SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
28 novembre 2024
Opinions
ÉDITORIAL SENEPLUS
SENEPLUS SOLIDAIRE DE SERIGNE SALIOU GUEYE
Le contenu de l’article reproché à l’éditorialiste de SenePlus n’a rien d’offensant à l’égard de la Justice. Il n’est en rien outrageant. Il participe au débat sur l’indépendance de la Justice au Sénégal – L’arrestation du journaliste est inacceptable
ÉDITORIAL SENEPLUS - Depuis le 26 mai 2023, notre confrère, collègue et éditorialiste de SenePlus, Serigne Saliou Gueye, est injustement emprisonné pour avoir publié dans le quotidien Yoor-Yoor dont il est le directeur de publication, une chronique dénonçant l'absence de volonté de la justice sénégalaise à préserver l'État de droit et les libertés. Cette situation préoccupante suscite une profonde solidarité et un appel à défendre la liberté de presse dans notre pays.
SenePlus aurait pu publier cet article d'opinion intitulé "Chers Collègues Magistrats, Ressaisissons-nous !" en préservant l'anonymat de son auteur. Le contenu de cette chronique n'a rien d'offensant ou de préjudiciable envers la justice. Il se contente de participer au débat public, tout à fait légitime dans une démocratie, sur l'indépendance du pouvoir judiciaire.
L'auteur de l'article incriminé exprimait simplement son aspiration à un contre-pouvoir exercé par la justice. Même si cet appel était formulé avec une pointe de satire, même s'il concernait un procès contre un opposant politique, qu'a-t-il fait de plus ou de mal par rapport à la dénonciation publique de l'ancien procureur, Alioune Ndao, à l'encontre du président Macky Sall et de sa supposée ingérence dans l'affaire Abdoulaye Baldé devant la CREI ?
Même si Serigne Saliou Gueye est soupçonné d'être l'auteur de l'article incriminé, sa détention est manifestement injustifiée au regard du contenu du texte. Cela donne un écho tout particulier à la célèbre Tribune des 104, où d'éminents intellectuels du monde entier avaient signé une déclaration publiée par SenePlus le 21 mars 2023 pour dénoncer l'instrumentalisation politique du système judiciaire par l'administration du président Macky Sall.
La justice sénégalaise a un rôle essentiel à jouer dans la protection des journalistes, notamment en empêchant toute ingérence de l'exécutif dans l'exercice de leur travail. Lorsque cela ne se produit pas, c'est la liberté de la presse elle-même qui est durablement menacée.
Nous, collègues de Serigne Saliou Gueye, condamnons avec la plus grande fermeté les violations flagrantes de ses droits en tant que journaliste.
L'incrimination de discrédit envers la justice et les institutions publiques retenue contre Serigne Saliou Gueye est une copie conforme du code pénal français, restreignant la liberté d'expression et promouvant une conception contestable de la démocratie. L'application de cette loi franco-sénégalaise, en lieu et place des accusations d'outrage ou de diffamation (absentes dans l'article litigieux), vise uniquement à intimider les journalistes critiques comme Serigne Saliou Gueye.
En plus de son emprisonnement arbitraire, le gouvernement cherche à humilier notre confrère en l'accusant d'usurpation de la fonction de journaliste. Serigne Saliou Gueye est indéniablement un journaliste émérite reconnu par toute la profession. Il remplit toutes les conditions énoncées à l'article 4 alinéa 2 de la Loi n° 2017-27 du 13 juillet 2017 portant Code de la Presse. Conformément à l'article 22 de cette même loi, bien que la rédaction puisse prêter à confusion, la carte de presse n'a aucune incidence sur la qualification de journaliste. Elle vise simplement à accorder certains avantages à son titulaire.
Notre incompréhension face au traitement judiciaire réservé à Serigne Saliou Gueye ne fait que croître à la lecture du rapport final de l'UNESCO et du Conseil intergouvernemental du Programme International pour le Développement de la Communication, qui, les 22 et 23 mars 2012, ont défini comme journaliste toute personne générant un volume important d'informations d'intérêt public. Notre éditorialiste de SenePlus, fort de ses plus de 20 ans d'expérience dans les médias sénégalais, correspond parfaitement à cette définition.
Nous rappelons également que de nombreux journalistes éminents au Sénégal n'ont jamais détenu de carte de presse ni fréquenté une école de journalisme. Par ailleurs, la liberté d'expression, quelle que soit l'affiliation idéologique ou partisane, ne devrait pas être restreinte. C'est l'un des principes les plus sacrés de la démocratie, que nous devons défendre et préserver à tout prix. SenePlus a toujours été un média pluraliste : si la majorité de nos éditorialistes sont non-partisans, certains sont affiliés à différents partis politiques du Sénégal, dans l’opposition ou au pouvoir, y compris l’APR, le parti du président Macky Sall.
La libération immédiate de Serigne Saliou Gueye et de tous les autres journalistes emprisonnés pour l'exercice de leur métier, ainsi que l'abandon de toutes les poursuites judiciaires engagées contre eux ;
L'abrogation de la loi franco-sénégalaise relative au discrédit envers la justice, qui représente une arme redoutable entre les mains d'un exécutif de mauvaise foi, via le parquet ;
Le rétablissement d'un environnement libre et sûr pour les journalistes sénégalais.
En plus de 10 ans d'existence de SenePlus, c'est la première fois que nous publions un éditorial engageant entièrement notre plateforme. Cela témoigne de la gravité de l'offense faite à l'encontre de Serigne Saliou Gueye, mais aussi de notre consternation face à cet acte d'intimidation de la part de l'administration Sall.
Serigne Saliou Gueye rejoint la longue liste de journalistes brutalisés ou emprisonnés pour avoir exercé leur liberté d'expression et d'opinion. Il est de ceux qui considèrent que leur métier consiste à "porter la plume dans la plaie", sans chercher à plaire ou nuire. À tous ceux qui se reconnaissent dans cette qualité de journaliste, nous les invitons à prendre la parole et à proclamer haut et fort : Ne touchez pas à la liberté de presse !
PAR Aminata Libain Mbengue
IL Y A UNE ROMANTISATION DU VIOL AU SÉNÉGAL
EXCLUSIF SENEPLUS - Les propos abjects prononcés par Ousmane Sonko au lendemain du procès pour se défendre prennent racine dans cette culture du viol et dans la haine envers les femmes
Le procès opposant Ousmane Sonko à Adji Sarr, qui s’est tenu le 23 mai 2023, au tribunal de Dakar a été un révélateur, une fois de plus, de la romantisation et de la banalisation du viol au Sénégal.
En effet, une revue des différentes unes de la presse au lendemain dudit procès, ne laisse aucun doute sur cet état de fait : https://www.seneplus.com/media/le-proces-adji-sarr-ousmane-sonko-la-une-du-point-de-lactualite . Les mots choisis pour relater le récit de Adji Sarr à la barre ressemblent à des scènes pornographiques. Cette confusion volontaire entre le viol et la sexualité a une fonction bien précise ; elle glamourise le viol et renforce l’impunité des auteurs de violences sexuelles.
Deux questions sont à poser : « Ça excite qui d’entendre un récit de viol ? » et « Est-ce que Adji Sarr qui a porté plainte pour viols et menaces de mort et qui a vu sa vie être sous cloche depuis l’éclatement de cette affaire, ressent du plaisir à raconter les viols qu’elle a subis ?
Dans l’imaginaire collectif, le viol est un acte violent ou des traces de lutte doivent apparaître et une femme violée devrait en garder des séquelles toute sa vie. Il y a combien de viols qui se passent dans nos maisons ? Combien de filles sont violées et vont faire ce qu’elles ont à faire en marchant normalement, sans que personne ne s'en rende compte ? L’affaire des 27 filles violées à Touba en est un exemple. Si le viol est défini et puni par la loi aussi sévèrement, s’il est devenu un crime, c’est bien parce qu’il n’a rien à voir avec la sexualité. Le viol, c'est de la domination, c’est considérer la femme comme un objet et son corps comme un terrain de jeu sans règles. Le viol est endémique au Sénégal, il suffit de faire un tour dans les boutiques de droit de l’association des juristes sénégalaises, et renforcer la culture du viol ne fait que stigmatiser les survivantes de violences sexuelles et déresponsabiliser les auteurs.
Le simple fait qu’Adji Sar soit vivante et témoigne des viols qu’elle a subis est un point contre elle, car une « bonne victime » de viol est une victime morte. Les hommes se prennent pour la norme. Les propos abjects prononcés par Ousmane Sonko au lendemain du procès pour se défendre prennent racine dans cette culture du viol et dans la haine envers les femmes.
Le voyeurisme a aussi atteint des sommets avec des commentaires sur la vie intime d’Adji Sarr dont le corps est devenu un « objet public ». Ndeye Fatou Kane, écrivaine et féministe rappelait, dans un entretien accordé à Seneweb, comment l’objectification du corps d’Adji Sarr était un élément central dans cette affaire (https://www.seneweb.com/news/Entretien/ndeye-fatou-kane-ecrivaine-ldquo-l-rsquo_n_377077.html ).
J’ai découvert, avec ce procès, que le viol faisait fantasmer les hommes sénégalais. Ils prennent du plaisir à en parler, ça les excite vraisemblablement, parce que, pour eux, le viol, « ce n’est pas grave ! ». Entendre qu’un « viol ne peut pas être répétitif » ou « pourquoi elle n’a pas crié », font culpabiliser les survivantes. Il faudrait se demander quels sont les mécanismes mis en place par les agresseurs pour s’assurer que les survivantes ne parlent pas.
