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2 avril 2025
Opinions
Par Ibrahima Gassama
CONSEQUENCES ET ANALYSE STRATEGIQUE DE LA FIN DE L’AIDE AU DEVELOPPEMENT DES ÉTATS-UNIS
Des programmes comme le PEPFAR (lutte contre le VIH/SIDA) et les projets d’infrastructure financés par l’USAID, dont dépendent de nombreux pays, sont menacés et pourront éventuellement disparaître.
Une seconde administration Trump, s’appuyant sur les politiques de son premier mandat, supprime l’aide au développement destinée à l’Afrique jusqu’à nouvel ordre, comme son administration vient de l’annoncer. Des programmes comme le PEPFAR (lutte contre le VIH/SIDA) et les projets d’infrastructure financés par l’USAID, dont dépendent de nombreux pays, sont menacés et pourront éventuellement disparaître.
Pour certains pays d’Afrique comme le Malawi, le Mozambique et le Soudan du Sud, où l’aide américaine représente plus de 10 % des budgets de la santé publique, ces coupes brutales pourraient fragiliser les systèmes de santé et aggraver la pauvreté. Il faut donc s’attendre à ce que dans le court terme plusieurs populations vulnérables d’Afrique, dont la prise en charge était liée à cet aide, en subissant les conséquences les plus lourdes.
Toutefois, cette nouvelle donne devrait inciter les gouvernements africains à renforcer la mobilisation de leurs ressources domestiques, en luttant contre les paradis fiscaux et les flux financiers illicites, qui coûtent au continent plus de 88 milliards de dollars, soit l’équivalent de 3,7 % de son PIB continental, selon une Rapport de la CNUCED sur le développement économique en Afrique.
De la dépendance à l’innovation : une opportunité pour l’autonomie
La réduction de l’aide américaine devrait favoriser la recherche de solutions locales de la part des gouvernements africains. Par exemple, les parcs industriels éthiopiens et la base manufacturière émergente du Nigeria démontrent un potentiel de transformation vers des industries à plus forte valeur ajoutée. Cependant, des défis demeurent : 35 % des Africains vivent encore sous le seuil de pauvreté et le chômage des jeunes dépasse 20 % dans de nombreux pays. Quand l’aide extérieure vient à disparaître, les gouvernements devront trouver un équilibre entre austérité et investissements dans l’éducation et les PME. La suppression de l’aide pourrait nous forcer à affronter les inefficacités systémiques, mais sans filets de sécurité, le risque de troubles sociaux est réel dans plusieurs pays d’Afrique.
L’activation de ZLECAf peut-elle être la solution?
La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), ratifiée par 47 des 54 pays du continent, vise à faire passer le commerce intra-africain de 18 % à 50 % d’ici 2030. Dans une approche stratégique cohérente, un retrait américain de l’aide au développement devrait accélérer sa mise en œuvre par effet de substitution. En éliminant 90 % des droits de douane, la ZLECAf pourrait générer 450 milliards de dollars de croissance du PIB et sortir 30 millions de personnes de l’extrême pauvreté d’ici 2035, selon la Banque mondiale. Cependant, des lacunes en infrastructures comme des routes défaillantes, le déficit d’approvisionnement en énergie et des barrières non tarifaires, comme la lourdeur administrative, peuvent freiner les progrès recherchés. Par exemple, pour un entrepreneur africain, la ZLECAf aurait besoin de systèmes de paiement numérique et de procédures douanières simplifiées.
Donc, sur certains aspects logistiques et administratifs, la coopération régionale et internationale avec certains pays en développement (partenariat sud-sud) devient une urgence stratégique.
S’affranchir de la domination occidentale par des réalignements stratégiques
L’approche « America First » de Trump pourrait réduire l’influence politique de l’Occident, laissant à l’Afrique une marge de manœuvre pour redéfinir ses partenariats. La Chine demeure un investisseur majeur sur le continent. Elle finance 20 % des infrastructures africaines et a un besoin démesuré en ressources et en commerce pour soutenir sa croissance économique. Dans le même sillage, l’Afrique pourrait aussi renforcer ses liens avec les États du Golfe ou le Sud global. La véritable souveraineté exige de diversifier les partenariats et de rejeter les accords classiques d’exploitants sans contreparties raisonnables.
Pour cette raison, la ZLECAf doit s’accompagner de politiques industrielles pour valoriser les exportations, au moins par une première transformation sur le continent, et pas seulement les matières premières brutes.
Défis à venir : combler le vide laissé par les américains
Un retrait américain va créer un vide qui sera rempli par des puissances concurrentes, entrainant une nouvelle dynamique sur le marché mondial. Par ailleurs, la dislocation actuelle de certaines entités comme la CEDEAO, de laquelle l’AES prend son autonomie sur quasiment la moitié de sa superficie, les conflits militaires sur le continent ainsi que les barrières commerciales peuvent ralentir et menacer la réussite et l’opérationnalisation de la ZLECAf. Avec tous les enjeux à surmonter, il devient évident que sans aide au développement, les dirigeants africains doivent privilégier l’unité du continent aux gains à court terme qui sont peu durables.
De la prudence à l’optimisme
Quelque soient les innovations que les africains mettront en place pour s’adapter à la nouvelle donne, la suppression de l’aide ne suffira pas à provoquer une révolution, surtout dans le domaine de la bonne gouvernance. Dans beaucoup de pays africains, il est important de souligner que les réformes de gouvernance et de mesures anticorruption sont de véritables défis. Toutefois, cela ne devrait guère occulter le besoin d’investir massivement dans des domaines comme l’agrobusiness, les énergies renouvelables et la nouvelle économie du savoir, surtout dominée par l’intelligence artificielle. Il faudrait former de manière soutenue notre jeunesse et en faire le fer de lance de ce renouveau tant espéré.
Le retour de Trump présente une double réalité : des perturbations à court terme mais aussi des opportunités à long terme. Pour l’Afrique, la voie à suivre repose sur l’accélération du commerce à l’intérieur du continent, la promotion de l’innovation et l’exigence d’une gouvernance responsable. La nouvelle guerre commerciale qui s’annonce sous l’ère Trump nous apprend à suffisance que c’est par le commerce que les nations se développent. Comme le dit un proverbe : « Quand la musique change, il faut changer de danse. » La fin de l’aide américaine pourrait être le premier pas vers un avenir plus autonome, à condition que l’Afrique danse à son propre rythme
L'HEURE DE LA REVOLUTION AGRICOLE A SONNE
Il est temps d'opérer un véritable changement de paradigme. Avec le recul, nous espérons que nous regarderons cette période comme le tournant décisif qui aura mis fin à la colonisation intellectuelle dans les sciences agronomiques.
L e nombre de personnes touchées par la faim en Afrique est alarmant et ne cesse de s'aggraver. Le rapport des Nations unies “L'État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde” révèle que l'Afrique est la région la plus touchée par l'insécurité alimentaire dans le monde. La prévalence de la sous-alimentation est de 20,4 % (environ 298,4 millions d'Africains), soit plus du double de la moyenne mondiale. Ce chiffre n'a cessé d'augmenter depuis 2015.
Le changement climatique et les conflits aggravent le problème. Mais celui-ci est plus profond : il réside dans les stratégies utilisées depuis l'ère postcoloniale pour produire de la nourriture et lutter contre la malnutrition. Bien que les taux d'insécurité alimentaire varient d'un bout à l'autre du continent, et qu'ils soient pires en Afrique centrale et occidentale, il n'en constitue pas moins un défi à l'échelle de la région.
