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30 novembre 2024
Opinions
Par Mamadou Ndiaye
LE SOFT POWER
La coupe du monde a vécu. Les lampions se sont éteints sur ce fantastique jeu, le football en l’occurrence, qui oppose dans un tournoi en phase finale les nations qualifiées.
La coupe du monde a vécu. Les lampions se sont éteints sur ce fantastique jeu, le football en l’occurrence, qui oppose dans un tournoi en phase finale les nations qualifiées. Ce sport soulève des passions relayées par des publics arrivés avec beaucoup de préjugés mais qui se tolèrent au gré des matchs et finissent par s’accepter avec des cultures différentes les unes des autres.
Au gré des rencontres, des équations politiques se résolvent ou, à défaut, se modifient tant la dimension sportivité s’impose à tous dans les esprits qui fraternisent ainsi le temps de la compétition suivie par des milliards d’êtres humains. D’où les enjeux commerciaux, économiques et financiers qui s’emparent de ce rendez-vous une fois tous les quatre ans.
Il charrie des intérêts croissants. Il draine des foules, suscite des envies, aiguise des appétits et mobilise des moyens colossaux dégagés pour séduire, charmer et aimer en fouettant les imaginations. La bataille des droits télévisés (et à l’image) fait rage. Leur acquisition fait appel à un trésor d’imagination, de ruses, de créativité, mais aussi d’égoïsme, de surenchère, de démagogie et de petites lâchetés au parfum de conspiration que la morale réprouve.
Chaque pays participant fait valoir ses traits et ses attributs culturels, exhibe ses atouts à travers ses vedettes qui cristallisent sur elles toute l’attention du monde à travers les médias dans leurs déclinaisons infinies. La coupe du monde n’est rien d’autre qu’un banquet.
Des années trente à nos jours, la discipline a changé du tout au tout, évoluant pour s’adapter à chaque cycle de vie. En revanche, ses règles fondamentales demeurent immuables ce qui lui confère authenticité et valeur donc liens de confiance et jouissance naturelle.
A ce propos, le Qatar, pays hôte de l’édition 2022, s’est montré à la hauteur des enjeux, dissipant les préjugés (durs comme des atomes), avec de phénoménales capacités d’accueil, d’hébergement, d’organisation et de réussite.
Naturellement les pétrodollars ont parlé. Mais en écho il y a eu la rationalité, la combinaison des objectifs fixés, des intérêts identifiés et des contraintes relevées. La réussite de ce petit pays de la péninsule arabique tient à la vision de son leadership, à la stratégie déployée sur fond d’un ambitieux projet d’influence dans les relations internationales.
Le monde est venu à Doha pour admirer les prouesses de la presqu’île parvenue à se singulariser en dépit du rayonnement régional de l’Arabie Saoudite, sa puissante voisine. Loin d’être un handicap, le Qatar tire avantage de cette proximité avec Riyad qui s’interdit par devoir historique d’abriter des jeux, synonymes de joyeusetés.
Cette contrainte ne pèse pas sur Doha. D’où sa nette propension à l’ouverture au monde moyennant toutefois des limites infranchissables pour ne pas dénaturer sa quintessence arabe tout en veillant, à l’évidence, à des rapports bienveillants avec les autres pays voisins immédiats.
L’aspect de géostratégie régionale compte. Car l’espace reste sensible à la délicatesse des équilibres où les rivalités de clans peuvent s’exacerber au moindre écart de conduite diplomatique. En optant pour le « soft power », le Qatar singularise sa démarche sans pour autant s’isoler de l’ensemble régional au sein duquel d’ailleurs il joue un rôle proéminent.
Le pays abrite des rencontres de réconciliations entre belligérants, à l’image de la conférence des forces vives du Tchad. En outre Doha accentue son rôle de médiateur dans divers conflits régionaux et internationaux. Sa force de frappe financière constitue un solide argument pour accroître son influence.