La fabrique de la « mauvaise victime »
Dès le début de cette affaire, les masculinistes ont très vite envahi les plateaux télé et radio et des partisans de Sonko ont inondé les médias de fakenews. Des « preuves » ont été créés pour enfoncer Adji Sarr, pour la décrédibiliser. J’ai moi-même entendu à la radio un témoignage hallucinant d’un homme qui se disait être un petit ami de l’époque de la jeune fille et qui expliquait qu’elle a toujours été « vénale ». Toute cette machination n’est pas sans rappeler l’affaire Amber Heard/ Johnny Depp. Je recommande le documentaire « La fabrique du mensonge : Affaire Johnny Depp / Amber Heard, la justice à l’épreuve des réseaux sociaux » diffusée sur France 5, le 12 février 2023. Le documentaire revient le rôle joué par les partisans de Deep qui ont lancé des raids numériques contre Amber Head, propagé de fausses informations, dans le but d’imposer leur récit sur l'opinion publique.
Ce sont les hommes qui sont les experts du viol sur les plateaux télés. Pour rappel, l’écrasante majorité des auteurs de viols sont des hommes, et ce sont ces mêmes hommes qui sont les « experts » de comment une « bonne victime » devrait réagir. Cela vaut pour tous les sujets sur lesquels les hommes ont un certain pouvoir sur les femmes.
Après un viol, un état de stress post traumatique est retrouvé dans 80 % des cas. Le fait d’avoir subi des violences représente un des principaux facteurs de risque pour de nombreuses pathologies cardiovasculaires, pulmonaires, endocriniennes, auto-immunes et, neurologiques. Des travaux scientifiques récents éclairent sur les mécanismes neuro-psycho-biologiques, notamment le rôle de l’amygdale et de l’hippocampe, qui sont en lien avec la santé mentale.
Sur les plateaux télé, même constat avec des propos immondes et irresponsables de certains chroniqueurs, n’ayant aucune compassion ni respect pour les survivantes de violences sexuelles. Dans ce registre, Malal Talla alias Fou malade, chroniqueur sur le plateau de Jakarlo du 26 mai 2023 emporte le bonnet d’âne : « Si je baise une femme, ça laisse des traces forcément. » C’est ce vocabulaire guerrier, machiste et violent qui renforce les stéréotypes, et on remarquera que la femme est toujours en position d’objet. Il en est de même pour le très volubile Dame Mbodji, enseignant et partisan de Sonko qui fait l’apologie du viol et dont les propos passent en boucle sur le réseau social TikTok.
Les journalistes sont dans une paresse intellectuelle affligeante quand il s’agit des violences sexuelles spécifiquement et des violences faites aux femmes de façon générale. Alors que la littérature abonde de ces sujets, des effets de la sidération et de la dissociation qui empêchent toute réaction, des effets à moyen et long terme des violences sexuelles sur la qualité de vie des survivantes de violences sexuelles. Le choix des mots n’est pas neutre, on ne dit pas « elle s’est fait violer » mais « elle a été violée ».
Il est essentiel de faire appel à des spécialistes des violences sexuelles pour aider à la compréhension des réactions plutôt que d'inviter des personnes qui ne font que renforcer les idées reçues. Les femmes sont le seul groupe dont on peut parler des choses qui les concernent sans s'assurer d'avoir les compétences préalables. Après tout, n’importe qui a un savoir sur les femmes !
Des survivantes vous lisent, elles vous écoutent, il y a des survivantes avec qui vous habitez, il y a des survivantes de viol partout dans ce pays. Il est du devoir de tous et de toutes de traiter les violences sexuelles avec toute la gravité qui sied. Il est temps que ce que les femmes vivent ne soit plus tourné en dérision par des pseudo experts en tout et rien qui écument les plateaux télé et radios à la quête de notoriété ou pour défendre un homme politique qui allait en plein couvre-feu dans le salon Sweet beauté, mais qui n’a pas le courage de faire face à une gamine de 20 ans au tribunal pour se disculper.
Les médias doivent travailler avec les associations qui sont sur le terrain pour éliminer la stigmatisation et la honte associées aux violences sexuelles et pour créer des environnements sécurisés pour les survivantes.
A toutes les survivant.es : je vous crois, rien n’est de votre faute !
Aminata Libain Mbengue est psychologue clinicienne, féministe radicale, membre du collectif des féministes du Sénégal.
PAR Ciré Clédor Ly
AUCUNE FORCE NE PEUT VENIR À BOUT DE LA DÉFERLANTE POPULAIRE
Le destin d'une nation peut être influencé par un verdict, mais l'histoire d'un peuple ne sera écrite que par les hommes et les femmes qui se dressent contre l’injustice et l'oppression
La communauté nationale et internationale est témoin de l'escalade de la violence d'Etat et de la détermination du pouvoir à saborder irreversiblement la démocratie et l'État de droit au Sénégal.
Aucune couche de la population, aucune catégorie professionnelle, aucune tranche d'âge n'est épargnée par la folie meurtrière d'une caste politique en agonie.
Le plan méthodique de sabordage des institutions a commencé avec la volonté et la décision de conserver le pouvoir par la manipulation des lois democratiques, l'instrumentalisation de la justice, les embrigadements et violences policières, l'enlèvement, la séquestration et l'atteinte du principal opposant au pouvoir agonisant, en l'occurrence Ousmane Sonko qui est le porte-étendard de la lutte démocratique nationale et populaire, et qui cristallise toutes les aspirations actuelles du peuple sénégalais .
Toutes les institutions sont mises à contribution dans le complot d'Etat ourdi contre le leader de l'opposition démocratique Ousmane Sonko et la justice est utilisée comme bras exécutant, à tous les degrés, de la police judiciaire à la Cour Suprême, le Conseil constitutionnel appendice du pouvoir exécutif restant à l'affût pour le parjure de la dernière heure.
Les forces de défense et de sécurité sont détournées de leur mission républicaine, qui est d'assurer la protection et la sécurité des personnes et des biens. Elle est mise au devant pour porter atteinte aux libertés dans la parfaite connaissance du crime qu'on leur fait commettre et qui est puni de la dégradation civique par l'article 6 du Code pénal sans préjudice de la peine de réclusion criminelle encourue pour enlèvement à Vélingara, détention dans un véhicule et séquestration dans une habitation fût-elle le domicile de la victime Ousmane Sonko.
Sont responsables de ces crimes tous les exécutants directs, leur supérieurs hiérarchiques et les commanditaires politiques dont certains sont passibles de poursuites pour haute trahision.
Le destin d'une nation peut être influencé par un verdict, mais l'histoire d'un peuple ne sera écrite que par les hommes et les femmes qui se dressent contre l’injustice et l'oppression.
La mission d'un juge est de rétablir l'équilibre social lorsque la politique a une démarche qui installe le chaos et non de déclencher l'incendie et la mort.
Il est temps d'arrêter les persécutions et les violences exercées contre le citoyen Ousmane Sonko, de lever les barrières autour de sa demeure, de libérer tous les détenus politiques, de s'abstenir de toute décision allant dans le sens de priver Ousmane Sonko de son droit politique de compétir pour accéder aux plus hautes fonctions électives du pays, de perquisitionner illégalement ses téléphones et de diffuser ses données personnelles violant également son intimité et portant atteinte à sa vie privée.
Aucune force, fût-elle la loi, ne peut venir à bout d'une déferlante populaire qui finit toujours par l'emporter.
Ciré Clédor Ly est membre du collectif de la défense d’Ousmane Sonko.
par les femmes patriotes
L’AFFAIRE SWEET-BEAUTE OU L’HYPOCRISIE DE L’ÉTAT DE DROIT ET LE COMPLOT CONTRE LA DIGNITÉ DES FEMMES
Où est le viol, où est le droit, quand la seule préoccupation, c’est ‘‘tout sauf Sonko’’, ‘’tout pour un 3ème mandat’’, à la fois anticonstitutionnel et illégitime ? Nous résisterons jusqu’au bout
La honteuse pièce de théâtre tragi-comique, présentée à l’opinion publique sénégalaise, africaine et internationale par la Justice de Macky Sall, a étalé au grand jour le complot d’Etat dénoncé dès le départ par le président de Pastef-Les Patriotes, Ousmane Sonko. Tous les moyens, y compris les plus illégaux, les plus vils et les plus vulgaires, ont été déployés depuis plus de deux ans dans une vaste entreprise d’instrumentalisation tous azimuts de la justice, en vue de l’élimination d’un adversaire politique, qui incarne l’espoir et le rêve de l’immense majorité des populations de notre pays, les jeunes et les femmes en tête, pour l’avènement d’une société de liberté, d’égalité, de travail, de respect dans la fraternité, la paix, l’éthique et la dignité.
L’audience du 23 mai dernier est l’exemple achevé d’un piétinement de la dignité des femmes du Sénégal. Est-il acceptable en effet d’instrumentaliser la loi de 2019 criminalisant le viol en se servant d’une femme avide d’argent facile et de buzz, au risque même de décrédibiliser la défense des droits et des justes causes des femmes ? Est-il acceptable de renvoyer devant la chambre criminelle un dossier qui, dans tous les pays démocratiques dignes de ce nom, n’aurait jamais dépassé le stade des enquêtes préliminaires et serait sanctionné d’un simple non-lieu en bonne et due forme ? Un dossier vide, cousu de fil blanc, dans lequel aucune preuve - mais seulement des affirmations rocambolesques - n’a jamais été versée, malgré deux longues années de coaching laborieux de la prétendue plaignante, apparemment fière, ravie, pressée et même épanouie d’avoir été « victime de cinq viols répétés avec arme à feu » !
Où est le viol, où est l’arme à feu, mystère et boule de gomme ?! Est-il acceptable de jeter dans la mer de Ndaayaan comme un vulgaire ch-mais, le certificat médical du gynécologue Alfousseynou Gaye, agent assermenté, établissant sans ambiguïté, malgré toutes sortes de pressions et de menaces, l’absence de rapport sexuel et, a fortiori, de viol ? Est-il acceptable que le rapport de l’officier de police judiciaire, le capitaine Touré- autre agent assermenté, ait fait l’objet de modifications à son insu, reconnues publiquement par le procureur lui-même, jusqu’à lui valoir sa radiation des rangs de la gendarmerie nationale ? Est-il acceptable de faire fi royalement des témoignages de 1er rang fournis, avec constance et courage, par Mme Ndèye Khady Ndiaye, propriétaire du salon de massage ainsi que son époux, tous deux habitant dans les locaux, sans oublier ceux de la dame Aissata Ba, une employée présente au moment des fais supposés ? On est même allé jusqu’à raser l’immeuble abritant le salon, curieux pour qui chercherait à reconstituer les faits ou à établir la vérité à partir des faits !
