Dans ce rêve, de la fumée noire s’élève de l’université de Cheikh Anta.
Elle s’élève aussi de plusieurs commerces, de magasins, de banques, de stations-
service...
D’ailleurs il y a des queues devant les banques dès qu’elles ouvrent parce qu’elles ont
dû rester fermées certains jours pour raisons de sécurité.
Pas que les banques d’ailleurs. A la une de plusieurs journaux TV dans le monde, il y a des images de rues de Dakar vides alors que ce n’est pas férié.
Des unes, non pas sur le but libérateur de Sadio Mané à la CAN, mais parce que Dakar fait peur. Il y a des personnes utilisées comme boucliers vivants, d’autres qui ressemblent à des nervis ou des snipers qui circulent dans la ville.
Il y a des morts, forces de l’ordre et manifestants, tous fils du pays, des vies perdues dans un rideau de pierres, de coups et de balles.
Ces forces de l’ordre, équipées de la tête au pied de matériel de protection anti-émeutes flambant neuf ! On dirait une armée de Dark Vador avec leurs casques noirs.
Le vinaigre se vend bien tout à coup, il aide à supporter les lacrymogènes.
Au milieu de ce tumulte se tient un homme, grand, calme alors qu’il est pourtant encerclé. Comment fait-il pour rester calme dans un moment pareil, apparemment sans défense au milieu des Dark Vador ?
Je vois un village en bord de mer, lui aussi encerclé, enfermé ; ils ne peuvent pas sortir et personne ne peut accéder, il y a des barrages à tous les accès, des pneus et des
bennes à ordures, calcinés.
Internet est coupé. Sans doute des installations ont dû être touchées ? Tout le monde parle d’un certain Monsieur VPN qui doit tout résoudre et tout le monde le cherche.
La vendeuse de tissus de HLM n’a pas pu recevoir son Wave, sa tontine OM a pris du retard. De toute façon elle n’arrive plus à livrer ses clientes du centre-ville, les deux-roues sont interdits de circulation.
Certains, à une semaine de leurs examens, ne peuvent plus accéder à leurs cours en ligne.
La famille à l’étranger ? Impossible de se parler. Youtube ? On oublie aussi. Un rapport urgent à envoyer par mail ? Impossible.
Il semble d’ailleurs, qu’un des opérateurs de téléphonie fait une campagne promotionnelle, mais ce que je ne comprends pas c’est pourquoi son nom apparaît à côté du mot Sénégal ? Free Sénégal ?
Il y a des arrestations aussi, beaucoup, par centaines, des élèves, des journalistes, des rappeurs, des activistes et même une célèbre animatrice parce que le mot Résistance est devenu interdit. Pourtant on est bien en juin 2023 ? Pas en juin 2011 ?
Ce n’est pas un remake quand même ? Parce qu’en juin 2011 déjà il était question d’élections et de ce 3ème quelque chose dont on ne voulait pas. Et il y avait aussi eu des morts.
Qu’a donc ce mois de juin avec le Sénégal ?
A moins que je n’aie fait un saut dans le temps ? Serions-nous en juin 1940 ?
Quelqu’un me dit de faire attention parce que certains noms peuvent prêter à confusion ; certains prénoms aussi d’ailleurs, on peut vous compter parmi les étrangers.
J’ai dû me tromper de rêve, ou le rêve s’est trompé de destinataire.
C’est forcément un cauchemar : nos héros d’hier ne peuvent pas, n’osent pas être nos bourreaux d’aujourd’hui.
Un roi apparaît, à côté de ce qui semble être un moustique, il s’appelle Nemrod. Puis un Pharaon entouré d’eau.
Il est temps de se réveiller. Je dois vérifier cette connexion.
par Seydoux Diouf et Antoine Tony Diatta
AUX ORIGINES DES CASSES ET DES INCENDIES
Nous invitons donc le ministre de l’enseignement supérieur et les autorités universitaires à dissoudre le MEER national, principale menace de la paix et la tranquillité des étudiants et toutes les autres entités politiques présentes à l’université
Seydoux Diouf et Antoine Tony Diatta |
Publication 11/06/2023
Tout d’abord, il convient pour nous de nous incliner devant tous ces morts annoncés depuis le début de ces évènements tristes et dramatiques et de compatir à la douleur de leurs familles respectives. Nous présentons aussi nos sincères condoléances à toute la nation sénégalaise qui a perdu une vingtaine de ses fils en seulement trois jours. Nous sommes convaincus que ces derniers n’ont commis qu'un seul tort : combattre l’injustice au prix de leur vie. Que leur combat ne soit pas vain !
Certes, le combat contre l’injustice est un devoir pour tout citoyen libre d’esprit mais il ne doit pas être un prétexte pour mettre à genoux un symbole comme l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar pour parler comme le ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Ce qui s’est passé jeudi dernier à l’ucad est innommable et insupportable pour tout pensionnaire de ce temple du savoir. Au campus social, des véhicules de particuliers et des bus pour le personnel ont été tous incendiés. Les bureaux du Coud et les restaurants n’ont pas été épargnés. Ils ont tous été saccagés puis brûlés. Le campus, jadis si bon à vivre et si beau à voir, est devenu depuis ce jeudi-là invivable et triste à voir. Et c’est aussi pareil pour le campus pédagogique où des bureaux, des amphithéâtres et des véhicules ont été saccagés et incendiés. La faculté de Droit a vu son chapiteau de 1500 places réduit en cendres. Quelle triste image ! Ce qui est sûr, c’est que l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, récemment classée première en Afrique francophone, ne s’en remettra pas vite.
Et cela, tout le monde le sait tout comme on sait aussi qui est aux origines de ces casses et de ces incendies. Nous sommes nombreux à accuser à tort les étudiants membres du Parti Pastef-Les Patriotes mais nous pouvons vous dire avec certitude que ces gens-là peuvent être parmi les casseurs et les saccageurs mais ils sont loin d’être ceux qui ont commencé cette
série de casses et d’incendies. Si vraiment les autorités universitaires cherchent à savoir qui sont les premiers, ils n’ont qu’à mener des enquêtes au sein du MEER National. Tous les
étudiants qui étaient dans le campus social ce jour-là ont vu, dès l’annonce du verdict, des hommes armés de coupe-coupes, de haches, de couteaux et d’autres objets blessants, se balader dans le campus. Et ce, sous le regard et le silence des agents de sécurité du Coud. Pourquoi ces derniers n’ont pas réagi comme ils l’auraient fait avec les étudiants “légitimes” ?
Eh oui, “légitimes” parce qu’au moins, ils se sont régulièrement inscrits dans une faculté, suivent leurs cours au quotidien et dorment même au campus toutes les nuits. Contrairement aux membres du MEER National dont la plupart d’entre eux ont cartouché de l’université mais y mènent toujours des activités illégales troublant ainsi la paix et la tranquillité qui doivent
régner dans cet espace-là. Ce groupuscule d’hommes, soutenu par de hautes autorités de la république, est à l’origine de toutes les violences constatées à l'université ces derniers mois. Ce sont des gens qui n’ont point la carrure d’étudiant. Ce sont les boucliers de ces autorités que nous venons de citer. Et cela leur confère le droit d’accéder librement au campus, d’y loger et d’y mener des activités malgré qu’ils ont perdu leur statut d’étudiant.
Il y a de cela quelques mois les services de sécurité du Coud avaient procédé à une fouille générale des pavillons et les sénégalais étaient très étonnés du nombre de machettes qui a été retrouvé dans les chambres des étudiants dont la plupart sont du MEER National. Pourtant, le port d’armes est formellement interdit au sein du campus social de l’université. Pourquoi alors n’y a-t-il pas de poursuites judiciaires contre ces gens-là dont des armes blanches ont été retrouvées dans leurs chambres ? Ah, nous oublions même que nous sommes au Sénégal où la loi est faite pour ceux qui la respectent et non pour ceux qui la violent. Hélas ! Que chacun pense ce qu’il veut mais les récents évènements nous permettent d’avoir une idée des origines des violences au sein de l’espace universitaire.
Pour ces évènements-là, les membres du MEER National étaient les premiers à sortir avec des machettes. Ils étaient là, devant le pavillon B, en train de se préparer depuis presque toute la matinée. Et dès l’annonce du verdict condamnant le président Ousmane Sonko, un groupe d’étudiants a voulu rejoindre la grande porte pour manifester son désaccord, comme cela se fait à chaque fois qu’il y a des manifestations. Mais ils ont été contraints de sortir par des hommes armés du MEER national qui menaçaient de tuer tout étudiant qui tenterait de hausser le ton. Et c’est là qu’ont commencé les arontements violents jusqu’à ce que les membres du MEER national, dominés, aient pris la fuite et les autres ont pris d’assaut la salle télé. Qui sont-ils pour menacer des gens qui ne voulaient que manifester pacifiquement contre la condamnation de leur leader ?