A longueur d’années, les méga-stars du monde entier affluent vers cet État de type monarchique doté d’un Parlement à vocation consultative. Michael Jordan, David Beckam, Tiger Wood, Alain Prost, Zinedine Zidane, Ronaldo et Ronaldino y ont leurs habitudes souvent en grande complicité avec les hauts dignitaires de l’Émirat arabe.
Naturellement, ces fréquentations accréditent la modernité de la Monarchie quand bien même elle reste ancrée dans ses traditions bédouines. Le pays, devenu producteur de gaz, reste du même coup, exportateur de premier rang à côté de la Russie, des Etats-Unis, du Canada et de … l’Iran !
Une telle assise, réelle à bien des égards, conforte Doha qui, en discutant avec les « Grands du monde », fait entendre sa voix et trace sa propre voie avec une légitimité toute naturelle. Si bien que les avis émis aiguillonnent sa diplomatie reconnue pour son habileté et sa subtile pondération.
L’édifice qatari se veut un chef-d’œuvre issu d’une volonté collective et d’une lecture de la marche du monde à l’aune d’un épais portefeuille qui articule parcimonie et générosité sans pour autant verser dans une opulence susceptible de fragiliser une influence en devenir.
Le Qatar sort renforcé de la Coupe du monde qui s’est déroulée sans incidents majeurs. Rien n’est venu contrarier l’organisation millimétrée du tournoi mondial avec une touche de civilisation et de culture très orientale dans sa conception et dans sa déclinaison.
Pourtant, au moment de l’attribution des jeux, de nombreuses voix, et non des moindres, s’étaient élevées pour flétrir le choix de la Fifa indexée pour avoir cédé au mirage financier d’un pays « sans lien avec le football ». L’insoutenable légèreté de l’accusation a valu au Qatar de redoubler d’efforts pour marquer de son empreinte le tournoi. Il y est parvenu avec brio. Et son modèle de réussite pourrait s’exporter.
A cette fin, Doha possède une carte maîtresse : son précieux savoir-faire et des infrastructures sportives démontables pour servir ailleurs quand le besoin se fera sentir à l’échelle mondiale. La nouvelle donne ouvre un large boulevard d’influence du Qatar qui, grâce à son succès, va s’évertuer à étendre son parapluie à d’autres régions du monde en quête de progrès et de bien-être.
Tout le monde reste attentif aux évolutions en cours. Les puristes du football ont retrouvé le naturel dans cette organisation qatarie. Plus aucun autre pays ne ferait (ou ne fera) moins sauf à rationaliser les moyens pour ne pas surenchérir. Après tout, le football reste un jeu.
Au-delà, l’expertise et la technicité, acquises par les milliers de travailleurs anonymes, vont se diffuser à une plus vaste échelle comme un facteur décisif de ruissellement. La mondialisation de la main-d’œuvre est en marche. Désormais les métiers, notamment l’artisanat d’antan vont s’exporter sans peur.
Les prochaines migrations internationales s’appuieront fortement sur les savoirs locaux qui seraient une source d’enrichissement des peuples avec une croissance revue sous l’angle du coefficient immatériel, non quantifiable a priori.
Au-delà des participations, le retour des « héros » sonne comme un rappel au devoir des équipes africaines face aux prochaines échéances. Le jeu a évolué. A son tour, l’Afrique doit conquérir sa légitimité et défendre un rang avec un impact certain sur le moral des Africains.
PAR Courani DIARRA
POUR UNE FONDATION DES LIONS
Les Lions ont loupé une autre occasion de marquer l’histoire durant ce Mondial au Qatar. A leur retour prématuré de la grand-messe du football, ils ont bénéficié des largesses du président de la République pour un match non livré et donc non gagné.
Les Lions ont loupé une autre occasion de marquer l’histoire durant ce Mondial au Qatar. A leur retour prématuré de la grand-messe du football, ils ont bénéficié des largesses du président de la République pour un match non livré et donc non gagné. Surprenant cadeau ! Les champions d’Afrique en titre auraient sans doute commis un crime de lèse-majesté en déclinant la cagnotte et puis, par les temps qui courent, qui cracherait sur des dizaines de millions gracieusement offerts ? Mais le coach Aliou Cissé et sa tribu auraient, à leur tour, pu se montrer grands seigneurs.