Il est constant qu’un procès équitable, fondé sur la justice et la vérité, sur le respect strict des droits de la défense, n’a jamais été la préoccupation de ceux et celles qui ont ourdi ce complot d’État de bas étage. Nous pourrions multiplier encore ce genre d’illustrations du complot. Mais quand le procureur va jusqu’à douter lui-même du bien-fondé de l’accusation de viol et à proposer aux juges une porte de sortie sous couvert d’une requalification des faits en « corruption de la jeunesse », il y a là de quoi perdre son droit ! Encore un gigantesque bond en arrière de la part du régime agonisant de Macky Sall, qui nous renvoie à cinq siècles avant J.C, quand dans la Grèce antique, le philosophe Socrate, injustement accusé et condamné à mort pour « impiété et corruption de la jeunesse », avait été conduit à boire la ciguë, un poison mortel ! Où est le viol, où est le droit, quand la seule préoccupation, c’est ‘‘tout sauf Sonko’’, ‘’tout pour un 3ème mandat’’, à la fois anticonstitutionnel et illégitime. Au nom du 3ème mandat, on n’a pas hésité à aller chercher jusqu’en France pour payer les services du juriste Guillaume Drago, proche de Marine Le Pen, reçue récemment de manière clandestine, et comme par hasard, par Macky Sall, malgré sa qualité de tête de file de l’extrême droite française raciste, qui voue aux gémonies nos compatriotes africains et autres afro-descendants vivant en France !
L’adage le dit bien, « qui ne dit rien consent » (« seetaan ci sat la bokk »). Nous lançons un appel pressant à toutes les femmes patriotes, plus généralement à l‘ensemble des démocrates, femmes et hommes épris-e-s de vérité et de justice, à refuser une mascarade de procès qui se sert des femmes pour les avilir , piétiner leur dignité au nom des seuls intérêts de perpétuation d’un système néocolonial de servitude volontaire, de prédation et de tyrannie. Sur les traces des femmes de Ndeer, sur la voie d’Aliin Sitooye Jaata, nous résisterons jusqu’au bout, par tous les moyens démocratiques à notre portée. Nous en profitons pour mettre solennellement en garde Macky Sall, son ministre de l’Intérieur et ses forces de répression : les enlèvements, les infiltrations, les agressions barbares, y compris avec des balles réelles qui tuent nos enfants et nos frères, rien ne pourra empêcher le président Ousmane Sonko, de communier avec les différentes franges du peuple sénégalais et de les mobiliser davantage pour continuer à faire face jusqu’à la victoire finale.
Le don de soi pour la patrie, focus sur 2024 : Màkki du bokk, Sonko da fay bokk !
Le Mouvement Jigéeni Pastef National / MOJIP/Femmes Patriotes
par Khalifa Touré
CHARLES III OU LE MYSTÈRE DE LA ROYAUTÉ
Le pouvoir est dans la perspective de la Vox populi fondée sur la réputation. La désignation ou l’élection est fondée sur la réputation donc sur l’opinion corroborée par des faits de sainteté ou de compétence
En cette journée du 6 mai 2023 Charles III est couronné « roi, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et de ses autres royaumes et territoires, chef du Commonwealth, défenseur de la foi » : formule consacrée de la titulature complète du Roi d’Angleterre. Il devient ipso facto le gouverneur suprême de l’Eglise d’Angleterre à qui l’Archevêque de Cantorbéry et Primat de l’Eglise d’Angleterre Justin Welby qui a dirigé le rituel d’intronisation a prêté serment.
Autant de fastes débordants, de beautés flamboyantes, de bizarreries surannées et charmantes, de mystères bibliques, de mysticisme ancien, de serments propitiatoires devant des millions d’admirateurs terrestres et de saines désapprobations républicaines aujourd’hui et cromwelliennes il y a longtemps, lorsque son ancêtre Charles 1er fut décapité le Mardi 30 Janvier 1649 devant la maison des banquets à Whitehall, mais aussi des colères feintes devant tant de charme et de magnétisme autour d’une « chose » hors du temps , d’un pouvoir ancestral antérieur à mille ans.
Tous ces politiciens, présidents de République et intellectuels aigris fascinés par le pouvoir politique aimeraient être roi parmi les rois, même s’il n’y a qu’un seul roi. Mais toutes les âmes ne sont pas destinées à s’asseoir sur le trône sublime de la Royauté. Toutes nos républiques qui essaiment aujourd’hui la vaste terre des régimes politiques modernes ont conservé des attributs royaux et le plus emblématique, le plus sacré et le plus divin des décrets en est la grâce présidentielle, dont l’origine et la cause immédiate est le suffrage universel. D’où la controversée citation « Vox Populi Vox Dei », « la voix du peuple est la voix de Dieu ». Mais bien auparavant, au VIIIème siècle de l’ère chrétienne Charlemagne le Roi des Francs, un homme preux de sang carolingien , protestant devenu catholique par la force politique des choses, Paris valant bien une messe, reçut de l’Abbé Alcuin une lettre des plus éclairantes sur cette pensée qui est passée à la postérité, c’était en 798 : « Nec audiendi qui solent dicere, Vox populi vox Dei, quum tumultuositas vulgi semper insaniae proxima sit », autrement dit : « Et ces gens qui continuent à dire que la voix du peuple est la voix de Dieu ne devraient pas être écoutés, car la nature turbulente de la foule est toujours proche de la folie. » Certes, mais le peuple n’est pas la foule, cette foule qui confine à la folie même si la modernité s’est débrouillée pour inventer frauduleusement une foule qui se veut peuple. Le peuple, c’est la constance, la densité, la volonté politique dans le temps et l’espace. Personne ne peut se passer de ce peuple qui porte l’Esprit fut-il un régime monarchiste ou une république. Le pouvoir serait-il dans l’onction populaire conférée par le peuple, qui est loin d’être une abstraction ? Remarquez le rituel de l’onction sacrale avec le saint chrême, l’huile contenue dans une ampoule sur le corps de Charles III, à l’abri des regards où il s’est dévêtu pour se faire enduire dans l’Eglise même. Un autre type d’onction composée à partir d’olives récoltées dans deux oliveraies situées sur le mont des Oliviers à Jérusalem. Remarquez aussi la permanence du mysticisme du chiffre 5 qui structure le rituel en cinq étapes : La Reconnaissance, le Serment, l’Onction, l’Investiture, l’Intronisation / l’Hommage.
Le pouvoir est donc dans la perspective de la Vox populi fondée sur la réputation. On ne le dit pas suffisamment mais la désignation ou l’élection est fondée sur la réputation donc sur l’opinion corroborée par des faits de sainteté en cas de canonisation religieuse ou de compétence (de stature charismatique) lorsqu’il s’agit du pouvoir politique. Le législateur américain par exemple très méfiant envers l’opinion brute d’un peuple s’est inventé un lourd système des grands électeurs malgré l’origine américaine de cette belle définition de la démocratie par Abraham Lincoln « Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. » Mais ce fut bien après les pères fondateurs.
L’assassinat d’un roi est toujours une tentation déicide, comme ce fut l’entreprise maçonnique révolutionnaire en France en 1789. Au-delà des thèses complotistes défendues surtout par le fameux père jésuite l’Abbé Barruel, la Franc-maçonnerie a largement contribué à répandre ces idées vivaces encore aujourd’hui qui ont mis un terme au règne des Bourbons en France. Dans tout régicide il y a une volonté de couper les liens avec Dieu. Les insurgés de Bretagne, du Maine, de Basse Normandie et du Nord de l’Anjou ont eu beau chouanner, mais ce fut peine perdue, ils ont été finalement massacrés par les Républicains dans une guerre civile qui a duré trois ans. C’est le terrible cas Français !
Aucun républicain digne de ce nom ne peut comprendre la survivance mystique des Windsor en Grande-Bretagne. Rien n’y fit devant cette Monarchie constitutionnelle pas comme les autres. Les Windsor sont plus influents sur la politique gouvernementale de la Grande-Bretagne qu’on le dit. L’aveu d’une telle influence créerait une crise constitutionnelle. Ils ne peuvent comprendre que dans ce parfait rituel d’intronisation abandonné par toutes les royautés européennes qui ont du coup disparu, est inscrit le secret de l’éternité. Les Windsor disparaitront lorsque ce rituel voué à Dieu sera interrompu. Quant à la royauté suédoise elle a préféré si l’on peut dire le rituel maçonnique : « Il est vrai que les rois de Suède sont maçons de père en fils et même grand maitre de la maçonnerie suédoise. » a écrit Roger Peyrefitte, dans Les fils de la Lumière.
Il est clair que pour toute âme initiée, de quelque initiation que ce soit, du moins par la main droite, sent et même sait, qu’il est inscrit quelque chose de secret dans le creux de ce rituel d’intronisation de Charles III. Qui l’eût cru ? Camilla Reine d’Angleterre, assise aujourd’hui sur La pierre de la destinée. Cette dame loin d’être délurée, mal aimée pendant des années et incomprise mais tout de même l’amour de la vie de Charles était certainement destinée à la charge. Toutes les âmes féminines ne sont pas destinées à entrer dans le grand palais à côté de rois ou de présidents de République. Elles sont souvent interchangeables avec leur mari. Elles portent à peu près et souvent les mêmes attributs mystiques que leur mari. Par exemple en France une Pénélope Fillon a quasiment mais sans préméditation empêché son mari François d’entrer à l’Elysée.
