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2 avril 2025
Opinions
par Jacques Habib Sy
QUELQUES REPÈRES DANS LA PENSÉE POLITIQUE DE CHEIKH ANTA DIOP
EXCLUSIF SENEPLUS - L'acculturation des intellectuels nègres a été d'une violence telle que même lorsqu'ils sont dotés des meilleures dispositions à la réflexion et l’organisation, ils se sentent mal à l'aise sans une tutelle (3/5)
A trente ans, et alors qu'il préside aux destinées de l'A.E.-R.D.A. Cheikh Anta Diop conçoit dans le feu de l'action anticolonialiste et antiimpérialiste un projet politique capital.
En février 1952, il en présente les conclusions de façon ramassée et limpide dans l'organe mensuel de l'Association, "La Voix de l'Afrique Noire". L'article est intitulé "Vers une idéologie politique africaine".
Cheikh Anta Diop restitue ainsi qu'il suit la dimension historique de ces moments :
« C'est en février 1952, écrit-il dans "Les fondements économiques et culturels d'un Etat fédéral d'Afrique noire", alors que j'étais Secrétaire général des Étudiants du R.D.A. que nous avons posé le problème de l'indépendance politique du continent noir et celui de la création d'un futur État fédéral.
« Cet article qui n'était que le résumé de "Nations Nègres", en cours de publication, traitait des aspects politique, linguistique, historique, social, etc., de la question.
« Il est certain qu'à l'époque, les députés malgaches et le leader camerounais, Ruben Um Nyobe, mis à part, aucun homme politique africain noir francophone n'osait encore parler d'indépendance, de culture, oui de culture et de Nations africaines. Les déclarations qui ont cours aujourd'hui, à ce sujet, frisent l'imposture et sont, pour le moins, des contre-vérités flagrantes ».
Prise de conscience africaine
De nombreux témoins encore vivants de cette période reconnaissent qu'entre 1946 et 1954, Cheikh Anta Diop s'est dépensé sans compter dans le mouvement politique et syndical africain en Europe et au cours de rencontres internationales réunissant l'intelligentsia nègre mondiale ou pendant les réunions parisiennes de la salle de conférence surchauffée du Palais de la Mutualité. Et souvent, c'est sur les terrasses du Petit Cluny en plein cœur du Quartier Latin de Paris que venaient le retrouver des étudiants de plus en plus nombreux avides d'entendre son message politico-culturel sur la fédération et l'indépendance africaines, l'héritage égypto-nubien de l'Afrique, la réhabilitation des langues nationales, le danger nucléaire Sud-africain, et les fondements de l'unité africaine, thème repris par Nkrumah en 1963 lors de la création de l'Organisation de ]'Unité Africaine et en 1964 dans "L'Afrique doit s'unir".
Écrit d'un jet, "Vers une Idéologie Politique Africaine" représente une ligne programmatique, mais surtout une véritable doctrine politique doublée d'un manifeste du colonisé africain. Le texte pose de façon remarquable tous les problèmes politiques, économiques et culturels que Cheikh Anta va s'appliquer pendant plus de quarante ans à développer dans ses écrits ultérieurs. C'est à partir de la même charpente qu'il se mobilise concrètement sur le terrain politique panafricain (AE-RDA, FEANF, soutien aux fronts de libération nationale algérien (FNLA) et sénégalais (Bloc des Masses Sénégalaises ; Front National Sénégalais ; Rassemblement National Démocratique).
D'entrée de jeu, Cheikh Anta va à l'essentiel. Notre objectif central en tant qu'opprimés luttant pour le salut national, écrit-il, est d'œuvrer à la prise de conscience populaire parmi les classes qui ont intérêt au changement. Celles-ci englobent ouvriers et paysans, notables et artisans, fonctionnaires, chrétiens, musulmans et adeptes des "religions paléonigritiques". Les objectifs centraux de ce front de salut national se posent contre l'exploitation capitaliste, pour "la suppression totale du colonialisme", le bienfondé de la confiance en la force et la primauté du peuple, l'utilisation du progrès scientifique comme arme de transformation de l'environnement socio-culturel, la lutte collective dirigée par une avant-garde contrôlée par la vigilance populaire, la nécessité historique de lutter jusqu'à "l'indépendance nationale du continent noir" et, par conséquent, le bannissement du culte de la personnalité et de toute tentative "d'un retour à un passé féodal et d'une domination du Nègre par le Nègre".
Vaste programme qui recentre la tragédie africaine en plein cœur de la problématique du développement humain vu sous l'angle de la libération nationale et du progrès social !
Il faut, insiste Cheikh Anta, amener la conscience populaire à atteindre ces objectifs. Faire comprendre au peuple qu'« il est maître de son sort et qu'il peut l'améliorer par des moyens naturels dont il est convaincu de l'efficacité pour les avoir expérimentés équivaudra à lui faire faire un saut qualitatif, une découverte dont l'importance sur le plan africain est comparable à celle de la découverte de l'énergie atomique dans le domaine scientifique ».
Pour déclencher la prise de conscience souhaitée chez l'Africain, « il convient d'abord d'identifier et d'analyser les obstacles sociaux et psychologiques qui s'opposent ( ... ) à une prise de conscience ». Cheikh Anta résume ces obstacles à travers les facteurs suivants :
« 1. Flottement de la personnalité de l'Africain ;
« 2. Barrières ethniques, sociales, linguistiques et liées à l'éducation populaire parascolaire ;
« 3. Contraintes liées à l'action politique sur le terrain africain et l'absence d'une véritable idéologie politique africaine ».
Le premier obstacle à la prise de conscience, que ce soit chez l'élite intellectuelle ou parmi les masses travailleuses, est d'ordre psychologique. Comme le constatera Fanon une décennie après dans ses "Damnés de la Terre", "la revendication d'une culture nationale passée ne réhabilite pas seulement, ne fait pas que justifier une culture nationale future. Sur le plan de l'équilibre psycho-affectif elle provoque chez le colonisé une mutation d'une importance fondamentale (... ). Le colonialisme ne se satisfait pas d'enserrer le peuple dans ses mailles, de vider le cerveau du colonisé de toute forme et de tout contenu. Par une sorte de perversion de la logique, il s'oriente vers le passé du peuple opprimé, le distord, le défigure, l'anéantit" (voir « Les damnés de la Terre », ouvrage lucide de cet auteur).
Dans ces conditions il faut restaurer au peuple la conscience de sa dignité, de la force irrésistible qu'il représenterait en décidant de s'impliquer totalement dans la lutte de libération nationale et d'imprimer au mouvement démocratique la marque indélébile de ses aspirations les plus profondes à la justice sociale et à la construction d'une nation fondée hors des canons de l'oppression sociale et de l'exploitation de l'homme par l'homme. Face au panorama culturel émacié que présente le tableau continental, d'Alger au Cap, il faut lui substituer de nouvelles tensions prenant racine dans la maîtrise des réalités historiques et culturelles nationales. Dans cette formidable entreprise de transmutation de la culture autochtone en une culture nationale désaliénée, il est vital de comprendre que tel un fauve à l'affût de sa proie, l'impérialisme envisage depuis trois siècles de tuer la culture africaine pour mieux asservir le peuple qui en a la charge historique.
"La personnalité de l'Africain, écrit Cheikh Anta Diop, ne se rattache plus à un passé historique et culturel reconnu par une conscience nationale. Les puissances colonisatrices ont compris dès le début que la culture nationale est un rempart de sécurité, le plus solide que puisse se construire un peuple au cours de son histoire et que tant qu'on ne l'a pas atrophiée, ou désintégrée, on ne peut pas être sûr des réactions du peuple dominé, de l'achèvement de son assimilation et de son asservissement total. Aussi le colonialisme a-t-il introduit l'aliénation, sous toutes ses formes, depuis l'école jusqu'au chantier. Diop en conclut que :
« (...) Il en résulte un manque de confiance en soi et en ses propres possibilités, ce qui est fatal à une œuvre aussi positive qu'une lutte de libération nationale. Il nous a paru donc nécessaire de tenter un travail qui, en permettant à l'Africain de retrouver la continuité de son histoire et la consistance de sa culture, en même temps que les moyens d'adapter celle-ci aux exigences modernes, lui permette de reconquérir cette assurance et cette plénitude intérieure différentes de la suffisance et sans lesquelles l'effort humain est difficilement efficace ».
Dès cette époque, il ne fait aucun doute aux yeux de Cheikh Anta que les finalités positives d'une dénonciation sans compromission de "la plus monstrueuse falsification de l'humanité", falsification liée "aux nécessités de l’exploitation impérialiste" par le biais d'idéologues historiens et d'égyptologues sans scrupules, vont permettre à l'Africain "de retrouver une confiance en soi" et d'acquérir une fierté légitime incompatible avec l'idée d'un joug étranger sous quelque forme que ce soit".
En 1952, Cheikh Anta a déjà construit la charpente théorique et méthodologique de sa démonstration que l'Égypte pharaonique est d'essence africaine et que les Africains ont le devoir de s'inspirer de cette donnée fondamentale pour guider leurs choix de société, rédiger leur propre histoire et atteindre la plénitude intellectuelle en élaborant les "humanités africaines à base d'égyptien ancien". Mais il répète en insistant que la contemplation inquisitrice du passé ne devrait pas déboucher sur la capitulation politique, le snobisme, l'arrogance et le mimétisme intellectuels alors largement répandus sous des formes différentes certes mais convergentes parmi les grands pontes du parlementarisme colonial, les tenants d'une négritude de service courbant l'échine devant l'oppresseur étranger, et les jeunes activistes marxisants qui "ont oublié de soigner leur formation" politique et substituent à la connaissance objective des faits un langage cacophonique d'autant plus prompt au recours à l'injure. L'ambiguïté sur le plan des objectifs stratégiques à assigner à la lutte pour la révolution démocratique africaine est donc absente dès les premiers pas politiques de Cheikh Anta.
