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23 novembre 2024
Opinions
PAR MAGAYE GAYE
UNE FRANCOPHONIE EN SITUATION DE DÉCLIN INÉLUCTABLE
Sur les 20 pays les plus riches du monde, seuls 2 sont francophones. À ce constat s’ajoutent le déclin progressif de son moteur historique, la France, et le retard considérable accusé par les pays francophones de l’Afrique noire.
Au moment où la France s’apprête à accueillir le 19e sommet de la Francophonie, il est opportun de s’interroger sur l’importance de la Francophonie et son devenir.
La Francophonie est un nain économique. Sur les 20 pays les plus riches du monde, seuls 2 sont francophones. À ce constat s’ajoutent le déclin progressif de son moteur historique, la France, et le retard considérable accusé par les pays francophones de l’Afrique noire. La France enregistre de faibles taux de croissance, fait face au vieillissement de sa population et à un déficit budgétaire colossal, sans oublier un endettement public hors de proportion (3228 milliards d’euros selon l’INSEE au 1 er trimestre 2024). En outre, ce pays subit de plein fouet un discrédit notoire de sa classe politique et de récurrents rappels à l’ordre budgétaire de la Commission de Bruxelles.
Quant aux pays de l’Afrique francophone, ils représentent 8 des 15 pays les plus pauvres au monde, classés par le Pnud. Ils sont dépassés par des États africains anglophones plus responsables et faisant preuve d’une plus grande capacité d’innovation.
Leur retard s’explique par l’inefficacité du modèle post colonial français consistant au maintien des anciennes colonies dans une logique confédérale avec une forte situation de dépendance et d’assistanat. Ces pays sont sans réelle politique monétaire avec un franc CFA arrimé à une devise forte, l’euro, qui les déresponsabilise, hypothèque leur capacité d’exportation et leur développement.
Parmi les élites, peu aiment leurs pays et se soucient de leur prospérité. Comment comprendre, l’instrumentalisation des anciens chefs d’État africains (Senghor, Bourguiba et Diori) comme fondateurs de la Francophonie en dehors du principal concerné qu’est la France, à un moment où des enjeux d’unification de l’Afrique et de promotion des langues nationales se posaient avec acuité ? Comment concevoir que d’anciens chefs d’État du Sénégal de la trempe de Senghor et Diouf et Wade aient choisi de s’installer en France après leur départ du pouvoir ? Comment justifier que plus de 60 ans après les indépendances des rues et places publiques africaines portent encore des noms d’anciens colonisateurs ? Il est à rappeler la déclaration irrespectueuse du président Sarkozy, intimant l’ordre aux autorités tchadiennes d’extrader les membres de l’arche de zoé pour qu’ils soient jugés en France « quoi qu’ils aient fait ».
Au plan diplomatique, la position de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) semble toujours moduler en fonction de celle de la France. La reconnaissance par l’organisation du régime putschiste de la Guinée Conakry et l’exclusion d’autres comme ceux du Mali du Niger et eu Burkina en dit long sur l’absence d’indépendance de l’organisation.
De notre point de vue, l’anglais deviendra la seule langue officielle de communication internationale. Le monde anglophone fascine par ses valeurs pragmatiques et « responsabilisantes ». En renforçant son positionnement dans de nouveaux métiers d’avenir comme les NTIC, l’anglais représente, dans le subconscient de beaucoup de jeunes, une langue moderne, à la mode, porteuse des valeurs de progrès, d’avenir. Le poids démographique grandissant des Chinois dans le monde, le rôle important que l’arabe est appelé à jouer à la faveur du retour des valeurs religieuses, et une mondialisation multipolaire qui voit l’émergence des puissances comme le Brésil, la Russie, l’Inde, tous arrimés à l’anglais, devraient amener les Responsables francophones à plus de lucidité. Tout pays désireux de jouer un rôle important dans les relations internationales doit adopter l’anglais comme langue officielle. Le monde francophone n’anticipe toujours pas cette réalité irréversible, cette montée irrésistible d’une nouvelle génération d’Africains assoiffée de respect et fortement désireuse de tourner la page.
Enfin le monde francophone ne progressa jamais tant que les questions suivantes seront en suspens l’accès au visa, le non règlement du passif colonial de la France (restitution des biens culturels), mais aussi le non-retour des biens financiers spoliés par les élites et la nécessaire introduction dans le monde francophone d’au moins 2 langues africaines enseignés officiellement en France et dans les pays membres de l’organisation. Au nom de la démocratie linguistique.
Par THECONVERSATION
LES OBSTACLES QUE LES PAYS AFRICAINS DOIVENT SURMONTER
Récemment, l'ambassadeur américain aux Nations unies a annoncé le soutien de son pays à la création de deux nouveaux sièges permanents au Conseil de sécurité de l'ONU pour les États africains.
Récemment, l'ambassadeur américain aux Nations unies a annoncé le soutien de son pays à la création de deux nouveaux sièges permanents au Conseil de sécurité de l'ONU pour les États africains. Gary Wilson, spécialiste du droit international et des relations internationales, et plus particulièrement des questions liées aux Nations Unies, estime que même si l'heure de l'Afrique a sonné, il reste encore des obstacles à surmonter.
Qu’est-ce qui ne va pas avec la façon dont le Conseil de sécurité des Nations unies est actuellement constitué ?
L’une des critiques les plus accablantes formulées à l’encontre du Conseil de sécurité des nations unies concerne son manque de légitimité. Sa composition est de plus en plus considérée comme non représentative de la communauté internationale. En particulier, l’identité des membres permanents privilégiés disposant d’un droit de veto est souvent perçue comme étant en contradiction avec les réalités politiques mondiales modernes. Le Royaume-Uni et la France en particulier sont largement considérés comme ayant subi un déclin de leur statut mondial. Leur statut de membre permanent est considéré comme une relique de leur appartenance aux puissances alliées victorieuses à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Depuis lors, d’autres États ont émergé en tant que puissances mondiales. Le Japon et l’Allemagne sont souvent présentés comme les principaux candidats au statut de membre permanent des Nations unies en raison de leur situation économique. Mais des puissances régionales ont émergé dans les régions sous-représentées du monde et peuvent également prétendre au statut de membre permanent. Les dix membres non permanents du Conseil de sécurité des Nations unies sont élus selon une formule qui garantit qu’ils représentent les différentes régions du monde. Trois sièges sont réservés aux États africains, mais uniquement pour des mandats de deux ans. Il n’y a pas de voix africaine qui s’inscrit dans la constance et la cohérence. Une autre critique formulée à l’encontre du Conseil est qu’il réagit de manière incohérente, voire partiale, face aux crises internationales. Les États africains ont longtemps eu l’impression d’être négligés par les principales puissances de cet organe. Par exemple, le souvenir de sa réponse inadéquate face au génocide rwandais continue d’affecter sa légitimité aux yeux des Africains.
Quelles réformes seraient nécessaires ?
La réforme de la composition est à l’ordre du jour depuis les premières années de l’ONU. Les membres non permanents sont passés de six à dix en 1963. La pression en faveur d’un changement s’est accélérée avec la création du Groupe de travail sur la réforme du Conseil de sécurité au début des années 1990. Ce groupe a produit une série de rapports, mais aucun changement n’est intervenu. Il existe un large consensus sur la nécessité d’une réforme, mais pas sur la forme qu’elle devrait prendre. Il est largement admis que la taille du Conseil devra être augmentée. La plupart d’entre eux estiment qu’il devrait compter entre 22 et 25 États membres. Les avis divergent quant à l’équilibre entre les membres permanents et non permanents. Mais il est largement admis qu’il devrait y avoir de nouveaux sièges permanents pour les États d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie, ainsi que pour l’Allemagne et le Japon. D’autres propositions posent davantage de problèmes. Par exemple, l’abolition ou la réforme du droit de veto semble peu probable étant donné la nécessité pour les membres permanents actuels d’approuver ce changement. Il est envisageable* que les membres permanents nouvellement créés n’obtiennent pas le droit de veto. Il y aurait donc deux niveaux de membres permanents. Les suggestions relatives à de nouvelles catégories de sièges, par exemple, qui tourneraient entre les États d’une même région ou qui seraient occupés par des organisations régionales, posent également problème. Il n’existe actuellement aucun mécanisme juridique dans le cadre de la Charte des Nations unies pour que cela se produise.
Où se situent les deux sièges permanents pour l’Afrique dans ce tableau ?
Bien que l’Afrique ne soit pas le seul continent à ne pas avoir de membres permanents au Conseil de sécurité, elle demeure un cas frappant. Les conflits en Afrique occupent une part disproportionnée du temps du Conseil. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les dix dernières années pour constater que le Soudan, le Sud-Soudan, la République centrafricaine et la République démocratique du Congo, où sont actuellement déployées des opérations de maintien de la paix de l’ONU, figurent régulièrement à l’ordre du jour. Les États africains jouent également un rôle de plus en plus important dans le soutien au programme international de paix et de sécurité. Plus de la moitié des 20 principaux contributeurs aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, par exemple, sont des États africains. L’Union africaine a également entrepris un certain nombre d’opérations de paix de son propre chef, parfois en collaboration avec les Nations unies. La diversité du continent africain rend les arguments en faveur de deux sièges plus convaincants. Le risque existe qu’un seul membre permanent africain ne parvienne pas à représenter plus d’un volet de la composition démographique du continent.
Quels sont les obstacles à surmonter pour déterminer quels pays africains devraient occuper deux sièges permanents ?
Le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Égypte ont tous été présentés comme des aspirants potentiels au statut de membre permanent. La résolution de ces revendications concurrentes est liée à la question sur les critères d’éligibilité pour un État de devenir membre permanent. Compte tenu de la responsabilité première du Conseil de sécurité des Nations unies en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales et des qualifications attendues des États candidats à l’élection de membres non permanents, il semble raisonnable d’évaluer la capacité des États à contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Même ces critères produisent des résultats différents selon la manière dont ils sont interprétés. Comment quantifier la contribution d’un État à la paix et à la sécurité internationales ? En se référant aux dépenses de défense, à la participation aux opérations de paix des Nations unies ou à un autre critère ? Bon nombre des principaux contributeurs aux opérations de maintien de la paix des Nations unies, par exemple, ne sont généralement pas considérés comme des membres permanents. C’est notamment le cas de l’Éthiopie et du Rwanda. La représentation est également un concept problématique. Le Nigeria et l’Égypte, par exemple, ont respectivement les plus grandes et les troisièmes plus grandes populations du continent africain ; l’Afrique du Sud se situe un peu plus bas selon ce critère. Mais la taille de la population d’un État lui permet-elle d’être représentatif de son continent ? L’Afrique n’est pas une région homogène et chaque membre permanent potentiel ne représente qu’une partie de la population.
