales et impersonnelles des articles L.29, L.30 et L.31 du Code électoral, ne sont absolument pas une invention du président Macky Sall. Elles sont bien antérieures à son avènement à la magistrature suprême. Contrairement aux affirmations de certains experts électoraux selon lesquelles ces dispositions dateraient du Code électoral consensuel de 1992, plus connu sous le nom « code Kéba Mbaye », ces dispositions en réalité datent des premiers codes électoraux du Sénégal de 1976 et 1982.
Ces dispositions figurent donc dans notre corpus normatif législatif depuis plus de quatre décennies. Comme toute loi, elles sont générales et impersonnelles, non sélectives et non discriminatoires. Elles ne sont dirigées par contre qui que ce soit. Elles ont vocation, comme toute règle de droit à s’appliquer à tous les citoyens, qu’ils soient leaders de parti politique ou non.
En parcourant d’un long regard la trajectoire électorale de notre pays, on constate que les dispositions des articles L.29, L.30 et L. 31 du Code électoral, sont consubstantielles à la naissance de notre Code électoral et du fichier électoral, tous les deux nés à la même époque : 1976- 1977.
De 1960 à 1974, les élections se déroulaient sous le régime de parti unique ou unifié, avec des scores qui avoisinaient les 100%.
A partir de 1974, avec la naissance du Parti Démocratique Sénégalais (PDS), un tournant s’est opéré sur la scène nationale, avec l’apparition de plusieurs formations concurrentes dans le paysage politique. C’est l’époque du « multipartisme encadré » en 1976, avec le président Senghor, qui a reconnu dans un premier temps trois (3), puis quatre (4) courants politiques. C’est ainsi que le législateur a senti la nécessité de disposer d’un instrument d’organisation et de régulation des règles du jeu électoral. D’où l’adoption du Code électoral en 1976, en vue de l’organisation des élections présidentielles et législatives de février 1978.
Par la loi n°76-96 du 02 août 1976 portant Code électoral, le législateur a institué un Code électoral dont la partie règlementaire a été fixée par le décret n°77-871 du 5 octobre 1977. Les dispositions de ce code qui devraient entrer en vigueur le 1er mars 1977 (article L. 162) ont été respectivement révisées par la loi n°77-57 du 26 mai 1977 modifiant certaines dispositions du Code électoral (partie législative) , la loi n°77-83 du 21 juillet 1977et la loi organique n° 77-95 du 17 octobre 1977.
Dans les Codes électoraux de 1976 et 1982, le contenu des dispositions de ces articles existait déjà. Textuellement, rien n’a changé dans la rédaction de ces deux articles qui ont accompagné le premier président de la République, Léopold Sédar Senghor, jusqu’ à Macky Sall, en passant par les Présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. Dans le Code électoral de 1976 avec la loi n° 76- 88 du 21 août 1976 tout comme dans le Code électoral de 1982 avec la loi n° 82-10 du 30 juin 1982 portant Code électoral (partie législative) modifiée et le décret n° 482- 478 du 7 juillet 1982 portant Code électoral (partie réglementaire) modifié, il est mentionné :
« ARTICLE L.3
Ne doivent pas être inscrits sur la liste électorale :
les individus condamnés pour crime ;
ceux condamnés à une peine d’emprisonnement sans sursis, ou à une peine d’emprisonnement avec sursis d’une durée supérieure à un mois, assortie ou non d’une amende, pour l’un des délits suivants : vol, escroquerie, abus de confiance, trafic de stupéfiants, détournements et soustraction commis par les agents publics,, corruption et trafic d’influence, contre façon et en général pour l’un des délits passibles d’une peine supérieure à cinq ans d’emprisonnement ;
ceux condamnés à plus de trois mois d’emprisonnement sans sursis, ou à une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à six mois avec sursis, pour un délit autre que celui énuméré au deuxièmement ci-dessus sous réserve des dispositions de l’article L5 ;
ceux qui sont en état de contumace ;
les faillis non réhabilités dont la faillite a été déclaré soit par les tribunaux sénégalais, soit par un jugement rendu à l’étranger et exécutoire au Sénégal ;
ceux contre qui l’interdiction du droit de voter a été prononcée par une juridiction pénale de droit commun ;
les incapables majeurs. »
« ARTICLE L.4
Ne doivent pas être inscrits sur la liste électorale pendant un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive, les condamnés soit pour un délit visé à l’article L3, 3° à une peine d’emprisonnement sans sursis égale ou supérieure à un mois ou égale à trois mois, ou une peine d’emprisonnement avec sursis égale ou supérieure à trois et inférieure ou égale à six mois, soit pour un délit quelconque à une amende sans sursis supérieure à 200.000 F CFA, sous réserve des dispositions de l’article L5.