Je suis un spécialiste de la sécurité alimentaire et de l'agriculture en Afrique. Dans un nouveau livre, Decolonising African Agriculture : Food Security, Agroecology and the Need for Radical Transformation (Décoloniser l'agriculture africaine : sécurité alimentaire, agroécologie et nécessité d'une transformation radicale), je soutiens que pour mieux nourrir l'Afrique, les décideurs et les bailleurs de fonds devraient :
• réduire l'importance accordée à la production agricole commerciale comme moyen de remédier à l'insécurité alimentaire;
• cesser de penser que le développement agricole consiste uniquement à commercialiser l'agriculture et à soutenir d'autres industries;
• adopter une approche agroécologique qui utilise les connaissances des agriculteurs et les processus écologiques naturels pour produire davantage avec moins d'intrants externes, tels que les engrais.
Les approches conventionnelles ont échoué dans divers contextes et pays. J'examine ce qui ne va pas dans la manière dont les gouvernements envisagent l'agriculture et ce sur quoi il faut plutôt se concentrer pour lutter contre la crise de la faim en Afrique.
SE CONCENTRER SUR L'AGRICULTURE DE PRODUCTION
De nombreuses idées fondamentales concernant l'agriculture remontent à l'ère coloniale. La science moderne des cultures, ou agronomie, a été développée en Europe pour servir les intérêts coloniaux. L'objectif était de produire des cultures qui profiteraient aux économies européennes. Bien que cette approche ait été critiquée, elle influence encore fortement l'agriculture aujourd'hui. Elle repose sur l'idée que produire davantage de nourriture suffira à résoudre le problème l'insécurité alimentaire.
La sécurité alimentaire comporte six dimensions. Si l'augmentation de la production alimentaire peut répondre à l'une de ces dimensions - la disponibilité des aliments - elle ne répond souvent pas aux cinq autres : l'accès, la stabilité, l'utilisation et l'autonomie des populations.
L'insécurité alimentaire n'est pas toujours liée à un manque absolu de nourriture, mais à l'incapacité des gens à se procurer la nourriture disponible. L'instabilité des prix peut être l'une des raisons. Il se peut aussi que les gens n'aient pas de combustible pour cuisiner. Les pratiques agricoles peuvent ne pas être durables. C'est souvent le cas lorsque les agriculteurs n'ont qu'un contrôle limité sur les méthodes et les produits qu'ils cultivent.
Le Mali, pays d'Afrique de l'Ouest, par exemple, s'est concentré sur les exportations de coton en pensant que cela stimulerait la croissance économique et que les cultivateurs de coton pourraient utiliser leurs nouveaux équipements et engrais pour produire plus de nourriture. Les recherches montrent cependant que cela a conduit à la destruction des ressources du sol, à l'endettement des agriculteurs et à des taux alarmants de malnutrition infantile.
Un autre exemple est celui des initiatives de réforme agraire post-apartheid de l'Afrique du Sud, qui a adopté un modèle d'agriculture commerciale à grande échelle. Ce modèle a conduit à des taux élevés d'échec des projets et n'a guère permis de lutter contre les taux élevés de malnutrition
L'AGRICULTURE COMME PREMIERE ETAPE
Le deuxième défi majeur dans la lutte contre les taux élevés de malnutrition en Afrique est que de nombreux pays et organisations internationales n'accordent pas de valeur au développement agricole en tant que tel. Il est considéré comme la première étape vers l'industrialisation
L'agriculture commerciale est devenue primordiale. Elle tend à se concentrer sur une seule culture, avec des intrants coûteux (comme les engrais) et des connexions avec des marchés lointains. Les petites exploitations, axées sur la production pour la consommation domestique et les marchés locaux, sont moins appréciées. Ces exploitations ne contribuent peutêtre pas de manière significative à la croissance économique nationale, mais elles aident les pauvres à atteindre la sécurité alimentaire
Par exemple, l'Alliance pour la révolution verte en Afrique a financé un projet de commercialisation du riz au Burkina Faso. Les agricultrices ont été encouragées à abandonner leurs pratiques traditionnelles, à acheter des intrants, à travailler avec des semences améliorées et à vendre sur des marchés urbains plus importants. Malheureusement, la recherche à laquelle j'ai participé a révélé que cela n'apportait pas de grands avantages nutritionnels aux participants.
Il y a aussi le cas du Botswana. Avec l’essor de ses exportations de diamants dans les années 1980, le pays a délaissé la quête de l’autosuffisance alimentaire, considérant que l’agriculture ne contribuait pas de manière significative à l’économie. La sécurité alimentaire des habitants ruraux les plus pauvres et des femmes s'en est trouvée compromise.
L'AGROECOLOGIE : LA VOIE A SUIVRE
Face aux échecs répétés des approches conventionnelles, il est temps d'envisager une manière différente de résoudre les problèmes de sécurité alimentaire de l'Afrique
L'agroécologie - l'agriculture en symbiose avec la nature - est une approche plus décoloniale. Elle englobe la recherche formelle des scientifiques et les connaissances informelles des agriculteurs qui expérimentent dans leurs champs.
Les agroécologistes étudient les interactions entre les différentes cultures, les cultures et les insectes, et les cultures et le sol. Cette étude peut révéler des moyens de produire davantage avec moins d'intrants externes coûteux. Il s'agit d'une option plus durable et moins coûteuse
Les exemples courants de pratiques agroécologiques dans les systèmes agricoles africains sont la polyculture, qui consiste à planter différentes cultures complémentaires dans le même champ, et l'agroforesterie, qui consiste à mélanger les arbres et les cultures. Ces systèmes diversifiés ont tendance à avoir moins de problèmes de parasites et sont plus aptes à maintenir la fertilité des sols
Aucun pays africain n'a encore pleinement adopté l'agroécologie, mais des exemples prometteurs, souvent non planifiés, témoignent de son potentiel..
Au Mali, par exemple, les agriculteurs ont brièvement abandonné la culture du coton en 2007-2008 en raison de la faiblesse des prix. Il y a alors eu une augmentation de la production de sorgho. Cela a permis au pays d'éviter les troubles sociaux et les protestations contre les prix des denrées alimentaires qui ont eu lieu dans la plupart des pays voisins.
Quelques projets de réforme agraire en Afrique du Sud ont permis de diviser les grandes exploitations en parcelles plus petites, avec un taux de réussite plus élevé et davantage de bénéfices en termes de sécurité alimentaire. Cela suggère qu'une approche différente, moins commerciale, est nécessaire.
LE DEBUT D'UNE REVOLUTION
L'agroécologie est une voie prometteuse pour faire face à l'aggravation de la crise alimentaire en Afrique
Elle est également soutenue par de nombreuses organisations de la société civile africaine, telles que l’Alliance pour une souveraineté alimentaire en Afrique et le Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles d'Afrique de l'Ouest.
Les dirigeants africains et les donateurs ont tardé reconnaître la nécessité d'une approche différente. Nous commençons cependant à voir des signes de changement. Par exemple, l'ancien ministre sénégalais de l'Agriculture, Papa Abdoulaye Seck, a suivi une formation d'agronome traditionnel. Il voit aujourd'hui l'agroécologie comme une meilleure voie à suivre pour son pays. L'Union européenne a également commencé à financer un petit nombre de programmes expérimentaux d'agroécologie.