Ce qui est sûr, c’est que si ces gens-là n’avaient pas empêché aux étudiants de rejoindre la grande porte, il n’y aurait pas tous ces dégâts à l’université. Les manifestants allaient tout simplement sortir du campus social et bloquer la circulation ou rejoindre le domicile de leur leader, à Cité Keur Gorgui. Dommage qu’à cause d’un groupe d’individus dont la seule légitimité est d‘être des faiseurs de sales boulots de quelques autorités de la république, l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, l’une des plus vieilles universités d’Afrique et les plus performants pour avoir formé au moins quatre chefs d’Etats, a été vandalisée et mise au chaos par des non étudiants. Nous insistons là-dessus : ceux qui ont saccagé l’université ne sont pas des étudiants. Combien de fois, les étudiants ont manifesté leur colère sans jamais saccager de bureaux ni brûler d’amphithéâtres ou de voitures de qui que ce soit ? Combien de fois les étudiants ont manifesté sans que les cours ne soient suspendus ? Combien de fois les étudiants ont manifesté sans causer autant de dégâts matériels ? On peut tout dire aux étudiants de l’Ucad mais ils ne sont pas inconscients à ce point.
Nous invitons donc le ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et les autorités universitaires, notamment le recteur, les doyens de facultés et le directeur du
Coud à d'abord dissoudre le MEER national, principale menace de la paix et la tranquillité des étudiants et toutes les autres entités politiques présentes à l’université, ensuite interdire toute activité de nature politique dans tout l’espace universitaire et enfin identifier et prendre des mesures coercitives à l’encontre des casseurs et des saccageurs pour protéger notre université. Car elle est notre patrimoine, nous petits-fils de Cheikh Anta Diop.
Seydoux Diouf est étudiant en Science Politique à l’UCAD
Tony Diatta est étudiant en Droit à l’UCAD
PAR Jean-Baptiste Placca
DE L'IMAGE DE LA DÉMOCRATIE SÉNÉGALAISE
Ce qui arrive actuellement aux Sénégalais rappelle les désillusions de peuples qui se nourrissent de slogans tirés de la bravoure de lointains prédécesseurs, sans être toujours eux-mêmes à la hauteur des sacrifices de leurs glorieux devanciers
Alors que la tension semble retomber, à Dakar et ailleurs dans le pays, l’opinion africaine s’interroge, plus que jamais, sur ce que les manifestations meurtrières de ce mois de juin disent de la démocratie, au Sénégal. Ce pays est-il encore une des démocraties les plus crédibles du continent ?
Ce qui arrive actuellement aux Sénégalais rappelle les désillusions de peuples qui se nourrissent de slogans tirés de la bravoure de lointains prédécesseurs, sans être toujours eux-mêmes à la hauteur des sacrifices de leurs glorieux devanciers : « berceau de la démocratie », « pays des droits de l’homme », etc.
Du milieu des années 60 à la fin de la décennie 80, le Sénégal a prospéré sur une réputation de paradis démocratique, en raison, essentiellement, de la prédominance du parti unique dans la plupart des Etats africains. Mais, du point de vue des facteurs qui concourent à la consistance d’une démocratie, le Cap-Vert voisin supplante, littéralement, le modèle tant vanté du Sénégal, dont l’image de champion de la démocratie en Afrique francophone revêt un désespérant côté cyclique.
Les grands moments de cette démocratie se résument, en réalité, à deux dates, que nombre de peuples d’Afrique francophone envieraient, certes, aux Sénégalais, mais, ils demeurent insuffisants. Le premier a été la reconnaissance, le 20 mars 2000, de sa défaite par le président Abdou Diouf, marquant la première alternance, avec l’arrivée au pouvoir de l’opposant historique, Abdoulaye Wade, qui aura, deux décennies durant, vécu plus de persécutions, de condamnations et d’emprisonnements que n'en connaîtra sans doute jamais Ousmane Sonko.
Les deux mandats d’Abdoulaye Wade seront marqués par un relatif ronronnement de cette démocratie, et quelques épisodes peu glorieux, faits de persécutions et d’emprisonnements d’opposants, mais aussi d’alliés ou de partisans peu dociles, ou suspectés d’ambitions présidentielles. Ainsi d’Idrissa Seck, que l’on a entendu, au micro de Christophe Boisbouvier, ce jeudi. Même Macky Sall sera brutalement destitué du perchoir, pour crime de lèse-héritier. Douze années durant, cette démocratie ira, se banalisant, jusqu’à ce que Abdoulaye Wade, subitement, lui redonne du lustre, en reconnaissant sa défaite, face à Macky Sall, le 25 mars 2012.
AFFAIRE OUSMANE SONKO-ADJI SARR, LA BOÎTE DE PANDORE
Dans la mythologie grecque, Pandore est la première femme créée à la demande de Zeus pour punir les hommes après que Prométhée eut volé le feu des dieux de l’Olympe pour le donner aux hommes.
Une réflexion sur la situation politique au Sénégal
Dans la mythologie grecque, Pandore est la première femme créée à la demande de Zeus pour punir les hommes après que Prométhée eut volé le feu des dieux de l’Olympe pour le donner aux hommes. Zeus décide de passer par Epiméthée, frère de Prométhée, et dont le nom signifie celui « qui réfléchit après coup », afin d’atteindre les humains. Parmi les dons faits par les dieux et déesses de l’Olympe à cette belle créature qu’est Pandore, figure la curio- sité (donnée par Hermès, le messager des dieux). Zeus confie à la femme, au moment où il l’envoie comme épouse- cadeau à Epiméthée, une boîte (une jarre en réalité). Pandore avait pour consigne de ne point ouvrir cette boîte. Or, une fois chez Epiméthée, dans la nuit, Pandore ne résista pas au désir de voir ce que contient la boîte. Elle va tout discrètement l’ouvrir et alors s’échappent de là tous les mal- heurs du monde. Surprise, elle tente de refermer la boîte, mais trop tard, il ne reste que l’espoir (elpis). C’est donc ainsi que la mythologie grecque explique l’origine des maux dont souff- rent les humains. J’ai pensé à ce mythe dans le contexte de la condamnation d’Ousmane Sonko par la justice sénégalaise dans le procès qui l’oppose à Adji Sarr, et tous les incidents qui s’en sont suivis. Il me semble bien que dans cette affaire, après plusieurs tentatives, il a été décidé d’ouvrir la boîte de Pandore.
Qui a ouvert la boîte de Pandore
Personnellement je pense que c’est Macky Sall et son régime. Cette affaire occupe l’actualité depuis trois ans. Et depuis trois ans, ils en ont fait la principale affaire politico-judiciaire. Pendant ce temps d’autres affaires de malversations par exemple, indexées pas des institutions de l’Etat, peinent à trouver la clarification qui sied. Il y a, par ailleurs, la mystérieuse disparition de deux éléments des forces de défense et de sécurité, Didier Badji et Fulbert Sambou de Niomoune. Certains reprochent à l’oppo- sant Ousmane Sonko de s’être laissé prendre au piège en fréquentant ce Salon de massage, soit ! Il aurait sans doute pu éviter que ce soit dans ce contexte. Mais, en quoi la fréquentation d’un salon de mas- sage est-elle un empêchement pour une prétention présidentielle ? l’impression que cela laisse, c’est celle d’une mauvaise copie-collée de l’affaire Dominique Strauss Kahn, qui a éloigné, il y a quelques années, de la présidentielle française un acteur politique important. En plus, ce modus operandi, consistant à mettre aux trousses d’un opposant la justice, était bien connu.
Pourtant des signes étaient là pour inviter à la prudence dans cette affaire. En mars 2021, dans un contexte électrique créé par un an d’enferment et de brutalisation des populations dans le cadre des mesures anti-covid, l’on agite ce dossier. Il n’y avait pas meilleure occasion d’enflammer des Sénégalais qui en avait marre d’être enfermés chez eux et qui avaient soupçonné que les mesures barrières n’étaient pas que sanitaires mais également stratégiques pour maitriser les foules. La soudaineté et la vio- lence des manifestations avaient pris des proportions inquiétantes pour la stabilité du pays et des institutions. Ces manifestations étaient déjà le signe qu’il fallait éviter d’ouvrir cette boîte de Pandore de l’affaire Adji Sarr-Ousmane Sonko. Pourtant, au lieu d’apprécier à sa juste valeur cette menace sociale de troubles graves, le régime bande les muscles avec des formules du genre « force restera à la loi » ou encore « ça ne se reproduira pas ».