Toutefois, les tribunaux, en prononçant les condamnations visées au précédent alinéa, peuvent relever les condamnés de cette privation temporaire du droit de vote et d’élection.
Sans préjudice des dispositions de l’article L3 et du premier alinéa du présent article, ne doivent pas être inscrits sur la liste électorale pendant un délai fixé par le jugement, ceux auxquels les tribunaux ont interdit le droit de vote et d’élection par application des lois qui autorisent cette interdiction. »
Ce sont ces dispositions des articles L.3 et L.4, contenues dans les codes de 1976 et 1982, qui sont reconduites telles quelles dans toutes les éditions ultérieures du Code électoral dont la dernière date de 2022. En examinant les différentes moutures du Code électoral, on constate que le contenu des articles L.3 et L.4, devenus L.29, L.30 et L.31 dans l’actuel code n’a pas du tout changé. Les seuls changements notés résultent dans la nomenclature du texte, c’est-à-dire la structuration des chapitres et la numérotation des articles.
En conclusion, j’estime qu’il est absolument étonnant et incompréhensible que l’opposition pointât du doigt le Président Macky Sall, en l’accusant d’être l’instigateur de ces lois pour « écarter » des adversaires politiques. Ce dernier est arrivé au pouvoir en 2012. Or, ces lois existent depuis bientôt une cinquantaine d’années.
Le président Sall a invité toutes les forces vives de la nation au dialogue, conformément à une tradition solidement établie et profondément ancrée dans notre culture politique. Tous les acteurs politiques devraient se réjouir d’une telle initiative. C’est le lieu de féliciter toutes les parties prenantes au dialogue national qui ont accepté la main tendue du chef de l’Etat pour bâtir les consensus nécessaires pour impulser le développement économique et social pour permettre à notre pays de s’engager durablement dans le chemin de l’émergence. Dans le monde actuel, les acteurs politiques doivent absolument se parler. Le cas de l’Afrique du sud est un exemple édifiant avec le leader charismatique Nelson MANDELA qui après 27 ans d’emprisonnement a dialogué avec ceux qui l’ont condamné et a fini par prendre le pouvoir.
Puisque le dialogue et ouvert, inclusif et toutes les questions qui préoccupent les uns et les autres peuvent être posées sur la table, il y a lieu d’espérer que grâce au génie de notre peuple, les consensus qui seront scellés vont permettre au drapeau démocratique du Sénégal de se hisser toujours plus haut dans le firmament des nations de progrès, de démocratie et de justice.
Dakar le 13 juin 2023
PAR Le Réseau des Féministes du Sénégal
LE CORPS DES FEMMES, CET OBJET POLITIQUE
Nous assistons à l’expression d’une masculinité sénégalaise en parfaite hégémonie sous fonds de destruction et d’abus des femmes. Plus que jamais, nous affirmons notre détermination à ôter ce bâillon qui nous étouffe
Le 1er Juin 2023, la justice sénégalaise a finalement délibéré sur l'affaire Sweet Beauty, dans laquelle Adji Sarr, jeune femme employée de ce salon de massage, avait accusé de viol Ousmane Sonko, président du parti politique Pastef et candidat à la présidence en 2024.