A la seconde série de barrières nées de l'exploitation capitaliste qui ne peut cesser qu'avec la lutte du peuple tout entier "pour la suppression totale de cette exploitation", il oppose la démonstration de l'unité linguistique africaine basée sur la parenté génétique et généalogique entre l'égyptien pharaonique et les langues africaines. Mais aussitôt posé cet axiome Cheikh Anta se meut sur le terrain de la lutte dans l'Afrique contemporaine : "En démontrant d'une façon indiscutable, écrit-il, la parenté des Sérères, des Valafs, des Saras (...), des Sarakolés, des Toucouleurs, des Peuls, des Laobés, je rends désormais ridicule tout préjugé ethnique entre les ressortissants conscients de ces différents groupements. Ce principe doit être étendu à toute l'Afrique par nos frères des autres régions". A cette action sur le terrain linguistique, il convient d'ajouter celle visant à décloisonner la société de ses barrières sociales et de sa stratification en castes afin que tous s'impliquent dans la résistance anti-impérialiste.
Impérium des langues nationales
Jetant un regard cru sur les exigences de l'agitation et la propagande politiques, il stigmatise "l'absence de moyens d'expression modernes à l'échelle du peuple" et suggère qu'il faudrait envisager sans délai "I' étude et le développement des langues africaines de façon à rendre celles-ci aptes à exprimer les sciences exactes ( ... ), la technique, la philosophie" et les concepts politiques les plus complexes visant à rendre au peuple le pouvoir, tout le pouvoir.
Dans cet ordre d'idées, la voie royale pour faire accéder le peuple à la nécessité de prendre en charge son propre destin, c'est l'éducation populaire parascolaire et l'utilisation des langues nationales à tous les échelons de la vie sociopolitique. La langue doit être le catalyseur d'une vie politique nationale autocentrée. Elle n'est pas seulement un attribut de la culture, elle est aussi fondamentalement le vecteur principal de la démocratie populaire. Sans langues nationales en tant que catalyseur de la vie constitutionnelle et politique nationales, il n'y a pas de démocratie. L'absence des langues nationales du champ scientifique et technologique équivaut à tuer l'esprit d'innovation scientifique et donc tout progrès social. La langue nationale est le capital le plus précieux qui puisse appartenir à un peuple.
En utilisant sa propre langue dans l'action politique, l'Africain conscient rompt par là même avec les siècles antérieurs de négation de son histoire et donc de sa langue par le colonisateur. La politique d'assimilation colonialiste va même plus loin en interdisant l'utilisation des langues autochtones dans les écoles qu'elle crée en vue de rationaliser son projet d'abrutissement culturel. Grâce à l'appui criminel des missionnaires chrétiens Blancs à la politique d'assimilation culturelle, le colonialisme en vient à détruire les autels traditionnels séculaires où les Africains communiaient naguère avec l'ancêtre des temps premiers, dans la transcendance de l'Esprit Absolu immanent au Noun et au Maat égypto-nubiens. Lorsque les autels sacrés, véhicules d'une pensée religieuse vitaliste authentiquement nationale, sont foulés au pied, on convainc l'Africain "évolué" de n'utiliser sa langue ni au foyer familial encore moins sur les lieux de travail. Il doit désormais prier, étudier, travailler, penser, spéculer et même roter en se servant des langues de l'envahisseur étranger. La boucle est ainsi bouclée.
Et l'impérialisme peut tranquillement, dans le cynisme le plus révoltant, couper l'Africain de son soubassement culturel égypto-nubien, lui faire croire que ses "ancêtres sont des Gaulois" et que ceux du Blanc sont des égyptiens anciens, les mêmes reconnus par Hérodote plusieurs siècles auparavant comme des créatures "à la peau noire et aux cheveux crépus" (voir les écrits d’Hérodote). L'impérialisme tente ainsi de faire prendre à l'Africain les vessies pour des lanternes. C'est contre cette politique d'asservissement, d'oppression et d'exploitation que s'élève Cheikh Anta et contre laquelle il oppose une parade mortelle : la réhabilitation des langues nationales, la création d'une littérature moderne écrite dans ces mêmes langues, l'irruption de celles-ci dans le champ politique non pour perpétuer l'infirmité issue du clientélisme partisan ou ethnocentriste, mais pour les faire accéder au statut d'instruments privilégiés de la libération culturelle, scientifique et politique.
Il y a une troisième série d’obstacles à la prise de conscience politique chez l'Africain. "L'incompatibilité en Afrique, écrit-il, de la fonction publique et de la position du militant de carrière, les nouvelles perspectives d'embourgeoisement, le caractère infâmant de la peine de prison, même pour raison politique, la fausse interprétation du fatalisme, l'absence d'une idéologie politique définissant clairement les problèmes, sont, entre autres et pour ne citer que ceux-là autant de facteurs qu'il faut évoquer ... ".
Ici est clairement perçue la nécessité de la spécialisation dans l'action révolutionnaire permanente et le fait que l'efficacité du militant africain dépend dans une large mesure de sa capacité d'autonomie financière face au pouvoir central. L'indépendance de jugement sur le terrain de la lutte idéologique est également mise en relief pour indiquer que l'idéologie politique est par essence, et avant d'être une explication du monde, une philosophie de l'action et de la rupture avec l'ordre ancien, une conception historico-culturelle qui se définit et n'a de sens que par rapport aux réalités concrètes du foyer "national" où elle se meut.
L'idéologie politique africaine qui se déploierait sur le terrain stratégique en vue d'édifier l'architecture culturelle, politique et économique d'une société de type nouveau délestée de l'oppression et de l'exploitation ne saurait faire l'économie d'une connaissance approfondie des réalités et de l'histoire nationales. Rien ne saurait l'en dispenser. A défaut de cette immersion absolue dans le milieu social et donc d'une connaissance intime des formes autochtones et externes de l'exploitation et de l'oppression, la triple révolution pour le triomphe de la nation, de la démocratie et du peuple au sens révolutionnaire de ces termes est impossible.
Évaluer la citadelle « marxiste »
Que le marxisme soit une approche féconde pour bâtir l'idéologie politique qui fait si cruellement défaut à l'Afrique, ne fait aucun doute aux yeux de Cheikh Anta. Mais comme toute idéologie, le "marxisme" et le communisme représentent un ensemble d'idées, de croyances, de pratiques et de doctrines propres aux contradictions de leur terrain d'enfantement, en l'occurrence, les luttes sociales de l'Europe du XIXe siècle puis de la Russie du début du siècle suivant. La critique "sans complaisance" des abus conceptuels et idéologiques du marxisme sur le terrain de l'histoire africaine et asiatique devient donc, aux yeux de Cheikh Anta, une nécessité historique, une sorte de passage obligé du stade de la révolution pensée en termes étrangers à celui de la révolution authentiquement nationale. Cette dernière seule peut garantir à la révolution africaine un succès durable et la pleine participation aux progrès et aux exigences de la révolution mondiale.
Cheikh Anta mesure parfaitement l'ampleur de ce projet titanesque puisqu'il prend acte des erreurs de jugement du Parti Bolchévique, en particulier sous Staline, devant les exigences de l'indépendance nationale en Inde, puis en Chine. Il pressent déjà comment, à partir d'une vision bureaucratique et, il faut bien le dire paternaliste et condescendante des rapports entre partis communistes "frères", le Parti Communiste Français a pu exiger des révolutionnaires algériens qu'ils se détournent de la lutte pour l'indépendance nationale immédiate sous le prétexte incroyable que celle-ci est jugée "prématurée". Cheikh Anta se rend compte que les particularités de l'histoire projettent sur la question de la lutte des classes en Afrique une dimension d'autant plus singularisée par l'absence de véritables patrons nationaux d'industrie, donc d'une bourgeoisie de type classique européen et son antithèse ouvrière typique du contexte de développement du niveau de production et des forces productives des deux siècles qui précèdent la première révolution bolchévique de l'histoire.
Et finalement, cet héritage hégélien de l'histoire des formations sociales que l'on retrouve chez Marx et Engels de façon à peine atténuée ! Bien que Cheikh Anta n'ait cru à aucun moment qu'un "rendez-vous avec Engels", selon la formule du Professeur Massamba Lame, constituait un déterminisme, une sorte d'à priori pour aborder l'étude des sociétés africaines, la "rencontre" des deux hommes sur le champ scientifique relève presque de la fatalité. A partir du moment où Marx, mais surtout Engels, reprennent des idées erronées et des contrevérités sur l'histoire africaine, notamment sur la question du matriarcat dans le développement de l'humanité, les modes de production successifs de la plus haute antiquité au Moyen Age, l'histoire des migrations intercontinentales, la nature des luttes sociales et politiques dans la Grèce antique et l'ancienne Égypte, Cheikh Anta a dû réexaminer ces questions avec la plus grande minutie mais selon un axe de raisonnement jusque-là ignoré par Marx et Engels.
L'absence de faits précis et de détails à caractère ethnographique et anthropologique sur les formations sociales africaines et asiatiques étudiées ou parfois seulement survolées par Marx et Engels au moment où ils observent ces sociétés est réelle. Mais l'argument n'est pas décisif. Le fait important qu'il convient de souligner ici c'est que les témoignages des anciens sur la nature du peuplement dans l'ancienne Égypte sont disponibles depuis longtemps. Mais ils ne revêtent aucun intérêt pour les historiens Européens de la période qui précède les grandes expéditions françaises et anglaises en Égypte. De plus, l'Afrique occidentale et équatoriale a été parcourue depuis belle lurette par des explorateurs qui ont consigné des observations plus ou moins dignes de foi par écrit.
Du vivant d'Engels, l'énorme entreprise de négation de l'histoire africaine atteint des sommets rarement égalés. Le mythe du nègre « sauvage » est déjà largement répandu cependant que les idéologues-historiens de l'impérialisme occidental s'évertuent rageusement à blanchir l'Égypte pharaonique nubienne. A ce moment-là, l'Afrique noire est déjà exsangue, dépeuplée par trois siècles d'esclavage, la traite nègrière étant encore pratiquée à une échelle considérable cependant que la diaspora noire de l'Europe, des Amériques et des Caraïbes n'arrive, qu'à d'insignifiantes exceptions près à faire entendre la voix d'érudits nègres (Amos, par exemple) disant leur humanité.