Selon vous, quel est l’avenir du Conseil de sécurité ?
Le Conseil a connu des expériences de division ces dernières années. En témoigne la résurgence récente de l’exercice du droit de veto dans des situations telles que les conflits UkraineRussie et Israël-Hamas. L’élargissement du nombre de membres permanents ne résout pas ces questions en soi, mais peut favoriser un rééquilibrage plus général et une plus grande cohérence dans ses approches dans les situations où la menace du droit de veto n’est pas en jeu. Bien que la création de sièges permanents africains bénéficie d’un large soutien, elle ne peut être traitée isolément. Elle doit être envisagée dans le cadre d’un ensemble de réformes plus large, comprenant notamment - des sièges permanents pour d’autres régions - la taille du Conseil - l’augmentation du nombre de membres non permanents de nouvelles catégories de membres. Il est peu probable qu’une seule réforme soit mise en œuvre alors que d’autres questions sont laissées en suspens.
THECONVERSATION
Par Fadel DIA
SCOLASTICIDE À GAZA
Alors que la rentrée scolaire approche au Sénégal, Gaza pleure ses écoles détruites et ses élèves disparus. La destruction des infrastructures éducatives par Israël soulève des questions sur la volonté délibérée d'anéantir le système éducatif palestinien
Les jeunes sénégalais qui reprendront la semaine prochaine le chemin des écoles des collèges et des lycées devraient tous avoir plus qu’une pensée pour les élèves de Gaza qui sont d’ores et déjà condamnés à vivre une deuxième année blanche. Ils étaient environ 625.000 avant le déclenchement des attaques contre leur territoire et près de 15000 d’entre eux ont déjà trouvé la mort dans les bombardements israéliens (en même temps que près de 400 membres du personnel scolaire), des dizaines de milliers d’autres portent un handicap, physique ou mental, et ceux qui ont survécu aux missiles, aux blessures, à la faim, à la soif, aux épidémies (mais dans quel état sont-ils ?) ne retourneront pas de si tôt dans leurs classes. D’abord parce ce qu’aucune partie de Gaza n’est à l’abri des bombardements, et surtout parce qu’il n’y existe plus aucune infrastructure scolaire ou universitaire digne de ce nom.
Selon les estimations d’experts des Nations Unies 85% de ses infrastructures scolaires ont été systématiquement détruites, des bâtiments des universités qui avaient miraculeusement échappé aux bombardements ont été dynamités par l’armée israélienne, avec leurs équipements, y compris leurs bibliothèques, laboratoires et même musées. Israël n’a pas épargné les locaux scolaires qui avaient été transformés en centres d’hébergement de réfugiés, sous la protection des institutions internationales, et on a encore en mémoire le bombardement, le 10 aout à l’aube (l’heure choisie n’a pas été choisie au hasard), de l’école Al Taba’een, l’un des plus gros massacres opérés sur le territoire puisqu’il aurait fait 90 morts. Les explications fournies par l’armée israélienne, qui se vante de procéder à des opérations chirurgicales bien ciblées, pour justifier ces destructions ne sont convaincantes pour personne puisque ce bombardement visait un établissement situé en zone sous protection des Nations Unies et que les morts sont des civils, des femmes et des enfants principalement.
De toutes façons la stratégie militaire israélienne fait peu cas de ce qu’on appelle le dégât collatéral et si pour tuer un seul membre du Hamas ou du Hezbollah,il faut détruire tout un immeuble, raser une mosquée, écraser sous les gravats des femmes et des enfants, qui sont de simples victimes du conflit, Tsahal n’hésitera pas à lâcher ses bombes.
Israël est le seul pays au monde à « utiliser l’école à des fins militaires », et l’accusation est portée par l’UNRWA, l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche Orient qui tient à bout de bras les populations de Gaza depuis des décennies. C’est une position de principe comme le montre son refus de signer, en 2015, une déclaration initiée par la Norvège, approuvée par l’Unesco et la grande majorité des pays membres de l’ONU sur « la sécurité des écoles en temps de guerre. »
L’anéantissement des infrastructures scolaires et universitaires de Gaza n’est donc pas un simple accident de guerre. Il est même si systématique et si méthodiquement conduit que des experts de l’ONU ont jugé qu’il était raisonnable de « se demander s’il n’existe pas, de la part d’Israël, un effort intentionnel visant à détruire complétement le système éducatif palestinien ! » Comment cela s’appelle-t-il quand toute la jeunesse d’un pays est privée volontairement de lieux d’éducation et de culture, qu’elle ne reçoit aucune nourriture intellectuelle, qu’elle est laissée à l’abandon et se morfond entre la peur et l’ennui dans des abris provisoires où elle est obligée de se boucher les oreilles pour ne pas entendre le bruit des bombes ?Cela porte désormais un nom, cela s’appelle un scolasticide et des experts du Conseil des Droits de l’Homme ont estimé qu’Israël y avait recours à Gaza.
Mais l’école n‘est pas, loin de là, la seule cible des bombardements qui se poursuivent nuit et jour à Gaza depuis bientôt un an. Ce sont en réalité toutes les infrastructures[D1] du petit territoire qui ont été anéanties, à commencer par le système sanitaire et d’assainissement, la distribution de l’eau et de l’électricité. Plus grave encore, car il s’agit de choses dont on ne se relève pas, le gouvernement israélien et surtout sa très influente aile extrémiste, ont désormais pour objectif de « désarabiser » toute la Palestine, et pas seulement de pousser ses habitants autochtones à la fuite et à l’exil. Ils veulent effacer toutes les traces du passé palestinien, comme Narendra Modi tente de le faire en Inde pour les populations de confession musulmane.
Tout le patrimoine palestinien est pillé et à Gaza les archives contenant l’état civil de la population ont été détruites, faisant des Gazaouis des hommes et des femmes qui ont perdu leurs repères, qui sont dans l’incapacité de prouver leur identité, de décliner leur généalogie, voire leur passé, comme si leur passage sur terre avait été flouté, comme s’ils n’existaient plus que dans leur mémoire. Ce nettoyage par le vide va plus loin, les lieux mêmes où ont vécu leurs ancêtres sont progressivement défigurés et c’est ainsi que leurs oliveraies, dont certains arbres sont vieux de plus d’un siècle, sont peu à peu rasées et remplacées par des plantations de conifères, dans le seul but de rendre méconnaissable le paysage que leurs ancêtres avaient marqué de leurs empreintes au cours des siècles .
Ce révisionnisme des réalités historiques et naturelles a aussi désormais un nom : cela s’appelle un culturocide !
Alors, écoliers et élèves du Sénégal, ce lundi 7 octobre, jour de la rentrée, ne manquez pas d’exprimer votre soutien aux élèves et collégiens de Gaza victimes de scolasticide…
PAR Babacar Fall
DÉMOCRATIE POLITIQUE ET DEMANDE CROISSANTE DES JEUNES POUR PLUS DE LIBERTÉ ET DE JUSTICE SOCIALE
Pour une fois, un nouveau pouvoir n’aura qu’un seul choix : celui de procéder à la réforme du présidentialisme, de mettre en œuvre la gouvernance vertueuse et répondre aux aspirations des jeunes et des femmes
Les troubles que le Sénégal a connus entre 2019 et 2024 ont suscité de nombreuses inquiétudes quant au modèle démocratique qui a fait la réputation du pays en Afrique. La discussion qui suit retrace son parcours en tant que démocratie, garantissant l’exercice des libertés des citoyens d’exprimer leurs opinions sans restriction et de choisir ceux à qui l’on confie la gouvernance du pays. Elle évoque les traditions démocratiques du Sénégal qui remontent à l’époque coloniale et l’exercice du pouvoir sous la présidence de Macky Sall, marqué dans une large mesure par des tendances autoritaires et des résistances citoyennes.
Le Sénégal, un pays de longue tradition démocratique
Le Sénégal compte en 2023 18 000 000 habitants environ dont les moins de 35 ans représentent 75 % de la population [1]. Il est connu pour sa longue tradition démocratique avec l’organisation régulière des élections. En effet, la scène politique est restée dominée par la démocratie d’essence coloniale et élitiste à l’œuvre sur la scène politique depuis 1914 avec l’élection du député Blaise Diagne remplacé par Galandou Diouf en 1938. Au lendemain de la Deuxième Guerre Mondiale, Lamine Gueye et Léopold Sédar Senghor occupent l’arène politique. Dans ce contexte, en 1960, le Sénégal accède à l’ indépendance formelle préparée par l’Union française en 1946, la Loi-cadre en 1956 et la Communauté Franco-Africaine en 1958. Le régime est de type parlementaire avec Léopold Sédar Senghor comme président et Mamadou Dia assure le poste de Vice-Président. Avec la crise de décembre 1962 marquée par l’emprisonnement de Mamadou Dia, un régime présidentialiste est instauré. Formellement, le système politique repose sur le pluralisme mais les libertés publiques sont bâillonnées, les partis d’opposition pareillement réprimés. Avec la crise de mai 1968/1969, le paysage politique sénégalais connait de graves secousses qui ouvrent une nouvelle ère politique, sociale et culturelle.
Une ouverture démocratique timide est amorcée au milieu des années 1970, avec la reconnaissance du Parti Démocratique Sénégalais fondé par l’avocat et universitaire Maitre Abdoulaye Wade. Mais le président Senghor décide de n’autoriser que quatre courants de partis politiques, poussant ainsi les autres mouvements politiques d’opposition à la clandestinité.
Les troubles sociaux et politiques, combinés à la crise économique qui a conduit à l’adoption d’un programme d’ajustement, ont précipité le départ du président Senghor. En 1981, Léopold Sédar Senghor cède le pouvoir à Abdou Diouf sans l’organisation d’élections en application de l’article 35 de la constitution. Le nouveau Président de la république élargit, sous la pression des forces démocratiques et progressistes, la liberté de formation des partis politiques mais la loi électorale favorise les fraudes avec les votes multiples et la non-identification des électeurs dans les bureaux de vote [2]. Les élections présidentielles de 1983 et de 1988 ont été marquées par de fortes contestations suivies de l’arrestation des leaders politiques de l’opposition [3]. C’est en 1992 qu’un accord est intervenu à la suite du dialogue entre les acteurs politiques sous la facilitation de l’équipe du juge Kéba Mbaye. Une loi électorale consensuelle est adoptée. Elle garantit la refonte du fichier électoral, l’identification des électeurs dans les bureaux de vote, l’obligation du passage dans l’isoloir, la présence des observateurs durant les élections et la publication des résultats à travers les radios publiques et privées. Le consensus s’établit sur le décalage énorme des politiques publiques et la demande sociale. La vie devient chère et la gouvernance s’écarte de la valorisation des immenses potentialités nationales.