Il est temps d'opérer un véritable changement de paradigme. Avec le recul, nous espérons que nous regarderons cette période comme le tournant décisif qui aura mis fin à la colonisation intellectuelle dans les sciences agronomiques.
THECONVERSATION.ORG
PAR OUMAR NDIAYE
IMPLICATION NORMALE ET NATURELLE DU SÉNÉGAL
"D’abord, sur le terrain militaire, 13 soldats sud-africains, trois Malawiens, deux Tanzaniens et un Uruguayen sont morts au cours d’affrontements récents dans l’est de la République démocratique du Congo."
Le président Bassirou Diomaye Faye a eu, samedi dernier, des entretiens, qu’il juge « fructueux », avec ses homologues congolais Félix Tshisekedi et rwandais Paul Kagamé sur la situation qui sévit actuellement dans la zone des Grands Lacs. Le Sénégal doit naturellement et normalement s’investir dans la recherche de solution pour apaiser la tension pour plusieurs raisons. D’abord, sur le terrain militaire, 13 soldats sud-africains, trois Malawiens, deux Tanzaniens et un Uruguayen sont morts au cours d’affrontements récents dans l’est de la République démocratique du Congo.
Ces militaires sont membres de deux missions internationales qui sont actuellement déployées dans ce pays, à savoir la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco) et celle de la Communauté de développement de l’Afrique australe en Rdc (Samidrc).
La Monusco a en son sein plusieurs éléments sénégalais. D’ailleurs, l’actuel commandant par intérim de la force militaire est Sénégalais, le général Khar Diouf. Ce dernier a eu même des prédécesseurs sénégalais à ce poste. C’est le cas des généraux Bacacar Gaye et Mountaga Diallo. Ainsi, si la situation de tension sécuritaire perdure, la vie des soldats sénégalais peut être en danger, étant entendu que la Monusco, en vertu de la résolution 2765 (2024) du Conseil de sécurité, qui a renouvelé son mandat d’une année, peut être une force d’interposition en appuyant les Forces armées de la République démocratique du Congo (Fardc) dans leurs efforts pour stopper l’expansion territoriale du groupe armé « Mouvement du 23 mars » (M23) dans la province du Nord-Kivu. Ensuite, les relations bilatérales entre le Sénégal et le Rwanda se sont densifiées ces dernières décennies eu égard à la participation, sous bannière des Nations unies, de militaires sénégalais au Rwanda.
L’histoire du capitaine Mbaye Diagne, un officier sénégalais ayant sauvé beaucoup de vie lors du génocide tutsi en 1994, jusqu’à y perdre la vie, est toujours présente dans la mémoire collective. Ainsi, depuis 1994, les échanges ont continué à solidifier la relation entre Dakar et Kigali avec des visites fréquentes de leurs dirigeants de haut niveau. Paul Kagamé a été le premier chef d’État à venir au Sénégal, du 11 au 13 mai dernier, après l’accession au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye.
Une visite durant laquelle plusieurs pistes de coopération ont été abordées. Le Sénégal a ainsi plusieurs atouts à mettre en avant pour s’impliquer davantage dans cette crise qui, à la longue, risque de créer un désastre humanitaire énorme et une instabilité sécuritaire qui sera difficile à juguler.
PAR ALIOUNE FALL DIOP
UNE GOUVERNANCE EN QUESTION
La reddition des comptes, la responsabilité et la transparence sont les piliers de l'accountability. Pourtant, ces principes semblent aujourd’hui menacés au Sénégal. La justice est-elle devenue un instrument de persécution politique ?
La reddition des comptes, la responsabilité et la transparence sont les piliers de l'accountability. Pourtant, ces principes semblent aujourd’hui menacés au Sénégal. La justice est-elle devenue un instrument de persécution politique ? L’État respecte-t-il encore les libertés fondamentales ? Une analyse critique de la situation politique actuelle.
Une justice instrumentalisée pour éliminer les opposants ?
Non, la justice ne doit pas servir d’arme de persécution politique. Pourtant, c’est devenu une pratique courante avec une désinvolture qui frise le ridicule. Aujourd’hui, un seuil inquiétant est en train d’être franchi, illustrant la tactique du « lawfare ».
Le « lawfare » consiste à instrumentaliser la justice pour écarter des concurrents politiques. Il commence par des accusations sans preuves, relayées par des campagnes médiatiques acharnées. Les cibles doivent ensuite se justifier sans fin, avant d’être condamnées à des peines de prison ou des amendes.
Le cas du député Mouhamadou Ngom, privé de son immunité parlementaire sans motif valable, en est un exemple frappant. Mais il n’est pas le seul. D’anciens ministres, des élus, des journalistes et des chroniqueurs sont victimes d’une répression politique, simplement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression.
L’État de droit en péril
Il ne peut y avoir de démocratie sans État de droit. La puissance publique doit respecter les libertés fondamentales, socle de notre République et de notre cohésion nationale.
Michel Barnier le rappelait :
"La fermeté de la politique pénale est indissociable du respect de l'État de droit, de l’indépendance et de l’impartialité de la justice, que nous devons défendre avec vigueur et abnégation."
Pourtant, au Sénégal, l’indépendance de la justice est mise à rude épreuve.
Un gouvernement aux décisions improvisées
Les comptes-rendus du Conseil des ministres traduisent un amateurisme préoccupant. Au fil des décisions, on constate un pilotage à vue, des promesses vagues et une absence criante d’analyse.
Le Premier ministre semble vouloir tout contrôler, accumulant des responsabilités impossibles à assumer seul. Mais peut-on gouverner efficacement en s’arrogeant tous les pouvoirs ?
Par ailleurs, une récente circulaire du Ministre du Travail ouvre une nouvelle page de l’esclavagisme moderne, suscitant l’indignation. Pendant ce temps, la souveraineté nationale est reléguée au second plan, et les préoccupations sociales sont ignorées.
La peur de l’opinion publique et des réseaux sociaux
Autre constat alarmant : la hantise de déplaire à une base militante ultra-connectée. La peur de perdre un électorat supposé acquis pousse le gouvernement à prendre des décisions précipitées, sans réelle concertation.
Le débat politique est étouffé par des stratégies superficielles, dictées par les réactions sur les réseaux sociaux plutôt que par une vision à long terme.
Un mandat sous haute tension
L’histoire d’un mandat s’écrit jour après jour. Mais bien souvent, ce n’est qu’avec le recul que l’on réalise l’impact des décisions prises. Le gouvernement actuel est-il en train de poser les bases d’une gouvernance exemplaire ou d’un régime marqué par l’instrumentalisation et l’improvisation
L’avenir nous le dira.
Par Fatou Warkha SAMBE
LE POISON DES STANDARDS DE BEAUTE
L’actualité au Sénégal a été marquée la semaine passée par une affaire qui en dit long sur nos sociétés : le démantèlement d’un réseau de vente de suppositoires censés augmenter le volume des fesses.
L’actualité au Sénégal a été marquée la semaine passée par une affaire qui en dit long sur nos sociétés : le démantèlement d’un réseau de vente de suppositoires censés augmenter le volume des fesses. Alima Sow, plus connue sous le nom de Alima Suppo, la fabricante de ces produits cosmétiques, ainsi que ses acolytes ont tous été déférés devant le Parquet le mercredi 29 janvier. Leur procès, initialement prévu pour le vendredi 31 janvier 2025, a été renvoyé au mercredi 5 février.