La récente publication des "Cahiers ethnologiques de Karl Marx" par Lawrence Krader donne raison à Cheikh· Anta Diop d'avoir eu le courage de s'être élevé sur le terrain scientifique et de la lutte politique contre la déformation de l'histoire africaine. On oublie trop souvent que les matériaux de recherche sur lesquels Marx et Engels fondent leur argumentation principale sur l'aspect prétendument généralisé du matriarcat dans les sociétés indo-européennes sont fondamentalement erronés. Les arguments fournis par Lewis Henry Morgan, et, à contrario, par Henry Sumner Maine et John Lubbock conduisent Marx et Engels à penser que le berceau de l'humanité se trouverait en Asie, que le culte du serpent en Afrique de l'Ouest serait indicatif d'une étape "supérieure" du culte des anciens dieux, etc. Engels en arrive même à écrire dans son "Origine de la famille, de la propriété et de l'État" que "c'est peut-être à l'abondance de la viande et du lait dans l'alimentation des Aryens et des Sémites et particulièrement à ses effets favorables sur le développement des enfants, qu'il faut attribuer le développement supérieur de ces deux races" ! On croirait rêver, et l'on est en droit de se demander si Cheikh Anta n'a pas eu raison d'écrire : "Posez le problème des patrimoines culturels, aussitôt les teintes politiques s'effacent, et à quelques exceptions près, l'unanimité des savants occidentaux se réalise spontanément contre l'Afrique".
Briser le dogmatisme idéologique
Amady Ali Dieng reconnaît avec justesse l'aspect pionnier de l'œuvre de Cheikh Anta :
« Il a eu le mérite, écrit-il, d'avoir contesté les thèses de Engels sur le problème de la famille très tôt et notamment dans sa thèse complémentaire élaborée durant les années 1958-1959. II a eu raison sur les marxistes européens et africains qui étaient encore enfermés dans le dogmatisme "stalinien". C.A. Diop a été, sur le problème de l'étude de la famille, en avance sur les marxistes européens et en particulier J. Suret-Canale, car celui-ci n'a pas mis en cause la thèse du passage universel du "matriarcat" au ''patriarcat" défendu par Engels sur la base des travaux de L. Morgan au moment où C.A. Diop le faisait dans « L'unité culturelle de l'Afrique noire ».
Soulignant le caractère méritoire de l'œuvre de Cheikh Anta en particulier dans sa remise en cause du "miracle grec", l'un des mythes les plus ténus de la panoplie impérialiste de l'Occident, Dieng rappelle aux marxistes africains le "grand intérêt à tirer profit des travaux de C.A. Diop". Et Dieng de conclure :
« Le silence à l'égard de ses thèses (celles de Cheikh Anta) ne serait ni honnête ni courageux. Son examen critique sur la base de recherches sérieuses est une tâche qui est venue à son heure, car dans le domaine de la philosophie de l'histoire africaine, il a été à l'antipode de Hegel, le grand théoricien de la bourgeoisie européenne conquérante ».
On mesure l'importance de ce témoignage repère lorsqu'on réalise que plus d'un quart de siècle sépare cette prise de position de la période où Cheikh Anta procède à la première révolution de type copernicien dans le domaine de l'histoire africaine et universelle et non de la philosophie de l'histoire comme il l'a lui-même précisé au cours du Symposium sur son œuvre organisé en 1983 à Dakar.
Si le marxiste sénégalais Amady Ali Dieng, dans son "Hegel, Marx, Engels et les problèmes de l'Afrique Noire", a reconnu les lacunes de Marx et Engels au sujet de l'histoire africaine, on ne peut pas en dire autant de la plupart des marxistes africains. Quand il leur arrive de reconnaître les erreurs des fondateurs du marxisme, c'est toujours avec un complexe d'infériorité et une révérence devant les travaux de Marx et Engels encore trop marquée par la gêne, la peur presque de mettre à nu, sans faux-fuyants les insuffisances théoriques des fondateurs du marxisme. Cette timidité idéologique et politique est d'autant plus grave qu'on en perçoit les conséquences sur le terrain des luttes de libération africaines. L'héritage stalinien parmi les marxistes africains, bien qu'il ne soit pas toujours reconnu comme tel, constitue l'un des malentendus politiques les plus tragiques au sein de l'intelligentsia radicale africaine.
On y confond trop souvent catéchisme et connaissance -au sens étymologique dérivé du latin cognoscere, c'est-à-dire observer, expérimenter, ressentir un objet-réalité dans toute son authenticité. Il faut, bien entendu, arriver à observer la situation sans œillères idéologiques et politiques, en toute autonomie, pour être capable de la transformer. Là se trouve l'une des plus grandes difficultés du patriotisme révolutionnaire africain. L'acculturation des intellectuels nègres a été d'une violence telle que même lorsqu'ils sont dotés des meilleures dispositions à la réflexion et l’organisation, ils se sentent mal à l'aise sans une tutelle et une approbation idéologiques externes à l'Afrique.
Ainsi, critiquer l'ethnocentrisme de Marx est considéré comme une trahison insupportable ou relève de l'effronterie réactionnaire. Cette attitude est d'autant plus affligeante qu'elle dénote chez leurs auteurs le manque d'audace intellectuelle et, en conséquence, l'incapacité de poser les problèmes à partir de matériaux primaires, ouvrant ainsi aux Africains, et selon les vœux maintes fois exprimés par Cheikh Anta, « l’accès aux débats scientifiques les plus élevés de notre temps, où se scelle l'avenir culturel » du monde négro-africain.
C'est à ce titre que l'on est en droit de parler d'une véritable rupture épistémologique introduite par Cheikh Anta dans la réflexion politique et la pratique idéologique. Car avant lui, l'Afrique noire d'expression officielle francophone, à de très rares exceptions, ne manifeste sa volonté politique, au moment de la publication de "Vers une idéologie politique africaine", qu'à travers des pamphlets dérisoires ou le cliché idéologique. On se spécialise presque dans le badin pseudo-idéologique et l'art de la pastiche oratoire bon marché. Ces révélateurs d'un gauchisme d'apparat sont encore visibles, quoique de façon atténuée, dans les rangs du mouvement étudiant africain et trahissent l'aliénation culturelle et une profonde méconnaissance des réalités de l’espace sociopolitique africain.
L'ESPRIT ABSOLU HÉGÉLIEN MONTE SUR SON CHEVAL MARRON BEIGE
Il y a en Macky l'absolutisme hobbesien consistant à conceptualiser l'ordre sociopolitique comme manière de supprimer le conflit. Sonko représente la plénitude absente de l'ordre social qui reconstruira toutes les dislocations du destructeur
Je pense que le président de la République est davantage marqué par son passage par le maoïsme, que par sa conversion au libéralisme. Il n'a rien d'un libéral. Les libéraux sont les artisans de l'Etat de droit, l'autre pilier de la démocratie plurielle, une rencontre contingente de deux traditions politiques selon sa conceptualisation par Macpherson, à travers laquelle les libéraux se sont un peu démocratisés, et les démocrates un peu libéralisés.
Libéralisme vient de liberté.
Les libéraux sont les premiers à théoriser la liberté négative des modernes. Macky qui s'illustre par la destruction des libertés individuelles, a une pensée politique qui ne cadre pas avec le libéralisme politique, encore moins philosophique. Sa conception du libéralisme ne va pas au-delà du libéralisme économique.
La situation politique actuelle au Sénégal se résume par son assertion : « je ne laisserai pas le chaos s'installer dans le pays aussi longtemps que je serai aux commandes ». On ne peut pas nier à un Chef d'Etat de se soucier de la préservation de l'ordre républicain. Mais ce que nous ne pouvons pas lui concéder, c'est de sortir des principes de l’État de droit, qui structurent l'ordre républicain, pour protéger la République.
Mais chez Macky, aussi bien que chez ses souteneurs subalternes, cela est non seulement possible, mais un devoir dont les Sénégalais lui seront redevables plus tard. Vive l'Esprit Absolu hégélien ! Il se met dans la situation du policier qui règle la circulation. En effet, les ordres de ce dernier sont au-dessus du code de la route quand il est en train de réguler la circulation. Ainsi donc, en face des dangers qui nous menacent - dont n'est pas étrangère l'opposition radicale qui refuse de se laisser réduire à sa plus simple expression -, Macky fait la même chose que le policier : rétablir l’ordre qui est au-dessus du formalisme républicain de l'État de droit.
L'Esprit Absolu hégélien réincarné, déjà sur sa monture marron beige en fin connaisseur du fondement de l'ordre social, ne peut qu'être au-dessus des lois et règlements de la République !
J'ai l'intime conviction que, pour sortir d’où nous sommes, il faut battre en brèche le totalitarisme en gestation et sortir de la logique « de la vérité d'État » qui conduit à une ambition de contrôle du fondement de la société. Il me semble qu'il faut aller vers la direction inverse, celle de l'approfondissement de l'imaginaire démocratique qui récuse même l'idée d'un fondement ultime de la société. Il y a en Macky l'absolutisme hobbesien consistant à conceptualiser l'ordre socio politique comme manière de supprimer le conflit. Le souverain de Hobbes - et en cela il est éminemment moderne - construit l'ordre de la communauté, pour éviter le Chaos de l’état de la nature à travers un acte de création radicale qui fait dériver l'objectivité socio politique d'un acte de pouvoir. Les alliés subalternes de Macky sont les héritiers de Platon - à travers Hegel -.Ils sont eux fins connaisseurs de ce que la société est « essentiellement », ils maîtrisent les Lois de l'Histoire - une téléologie sécularisée ou la Raison substitue à Dieu - qui leur permet de montrer que le pouvoir découle d'une objectivité pré-existante antérieure à toute décision politique. C'est la présence au sommet de l'appareil d'État de ces deux conceptions antithétiques de la communauté, mais qui sont toutes deux antipolitiques, car ne permettant pas de penser le pluralisme politique, qui sont la cause des dérives actuelles d'un pouvoir en fin de règne. En fait ils ont une conception pré-moderne de l'unité de la communauté socio politique, une unité d'ordre organique, caractéristique des sociétés holistes.