Une défaite reste une défaite. L’accepter fait grandir le vaincu. La prime versée aux Lions encourage le culte de la médiocrité qui pousse au Sénégal. Ce geste constitue un contre-exemple des valeurs à promouvoir dans notre société : mériter ce qu’on a, entre autres.
Toucher des primes pour des quarts non conquis ne rend sûrement pas fiers les Lions. Pire, elles pourraient leur laisser un goût amer de remords et de gêne. Mais qu’à cela ne tienne ! Puisqu’ils ont empoché la drôle de récompense, autant en faire bon usage ! Par exemple, en cédant chacun, joueurs et membres de la délégation, un quart de cette somme pour constituer une dotation et porter sur les fonts baptismaux la Fondation des Lions du Sénégal. Cet organisme serait dévolu à semer la graine des champions et développer le foot sénégalais, en donnant leur chance à des talents laissés en rade par le système des centres privés de formation et dont le rêve est de se mettre un peu plus près des étoiles, d’égaler le talent de Sadio Mané et d’avoir l’aura d’El Hadj Diouf…
La Fondation des Lions travaillerait également à éradiquer la haine et la violence sous toutes leurs formes dans le foot et dans tous les autres sports. Que ce soit les bagarres dans les gradins, les empoignades qui dégénèrent entre joueurs, les commentaires virulents et décousus sur les plateformes ou encore l’animosité entre associations de supporters. Ce serait là une belle façon de retourner l’ascenseur au peuple sénégalais, un « deloo ndioukeul » à la hauteur de l’affection que les supporters vouent à la sélection. En cela, les Lions devraient plutôt prendre la posture de « game changers » pour changer la donne et améliorer le rapport de nos jeunes à l’effort et à l’argent.
L’ŒUVRE DE SAFI FAYE ET KHADY SYLLA
MULTIPLE PHOTOS
KADDU BEYKAT, UNE LETTRE PAYSANNE SUR LE TRAVAIL, LA TERRE ET LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE AU SÉNÉGAL
EXCLUSIF SENEPLUS - De cette culture coloniale qui a dominé la production de riz et de mil, le grand-père de Safi Faye à qui le film est dédié dira : ‘Si l’arachide appauvrit nos terres et nous appauvrit, de quelle utilité nous est-elle ?’
Série de revues sur l’oeuvre des réalisatrices Safi Faye et Khady Sylla
Co-éditrices de la série : Tabara Korka Ndiaye et Rama Salla Dieng
Khady Sylla et Safi Faye, des noms qui devraient résonner dans notre imaginaire collectif tant elles ont été pionnières, dans leur art et dans leur vie parce que pour elles, l’art, c’est la vie. Leur vie et leur œuvre nous ont particulièrement ému. Pourtant, elles semblent porter en elles, la marque de celles vouées à être des égéries en avance sur leur temps ! Le tribut en est lourd. Si lourd ! Et si dramatique. On demeure sur sa faim. Sur la promesse d’un potentiel. On reste sur le regret de ce qu’elles auraient pu être, auraient dû être, si célébrées comme le monstrueusement gigantesque Sembène. On reste sur les si…sur la fleur de toute l’œuvre dont elles étaient fécondes.
Safi Faye a en tout réalisé treize films : La Passante (1972), Revanche (1973), Kaddu Beykat (Lettre paysanne) (1975), Fad’jal Goob na nu (La Récolte est finie) (1979), Man Sa Yay (1980), Les Âmes au soleil (1981), Selbé et tant d’autres (1982), 3 ans 5 mois (1983), Ambassades Nourricières (1984), Racines noires (1985), Tesito (1989), Tournage Mossane (1990) et Mossane (1996).
Elle s’est surtout intéressée au monde rural, à l’émancipation de la femme comme à l’indépendance économique et au poids des traditions, le tout en pays sérère.