Et en plus, dans les parades du pouvoir, notamment à l’occasion de la fête nationale le 4 avril 2023, de lourds moyens de répression sont présentés avec fierté ! Une telle mise en scène augurait-elle un affrontement inévitable ou une simple volonté de dissuasion ? Je penche plus pour la première lecture, puisque chaque fois que cette affaire était agitée, tout ce dispositif de véhicules anti-émeute était bien visible aux points stratégiques de nos villes.
La mobilisation de mars 2021, la percée extraordinaire de l’opposition aux différentes élections, étaient autant d’indicateurs qui ont été volontaire- ment mal lus (dans une logique d’obstination) ou minimisés (ce qui serait grave pour notre République). En effet l’entêtement des gens du pouvoir à penser qu’il ne s’agit là que d’une affaire entre un opposant et une masseuse, montrait un refus méprisant de prendre en compte les cris de souffrance de tant de personnes, je ne dirai pas de jeunes puisqu’il n’y a pas que des jeunes dans cette lutte (c’est aussi de la stratégie de communication politique que de présenter cette lutte comme étant celle des jeunes. L’on a fait le choix d’un thème mobilisateur). On a vite oublié l’épisode covid et la guerre entre la Russie et l’Ukraine qui ont fortement fra- gilisé nos économies, avec la hausse du prix de nombre de produits (le carburant par exemple a pratiquement doublé), et une plus grande précarisation de nos foyers.
Il a souvent été question durant cette période, où M. Ousmane Sonko se disait victime d’un complot, du silence des autorités religieuses. Mais en même temps, il était malaisé d’intervenir dans une affaire en justice où le vrai et le faux semblaient inextricablement liés. Se mettre du côté de Sonko avant le verdict de la justice serait minimiser la plainte de cette jeune dame qui se dit être victime de viol. Et l’on sait combien cette question des violences sexuelles et sexistes est sensible. Il n’est donc pas trop tard pour le religieux que je suis de dire mon mot.
Aujourd’hui que le verdict est tombé, l’on peut s’exprimer avec plus d’aise pour déplorer : Le fait d’avoir utilisé, vraisemblablement à des fins poli- tiques, une question aussi sensible que celle du viol. Cette stratégie inique va fragiliser davantage la voix de ces pauvres femmes victimes de viol dans notre pays.
Le fait d’avoir caché ce mensonge pendant tout ce temps, tout en sachant la vacuité du dossier.
Le fait d’avoir laissé mourir autant de monde pour finir par une condamnation pour « corruption de la jeunesse », la montagne a vraiment accouché d’une souris.
Après trois années violentes, l’impression d’un coup poli- tique mal monté reste au tra- vers de la gorge d’un bon nombre. Nous avons l’impression d’avoir été abusé ! Le plus choquant, c’est que même lorsqu’on s’est rendu que l’affaire était mal ficelée, l’on s’est entêté à aller jusqu’au bout, c’est-à- dire jusqu’à ouvrir la « boîte de Pandore »
Que contenait la boîte de Pandore ?
Dans le mythe grec, elle contenait tous les maux que Zeus avait destiné aux hom- mes. La « boîte » ouverte par la tournure de l’affaire Sonko-Adji Sarr renfermait elle aussi une série de maux. J’en énumère quelques-uns tellement la liste est longue. Le saccage des écoles. Nous avons vu avec effroi les images de certaines facultés de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar avec tout le lot d’objets détruits. Et le plus déplorable, ce sont les archives détruites à jamais. Une partie de la mémoire de cette grande université africaine est allée en fumé. Et que dire de nos écoles ici à Ziguinchor ? L’UFR Santé, les lycées et CEM, écoles primaires et même maternelles. Dans presque tous les cas, ce sont les directions qui ont été visées avec une violence insupportable sur les documents administratifs ou matériel didactique. Par endroit des tables-bancs ont été rassemblés et brulés. Quelle violence symbolique ! Et comme au mois de mars 2021, des commerces et stations saccagés, pillés et brulés.
Le plus troublant à Ziguinchor, c’est le saccage de l’Ipres (Institution de prévoyance retraite du Sénégal, et qui gère le régime national obligatoire d’assurance vieillesse) ; là où nos aînés, après des années de lourd labeur, vont prendre des miettes pour se soigner, finir leurs vieux jours et partager avec leurs enfants et petits- enfants. J’arrête là cette liste qui est bien plus longue. On a l’impression en regardant tout ça, qu’il est question d’une violence aveugle ! Mais que non à mon avis ! Cette violence n’est pas aveugle, elle a une logique !
En décembre dernier, j’ai été très surpris, lors d’un débat avec mes étudiants à l’Université Assane Seck de Ziguinchor, de remarquer qu’ils considéraient que notre système scolaire nous était imposé par la France et que tout ce qui est étudié était du système français. J’étais davantage choqué par le consensus des étudiants sur cette idée. Je leur avais dit mon effarement de voir toute une classe d’étudiants s’accorder aussi unanimement sur un point de vue et que c’était dangereux dans un espace qui est censé être le lieu du débat contradictoire.
Mais en réalité, ce point de vue de mes étudiants est très répandu chez nos jeunes aujourd’hui. Il faut dire que le discours d’une partie d’intellectuels et d’hommes politiques aujourd’hui va dans ce sens. Notre jeunesse est très politisée grâce au réseaux sociaux et passe des heures à écouter des hommes politiques plutôt qu’à apprendre leurs leçons. Il s’agit d’un discours qui discrédite l’école sans proposer d’alternative. Le plus fâcheux, c’est que ceux qui tiennent ce discours ont été formés dans ce système et leurs enfants continuent de l’être ici ou à l’extérieur, notamment en France. Notre système scolaire est-il vraiment une copie du système français ? personnellement je ne le pense pas. Je pense plutôt qu’il est fortement marqué par les Pères fondateurs de notre Nation, qui avait l’ambition de faire de l’homo senegalensis un homme ouvert sur le monde avec une culture générale conséquente. Mais là est un autre débat qu’il faudra peut- être affronter aussi pour rassurer notre jeunesse.
Pour les aînés, il est intéressant de regarder de près le discours qui est porté sur eux depuis quelques années. En réalité, pour légitimer une alternance générationnelle dans les instances politiques ou étatiques, on a tendu à une généralisation et à faire des « vieux » des éléments dangereux pour notre société et qui seraient à l’origine de tous nos malheurs. Paradoxal pour des sociétés africaines où la place de l’aîné est toujours rassurante. En Jóola on dit « anahaan ajakut agay li butoŋ » c’est-à-dire : il n’est pas bon de manquer d’ancien dans une famille.
Des discours politiques ont donné l’impression aux jeunes que leur avenir ne doit se construire que par eux et pour eux. Or, on bâtit toujours sur quelque chose. Ce pays tel qu’il est aujourd’hui est un héritage. Et l’on n’hérite pas de soi, on hérite de ses aînés. La liberté de parole que nous avons au Sénégal est un héritage que beaucoup n’ont pas et qui reste évidemment à améliorer.
Ce qui pourrait être reproché aujourd’hui à des hommes poli- tiques comme Ousmane Sonko ou Guy Marius Sagna et autres, c’est d’avoir mis dans des mains et des cerveaux inexperts des idées qui relèvent de la stratégie de communication politique dans le contexte d’une compétition pour le pourvoir. Il est donc tout à fait logique que dans ce contexte, l’on s’en prenne à des symboles comme l’école qualifiée de néocoloniale, et de tout ce qui peut être lié aux personnes âgées, c’est le cas de l’Ipres. On a donné aux jeunes l’impression qu’ils sont les maîtres du pays, ils l’ont fait à leur manière, sans recule parce qu’il n’y en a pas. Que de per- sonnes âgées humiliées par des gamins dans les barrages de la circulation ces temps-ci ! Un vrai carnaval dramatique ! Mais alors, il appartenait au pouvoir de ne pas ouvrir cette boîte de Pandore, et ces idées distillées habilement dans la tête de nos jeunes n’auraient jamais été actées. Toutefois, dans la boîte de pandore il est resté l’espoir ! osons espérer que nous avons encore la chance de faire ce qu’il faut pour calmer l’incendie et que chacun prenne sa part de responsabilité.