Si je salue l’intervention des autorités pour mettre fin à cette pratique dangereuse, je ne peux m’empêcher de voir une forme d’injustice. Pendant que j’écrivais ces lignes, une publicité défilait sur une chaîne de télévision nationale : un tradi-praticien vantait des produits miraculeux censés tout soigner -diabète, hypertension, stérilité, impuissance sexuelle, infections… Ces comprimés noirs, soigneusement emballés dans une boîte anodine, sont vendus librement et promus en toute impunité. La seule différence avec les produits de Alima Suppo ? Le mode d’emploi. Là où ses suppositoires promettaient des courbes généreuses, ceux du tradi-praticien promettent une virilité accrue. Certains vont même jusqu’à prétendre qu’ils peuvent augmenter la taille de l’appareil génital masculin. Alors, pourquoi arrêter Alima et laisser prospérer ces autres pratiques, qui ont probablement les mêmes conséquences désastreuses sur la vie des Sénégalais ?
Si on me dit que c’est le début d’une vaste opération pour régulariser et garantir la sécurité de ce que nous consommons, j’applaudis. Mais je ne peux m’empêcher de m’interroger en voyant les réactions sur la toile après la descente de la police. Les clients d’hier sont aujourd’hui ceux qui dénoncent les méfaits de ces produits. Plus personne ne veut être vu comme consommateur ou consommatrice. Pourtant, ce commerce a prospéré, attirant de nombreuses femmes persuadées qu’elles ne seront jamais assez belles si elles ne modifient pas leur apparence.
L’engouement pour la chirurgie esthétique et les procédures comme le Brazilian Butt Lift (Bbl) témoigne de l’ampleur de cette quête du corps façonné selon des injonctions masculines et marchandes. Mais comme dans tant d’autres aspects de la société, ce sont toujours les plus précaires qui en subissent les pires conséquences. Si le Bbl est une opération risquée, il est au moins pratiqué par des professionnels de santé, avec un encadrement médical, même si cela ne garantit pas toujours la sécurité. En revanche, les boulettes vendues au marché Zing, là où poissons, tissus et légumes s’entremêlent, sont distribuées par des personnes sans aucune qualification. Pourtant, celles qui choisissent la chirurgie et celles qui consomment ces boulettes ont en réalité le même souhait, obéissent aux mêmes pressions sociales. La seule différence, ce sont les moyens financiers qui, paradoxalement, ne garantissent pas forcément la santé dans ce cas.
Dans notre société, le corps des femmes est une marchandise, un chantier ouvert à toutes les critiques et à toutes les modifications. Il est toujours trop ceci ou pas assez cela. Trop gros, trop mince, trop noir, trop vieux, trop «naturel». Les femmes sont façonnées par des standards imposés par les industries de la mode, de la cosmétique et, aujourd’hui, des réseaux sociaux. Ces normes, souvent hypersexualisées, dévalorisent les corps qui ne rentrent pas dans le moule et font de l’apparence un critère de réussite sociale.
Nous vivons dans un paradoxe absurde : nous sommes une population noire, mais avoir la peau claire est devenu un sésame implicite pour être valorisée. Dans les cérémonies, les événements mondains, même dans les contextes les plus banals, celles et ceux qui occupent une place de choix sont souvent ceux et celles dont la peau est plus claire. Résultat : des milliers de femmes se blanchissent la peau, détruisant leur mélanine -leur seule barrière naturelle contre le soleil- pour correspondre à des critères de beauté qui les éloignent d’elles-mêmes. Ce phénomène n’est pas une simple tendance, c’est une violence institutionnalisée.
Mais ce mal ne touche pas que les femmes. Les hommes, eux aussi, subissent une pression croissante pour incarner une virilité fantasmée, qui passe par un corps musclé, une puissance sexuelle exacerbée et une domination physique et sociale
Les plateformes comme TikTok, Instagram et Snapchat n’ont fait qu’intensifier cette obsession pour le corps parfait. Les influenceurs ou plutôt les marchands d’illusions proposent des solutions rapides et bon marché, souvent sans avertir des dangers
Mais ces plateformes ne se contentent pas d’influencer : elles façonnent nos perceptions de nous-mêmes, normalisent des standards de beauté inaccessibles et facilitent la promotion de ces produits toxiques. De la commande à la livraison, tout se fait en quelques clics. Plus besoin de sortir de chez soi pour s’empoisonner lentement. Le business de la transformation corporelle est une machine bien huilée, où la régulation est quasi inexistante.
Qui est responsable ? Les plateformes qui laissent ces contenus proliférer ? Les influenceurs qui capitalisent sur nos insécurités ? Ou la société qui glorifie ces transformations et criminalise celles qui ne peuvent pas accéder aux alternatives «haut de gamme» ?
Ces produits prétendument miraculeux cachent en réalité des dangers bien réels : infections graves, perturbations hormonales, risques de cancer, dépendance psychologique… Le manque de régulation et d’éducation sanitaire permet à ce marché clandestin de prospérer, ciblant principalement les personnes vulnérables.
Des études ont montré que l’usage de produits éclaircissants contenant de l’hydroquinone ou des corticostéroïdes entraîne des risques graves, notamment l’insuffisance rénale, des brûlures cutanées et le cancer de la peau. Le Bbl, bien que médicalement encadré, présente également un taux de mortalité alarmant. L’utilisation excessive d’aphrodisiaques, largement promue sur les marchés et les médias, peut causer des troubles cardiovasculaires, des dysfonctionnements érectiles chroniques et même des problèmes rénaux graves. Ces produits, souvent fabriqués sans aucun contrôle sanitaire, mettent en péril la santé reproductive masculine. Au Sénégal, comme ailleurs en Afrique, la prolifération de ces pratiques menace directement la santé publique et révèle l’ampleur du contrôle exercé sur les corps féminin et masculin au nom d’injonctions irréalistes.
La loi sénégalaise est pourtant claire : seuls les professionnels de santé habilités peuvent prescrire ou vendre des médicaments, et ces derniers doivent être obtenus exclusivement en pharmacie. Mais alors, pourquoi ces pratiques persistent-elles malgré un cadre légal strict ? Parce que ces normes sont ancrées dans une société qui ne laisse pas aux femmes le droit d’exister autrement qu’en fonction de leur apparence. Parce que le contrôle du corps féminin est un outil de domination sociale. L’Etat doit prendre ses responsabilités, mais nous devons aussi, en tant que société, remettre en question ces diktats qui asservissent nos corps. Il ne s’agit pas seulement d’interdire ces pratiques, mais de transformer en profondeur la manière dont nous percevons la valeur et la beauté des femmes.
Si nous voulons une société plus juste, où chacun et chacune peut exister sans compromis, il est impératif d’agir. Cette responsabilité incombe à toutes et tous. Il ne s’agit pas seulement de pointer du doigt les industries qui exploitent nos insécurités, mais aussi de questionner notre propre rôle dans cette perpétuation. Chaque fois que nous glorifions un standard inatteignable, que nous relayons une publicité toxique ou que nous restons silencieux face aux injonctions oppressives, nous participons à ce système destructeur. Il est temps de refuser cette logique, de promouvoir des représentations diverses et de valoriser la pluralité des corps. Le changement ne viendra pas d’en haut, il commence avec nous, dans nos choix quotidiens, nos discours et notre engagement à ne plus laisser ces normes dicter nos vies.