L’accusé a été acquitté des menaces de mort, mais les accusations de viol ont été requalifiées en corruption de la jeunesse. Il a aussi été condamné à 2 ans de prison ferme et à verser 20 millions de FCFA à la victime Adji Sarr, de même que 600 000 FCFA à la justice, en guise de dommages et intérêts. Ndèye Khady Ndiaye, propriétaire du salon de massage, a elle été condamnée à 2 ans de prison ferme pour incitation à la débauche, le paiement d’une amende de 600 000 FCFA et la fermeture de son salon ordonnée.
À la suite de ce verdict, de violents troubles ont secoué le Sénégal pendant des jours occasionnant des morts, des viols de femmes, des saccages de biens publics et privés. Le bilan est macabre. On dénombre plus de 20 morts selon les sources officielles, 500 personnes arrêtées et 8 cas de violences sexuelles sur les femmes ont été rapportés, de même que de nombreux cas de disparitions de personnes. Nous nous inclinons devant ces pertes humaines et nous dénonçons la violence et le saccage des biens publics et privés.
Lecture féministe du verdict
Nous avons été troublées par ce verdict, que nous avons jugé ambigu et confus. Quel que soit l’angle de lecture, ce verdict vient porter un coup dur à la lutte pour les droits des femmes au Sénégal, tout particulièrement en ce qui concerne les acquis criminalisant le viol. Le viol n’est pas écarté, mais requalifié en corruption de la jeunesse. Toutefois, la nature malsaine des relations sexuelles que Ousmane Sonko a entretenues avec Adji Sarr est établie. Les juristes expliquent la corruption de la jeunesse comme étant une forme de contrainte morale ou de pression psychologique qu'un adulte impose à un jeune de moins de 21 ans. Au moment des faits, Adji Sarr était âgée de 19 ans et Ousmane Sonko, 46 ans. En raison du statut social précaire de Adji Sarr, ce verdict suggère qu'il y a eu des contacts sexuels illicites entre les deux, mais pas de viol.
Le viol est l'un des crimes les plus difficiles à prouver, dans un système juridique avec des institutions sexistes où le fardeau de la preuve repose sur les épaules des plaignantes. Les personnes qui croient en la parole des survivantes comme Adji Sarr, considèrent que les troubles et la notoriété de l’accusé ont joué en sa faveur pour une requalification des faits pour un crime passible de 10 ans d’emprisonnement. Le doute profite aux accusés certes. Cependant, la condamnation de Ndèye Khady Ndiaye vient renforcer le fait que le salon de massage n'était pas destiné à des activités licites, ce qui montre que l’accusé n'était pas là pour un simple massage comme il l’avait déclaré. Les services que le salon offrait comme “body-body, finitions” sont à connotation sexuelle. Certains disent qu'il ne s'agit pas d'un procès de moralité, cependant il convient de s’interroger sur le fait qu’un homme de 46 ans fréquente tard dans la nuit et durant un couvre-feu un endroit où une jeune femme de 19 ans, socialement et économiquement vulnérable, exerce un métier qui fait d’elle une proie facile.
Toute survivante qui ose briser le silence doit être crue et soutenue. Les autorités judiciaires (en majorité des hommes), semblent réticentes à appliquer la récente loi criminalisant le viol. Pour rappel, malgré des dizaines d’années de luttes des associations féminines, le viol était considéré comme un simple délit au Sénégal et la loi instaurant sa criminalisation a été promulguée en Janvier 2020, à la suite de plusieurs cas de viols suivis de meurtres. L’hésitation à l’application de la loi et la fréquence des requalifications d’accusations de viol en délits démontrent à quel point nos tribunaux sont réticents. Le viol est répandu et banalisé dans le pays et les hommes qui en sont accusés s'en tirent presque toujours à bon compte.