Que Dieu bénisse notre pays ! Brin le 07 juin 2023
PAR Tierno Monénembo
LE SÉNÉGAL BRÛLE-T-IL ?
Plus d’une quarantaine de morts depuis cette sordide affaire de pommade et de fanfreluches (on a connu le débat politique et intellectuel sénégalais à des niveaux beaucoup plus aériens) ! La faute à l’ambition égoïste et démesurée de quelques-uns
Le Point Afrique |
Tierno Monénembo |
Publication 10/06/2023
Ainsi donc, le procès tant redouté a eu lieu. Ainsi donc, le verdict de tous les dangers est tombé. Deux ans de prison ferme non plus pour viol ou pour menace de mort comme formulé par l’acte d’accusation mais pour « corruption de la jeunesse ». Corruption de la jeunesse : Du déjà entendu du côté d’Athènes au temps où l’on forçait les philosophes à absorber une certaine liqueur ! Sonko condamné à la même peine que Socrate ! Une gratification, en quelque sorte même si à défaut de cigüe, il devra boire et jusqu’à la lie, l’eau empoisonnée du troisième mandat.
Mais cela veut dire quoi exactement corruption de la jeunesse ? Un journaliste du Soleil de Dakar a pris soin de traduire aux néophytes ce jargon des édiles et des greffiers : « Au Sénégal, cette infraction est rangée dans la section « attentats aux mœurs » prévue dans l’article 318 et suivant du code pénal. Sera puni aux peines prévues au présent article, quiconque aura attenté aux mœurs en excitant, favorisant ou facilitant habituellement la débauche ou la corruption de la jeunesse de l’un ou l’autre sexe au-dessous de l’âge de 21 ans ou même occasionnellement des mineurs de 16 ans ». On a toujours du mal à distinguer corruption de la jeunesse et abus sexuel sur mineur bien que l’explication soit claire, nette et précise. Que voulez-vous, nous sommes en Afrique ! Les éminents dirigeants qui sont les nôtres ne manqueront jamais de trouvailles juridiques pour noyer leurs opposants, tous porteurs de rage, bien entendu.
Dieu seul sait ce qui s’est réellement passé dans ce maudit salon de massage Sweat Beauty entre Ousmane Sonko et Adji Sarr. Mais les accusations contre les opposants africains sont si courantes et si répétitivement fallacieuses (cela va de la nationalité douteuse au trafic d’enfant !), qu’on a un mal fou à y croire. « Corruption de la jeunesse » ou pas, le très populaire président du PASTEF aurait-il subi tous ces tracas s’il ne s’était pas porté candidat à la présidentielle de 2024 ? Il faut être diablement hypocrite pour l’affirmer.
Plus d’une quarantaine de morts depuis cette sordide affaire de pommade et de fanfreluches (on a connu le débat politique et intellectuel sénégalais à des niveaux beaucoup plus aériens)! La faute à qui ? A l’ambition égoïste et démesurée de quelques-uns ! La crise qui secoue le Sénégal est sans précédent et il convient d’en établir les responsabilités. Ne nous voilons pas la face, la cause de nos maux est unique du nord au sud du continent : la boulimie du pouvoir sans fin, du pouvoir sans partage. Le Sénégal n’en serait pas là si le président Macky Sall n’avait pas entretenu cette ambiguïté malsaine sur la maudite question du troisième mandat. Il n’y aurait eu ni mort ni blessé, ni cette atmosphère irrespirable de menace de guerre civile si dès le début il avait exprimé son intention de partir à la fin de son mandat comme le stipule clairement la Constitution. Les règles, c’est pour tout le monde ; sinon il n’y a pas de règle.
Société civile, intellectuels, prêtres et marabouts du Sénégal, pour parler comme Senghor, « l’heure est grave » ! Sortez du bois, sauvez le Sénégal pendant qu’il est temps ! Gardez l’exception sénégalaise, ce modèle de démocratie, de tolérance ethnique et religieuse, de paix et de stabilité, d’autant qu’à la grâce politique est venue s’ajouter ces vingt dernières années, une croissance économique exceptionnelle !
Le Mali et le Burkina ont sombré. La Guinée est à l’agonie depuis des lustres. La Sierra-Leone et le Libéria sont encore en salle de réanimation. La Côte d’Ivoire n’en a pas fini avec ses vieux démons… Sénégalais, ne faites pas comme nous ! Que va-t-il nous rester si vous brûlez votre bijou de pays ?
DONNEZ-NOUS LA PAROLE AUSSI, NOUS SOMMES ÉGALEMENT LA JEUNESSE
EXCLUSIF SENEPLUS - Posons les fondations d’une transmission intergénérationnelle, écoutez les aspirations de la jeunesse, échangez sur les priorités de développement mais surtout arrêtez de la caricaturer
"70% de la population sénégalaise ont moins de 35 ans", la fameuse phrase que l’on entend partout et tout le temps. Il est connu de tous, que le Sénégal a une population jeune. Cette jeunesse représente le présent et le futur du Sénégal. Elle a ses aspirations, sa vision, ses craintes et ses tares mais elle est surtout consciente de sa force et veut pleinement jouer son rôle pour aider le Sénégal à continuer sa marche vers le progrès social.
Dans une ambiance politique et sociale très tendue depuis au moins deux ans, la jeunesse pleure ses morts, ceux qu’elle appelle dorénavant "martyrs".
Au moins 30 sont morts durant les manifestations de mars 2021 et celles de juin 2023, motivés par leur désir de justice, d’équité sociale et un meilleur présent et futur pour leur pays, ils rencontreront la grande faucheuse alors qu’ils étaient sortis pour exprimer leur citoyenneté à travers leurs droit constitutionnel : le droit à la manifestation.
Aucune enquête n’a livré de coupable pour le moment laissant les familles des victimes dans un grand désarroi en plus d’avoir un sentiment d’injustice. Quelle tristesse pour un parent d’enterrer son fils de moins de 18 ans, tué par balle alors qu’il était juste sorti exercer son droit constitutionnel.
Si elle ne perd pas la vie durant des manifestations, elle la perd en haute mer. À la recherche d’un bien-être, elle a pris la pirogue, Barça ou Barsakh comme slogan d'espoir afin de pouvoir subvenir aux besoins de leur famille, elle ne rentrera pas. Le Sénégal pleure ses 480 jeunes qui sont morts en prenant la pirogue, nous prions le créateur, le miséricordieux de leur offrir son pardon et un repos éternel.
Une jeunesse caricaturée, marginalisée et livrée à elle-même
"Allez vous inscrire massivement et voter" ou "Sortez manifester, mortal Kombat" ou "Nous faisons appel à la jeunesse pour qu'elle prenne ses responsabilités pour protéger leur quartier ou dénoncer les forces occultes"; Voici les missions pour un jeune au Sénégal.
En dehors de ces trois missions, le jeune au Sénégal est livré à lui-même, son éducation n’est pas une priorité, sa santé est fragilisée notamment à travers les infrastructures et le coût pour ses soins, son insertion professionnelle et son employabilité sont incertains voire précaires et son ascension et bien-être sociales restent un mirage tant toutes ces questions restent sans réponse. Certains pourront dire qu’il y a le programme Xeeyu Ndaw yi, d’autres parleront de l’existence d’instruments publics comme la DER, ANPEJ, FONGIP, 3FPT, CNJS etc… alors que nous savons tous que ces instruments, s’ils ne sont pas politisés sont élitistes, limite claniques.
Ah cette pauvre jeunesse, elle est caricaturée et marginalisée, elle est traitée d’indiscipliné, de vandale, de bandit, etc. Cependant, la jeunesse est un reflet des aînés. Elle voit ses aînés, ses représentants et ses élus être les premiers ambassadeurs de la violence verbale et physique.