Macky Sall et ses supporters subalternes ne comprennent pas qu'au moment où, après la dissolution du paradigme jacobin, la démocratie est devenue « fait d'époque », après la dissolution des repères de certitude consécutive à la désintrication du pouvoir, du savoir, et de la justice - dans sa conceptualisation lefortienne -, l'unité de la communauté ne peut se réaliser qu'à travers de la division. Par conséquent il n'y a pas d'ordre social capable d'englober tout le magma des différences à partir desquels il surgit. En d'autres termes le désordre demeurera toujours comme horizon dans toute société. C'est précisément à cause de cela qu'il y a politique, autrement nous rebasculons dans les sociétés d'orde parfait de l’ère pré-moderne. Ce qui est impossible en l'absence du garant transcendantal. Toute tentative de vouloir instaurer un ordre parfait débouchera sur la dictature comme l'antichambre du peuple un du totalitarisme. Il n'y a pas d'alternative à une gestion civilisée - à travers la culture de l'ethos de l’adversité - de la lutte des différentes volontés collectives pour instituer les différents modèles de société qui permettent de restreindre les incertitudes et les tensions résultant de cette lutte dans des limites compatibles à l'exigence de conservation de l’association politique. Le modèle de société harmonieuse est à oublier car en démocratie, il ne peut qu'exister une pluralité de propositions - qu'elles soient d'ordre économique, morale ou sociale - en rivalité pour imposer leur conception du juste, du vrai et du bien. L'universel devient selon Lefort un « lieu vide » à occuper par des particuliers temporairement à travers la lutte hégémonique pour l'incarner. Donc en démocratie le bien commun devient un horizon.
Quand Macky Sall menace ceux qui veulent semer le désordre dans ce pays, il ne fait qu'occulter que l'ordre social vigent, comme tout ordre social, est un ordre contingent et précaire qui a déjà perdu l'élasticité qui en avait fait un ordre social hégémonique ces douze dernières années. Il n'y a pas d'hégémonie qui n'est appelée en dernière instance à s'effriter. Ceci est gage de démocratie. Ne pas le comprendre, ou ne pas l'accepter c'est exposer la République à des soubresauts inutiles, à moins que tel soit le dessein pour maintenir le pouvoir. Les Sénégalais sont suffisamment mûrs politiquement pour tomber dans les pièges mackyavéliques d'un régime en fin de règne. Vous serez battus dans les urnes par Sonko ou par la personne qu'il désignera car en définitive il demeure le maître du jeu dans cette situation charnière de l'avenir du pays. Il représente la plénitude absente de l'ordre social qui reconstruira toutes les dislocations du destructeur.
par Fadel Dia
GAZAOUI LIVES MATTER
EXCLUSIF SENEPLUS - On comprend que les Européens, qui sont à l’origine du plus grand massacre de juifs de l’Histoire, répriment leur désapprobation par peur de se voir rappeler leur passé, mais les autres ?
C’est sans doute une première dans l’histoire moderne qu’une armée, puissante et sophistiquée armée d’avions, d’hélicoptères[D1] , de drones, de chars et de mitrailleuses, prenne d’assaut…un hôpital civil, défonce ses murs, fracasse ses portes, envahisse les salles d’urgence et saccage leur matériel , tire dans les couloirs, fouille et déshabille le personnel à la recherche de suspects , et pour tout dire, transforme en champ de bataille une institution dont la vocation est de soigner et de soulager les douleurs ! Je me rappelle qu’autrefois on mettait à proximité des hôpitaux un panneau sur lequel étaient inscrits deux mots « Hôpital : Silence ! », mais c’est apparemment une recommandation dont se moque l’armée israélienne, et de toute façon cela fait des semaines que les deux mille malades, blessés ou réfugiés de l’hôpital Al Shifa, ainsi que son personnel, ont perdu le sommeil, troublé par ailleurs par la mort, par manque d’oxygène d’une quarantaine de nourrissons !
Les images des atrocités commises par le Hamas sont diffusées sur tous les médias, religieusement projetées devant les élus européens, mais qui peut dire ce qui s’est passé à Gaza depuis plus d’un mois ? Les reporters de guerre se font embedded dans les chars israéliens, ne diffusent que les images filtrées (non censurées ?) par l’armée israélienne, mais combien parmi eux ont pris le risque , l’honneteté,de s’intéresser et de montrer au monde la détresse des deux millions et demi de Gazaouis, qui n’ont ni eau ni électricité, ni réserve alimentaire ni médicaments, qui sont coupés du monde extérieur faute de connexion, qui enterrent leurs morts dans des fosses communes ?Il y bien longtemps que personne à Gaza n’a pris un bain ,il y a des habitants qui ne mangent plus que du crû ,qui boivent de l’eau à moitié saumâtre, qui brulent du carton pour faire du feu…et ces témoignages viennent des institutions humanitaires qui sont encore en place. Qui ,parmi ces audacieux reporters, a porté témoignage du sort des femmes et des hommes abandonnés à eux-mêmes et qui errent comme des âmes en peine du nord vers le sud de la bande, en file indienne en rasant les murs et en trainant des enfants et des chariots? Qui s’est penché sur les mères qui portent dans leurs bras leurs enfants mourants ou tués par les bombes, ou suite à l’interruption des soins faute d’électricité, et sur les centaines de malades et de blessés qui agonisent sur des lits crasseux? Qui raconte le désespoir des Palestiniens de Cisjordanie, qui ne sont pourtant pas en guerre, quand les colons israéliens s’amusent à aller casser du Bédouin, comme on va jouer à la marelle, brulent leurs maisons et arrachent des oliviers vieux de plusieurs siècles .Quand un terroriste (mais pour les autorités israéliennes tout arabe est terroriste, au moins en puissance),ou présumé tel est dans le collimateur de l’armée israélienne, celle-ci n’hésite pas, pour l’éliminer, à lancer une bombe sur un camp de réfugiés, sans se soucier du nombre de victimes collatérales que cette opération peut provoquer. Le gouvernement israélien a déclaré que tous ces gens-là n’étaient que « des animaux, qu’ils seraient traités comme tels » et que leurs vies ne valent pas celles des Israéliens ! Personne ou presque, parmi ceux dont les voix comptent dans le monde, ne crie pourtant au scandale (seul Human Rights Watch a trouvé ces mots « répugnants »), et aucun pays (à l’exception, curieusement, du Chili et de la Colombie et aussi de l’Afrique du Sud) n’a pris des sanctions contre un gouvernement qui foule aux pieds les lois internationales !
Qui eût pensé, il y a trois quarts de siècle, dans l’euphorie qui a entouré la création de l’état d’Israël, que parmi les descendants des rescapés des camps d’extermination allemands, du ghetto de Varsovie ou de la Rafle du Vel d’hiver, on verrait surgir des tortionnaires, que leur gouvernement aurait recours- (ce sont des institutions internationales ,des observateurs indépendants et même des Israéliens favorables à la paix qui l’affirment)-à l’apartheid, à des crimes de guerre, à l’expropriation de terres ,et qu’il ferait l’objet, à lui seul, de plus de la moitié des condamnations votées par l’Assemblée générale de l’ONU ,celle-là même qui avait permis à Israël d’exister?
On en est là : un état de 9 millions d’habitants défie le monde, insulte ou menace les plus faibles, fait du chantage ou morigène les puissants. On comprend que les Européens, qui sont à l’origine du plus grand massacre de juifs de l’Histoire, répriment leur désapprobation par peur de se voir rappeler leur passé, mais les autres ? Pas seulement les Arabes, mais le monde entier : le problème des Palestiniens n’est ni ethnique ni confessionnel, il ressort du droit, de la justice et de l’humanité.
Aujourd’hui aucun pays démocratique dans le monde ne devrait garder des relations diplomatiques normales avec l’État d’Israël.
Assane gueye
LE JOUR D’APRES, ISRAËL EST-IL LE SEUL FAUTIF ?
La rareté de la paix est arrivée. La sécurité est un produit de luxe. La guerre Russie-Ukraine s’est enlisée. Un volcan éteint s’est réveillé. Hamas et Israël sont sur toutes les lèvres. David contre Goliath, conflit asymétrique et cynisme systématique.
La rareté de la paix est arrivée. La sécurité est un produit de luxe. La guerre Russie-Ukraine s’est enlisée. Un volcan éteint s’est réveillé. Hamas et Israël sont sur toutes les lèvres. David contre Goliath, conflit asymétrique et cynisme systématique. Le 7 octobre dernier, avec une technicité inouïe, la branche militaire du Hamas, Ezzedine el Kassam, pulvérise le dôme de fer, le système de défense de l’Etat hébreu. Les officiers israéliens n’en reviennent toujours pas. 1400 tués et des centaines d’otages lors du déluge d’Al Aqsa. Les pauvres victimes s’étaient rendues à une fête pour chanter la paix. Qu’elles reposent en paix. Son plan, le Hamas l’a muri pendant une année. C’est réussi mais à quel prix ? Après 5 semaines de bombardements israéliens aveugles, la moitié de la population de Gaza a été déplacée sans compter les milliers de morts et le champ de ruines. En plus de vouloir se venger, Israël chercherait à expulser les Palestiniens et à occuper l’enclave de 360 km2 comme l’a si bien remarqué le Brésilien Lula. Israël peut tout se permettre. Le reste du monde lui facilite énormément la tâche. En commençant par les Palestiniens eux-mêmes qui vivent de leur propre fait une partition de fait. Depuis 2006 au moins, après avoir remporté des Législatives, le mouvement de la résistance islamique gouverne depuis ses bureaux souterrains dans des tunnels et galeries creusés sur 400 km. Inspiré par les frères musulmans d’Egypte, avec des sorts de généraux de corps d’armée qui se nomment Yayha Sinwar ou Mohamed Deif et leurs 40.000 hommes, le Hamas est très adulé dans l’antique cité de Gaza pour son courage et ses œuvres de bienfaisance. Malgré quelques cruautés, cette organisation est bien moins corrompue que le Fatah installé en Cisjordanie. Un de ses symboles, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abass, 88 ans, est traité chez lui et ailleurs comme un vieux meuble qui ne sert à rien. En lieu et place d’une union sacrée, ce sont des zizanies fratricides qui sont en cours dans les territoires occupés.