Toutes les discussions et les actes autour du procès, de même que le verdict, sont révélateurs de plusieurs réalités sociales au Sénégal, notamment la vulnérabilité de jeunes filles fragilisées par un système patriarcal qui se fortifie en les exploitant. Le processus de vulnérabilisation dans lequel sont mises des jeunes filles qui ont le profil de Adji Sarr, les inscrit au carrefour de plusieurs oppressions, au cœur desquelles nous retrouvons le sexisme, le classisme, et l’exploitation sexuelle. La détérioration des conditions de vie de la population fragilise particulièrement les jeunes et les femmes qui sont doublement impactées. Que ce soit dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’économie, de la représentation politique et dans les instances de prise de décision, les droits des femmes sont de plus en plus bafoués.
En utilisant cette affaire privée à des fins politiques, les deux camps, l’opposition comme le parti au pouvoir, se rejoignent sur un point : ils fragilisent la parole et le corps des femmes et accentuent leur asservissement dans une société foncièrement misogyne. Le pays tout entier est aujourd'hui pris en étau entre les caprices de deux hommes puissants. Et le mutisme du Président de la République sur la question du troisième mandat, porte préjudice aux femmes et accentue leur vulnérabilité, car cela a servi de prétexte à la politisation d’une affaire privée entre deux citoyens sénégalais. Le corps de Adji Sarr est ballotté entre les deux camps et il leur sert de punchingball.
Ce qui a été évident ces dernières semaines, c’est que nous avons assisté à un simb international misogyne au sein duquel les hommes s’engagent dans un duel de mots dans les médias, invisibilisant la survivante, en ignorant les faits initiaux. La violence endémique (aussi bien verbale que physique) contre les femmes et les filles est légion dans le pays. À l'heure actuelle, 36 jeunes filles âgées de 6 à 16 ans ont été abusées sexuellement par un maître coranique aux alentours de Touba. Il s’est rendu de lui-même aux autorités policières. La suite? Nous l’ignorons. Pendant ce temps-là, ses victimes vivent avec ce traumatisme. Nous recevons déjà les échos de leur marginalisation dans leur communauté où on les rend coupables de ce qui leur est arrivé.
Les féminicides sont de plus en plus nombreux, les violences de toutes natures prolifèrent, et pourtant peu osent briser le silence ou entamer une procédure judiciaire pour demander réparation. Si on y ajoute le récent durcissement (radicalisation) du discours politique et la fermeture de l'espace civique, on assiste à un avancement d’un discours masculin auto-centré où les doléances des femmes sénégalaises restent à la périphérie et ne sont pas prises en compte.
La banalisation du viol
On constate une banalisation endémique du viol au Sénégal et nombreux sont ceux qui, ignorent ce qu'est un viol . Dans l'imaginaire collectif, le viol est juste un flirt trop poussé, un consentement ignoré mais qui ne prête pas à conséquence. En se moquant de l'apparence de sa victime avec des propos abjects: "Si je devais violer, je ne violerais pas une guenon frappée d'AVC", Ousmane Sonko considère que l’agression sexuelle est une forme de flatterie, une faveur accordée à toute femme qui le mériterait. Au-delà de la caricature animalière et du validisme de ces mots, faut-il lui rappeler que le viol n'est ni romantique, ni même une affaire de sexe. Le viol est une question de pouvoir et de contrôle qui n'a rien à voir avec l'apparence de la victime. Autrement, ni les bébés, ni les petits enfants ne seraient violés !