Quelle leçon doit tirer un jeune quand des députés du peuple se donnent à des actes de violences verbales et physiques devant tous les Sénégalais. Quelle leçon doit tirer un jeune quand il est témoin des violentes invectives entre acteurs de la classe politique. Quelle leçon doit tirer un jeune quand des "insulteurs certifiés du web et cyberespace" sont reçus par le président de la République. Il est facile de ne pas assumer ses responsabilités et tirer sur les jeunes au lieu de les accompagner dans leur parcours d'apprentissage. Oui, la jeunesse est un chemin d’apprentissage qui mène vers la maturité et la sagesse : "On ne récite pas ce que l’on n’a pas appris" (Proverbe Wolof)
Une jeunesse emprisonnée, censurée et muselée…
Après les récents événements tragiques de la semaine dernière, des experts, politiques et représentants de la société civile ont occupé les plateaux de télévisions/radios pour parler de la jeunesse et de ce qu’elle est devenue. Une jeunesse terriblement critiquée et marginalisée à qui on a ôté le droit de parler pour elle-même car absente des médias traditionnels. Aucun jeune manifestant n’a été invité dans les médias traditionnels pour parler pour lui-même, d’autres personnes parlent pour lui. Très peu d’organisations dirigées par des jeunes et dont la mission sert les jeunes n’ont eu un temps de parole conséquent pour parler de la situation actuelle des jeunes et Dieu sait que organisations de jeunes qui passent beaucoup de temps avec les jeunes, il y en a pléthore.
Les médias préfèrent donner la parole aux politiques ou à des personnes dont la maîtrise des aspirations de la jeunesse se limitent à la perception personnelle qu’elles ont de la question sans pour autant maîtriser le contexte ou avoir des données factuelles.
La jeunesse est emprisonnée, elle est emprisonnée pour avoir posté des émojis sur Facebook, elle est emprisonnée pour avoir fait un commentaire sur un post Facebook qui parlait du conflit en Palestine, elle est emprisonnée pour diffusion de fausses nouvelles etc. La question que nous devons nous poser en tant que nation et peuple est : "Est-ce normal d’emprisonner un jeune pour un post sur les réseaux sociaux aussi diffamatoire qu’il soit?" - un jeune ne doit pas être familier avec l’incarcération à moins que le délit soit un crime extrêmement grave. Il existe d’autres moyens dissuasifs et d’autres sanctions comme une amende ou des travaux d’intérêt général.
Maintenant, la jeunesse est même censurée, réseaux sociaux et internet mobile restreints sous couvert de sécurité intérieure, pénalisant les jeunes entrepreneurs mais aussi privant la jeunesse du seul espace d’expression de leur voix et opinion que leur offre le cyberespace.
Légitimité ? De quelle légitimité parle-t-on ?
En tant que jeunes acteurs de développement qui travaillent sur les questions de développement local et progrès social, la première question à laquelle nous sommes confrontés quand nous demandons d’être audibles sur le sujet de la jeunesse au niveau des médias traditionnels et des espaces d’expression en dehors du cyberespace est celle de notre légitimité. "Vous êtes qui ?" - "Qu’est-ce que vous avez fait" - "Envoyez-nous ce que vous avez fait" - ces types de questions montrent que au Sénégal, certains ne s'intéressent à la jeunesse que quand elle sort manifester sinon comment peut-on expliquer que des médias, des experts ou le gouvernement ne sachent pas qu’il y a des organisations dont la mission sert les jeunes et qui sont 365 jours sur 365 en train d’implémenter des projets pour les jeunes dans leur autonomisation et développement. Pour parler de la jeunesse en mal, il y aura pléthore de candidats mais pour aller sourcer et parler des activités faites par la jeunesse et pour la jeunesse, il n'y a personne. Notre légitimité est questionnée, oubliant par la même occasion que nous sommes des jeunes et aussi nous sommes des Sénégalais et cela nous confère une légitimité pour parler de nos aspirations en tant que jeune citoyen sénégalais, svp, arrêter de parler pour nous et nous laisser parler nous-mêmes.
Yaakaar (espoir)... pour ce que ça vaudra…
Aujourd'hui, le monde est en pleine mutation, une mutation accélérée par la crise du Covid-19, le conflit Russie/Ukraine, l’inflation, la montée du populisme et la crise démocratique mondiale.
Il est également important de noter la baisse de l’influence sur un plan empirique de la civilisation occidentale, la montée en puissance du bloc BRICS et l’affirmation du réseau "Global South" font qu’il y ait une redistribution des cartes sur le plan géostratégique.
L’Afrique aussi fait sa mutation, la jeunesse africaine symbolise cette nouvelle dynamique. Cette jeunesse africaine, interconnectée au monde à travers le cyberespace, est complètement décomplexée et affirme ses aspirations. C’est le cas au Sénégal où notre jeunesse est et sera l’élément essentiel de notre développement à condition de créer les éléments et les instruments pour l’accompagner dans notre quête du progrès social (Éducation, formation, inclusion, insertion professionnelle, employabilité, décentralisation des opportunités, équité territoriale, interconnexion des peuples et des territoires, santé et bien-être).
À toute la classe politique, commençant par le président de la République qui est le père de la nation, en passant par l’opposition et pour finir par la société civile, il est de votre responsabilité et devoir d’accompagner la jeunesse, d’arrêter de la percevoir juste comme étant des électeurs.
La jeunesse ne doit plus mourir en exerçant son droit constitutionnel, de toutes les possibilités qui s’offrent à elle, la mort dans une manifestation ne devrait pas en faire partie.
Oui, elle n’est pas parfaite mais qui de nous l’est ?
Posons les fondations d’un dialogue et d’une transmission intergénérationnelle, écoutez les aspirations de la jeunesse, échangez sur les priorités de développement mais surtout arrêtez de la caricaturer et de parler pour elle sans elle.
"L’imaginaire des possibles et le narratif des possibilités pour une autonomie et autodétermination, en route vers l'émancipation sociale et l’affirmation de notre identité à travers l'esthétique et la transmission, oui nous sommes la jeunesse et nous avons droit au chapitre".
Les mots énoncés dans l’article représentent le point de vue de l’auteur mais en aucun cas une vérité générale.
Un grand merci à mon ami Paap Sene pour la publication…
Seydina Mouhamadou Ndiaye est co-fondateur du Consortium Jeunesse Sénégal & Collectif Des Volontaires du Sénégal.
par Serigne Seye
L’HONNEUR DES POÈTES : CETTE VÉRITÉ QU’ON NE SAURAIT LES EMPECHER DE DIRE
En refusant de taire cette vérité qui dérange, Boubacar Boris Diop, Felwine Sarr et Mouhamed Mbougar Sarr n’ont fait que remplir leur mission d’alerte
Permettez-moi, au seuil de mon propos, de m’incliner devant la mémoire de toutes les personnes, manifestants, hommes de main et membres des FDS, qui sont décédées à l’occasion des troubles de la semaine dernière. Je m’indigne aussi devant les nombreux saccages et destructions de biens qui ont causé des pertes incommensurables. J’espère que les responsables et les commanditaires des actes de vandalisme, ceux qui ont recruté et armé les nervis assassins, seront, un jour, traduits devant la justice terrestre. Au ciel, ils ont été déjà jugés !
Venons-en maintenant à l’objet de mon propos.
Depuis que Boubacar Boris Diop, Felwine Sarr et Mouhamed Mbougar Sarr ont exercé leur droit inaliénable de citoyen en donnant leur avis sur ce qui se passe au Sénégal, une horde de thuriféraires de Macky Sall, aveuglée par les privilèges, s’est donnée pour mission de répliquer par un propos amphigourique et des arguments trop peu impersonnels pour être objectifs. Leurs attaques adpersonam visent tout simplement à déplacer le débat sur les personnes qui portent un discours différent parce qu’ils sont allergiques à la contradiction. Ces répondeurs automatiques dénient à ces dignes fils du pays le droit de donner leur avis sur les dérives de nos dirigeants politiques actuels. Ne pouvant se reposer sur aucun argument objectif et factuel, ils débitent des inepties et des arguties sous la forme d’un discours calomnieux qui se caractérise par un déni maladif de la réalité totalitaire que Macky Sall est en train d’installer au Sénégal. Oubliant que « chaque parole a une conséquence, chaque silence aussi. », ces censeurs d’un autre genre entendent décrédibiliser l’œuvre de ces grandes figures de la pensée africaine.
Je leur pose les questions suivantes :
En quoi ces trois écrivains n’ont-ils pas le droit de donner leur avis ?
Pourquoi ne doivent-ils pas prendre parti ?
Je suis certain que ces gens-là n’auraient pas eu le même discours si le texte de nos écrivains allait dans le sens de leur désir. En refusant de taire cette vérité qui dérange, Boubacar Boris Diop, Felwine Sarr et Mouhamed Mbougar Sarr n’ont fait que remplir leur mission d’alerte. En cela ils sont conscients d’une chose : l’écrivain est non seulement engagé, mais il est embarqué dans la même galère que ses concitoyens.