Deux alternances politiques : les acquis démocratiques sont réversibles
Les réformes politiques aggravée par la crise économique ouverte avec l’ajustement structurel vont favoriser en mars 2000 l’alternance à la tête de l’État consacrant l’arrivée de Maitre Abdoulaye Wade à la place de Abdou Diouf. Ayant été le fer de lance de la démocratisation avant d’arriver au pouvoir, le président Wade prend néanmoins de nombreuses décisions à l’inverse des acquis démocratiques au point que les citoyens l’assimile à un autocrate qui personnalise la gestion de l’État en visant à installer son fils comme futur vice-président. Son ancien premier ministre, Macky Sall se martyrise face à la confiscation de tous les pouvoirs.
Comme dans un sursaut massif, plusieurs acteurs politiques, syndicaux, patronaux, et de la société civile engagent la tenue des Assises nationales (1er juin 2008 - 24 mai 2009) pour refonder les institutions, élaborer une charte de gouvernance démocratique et une série de mesures correctives des politiques sectorielles [4]. Les Assises nationales ont joué un important rôle dans l’émergence et la consolidation du mouvement de contestation qui a mis un terme au régime d’Abdoulaye Wade
Le prélude de la défaite de Maitre Abdoulaye est annoncée avec les élections locales du 22 mars 2009 qui ont été marquées par la victoire de l’opposition regroupée au sein de Benno Siggil Sénégal (Unis pour un Sénégal Debout) dans les grandes villes ( Dakar, Pikine, Guediawaye, Kaolack, Fatick, Diourbel, Louga et Saint-Louis). Le Parti Démocratique Sénégalais est resté solide dans les communautés rurales [5].
Avec la forte mobilisation des acteurs politiques, des changements sont apportés au niveau des institutions. La limitation du nombre des mandats à deux était déjà consacrée dans la nouvelle constitution de 2001. Mais Maitre Abdoulaye Wade [6] va tenter sans succès d’obtenir un troisième mandat qui lui sera refusé par les électeurs en mars 2012.
Le nouveau président élu se nomme Monsieur Macky Sall. C’est le premier président né après les indépendances. Il est porteur d’espoir chez les jeunes générations dont la plupart d’entre eux, selon le journaliste Khalil Gueye, sont « membres de la GEN Z, c’est à dire la Génération Z, une génération incomprise par les hommes politiques et qui passe pour la génération la plus complexe aujourd’hui dans tous les pays du monde. Elle a entre 11 ans et 25 ans et elle tapisse le système éducatif du primaire à l’université. Dans la vie de tous les jours elle est présente dans les foules des stades et des arènes de lutte, dans la masse des sans-emploi et partage les idées et sentiments du groupe dur de notre société qui ne croit plus en rien de ce que toute autorité puisse lui promettre » [7].
Ce sont ces jeunes qui ont été déçus par Macky Sall car son programme économique est centré sur la construction des infrastructures et la défense des intérêts des sociétés internationales. L’impact sur les populations et surtout les jeunes est peu significatif. Les statistiques sont éloquentes. De 3 273 000 d’habitants en 1960, la population a été multipliée par 6 en 64 ans pour atteindre en 2023 : 18 032 473 habitants dont la moitié de la population est âgée de moins de 19 ans [8]. Mais entre 2012 et 2024, la situation des jeunes ne s’est pas améliorée. Le taux de chômage reste élevé avec une légère tendance à la baisse : un taux de 22,5 % en 2015 passé à 18,6 % en 2023. Le sous-emploi est plus accentué avec 90 % d’emplois précaires. Au plan national, « en 2013, 28 % des actifs occupés par moins de 40 heures par semaine seraient disponibles pour travailler davantage. Ce taux est de 21 % pour les hommes, de 40 % pour les femmes, il est de 32 % en milieu rural, de 24 % à Dakar et de 26 % dans les autres centres urbains » [9]. L’insertion des jeunes dans le marché du travail s’est rétrécie. La situation de chômage ou de sous-emploi est vécue par les jeunes comme « une mort sociale »[10]. De ce fait, l’émigration clandestine apparait pour beaucoup de jeunes comme une alternative pour échapper à̀ la crise de l’emploi et à l’instabilité́ professionnelle, un raccourci possible vers une ascension économique réelle et surtout fulgurante. C’est pourquoi Khalil Gueye a raison de dire que la génération Z ne craint ni la mer ni le désert pour quitter le pays et aller ailleurs forger un meilleur avenir [11].
Macky Sall à l’épreuve de la démocratie et de l’État de droit : entre l’autoritarisme et les mobilisations contre les dérives présidentialistes
C’est dans ce contexte de crise que le jeu institutionnel est marqué par les dérives du régime présidentialiste autoritaire affirmant sa détermination à « réduire l’opposition à sa plus simple expression », ne tolérant aucune position critique. Dès son avènement au pouvoir, Macky Sall au lieu de penser aux prochaines générations pour leur assurer un mieux-être, s’est inscrit dans l’optique de gagner la prochaine élection prévue en 2019. Sous le prétexte de la reddition des comptes, deux opposants sont arrêtés, jugés et mis en prison. Il s’agit de Karim Meissa Wade, le fils de l’ancien Président Abdoulaye Wade, arrêté en avril 2013 et gracié en 2018 après 38 mois de séjour carcéral mais privé de ses droits civiques et donc exclu des élections présidentielles de 2019. Le même scenario est appliqué à Ababacar Khalifa Sall, maire de la capitale Dakar, arrêté en 2017 et condamné à cinq ans de prison et gracié un an après mais privé de ses droits civiques.
En réalité, si le président Macky Sall se compare souvent à un champion de lutte voulant préserver le titre de roi des arènes, il n’est point disposé à respecter les règles connues d’avance de la lutte . Avant le jeu , il élimine les sérieux adversaires par des complots extra sportifs, choisit l’arbitre de ses propres combats pour être proclamé champion. C’est ainsi que les élections présidentielles de février 2019 ont été un triomphe pour Macky Sall en l’absence de deux grands calibres de la scène politique sénégalaise. Mais comme dit l’adage « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». Dépourvu de légitimité, le nouveau président est si triste de ne pas être encensé pour ses exploits dans l’arène politique [12] . Au classement, on retrouve Idrissa Seck et Ousmane Sonko, respectivement deuxième et troisième derrière Macky Sall. Au lendemain des élections, la tension reste perceptible et nourrit l’inquiétude de nombre d’observateurs et admirateurs du modèle de démocratie qui reste attaché au Sénégal.
L’écrivain franco-guinéen, Prix Renaudot 2008, Tierno Monénembo s’interroge sur ce pays symbole de la démocratie en Afrique. « Qu’est-il arrivé au Sénégal ? » demande-t-il. Dans sa chronique intitulée : « Sénégal : le syndrome Sonko » et publiée le 3 mars 2019, il écrit : « Mais où est donc passée cette société fluide et raffinée que nous a léguée le lettré Senghor….La tolérance, la palabre, le wakhtane, l’espace de négociation ; cette vertu cardinale de la société sénégalaise est en train de se rétrécir sous le double coup des mesquineries et des ambitions partisanes » [13].
Mais la leçon de vie renvoyant aux belles vertus du dialogue pour surmonter les difficultés du pays contenue dans la chronique de Tierno Monénembo a été détournée de sa signification et mise au service des manœuvres politiques de consolidation d’un pouvoir ébranlé. Ainsi, à la faveur des effets de la Covid-19 et au nom des intérêts supérieurs du pays déclaré « en danger », Idrissa Seck rejoint la majorité présidentielle et est récompensé le 1er novembre 2020 du poste de président du Conseil économique, social et environnemental et bénéficie de deux postes ministériels pour son parti politique «Le Rewmi ». Avec le ralliement d’Idrissa Seck au pouvoir, Macky Sall pense alors qu’il peut dérouler son projet de briguer un troisième mandat d’autant que selon lui, la constitution adoptée en 2016 lui permet de le faire. Mais pour réussir son projet, il faut neutraliser tous les adversaires susceptibles d’être des obstacles. Ousmane Sonko , député et maire de la ville de Ziguinchor, la plus importante ville de la Casamance, au sud du pays, est identifié comme l’adversaire à abattre. Les dossiers judiciaires sont montés. C’est d’abord l’affaire Adji Sarr, une jeune masseuse qui accuse le 6 février 2021 Ousmane Sonko, candidat déclaré à l’élection présidentielle du 24 février 2024 de « viols répétitifs ». et « menaces de mort ». Le 3 mars 2021, le député et maire de Ziguinchor est officiellement mis en cause puis convoqué par le doyen des juges du tribunal de Dakar. Pour répondre au juge, il est accompagné de ses partisans. Sur le parcours, il est arrêté pour « trouble à l’ordre public », puis libéré sous contrôle judiciaire, après plusieurs jours d’émeutes et de nombreuses scènes de pillages ciblant les entreprises françaises (Total, Supermarchés Auchan, Carrefour, etc.) dans tout le pays. Quatorze morts sont enregistrés. Pour Ousmane Sonko, « cette accusation est une manipulation politique en vue de le mettre hors course de tout mandat électif. Car s’il était condamné, l’opposant serait inéligible » [14]. Jugé par contumace, l’opposant Sonko est acquitté le 1er juin 2023 des faits de viol dont il était accusé, mais il est reconnu coupable « de corruption de la jeunesse » et condamné à deux ans de prison et 600 000 FCFA d’amende. À l’énoncé du verdict, des violences ont éclaté dans plusieurs villes du pays. Près de soixante morts ont été dénombrés. Plus de 1 500 personnes ont été arrêtées et mises en prison pour des motifs variables notamment « offense au Chef de l’État », « outrage à magistrat », « diffusion de fausses nouvelles », etc. Felwine Sarr a raison de relever que « l’appareil judiciaire a abusé d’une rhétorique autour de la sûreté de l’État, du respect des institutions, du maintien de l’ordre public, pour organiser la répression systématique des opposants, leur intimidation et leur emprisonnement ; ainsi que la mise sous silence des voix dissidentes et des esprits épris de justice » [15].
Ensuite, une deuxième affaire de diffamation sera portée contre l’opposant Sonko qui est aussi condamné à six mois avec sursis hypothéquant ses chances légales d’être accepté comme candidat aux élections du 25 février 2024.
La mélancolie du président Macky, facteur d’inertie
Après plus d’un an de suspense, de tensions et de pressions politiques et religieuses diverses, Macky Sall annonce le 3 juillet 2023 , qu’il ne se représenterait pas aux élections présidentielles de février 2024. Mais le 28 juillet 2023, Ousmane Sonko est arrêté à Dakar. « Le procureur affirme qu’il fait l’objet d’une enquête pour « divers chefs de délits et crimes ». Le parquet estime que « depuis un certain temps », des « actes, déclarations, écrits, images et manœuvres » de la part de l’opposant étaient « constitutifs de faits pénalement répréhensibles »[16].