Les accords d’Abraham, une realpolitik cynique
Les divisions et l’inconséquence sont aussi les traits de caractère de la Ligue arabe et de l’Oci. Réunis le 11 novembre à Riyad, les Etats-membres se sont contentés de communiqués laconiques, sans queue ni tête. En réalité, de nombreux pays arabes particulièrement ont trahi depuis belle lurette la cause palestinienne. Passés en 2020 sous l’égide de Trump et de son gendre Jared Kushner, les accords dits d’Abraham ne sont rien moins qu’une montagne de realpolitik cynique. Les processus de normalisation sont davantage un parapluie et une protection contre la menace de l’Iran chiite qui aurait mis au point des capacités nucléaires destructrices certes pas encore du niveau de celles de l’Etat hébreu qui figure parmi les 9 puissances nucléaires officiellement reconnues. Avec ses 200 ogives, les Juifs sont à même d’anéantir tout le Moyen-Orient et au-delà. Mieux vaut donc les avoir avec soi, ont sans doute conclu les pays arabes qui ont franchi le Rubicon de la mesquinerie.
Un bon Palestinien est un Palestinien mort !
Enfin, la Palestine n’est pas l’Ukraine. Comme beaucoup d’Occidentaux, les Israéliens fanatisés du Likoud font semblant d’oublier ce qu’ils ont vécu avec Hitler qui a exterminé 6 millions de Juifs. Il est inconcevable que ces derniers considèrent à présent qu’un bon Palestinien est un Palestinien mort. Fermant les yeux d’un côté, le même Occident complice ne voit que la sécurité d’Israël élevée au rang de raison d’Etat. C’est pourquoi l’Amérique, pour ne pas la citer, a déversé depuis la fin de la deuxième guerre quelque 260 milliards de dollars d’aides en tous genres sur Israël. Gendarmes immoraux, les Etats-Unis ont fait capoter pas moins de 140 résolutions onusiennes. L’Onu et toutes les institutions multilatérales ne fonctionnent plus. Le monde est en rupture d’équilibre et en panne de grands dirigeants et de voix fortes. Il ne faut pas s’étonner que les épées de fer découpent la paix si rare en mille morceaux.
Par Moussa KAMARA
MON ETAT DES LIEUX
Président tout le monde veut l’être sans remplir toutes les conditions requises…Le respect a foutu le camp et tous les repaires sont dissipés, ce qui n’empêche pas le Président d’aller en tournée et de promettre monts et merveilles à 2 mois de son départ
En bon socialiste, j’ai supporté Macky Sall deux mandats durant malgré quelques péripéties très déplorables pendant son magistère. Parce qu’il fut le candidat le mieux placé pour vaincre le patron des Libéraux qui voulait que son fils lui succédât. Et le report des voix lors du second tour fut très prépondérant pour ce candidat forcé de quitter le PDS, ce parti qui lui avait tout donné sauf la Présidence. Et que l’APR qu’il a été obligé de créer lui a servi sur un plateau d’argent.
Avec l’aide d’une faune hétéroclite de politiciens et d’opportunistes en tout genre qu’il se devait de récompenser ou bien d’oublier. Comme tous les présidents nouvellement installés au pouvoir, ipso facto il pense déjà à un nouveau mandat au lieu de s’atteler aux priorités du pays.
Pour asseoir et renforcer son régime, il a mené maintes batailles politiques avec l’aide du pouvoir juridique grâce à des hommes qu’il s’est choisis. Si comme l’avait suggéré François Mitterrand on peut diriger la France avec une soixantaine d’hommes bien placés, mener le Sénégal avec quelques hommes, parce que beaucoup moins peuplé, ne serait pas la mer à boire !
Parmi les premiers coups portés à la démocratie, les affaires Khalifa Sall, Karim et Sonko. Avec ce dernier qui est d’une actualité brulante, nous attendons le verdict de la Cédéao aujourd’hui vendredi 17. Empêcher un candidat de participer à une élection présidentielle parle parrainage ou par un verdict de magistrats couchés, ne fait guère briller notre démocratie. Aujourd’hui, dans ce pays, le temps des présidents à vie est révolu. Deux mandats au maximum et bye bye Monsieur le Président !
Tous les candidats à l’élection présidentielle doivent y souscrire pour éviter les mauvaises surprises. Nous tous savons que la démocratie n’est pas le meilleur des régimes mais le premier de ces régimes. Nous sommes un peuple qui ne comprend pas la plupart des lois qui le dirigent. Nous vivons la laïcité sans vraiment la comprendre pour la défendre.
Notre société vit, traverse et endure tous les vices que la religion interdit quand nous nous clamons fièrement 95% de musulmans. Notre peuple fornique impunément et ment délibérément.
A la télé, à la radio, dans le Net et dans les grands-places, les gens parlent de tout et de rien comme des experts qu’ils sont d’être. Aujourd’hui, avec ce nombre inédit de candidats à la Présidence, la classe politique a fini de nous montrer son vrai visage. Depuis l’avènement des Libéraux au pouvoir, ces hommes et femmes ne doutent plus de rien.
Président de la République tout le monde veut l’être sans remplir toutes les conditions requises…Le respect a foutu le camp et tous les repaires sont dissipés, ce qui n’empêche pas le Président d’aller en tournée et de promettre monts et merveilles à deux mois de son départ !
Et malgré le TER, les ponts et autoroutes, l’entreprise où je gagne ma vie, va mal, très mal…
par Ousmane Sonko
AU VAILLANT ET DIGNE PEUPLE SÉNÉGALAIS
Ce qui se joue cette semaine et particulièrement demain, ce n'est pas l'avenir d'Ousmane Sonko, c'est notre avenir, notre volonté en tant que Panafricains, en tant que Sénégalais de se réapproprier notre pays
Du fond de ma cellule, je continue à réclamer ma libération, car cette arrestation n'est, en fait, qu'une prise d'otage politique, pour empêcher ma candidature à la présidentielle de février 2024 et pour freiner l’élan d’adhésion et de prise de conscience des Sénégalais, dont les symboliques sont les foules immenses que nous drainons partout et qui sont insupportables pour ce régime en chute libre.
Cette prise d'otage est électoraliste pour imposer au peuple sénégalais un candidat de la continuité.
Au vaillant et digne peuple sénégalais !
Du fond de ma cellule, je réclame la libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers politiques afin qu’ils retrouvent leur famille, car leur souffrance a assez duré.
Aujourd'hui, la jeunesse sénégalaise désespérée se tourne vers les méandres des océans et du désert, et l’État sénégalais, complice, ne pose aucune action pour empêcher ces drames devenus le lot quotidien des familles. Visiblement, Macky Sall et son régime ne comptent rien faire pour stopper l’hémorragie puisque dans leurs pensées machiavéliques ceci peut aider à vider le Sénégal d’une jeunesse qui peut faire basculer le vote dans les urnes.
Mes chers compatriotes, ce qui se joue cette semaine et particulièrement demain, ce n'est pas l'avenir d'Ousmane Sonko, c'est notre avenir, notre volonté en tant que Panafricains, en tant que Sénégalais de se réapproprier notre pays. C'est notre destinée en tant que nation qui se joue, mais surtout notre souveraineté.
C'est pour cela que j'appelle tous les Sénégalais, épris de justice, à s’organiser sur toute l'étendue du territoire national pour exercer leur droit constitutionnel à la résistance et refuser le dictat d'une minorité.
Je lance un appel à cette jeunesse sénégalaise, sacrifiée par Macky Sall et son régime, aux familles décimées par l’immigration irrégulière et la répression sans nom de la part de ce régime, à nos mamans éprouvées par la détention arbitraire de leurs enfants, à nos pères obligés de reprendre une activité, parfois pénible, pour subvenir aux besoins de leurs progénitures parce que privés de tout soutien. J’en appelle à tous les Sénégalais, à notre fibre patriotique et aux valeurs fondamentales de refus, à se préparer et se tenir debout ce 17 novembre pour préserver notre démocratie.
Il ne s’agit pas de se lever pour ma personne, elle importe peu ; nous devons nous lever pour une justice équitable, libre et indépendante, pour le droit de vivre dans un pays sans craindre d’être arrêté et emprisonné sans justification. Le droit de vivre sans être contraint à l’exil, à l’emprisonnement ou à la mort.
Pour ma part, je continuerai à résister par tous les moyens dont je dispose.
Mes chers compatriotes, levons-nous et tenons-nous debout, parce que le Sénégal en vaut la peine.
L’ÉPURE DU DROIT ET LA PRÉSIDENTIELLE
À la veille du scrutin de février 2024, les mensonges du Droit sont légion. La transformation de la DGE en juge électoral renseigne sur l’Etat féodal au Sénégal depuis 2012. L'élection à venir a pour enjeu la fin de l’Etat colonial sénégalais
Plaidoyer pour une présidentielle transparente, apaisée et inclusive
Questionner l’état du Pacte républicain sénégalais à l’aune du Droit est une mission naturelle de l’universitaire. Chevillé à la temporalité du corps social, le savant, telle une ascèse, porte en lui le poids d’une exigence : celle de rétablir la vérité du Droit dans sa pureté lorsque celui-ci fait l’objet d’assauts répétés et de violations politiciennes assumées.
L’universitaire, quand le contrat-social se déchire au gré de logiques d’appareils et d’enjeux de pouvoir ou de risques de confiscation de la volonté générale, doit inlassablement faire profession de vérité : assumer sa vocation sociale, scander sa part de vérité, s’ériger en voix de la vérité brute du Droit, constituer un rempart contre les contre-vérités, les mensonges, les élucubrations, les interprétations fourbes pour flatter le Prince. L’universitaire cesse d’être fonctionnaire pour faire mission de société. Le savant organique est l’ennemi de la vérité sociale.