L’histoire a toujours condamné les intellectuels et écrivains qui, sclérosés par les privilégies ou la peur, ont oublié leur devoir envers le peuple qui les a enfantés. Quelle image auraient donné à la postérité Paul Eluard et Robert Desnos s’ils s’étaient limités à dresser la liste des différentes responsabilités dans l’éclatement de la deuxième Guerre Mondiale ? Même les élèves de première savent que Mongo Béti ne pouvait que dénoncer les dérives du système colonial devant l’iniquité qu’il constitue. Si Le Discourssur le colonialisme de Césaire est devenu un texte emblématique de la pensée décoloniale, c’est parce qu’il a fait un diagnostic sans complaisance de cette machine destructrice qu’a été la colonisation européenne en Afrique et dans les Antilles.
Ignorant tout cela, les contempteurs de nos trois écrivains n’hésitent pas à ressortir, avec une malhonnêteté intellectuelle sans pareille, l’histoire du prix du roman gay décerné à De purs hommes de Mbougar, en omettant de dire que l’auteur avait refusé ce prix et s’était prononcé contre le fait qu’il soit décerné à un livre publié depuis 5 ans. On peut ne pas être d’accord avec l’approche de ce jeune auteur par rapport à l’homosexualité, mais on doit toujours partir du factuel sans volonté de masquer la vérité. Le président que ces détracteurs alimentaires pensent servir en l’attaquant ne l’avait-il pas élevé, en même temps que Felwine Sarr, au rang de Chevalier de l’ordre national du Lion ? Pourquoi les actions pour lesquelles ils avaient reçu la reconnaissance de la nation par la voix du chef de l’État sont subitement devenues de piètre qualité ?
Un de ces ignares éreinteurs qualifie Duke University d’université de seconde zone dans le seul but de rabaisser Felwine Sarr. Il suffit d’un petit tour sur internet pour voir que cet établissement, l’un des plus prestigieux aux Etats-Unis, se positionne généralement entre la 20ème et la 25ème place dans les classements mondiaux les plus crédibles. Cette université, qui n’est pas appelée par hasard « la Harvard du Sud », est la, 4ème institution universitaire des États-Unis d’Amérique. Dénigrer cette université par le mensonge uniquement pour enlever à un fils du Sénégal le mérite qu’il a eu d’y être admis relève de la méchanceté gratuite et d’une mauvaise foi manifeste.
Les auteurs de ces torchons qui servent de réponses font également des raccourcis assez simplistes pour présenter Boubacar Boris Diop comme un hypocrite qui soutiendrait un régime dictatorial tout en parlant de dérive autoritaire dans son propre pays. Ils oublient que le Rwanda vit une réalité totalement différente de la situation au Sénégal. Ce pays frère ayant vécu la pire tragédie de l’humanité avec le génocide perpétré contre sa population tutsi, la prudence et l’urgence du moment sont à la stabilisation et à la pacification, piliers sans lesquels tout processus de démocratisation et de développement ne pourra prospérer. Comparaison n’est pas raison, les collines vertes du Rwanda sont encore tellement rouges du sang du million de personnes assassinées ! Si le président du Rwanda a sorti son pays de l’abîme, Macky Sall y précipite le sien.
Ainsi, il y a problème quand on fait table rase de tout le travail de mémoire que Boubacar Boris Diop fait au Rwanda et partout dans le monde pour avertir sur les dangers d’une politique ethniciste et d’un régime basé sur des compromissions avec l’ancien colonisateur. Il est l’un des rares écrivains à tirer sur la sonnette d’alarme depuis plus de 20 ans pour dire qu’aucun pays, même le nôtre, ne doit dormir sur ses lauriers en pensant qu’il ne pourrait jamais sombrer dans la même folie que le Rwanda en 1994. Ce qui s’est passé dans les rues jadis paisibles de Dakar semble lui avoir donné raison.
Chers donneurs de leçon, vous avez le droit de donner votre opinion, mais répondez aux gens en apportant des éléments objectifs. Vous devez, chers microcéphales, dire à votre chef que les Sénégalais qui, comme moi, sont nés dans un pays de démocratie n’accepteront pas qu’on les terrorise et qu’on les empêche de donner leur opinion. Ceux qui, comme Boris, Felwine et Mbougar, moi-même et tant d’autres, ne sont d’aucun parti politique, ne se tairont pas parce qu’on ne veut pas entendre leur vérité.
Serigne Seye est enseignant-chercheur (Université Cheikh Anta Diop de Dakar), Chercheur associé du CNRS et de l’ENS de Paris (ITEM).
Par ASSANE GUEYE
RETOUR AU MOYEN-ÂGE
Avec les violences de haute intensité de ce début de mois, le pays a chuté dans la bestialité jusqu’à ressembler à cet animal muni d’un corps de sanglier sur une tête de porc. La situation est en effet méphistophélique.
« Honteux de ce qu’il voit la journée, le soleil se couche en rougissant ». On a beaucoup rabâché ce proverbe venu d’Arménie. Il est lumineux et sombre en même temps. C’est pour son côté obscur d’ailleurs qu’on le convoque. Le dicton sied comme un gant à ce Sénégal déchiré et méconnaissable qui s’automutile. Avec les violences de haute intensité de ce début de mois, le pays a chuté dans la bestialité jusqu’à ressembler à cet animal muni d’un corps de sanglier sur une tête de porc. La situation est en effet méphistophélique. Ce qui arrive ne tombe pourtant pas du ciel. Tout s’explique. On croit en comprendre les racines profondes. Le climat d’anarchie dans lequel on nage mène directement dans les eaux troubles, dégradantes et nauséabondes de la déshumanisation.
Le Président Senghor a pu dire autrefois que la haine n’était pas conforme au génie sénégalais. Sa perspicacité n’était pas contestée. Mais sur ce point précis, il l’a été moins du seul fait que la pureté n’existe chez aucun peuple. Il est vrai qu’on a été un îlot de raffinement, d’élégance racée et d’urbanité exquise. C’est aujourd’hui un vieux passé et un ancien monde qui ne reviendront pas. On est en pleine relégation en division inférieure sur fond d’image écornée et de standing dévasté. Le Sénégal est la risée d’un monde en rupture d’équilibre. La remarque du Général de Gaulle remplie de causticité n’en était pas moins une prémonition de la débandade générale qui allait subvenir. « Vous les Sénégalais, disait-il, vous êtes incommodes ». Apostrophe blessante dont le but n’était pas de blesser. Avoir pleine conscience de ses rides et défauts permet de s’améliorer et d’être la meilleure version de soi-même.
L’ignominie et la pyromanie
Il y a bel et bien du démon et de la bassesse vulgaire qu’il faut exorciser. Les catastrophes globales ont engendré des catastrophes individuelles et vice-versa. Il s’avère que dans nos murs, une grave crise d’autorité s’est propagée dans villes et bourgades. L’ignominie et la pyromanie ont également élu domicile. De science certaine, on sait que là où ce triumvirat démoniaque passe, plus aucune herbe ne pousse. Bonjour tristesse. On est allés beaucoup trop loin jusqu’à faire trembler la bonne terre du Sénégal. Le sol ne fait plus que se dérober sous nos pieds. Les oracles ont vu venir l’orage sur le miracle sénégalais. Il s’abîme au travers des cortèges malodorants et autres personnages tragiques constitués de politiciens sans envergure ni entregent. Il n’y a jamais eu de messie et il n’y en aura pas. Le cas échéant, ils n’accomplissent aucun miracle. Ce qui arrive, c’est qu’on prend des vessies pour des lanternes.
« Là où l’on brûle des livres, on finit par brûler des hommes »
L’université de Dakar va dégringoler encore plus dans les classements. On savait que son univers est un trop-plein assez glauque. Des étudiants, des vrais, y étudient sérieusement. Des mercenaires et des bandes de voyous éméchés y font aussi leur propre loi. Ils ont fini par cramer le bijou de famille. Le temple du savoir mêlé d’ignorance est désormais sans mémoire. L’un des pires autodafés que le Sénégal a connus vient de s’y produire. Quand les émeutes littéraires et la passion des idées ne sont plus les facteurs d’émulation et que le bon goût est altéré, c’est ce qui arrive fatalement. La destruction des trésors et données universitaires est un crime contre l’humanité. Un poète allemand de Düsseldorf a été fort lucide en soulignant que « là où l’on brûle des livres, on finit par brûler des hommes ».