Le politologue Pierre Sané qualifie Macky Sall du titre de « président mélancolique et mal-aimé ». En effet, Président Sall est désespéré de voir son projet avorté : instaurer au Sénégal une présidence à vie comme c’est le cas dans nombre de pays d’Afrique centrale pour assurer un contrôle sur les ressources escomptées de l’exploitation prochaine du pétrole et du gaz. Pierre Sané fait remarquer ironiquement que le rêve de Macky Sall « est parti en fumée : Sénégal émirat pétrolier ? Infrastructures en chantier ? Réforme du système financier international ? Et non, ce ne sera pas sous son magistère. La déception est profonde. Cette mélancolie nourrit la rancœur inépuisable qu’il cultive à l’encontre d’Ousmane Sonko dont la popularité inébranlable malgré les complots, séquestrations et emprisonnements enrage un président mal aimé. Ce qui en retour alimente sa mélancolie. Il aura tout essayé depuis trois ans ! » [17].
Le président Macky, adepte du dilatoire pour regretter le troisième mandat
Le dénouement semblait se préciser le 20 janvier 2024 avec la publication par le conseil constitutionnel de la liste des 20 candidats sélectionnés dont deux femmes [18] à partir d’un système de parrainage sur 70 postulants. Ousmane Sonko s’est fait remplacer par Bassirou Diomaye Faye, Secrétaire général de son Parti (Pastef), Parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité, dissous le 31 juillet 2023 par le ministre de l’Intérieur. Mais c’est sans compter avec les soubresauts du président mélancolique qui le 3 février 2024, à la veille de la campagne électorale, abroge le décret de convocation des électeurs sous le prétexte de la mise en place d’une commission parlementaire enquêtant sur deux juges du Conseil constitutionnel dont l’intégrité dans le processus électoral est contestée par le Parti Démocratique Sénégalais dont le candidat Karim Meissa Wade a été recalé pour cause de parjure sur sa double nationalité sénégalaise et française. Dans la foulée, l’Assemblée nationale adopte un projet de loi renvoyant les élections présidentielles au 15 décembre 2024 avec l’octroi d’un supplément de mandat au président Macky Sall. Saisi par un groupe de candidats, le Conseil constitutionnel déclare l’inconstitutionnalité de la loi votée et ordonne la tenue des élections dans « les meilleurs délais ». Mais Macky Sall continue à jouer au dilatoire et annonce la convocation d’un « dialogue national » pour fixer les conditions pour l’organisation des élections présidentielles. Boycotté par 17 candidats, ce « dialogue national », tenu du 26 au 28 février 2024, a adopté des conclusions offrant la possibilité de réouvrir la liste des candidats et proposant la date du 2 juin 2024 pour les élections présidentielles et maintenant Macky Sall à la présidence jusqu’à l’installation du nouveau président élu. Encore une fois, le Conseil constitutionnel rejette ces conclusions, fixe la date des élections au 31 mars 2024 et précise que le mandat du président de la République s’achève le 2 avril 2024 et ne saurait être prolongé pour quelque raison que ce soit [19].
L’écrivain Guinéen Tierno Monénembo apprécie le rôle d’arbitre du conseil constitutionnel comme une parade dans le mécanisme du jeu démocratique. Il écrit : « L’acte posé par le Conseil constitutionnel après la tentative de recul des élections présidentielles par Macky Sall fut un haut moment de démocratie et pour les Africains frustrés de tout, surtout de liberté, un véritable état de grâce. Une belle surprise, un événement habituellement réservé aux démocraties les mieux rodées, celles des pays scandinaves notamment » [20].
Face à ce double désaveu par le Conseil constitutionnel, Macky Sall se décide à fixer la date des élections au 24 mars 2024 donnant aux candidats deux semaines de campagne électorale au lieu des trois comme prévu par le code électoral. Dans le souci, dit-il, d’apaiser l’espace politique à son départ à la tête de l’État, il fait voter le 4 mars 2024 une loi d’amnistie générale pour faire libérer les 1 500 détenus politiques qui croupissent en prison [21]. Cette mesure d’élargissement permet à Ousmane Sonko et au candidat Bassirou Diomaye Faye de sortir de la prison et de prendre la tête de la campagne de la coalition anti-système – anti-Macky Sall.
À la veille des élections du 24 mars 2024, l’issue du verdict des urnes était incertaine. Le scrutin s’est déroulé dans le calme et la sérénité. Les électeurs ont usé de leur bulletin de vote pour opter dès le premier pour le changement incarnées par la coalition « Diomaye Président 2024 » mise sur pied par Ousmane Sonko et ses alliés avec un score de 54,28 % contre 35,79 % pour Amadou Ba, le candidat de la majorité sortante.
Quelques leçons majeures de cette crise sociale et politique
La troisième alternance consacrée par les résultats des élections du 24 mars 2024 illustre la vitalité de la démocratie au Sénégal. Mais elle révèle que le modèle de démocratie souffre encore des faiblesses liées à sa jeunesse et aux dérives générées par le système présidentialiste. Entre 2019 et 2023, le pays a connu une grande instabilité politique due aux interprétations controversées de la constitution sur la légitimité d’une nouvelle candidature du président Macky Sall qui a déjà accompli deux mandats (2012-2019 et 2019-2024).
Cette crise marquée par des graves troubles a eu des conséquences importantes sur l’économie du pays au moment où l’exploitation d’importantes ressources de pétrole et de gaz est annoncée pour 2025. Cependant la dynamique de résistance incarnée par les citoyens et principalement par les jeunes ainsi que le jeu de régulation assuré par le Conseil constitutionnel ont permis d’éviter que le pays s’enfonce dans le chaos. Le bulletin de vote a indiqué la direction du changement en départageant les partis politiques en compétition.
De plus, il se dégage des épreuves de force entre les régimes d’Abdoulaye Wade et Macky Sall et les populations mobilisées que la défense de la constitution qui n’est plus simplement l’affaire des juristes, mais bien des citoyens et citoyennes engagés contre tout régime voulant piétiner le droit auquel il est censé être soumis pour garantir le commun vouloir de vie commune. Les jeunes ont été au front de ce combat pour la consolidation de la démocratie.
Enfin, un puissant vent souffle de partout au Sénégal et les messages sont concordants autour de la souveraineté, la réforme des institutions, l’employabilité des jeunes, l’ancrage culturel, la qualité du capital humain, la justice sociale, la transparence budgétaire et toutes sortes de formes de redevabilité. Pour une fois, un nouveau pouvoir n’aura qu’un seul choix : celui de procéder à la réforme du présidentialisme, de mettre en œuvre la gouvernance vertueuse et répondre aux aspirations des jeunes et des femmes. Mais déjà les mouvements de femmes expriment leur indignation du fait de la faible présence des femmes dans le nouveau gouvernement (13,33 %), alors que le Sénégal a adopté depuis 2010 une loi sur la parité. C’est là un signe révélateur des conquêtes à réaliser pour approfondir un modèle démocratique très apprécié en Afrique.
[9] Eveline Baumann, 2016, Sénégal, le travail dans tous ses états, Presses Universitaires de Rennes & IRD Éditions, Rennes, p. 84.
[10] Entretien avec Modou Diop, 24 ans, habitant le quartier des pécheurs Thiaroye, Dakar, 15 mars 2023. Il a déjà effectué deux tentatives pour rejoindre l’Europe.
[18] Une des deux femmes sera disqualifiée pour cause de double nationalité révélée après la publication de la liste des candidats par le Conseil constitutionnel. Au total, ce sont dix neuf candidats qui concourent à la Présidence de la République en 2024.
Ce 1er octobre 2024, il célèbre ses 65 ans, en route vers 66. "Joyeux Happyversaire !" encore, au nom de tous nos Tractonautes, à l'iconique Kor Aïda Sans Pagne (ou champagne? on ne le saura jamais) Coulibaly, Youssou "Ennnn' ddouuur"
Voici le mien, lors de notre avant- dernière rencontre, il y a 10 ans, avant celle de 2023. La fois d'avant encore, je l'ai vu en février 2012 à l'hôtel Le NDiambour, alors qu'il voulait être candidat à la présidentielle et il m'avait dit lire mes tribunes sur l'élection wadisée, dans Seneweb, avec un grand enthousiasme et un important intérêt, me souriant de sa grande banane d'éternel jeune homme .
Puis la fois d'avant, l'avant-dernière fois, nous nous vîmes le samedi 27 décembre 2014 avec Youssou Ndour, et prîmes une photo, avec moi, réprimant mon sourire à une blague. Youssou qui a été mon patron le plus emblématique.
De janvier 2001 à début 2007, je fus son responsable de Projets, chargé du copyright, de l'édition musicale, des relations avec le milieu des producteurs de musique, sherpa spécial en direction d'El Hadj Ndiaye (PCS 2000 ), et de Mamadou Konté, les grands fauves. Et aussi, j'étais chargé du projet de création d'une école des métiers techniques de la musique en coopération avec la ville d'Issoudun en France (Youssoudun?), Secrétaire Général de "l'association des activités du festival de musique DK 24" dont Youssou Ndour était Président; association non dissoute à date de 2024....
J'ai créé l'acronyme CIPEPS, asso des producteurs de musique, nommément Coalition Interprofessionnelle des Producteurs et Éditeurs Phonographiques du Senegal, en 2004-2005, en ai écrit les statuts et l'ai faire entrer au Conseil National du Patronat du Sénégal (CNP) en 2007.
Lamine Fall, qui m'appelle maître et mentor (et son ami Dave me nomme..le Gourou, lol), en est aujourd'hui le Secrétaire Exécutif de cette Cipeps là , en 2024, et ce depuis 2006, au sein du CNP.
La création de la CIPEPS matérialise la "volonté politique" de Youssou de pacifier l'espace sénégalais de la production musicale, notamment dans ses rapports d'alors avec El Hadj Ndiaye, qui étaient exécrables (Ndiaye et sa Pyramide Culturelle du Sénégal bénéficiant d'un important soutien financier et logistique des Présidents Diouf puis Wade, ce que Y. ND n'avait pas)... et avec feu Mamadou Konté (repose en paix, Mamadou..."Mamadou m'a dit"...), qui étaient empreints de jalousie fielleuse de la part de ce dernier, sans vouloir offenser sa mémoire.
"A chaque Sénégalais, il y a son Youssou Ndour''. Ce 1er octobre 2024, il célèbre ses 65 ans, en route vers 66. Route 66, comme aux USA. 66 comme le nombre de tant d'incantations-égrenages de chapelets rituels, en Islam.