Quant à la belle et bien aimée Lady Diana, qui aurait pu être la seconde épouse de Charles dans une union polygamique, elle n’était pas destinée à devenir reine, c’est pourquoi elle a été fauchée. Triste destinée pour cette dame elle-même incomprise par sa belle-mère Elisabeth II. Lady Diana était trop fragile, très exposée face à la force mystique du Trône royale qui l’a atteint même après qu’elle s’est séparée de Charles. Le Charles n’aurait jamais pu épouser en premières noces Camilla puisqu’en vérité il l’a connu avant le mariage (au sens biblique du mot connaitre). Mais que peut-on face à l’amour ? L’un des mystères de la royauté de Charles III est son amour fou pour Camilla Rosemary Shand devenue reine par la volonté de la très mystérieuse reine Elisabeth II dont certains généalogistes remontent la lignée jusqu’au prophète de l’Islam Muhamed (Psl). Thèse controversée défendue depuis longtemps par le Burke’s Peerage mais intéressante puisque même en terre musulmane tous les saints se réclament de sang Ahlou Beyt (les gens de la maison du prophète). Mais pourquoi aucune sainteté, aucune royauté n’est envisageable sans se rapporter à du « sang pur » ? Voilà la question. Les Windsor remonteraient de 43 générations entre autres lignées à Zohra Bint Hossein Ibn Ali qui serait l’ancêtre du Roi de Séville Al Mutamid Ibn Abbad (1040-1095) qui est le dernier émir Abbadide à régner sur Séville (Espagne). Vrai ou faux, tout cela augmente le voile de mystère qui entoure la royauté Britannique et ce couronnement de Charles III qui défie l’époque, le temps, la République et tous ces gadgets de la modernité.
Khalifa Touré est écrivain/ critique littéraire et cinéma.
Par Seybani SOUGOU
IL EST TEMPS DE RELEVER LA TETE ET FAIRE FACE AU MONSTRE
Comment un pays considéré pendant longtemps comme un ilot de stabilité dans la sous-région en est arrivé à un tel niveau de désastre, d’avilissement et de décrépitude ?
« La dignité est dans la lutte, elle n’est pas dans l’issue du combat » Pierre BILLON
Entré par effraction dans l’histoire politique du Sénégal, Macky SALL dont la fin de pouvoir est proche poursuit inexorablement sa fuite en avant et pratique la stratégie de la terre brulée, selon la célèbre formule consacrée « Après moi, le déluge »
Les images désastreuses, insoutenables et extrêmement choquantes d’un opposant politique (Ousmane SONKO) persécuté, séquestré, cueilli de force et emmené manu militari par des éléments du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) ont acté l’effacement de la République.
L’encerclement du domicile de SONKO par les forces publiques (un blocus totalement illégal) et l’interdiction d’accès à ses avocats constituent une atteinte intolérable aux libertés fondamentales et une violation extrêmement grave à la liberté de circulation d’un citoyen. De fait, la République est morte sous le magistère de Macky SALL.
Oui, le Sénégal est souillé, abaissé, humilié et est désormais classé dans le lot des dictatures les plus sordides. Comment un pays considéré pendant longtemps comme un ilot de stabilité dans la sous-région en est arrivé à un tel niveau de désastre, d’avilissement et de décrépitude ?
A tous les sénégalais qui souffrent dans leur chair les situations d’injustice imposées, à tous ceux qui sont piétinés et bafoués par les prédateurs du clan FAYESALL, voleurs de deniers publics, à tous ceux qui meurent, faute de moyens et de soins, à tous ceux qui survivent et n’arrivent plus à assurer les deux plats quotidiens, à tous ceux dont la voix nous renvoie l’écho d’une blessure tenace, à toutes les familles endeuillées dont les fils ont été emportés par les crimes d’état perpétrés par le régime mafieux de Macky Sall, à tous les morts (assassinats) sans coupables (François Mancabou, Fulbert Sambou, Didier Badji…), à toutes les voix étouffées ; la répression, la prison et l’humiliation ne réussiront pas à ébranler la certitude et l’inébranlable conviction que seule la lutte peut mener vers la liberté.
Si des potentats sans foi, ni loi comme Bokassa, Idi Amin Dada, Mobutu, et Blaise Compaoré, ont pu exister en Afrique, c’est parce que les citoyens et surtout les élites (intellectuels) ont abdiqué leur responsabilité. Tous les segments de la société (intellectuels, étudiants, jeunes, salariés, chômeurs organisations de la société civile…) doivent opposer une résistance morale à l’arbitraire et être disposés à payer de leur personne pour que la démocratie sénégalaise acquise au prix de hautes luttes, ne vole en éclats.
Que ce soit clair : le Sénégal n’est pas et ne sera jamais la propriété de Macky SALL. Dans le cours politique actuel du pays, l’heure n’est ni aux atermoiements, ni à la résignation puisque les forfaitures de Macky Sall ont atteint un point de non retour qui l’obligent à user de tous les artifices et subterfuges pour conserver le pouvoir et assurer la survie de son clan.
La lutte contre le régime violent, criminel et despotique de Macky Sall est un impératif. Les sénégalais, où qu’ils vivent dans le monde (Amérique, Europe, Asie, Afrique…) doivent se mobiliser pour faire face au MONSTRE. Un adage populaire dit que « l’arbre qui tombe fait plus de bruit que les arbres qui poussent ».
Les pratiques immondes de Macky Sall, dont les jours à la tête du pays sont comptés qui utilise la répression carcérale sont totalement contreproductives. Parce que tout ce qui excessif est insignifiant, le régime de terreur qu’il tente d’instaurer (en vain) est viscéralement voué à l’échec. Il est temps que les sénégalais, relèvent la tête et lavent l’affront. Une colère sourde envahit le pays. Il ne faut point en douter : lorsque l’horloge des citoyens dignes du Sénégal sonnera, les sénégalais, recouvreront liberté : pleine et entière. Macky SALL dont l’indignité est sans borne, quittera le pouvoir, de la façon la plus minable qui soit : la somme des colères finira par le perdre.
Par Khady GADIAGA
LE DIALOGUE DE L’EXCLUSION
Dialogue dans la sérénité, belle utopie sous nos cieux qui permet de croire que de manière civilisée, des représentants du pouvoir et de l’opposition pourront expliquer et démontrer la pertinence de leur action
Dialogue dans la sérénité, belle utopie sous nos cieux qui permet de croire que de manière civilisée, des représentants du pouvoir et de l’opposition pourront expliquer et démontrer la pertinence de leur action, nourrir la réflexion sur ce qui fait avancer durablement notre pays et s’entendre sur des consensus forts !
Un pouvoir central qui mise sur la force
Le pouvoir tel qu’il se présente est appelé à mourir de ses propres leviers de domination. C’est un pouvoir qui prône l’exclusion en privilégiant la valeur marchande des citoyens à la place de leur valeur d’être. Son action se fonde sur la force: la force dissuasive fondée sur la peur, la force rétributive fondée sur la dépendance et la force manipulative fondée sur l’ignorance. Vivre dans une telle société pousse chacun à se défendre jusqu’au bout pour conserver sa valeur marchande. Il se dégage de cette peur une énergie de survie (pour sa propre valeur marchande) qui est le pétrole de la structure du pouvoir. Le producteur produit au point d’en perdre sa santé parce qu’il est terrifié, avec raison, par l’idée de perdre sa valeur marchande et d’être désignable comme paria. La structure du pouvoir ne peut survivre qu’en sacrifiant des parias et des ennemis, ceux qui à l’intérieur comme à l’extérieur ne se conforment pas à ses valeurs d’exclusion. L’ennemi, lui doit être anéanti, le plus souvent avec une sorte de passion haineuse…
Mais alors à quoi sert ce dialogue qui avant même de commencer sonne le manichéisme le plus tranché au sein de ses potentiels acteurs ? Qui en fixe les règles ? C’est encore et toujours le président de la République avec ses affidés qui en fixent les références dont le modus operandi est souvent biaisé par des calculs politiciens et autres basses manœuvres indignes du jeu démocratique. A l’assemblée du peuple, des lois opaques qui impactent fortement la vie des sénégalais sont votées de manière expéditive par une majorité mécanique renforcée par une certaine opposition aux ordres sans débat consistant, ni autre forme de procès. Ce qui explique peut-être que l’idée ne soulève pas tant d’enthousiasme que cela. Un débat est confié à la surveillance d’un modérateur, ou d’un médiateur ( ABC aurait été dans son rôle de prédilection, paix à son âme).
Au Sénégal, fait révélateur, on parle de piloter, comme si le débat était une voiture de course engagée sur une route glissante. On choisit comme d’habitude des experts du dialogue ou des associations révélatrices du grand malaise pour dialoguer, du déminage des esprits en surchauffe.
Le dialogue national serait-il une matière explosive ? Que peut-on attendre de concertations qui ont déjà cédé le pas au grand déballage, à la grande braderie de la parole, ce qui est normal, me dira-t-on, en période de solde... et à la violence physique et morale la plus barbare?
Revenons à cette violence ambiante, qui a envahi le peu de débat citoyen qui suinte de haine et qui fait des déflagrations telluriques sur le terrain.
On la retrouve encore dans notre verbe pronominal « se débattre ». C’est un suspect qui se débat pour échapper à la police. C’est le nageur qui se débat pour échapper à la noyade. Le bât blesse partout, dans ce pays, tout semble être une insulte aux valeurs de paix, de tolérance et d’humanité. Les sénégalais sont englués dans «une mare à boue» politicienne qui emprisonne leur énergie pour se débattre et au-delà, se battre contre la médiocratie devenue valeur refuge. Nos personnels politiques ont fini de rendre tout le monde parano, voire schizo.
Explorer l’équilibre de l’avant conflit
En l’absence d’un débat sérieux, offrant des garanties de transparence du processus décisionnel, d’indépendance des acteurs et de clarté des fins de la consultation, un dialogue équivaut à un compromis biaisé. Il donne, le plus souvent, une réponse à côté de la question posée de la pacification du terrain politique et des attentes citoyennes ou est dévoyé en consensus non inclusifs et accords fragiles. Et la démocratie d’exclusion, personne n’en veut...