La neutralité axiologique, rabattue telle une antienne par ceux dont la vérité du Droit dérange, n’est point une impartialité du scientifique universitaire. Elle n’est pas non plus une forme lâche de neutralisme ou d’impartialité devant les atteintes du Droit. Elle ne signifie pas davantage l’absence d’engagement. Le savant est celui qui prête sa science au service de la société. Il est celui qui façonne le réel et construit les imaginaires autour d’une identité nationale ou d’un récit collectif.
Le savant dit le Droit lorsque la communauté des gens du droit, à l’instar des universitaires, détourne le regard sur un mal-démocratique innommable ou transforme le Droit, par une magistrature politisée, en instrument de conspiration (Mamadou DIA en 1962) ou de liquidation (Omar Blondin Diop en 1973). Que de coups de boutoirs au Droit depuis les indépendances !
Que d’interpellations de la communauté du savoir juridique !
La posture neutrale est la négation même du chercheur. L’existence d’un chercheur neutre est aporétique ; cela relève du non-sens et de l’opportunisme intellectuel des serviteurs dociles du pouvoir. La neutralité axiologique du chercheur postule, à rebours, une fidélité à toute épreuve à l’épure du Droit et aux valeurs qui le subsument, le définissent et l’essentialisent.
Dans toutes les communautés politiques, l’élection présidentielle ne saurait être la panacée : elle prépare au consensus national par des opérations inclusives et sincères. Paradoxalement, elle porte les germes irrédentistes d’une fracture sociale lorsqu’elle trahit la volonté populaire. L’élection présidentielle de 2024 au Sénégal ne fait pas exception à la règle et interroge sur la vitalité du contrat de société sénégalais, ses ressorts profonds, sa pérennité dans le temps long, son existence selon qu’il se réhabilite par une élection juste ou qu’il périclite par une élection sélective. Les élections au Kenya en 2007, en Côte d’Ivoire en 2010, au Gabon en 2023 démontrent qu’un scrutin présidentiel peut participer à la montée de la conflictualité sociale lorsqu’il est frappé d’insincérité.
Dire le droit, le penser et l’expliquer, dans notre temporalité politique, ne relève pas d’une entreprise d’interprétation. L’interprétation, érigée en technique de fabrique d’un droit sous commande politique, pratique des juristes-politiciens, des courtisans ou des militants alimentaires, est une atteinte à l’épure du Droit. Interpréter lorsque le droit ignore toute niche d’insécurité, tout interstice douteux, c’est mentir sur le Droit. Au sortir des actes préparatoires à l’élection présidentielle du 25 février 2024, les mensonges du Droit sont légion.
Mentir sur le droit, c’est entretenir un amalgame sur l’état de contumace en violation de la lettre et de l’esprit de l’article 307 Code de procédure pénale : distinguer là où la loi ne distingue pas, considérer que le contumax doit être arrêté pour les mêmes motifs pour cesser d’être recherché, opérer une divisibilité entre la personne arrêtée et la personne qui continue d’être recherchée etc.
Mentir sur le droit, c’est caporaliser l’administration d’Etat, la DGE en l’occurrence. La transformation de la DGE en juge électoral de recevabilité des candidatures n’est pas seulement un dépassement de compétences, une atteinte à la séparation des pouvoirs ou une immixtion dans le champ des attributions du Conseil constitutionnel. Elle renseigne sur l’Etat féodal au Sénégal depuis 2012. Le mensonge est constitué par le détournement de sens des articles L. 47 al 4 du Code électoral et 36 et 74-2 de la Loi organique sur la Cour suprême relativement au caractère non-suspensif du pourvoi en cassation en la matière.
Mentir sur le droit, c’est cautionner le pourvoi en cassation introduit par l’AJE alors même qu’il n’en a pas les compétences aux termes du décret n° 70-1216 du 7 novembre 1970 portant création d’une agence judiciaire de l’Etat et fixant ses attributions. Dans l’orthodoxie de ses attributions, l’AJE n’a pas intérêt à introduire un pourvoi contre l’ordonnance du Tribunal de Ziguinchor rendue le 12 octobre 2023. Ses compétences de représentation de l’Etat sont strictement limitées aux décisions ou jugements avec une incidence financière manifeste. La matière au titre de laquelle il intervient, les problématiques avec une excroissance financière, ne saurait profiter d’une interprétation libérale ou dynamique attentatoire aux libertés individuelles.Au demeurant, l’AJE est rattaché organiquement au ministère des Finances et des Affaires économiques (Article 1er du décret précité). L’article 2 circonscrit son intervention aux actions dans lesquelles l’Etat peut être créancier ou débiteur. Les poursuites qui lui sont échues sont celles relatives au recouvrement des créances de l’Etat notamment. On est loin de la contestation de la radiation qui ne présente aucune proximité, même indirecte, avec l’état des finances de l’Etat. L’AJE a agi ultra-vires en la matière. La matière des droits fondamentaux (liberté d’expression, droit au suffrage, compétition électorale…) est d’interprétation stricte en ce que les droits fondamentaux de l’individu ne sauraient souffrir d’une interprétation dérogatoire consubstantiellement attentatoire aux droits des individus. La puissance publique, débitrice de la réalisation des droits fondamentaux reconnus aux administrés et aux citoyens-électeurs, ne peut profiter d’une interprétation libérale au détriment des individus.
Mentir sur le droit, c’est procéder à la dissolution-nomination de nouveaux membres de la CENA. Le décret du 3 novembre 2023 n’a pas respecté les formalités substantielles nécessaires de consultation des institutions, des associations et des organismes (barreau, société civile, universitaires…) prévues à l’article L. 7 du Code électoral. Il a procédé, en toute illégalité, au renouvellement de l’intégralité des membres de la CENA. De surcroit, il vise des membres pourtant connus pour avoir participé à des initiatives politiques en faveur de la réélection du président de la République en même temps qu’il viole l’article L. 9 du Code électoral qui dispose qu’ « Il ne peut être mis fin, avant l’expiration de son mandat, aux fonctions d’un membre de la C.E.N.A que sur sa demande ou pour incapacité physique ou mentale, dûment constatée par un médecin désigné par le Conseil de l’Ordre, après avis conforme de la C.E.N.A ». A ce titre, et sans être exhaustif sur les nombreuses illégalités constatées, Monsieur Seydou Nourou BA, nommé comme membre de la CENA par le décret n° 2018-1930 du 9 octobre 2018, ne voit son mandat expirer qu’au mois d’octobre 2024. Le président de la CENA, Abdoulaye Sylla, fut nommé membre du Conseil constitutionnel par le décret n° 2018-2126 du 6 décembre 2018. Il ne pouvait donc légalement être nommé dans cette nouvelle CENA de circonstance politicienne.
Mentir sur le droit, c’est apprêter une vertu pédagogique aux décisions de la CJCEDEAO. Juridiquement, une décision de la CJCEDEAO favorable à Monsieur Ousmane Sonko le rétablit définitivement dans ses droits et ce, quelle que soit la décision rendue par la Cour suprême ce jeudi 17 novembre 2023. Les décisions de la CJCEDEAO sont immédiatement exécutoires et ne sont pas susceptibles d’appel. Le statut de la Cour étant un traité international, il intègre le champ des Conventions prévues à l’article 98 de la Constitution. Dans sa décision du 8 novembre 2010, la CJCEDEAO avait ordonné la libération de l’ancien Président Mamadou Tandja considérant que sa détention était illégale et arbitraire. La Cour considère que « les Etats membres de la CEDEAO ont l'obligation d'exécuter les Décisions de la Cour conformément aux articles 22 du Traité Révisé et 24 du Protocole Additionnel relatif à la Cour.
Qu'à ce titre les Etats doivent prendre toutes les dispositions nécessaires pour se conformer à ces dispositions ; qu'ainsi la Cour n'a point besoin d'ordonner l'exécution immédiate de ses propres décisions qui sont exécutoires à l'égard des Etats dès leur notification ». Est-il besoin d’ailleurs de rappeler que le Sénégal a installé auprès du ministère de la justice l’autorité chargée de suivre l’exécution des décisions judiciaires de la CJCEDEAO ?
Mentir sur le droit, c’est transformer l’Etat républicain en Etat-policier (dissolution de parti politique, interdictions administratives de manifester, étouffement de la liberté d’expression, rafles policières, arrestations pour délit d’opinion, barricades de domiciles…). En somme, l’état du Droit, corrélé à l’élection présidentielle à venir, n’a jamais autant été l’objet de luttes sociales et politiques, avec en creux, l’idée de la fin d’un cycle ou d’un paradigme passéiste de gouvernance néo-féodale ou coloniale. L’élection présidentielle à venir a pour enjeu la fin de l’Etat colonial sénégalais avec à sa tête ses derniers pions politiques vassalisés. L’Etat de droit n’étant pas une délibération décrétale mais sociale, notre ère démocratique est celle de la contestation protéiforme après que naquirent, difficilement, et dans un autre contexte, le multipartisme limité à quatre, le multipartisme intégral, l’alternance de 2000 et celle trahie de 2012.
L’enjeu est la réhabilitation du Droit confiée aux cinq juges de la Cour suprême que le destin a propulsés comme porte-étendards d’un souffle démocratique qui demande à éclore. Ce qui reste de la démocratie, pas grand-chose, est suspendu à la décision de la Cour suprême. En quelque sorte, ces juges feront l’histoire, ou, selon, la déferont. Ils la feront en ne participant pas à la transformation du droit en outil de conspiration politique, en disant NON à un Etat-policier tout entièrement organisé pour la déchéance des droits civils et politiques d’un citoyen-électeur.
par DIOP Blondin Ndèye Fatou
LETTRE AUX PARTENAIRES ET AMIS DU SÉNÉGAL
Dans ce Sénégal de 2023, un signal de média peut être coupé comme un robinet. Sommes-nous sous le régime du flagrant délit continu ? Entendez nos alertes quand nous disons que c’est maintenant qu’il faut agir
Chers amis et partenaires du Sénégal au moment où je vous adresse ces propos, Ousmane Sonko, tête de file incontestable de l’opposition, est sous liens de la détention depuis le 28 juillet ; les motifs et conditions de sa détention lui ont fait observé plus de 40 jours de grève de la faim et deux séjours en réanimation. C’est le seul mode de résistance qui lui reste face au rouleau compresseur judiciaire que le régime de Macky Sall a enclenché depuis mars 2021 pour l’empêcher de briguer le suffrage des sénégalais.