J'ai vendu un concert de Youssou Ndour aux Nations Unies sous le SG de l'ONU Ban Ki Moon, ce qui m'a valu mon premier voyage aux USA en 2004. Avec Mbacké Dioum, en diatigui cornaqueur à New York au Sofitel (celui là même où survint l'affaire DSK) où passa me visiter mon frère d'armes Ibou Wade, mangeai un soupou kandia d'anthologie venu de Harlem et où je résidais à plus de 20 étages au dessus du sol à quelques pas de Time Square, Mbacké Dioum donc nous parla de la rumeur positive enflante sur le talent d'un certain Akon ; rappeur US d'origine Thiam sénégalaise. Encore inconnu en Afrique.
Mon premier visa américain de 10 ans en 2003 donc. New-York où je partis en rdv avec EMI Music et Sony Music, et avec la réalisatrice de cinéma et productrice Elizabeth Chai Vasarhelyi, reçue quelques mois plus tôt à Dakar à mon bureau des Almadies et à mon domicile de la Cité des Magistrats aux Mamelles, avec son époux blond et preneur de vues.
Vasarhelyi, dont j'ai supervisé le montage juridique du (projet de) film documentaire de 102 minutes, "Youssou Ndour : I bring What I Love", finalement sorti en 2008, un an après mon départ de chez la "Youssou Ndour Family Business".
Un documentaire produit par 57th & Irving Productions : En 2005-2006, Elizabeth Chai Vasarhelyi suit la tournée de Youssou N’Dour, classé parmi les 100 personnalités les plus influentes au monde par le Time Magazine l’année suivante. On le connaissait jusque-là comme porte-voix de l’Afrique. Il devient alors porte-parole de l’Islam, une religion qu’il veut faire exister aux yeux du monde occidental au-delà de l’intégrisme. Intégrant une dimension sacrée à sa musique, il propage un message de tolérance fédérateur qui trouvera des détracteurs dans son pays, où il est pourtant extrêmement populaire. Le film promeut ce message tout en nous embarquant dans la vie de la tournée, rythmée par l’expression si riche des chansons de Youssou Ndour, dans la lignée des plus grands griots.
Résumé de ce premier film documentaire long-métrage d'Elizabeth Chai Vasarhelyi ? "Au point culminant de sa carrière, Youssou N’Dour a décidé de composer “Egypt”, un album religieux dédié à une vision tolérante de l’Islam, enregistré au Caire avec l’orchestre de Fathy Salama. C’est une période critique et un tournant dans la carrière de Youssou. Son courageux message musical a été chaleureusement accueilli dans les pays occidentaux, mais a créé de sérieuses polémiques au Sénégal. Pendant plus de deux ans, la réalisatrice Elizabeth Chai Vasarhelyi a suivi Youssou N’Dour à travers le monde, le filmant en concert mais aussi dans des moments plus intimes avec sa famille et son entourage. “I Bring What I Love” est le recueil d’un voyage difficile. Youssou y a assumé sa démarche, se posant en voix d’espoir", dans un monde qui sortait de la guerre américaine en Irak.
Je fus ainsi Coordonnateur des quatre managers internationaux de Youssou Ndour. Incluant Thomas Rome, manager américain de Youssou et avocat new yorkais, qui prendra ma suite dans ce rôle de coordonnateur en 2007. Thomas Rome m'appelait "Mazarin". Incluant aussi Michelle Lahana La Gazelle pour la France; Mady Dramé pour l'Afrique, et son manager pour le Royaume-Uni.
J'ai finalisé la convention de partenariat avec le Africa Festival de Würzburg en Bavière allemande, où je me suis rendu .
Mon DESS Mastère en politiques culturelles et gestion des Arts option politiques culturelles internationales m'a préparé à ce rôle, auprès de Y.ND.Obtenu en 1999, sous la houlette de ma directrice de mémoire, aussi stricte que belle et maternelle : Brigitte Remer.
Hasard ou signe du destin : en 2007, mon poulain Lamine Fall la rencontre à Alexandrie en Egypte où Brigitte Remer est devenue directrice du Centre Culturel français. J'avais soutenu Lamine à partir pour l'université Léopold Sédar Senghor, mise en place par l'Organisation de la Francophonie (OIF) à Alexandrie. Pour y passer un diplôme en gestion culturelle, validant ses acquis de manager d'artiste, Lamine Fall, historique manager d'Alioune Mbaye Der, dirige la Sarl OSCAR depuis 10 ans (gestion d'accès événementiels. Et enfin, nous avons partagé le projet d'accompagnement fourni à l'AMAA (Association des managers et Agents d'Artistes du Senegal), financé par l'ADEPME et le 3FPT (2021 - 2022) où Lamine a été un excellent formateur.
Mes quatre années antérieures, de 1995 à 1998, comme directeur de l'Alliance française de Saint-Louis, m'ont aussi préparé à ce rôle d'ingénierie culturelle auprès de l'immense Youssou Ndour (Kaar Kaar, machallah...).
A Saint-Louis, je m'attelais, entre autres, à organiser la Fête de la Musique quand les représentants locaux du ministère de la Culture avaient fait défaut. Avec l'appui de la Gouvernance de Saint-Louis et de la Radio de Teranga FM (notamment de Ben Makhtar Diop, mais aussi de Golbert Alioune Badara Diagne). Teranga FM où j'eus une émission hebdomadaire pendant mes années Ndar-Ndar, D'are D'art : "Francophonie au bout des Ondes".
En janvier 2021, ce sont les initiales Y.ND (wolofisées en Waiyyendi) qui composent le titre du premier de mes deux romans, le second, sorti en décembre 2023, étant "Immeuble Nal, Douala".
La dernière fois que j'ai vu Youssou Ndour ? En mai 2023, à l'ancien palais de justice à son Forafricc (Forum Africain des Industries Créatives et Culturelles) où j'ai été paneliste invité par la Fondation Youssou Ndour pour les industries culturelles et créatives , FYNICC. J'y ai ete panéliste sur un thème des enjeux du numérique sur la création et les arts. Panel partagé avec mon ami et frère l'avocat Maître Sylvain Sankale, et avec ma soeur Ngone Ndour, PCA re-redoublante de la SODAV. Un panel modéré par Maître Nafissatou Tine , avocate et PDG à Bruxelles de Sunulex. La fille d'Alioune Tine, lequel était assis au premier rang, ce jour-là.
Youssou, et Aby Ndour étaient aussi aux premiers rangs.
L'occasion pour moi de lui taper la bise et de saluer son époux.Plus tard, dans l'imposant hall de l'ancien Palais de Justice de Dakar qui accueille le FORAFRICC, je serre la main pèle- mêle, aux tontons flingueurs de la Youssou Ndour Family and Team : le toujours souriant Mara Dieng, le Bastos toujours jeune Mbaye Dieye Faye (né lui aussi le 1er octobre comme Youssou Ndour, mais un an plus tard, en 1959), Saint-Louis Mané, binôme stellaire de Youssou; le volcanique petit-frère -à-vie Bouba Ndour, directeur des programmes de la TFM; l'encostumé éternellement encravaté Kamou Seck, chef de protocole...Lors de mon panel, ma vieille branche Bernard Vershueren de Creative Africa est au fond de la salle : ce fils adoptif du deuxième plus grand acteur sénégalais après feu Douta Seck et avant feu Ousseynou Diop ("l'homosexuel" du film Touki Bouki): feu James Campbell né Badiane.
"Joyeux Happyversaire !" encore, au nom de tous nos Tractonautes, à l'iconique Kor Aïda Sans Pagne (ou champagne? on ne le saura jamais) Coulibaly, Youssou "Ennnn' ddouuur".
Qui est l'un des cinq noms les plus connus du Sénégal depuis 40 ans. Sans discontinuer. Soit depuis 1984 qu'il a fait irruption sur la scène internationale, parmi les plus connues comme équivalent du Sénégal, quand vous rencontrerez des étrangers chez eux.
Youssou qui depuis 1974, a été le subconscient artistique et musical des Sénégalais, qui adorent le mbalakh et les ballades folk. Alors que l'opposant Abdoulaye Wade fut leur subconscient et l'impensé politique de 1974 à 2000.
Depuis Wade, Diouf, Macky , sont passés. Nous en sommes à PR Diomaye désormais.
Reste dans la postérité des noms qui sonnent égaux au nom du Sénégal ailleurs dans le monde : Senghor, Wasis Diop, le footeux El Hadj Diouf, Diomaye et toujours et encore : ...Youssou Ndour.
Gâteau d'anniversaire pour tous !
Avec l'interprète de la chanson "Juum" : nit ku dul juum amuul.
65 ans? Waouh! Bès bu déllusi moo néx..
Ça ne rajeunit personne. J'ai moi-même 52 ans. Li maa wèèsu dey delussé, mèlni sèètu....
Au maroquin de la Culture qu'a occupé difficultueusement Youssou, il faut tout de même nommer un homme ou une femme de Culture ; et non un fonctionnaire ou un enseignant de la Culture.
Et je ne désespère pas d'être nommé un jour ministre de la Culture, des industries culturelles et créatives, du patrimoine, de la Communication et de l'éducation populaire, de mon pays le Sénégal, sous ce "Diomayat" 2024-2029, pourquoi pas?
Ou plus assurément (kaar kaar..), sous un prochain "Birimat",inch'Allah, de 2029 à 2034, quinquennat de mon leader de parti (UDP Kiraay), mon grand frère et tête de liste de la Coalition Pôle Alternatif 3ème Voie, Birima Mangara, pour les Législ'Hâtives du 17 novembre 2024.
Mon courant de pensée politique au sein de UDP Kiraay de mon frère l'ex Ministre au Budget (2014-2019) Birima Mangara est : Options Nouvelles Générations (O.N.G) - Woorna Niu Gérer, en wolof.
Yallah baakhna. Même si, " bu nieup khamé foo jeum, doo fa massa ègg...." (vous la connaissez hein, celle-là !).
Yalna Yallah dooli sütüra, à tous les muñkat, que nous sommes et que nous nous efforçons de rester, jour après jour, Sisyphe remontant toujours notre rocher vers le haut de la montagne. Tout ce qui monte finit par converger.
Ousseynou Nar Gueye est éditorialiste (Tract.sn) et Communicant.
Par Demba Moussa Dembélé
LE TEMPS DES OPPORTUNITÉS POUR LE SÉNÉGAL
Le jeudi 26 septembre, le Premier ministre Ousmane Sonko a présenté à la presse l’état des lieux des finances publiques du pays. Incontestablement, cet exercice est à saluer.