► Et alors… un défi ?
Il faut explorer l’équilibre de l’avant-conflit pour repérer ce qui a pu le faire basculer vers la perception d’un déséquilibre. Il faut faire un film de sa genèse et trouver le courage de soigner radicalement ce grand corps malade et sur le point de mourir de ses stigmates de haine et de violence.
En créant des espaces sûrs de dialogue constructif, où les acteurs engagent des discussions non conflictuelles sur des sujets controversés, ces derniers seront plus à même de comprendre les problèmes complexes et à remettre en question leurs propres hypothèses et celles des autres. Ils pourront ainsi améliorer leur aptitude au dialogue respectueux, anticiper les réponses, maîtriser leurs émotions et contester les préjugés. Donc la démocratie directe, à petites doses… et après de larges concertations.
Recréer les conditions d’un dialogue et d’une solution pacifiée.
Avant qu’il ne soit définitivement trop tard, la sagesse voudrait que l’on arrête l’escalade de la violence avant tout dialogue national par la libération des otages politiques et la levée du blocus du domicile de leader du Pastef. Seules ces mesures peuvent mettre un bémol à cette situation de surchauffe et de guerre larvée alimentée par des médias en pleine déréliction usant de données de plus en plus manipulées, de rumeurs incontrôlables, de sources improvisées. Si nous voulons survivre à cette confusion générale, il faut recréer les conditions d’un dialogue et d’une solution pacifiée au Sénégal, dans le respect des règles de jeu normales d’une démocratie, du droit constitutionnel et du droit international public.
Le clergé et les quelques voix constructrices de solidarité qui restent encore crédibles et audibles doivent contribuer à faire baisser la tension et à aider à la reprise d’une vie économique normale dans le pays, ce qui constitue une condition nécessaire afin que de nouvelles élections puissent se dérouler avec une population qui ne soit plus mise aux abois. Les parties au dialogue sont appelées à faire preuve d’indépendance, à être des acteurs de médiation et de conciliation, non des courroies de transmission de compromission, de division, de délation et de chasse aux sorcières. Ne reproduisons pas ce que fut le Rwanda ou même la Côte d’Ivoire dont l’équilibre est encore fragile, l’Amérique latine des années 70 et la terre brûlée qu’est aujourd’hui le Moyen-Orient... En tous cas, les seuls à être muselés dans cette recherche de cohésion, ce sont les casseurs de ressorts sociaux, les pilleurs de la république, les violeurs constitutionnels et les violents, ethnicistes et torpilleurs de la paix civile. Et même si les va-t-en guerre sont invités au débat, ce doit être dans la sérénité. Sinon, qu’ils restent chez eux, ils n’ont pas droit à la parole. Rappelons le, la dictature de la rue est loin d’être préférable à un Etat aussi scélérat qu’il soit.
Par Professeur Babacar FALL
HOMMAGE A ABDOULAYE LY, UN PANAFRICANISTE
Voilà déjà 10 ans que Abdoulaye Ly nous a quitté pour rejoindre le Créateur, Tout Puissant ! C’était le 31 mai 1913. Il avait alors 94 ans. C’était au terme d’une vie bien remplie et toute entière consacrée au Sénégal, à l’Afrique et à la communauté
Voilà déjà 10 ans que Abdoulaye Ly nous a quitté pour rejoindre le Créateur, Tout Puissant ! C’était le 31 mai 1913. Il avait alors 94 ans. C’était au terme d’une vie bien remplie et toute entière consacrée au Sénégal, à l’Afrique et à la communauté scientifique.
Le 06 juillet 2022, sa famille remettait à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar les ouvrages, manuscrits et documents d’archives que l’historien et homme politique sénégalais a laissés aux générations actuelles et futures. C’est une bibliothèque de 1571 ouvrages de diverses disciplines et un fonds 258 dossiers dont 152 dossiers manuscrits numérisés constitués de papiers rédigés par Abdoulaye Ly ou collectés par lui pour les besoins de ses activités de chercheur et d’homme politique. Il s’agit d’une véritable mine d’or pour les chercheurs en sciences sociales, économiques et politiques classée et appelée Fonds Abdoulaye Ly conservé à l’IFAN Ch. A. Diop.
La disponibilité de ces ressources documentaires et archivistiques est une belle opportunité qui élargit le champ des recherches amorcées par Abdoulaye Ly. Elle permet aussi de sortir de la pénombre ce vieux combattant très apprécié pour son double visage d’historien et d’homme politique qui, par la profondeur de sa production théorique et la constance de son engagement politique, est l’un des penseurs ayant le plus influencé l’histoire intellectuelle de l’Afrique de l’Ouest francophone.
PARCOURS DE RESILIENT
Né le 25 février 1919 à Saint-Louis du Sénégal, Abdoulaye Ly a fait ses études coraniques, primaires et secondaires dans sa ville natale et à Dakar, alors capitale de l’Afrique occidentale française. Il a fréquenté les Cours secondaires de Dakar. Après l’obtention du baccalauréat, en 1938, il poursuivit ses études supérieures en histoire à l’Université de Montpellier, en France. Avec l’éclatement de la Deuxième Guerre mondiale, en 1939, et en sa qualité de citoyen français, il fut appelé sous les drapeaux et a vécu l’expérience de la guerre. Après cet épisode, le Sergent Abdoulaye Ly a fait partie des troupes envoyées au Maroc où il resta deux années. Cette mobilisation lui a valu quatre années d’interruption de ses études.
Démobilisé en 1943, Abdoulaye Ly reprend ses études d’histoire. Il obtient la licence d’enseignement à l’Université de Montpellier avant de s’inscrire à l’Université de la Sorbonne pour y préparer le diplôme d’études supérieures d’histoire. En février 1946, il fait accepter le sujet « La Compagnie du Sénégal de 1673 à 1696 » dans le cadre de la préparation de sa thèse de doctorat d’État ès Lettres. Dès lors, il partage sa vie entre l’action militante et la recherche académique, parcourant les services d’archives des villes portuaires de France (Marseille, Bordeaux, La Rochelle, Nantes, Saint-Malo, Le Havre, Rouen, Dunkerque, Dieppe), et de l’océan Indien (PortLouis) pour collecter les matériaux sur la traite négrière et rédiger sa thèse.
En 1951, il fut recruté par l’Institut Français d’Afrique Noire (IFAN). Il commence alors une brillante carrière de chercheur doublée de celle d’un homme politique de gauche. Fondateur et conservateur du Musée Historique de l’Afrique occidentale française (AOF) à Gorée, avant celui de la place Sowéto, il fut en 1955 Directeur adjoint de l’IFAN depuis 1955. C’est en 1977 qu’il a pris sa retraite en 1977. Sa présence à l’IFAN n’a été interrompue que par l’exercice des fonctions ministérielles entre 1957 et 1958 comme ministre de la Production et entre 1966 et 1970 au titre de ministre de la Santé et de l’Action sociale.
HISTORIEN DE LA TRAITE NEGRIÈRE
En 1955, Abdoulaye Ly soutient sa thèse « La Compagnie du Sénégal ». Il est alors le premier sénégalais titulaire d’un doctorat d’État en histoire. Sa thèse étudie l’évolution du commerce de la Sénégambie du XVIIe au XVIIIe siècles. Il y met en évidence le rôle privilégié joué par la Compagnie du Sénégal dans la traite négrière et les formes de connexion entre l’histoire mondiale et l’histoire africaine. Il s’est attelé à déconstruire les codes multiséculaires du trafic atlantique de sucre et d’esclaves noirs qui caractérise la connexion des continents au profit de l’Europe mercantiliste. Son ouvrage magistral s’inscrit dans la même dynamique que les travaux de l’école de la dépendance et explique, en partie, les maux dont souffre le continent noir. Il préfigure les études sur l’histoire globale du continent africain.
C’est Abdoulaye Ly qui déblaie le terrain aux travaux de Samir Amin sur les relations entre Centre et Périphérie et de Walter Rodney sur « How Europe Underdeveloped Africa » (1972). Ses publications ont également servi de balises aux travaux des historiens Boubacar Barry, auteur de Le royaume du Waalo Le Sénégal avant la conquête (1972) et Abdoulaye Bathily, auteur du livre intitulé Les Portes de l’or Le royaume de Galam (Sénégal), de l’ère musulmane au temps des négriers (VIIIe-XVIIIe s.) » (1985), qui ont porté sur l’importance de l’histoire de l’Atlantique dans l’évolution de l’Afrique et, en particulier, de la Sénégambie, à partir du XVe siècle et les conséquences sur les sociétés sénégambiennes de la domination progressive de l’Europe dans le cadre de la Traite Négrière et de la Colonisation. Tous ces travaux ont mis en évidence les origines historiques de la dépendance en Afrique qui continue, jusqu’à nos jours, de plomber les efforts de développement endogène et autocentré de tout un continent.
HOMME POLITIQUE ET PENSEUR PANAFRICANISTE RADICAL
En 1951, Abdoulaye Ly et ses compagnons Amadou Mahtar Mbow, Cheikh Fal, Abdoul Aziz Wane, Diaraf Diouf, Fadilou Diop et Solange Faladé, entre autres, mettent sur pied le GAREP (Groupement Africain de Recherches Économiques et Politiques), organisation anti-impérialiste conçue comme une structure d’orientation et d’animation de la FEANF (Fédération des Étudiants d’Afrique Noire en France). Abdoulaye Ly est le rédacteur du Manifeste. Il y joua un rôle central dans le processus d’unification des jeunes étudiants d’Afrique noire évoluant en France. C’est en 1952 qu’il rentre définitivement au Sénégal. En 1955, avec ses amis du GAREP, Abdoulaye Ly rejoint le BDS (Bloc Démocratique Sénégalais) de Léopold Sédar Senghor et il devient ministre de la production en 1957 sous le gouvernement de la Loi-cadre. Mais, sa fidélité à l’Indépendance l’amène, avec Amadou Mahtar Mbow, Assane Seck, Abdoulaye Guèye Cabri, Fadilou Diop et Thierno Ba, entre autres, à créer, en 1958, le Parti pour le Regroupement Africain (PRA)-Section Sénégal. Secrétaire général du PRA-Sénégal, Abdoulaye Ly s’oppose au présidentialisme néo-colonial. Il en paie le prix fort avec une détention politique entre 1963 et 1965.