Homme, rien d’humain ne m’est étranger. L’inversion des priorités a fait des dégâts irréparables. Les ponts et viaducs plantés ici ou là sont invisibilisés. C’est le bout du tunnel que la jeunesse veut voir. Les coupes d’Afrique gagnées sur les terrains de football procurent une fierté évanescente mais ne se mangent pas. Elles finissent dans les décors des salons. Tout dialogue doit donc privilégier la jeunesse avant la gérontocratie.
Plus globalement, le pays est appelé à faire son introspection sur un noble divan. Quand on a épuisé ses deux mandats, il faut opérer un repli de sagesse. Lorsque l’on a fait le choix de l’opposition républicaine, il faut porter en bandoulière la belle formule de Ibrahima Seydou Ndao, premier maire de Kaolack après indépendance opposé à l’époque à Valdiodio Ndiaye. « Il ne répugne d’accéder au pouvoir en me servant d’un escalier de cadavres et tremper ma plume dans un encrier de sang humain pour signer ma victoire ». C’est beau, c’est fort et grand. Grandeur hier. Décadence aujourd’hui. Le soleil couchant et safran finit chaque jour son odyssée choqué et meurtri de la laideur qu’il observe.
Par Ibou Dramé SYLLA
LE SENEGAL FACE AUX DERIVES : LA POSTURE DES INTELLECTUELS
Notre rapport aux drames est souvent vécu sous le mode du ‘’ça n’arrive qu’aux autres’’. Et le jour où le bourreau frappe à notre porte, on veut ameuter
« Un grand peuple est un peuple indocile, de même qu’une belle jeunesse est une jeunesse indocile », Djibril Samb, L’heur de philosopher la nuit et le jour, tome 5
L’indifférence est l’attitude qui renseigne au mieux le degré d’atteinte pathologique d’une société. Et notre pays semble être dans ce gouffre. Il y a quelque chose de désespérant au Sénégal. Nous vivons avec une tranquille conscience face aux désastres qui gagnent du terrain. Notre rapport aux drames est souvent vécu sous le mode du ‘’ça n’arrive qu’aux autres’’. Et le jour où le bourreau frappe à notre porte, on veut ameuter. Nous sommes tous engagés dans une époque qui s’offre sous le prisme d’un appel à la raison. Les événements qui se produisent quotidiennement interpellent la lucidité de la conscience. Celle-ci ne va se déployer sans une responsabilité assumée. L’homme est un sujet qui pour donner sens doit penser son monde et aussi penser son rapport avec celui-ci. Le projet fondamental c’est de ne pas abdiquer –ou pire constater la défaite de la pensée (Finkielkraut). Toute liberté est acquise dans la lutte. Un peuple qui génère un apprenti dictateur doit avoir le courage de faire son autocritique. La manipulation de la justice à des fins politiques est un réel danger pour la paix civile. La légalité n’est pas le dernier rempart des hommes. Il faut de la légitimité pour un espace pacifié.
La courageuse posture de l’intellectuel est un solide rempart face aux ennemis de la pensée libre. Quand la logique politique endigue le déploiement de la pensée critique d’un intellectuel devant porter un regard lucide et objectif sur les impensés de notre société et de la gouvernance actuelle, il y a de quoi avoir peur. La confiscation de l’ordre de la liberté est la forme la plus abjecte de la tyrannie. Un peuple privé de liberté est un peuple mutilé. Pour un peuple, renoncer à revendiquer sa liberté si essentielle à l’humaine condition est la pire des abdications. Le manque de liberté est une amputation psychologique qui ravale l’homme dans la sphère de l’animalité. Pire, le rebotise.
23 ans après la première alternance, le Sénégal patauge toujours
Vingt-trois ans après la première alternance politique réalisée par la force des urnes et la ferme sécurisation du vote, le Sénégal patauge toujours. Au rythme où vont les choses, le seuil du tolérable sera bientôt atteint. Et hop ! bonjour le désastre. Au Sénégal ; le mal est tellement profond qu’en parler relève, depuis quelques temps, de la rhétorique. La faillite d’une bonne partie de la classe politico-intellectuelle est un fait. Sur ce plan, le verdict de l’Histoire est sans appel. Œuvrer pour les causes justes donne accès à la grande porte de l’Histoire. Quelques voix -peu audibles- tentent de sauver notre pays du péril. La jeunesse patauge dans un ilot de désespoir. La faute à nous tous. Personne n’est dans l’innocence. Que l’on ait été aux affaires ou non, la responsabilité est engagée. C’est malsain de la part du Président de la République d’entretenir un funeste et stérile débat sur un probable 3ème mandat ou moment où le gros du peuple a soif et faim et que la jeunesse est désœuvrée. La quête de sens de cette dernière conduit plus vers un péril qu’un salut. Bien des fois, nous avons frôlé le pire dans ce pays à cause d’un jeu trop enfantin de la part d’une classe politique décadente. Le combat pour la sauvegarde de la paix civile est une œuvre qui engage tous les citoyens. Le malheur est de constater qu’il y a des pyromanes qui attisent le feu en soutenant la possibilité d’un troisième mandat pour un Président qui n’en a pas le droit.
Macky Sall est un farouche ennemi de la pensée libre. Il croit pouvoir avoir sous sa botte toutes ces intelligences qui peuplent ce beau pays. S’il ne passe pas par une sournoise corruption, il excelle dans l’intimidation. Seulement, les dignes et courageuses intelligences tiennent le gouvernail pour que le pays ne sombre point. Nous ne cessons de le rappeler : le Sénégal survivra à Macky Sall ! Il nous faut nous tenir éveillés « sous la lumière de l’exigence absolue » (Karl Jaspers). L’intellectuel qui n’a pas encore vendu son âme est appelé à toujours avoir une posture critique et courageuse face aux marchands de l’obscurantisme et de la bêtise. Halte à la peur ! Frédéric Worms note avec justesse : « Faire le tri entre les principes acceptables et ceux qui ne le sont pas, comprendre quel est le cadre qui permettra à la pluralité des positions de coexister, c’est une manière de sortir des luttes frontales ». Au rythme où vont les choses, le dégagisme populaire risque d’avoir raison de nos institutions, et partant de nos projets de société.
Les dictatures sont souvent enfantées par la démocratie
L’on oublie souvent qu’Adolf Hitler a été élu démocratiquement. Les dictatures sont souvent enfantées par la démocratie. Le pire est que c’est l’apprenti-dictateur qui cause plus de tort qu’un dictateur confirmé et qui s’assume. Nous osons espérer que Macky Sall œuvrera pour laisser ce pays dans la paix et la stabilité. La seule chose à attendre de lui raisonnablement c’est qu’il quitte le pouvoir en 2024 sans effusion de sang en organisant une élection libre et transparente à laquelle il n’a aucun droit de prendre part. Quand on devient Président d’une République, on doit des gratitudes à celle-ci. Et cela, jusqu’à la fin des temps
Il nous faut libérer ce pays du cynisme et de la fatalité. Tous les intellectuels de ce pays qui croient encore au règne de la Justice et de la Liberté doivent s’éveiller en ayant à l’esprit cette parole de Niemöller : « […] Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester ». C’est ainsi que commence la tyrannie. Le procès intenté à l’endroit de M. Ousmane Sonko relève plus d’une commande politique que du droit. La justice sénégalaise vient, par la sentence retenue contre lui, montrer que nous avons des raisons de désespérer de certains magistrats. Le jeudi 1er juin 2023 est tristement gravé dans les consciences pour avoir montré que la cynique et inique condamnation du philosophe athénien, Socrate, pourrait inspirer des hommes de droit plus de deux mille cinq cent ans après. Le silence des Justes est toujours une porte ouverte pour l’entrée de la sauvagerie dans la civilisation. Jeanne Hersch a plus que vu juste pour soutenir que « Le courage ne consiste pas à prédire une issue fatale, mais, avec le savoir et le non savoir qui est le nôtre, à faire tout ce qui est possible et à préserver l’espérance jusqu’au dernier souffle ». Une vie sans anicroche est un mirage. Pour exister, il faut faire face aux épreuves. L’homme n’a que deux attitudes face à la vie : la subir ou en être un acteur. Nous avons décidé de ne point être du côté de ceux qui se taisent face à l’amertume du peuple. C’est un privilège que de savoir qu’assumant son rôle, l’intellectuel se rend compte qu’il a un beau cadeau en portant ce fardeau. Dans Inquiétudes d’un biologiste, Jean Rostand a plus que raison de stipuler : « Aimer quelque chose plus que la vie, c’est faire que la vie soit plus que la vie ». L’intellectuel doit avoir constamment à l’esprit que la vie n’est belle que là où elle a sa part de grandeur.