Le jeudi 26 septembre, le Premier ministre Ousmane Sonko a présenté à la presse l’état des lieux des finances publiques du pays. Incontestablement, cet exercice est à saluer. Dire la vérité sur la situation économique réelle du pays est un acte salutaire et en même temps un engagement à toujours dire la vérité sur la réalité du pays et à gouverner dans la transparence. Mais on retiendra surtout les très graves accusations portées contre le régime sortant qui a maquillé les chiffres, menti au peuple et à ses « partenaires » sur l’état des finances publiques, notamment sur la dette publique et le déficit budgétaire. Alors, la question qui devrait être sur toutes les lèvres est celle-ci : pourquoi Macky Sall et ses ministres ont-ils fait cela ?
L’obsession avec le « climat des affaires »
Plusieurs commentateurs et la plupart des médias, y compris « Le Soleil » du samedi 28 septembre, ont mis l’accent sur, les « risques » encourus par le Sénégal auprès des marchés financiers et des investisseurs. Certains redoutent l’impact sur la « crédibilité » de la signature du Sénégal, etc. Apparemment, le Premier ministre Ousmane Sonko, semblait plus préoccupé par la teneur des informations qu’il voulait partager avec le peuple sénégalais que par les réactions des marchés. C’est l’obsession à chercher à « rassurer » les investisseurs étrangers et les marchés qui a sans doute perdu le régime de Macky Sall et l’a poussé dans une spirale de mensonges et de falsifications des chiffres.
Beaucoup se souviennent de la préoccupation obsessionnelle du régime sortant à présenter un tableau reluisant du pays afin d’obtenir un bon « classement » dans la publication de la Banque mondiale appelée « Doing Business » (DB). Ce machin, qui était une vraie escroquerie, servait d’instrument de manipulations des chiffres et de distillation de mensonges dans le but de forcer les pays à libéraliser davantage leurs économies. Il fut finalement jeté à la poubelle le 16 septembre 2021, suite à un énième scandale! A l’époque où le DB hantait le sommeil des dirigeants africains, la presse sénégalaise avait fait état « d’une nuit blanche » de Macky Sall après un « mauvais classement » du Sénégal ! Alors pour éviter d’autres « nuits blanches » au Président, des consignes fermes avaient sans doute été données pour améliorer « le climat des affaires » afin d’obtenir une meilleure note dans les prochaines éditions du DB. Dès lors, il n’est pas impossible que les services du ministère des Finances se soient adonnés à une manipulation des chiffres pour atteindre cet objectif.
L’amélioration du « climat des affaires » fait partie du credo néolibéral selon lequel l’ouverture d’un pays aux investisseurs étrangers est indispensable pour stimuler la croissance. C’est surtout une croissance tirée par les exportations de produits de base, renforçant ainsi le caractère extraverti des économies africaines, comme celle du Sénégal. Et les mesures destinées à amélioration le « climat des affaires » ont coûté très cher au pays. Mais le régime de Macky Sall voulait aller plus loin encore dans son allégeance au credo néolibéral. Du 6 au 8 juillet 2023, le Sénégal avait organisé à Dakar la première édition du forum international « Invest in Senegal ». Lors de la séance de clôture, le Premier ministre Amadou Bâ disait que « le Sénégal est et restera un pays Open to Business » ! Le père Léo a dû se retourner dans sa tombe !
Eviter l’impasse néolibérale
Le nouveau régime ne doit pas emprunter cette voie. Il doit éviter d’être obsédé par les réactions des marchés financiers et des investisseurs privés. Sinon, il risque de perdre sa souveraineté dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques économiques. Avec le recours aux investissements privés étrangers, le Sénégal et les autres pays de la région perdent doublement. Ils octroient des incitations et exonérations fiscales pour attirer les investisseurs qui ensuite organisent des fraudes et évasions fiscales qui privent davantage les pays de ressources financières. On estime qu’en Afrique de l’Ouest, les avantages fiscaux offerts aux multinationales coûtent aux pays plus de 10 milliards de dollars par an, Pour combler ces pertes, ils se tournent vers les marchés financiers et accumulent une dette commerciale qui prend des proportions de plus en plus inquiétantes.
L’obsession avec le « climat des affaires », favorise également les flux financiers illicites, provenant surtout du secteur extractif. En effet, la libéralisation du commerce est une source d’évasions fiscales massives. Selon le rapport 2020 de la CNUCED sur l’Afrique, les flux illicites liés à la libéralisation du commerce ont contribué à hauteur de 58,7% aux flux financiers illicites estimés annuellement à 88,6 milliards. Les pays d’Afrique de l’Ouest sont parmi les principales victimes de ce fléau, dont le Sénégal, avec une fuite des capitaux évaluée à un peu plus de 5% de son produit intérieur brut (PIB). Poursuivre de telles politiques mettrait le pays dans un cercle vicieux qui le rendrait encore plus dépendant de l’extérieur, aliénant ainsi sa souveraineté dans l’élaboration de ses politiques économiques.
Changer de paradigme
Il faut donc éviter ce cercle, en révisant la politique à l’égard des investisseurs étrangers et le recours aux marchés financiers, sans toutefois totalement renoncer à ces sources de financement. En fait, ce qu’il faut c’est un changement de paradigme en matière de financement de l’économie, en privilégiant la mobilisation des ressources internes et d’autres pistes. Cela est possible si l’Etat se donne les moyens de taxer les profits des entreprises étrangères, notamment dans le secteur extractif. Les redressements fiscaux entamés par le régime ont montré tout le potentiel qui existe sur le plan intérieur. La Commission économique pour l’Afrique (CEA) affirme qu’en améliorant leurs capacités de recouvrement des impôts, les pays africains pourraient augmenter leurs recettes fiscales de 3 à 5% du PIB.
En dehors de la mobilisation des ressources internes par la politique fiscale, il existe une autre source intéressante de financement pour le Sénégal, avec les envois des migrants, qui sont estimés à 10-12% du PIB. Ces envois pourraient être transformés en un important levier pour l’investissement productif. Par exemple, l’Etat pourrait étudier la possibilité d’émettre des bons du Trésor destinés à la diaspora, libellés en devises mais remboursables en monnaie nationale.
Enfin, la coopération Sud-Sud constitue une importante source de financement pour le Sénégal. C’est une coopération basée sur des relations horizontales et qui est en train de prendre le dessus sur la coopération Nord-Sud, vu le poids économique et financier de plus en plus important du Sud Global, avec les BRICS + dont le produit intérieur brut (PIB) a dépassé celui du G 7, composé des Etats-Unis et de leurs principaux alliés.
texte collectif
LA FRANCOPHONIE, UN PROJET AU SERVICE DE L’AMBITION IMPÉRIALISTE FRANÇAISE
C’est aussi l’affirmation d’un élitisme forcené puisque, face aux langues locales, l’usage du français concerne souvent une frange limitée de la population. Le vernis « pro-démocratie » de l’OIF ne sert qu’à légitimer certains des pires régimes
« L’unité du langage entraîne peu à peu l’union des volontés », écrivait en 1904 le géographe Onésime Reclus, ajoutant : « Nous avons tout simplement à imiter Rome qui sut latiniser, méditerranéiser nos ancêtres, après les avoir domptés par le fer. » C’est bien en ces termes que fut théorisée la « Francophonie » par celui qui forgea ce néologisme. Celle-ci serait « tout à la fois un espace de résistance et de reconquête », expliquait pour sa part le président Emmanuel Macron au sommet de Djerba, en 20221. Plus d’un siècle sépare ces deux citations, dont la juxtaposition illustre l’ambiguïté coloniale qui persiste chez celles et ceux qui vont célébrer la Francophonie lors du sommet de Villers-Cotterêts.
Loin de nous l’idée de contester l’intérêt d’avoir au moins une langue en commun pour échanger en étant dans différents pays, sur différents continents. D’ailleurs, nous ne nous en privons pas. Mais la Francophonie représente bien plus que cela : c’est un projet politique mu par la vieille ambition impérialiste française.
Façonner l’imaginaire politique
Dans nombre de pays, la Francophonie, c’est avant tout la promotion d’une langue coloniale, qui continue de façonner la manière de penser, de s’exprimer et de vivre le monde. C’est aussi l’affirmation d’un élitisme forcené puisque, face aux langues locales, l’usage familial du français concerne souvent une frange limitée de la population, avant tout urbaine et généralement plus aisée. Lorsque cette langue est celle de l’administration, des bourses d’études et des crédits de recherche, les élites politiques et économiques proviennent donc le plus souvent de ces milieux restreints où le français est très tôt devenu une seconde langue maternelle, voire la langue privilégiée. La reproduction des élites y prend ainsi une dimension linguistique qui façonne l’imaginaire culturel et politique... en cultivant un fort arrimage culturel à la France.
C’est d’ailleurs l’intention, même pas cachée, des promoteurs et promotrices de la Francophonie à Paris. « Maintenant que nous avons décolonisé, notre rang dans le monde repose sur notre force de rayonnement, c’est-à-dire avant tout sur notre puissance culturelle », reconnaissait le général de Gaulle en 1966. « La Francophonie prendra un jour le relais de la colonisation ; mais les choses ne sont pas encore mûres », précisait-il2. Elles le sont devenues.
De nos jours, chaque rapport parlementaire français sur les relations franco-africaines est l’occasion de rappeler l’importance de la diffusion de la langue et de la culture française qui permet, comme l’écrivent en 2018 les députés Michel Herbillon et Sira Sylla, de « créer les conditions d’un rapprochement profond et sur le temps long, de liens quasi émotionnels, d’une intimité qui peut s’avérer décisive en matière diplomatique ». Car, rappellent-ils, « si le travail de chancellerie permet d’avoir des “alliés”, la diplomatie culturelle permet de se faire des “amis” »3.
Instrument de puissance culturelle
Et l’amitié peut – et doit – payer. C’est Jacques Attali qui l’explique le mieux, dans son rapport remis il y a dix ans au président Hollande, sur la « Francophonie économique ». Il y insiste sur la « corrélation entre la proportion de francophones dans un pays et la part de marché des entreprises françaises dans ce pays » et propose de créer à terme une « Union économique francophone aussi intégrée que l’Union européenne »4. Un grand marché commun au centre duquel rayonnerait la France.
La mise en œuvre d’un projet politique nécessitait bien une institution multilatérale derrière laquelle dissimuler les ambitions françaises. « La Francophonie est une grande idée », expliquait le général de Gaulle en Conseil des ministres en 1963, ajoutant toutefois une précaution stratégique : « Il ne faut pas que nous soyons demandeurs. » Une mythologie savamment entretenue voudrait que la création, en 1970, de l’Agence de coopération culturelle et technique, ancêtre de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), ait été initiée par le président sénégalais Léopold Sédar Senghor et quelques autres. C’est oublier opportunément l’impulsion donnée par de Gaulle et par son Premier ministre Georges Pompidou, qui créa dès 1966 un « Haut Comité pour la défense et l’expansion de la langue française » en mobilisant justement son ami de jeunesse Senghor.