Khady Sylla pour sa part, a été une férue de l’auto-exploration, pour théoriser depuis l’expérience propre. D’abord celle des marginalisés de la société avec Les bijoux (1998), Colobane Express (1999) qui capturent l’expérience du transport urbain avec un chauffeur de car rapide et son apprenti, puis la sienne avec Une fenêtre ouverte (2005) dans lequel elle parle de la santé mentale et enfin Le monologue de la muette (2008) qui parle des conditions de travail des ‘bonnes’. Auparavent, en 1992, Khady Sylla a publié chez L’Harmattan un superbe roman : le jeu de la mer. Les mots, Khady les jongle comme elle s’y accroche car ils la maintiennent en vie. Ainsi qu’elle le reconnaît dans Une fenêtre ouverte : ‘on peut guérir en marchant’.
Dans cette série, nous vous proposons nos regards croisés sur l’oeuvre de Safi Faye et de Khady Sylla, ceux d’une curatrice, créative et chercheuse Tabara Korka Ndiaye dont le projet s’intitule ‘Sulli Ndaanaan’ et celle d’une auteure, créative et universitaire, Rama Salla Dieng, passionnée de documenter la vie et l’oeuvre des oublié.e.s, marginalisée.e.s et silencié.e.s, toutes les deux férues de film, de musique et de littérature.
Kaddu Beykat (1975), Une lettre paysanne sur le travail, la terre et la souveraineté alimentaire au Sénégal
Autrice : Rama Salla Dieng
‘Je vous écris pour vous dire que je vais bien
Quant à moi je vais bien.
C’est ainsi que commencent les lettres chez nous…
Voici ma famille, mon village, mes parents agriculteurs.’
Ainsi débute Kaddu Beykat ou Lettre Paysanne, film tourné et réalisé par Safi Faye à Fad’jal, en pays Sereer sénégalais. Fad’jal est le village des ancêtres de Safi Faye et le film raconte la condition des paysans de ce village situé à 100 kilomètres de Dakar, et dont l’agriculture est soumis aux aléas climatiques et au diktat de l’arachide. De cette culture coloniale qui a dominé la production de riz et de mil, le grand-père de Safi Faye, à qui le film est dédié et décédé seulement onze jours après la fin du tournage dira : ‘Si l’arachide appauvrit nos terres et nous appauvrit, de quelle utilité nous est-elle ?’
Les mots de son grand-père, qui fut agriculteur toute sa vie durant, résonnent d’ailleurs comme mots de fin du film. Kaddu Beykat, paru en 1975 remportera le Prix George Sadoul la même année, et reflète les qualités d’ethnographe de Safi Faye, diplômée en anthropologie sociale de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) de Paris. Native de Dakar, Safi choisit son village Sereer comme terrain et comme objet d’études en s’intéressant à ses ‘coutumes et rites traditionnels’ pour l’obtention de son certificat d'ethnologie à l'École Pratique des Hautes Études (EPHE) de Paris.
Le mérite intellectuel du film se situe dans le fait que Safi choisit le vrai au vraisemblable. Dès le début, elle campe le cadre géographique du film :
‘Nous habitons un petit village à côté d’un bras de mer. C’est un village Sereer.
Le revenu annuel d’un paysan est de 20000 francs cfa.
Normalement il pleut trois mois par an mais depuis quelques années la pluie se fait rare. Et pourtant la terre ne ment pas… Vous allez vivre un moment chez moi’
En choisissant donc Fad’jal comme toile de fonds de l’histoire d’amour entre Ngor, un jeune paysan du village et sa promise Coumba, qu’il ne peut épouser depuis deux ans du fait de la situation de l’agriculture qui ne permet plus la subsistance du fait des changements climatiques et de la domination de la culture de rente arachidière introduite par la colonisation puis imposé par les politiques agricoles successives du gouvernement sénégalais, Safi fait le choix de l’auto-ethnographie en transposant son histoire familiale à celle de l’économie politique et sociale du bassin arachidier, microcosme vivant du Sénégal rural de l’époque.