Par Demba Moussa Dembélé
CHRONIQUE D’UNE RUPTURE ANNONCEE !
Au mois de mai 2025, la CEDEAO fêtera son 50e anniversaire amputée de trois de ses membres, le Burkina Faso, le Mali et le Niger qui ont officialisé leur départ de l’organisation le 29 janvier 2025.
Au mois de mai 2025, la CEDEAO fêtera son 50e anniversaire amputée de trois de ses membres, le Burkina Faso, le Mali et le Niger qui ont officialisé leur départ de l’organisation le 29 janvier 2025.
Comment en est-on arrivé là ?
Tout a commencé le 9 janvier 2022 quand, pour la première fois et en violation flagrante de ses propres textes, la CEDEAO décida d’asphyxier un pays membre en réaction à un coup d’Etat. En effet, le syndicat des « chefs » d’Etat de la CEDEAO avait pris la décision illégale, honteuse et inhumaine contre le peuple malien en lutte contre le terrorisme, en imposant un embargo total, avec la fermeture des frontières terrestres et aériennes, le rappel des ambassadeurs accrédités à Bamako et le gel des avoirs du Mali à la BCEAO. Mais le peuple malien répondit à ce coup de poignard dans le dos par une mobilisation historique le 14 janvier, impliquant des millions de personnes à travers tout le pays et dans la Diaspora. Cette réponse populaire puissante et déterminée était un message adressé à la fois aux dirigeants de la CEDEAO et aux puissances étrangères qui avaient influencé leurs décisions.
Car, pour le peuple malien, il n’y avait pas de doute que celles-ci avaient été dictées notamment par la France, qui s’était sentie humiliée par la demande de retrait de ses troupes du sol malien. Mais la fermeté des dirigeants maliens et la résistance de leur peuple finirent par faire échec à l’embargo et aux autres mesures de la CEDEAO. On pensait que la leçon avait été bien retenue par les dirigeants de celle-ci. Malheureusement, leur aveuglement et les influences étrangères les pousseront à franchir un nouveau cap dans le cas du Niger.
L’exemple du Niger
En effet, après le coup d’Etat survenu au Niger le 26 juillet 2023, le syndicat de « chefs » d’Etat s’était illustré de la manière la plus inhumaine qui soit par des décisions illégales et d’une ampleur sans précédent, prises à la hâte contre le peuple nigérien. Le Sommet extraordinaire de la CEDEAO tenu le 30 juillet 2023 à Abuja (Nigeria), avait pris des mesures draconiennes contre le Niger, pour soi-disant « restaurer la démocratie » dans ce pays, y compris par la force. Et cela, contre la volonté du peuple nigérien dont le soutien au Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) s’était exprimé de façon massive lors de grands rassemblements organisés à Niamey et dans de nombreuses autres villes du pays.
Comme cela avait été fait contre le Mali, la CEDEAO avait décidé, une fois de plus, de violer ses propres textes en instaurant un embargo total contre le Niger, avec la fermeture des liaisons terrestres et aériennes et le gel des avoirs du pays au sein de la BCEAO. Pour asphyxier davantage le pays, le Nigeria voisin ordonna la coupure brutale de l’approvisionnement en électricité, en violation flagrante des clauses contractuelles entre les deux pays. Cette coupure avait provoqué de nombreux décès dans les hôpitaux, y compris des bébés dans des couveuses, selon les autorités nigériennes.
En plus de ces mesures, la CEDEAO avait donné un ultimatum d’une semaine au CNSP pour « restaurer l’ordre constitutionnel » ou risquer une intervention militaire. Mais le CNSP resta ferme et répondit par le mépris à la menace d’intervention militaire de la CEDEAO, tout en se préparant à face à toute agression extérieure. Le 31 juillet, le Burkina Faso et le Mali publièrent un communiqué commun dans lequel ils disaient considérer toute attaque contre le Niger comme une « déclaration de guerre » contre leurs pays. Ils mettaient en garde contre une telle attaque qui entrainerait leur sortie de la CEDEAO. Un avertissement clair, net et solennel adressé à un syndicat discrédité et devenu un instrument au service de puissances étrangères contre les peuples de la région. Face à la fermeté du CNSP, à la solidarité du Burkina Faso et du Mali et surtout à la formidable mobilisation du peuple nigérien, la CEDEAO finira par capituler, malgré les velléités guerrières de la France relayées par ses laquais ivoirien et sénégalais.
Mais pour le Burkina Faso, le Mali et le Niger, la coupe était pleine. La CEDEAO était devenue un danger pour leurs pays et leurs peuples. Car, ils ne peuvent pas accepter que celle-ci ait pu tenter d’asphyxier des pays membres en guerre contre le terrorisme, par des décisions illégales et inhumaines prises sous l’instigation de forces extérieures. Dès lors, le compte à rebours vers la rupture avec la CEDEAO avait commencé.
Un fossé infranchissable
Au mois de septembre 2023, les trois pays avaient décidé de former l’Alliance des Etats du Sahel (AES), prenant ainsi un virage radical guidé par le patriotisme, l’indépendance et la souveraineté. C’est au nom de ces principes que les trois pays ont pris la résolution de ne plus se laisser dicter ce qu’ils doivent faire ou dire, par quelque pays que ce soit. C’est en vertu de ces principes qu’ils ont décidé de rejeter les diktats de la CEDEAO et de ne plus prendre en considération ses communiqués et menaces.
A leurs yeux, ce sont ces principes que la CEDEAO a perdus en devenant un instrument entre les mains de certaines puissances étrangères, comme la France. Cette constatation rendait difficile, voire impossible, toute réconciliation avec celle-ci. C’est ainsi qu’en janvier 2024, les trois pays prirent la décision de quitter l’organisation et de prendre leur destin en main. C’est dans cet esprit, qu’ils jetèrent les bases d’une Confédération, qui fut entérinée le 6 juillet 2024 lors du Sommet des chefs d’Etat tenu à Niamey. Trois domaines furent retenus pour la feuille de route de la Confédération : la Défense, la Diplomatie et le Développement.
Comme on le voit, les développements notés dans les pays de l’AES rendaient de plus en plus improbable toute possibilité de réconciliation avec la CEDEAO. Cela explique l’échec de toutes les tentatives menées dans ce sens par le Sénégal et d’autres pays et même par l’Union africaine.
La responsabilité des « alliés » de la France
Dans l’éclatement de la CEDEAO, la Côte d’Ivoire et le Sénégal sous Macky Sall ont eu une très grande part de responsabilité. Alassane Ouattara et Macky Sall étaient parmi les plus farouches partisans des décisions illégales et inhumaines prises contre le Mali et le Niger. Ils jouaient les va-t’en guerre contre ces deux pays pour venir au secours de la France. Quand la CEDEAO avait menacé le Niger d’intervention militaire pour remettre au pouvoir Mohamed Bazoum, une marionnette de Macron, la Côte d’Ivoire et le Sénégal étaient en première ligne.