Les accusations selon lesquelles Adji Sarr aurait été manipulée sont sexistes et infantilisantes. Ces allégations suggèrent que les femmes sont incapables d’elles-mêmes de formuler des accusations de viol. Ce discours renforce les stéréotypes sexistes et minimise la parole des femmes qui dénoncent des violences sexuelles. La valeur de la parole des survivantes de viol est aussi questionnée. À chaque fois qu’une survivante de viol arrive à dénoncer, ce sont des efforts physiques et psychologiques qu’elle a dû faire avant d’en arriver là. De même qu’il n’y a pas une figure typique de violeur, il n’y a pas un profil parfait de survivante. Chaque survivante a sa manière de vivre son traumatisme et de se reconstruire. Adji Raby Sarr ne fait pas exception. Monsieur Sonko, non plus, même s’il est affublé du sobriquet “mou sell mi”.
Le viol est une arme de domination et les femmes sont les premières à en payer le tribut. Durant les récents troubles, huit femmes ont été violées, trois étudiantes à l'université Assane Seck de Ziguinchor et cinq autres par des hommes encagoulés qui ont attaqué l'hôtel-bar Columbia à Diamniadio. Le corps des femmes est chosifié et fait partie du bien public à piller comme les commodités volées lors des manifestations, corvéable à merci et consommable à volonté.
Le traitement médiatique de ces deux dernières années a aussi révélé son lot de misogynie. Dans une tribune antérieure, nous alertions déjà sur la représentation et le traitement des violences sur les corps des femmes dans la presse sénégalaise . Le sensationnalisme, le racolage et le voyeurisme sont la règle pour traiter des violences sexuelles.
La chasse aux féministes
Ce verdict a renforcé la précarité des féministes qui ont soutenu la prise de parole de Adji Sarr. Aujourd'hui, la croire, c'est s'exposer à la lapidation et aux menaces. Durant les troubles du 1er et 2 juin 2023, des jeunes manifestants ont rudoyé une militante des droits des femmes. De même, des noms et des photos de plusieurs féministes sénégalaises ont été diffusés sur les réseaux sociaux, incitant à leur traque. Les féministes sont comme mises au ban de la nation, exclues pour avoir eu l'outrecuidance d'exercer un tant soit peu leur esprit critique en refusant de répondre à l'injonction au silence. Ce sont là des logiques de silenciation classiques auxquelles les féministes sont quotidiennement confrontées, aussi bien dans la sphère publique que privée. L’hostilité de l’espace public sénégalais aux discours et actions féministes est une réalité prégnante depuis plusieurs années. Le refus de la perte des privilèges masculins a installé un climat délétère.
Il est tout de même paradoxal que dans d’autres cas d’abus sexuels, la société fait appel aux féministes. Mais dans l’affaire Sweet Beauty, les féministes sont attaquées, car elles mettent la parole d’Ousmane Sonko en doute. Les militantes, de même que les chercheuses autour des questions de genre sont utilisées comme une arme à double tranchant. On recherche souvent leur expertise, tout en discréditant leur parole.
La voix des femmes doit aujourd'hui se libérer de cette gangue dans laquelle l'a emprisonnée le vacarme des politiciens assoiffés de pouvoir. Les faits autour de l’affaire Sweet Beauty doivent être rapportés dans leur implacable vérité, nonobstant les suppositions, les préjugés, les à priori et les stéréotypes. Leur chronologie ne laisse aucun doute pour un esprit libre. Une affaire privée a été instrumentalisée à des fins politiciennes pour éviter à un leader politique d'avoir à répondre de ses actes. Que cette même affaire ait servi à l'autre camp pour éliminer un adversaire politique, c'est fort possible compte tenu de l'histoire récente du pays. En amalgamant la politique et les affaires privées, les politiciens ont réussi à fragiliser la parole et le corps des femmes désormais jetés en pâture aux instincts les plus féroces d'une société foncièrement misogyne qui ne reconnaît aux femmes que le droit au silence.