D’un autre côté nous apprenions il y’a une petite semaine que le titre de « Envoyé spécial du Pacte de Paris pour la Planète et les peuples » est la mission que le président du pays partenaire stratégique du Sénégal voudrait confier au nôtre dès la fin de son mandat en cours. Cela ressemble à s’y méprendre à un satisfecit pour sa décision de renoncer à une 3ème candidature.
Passons sur tout ce que cet acte symbolise de la part de l’émetteur comme du receveur et sa résonance auprès des peuples dits francophones, pour entrer dans le fond du sujet qui nous préoccupe aujourd’hui.
Il s’agit d’interpeler ceux qui ont des intérêts au Sénégal mais aussi les nombreux citoyens du monde qui aiment ce pays à l’hospitalité légendaire et jadis havre de paix.
De fait, le pays traverse des moments critiques et a plus que jamais besoin de voir ses partenaires et amis s’impliquer dans la restauration de la justice, de la paix et de la démocratie.
Chers partenaires institutionnels, nous sommes sûrs que vos représentations diplomatiques vous tiennent régulièrement informés de tout ce qui se passent sous nos cieux. Permettez-nous tout de même de mettre en lumière un certain nombre de faits regrettables qui cristallisent notre inquiétude à quatre mois de l’élection présidentielle.
Au moment où nous parlons des milliers de jeunes hommes et femmes mais aussi des enfants et même des nourrissons empruntent des voies dangereuses pour quitter le pays. On nous dit qu’au moins 2000 d’entre eux sont morts de froid, de faim ou par noyade; des villages entiers sont endeuillés et des secteurs d’activité sinistrés suite à cet exode sans précédent. Parmi eux, certains ont perdu l’espoir de voir leur leader libre de participer à la prochaine élection présidentielle. Jusqu'ici aucune solution sérieuse n’a été mise en place par le gouvernement.
Nous sommes le 16 novembre et la prestigieuse université UCAD ne dispose pas de locaux adaptés aux cours en présentiel suite aux dégradations occasionnées par les manifestations de juin dernier ; la proposition de cours en ligne n’intègre pas le défaut d’électricité dans certaines zones sans compter les restrictions du réseau internet en cas de trouble politique.
Dans ce Sénégal de 2023, un signal de média peut être coupé comme un robinet et un journaliste cueilli devant ses collègues pour un post qui date de 2 ans. Sommes-nous sous le régime du flagrant délit continu ?
Etes-vous informés que la DGE, dans l’impunité la plus totale, a refusé d’exécuter une décision de justice réputée favorable à Ousmane Sonko ?
Savez-vous qu’un décret est venu fouler aux pieds le règlement, arraché après d’âpres négociations entre pouvoir et opposition en 2005, d’une institution indépendante ? Nous parlons de la CENA. De surcroît, le régime actuel a catégoriquement refusé de nommer une personnalité neutre pour organiser l’élection de février, revenant par ce geste sur un acquis obtenu de haute lutte.
Savez-vous que depuis le 12 mai toutes les manifestations politiques de l’opposition sont interdites sans motif constitutionnel.
Avez-vous remarqué les nombreux effectifs des FDS surarmés et pré positionnés comme si nous étions dans un pays en insurrection alors que des activités sportives et de loisir rassemblent régulièrement des milliers de jeunes dans une ambiance festive et que le parti au pouvoir draine des centaines de militants mobilisés pour accueillir le président de la république durant sa tournée dite économique ?
Savez-vous que depuis mars 2021 des milliers de jeunes sont en prison (étudiants, vendeurs ambulants, enseignants, journalistes, activistes, humoristes). Et que depuis cette date, les manifestations ont occasionné une cinquantaine de morts sans qu’il y ait enquête et je ne parle pas des blessés.
Leur seul tort : une supposée appartenance ou sympathie à un parti stigmatisé, le Pastef. Ce parti a d’ailleurs été dissout par décret présidentiel en dehors de tout processus judiciaire. Il faut réviser les annales des années 60 pour trouver une jurisprudence!
Savez-vous que son Leader, Ousmane Sonko, a été séquestré durant 55 jours sans aucune notification venant de la justice ? et qu’il a été jugé par contumace alors qu’il était sous les liens de la détention ?
Chers partenaires et amis du Sénégal,
A l’heure où nous parlons aucun candidat de l’opposition ne dispose du fichier ni de la carte électorale, contrairement à ceux du pouvoir qui, en plus, détiennent exclusivement le sabre du logiciel de parrainage ? Et on ne parle pas des milliers de primo votants qui n’ont toujours pas reçu leur carte d’électeur!
Ce vendredi 17 novembre, la Cour de justice de la CEDEAO rendra sa décision sur la réintégration de Ousmane Sonko sur les listes de électorales ; il se dit que la ministre de la justice a déjà donné sa position de ne pas obtempérer s’il advenait une décision favorable à Ousmane Sonko. Ce même jour, la Cour Suprême sénégalaise pourrait rendre une décision qui exclura le même Ousmane Sonko, qui porte l’espoir de millions de sénégalais, de la possibilité d’être candidat pour la prochaine élection ; la conséquence serait la perte définitivement tous ses droits civiques ! Excusez du peu !
Penchez-vous dans les dossiers judiciaires de Ousmane Sonko et vous y verrez des charges toutes plus fallacieuses et loufoques les unes que les autres ; vous y verrez la main du parquet qui parfois alourdit les charges, parfois fait appel alors qu’il n’est pas le plaignant ; vous constaterez une accélération ou un retard inexpliqué des procédures.
La liste des maux est longue et l’on se demande comment en est-on arrivé à ce niveau de déconfiture de nos institutions et de manque de fair-play politique ? Sans avoir les chiffres fiables, on peut aussi parier que ce climat délétère a un impact économique dans le pays qui figure parmi les 25 les plus pauvres du monde sans compter son attractivité.
Alors, la CEDEAO, l’UA, l’UE, l’ONU et ses agences mais aussi les centaines d’ONG vont-elles ignorer tout ce parcours subi par l’opposition, le traitement ignoble infligé à Ousmane Sonko, le mépris en amont des règles consensuelles du processus électoral et féliciter les organisateurs au soir du 25 février 2024 ?
Non, mesurez ce qui se joue ici et maintenant.
Entendez nos alertes quand nous disons que c’est maintenant qu’il faut agir et créer les conditions de retour de la justice et de l’état de droit. Il arrive un moment où le silence devient mensonge et complicité. Vous détenez en partie la solution. Les avocats sont sur le pied de guerre et usent de tous les recours judiciaires dont Ousmane Sonko peut se prévaloir. L’opposition et la société civile sénégalaise s’activent pour contrer tous les pièges tendus par le régime en place. Nous attendons de la communauté internationale qu’elle joue sa partition.
Madame Diop Blondin Ndeye Fatou Ndiaye est Coordonnatrice adjointe de la plateforme Avenir Sénégal Bii Ñu Bëgg, membre du LACOS.
PAR Tamsir Anne
LE COMPTE À REBOURS
EXCLUSIF SENEPLUS - Comment une élection apaisée pourrait-elle se tenir dans un climat de suspicion et de défiance entre principaux acteurs ? Fermer les yeux et se taire ne peut être une réponse à la détresse de plus des trois-quarts de la population
Au beau milieu d’une représentation théâtrale l’incendie un soir se déclara. Les acteurs pris de panique accoururent précipitamment sur la scène pour avertir le public que le théâtre avait pris feu. En cœur celui-ci à se mit rire de joie. Non ce n’est pas une blague reprirent les acteurs, le théâtre a bien pris feu, sauvez-vous dirent-ils en s’échappant de la scène. Les applaudissements fusèrent de nouveau. Cette histoire empruntée au philosophe danois Soeren Kierkegaard décrit bien malheureusement à peu près la situation actuelle du Sénégal. Depuis deux ans au moins le pays est plongé dans une crise qui a ouvert une grande brèche dans tout le corps social. Ni les alertes de toutes parts, ni les appels incessants au dialogue, ni même le sang versé ne semble impressionner outre mesure ceux dont la responsabilité est de préserver et de garantir la paix civile. Cette attitude répond-elle d’une volonté forcenée de rester à tout prix au pouvoir ou est-ce le signe que ceux qui ont laissé le malin génie s’échapper de la bouteille ne peuvent plus désormais le contrôler.
Tout ou presque est parti d’un pari on ne peut plus paradoxal dans une démocratie de réduire l’opposition à sa plus simple expression. Pourquoi et comment ce dessein a pu se former est une question fastidieuse à laquelle l’histoire politique du Sénégal trouvera peut-être un jour une réponse rationnelle. En attendant l’imbroglio politico-juridique née de cette volonté a fini de plonger le Sénégal dans une impasse politique dont il sera difficile de sortir. En effet à trois mois d’une élection plus que déterminante pour l’avenir du pays plusieurs graves questions restent encore sans réponse.
Quand et comment le thriller qui a fini de jeter le discrédit sur les deux piliers de notre architecture démocratique à savoir la justice et l’administration de se dénouera t- il ? Comment une élection apaisée pourrait-elle se tenir dans un climat de suspicion et de défiance instinctives entre les principaux acteurs ? Quelle serait la légitimité d’un gouvernement issu de telles élections et comment compterait-elle gouverner au-delà de février dans la stabilité et la confiance nécessaires pour relever les énormes défis qui attendent le pays ?