En 1966, le PRA-Sénégal intègre l’UPS (Union progressiste sénégalaise) de Léopold Sédar Senghor sur la base d’un accord politique précis. Il entre dans le Gouvernement et assure, entre 1966 et 1970, les fonctions de ministre de la Santé et de l’Action Sociale. Avec l’amorce de la relève de la classe politique qu’entreprend Léopold Sédar Senghor en 1970, en nommant Abdou Diouf au poste de Premier ministre, Abdoulaye Ly et ses amis de l’ex-PRA Sénégal quittent l’attelage gouvernemental et parlementaire avec le sentiment que leur génération avait rempli sa mission en jouant les premiers rôles. Dès lors, il consacré toute son énergie à accompagner les jeunes générations dans leurs expériences politiques. Abdoulaye Ly et ses amis politiques font le choix de cheminer entre 1982 et 1992 avec le Parti And Jëf, regroupant « une fraction de la jeunesse militante qui, avec constance et abnégation, a essayé de faire son chemin ».
Pour Abdoulaye Ly, cette expérience formelle avec les jeunes ainsi que les contacts et échanges variés et multiformes avec les divers segments de la société sont la condition d’éviter d’avoir une pensée morte. Aussi, Abdoulaye Ly est-il resté dans une quête permanente du savoir et dans la posture de servir les jeunes générations. Au regard de l’orientation des travaux de l’historien Abdoulaye Ly, on comprend le lien étroit entre sa production intellectuelle et son engagement politique pour l’émancipation des peuples africains. Toutes ses publications, depuis « Les Masses Africaines et l’Actuelle Condition Humaine » (1956), en passant par « POUR UNE POLITIQUE NOVATRICE DE GAUCHE EN AFRIQUE : Réflexion d’un vieux militant sur les conditions de cohérence et de tolérance » (2008), reflètent les préoccupations majeures de l’homme politique engagé dans l’action jusqu’à son dernier souffle. Il déconstruit le présidentialisme néocolonial et jette les bases de la construction d’un État démocratique restituant l’initiative au génie créateur des peuples africains. Prototype de l’intellectuel dissident, il publie en 1992, Les regroupements politiques au Sénégal (1956-1970), un ouvrage considéré comme une autobiographie politique.
Ce livre a été complété par Dialogue avec Abdoulaye Ly. Historien et homme politique sénégalais, publié en 2001. Ces deux ouvrages offrent des repères pour comprendre l’évolution politique et intellectuelle du Sénégal contemporain. Son expérience de ministre l’amène à découvrir et analyser un système politique post-indépendance moulé dans le présidentialisme néocolonial qui est une négation de la démocratie réelle et citoyenne.
Ses ouvrages sur le système politique déconstruisent le mécanisme de gestion personnalisée du pouvoir mis en place dans la plupart des pays africains indépendants. La force d’Abdoulaye Ly a été d’avoir associé intimement sa réflexion intellectuelle hétérodoxe, originale et prodigieuse et son action politique pour baliser ses choix. C’est ce qui explique, malgré le poids de l’âge, sa capacité à dialoguer constamment avec toutes les générations qu’il a continué à inspirer tant au niveau politique que dans le domaine de la réflexion intellectuelle.
Doté d’un esprit scientifique aiguisé, il a produit une quinzaine d’ouvrages réflexifs entre 1955 et 2008 sur l’histoire politique, économique et sociale du Sénégal, les conditions de l’unité africaine et les tâches de l’élite. Son œuvre panafricaniste, son engagement politique et son sens du devoir accompli dans la dynamique du réarmement moral de la jeunesse du continent caractérisent, en partie, l’identité de ce grand patriote africain Le philosophe sénégalais Djibril Samb, ancien Directeur de l’IFAN Cheikh Anta Diop, a porté sur lui ce témoignage : « Abdoulaye Ly est un homme libre. Il y a chez lui comme un effort permanent de conciliation entre les exigences du statut d’historien, formé au culte de l’établissement minutieux des faits, et celles liées à la qualité de citoyen, imbu de valeurs traditionnelles, comprenant la gravité de la parole proférée, par essence immarcescible, surtout lorsqu’elle est infamante ».
Au double plan scientifique et politique, le combat de Pr Abdoulaye Ly pour la restauration de la dignité humaine bafouée constitue un précieux lègue à exhumer au bénéfice de notre jeune génération soucieuse de relever les défis du développement d’une Afrique qui reste à libérer de la pauvreté, de la maladie pour l’épanouissement de tout le potentiel du continent. C’est ce penseur dissident, fécond et profond que la communauté scientifique africaine doit s’assigner de sortir de l’ombre ou de l’oubli et que la nation sénégalaise doit reconnaitre et honorer.
Réfléchissons sur les propos du Professeur Djibril Samb qui a ainsi qualifié la portée du modèle qu’a incarné l’historien et l’homme politique : « La constance de la vie et de l’œuvre de Abdoulaye Ly constitue certainement un modèle à méditer. Il nous enseigne que, dans la compétition des nations, l’Afrique doit non seulement faire entendre sa voix celle qui porte l’espoir mais aussi sillonner sa propre voie celle du développement global des humains ».
Par Professeur Babacar FALL
Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Sénégal & institut d’études avancées de Saint-Louis du Sénégal
par Meïssa Diakhaté
LE DIALOGUE NATIONAL AU SENEGAL, ENTRE LE DROIT ET LA POLITIQUE
Une distribution mécanique des pouvoirs pour garantir la liberté aurait pour conséquence une paralysie réciproque des institutions
Une distribution mécanique des pouvoirs pour garantir la liberté aurait pour conséquence une paralysie réciproque des institutions. C’est sous ce rapport que les fonctionnalités des régimes politiques contemporains institutionnalisent des rouages démocratiques permettant au pouvoir exécutif, au pouvoir législatif et, dans des proportions moindres, au pouvoir judiciaire d’aller « de concert ». Mais, la participation des partis politiques au jeu démocratique n’est pas sans effet. Elle a introduit des expédients politiques dans l’espace démocratique, lesquels peuvent parfois dénaturer les rapports institutionnalisés. Désormais, l’exercice du pouvoir politique doit tenir compte aussi bien de la structure juridique des relations verticales ou horizontales que des réseaux de relations configurés par la conjoncture politique.
I. Un rouage démocratique
Les textes fondamentaux de la République du Sénégal consacre un ensemble de cadres dédiés au dialogue harmonieux entre les institutions.
Sous ce rapport, le Peuple souverain proclame éloquemment, à travers le préambule de la Constitution, « la volonté du Sénégal d’être un Etat moderne qui fonctionne selon le jeu loyal et équitable entre une majorité qui gouverne et une opposition démocratique, et un Etat qui reconnaît cette opposition comme un pilier fondamental de la démocratie et un rouage indispensable au bon fonctionnement du mécanisme démocratique ». Ce postulat démocratique appelle nécessairement des hauts lieux de dialogue en faveur du consensus politique, de la reddition des comptes, de l’alternance démocratique, du développement et du raffermissement des institutions.
Clé de voûte des institutions, le Président de la République, et plus largement le Gouvernement, devient l’animateur du dialogue institutionnalisé. Ce rôle transparaît à plusieurs endroits dans ses relations avec l’Assemblée nationale. En dehors des moyens violents d’action réciproque (motion de censure, pouvoir de dissolution), le dialogue est noué à l’occasion du travail parlementaire (projets de loi, travaux des commissions, discussions en plénière, renvoi pour seconde lecture, saisine a priori du Conseil constitutionnel, promulgation, message solennel, etc.).
A l’endroit des autres institutions, l’opportunité de dialoguer est également manifeste. Le Haut Conseil des Collectivités territoriales peut être saisi pour avis motivé sur les politiques de décentralisation et d’aménagement du territoire (article 66-1 de la Constitution). De même, le Conseil économique, social et environnemental peut être consulté par le Président de la République, l’Assemblée nationale et le Gouvernement sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental. Tout plan ou tout projet de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental lui est soumis pour avis (article 87-1 de la Constitution).
De plus, la Cour suprême, réunie en assemblée générale, a une compétence consultative. D’une part, « elle donne au Gouvernement un avis motivé sur les projets de loi et projets de décret soumis à son examen. Sans pouvoir porter d’appréciation sur les fins poursuivies par le Gouvernement, la Cour suprême donne un avis motivé sur la légalité des dispositions sur lesquelles elle est consultée, mais aussi, s’il y a lieu, sur la pertinence des moyens juridiques retenus pour atteindre les objectifs poursuivis, en tenant compte des contraintes inhérentes à l’action administrative ». Toujours réunie en Assemblée générale consultative, la Cour suprême donne également, son avis au Président de la République ou au Gouvernement dans tous les cas où sa consultation est prévue par des dispositions législatives ou réglementaires ou lorsqu’elle est consultée sur les difficultés apparues en matière administrative. D’autre part, « En cas d’urgence, le Premier Président donne, sur demande du Gouvernement, un avis juridique sur les projets de convention entre l’Etat et ses partenaires techniques et financiers. Elle peut être consultée par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Gouvernement dans les conditions fixées aux articles 16 à 19 de la présente loi organique » (loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique n° 2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour suprême, modifiée par la loi organique n° 2022-16 du 23 mai 2022).