Plus que les mots d’ordre des partis politiques ou les slogans des syndicats, les hommes sont fédérés, aujourd’hui, par la force des émotions. Des scènes que les médias classiques s’interdisent de relayer deviennent virales sur les réseaux sociaux. Et nous assistons à un ralliement effectif et affectif. Finalement, plus qu’à l’esprit c’est au cœur de l’humain que notre humanité se révèle. Si dansle champ politico-syndical nous assistions à l’endoctrinement, force est de reconnaitre qu’à l’ère des réseaux sociaux, nous sommes face à la montée des émotions collectives plus ou moins corruptrices des états d’âme. Dans ‘’La démocratie des lettrés’’, Aminata Diaw montre que la multiplication des lieux de discours dans l’espace public participe, de manière décisive, à la fragilisation de la pensée. Nous voyons parlà que notre philosophe est moins pessimiste qu’Alain Finkielkraut qui parle de la défaite de la pensée. En effet, fragiliser ce n’est pas consacrer la défaite. La phase de crise peut être bénéfique pour la prise de parole des hommes qui ont la charge de guider en disant la vérité. Rien que la vérité. Aujourd’hui, avec cette tribune intitulée ‘’Cette vérité que l’on ne saurait cacher’’, Felwine Sarr, Mouhamed Mbougar Sarr et Boubacar Boris Diop sauvent l’honneur comme en 2001 lorsque le philosophe Ousseynou Kane décidait d’alerter sur les dérives institutionnelles du Président Wade avec son texte : ‘ »La République couchée »
A vouloir déstabiliser la quiétude millénaire des principes qui font le fondement de la cité, l’homme, se croyant éliminer les contradictions internes de son être, ne devient, du coup, que son propre sacrifice en vue de rendre possible sa propre réconciliation avec lui-même. Sous ce rapport, un intellectuel qui trahit son authentique posture aide, du coup, les autres à saisir les désastreuses conséquences qui résultent du reniement de soi. Le monde dans lequel nous voulons vivre est à construire par les idées et les sentiments nobles. C’est dans son monde intérieur que l’homme doit chercher à édifier des valeurs et principes. Les caractères et les convictions suivent naturellement une telle édification pour mieux la consolider. Ainsi, repousser les frontières de l’obscurantisme revient à faire de l’homme un acteur du destin collectif de l’humanité. Le rapport à soi étant toujours médiatisé par autrui, il devient plus qu’urgent de toujours développer au sein de la communauté le sens de l’en-commun. Cette idée directrice est à même de fédérer les énergies positives devant œuvrer pour l’avènement d’un vivre ensemble épanoui. Frédéric Worms d’indiquer que « Pour bien gouverner, nous n’avons pas besoin d’une idée du bonheur, ni même du bien, mais, par contre, il nous faut une idée du droit et de la justice ». La question de la citoyenneté active qui doit être au cœur de l’action de l’intellectuel est une des préoccupations les plus urgentes de notre époque. Cela est arrimé à la notion de sujet humain comme porteur de sens. L’homme qui fait l’épreuve des choix et engagements opère un tri dans les possibles qui s’offrent à lui parfois même au risque de sa vie. Ainsi, pouvons-nous dire qu’un idéal peut être visé par l’humain et qui y consacre tout son être. En effet, dans un monde de brouillage des repères et d’une certaine perte de sens, il urge de produire des discours qui ré-enchantent.
Un intellectuel ne choisit pas son combat
Un intellectuel ne choisit pas son combat, tout au contraire, il est appelé par sa conscience qui refuse de vivre dans l’indifférence face à l’arbitraire. Et notre pays vit dans une injustice sociale. L’intellectuel doit être un homme intègre qui s’engage à porter un regard objectif sur les problèmes de sa société, et partant de la marche du monde. Il s’efforce à sortir des particularismes réducteurs pour penser en diagnostiquant les maux qui gangrènent la cité des hommes. L’intellectuel ne surfe pas sur l’actualité ; il saisit, pour le traduire, le message qui sourd dans le tumulte des événements qui enfantent souvent des tragédies. Le souci du bienêtre collectif est une œuvre immense à l’édification de laquelle seules les âmes nobles et fortes répondent présentes. Le monde du vouloir n’appartient pas au hasard encore moins aux caprices de l’histoire, il est le fruit d’un travail de l’esprit. Les artistes ne sont pas en reste. L’intellectuel et l’artiste sont des producteurs de sens pour éclairer la marche du peuple vers plus de liberté et de dignité. Ainsi, leurs postures courageuses et pleinement assumées de part et d’autre ne peuvent qu’être contestataires. De là, nous pensons que le bonheur s’y greffe harmonieusement. Le philosophe Djibril Samb ne peut qu’acquiescer face à cette analyse : l’indocilité est un rempart contre la servitude, le reniement et la soumission. Celui qui accepte l’injustice encourage l’arbitraire. Et cela n’est pas le rôle d’un intellectuel digne de ce nom.
Par Fatou Blondin DIOP
POUR UNE CONSTRUCTION COLLECTIVE DU SENEGAL DANS L’EQUITE ET LA DEMOCRATIE
L’Alliance de femmes pour un Sénégal équitable et démocratique (AFSED) par la voix de sa présidente, Fatou Blondin Diop, exprime sa vive préoccupation face à la situation actuelle qui affecte notre cher pays
L’Alliance de femmes pour un Sénégal équitable et démocratique (AFSED) par la voix de sa présidente, Fatou Blondin Diop, exprime sa vive préoccupation face à la situation actuelle qui affecte notre cher pays. En tant que voix engagée au service d’un Sénégal meilleur, l’AFSED tient à communiquer sur les événements récents qui ont secoué notre nation, en particulier les centaines d’emprisonnements, de blessés et de décès tragiques qui ont frappé les manifestants. Nous devons analyser en profondeur les raisons qui ont conduit à de tels actes pour comprendre les maux de la société sénégalaise. Dans cette optique, nous souhaitons mettre en avant le rôle central des femmes qui se lèvent, prennent la parole et se manifestent en tant que mamans déterminées. Ces femmes courageuses, conscientes de leur responsabilité envers leur famille et leur nation, s’engagent fermement pour un Sénégal équitable et démocratique. Leur présence massive dans cette construction est une nécessité incontestable.
Nous ne pouvons ignorer le lourd tribut que notre société a payé. Les victimes, les décès tragiques, les blessés et les personnes emprisonnées ont laissé derrière eux des mères meurtries. Nous exprimons notre solidarité inébranlable envers ces mères courageuses qui ont vu leurs proches arrachés à la vie ou ont été confrontées à l’injustice qui touche leurs enfants. Nous les soutenons dans leur quête de vérité, de justice et de réparation.
La participation active des femmes dans la construction du Sénégal est non seulement pertinente, mais aussi essentielle. Les femmes ne peuvent pas manquer ce rendez-vous historique qui façonnera notre avenir commun. Leur expertise, leurs perspectives et leur détermination sont indispensables pour bâtir un Sénégal équitable, démocratique et prospère pour tous ses citoyens.
La mobilisation des mamans…
Nous appelons toutes les mamans, toutes les femmes sénégalaises, à se mobiliser et à manifester pour rétablir l’état de droit dans notre pays. Les actes de vandalisme perpétrés contre des écoles, des symboles de l’État, et des universités sont inacceptables. Nous devons analyser en profondeur les raisons qui ont conduit à de tels actes pour comprendre les maux de la société sénégalaise.
Encourageons des discussions constructives et inclusives afin de trouver des solutions durables et de prévenir de tels événements à l’avenir.
En cette période difficile, nous sommes touchées par le soutien précieux que nous avons reçu de femmes du Mali et d’autres pays d’Afrique. Les voix qui s’élèvent pour soutenir les femmes sénégalaises résonnent à travers tout le continent. Cette solidarité nous réconforte et renforce notre détermination dans la lutte pour la construction de notre pays. Nous saluons également l’appel à la manifestation de F24 le 9 juin 2023 à la place de la Nation et 10 juin sur la VDN et nous y serons présentes. Nous croyons en l’impact positif d’une mobilisation pacifique et citoyenne. C’est par notre solidarité, notre unité et notre engagement que nous construirons un avenir meilleur pour le Sénégal.
Ainsi, l’AFSED affirme avec conviction que lesfemmessénégalaises ne peuvent pas être en reste dans cette construction nationale. Nous sommes prêtes à apporter notre contribution, à façonner un Sénégal équitable, démocratique