À toutes ces questions angoissantes vient s’ajouter le contexte tragique des départs massifs et suicidaires d’une jeunesse désemparée, désabusée et férocement désespérée qui cherche par tous les moyens à quitter la barque : au prix presque certain de leur vie. Tout sauf continuer de vivre dans son propre pays… même la mort vaut mieux à ses yeux que de rester. La tragédie de ces milliers de jeunes qui empruntent les chemins d’une mort certaine n’est pas une question de choix ou de convenance personnelle mais le symbole patent d’un formidable échec collectif. Ni la froide rationalité des chiffres qui tentent de prouver la réussite de la politique économique et sociale de l’état, ni l’indifférence ne pourront l’effacer. Ils sont bien là ces millions de jeunes qui pour paraphraser Mallarmé tètent le désespoir comme ils tétaient le rêve il y’a juste une douzaine d’années.
Fermer les yeux et se taire, fermer les yeux et sévir ne peut être une réponse à la détresse de plus des trois-quarts de la population sénégalaise ! Pour combien de temps encore pourra-t-on continuer de feindre l’indifférence, d’ignorer, voire de nier l’évidence du danger de désagrégation sociale qui menace le Sénégal. Ses signes avant-coureurs se manifestent dans des scènes de barbarie et de violence extrême allant jusqu’à la profanation des morts, des affrontements meurtriers sur fonds de discours sectaire, ... Tant de dérives ont mené le pays à l’impasse politique et au risque d’implosion sociale. L’urgence de trouver une issue commande d’aller au-delà des calculs politiques à court terme pour enfin briser le cercle vicieux des espoirs brisés et l’éternel apprentissage du b.a.-ba de la démocratie. Il faudra bien prendre le mal à la racine dont le diagnostic est connu de tous : la démocratie sénégalaise ou l’idée qu’il en reste souffre de l’hypertrophie des pouvoirs de l’exécutif notamment du président de la République qu’il urge de limiter et contrôler. Une réelle séparation des pouvoirs et des réformes conséquentes pour cimenter et pérenniser l’indépendance de la justice qui est l’épine dorsale de toute démocratie s’imposent plus que jamais. C’est à cela en priorité que tous ceux qui aspirent à diriger ce pays devraient solennellement s’engager. Sinon les mêmes causes produisant les mêmes effets on risque encore une fois de retraverser le désert de l’indifférence. Indifférence devant l’injustice, indifférence devant la destruction systématique de tous les acquis démocratiques que des générations de sénégalais ont conquises dans une longue et âpre lutte. Indifférence devant l’extrême souffrance du peuple qui a fini même de désespérer d’un discours d’apaisement et de réconciliation.
Mais peut-être est-il encore temps, dans un sursaut de lucidité et de grandeur, que ceux qui ont la lourde de responsabilité de mener le destin de ce pays se ressaisissent enfin. Le peuple sénégalais au nom de qui tout jugement est rendu n’attend ni plus ni moins que le droit prévale, que les libertés individuelles et collectives, notamment le droit de manifester, garanties par notre constitution à tous les citoyens sans discrimination aucune soient rigoureusement respectés. L’horloge tourne déjà… et à grand coups…
Par Ibou FALL
MACKY SALL, LA VIE APRES LE 2 AVRIL 2024
Quand Macky Sall, le prophète du Plan Sénégal émergent, remet à son successeur les clés de son ancien pied-à-terre de l’avenue Léopold Sédar Senghor, il n’a qu’une fixation : sa grasse matinée du lendemain. I
Quand Macky Sall, le prophète du Plan Sénégal émergent, remet à son successeur les clés de son ancien pied-à-terre de l’avenue Léopold Sédar Senghor, il n’a qu’une fixation : sa grasse matinée du lendemain. Il se voit déjà, le lendemain 3 avril, battre ses lourdes paupières vers treize heures, histoire de s’habituer à la lumière du jour, avant de s’étirer paresseusement et réclamer d’une voix ensommeillée, le petit casse-croûte gargantuesque qui le trouvera sur son lit…
A quoi bon surveiller sa ligne, dorénavant ?
Les propositions de carrière internationale s’amoncellent sur sa table de chevet et il se donne un trimestre pour y jeter un premier coup d’œil ; pourquoi pas une petite croisière à travers l’Atlantique, loin des vicissitudes sénégalaises, pour y réfléchir durant un autre trimestre, avant de choisir le maroquin moelleux d’une institution internationale à pile ou face ?
Pour le moment, tout ce qu’il sait, c’est qu’à soixante-trois piges, il peut desserrer la ceinture et la cravate, passer la journée en pyjama et arrêter de se teindre les cheveux toutes les semaines.
Le stress, les angoisses, les réunions du matin au soir, sept jours sur sept, il a tout refilé à son successeur, lequel n’a pas l’air de savoir ce qui l’attend vraiment. Le nouveau Président est plutôt pressé de prendre ses aises au Palais, faire le décompte des fonds secrets et éponger les quelques dettes que sa longue traversée du désert le force à contracter alors que tout semble perdu, fors l’honneur.
Macky Sall ne compte pas se gêner pour rattraper ses centaines d’heures de sommeil en retard…
Et donc, quand il se couche, ce soir du 2 avril 2024, il n’y a dans sa chambre ni alarme ni réveil. Rien qu’un silence de cathédrale et quelques ronflements voisins. La prière du petit matin, s’il en a la force, c’est bien ; sinon, ben, ça attendra.
Il a tout faux, le pauvre !
Il est à peine six heures du matin lorsqu’un brouhaha de fin de monde le réveille en sursaut. Dans la rue, il y a comme des bruits de soulèvement populaire. L’ancien Président a à peine le temps de sortir du lit que Marième Faye Sall déboule dans la chambre, le foulard en bataille, l’air atterré. Il a intérêt à se secouer : dehors, il n’y a pas moins d’un millier d’âmes en peine qui retiennent leur souffle en attendant de revoir sa figure rassurante, entendre ses propos réconfortants. Certains menacent de s’immoler par le feu s’il ne sort pas ; d’autres, moins violents, arborent des pancartes qui demandent par où se trouvent les chemins du Nicaragua.
Il n’y a, dans cette petite foule amassée sous sa fenêtre à Mermoz, que des tronches familières. La veille, jusqu’à vingt heures, ce sont encore des ministres avec ou sans portefeuille, des secrétaires d’Etat, des présidents de Conseil d’administration, des directeurs généraux, des ministres-conseillers, des conseillers spéciaux, des conseillers techniques, des chargés de mission, des envoyés spéciaux, des Dage, des Sg…
C’est la Rts, dans son édition de vingt heures, qui balance la tuile dès l’ouverture du Journal télévisé : en un seul décret, le nouveau chef de l’Exécutif met une croix définitive sur douze années de bamboula, malheureusement trop courtes.
A vingt-et-une heures tapantes, des fonctionnaires à la mine patibulaire et la parole rare, débarquent chez ces malheureux nouveaux pauvres pour reprendre les clés de leurs bureaux et véhicules, assortis d’un préavis de déménagement des logements de fonction.
Ils ont une semaine pour vider les lieux de bon gré. Passé ce délai, des huissiers accompagnés de gendarmes harnachés de la tête aux pieds viendront défoncer les portes et jeter jusque leurs matelas dans la rue.
Quand l’Administration veut faire vite, son efficacité en devient redoutable…
Et donc, ils sont là parce qu’à part le Bon Dieu, ils ne peuvent compter que sur Macky Sall. D’ailleurs, tout ça est de sa faute : ils lui en veulent même, parce qu’il est fortement responsable de cette tragédie… On le lui ressasse depuis 2019, il a droit à un deuxième mandat de cinq ans, qui courrait de 2024 à 2029. Qu’est-ce qu’il a à lâcher l’affaire comme ça, sans prévenir : avec une rallonge de cinq ans, ils planqueraient de quoi voir venir sereinement, au moins une retraite méritée et paisible.
Certes, la majorité à l’Assemblée est perdue, de même que quelques grandes villes depuis 2022. Mais avec Macky à l’affiche, ça se retrouve au moins au deuxième tour, si ça ne passe pas par «coup Ko» au premier, en, euh, tripatouillant un peu. Un miracle, ça peut toujours survenir quand on s’y attend le moins, n’est-ce pas ? Quoi, sa parole d’honneur ?
Le parrainage, ils n’en feraient qu’une bouchée ; la caution également : au pire des cas, ça se puise dans les caisses à portée de mains… Qu’est-ce qui lui passe par la tête quand l’ancien ambassadeur du «Yonou Yokouté» décide de passer la main poliment au lieu de batailler le couteau entre les dents jusqu’au dernier bulletin de vote ?
On soupçonne un lobbying de sa famille, Marième Faye Sall en tête.
Ces gens-là ne pensent qu’à leur petit confort. Trop facile : lui, il est déjà casé avant même de rendre le tablier. Mais eux, les pontes du régime Bby, qui pense à leurs familles, leurs nouvelles habitudes, leurs obligations ?
De 2012 à aujourd’hui, il y en a qui muent entre-temps de monogames contrariés à polygames sans limites. Ils sont accros depuis à la climatisation permanente dans le salon, la chambre, la voiture, le bureau. Leur vie mijote depuis une décennie à basse température, dixsept degrés de préférence : ils font quoi maintenant ? Ça fait pas mal de temps qu’ils voyagent naturellement en business, se sapent et se chaussent sur les grands boulevards parisiens et exhalent des parfums haut de gamme…
Les plus âgés de leurs progénitures, qui connaissent les affres de fins de mois compliquées, et ont la mémoire courte, auront du mal à revenir à la vie frugale d’avant-. Ce sont les enfants de la âwo (mais dont ça se fout comme de son premier caleçon) qui connaissent ça dans une vie antérieure et y retourneront au besoin à grands coups de pieds dans le postérieur.
êl, les dôm’ou madame nés après la honte, sous la clim, en clinique et ne connaissent de vacances qu’à Dubaï, parlent fkhonçais avec l’accent wèsh-wèsh, on leur explique quoi ? Macky Sall gàddou na àkh !