En effet, en 1975, alors que le monde entier était soumis aux crises financières et à la crise du pétrole, le Sénégal comme presque tous les pays du Sahel était aux prises avec les sécheresses. Une situation qui sera si intenable et aux antipodes d’avec la promesse de ‘Naatange’ du président Senghor, que les autorités du pays en appelleront à l’intervention des institutions financières internationales. Trois ans plus tard, en 1978, le pays adopte le Plan d’Ajustement économique et financier qui durera jusqu’à l’adoption de la nouvelle politique agricole en 1985. Ces politiques semblent si loin des préoccupations prosaïques de survivance des paysans que lorsque le maître d’école leur lit le journal pour les informer de la teneur de ces nouvelles politiques du gouvernement, ils lui rétorquent par voix interposées produisant un concert de doléances dont l’écho produit une mosaïque de dissonances entre gouvernants et gouvernés. Sous l’arbre à palabres de Fad’jal, d’abord un homme d’âge mûr prend la parole :‘La politique ne nous concerne pas . On n’a pas vu de politique. On ne connaît que notre politique : et c’est un repas par jour pendant 6 mois (buñu añee du ñu reer).’
Puis un autre: ‘On n’a pas de bétail à égorger.’
Un jeune: ‘Pour mon mariage, mon père m’a égorgé une vache mais pourrais-je en faire de même pour mes enfants à leur mariage?’
Un autre : ‘Notre politique est qu’aucune de nos filles n’a de dot, et ne peuvent se marier car les hommes n’ont rien à leur donner. Maintenant tous nos enfants vont dans la grande ville chercher du travail.’
Terminant laconiquement par : ‘C’est cela notre politique.’
Ces doléances dépeignent bien la situation des principaux protagonistes car Ngor ne peut épouser sa bien-aimée du fait des dures réalités de la domination d’une culture de rente : l’arachide dont la production a pris le dessus sur une économie rurale jadis de subsistance et nourricière, finalement sous le joug de la sécheresse. Malgré ces pénibilités, le film révèle aussi les temporalités bien propres à Fad’jal, ce village, oasis organisé selon une division du travail bien nette basée sur le genre et l’âge. Des hommes d’âge différents sont filmés en train de cultiver la terre tandis que les femmes et les jeunes filles sont à la cuisine, s’occupent des enfants, et font le linge. De plus, il y a aussi une organisation sociale des responsabilités de production des cultures vivrières. Par exemple, la culture du riz est réservée aux femmes tandis que les hommes cultivent le mil et l’arachide. Y est montré le respect des rites, normes culturelles et cultuelles du travail qu’il soit agricole dans les champs, ou domestique, à la maison. On sème, plante et cultive en invoquant les esprits des ancêtres dans la culture Sereer: les pangool , en prenant soin de leur faire des offrandes et en veillant à enterrer certaines racines qui ont le pouvoir de fertiliser la terre.
Fad’jal est aussi bien abrité des turpitudes et charmes corrupteurs de ‘la grande ville’ à l’appel de laquelle Ngor ne résistera pourtant pas car il y va pour se trouver un travail pour réunir la dot nécessaire pour épouser sa bien-aimée. Kaddu beykat est aussi et surtout un film sur le travail qui ritualise les rôles sociaux ainsi que l’appartenance à la communauté. Mais la valeur du travail et du produit de ce travail semble avoir été anéantie. En témoignent les vieux, encore eux, sous l’arbre à palabre de Fad’jal, offrant une noix de cola à un vendeur de chaussures qui rentrera bredouille car il n’y a pas d’argent : xaalis amul.
‘Le coût de la vie est cher et on ne tire rien de la culture de l’arachide. Dans notre jeunesse, on ne manquait ni de mil ni de riz et cela durait toute l’année. Les greniers étaient toujours remplis. Maintenant quand tu cultives l’arachide, on te donne un ticket alors que tu dois pouvoir résoudre tes besoins lors des cérémonies de mariage ou de baptême. Tu cherches quelqu’un qui a de l’argent pour lui vendre ta note de crédit mais au rabais.De ce fait, tu perds ton hivernage car ton produit ne vaut rien (ne te sert à rien). C’est du vol !’