C’est dans cette veine que le 2e alinéa de l’article 92 de la Constitution trouve sa pleine signification, particulièrement dans le contexte actuel gorgé de tensions politiques autour d’une probable 3e candidature du Président de la République. Pourtant, le canal institutionnel trace, du moins si le doute est encore permis, des sillons de dialogue, à travers notamment la saisine du Conseil constitutionnel aux fins d’une interprétation authentique des dispositions de l’article 27. En effet, « le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de la République pour avis ». A l’occasion, les sages compétents confirmeront ou infirmeront leur jurisprudence de 2016 en faisant, à leur tour, dialoguer la parole constituante et les impératifs démocratiques. La « décision » rendue aura légitimement plus d’autorité que toutes autres articulations doctrinales qui ne sont de nature qu’à ajouter une couche de confusion sur la vérité juridique. Seulement dans le système constitutionnel sénégalais, cette voie est ouverte au seul profit de l’autorité présidentielle, donc à l’exclusion des autres pouvoirs publics et des citoyens. Il appartient ainsi au Président de la République, et seul à lui, d’en apprécier l’opportunité.
Dans les conditions normales de respiration démocratique, le dialogue national est permanent au sein des espaces institués à cet effet. C’est d’ailleurs en considération de l’institutionnalisation des dispositifs de dialogue que certains contestent l’idée d’un dialogue national lorsque les institutions démocratiques fonctionnement régulièrement. Ils estiment que la fonction du dialogue national est d’expurger les germes d’une crise politico-institutionnelle ou de suppléer les dispositifs institutionnels défaillants.
II. Un expédient politique
Les bienfaits d’un dialogue politique sont évidents surtout en matière électorale au Sénégal. A la veille des échéances électorales, le processus électoral est objet d’évaluation et de mise à jour. Le consensus ayant imprégné le Code de 1992 est sans cesse réédité, à quelques points de désaccords près. A la limite, il y a une sorte de routinisation du dialogue électoraliste. Ce que rappelle récemment le Bureau de l’Assemblée nationale à l’effet de contenir les velléités de réforme plus ou moins exclusif du Code électoral nourries par un maillon de l’Opposition parlementaire.
Plus largement, on est en droit de considérer que le dialogue peut exercer un rôle déterminant en matière de gouvernance politique Mais, le succès et l’utilité restent fondamentalement tributaires de la capacité des acteurs politiques à relever solidairement un certain nombre de défis.
Le premier défi aura assurément trait à la délimitation du périmètre du dialogue national. Les enjeux n’auront pas la même tonalité selon que le dialogue est structuré ou ouvert. Quoi qu’il en soit, la dissonance des rhétoriques et l’instrumentalisation des affinités politiques constitueront inéluctablement des biais dans la négociation. C’est pourquoi, l’esprit constructif et le réalisme politique devront gouverner les débats sur la base de solides leviers de succès que sont la clarté des thématiques, le caractère méthodique des discussions et la définition d’un ordre de priorités dans la réforme. En clair, le dialogue politique ne saurait être une foire aux idées voire une ribambelle de proclamations ou de propagandes, sans avenir. D’où cet éclatant jugement : « Le dialogue, relation des personnes, a été remplacé par la propagande ou la politique, qui sont deux sortes de monologue » (Albert Camus, L’’homme révolté).
Pour parer à cette éventuelle, les points d’accord articuleront une feuille de route raisonnable et opérationnelle, parce que déclinée, entre autres, en actions et activités pertinentes, en responsables identifiés, en modalités de mise en œuvre, en délais de réalisation et en moyens de vérification.
L’autre réalité frappante, c’est que dans le contexte sénégalais, le commanditaire du dialogue et le destinataire des résolutions sont généralement confondus : il s’agit dans les deux cas du Président de la République. De plus, il appert que les résolutions sont principalement dirigées contre lui. En toute logique, la posture de l’opposition est offensive ; elle mène le débat de front pour arracher des droits ou arrondir les aspérités du pouvoir en place. Dans ces conditions, des interrogations sont légitimes : le Président de la République est-il tenu d’appliquer en intégralité et à la lettre les résolutions ? De quelles marges d’appréciation dispose-t-il dans la sélection des réformes à mener dans le court, le moyen ou le long terme ? Est-il lié ou délié par rapport au choix des modalités de mise en œuvre ?
Le second défi sera, la quête d’un compromis dynamique. Bien entendu, l’unanimité en politique relève de l’illusion. C’est ainsi que les acteurs seront invités à s’entendre sur des points essentiels, en préservant les équilibres institutionnels et en consolidant les fondamentaux démocratiques.
A l’épreuve de la pratique, le dialogue couvre partiellement l’atmosphère politique. Au regard de la météo politique, des sensibilités politiques ou civils peuvent s’autoriser des libertés par rapport à un dialogue national. Ne serait-ce qu’en raison de cette vertu démocratique, il convient de rallier les segments significatifs de l’opposition politique et de la société civile et d’éviter que « tout l’art du dialogue politique consiste à parler tout seul à tour de rôle » (André Frossard). Cette réalité met en lumière la problématique sous-jacente à la représentativité. L’existence apparente de certaines formations politiques ou sociétés civiles amène à questionner la légitimité de leur présence décorative dans les cercles de dialogue politique.
Tout compte fait, il est important de noter que les préconisations du Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité ne sont pas absolues en matière de délai de modification des règles électorales. Au sens du Protocole, la modification pourrait intervenir à tout moment, sous réserve simplement de conquérir le « consentement d’une large majorité des acteurs politique ». Les termes de l’article 2 en attestent sans équivoque : « 1. Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques ».
par Oumar Dia
CRISE DE LA DÉMOCRATIE REPRÉSENTATIVE EN AFRIQUE DE L’OUEST FRANCOPHONE ET EXIGENCES DE RÉFORMES
EXCLUSIF SENEPLUS - Aujourd’hui, la médiation représentative, sous sa forme présidentialiste, est vécue par les Sénégalais comme une sorte de dépossession. La perversion d’une démocratie formellement représentative en régime dictatorial est facilitée
Pouvant être définie comme une forme de gouvernement dans laquelle la souveraineté n’appartient pas à un ou à quelques individus mais au peuple constitué d’humains universellement et réciproquement égaux en droits, la démocratie se pratique soit de façon directe par les citoyens soit de façon indirecte par ses représentants élus pour une durée déterminée. Le modèle athénien de la démocratie est resté célèbre dans les imaginaires en ce sens que sur toutes les questions importantes concernant la vie de la cité, l’avis des citoyens (excepté les femmes, les étrangers et les esclaves) était directement requis à travers des consultations organisées par les pouvoirs publics de la cité-Etat. Mais Athènes était une petite cité avec peu de citoyens. Elle pouvait donc se permettre le luxe d’avoir pour système de gouvernement une démocratie directe et non une démocratie représentative. Conscient à juste raison de ce type de contrainte, Jean Jacques Rousseau avait estimé au dix-huitième siècle qu’une authentique démocratie, c’est-à-dire une démocratie directe sur le modèle de la démocratie athénienne était impossible dans les grandes républiques modernes. Le moindre mal pour ce type de républiques, serait donc la démocratie représentative où des représentants élus dans le cadre de mandats clairement délimités se voient confiés la responsabilité et le droit de décider pour toutes et tous de questions importantes pouvant même toucher à leur vie intime.
En Afrique et plus particulièrement en Afrique de l’ouest, les processus et expériences endogènes de démocratie directe ou indirecte avaient été brutalement interrompus par le colonialisme européen qui leur avait substitué par le bâton des régimes autoritaires et foncièrement répressifs ; régimes qui s’étaient dans la plupart des cas reproduits dans les Etats postcoloniaux. Le retour à des expériences et à des processus démocratiques, sur le modèle de la démocratie représentative, s’est fait concomitamment avec le processus encore inachevé de décolonisation et de libération de la région. Trois grandes vagues du retour de l’Afrique en général et de l’Afrique de l’ouest en particulier à la démocratie scandent ce processus de sortie et de libération de l’autoritarisme colonial et post-colonial.
- La première grande vague renvoie à la période des indépendances où les mouvements de libération nationale -qu’ils aient été pacifiques ou non- avaient été prolongés dans la plupart des pays par des partis uniques à qui était dévolu le rôle d’animer la vie politique et de désigner, même suite à des compétitions arbitrées par le parti, des candidats aux différentes élections. Si clairement une telle pratique démocratique excluait le multipartisme, formellement, elle n’était pas moins une démocratie représentative dans la mesure où c’était toujours officiellement des élus du peuple qui le représentaient et décidaient en son nom et non des colons venus d’ailleurs.
- La deuxième grande vague est celle du multipartisme du début des années quatre-vingt-dix suite aux graves crises de légitimité des partis uniques qui avaient conduit dans nombre de pays à des conférences nationales souveraines. Cette deuxième vague s’est également traduite par l’adoption du modèle représentatif de la démocratie et a permis à des peuples de pays comme le Mali, le Bénin, le Congo-Brazzaville, etc. de choisir sans contrainte de nouveaux dirigeants politiques.
- La troisième vague est celle qui est consécutive aux grandes mobilisations populaires (Tunisie, Egypte, Sénégal, Burkina-Faso, République Démocratique du Congo, Mali, etc.) de 2010, 2011, 2014 et 2020. Avec comme lame de fond de fortes aspirations à vivre dans des sociétés non plus formellement mais pleinement démocratiques, ces grandes mobilisations populaires étaient donc au moins en partie le signe d’une profonde crise du modèle de la démocratie représentative adopté jusque-là par nombre de pays africains. Portée par de nombreux et puissants mouvements citoyens (Y en a marre au Sénégal, Balai citoyen au Burkina-Faso, mouvement Filimbi en République Démocratique du Congo, etc.), il était attendu de cette troisième vague de retour à la pleine démocratie une solution à la crise du modèle représentatif, éventuellement par des recours ponctuels au modèle participatif impliquant la société civile et les mouvements citoyens.