Ce que veulent les féministes
Nous voulons un pays plus égalitaire où la paix, la justice et la dignité seront pour tous.tes les citoyen.nes. Nous demandons :
- La mise en place de politiques qui prennent en compte toutes les couches sociales
- Le renforcement de la sécurité des femmes et des enfants
- L’application totale de la loi 20.05, portant sur la criminalisation du viol et de la pédophilie
- La confidentialité des données personnelles des survivantes
- L’implantation de tribunaux spécialisés pour juger les auteurs d’agressions sexuelles
- Une prise en charge holistique effective et gratuite qui englobe une intervention médicale, psychosociale et juridique, de même qu’une prévention et une réponse centrées autour des survivantes
- Une révision des manuels de formation de toutes les personnes impliquées dans la prise en charge des survivantes pour renforcer leur capacité à apporter des réponses adaptées aux traumatismes
- Une formation plus rigoureuse de la presse au traitement médiatique des questions de violences sexuelles et sexistes
Compte tenu de l’ampleur de la crise que traverse le pays, nous demandons au Président de la République Macky Sall de s’adresser directement au peuple et de clarifier ses intentions quant au troisième mandat.
L'exception sénégalaise comme exemple de démocratie en Afrique n'est qu'un mirage. Elle s’est construite au détriment des femmes qui n'ont pas exprimé les souffrances qu'elles subissent quotidiennement dans une société hypocrite dans sa façon de traiter les femmes et les enfants. Nous assistons à l’expression d’une masculinité sénégalaise en parfaite hégémonie sous fonds de destruction et d’abus des femmes. Plus que jamais, nous affirmons notre détermination à ôter ce bâillon qui nous étouffe. Rien ni personne ne réussira à nous exclure de cette nation. Citoyennes à part entière, nous entendons bien exercer nos droits et accomplir nos devoirs sans céder aux terroristes des idées et aux mercenaires de la plume. Nous dénoncerons tous les abus, toutes les exactions, tous les excès, tous les viols et surtout nous n'abandonnerons jamais notre esprit critique qui fait de nous des femmes libres qui n'ont aucun besoin de maîtres à penser.
par Bocar Ndaw
LES BRISURES DE L'UNIVERSITÉ
Les étudiants se retrouvent dans une situation précaire, avec une formation insuffisante et peu d'opportunités d'emploi. Les perspectives d'avenir sont sombres
Les événements qui ont secoué l'Université Cheikh Anta Diop le 1er juin resteront à jamais gravés dans nos mémoires. Nos cœurs se serrent lorsque nous repensons à cette journée sombre, où les flammes de la colère et de la violence ont englouti les couloirs où nous avons tant appris. Ce fut une véritable tragédie, une déchirure dans le tissu même de l'éducation au Sénégal.
Dans cette nation qui prétendait placer l'éducation au sommet de ses priorités, il est triste de constater le manque de respect flagrant envers les étudiants et leur avenir. Les autorités, préoccupées par les jeux de pouvoir politiques, ont négligé les besoins essentiels de ceux qui étaient censés être les gardiens du savoir. Les conséquences sont terribles, se répercutant bien au-delà des murs fissurés de notre institution.
Il est facile de pointer du doigt la décision de reprendre les cours en ligne comme une solution rapide et pratique, mais elle est loin de refléter les véritables enjeux auxquels nous sommes confrontés. En prétendant se soucier de notre sécurité, les autorités ont oublié que l'éducation ne se limite pas à des bâtiments en ruines. L'éducation est un éveil des esprits, une exploration de l'inconnu, une communion entre étudiants et enseignants. Comment pouvons-nous espérer cultiver ces précieuses étincelles d'apprentissage à travers des écrans froids et distants ?
Pire encore, cette décision ignore les réalités de notre pays. Le Sénégal, bien qu'en voie de développement, fait face à des défis considérables en matière d'accessibilité numérique. Pour beaucoup d'entre nous, Internet est un luxe inaccessible, une porte fermée à clé vers le monde du savoir. Comment pouvons-nous nous élever lorsque les outils nécessaires à notre émancipation sont hors de portée ? Les autorités doivent reconnaître que l'éducation est un droit fondamental qui ne peut être compromis par des décisions prises dans l'indifférence.