Contraint d’aller à la grande ville dans sa quête de travail et muni de son seul baluchon de vêtements, Ngor débarque à l’avenue Malick Sy de Dakar. Il trouve du travail et sera plusieurs fois renvoyé, fera tous les petits boulots imaginables, rencontrera ses sept compagnons de chambres, autant d’histoires d’infortune dans la quête de labeur. Et la ville semble représenter tout ce que n’est pas Fad’jal, le bruit, la foule, l’avidité, l’inimitié, la roublardise. Cette transposition des deux cadres de vie montre d’un côté la famille, la familiarité et de l’autre l’inconnu, la jungle et l’hostilité. Ngor fit finalement le choix du premier et exhortait les personnes de son village à ne plus préférer l’exode rural à l’agriculture dans leur terroir. Par sa voix, c’est la voix du grand père de Safi Faye qui exprime le choix de la terre, des cultures et des méthodes des aïeux car comme ils le disent à Fad’jal: ‘la terre ne ment pas’.
Quarante-huit ans après la parution de Kaddu Beykat, les paysans sénégalais semblent toujours vivre une relation distante avec leur État qui s’est peu ou prou désengagé de l’agriculture depuis les politiques d’ajustement structurel comme le raconte si bien Ken Bugul dans le Trio Bleu. De plus, au mythe du trop-plein de terres à cultiver mais pas assez de travail, la question agraire semble s’être transformée et avec elle, le cordon ombilical que maintient la mobilité entre l’urbain et le rural, le domestique et l’international comme le montre si bien Sembène dans La Noire de... Cependant la nouvelle équation semble être celle d’un trop-plein de demande de travail mais pas assez de terres, une question qui a taraudé deux autres sérères, les défunts Jacques Faye et Abdourahmane Faye.
Paix à leur âme !
Kaddu Beykat reste d’actualité car il pose en définitive les questions de la souveraineté économique (y compris agricole) et politique.
par Amadou Tidiane Wone
L’ESSENTIEL ET L'INUTILE
Il est impératif de prendre le temps qu’il faut pour analyser les mécanismes de la roublardise de fonctionnaires indélicats en cheville avec des affairistes en tous genres qui se sont sucrés sans pudeur sur la misère, la maladie et... les morts du Covid
Le débat public dans notre pays a un besoin urgent de faire la part des choses entre l’essentiel et l'inutile. Une urgence à séparer le nécessaire du dérisoire. Une impérieuse nécessité de distinguer, le faux semblant de la réalité, nous interpelle et attend !
Sous toutes ces perspectives, ce qui me semble devoir figurer à l'ordre du jour de l’essentiel c'est, pour nos gouvernants, de nous édifier sur la réalité, ou non, des faits dénoncés au grand jour par le dernier rapport de la Cour des Comptes du Sénégal. Au vu des sommes astronomiques en jeu, vue la facilité déconcertante avec laquelle des montants importants ont migré du Trésor Public vers des destinations privées, dans un contexte de pandémie mondiale, il convient de s’arrêter un moment.
Il est impératif de prendre, le temps qu’il faut, pour analyser les mécanismes de la roublardise et de l’incurie de fonctionnaires indélicats en cheville avec des affairistes en tous genres qui volent, détournent, bref se sont sucrés sans pudeur sur la misère, la maladie et... les morts du Covid !
Ne nous laissons pas distraire. Le sujet est sérieusement grave. 1000 milliards sont en jeu !
Même l’actualité parlementaire tragi-comique pourtant, en est devenue… dérisoire et inaudible (!) face à la déflagration suscitée par le rapport de la Cour des Comptes. Ce rapport éclaire des faits dénoncés à d’autres égards, par plusieurs observateurs depuis le dérapage de la gouvernance « sobre et vertueuse » promise il y a…si longtemps !