Les dirigeants de ces deux pays s’étaient distingués par leur discours guerrier contre les militaires nigériens et leurs décisions de mobiliser des contingents militaires prêts à être envoyés au Niger. Au Sénégal, Macky Sall avait ordonné le regroupement à Thiès des soldats qui devaient aller se battre dans les rues de Niamey ! Lui et Alassane Ouattara acceptèrent tout du président français Emmanuel Macron dans sa croisade haineuse contre les militaires maliens et nigériens, au point de soutenir des mesures visant à asphyxier des peuples africains en guerre contre le terrorisme !
La gestion catastrophique des crises au Mali et au Niger par les dirigeants de la CEDEAO a semé les germes qui ont abouti à son éclatement. Cette situation est le résultat d’une profonde crise de leadership. Sous la conduite de dirigeants faibles et sous influence, la CEDEAO s’est éloignée des préoccupations des peuples pour devenir un syndicat voué à la défense des seuls intérêts de ses membres et un jouet entre les mains de puissances étrangères. Il faut espérer voir l’arrivée au pouvoir de nouveaux leaders capables de la réconcilier avec ses idéaux originels.
Par Sidy DIOP
LE RING DES AFFAIRES
Il y a des rancunes qui s’évaporent avec le temps, et d’autres qui s’accrochent comme un vieux chewing-gum sous une table. Bertrand Touly, lui, fait partie de la deuxième catégorie.
Il y a des rancunes qui s’évaporent avec le temps, et d’autres qui s’accrochent comme un vieux chewing-gum sous une table. Bertrand Touly, lui, fait partie de la deuxième catégorie. L’ancien patron du Lamantin Beach n’a pas oublié l’histoire de la drogue cachée dans son bureau par Luc Nicolaï, et il compte bien récupérer son dû, franc CFA par franc CFA.
Alors, le 20 février, on va sortir le marteau du juge des criées à Mbour. Vente aux enchères. Un terrain nu, aux Domaines de Capparis.
Un joli bout de terre appartenant à Luc Nicolaï, qui risque de disparaître sous les coups de la justice et des mises des amateurs d’opportunités immobilières. Luc Nicolaï, jadis roi des arènes, promoteur de lutte à la réputation aussi musclée que ses combattants, voit aujourd’hui ses biens partir un à un. C’est qu’une condamnation à cinq ans de prison, même avec un an de sursis, ça laisse des traces. Et un Bertrand Touly qui ne lâche pas l’affaire, c’est comme un lutteur qui refuse de tomber : ça peut durer longtemps.
Mbour s’apprête donc à assister à un « cabaxal » décisif. Pas sur le sable de l’arène, mais devant un tribunal, où le dernier combat entre un hôtelier tenace et un promoteur de lutte en difficultés pourrait bien sceller définitivement le sort de l’affaire.
Par Elhadji Ibrahima THIAM
L’ANNONCE QUI FAIT PERDRE LE SOMMEIL A L’ONCAV
Depuis que le chef de l’État a demandé, mercredi dernier, en Conseil des ministres, de réformer le mouvement Navétanes, on en connaît qui ne dorment plus du sommeil des justes.
Depuis que le chef de l’État a demandé, mercredi dernier, en Conseil des ministres, de réformer le mouvement Navétanes, on en connaît qui ne dorment plus du sommeil des justes. En premier, celui qui préside aux destinées de ce championnat national populaire de quartiers depuis plus d’une vingtaine d’années. Et c’est tout à fait normal que lui et son engeance perdent le sommeil à la suite de cette instruction présidentielle.
D’abord, parce que jamais de mémoire, la question du Navétanes ne s’est invitée sur la table du Conseil des ministres. Ensuite, c’est tout un système de copains et de coquins qui risque de voler en éclats. Le surplace voulu et imposé par les actuels dirigeants du Navétanes a duré trop longtemps. Il fallait bien, à un moment où un autre, que quelqu’un siffle la fin de ce jeu de bonneteau entretenu par un groupuscule fort en esbroufe. C’est heureux que cela vienne de la plus haute autorité. On va enfin pouvoir secouer le cocotier pour redonner à ce mouvement son lustre d’antan et le réadapter aux enjeux de notre temps. Les énièmes scènes de violence de ces derniers jours soldées par mort d’homme à Guédiawaye sont certainement ce qui a décidé le chef de l’Etat à hausser le ton. Mais elles sont loin d’être le seul facteur qui, depuis des années, ont contribué à éloigner ce mouvement de ses missions originelles.
En réalité, le Navétanes a été dépouillé de sa substantifique moelle depuis belles lurettes, lorsque, de réformettes en réformettes, ses dirigeants se sont organisés pour rester à sa tête. Le subterfuge est du même artifice que celui de ces chefs d’Etat africains qui, à l’approche de la fin de leur mandat, s’arrangent pour retoucher les textes et demeurer encore au pouvoir. Dans leur démarche, les actuels dirigeants du Navétanes développent une forte appétence pour le football, car il apporte de l’argent. Les sous, le nerf de leur désir d’éternité. Evidemment, tout cela se fait au détriment des activités socioculturelles et socio-éducatives qui ont complètement disparu de la carte alors qu’on parle bien d’Associations sportives et culturelles.
Les compétitions de théâtre, les joutes à caractère cérébral comme les jeux de dame, de Scrabble, les dictées et mêmes les élections miss, bref toutes ces activités connexes qui permettaient d’occuper la jeunesse dans une saine émulation entre quartiers voisins ont été abandonnées. La faute à des dirigeants fossilisés qui refusent de se réinventer, de repenser le mouvement pour le mettre au diapason, à l’air du temps. Aucune contradiction n’est tolérée à l’interne. Toutes les voix dissidentes sont étouffées ou leur auteurs exclus des instances.
Les foucades du président de l’Oncav, plus préoccupé à enchaîner les mandats au sein de la Fédération sénégalaise de football sont de notoriété publique. Parce qu’effectivement, il y a à boire et à manger dans le Navétanes. Les recettes générées par les entrées au stade sont de plus en plus consistantes car il y a plus d’Asc à la faveur de la démographie galopante et de nouveaux quartiers, donc plus de matchs. Sauf que les infrastructures sportives ne suivent pas le même rythme. D’ailleurs, c’est l’une des raisons de l’impossibilité de circonscrire le Navétanes aux vacances scolaires. L’émiettement des Asc doit être posé sur la table. Peut-être faut-il encourager des fusions, ce qui aura l’avantage de réduire le nombre de matchs, de faire souffler nos infrastructures sportives et de raccourcir le temps des compétitions. On aurait ainsi des ensembles forts, utiles et impliqués dans la marche du pays. Le Premier ministre Ousmane Sonko vient de lancer l’idée de coopératives urbaines. Justement, les Asc, déjà existantes, sont une piste à explorer. Seulement, il ne faut pas commettre l’erreur d’y aller avec l’Oncav sans l’avoir réformée au préalable. Ses dirigeants ont déjà montré par le passé qu’en matière de situationnisme, ils sont assez rodés.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
LANDING SAVANE OU LA POÉSIE EN LETTRES RÉVOLUTIONNAIRES
EXCLUSIF SENEPLUS - Ces mots sont puissants des souffrances traversées, forgés de dignité humaine. Ainsi l’homme peut « renaître » sans être affaibli par son histoire mais armé de « feu du soleil »
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
C’est à un beau voyage que nous convie Landing Savané.