Cette exigence à vivre pleinement en démocratie, que l’on retrouvait déjà dans la deuxième vague, a conduit à de grands soulèvements populaires dans trois pays francophones d’Afrique de l’Ouest : le Mali en 1990, le Sénégal en juin 2011 et le Burkina-Faso en octobre 2014. Ces soulèvements ont été prolongés par des élections multipartites reconnues globalement comme régulières et ayant conduit aux élections de Alpha Oumar Konaré (1992-2002), de Amadou Toumani Touré (2002-2012) et de Ibrahima Boubacar Keita (2013-2023 même si son second et dernier mandat a été interrompu par un coup d’état en août 2020) au Mali, de Macky Sall (2012-2024 même si le pacte public qu’il avait initialement noué avec ses concitoyens devait le limiter à 2022) au Sénégal et de Roch Marc Christian Kaboré (2015-2025 même si son second mandat entamé en 2020 a été interrompu par un coup d’état en janvier 2022) au Burkina. Malgré certaines nuances, il y a quand même lieu de relever qu’il existe également de grandes similitudes entre les cas du Mali (surtout sous Ibrahima Boubacar Keita), du Burkina-Faso (sous Roch Marc Christian Kaboré) et du Sénégal (sous Abdoulaye Wade d’abord et puis sous Macky Sall). Dans les trois cas relevés, ce sont bien de graves crises de la représentation qui ont conduit soit à des changements anti-constutitionnels de régimes (Mali et Burkina-Faso en août 2020 et en janvier 2022) soit à des protestations populaires sans précédent (Sénégal en juin 2011 sous Abdoulaye Wade et en mars 2021 sous Macky Sall).
Comme signe révélateur de la crise profonde du modèle de la démocratie représentative dans ces trois pays, nous y avons noté, périodiquement, l’existence d’un énorme fossé entre les populations, c’est-à-dire les citoyens d’un côté et leurs représentants (particulièrement leurs présidents de la république) de l’autre. De ce fossé, est né dans ces pays un doute structurel sur l’efficacité des institutions démocratiques et surtout sur celle des présidents élus à faire face aux attentes de leurs mandants et à préserver et à renforcer la République, les institutions républicaines et l’Etat de droit. Une explication charitable de ce fossé entre gouvernants et gouvernés reviendrait à soutenir qu’il y avait probablement un malentendu au départ sur la véritable nature des aspirations et exigences des populations de ces pays et surtout sur la façon de les traduire concrètement dans la gouvernance de ceux qui allaient être élus. Par contre, une autre explication, moins charitable mais se fondant sur une observation lucide de la très forte propension des présidents élus à presque ne jamais tenir leurs promesses, amène à soupçonner légitimement chez ces derniers des desseins inavoués et inavouables en porte-à-faux avec les aspirations et exigences profondes des populations. Au moment décisif où se nouait donc le pacte de confiance (par exemple celui entre Macky Sall et les sénégalais entre les deux tours de la présidentielle de 2012) non écrit entre le peuple et celui qui allait le représenter, il était certainement clair dans la tête de ce dernier qu’il le romprait en temps opportun pour assouvir sa soif de pouvoir. Sinon comment comprendre aujourd’hui que le tabou portant sur la possibilité d’élections non inclusives et donc discriminatoires à l’encontre de millions de sénégalais pourtant formellement membres du contrat social qui fonde la république démocratique ou de celui relatif à un éventuel troisième mandat puissent être transgressés même dans le discours au Sénégal ? C’est parce que tout simplement, il y avait certainement eu au moment de l’élection, un réel décalage entre les exigences des populations auxquelles le candidat qui allait être élu avait publiquement mais hypocritement adhéré (il faut rappeler qu’entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2012 Macky Sall s’était bruyamment rendu au siège des assises nationales pour y signer sans aucune réserve la charte de la gouvernance démocratique) et son dessein inavoué et inavouable d’exercer un pouvoir personnel, autoritaire, voire tyrannique.
Dans le cas du Sénégal, une telle dérive ou perversion d’une démocratie formellement représentative en régime dictatorial est facilitée, comme l’a montré récemment Youssou Mbargane Guissé dans un article paru à Sud Quotidien et intitulé « Sénégal ou la République défigurée », par le présidentialisme de seigneur, qui est un régime où tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains d’un seul individu. Disposant du pouvoir de nommer comme de celui de révoquer, de distribuer des prébendes comme de celui d’en priver, un président de la république pourtant élu par ses concitoyens peut, avec de tels pouvoirs, avoir naturellement tendance à en abuser. Et c’est ce qui s’est passé dans presque tous les régimes présidentiels forts d’Afrique francophone et particulièrement au Mali, au Burkina-Faso et au Sénégal. Les ruptures que l’on constate souvent dans ces pays entre les populations et leurs représentants traduisent donc moins un rejet systématique de la démocratie représentative en elle-même que l’aspiration forte à un renouvellement de fond de celle-ci. Sous sa forme présidentialiste, la crise de la démocratie représentative se traduit toujours par une coupure entre gouvernants et gouvernés qui en arrivent à avoir le sentiment d’être dépossédés, de ne pas être entendus, de ne donc pas avoir de prise sur les décisions retenues par un système qui s’auto-génère. Au Sénégal, une telle coupure entre gouvernants et particulièrement entre le président de la République Macky Sall et les gouvernés ne fait que s’aggraver, amenant à questionner le modèle de la démocratie représentative sous sa forme présidentialiste, ce qu’il vaut réellement dans l’avènement d’une société pleinement démocratique. Aujourd’hui, la médiation représentative, sous sa forme présidentialiste, est vécue de fait par les Sénégalais comme une sorte de dépossession. D’où la nécessité d’un dialogue national (qui n’aurait rien à voir avec celui malhonnête et politicien du dictateur) sur les conditions d’un renouvellement de la démocratie représentative avec éventuellement des recours ponctuels à la démocratie participative, citoyenne, directe pour l’enrichir et pallier ses insuffisances structurelles. On m’objectera à juste raison que c’était déjà cela le travail des Assises nationales dont le mot d’ordre aurait pu être résumé par le slogan : « démocratie maintenant !». Mais, nous savons aussi, que même s’il a été porté au second tour de l’élection présidentielle par le peuple des Assises nationales, une fois élu, le président Macky Sall s’est écarté en toute conscience de la charte de la gouvernance démocratique des assises nationales. S’y ajoute aussi le fait que, des réponses à une telle crise de confiance, entre les citoyens sénégalais et leur président de la République, ne sauraient être écrites à l’avance. Même s’il faut donner le crédit qu’il faut aux conclusions des Assises nationales dans le cadre d’une nouvelle entreprise de refondation de notre modèle de démocratie représentative, nous ne pouvons pas ne pas envisager la possibilité de nouvelles réponses à la crise de confiance qui s’est aggravée sous Macky Sall ; réponses qui se construiraient dans l’expérience et dans l’aller-retour entre confrontation, expérimentation et critique. La version sénégalaise de la crise de la représentation pendant la deuxième alternance n’étant pas statique et uniforme, il nous faut certainement inventer en permanence de nouvelles réponses qui ne sauraient trouver leur pertinence ailleurs que dans l’expérience concrète des sénégalaises et des sénégalais. Par exemple, une nouvelle réponse à la crise aiguë de la représentation dans notre pays ne saurait faire l’impasse sur un diagnostic sérieux des causes réelles de la dictature qui s’est mise en place sous Macky Sall. Si les réponses ne sont pas écrites à l’avance, permettez-moi de me hasarder tout de même à quelques-unes, dans la mesure où la crise de la représentation dans notre pays est aussi et surtout une crise des réponses à apporter au besoin essentiel de changement, de dignité, d’espérance et en fin de compte d’une société sénégalaise radicalement nouvelle. Ces réponses, certes hasardeuses et donc très discutables, voire contestables, sont au nombre de quatre (04) :
1) Investir dans l’éducation : une société qui se veut pleinement démocratique est une société où le droit à l’éducation de tous ses enfants est garanti. L’éducation n’est certes pas une condition suffisante à la pleine démocratisation d’une société mais elle n’en est pas moins une condition nécessaire parce que c’est elle qui confère aux citoyens les outils et l’esprit critique requis pour s’ériger en sentinelles de la démocratie.
2) Changer la nature du régime présidentialiste : dans les trois (03) pays (Mali, Burkina-Faso et Sénégal) dont j’ai fait cas dans ce texte existent des régimes présidentiels forts où tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains du Président de la République. La crise du modèle de la démocratie représentative dans ces pays étant fortement liée à une crise de confiance entre les gouvernants, particulièrement entre les présidents de la république et les gouvernés, il est important d’y effectuer des réformes institutionnelles pour changer la nature du régime présidentialiste en instaurant soit un régime parlementaire soit un régime semi-présidentiel avec une séparation effective et non plus seulement formelle des trois (03) pouvoirs que sont l’exécutif, le législatif et le judiciaire. C’est de cette façon qu’il sera possible de combler dans ces pays le fossé caractéristique du modèle représentatif actuel entre représentants et représentés et d’y mettre fin à la grave crise de la démocratie représentative.
3) Trouver des palliatifs ponctuels aux limites de la démocratie représentative : le changement de la nature du régime présidentialiste proposé dans le point précédent n’implique pas un abandon total du modèle représentatif de la démocratie mais plutôt sa correction. A chaque fois donc que ce modèle même réformé comme je l’ai souhaité sera traversé par des tensions, il faudra recourir à une certaine dose de démocratie directe ou de démocratie participative en associant davantage les citoyens aux décisions et aux processus qui y conduisent.
4) Répondre à quelques urgences sociales : une démocratie, quel que soit sa forme, ne peut se maintenir si le minimum vital à la survie de l’être humain n’est pas garanti à chaque citoyen.n.e. Sans une réduction drastique des inégalités sociales, donc du fossé entre les riches et les pauvres, il est impossible de renouer du lien social, de maintenir un contrat social inclusif, de construire un projet commun et de préserver une démocratie vivante.
Oumar Dia est maître de conférences titulaire, département de Philosophie, Université Cheikh Anta Diop.