L’OIF est devenue l’outil dont la France avait besoin pour essayer de continuer de peser sur la scène internationale : un instrument de puissance culturelle, dont Paris assure la plus grosse part du budget et organise l’agenda politique, tout en prenant soin de ne jamais placer un Français à sa tête – toujours ce soin de ne pas être « demandeurs ».
Air de déjà vu
Outre les objectifs de diffusion culturelle et linguistique et de développement économique, l’OIF vise officiellement à « promouvoir la paix, la démocratie et les droits de l’Homme ». Car le rayonnement français entend se faire aussi sur le plan des « valeurs » que Paris brandit régulièrement, comme pour mieux faire oublier les terribles compromissions de sa politique étrangère, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. L’OIF reprend ainsi à son compte l’hypocrisie de la France, et son discrédit croissant sur le continent africain. Ses opérations « d’observation » de scrutins sont réputées pour le blanc-seing qu’elles offrent aux plus sinistres farces électorales. Le vernis « pro-démocratie » de l’institution ne sert qu’à légitimer certains des pires régimes de la planète, pourvu qu’ils torturent en français.
Toute cette mascarade du sommet de Villers-Cotterêts est d’autant plus pénible qu’on nous fait déjà, comme lors du « nouveau » sommet Afrique-France de Montpellier il y a trois ans, la promesse d’un format « innovant », avec de « jeunes entrepreneurs » et « créateurs ». Comme à Montpellier, le sens du spectacle nécessitera sans doute quelque interpellation intrépide, pour montrer que l’OIF n’a pas peur de se moderniser.
Mais cette fois il ne sera même pas question des autres piliers de l’impérialisme français, tels que l’armée ou la monnaie, et on entend déjà clamer la nécessité de réformes destinées à donner encore plus de poids politique à la Francophonie, en feignant de croire qu’elle peut être une piste de solution au problème qu’elle symbolise depuis toujours.
Khadim Ndiaye est historien (UdeS, Québec), diplômé en philosophie. Ses principaux champs de recherche portent sur l’histoire de la colonisation, la problématique culturelle en Afrique, l’histoire des Afro-Américains et le panafricanisme.
Thomas Borrel est un des porte-parole de l’association Survie. Il a été durant huit ans co-rédacteur en chef du journal Billets d’Afrique édité par l’association, et a récemment codirigé l’ouvrage collectif L’Empire qui ne veut pas mourir. Une histoire de la Françafrique (Seuil, 2021).
Odile Tobner est Essayiste et cofondatrice de la revue Peuples Noirs Peuples Africains.
Boubacar Boris Diop est Écrivain.
Aminata Dramane Traore est Essayiste, ex-ministre de la Culture du Mali (1997-2000).
Par Moussa KAMARA
SAVOIR LIRE ET ECRIRE
Aujourd’hui, il est temps que les élites affranchies servent de modèles à la grande masse de la population. Il faut aider les populations à s’approprier les outils modernes de la communication.
Je me suis toujours posé la question de savoir pourquoi l’Afrique était le terreau fertile d’exercice des colonialismes. Les confrontations de l’Ouest et de l’Est y sont encore et toujours vivaces malgré les indépendances obtenues pour la plupart dans la plupart des pays.
Les terroristes, comme aiment les appeler l’Occident ou les Djihadistes, y soufflent des vents de terreur en massacrant des soldats des armées régulières et des populations qui ne les adoptent guère.
De la bande du Sahel où ils paraissent indéboulonnables, ils menacent notre pays qui les attend de pied ferme, s’adonnent à des incursions toujours dramatiques dans des pays jouxtant le Sahel et sévissent jusqu’en Somalie.
Au Mali, ils ont conquis l’Azawad qu’ils entretiennent avec les produits issus du commerce douteux. Tous ces impérialistes ne cherchent qu’à imposer leur doctrine à des pays ou des entités hostiles.
Les pays du Sahel disposent d’un sous-sol très riche, que nul ne soit étonné des convoitises de plusieurs pays impérialistes. Les populations de ces pays aux terres d’une richesse extraordinaire, ne vivant que d’élevage ou de pêche pour certaines, ont toujours été les victimes désignées de ces hordes de tueurs. Les forces armées de ces pays ne sont guère bien équipées pour faire face à des mercenaires sans pitié.
Un musulman ne peut tuer un autre musulman. Alors quand ces bandes utilisent l’Islam pour massacrer ces pauvres populations, elles ne peuvent être que trop loin des principes de l’Islam. C’est ce qui se passe au Nigéria avec les terroristes de Boko Haram.
Cette violence inouïe qui caractérise leurs opérations n’a rien des principes qui guident notre religion. Pourquoi forcer des populations à suivre la voie tracée pour elles par d’autres ? Avant l’indépendance nous avons tous été brimés parce que les colons étaient en terrain conquis. Avec l’indépendance ils sont restés ou revenus, les colons, avec des moyens plus pernicieux.
Aujourd’hui, il est temps que les élites affranchies servent de modèles à la grande masse de la population. Il faut aider les populations à s’approprier les outils modernes de la communication. En français, en anglais ou en arabe car un analphabète ne peut compter aller plus loin que le bout de son nez dans ce monde. Or, avec un peuple majoritairement bien formé, nous pouvons échapper aux affres d’Internet et des terroristes. Parce que les affres du premier sont définitivement visibles avec des comportements que je me retiens de relater…
Par Amadou Aly KANE
S’AFFRANCHIR DES INDICATEURS DU MODELE DOMINANT, UNE NECESSITE POUR LE DEVELOPPEMENT D’UNE PENSEE ECONOMIQUE AFRICAINE AUTONOME
Pour aider à l’intégration économique en Afrique, le FMI gagnerait à élargir ses missions, avec la prise en compte de la nécessaire mise à niveau structurelle des économies africaines afin de les rendre plus aptes à compétir sur le marché international
Les réactions diverses sur le rapport de la dernière mission du FMI nous donnent l’opportunité, non pas d’ajouter une autre contribution qui viendrait s’empiler sur d’autres très pertinentes, mais plutôt de nous interroger sur l’appropriation sous-jacente des instruments d’analyse de l’institution de Bretton Woods par beaucoup d’entre nous.
Ce dernier aspect fonde notre préoccupation de donner un point de vue sur le caractère opératoire des indicateurs économiques utilisés pour faire le point sur la situation, afin d’en extraire la charge négative.
Concernant le continent, ces instruments d’analyse sont adossés à un système d’exploitation remontant au 19ème siècle, qui fige depuis lors nos économies dans une spécialisation économique mise en place sans prise en compte des intérêts du continent, et à laquelle il convient de mettre un terme.
Nous passerons brièvement sur les analyses « politiciennes » dudit rapport dont s’est saisie l’opposition politique pour essayer de mettre en difficulté le gouvernement de DIOMAYE/SONKO
Celle-ci lui impute les constats négatifs de l’institution sur l’état des finances publiques, l’endettement du pays et la régression des taux de croissance périodiques de 2024, lesquels constats concernent pourtant peu, pour ne pas dire « en rien », le pouvoir entrant, en fonction depuis six mois à peine.
On peut comprendre qu’à l’approche des « législatives » que le débat politique s’emballe. En revanche, le fait d’imputer au nouveau pouvoir la « morosité de l’économie au premier semestre 2024 » évoquée dans le rapport, alors que le premier trimestre de cette période procède indiscutablement de la gestion de l’ex-Président SALL, relèverait plutôt de l’auto-flagellation.
De plus, même à considérer le semestre comme période suffisante d’observation, il serait injuste d’imputer un recul économique à un gouvernement entrant, dont le budget ayant vocation à définir l’ensemble des dépenses et des recettes de l’État est celui de son prédécesseur, pas le sien.
Attendre la mise en place d’une nouvelle Assemblée nationale ou, mieux, la fin de l’année budgétaire aurait été plus pertinent pour fonder des critiques constructives.
Pour en venir au FMI, rappelons qu’il n’a pas vocation à élaborer des schémas de développement mais plutôt à aider à la stabilité économique, monétaire et financière à court terme des pays africains aux budgets déséquilibrés, ou/et en proie à des désordres monétaires du fait de l’inflation.
Il est donc bien dans son rôle lorsqu’il pointe du doigt le déficit budgétaire, car celui-ci le conduit à faire l’appoint pour l’équilibre, ou à pousser les gouvernements vers le marché financier, le tout allant dans le sens de l’augmentation de la dette.
Parlant du déficit budgétaire du Sénégal, le représentant résident du FMI a pointé les exonérations de TVA et les subventions à l’énergie (700 milliards par an, en moyenne) en précisant plus loin que ces dernières concerneraient les « ménages les plus aisés » on comprend alors qu’il s’agit davantage des subventions sociales à supprimer et non celles accordées aux entreprises.
A ce niveau, il s’agit d’être précautionneux, car les ménages aisés devraient d’abord faire l’objet d’une catégorisation claire.
Selon l’enquête publiée en 2016 par l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), plus de la moitié des ménages sénégalais (57,6%) est constituée de 9 personnes au moins.
Compte tenu de l’aggravation du chômage structurel et des fermetures d’entreprises, on peut considérer que la taille des ménages a augmenté ; cela signifie plus de dépenses sociales dans les foyers, de dépenses liées à l’énergie en particulier.
Aussi, réduire drastiquement les subventions à l’énergie pour les particuliers, revient à imputer le différentiel au pouvoir d’achat consacré à l’alimentation. La notion de ménage n’a rien à voir avec celle prévalant les pays occidentaux, dans lesquels la taille évolue peu. De surcroît, compte tenu du chômage des jeunes, les dépenses d’un bon nombre de ménages sont à la charge de retraités.
C’est pourquoi il est crucial de définir de façon précise la notion de ménages aisés, faute de quoi des décisions de suppression de subventions pourraient aggraver la pauvreté dans ce pays.
Des indicateurs d’essence néo-libérale
Cela dit, nous souhaiterions davantage axer notre réflexion sur la pertinence des indicateurs économiques dont se sert l’institution de Bretton Woods. Ces indicateurs sont d’essence néolibérale, et s’appliquent à des économies fragmentées depuis le partage de Berlin. Le Premier ministre britannique Robert Arthur Talbot, 3ème marquis de Salisbury, ne disait-il pas à l’époque ce qui suit ? « Nous avons entrepris de tracer des lignes sur les cartes de régions où l’homme blanc n’avait jamais mis les pieds. Nous nous sommes distribués des montagnes, des rivières et des lacs, à peine gênés que nous ne savions jamais exactement où se trouvaient ces montagnes, ces rivières et ces lacs » ?