Si l’on s’en tient à la prose poétique, ce sont les vents qui ont semé les graines « ébènes » de la terre africaine de par le monde. Mais l’histoire du peuple noir, et Landing Savané nous le rappelle avec justesse et avec grandeur, a été arrachée, déchirée, écartelée par l’esclavage et soumise au colonialisme. Traversant l’Atlantique, les enfants africains ont échoué aux Caraïbes, en Amérique, tels des oiseaux morts, espèce décimée par le pouvoir occidental.
Pourtant, la poésie de Landing Savané n’est pas tournée vers elle-même, elle est ouverte sur les terres, les océans, sur l’humanité et sur l’espoir à reconquérir.
Les mots de Landing Savané ne sont pas des gémissements, ils sont puissants des souffrances traversées, forgés de dignité humaine. Ainsi l’homme peut « renaître » sans être affaibli par son histoire mais armé de « feu du soleil ».
Premier hommage que le poète rend à l’astre flamboyant comme à un être vivant, « le nègre est homme de feu ». Il rappelle sa vitalité, « le feu follet de nos nuits indigènes », ses ténèbres aussi :
« Par le feu et le sang
L’homme réduit par l’homme
En bête de somme servile »
Mais il n’oublie pas son rôle de combattant pour aller vers la lumière.
« Par le feu et le sang
La justice et la vérité
Rétablies »
La volonté de Landing Savané parcourt le recueil comme
« Les rafales de vent
Claquent, claquent à l’infini, claquent… »
Hommage aux grands hommes de l’Afrique, Cheikh Anta Diop « Pharaon du savoir », Patrice Lumumba, « Rawlings le pionner », « Sankara le rebelle », Steve Bantu Biko « L’homme du renouveau noir », Mangaliso Sobukwe « L’homme de la rupture radicale » et encore :
« Mandela, le plus illustre
Mais aussi d’autres symboles vivants
Nkosi, et Masemola
Et le vieux Mothopeng »
Tendre réminiscence pour les peuples et ses courageux combattants :
« Hier aujourd’hui et demain
Le peuple créole d’Amilcar
Magnifique de courage
Domestiquant la nature » Cabo Verde
« Guevara abattu
Au cœur des montagnes
Judas-Pinochet
Crucifiant Allende » Latinos
Landing Savané, panafricain engagé, est encore et surtout un poète qui célèbre le courage, la lutte « des militants du refus » et « des passions écartelées ».
« Guevara et Allende
Héritiers de Sandino
Ressuscités sous nos yeux
Dans l’air frémissant
Le chant poignant
Des fusillés
Le verbe tranchant
Et la foi triomphante
Des fils du soleil » Latinos
La force poétique vient de cette alliance universelle qui réconcilie combat, rupture, délivrance, dignité, puissance et espérances. C’est une poésie du renouveau, avec le tissage coloré d’un passé historique réhabilité, le métissage indispensable d’une inspiration ancestrale tournée vers la modernité, celle de la réconciliation des peuples africains redevenus confiants.
En intellectuel et militant, Landing Savané précise dans son avant-propos que « le rêve d’une Afrique terre de liberté et d’opportunités pour ses enfants » fera du continent africain, le continent du 21ème siècle. C’est la force de cette conviction qu’il place ici en poésie avec une grande harmonie esthétique.
Puis, tel un enfant du pays, il célèbre la terre ancestrale :
« Terre africaine
Berceau de l’homme
Terre des pharaons
Et des grands empires »
En homme conscient de l’importance de la mémoire et de la vérité, il dialogue avec l’Afrique, « mère nourricière », telle un être vivant :
« Je te salue Afrique
Pour tes miracles
Inscrits en lettres d’ébène
Sur tous les continents »
En créateur, il chante la solitude « du lutteur dans l’arène », « du penseur rebelle », « du chercheur hérétique ».
Landing Savané est un poète, un « Homme dans l’Univers », aux côtés des condamnés, des martyrs, des sages, des faibles.
« Je chante la solitude
Prélude aux communions
Restituant à l’homme
Dignité et puissance »
Enfin, il nous entraîne vers les lumières, les ombres de la ville de Ndar au Sénégal :
« Citadelle séculaire
De Mame Coumba Bang
Ville fantôme
A l’ombre du Delta
Ndar-Guedj, Ndar-Ndar
Les eaux glauques
Et la ville de sable
Bercent ta silhouette alanguie »
Ainsi, la poésie de Landing Savané est mémoire, elle est savoir et elle traverse notre siècle, avec sa seule force ensoleillée. Elle vise toujours juste avec une esthétique sobre mais profonde, comme un souffle de nos paroles africaines qui repoussent toutes les appartenances et toutes les frontières. La poésie de Landing Savané est aussi une ode à la liberté et aux combats que les hommes ont livrés pour conduire l’avenir vers l’insoumission. Afin de repousser les soubresauts, les chaos perpétrés par les hommes, on recompose encore et encore car l’histoire est un sable mouvant qu’il faut toujours rebattre pour voir poindre de nouvelles aurores. Cette histoire est ainsi magnifiée par la poésie intense de Landing Savané tandis que notre récit trouve sa place dans la chronologie de l’Humanité.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
Errances et Espérances, Landing Savané, éditions Panafrika / Silex / Nouvelles du Sud, Dakar, 2006
VALORISER L’HISTOIRE ET LA CULTURE DES PEUPLES D’ASCENDANCE AFRICAINE
EXCLUSIF SENEPLUS - Il serait naïf de penser que la discrimination se limite au domaine interracial. Nous sommes à la croisée des chemins entre exclusion organisée et nécessite de réécrire le récit de l’identité multiforme de nos peuples
Il faut veiller à ce que l’Afrique ne fasse pas les frais du progrès humain. ( ) froidement écrasée par la roue de l’histoire(…).on ne saurait échapper aux nécessités du moment historique auquel on appartient ». Cheikh Anta Diop
L’avènement de la suprématie blanche aux États-Unis et la montée en puissance des ultra-droites en Europe invitent à une indéniable prise de conscience de ces courants pour les peuples d’ascendance africaine. Nous sommes à la croisée des chemins entre exclusion organisée et nécessite de réécrire le récit de l’identité multiforme de nos peuples. Construire une identité pour un peuple victime de dénis d’identité est un exercice mémoriel difficile du fait du matraquage culturel et médiatique qui produit et assène des archétypes des cultures humaines dominantes depuis des siècles. Selon Jung “ l’archétype se définit comme le symbole de l’être primitif, contenu de l’inconscient collectif qui se trouve dans l’imaginaire d’un individu, les productions culturelles d’un peuple”.
Le Sénégal avec l’accession au pouvoir d’une jeunesse patriotique décomplexée peut en prendre le leadership pour convoquer le premier congrès mondial des peuples d’ascendance africaine à Gorée.
Environ de 200 millions de personnes d’ascendance africaine concernées vivent en Amérique et des millions d’autres dans les autres régions continentales (Europe, Asie et moyen orient). Leur particularité́ reste la pauvreté́, la marginalité et la vulnérabilité.