Mais ce qui m'attriste le plus, c'est l'absence de représentation étudiante digne de ce nom. Depuis trop longtemps, nos voix ont été muselées, étouffées par des intérêts politiques égoïstes. Les représentants étudiants, supposés être nos porte-paroles, ont été réduits à de simples marionnettes manipulées par les fils invisibles du pouvoir. Comment pouvons-nous espérer être entendus lorsque ceux qui prétendent nous représenter ne sont en réalité que des pions dans un jeu politique sans fin ?
Les autorités universitaires doivent prendre conscience de l'urgence de la situation. Elles doivent écouter nos revendications, nos inquiétudes, nos espoirs brisés. L'éducation ne peut pas être sacrifiée sur l'autel de l'indifférence politique. Nous sommes l'avenir de ce pays, les porteurs de lumière dans un monde assombri par l'ignorance. Nous méritons mieux que des promesses vides et des décisions prises à la hâte.
L'avenir incertain des étudiants sénégalais ?
L'avenir des étudiants sénégalais est enveloppé d'une épaisse brume d'incertitude, les plongeant dans l'angoisse et le questionnement. Alors que nous avançons sur le chemin de notre éducation, nous nous demandons quelles opportunités nous attendent sur le marché du travail. Malheureusement, la réalité actuelle ne laisse que peu de place à l'optimisme.
Le marché du travail au Sénégal est hautement compétitif et exige des compétences spécifiques pour réussir. Cependant, la formation que nous recevons à l'université ne parvient souvent pas à répondre aux exigences du monde professionnel. Les programmes académiques sont souvent déconnectés des besoins réels du marché, ce qui laisse les diplômés sans les compétences nécessaires pour s'adapter et réussir dans leur domaine d'expertise.
De plus, la qualité de l'enseignement dans de nombreuses institutions sénégalaises est en deçà des normes attendues. Les ressources limitées, les effectifs pléthoriques et les infrastructures vétustes entravent notre capacité à acquérir une éducation de qualité. Les enseignants, souvent surchargés de travail, n'ont pas toujours le temps ou les moyens de dispenser un enseignement individualisé et de fournir un encadrement adéquat aux étudiants. Cette situation précaire compromet notre développement académique et professionnel, laissant peu d'espoir quant à notre préparation pour les défis du monde du travail.
En outre, les outils d'enseignement et les technologies disponibles sont souvent insuffisants. Les laboratoires et les équipements scientifiques, nécessaires pour une formation pratique et expérimentale, sont souvent obsolètes ou inexistants. Les étudiants des filières scientifiques sont particulièrement touchés par ce manque de ressources, ce qui limite leur capacité à développer les compétences pratiques nécessaires dans leurs domaines respectifs.
En conséquence, les étudiants se retrouvent dans une situation précaire, avec une formation insuffisante et peu d'opportunités d'emploi. Les perspectives d'avenir sont sombres, car de nombreux diplômés peinent à trouver un emploi correspondant à leurs compétences et à leurs aspirations. Les taux de chômage élevés parmi les jeunes diplômés témoignent de cette réalité amère.
Face à ces défis, il est impératif que les autorités éducatives sénégalaises prennent des mesures urgentes et significatives pour garantir un avenir plus prometteur aux étudiants. Des réformes structurelles sont nécessaires pour aligner les programmes académiques sur les besoins du marché du travail et pour renforcer la qualité de l'enseignement. Des investissements adéquats dans les infrastructures, les laboratoires et les équipements sont indispensables pour offrir une formation pratique de qualité.
Il est également essentiel de favoriser une collaboration étroite entre les universités et les acteurs économiques, afin de garantir que les compétences enseignées correspondent aux besoins réels des employeurs. Des programmes de stages et d'apprentissage en entreprise doivent être développés pour offrir aux étudiants une expérience professionnelle concrète et les préparer à la réalité du monde du travail.