La mondialisation économique a accentué la « balkanisation » du continent africain, elle-même validée au lendemain des indépendances des années 60 par les Etats post coloniaux. Au résultat, nos pays traînent cette tare de désagrégation économique qui les empêche d’envisager l’avenir ensemble, chaque pays étant organisé pour une relation univoque et spécifique avec son ancienne puissance coloniale.
Cela explique que les flux commerciaux inter régionaux soient à un niveau bas (15% en CEDEAO, contre 60% entre pays européens).
Les institutions financières internationales de Bretton Woods interviennent depuis la fin de la guerre mondiale dans ce cadre planté au 19ème siècle et non remis en question à ce jour.
Dans cette configuration, entrer dans la logique des « partenaires au développement » c’est quelque part prendre pour acquis que la situation d’éclatement géopolitique du continent, rimant avec éclatement des pouvoirs politiques, absence de concertation en matière de stratégie économique en vue de la création de projets industriels communs à grande échelle, le développement économique en solo… que tout cela est possible à une telle échelle.
A titre d’illustration, en comparant la capacité énergétique installée en Afrique par rapport à celle de l’Espagne en 2021, on se rend compte que celle de l’Espagne fait 87% de celle de toute l’Afrique !
En effet, la puissance installée du parc de production d’électricité du continent était cette année-là de 131,5 GW (dont 68 GW pour l’Afrique du Sud) contre 115 GW pour l’Espagne.
Si l’on considère que l’énergie c’est l’industrie (il n’y a pas de transformation sans énergie) on comprend bien sans l’accepter que tout un continent soit comparable en la matière à un pays ne faisant pas partie des leaders économique de l’Europe.
Après 40 ans de surveillance économique et de recommandations d’actions et de réformes des institutions financières internationales, l’Afrique a encore une part marginale dans le marché mondial ; l’impulsion d’un développement industriel tarde à se déclencher faute d’investissements dans des infrastructures structurantes d’envergure, de formation du capital humain, d’accès à la technologie, donc de compétitivité.
Il faut un Plan Marshall pour l’Afrique !
Aussi faut-il déplorer qu’il n’ait été jamais mis en relief dans les recommandations de ces institutions de Washington, l’impérieuse nécessité de réorienter les flux économiques, commerciaux, financiers vers le continent.
Le taux de croissance économique est considéré comme l’indicateur de la progression vers le développement. A notre sens, il est celui qui prête le plus à équivoque.
Aussi, une hausse de ce taux est présentée comme une avancée vers le développement, et une baisse comme une contreperformance, sans pour autant que les variations des niveaux de richesses mesurées ne soient mises en relief.
Au Sénégal, le taux de croissance économique est essentiellement tiré par le secteur tertiaire (commerce, services notamment Banques, Assurances, Télécoms), le secteur minier (or, zircon, phosphates exportés à l’état brut), les BTP financés sur emprunts extérieurs, en particulier les infrastructures de transport.
L’industrie, lieu privilégié de création de valeur ajoutée, et l’agriculture sont en retrait. Financées sur concours extérieurs, les infrastructures du PSE ont conduit à un taux d’endettement cinq fois plus élevé que celui de fin 2012, et sans effet sur le développement des entreprises du secteur privé national.
Il est en effet loisible de constater que les entreprises de BTP attributaires des marchés publics soient généralement des filiales de multinationales, ou alors celles de pays ayant participé à leur financement.
Les entreprises sénégalaises sont discriminées par les prescriptions des cahiers des charges issus du rigoureux code des marchés publics, ou par des conventions de financement spécifiques.
Ainsi, la valeur ajoutée de ce secteur est captée par des entreprises extérieures qui les consolident dans les bilans et comptes d’exploitation de leurs sociétés mères.
Dans ces conditions, l’endettement public aura certes servi à financer des infrastructures —dont il faudra dans un second temps évaluer la rentabilité économique et financière —, mais pas à promouvoir le secteur privé national.
C’est tout le paradoxe du PSE du président Macky Sall, qui vient par la suite demander à un secteur privé sénégalais exclu de la commande publique de prendre le relais en matière de croissance et d’emplois !
Pour ce qui concerne le taux d’endettement, d’emblée on aurait pu remettre en question la pertinence de cet indicateur, au motif que les pays du monde censés être la référence en matière de développement économique sont plus endettés (100% PIB pour la France et 120% pour les USA) que les nations africaines.
Pour ce qui est du déficit budgétaire national, dont le caractère chronique est patent, sa cause ne saurait être dissociée de l’extraversion de nos économies encouragée par les institutions financières internationales davantage favorables à l’ouverture sur le commerce international contrôlé par les « pays riches » plutôt qu’à la protection de nos industries naissantes, en particulier en matière de substitution aux importations.
Il revient donc aux Etats africains de se doter de leurs indicateurs propres, à même de les renseigner sur les niveaux atteints par rapport aux objectifs fixés
Le taux de croissance économique, calculé de diverses manières (via les dépenses ou par les valeurs ajoutées) est plus adapté aux pays ayant connu la révolution industrielle qu’à ceux du Tiers monde.
Le taux de croissance économique, calculé de diverses manières (via les dépenses ou par les valeurs ajoutées) est plus adapté aux pays ayant connu la révolution industrielle qu’à ceux du Tiers monde.
De plus, cet indicateur tend à créer des différenciations sources de confusions (croissance sans emplois, croissance tirée par les services, fruits de la croissance affectés à la consommation de produits importés au détriment de l’épargne nationale, croissance sans redistribution sociale etc.).
Pour aider à l’intégration économique en Afrique, le FMI gagnerait à élargir ses missions, avec la prise en compte de la nécessaire mise à niveau structurelle des économies africaines dans le but de les rendre plus aptes à compétir sur le marché international.
Il conviendrait enfin qu’il puisse observer une égalité de traitement pour tous les membres de l’institution, tant pour le niveau de ressources allouées (DTS) que pour le respect par tous de normes de convergence (ratio Endettement public/PIB), et permettre aux banques centrales une plus grande aisance dans l’appui aux économies africaines, comme c’est le cas avec la Banque Centrale Européenne via le rachat de dettes obligataires des Etats du Vieux continent.
Dans le même ordre d’idées, un « Plan Marshall » pour l’Afrique, qui serait centré sur l’intégration économique régionale et sous-régionale, devrait être soutenu par les institutions financières internationales.
Il inclurait la remise à zéro des compteurs de l’endettement continental, et la redéfinition d’une politique d’endettement plus saine parce qu’adossée à la rentabilité économique et financière des projets d’investissements publics présentés.
Abdoul Aly Kane
Par khady GADIAGA
UN VOYAGE INITIATIQUE POUR L'ALTERITÉ...
Peut-on imaginer logiquement des sociétés sans revendications, oppositions, révoltes, des sociétés d'où les dissensions, les dissentiments, les discordes ont été enfin arrachés, des sociétés où le consensus règne souverain, sans accrocs ou anicroches ?
Peut-on imaginer logiquement des sociétés sans revendications, oppositions, révoltes, des sociétés d'où les dissensions, les dissentiments, les discordes ont été enfin arrachés, des sociétés où le consensus règne souverain, sans accrocs ou anicroches ?
Les constructeurs de cités idéales sont fermement persuadés que les individus, isolés dans leurs calculs et rendus ennemis par l'antagonisme de leurs intérêts ne parviendraient jamais à constituer une véritable communauté sans l'adhésion originelle, inconsciente avant d'être consciente, de tous à des principes identiques, en vue du bien, de l'intérêt de tous, pour l'identité, pour la stabilité et pour le bonheur de la communauté.
Une société peut-elle vivre dans les dissensions ?
Une société harmonieuse est nécessairement une société aux croyances et aux valeurs communes, c'est-à-dire une société de consensus. Cependant d'aucuns pensent que l'essentiel n’est pas d’arriver nécessairement à un consensus, mais bien d’être heureux au-delà de nos différences et de nos différends. Mais comment être heureux, sans aplanir nos différends et transcender nos différences par... un consensus ?
C'est la grande question existentielle car malgré l’amour et la compréhension qui peut exister entre humains, ils n’arriveront jamais à décortiquer et résoudre tout ce qui les oppose ! Eh oui, de par nos différences sexuelles et culturelles, de nos ambitions personnelles, il est tout à fait normal de ne pas être constamment en phase. L’idéal, ne serait-il pas de se mettre d’accord pour vivre avec des désaccords à vie ? Mais est-ce humainement possible ?
Le chemin initiatique de l'altérité
Le joug qui relie deux êtres humains tout comme une paire de bœufs, fait avancer le couple vaille que vaille, sur le sentier de la vie. C'est un chemin initiatique qui est long, et ne peut s'effectuer qu'aux prix d'efforts personnels. C'est une ascension à pieds de montagnes enneigées ou escarpées où l'oxygène se raréfie un peu plus à chaque pas. Il faut, comme le dit Rabelais, croquer l'os, pour enfin atteindre la substantifique moelle.
Effectuer le voyage initiatique que l'altérité nous propose en « s’emportant avec soi » est-il une hérésie ? En effet, le dogmatisme qui fige l'esprit et qui tue, s'installe dans l'esprit de l'homme qui désire évacuer la contradiction et veut une « cohérence » ici et maintenant. Evacuer, c'est fuir, c'est déraper dans la facilité. C'est laisser le sens s'échouer dans la signification. Ce qui se ferme meurt spirituellement. Il faut pour avancer dans le voyage veiller à entretenir la porosité des limites, permettre les brassages, les échanges, l'écoute, les passages. C'est maintenir le « possible », c'est à dire s'attendre sans cesse à être déconcerté, bousculé, étonné par les expériences insoupçonnées qui nous attendent sur le chemin.
La métamorphose du voyageur initié
« Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux ». (Marcel Proust). La vigilance attentive est la forme nécessaire pour purifier le cœur, voir ses défauts et s'en corriger. Avoir un comportement bienveillant à l'égard de ce qui est « autre », telle est la métamorphose du voyageur initié. Il cesse d'avoir peur de l'imprévu. Il aime l'imprévisible. Il accepte le possible dans sa plénitude.
Alors il devient bienveillant et serein. Il cesse d'être agressif. Il peut enfin être fraternel. Et poursuivre sa route avec les autres, ses frères. Tout changement d'état, quel qu'il soit, est à la fois une mort et une naissance, selon qu'on l'envisage, d'un côté ou de l'autre.
Quand par chance, on a atteint ce dernier stade du nivellement, je crois que cela s'appelle la sagesse, ...à moins que ce soit La Vieillesse ? Ma mère aimait à dire que "avec l'âge, on se déhale..." Et à ce stade, même si nous ne partageons pas le même monde, nous pouvons toutefois nous entendre formellement, c’est-à-dire juridiquement parlant, sur le droit d’être en désaccord sur la légitimité de l’ordre institué.