La discrimination prive les gens de leurs droits, ce qui conduit à l'érosion des croyances et des pratiques culturelles et à une crise d'identité́ générale. Il s'agit d'un stratagème utilisé au fil du temps par des forces désireuses de contrôler prioritairement les ressources. Lorsque les colons sont arrivés en Afrique, ils se sont comportés comme si le continent était un vaste espace matériel et sans habitants humains. Dans les écoles, l'histoire enseigne encore que David Livingstone a découvert le lac Victoria, ce qui nie complètement la riche histoire des Bantous et des tribus nilotiques qui pêchaient sur ses rives et constituaient une plaque tournante vitale pour le reste du continent. Vasco De Gama s'est vu attribuer tout le mérite d'avoir « découvert » les routes et les vents commerciaux vers l'Inde, négligeant complètement le commerce dynamique entre l'Afrique et l'Asie, comme en témoignent les broderies complexes des robes portées par la royauté́ Ethiopienne et les perles de porcelaine et de verre provenant de Chine et de Perse trouvées dans les ruines du Grand Zimbabwe, qui sont antérieures de plusieurs siècles à la colonisation européenne. Les exploits de Winston Churchill et d'Alexandre le Grand sont évoqués avec beaucoup de ferveur, tandis que Zwangedaba : (1785-1848) fut le premier roi des peuples Ngoni et Tumbuka du Malawi, de Zambie et de Tanzanie du clan Jere Ngoni de 1815 à 1857). Les horreurs du règne d'Idi Amin Dada sont présentées comme un exemple de mauvaise gestion africaine, alors que les exploits du roi Léopold, qui a tué 10 millions de Congolais, sont minimisés. De plus, il a été décoré́ de l'Ordre de la Jarretière en 1916, huit ans après avoir été contraint de céder le pays au gouvernement belge...
Les Nations Unies avaient consacré les années 2015-2024 comme décennie des personnes d’ascendance africaine (Résolution de l’assemblée générale des Nations Unies A/RES/68/237) victimes de toutes les formes d’esclavage et de la colonisation. Elles continuent cependant de subir une exclusion sans précèdent de toutes les sphères de la vie économique, politique, sociale et culturelle.
« Reconnaissance, justice et développement », cette déclaration constitue la première plateforme pour aborder cette question cruciale des droits de l'homme, qui touche au moins 16 % de la population mondiale si l'on considère uniquement les Africains vivant en Afrique.
Même l’aide au développement au continent n’est pas fournie aux propres conditions africaines. Il existe une pléthore de projets mal planifiés dans lesquels des ploutocrates souvent instrumentalisés de la communauté se voient sciemment confier la responsabilité́ de développer des projets d'infrastructures complexes, ce qui entrainé des conséquences désastreuses dont la communauté́ locale est blâmée. La plupart des aides seront assorties de réserves quant à l'origine de l'équipement et à la personne qui dirige la gestion du projet – avec de grandes disparités de revenus entre les expatriés et les locaux. Il n’est pas rare de voir un chef de projet embaucher des « oui-oui » au profit de personnes compétentes qui dénonceront les mauvaises décisions. Le pire, c’est lorsque « l’aide » se présente sous la forme d’un prêt dépensé par les pouvoirs en place mais payé par les populations locales qui n’ont pas eu leur mot à dire sur ce qui les attend.
Les Africains de la diaspora cachent leur fierté africaine chez eux, craignant d’afficher leur culture par peur des moqueries et de l’exclusion. Il est donc d’autant plus poignant de retrouver certaines traditions persistantes chez les Africains qui ont été expulsés de force de leur pays d’origine il y a des siècles.
L’Afrique est confrontée à une multitude de défis dont les conséquences se répercutent sur la diaspora africaine – y compris sur les descendants des esclaves capturés de force.
L'Afrique souffre d'une multitude de problèmes, dont les résultats se reflètent dans la diaspora africaine. La corruption et la mauvaise gestion, qui ne sont pas propres à l'Afrique, sont présentées comme des exemples de l'incompétence africaine. Ainsi, alors que le pétrole a apporté́ le développement et la richesse au Moyen- Orient, il a entrainé́ la violence et la dégradation de l'environnement là où il a été trouvé en Afrique. Peu d'attention est accordée au fait que la structure de direction en Afrique a été héritée des colonialistes qui ont monté les tribus les unes contre les autres pour prendre le contrôle, contrairement au Moyen-Orient, qui n'a jamais été colonisé de la même manière que l'Asie et l'Afrique. Si les puissances coloniales ont cédé́ leur souveraineté́ aux pays africains, on ne parle guère du fait qu'elles ont utilisé leur secteur privé pour garder le contrôle d'actifs et de ressources clés en Afrique, même si elles prétendent que les gouvernements africains ont le choix de leurs partenaires commerciaux.
La Résolution 75/314 des Nations Unies dans laquelle il a créé une instance permanente de consultation offre à la communauté́ africaine une occasion unique qui, si elle est exploitée efficacement, changera la donne pour les personnes d'ascendance africaine en Afrique et dans la diaspora. Il est impératif que de véritables représentants soient réunis pour relever tous les défis, de manière objective et tournée vers l'avenir. Ce qui a été fait ne peut être défait, mais un présent positif construira un avenir positif.
Il serait naïf de penser que la discrimination se limite au domaine interracial. La discrimination en elle-même est nuancée et sa forme change en fonction de la situation géographique, du développement socio-économique et de divers autres facteurs. La discrimination est un sujet sensible qui peut facilement dérailler. Il est donc impératif que le déballage soit facilité d'une manière objective et tournée vers l'avenir, avec le principe de base « d'abord, ne pas nuire ». En 2050, la population d’ascendance africaine pourrait atteindre environ 2,8, a 3 milliards de personnes, ce qui représenterait un tiers de la population mondiale. Aucun peuple d’ascendance africaine souverain soit-il, ne peut se développer de manière isolée en dehors d’un mouvement d’ensemble de construction d’une conscience collective.
Restaurer la fierté́ des peuples d’ascendance africaine
Les trois objectifs principaux sont les suivants
Établir une plateforme où les personnes d'ascendance africaine prennent l'initiative d'engager les partenaires et les parties prenantes à aborder les questions de discrimination de manière positive et constructive (Outsiders).
Créer un réseau solide où les personnes d'ascendance africaine, en particulier les jeunes hommes et femmes, peuvent partager des informations et échanger des idées et des expériences, apprendre les uns des autres et aborder les questions africaines d'un point de vue africain. (Initiés)
Rassembler, traiter et diffuser les communications d'Afrique positive.
En Afrique, les gens sont « divisés » selon de nombreux critères : le pays, la tribu, le village, la religion, l'âge, le sexe, les facteurs ruraux/urbains et socio-économiques, pour ne citer que les plus évidents. Toutes les données mondiales et universitaires collectées en Afrique et sur l’Afrique sont conservées et traitées en dehors du continent. Ce coffre-fort inestimable devra être exploité pour changer le discours négatif et construire la fierté́ africaine sur la base de faits et de réalités prouvés.
L’avenir de l’Afrique, pour sa nécessaire croissance, passe par la reconnaissance de sa légitimité́, avec la puissance de sa créativité́, son authentique originalité́ culturelle, et sa juste place dans le monde et son indispensable respect dans ses institutions exigent une impérieuse mobilisation et une rigoureuse implication de toutes ses forces populaires et dirigeantes afin de marquer, non seulement son histoire, mais aussi et surtout son identité spécifique et son rôle majeur dans l’esprit des autres continents. L’Afrique ne doit plus espérer ou recueillir d’eux un regard compatissant, mais exiger des actes pérennes et honorables, empreints de considération équitable et de droiture réciproque.