Les faits divers, par lesquelles on a voulu capturer nos attentions, sont dès lors amortis et…dérisoires. Le scénario des allusions perfides et des machinations sordides s’essouffle. Les relances médiatiques sont devenues inopérantes. Même la magie de la Coupe du monde n’a pas opéré. Et nous attendons, au demeurant, le bilan financier et moral de cette expédition au Qatar à 30 milliards CFA annoncés.
Cela étant dit, raser la maternité de l’hôpital Aristide Le Dantec, récemment rénovée à l’identique au titre du patrimoine historique classé, est d’un mauvais goût inqualifiable. Cet édifice, distinctif de l’architecture Soudano-sahélienne entrait dans le cadre de la démarche de reconquête culturelle de notre architecture négro-africaine. Comme l’édifice du marché Sandaga rasé ! Il reste, pour témoigner de cette époque, la Polyclinique de Dakar et quelques autres vestiges passablement malmenés par la frénésie du béton et des tours. La spéculation foncière sur le domaine maritime ainsi que la « cannibalisation » du périmètre de l’ancien Aéroport Léopold Sedar Senghor, sans aucune visibilité citoyenne, pose des problèmes. Les Mamelles de Dakar, signature naturelle du Divin sur notre magnifique presqu’île, sont défigurées par des immeubles d’un goût douteux et qui défient l’identité …volcanique (!) de ces lieux mystérieux…L’ignorance est un mauvais conseiller !
Bref, dans ce contexte de gabegie et d’enrichissement illicite de certains au détriment de la majorité, réveiller la CREI de sa torpeur devient nécessaire. Les organisations en charge de la défense des droits de l’Homme et de la transparence doivent saisir qui de droit pour mettre le holà sur ce qui semble relever de la bamboula. Pure et simple.
En attendant, comment ne pas se réjouir de la liberté provisoire accordée au journaliste Pape Alé Niang. Nous l’avons réclamée suffisamment pour, par devoir et par responsabilité, saluer ce résultat obtenu par ses avocats mais aussi par la forte mobilisation citoyenne et celle de ses collègues et amis de la presse. Ainsi qu’à la lucidité de certains juges ? Si. Si…
Sévir ? Oui ! Mais lorsqu’il le faut et sans parti pris. « La patrie avant le parti ! », disait-il…
La sanction contre les crimes économiques envers la patrie est urgente, nécessaire et essentielle : une salle de classe clefs en mains revient autour de cinq à six millions de francs CFA…Combien de classes ne verront jamais le jour dans les cahiers de la Cour des comptes ?
CES MINISTRES PEUVENT S'ESTIMER HEUREUX DE N'AVOIR ÉTÉ QUE LIMOGÉS
Au hit-parade des actes de prédation de ressources publiques, on constate bien que les ministres limogés lors des derniers remaniements du gouvernement tiennent le haut du pavé
La publication des derniers rapports de la Cour des comptes suscite l’indignation généralisée, quant à la gabegie relevée dans la gestion des ressources publiques allouées à différentes administrations. Les fautes sont graves et la désinvolture avec laquelle certains actes de prédation ont été commis laisse sans voix. C’est comme si l’impunité leur avait été assurée d’avance ! Seulement, la situation n’autorise plus de passer de tels actes de mauvaise gouvernance par pertes et profits. Il est en effet rare de trouver des révélations de mauvaise gestion qui aient pu autant choquer l’opinion publique. La révolte tient surtout au fait que pendant que tout le monde avait la peur au ventre, enterrait ses morts dans la douleur et craignait d’être emporté soi-même par la pandémie du Covid 19, des agents publics profitaient de cette détresse générale pour s’en mettre plein les poches, s’enrichir à cœur joie, sans scrupule, avec cynisme.
Il n’est pas exagéré de dire que si les importantes ressources dégagées pour faire face à la pandémie du Covid-19 avaient été utilisées à bon escient, peut-être que le Sénégal n’aurait pas enterré autant de morts, que son tissu économique et social aurait été plus résilient, que le drame n’aurait pas atteint les proportions dont on subit encore les séquelles. L’autre raison tient au fait que les efforts consentis par le Sénégal dans la lutte contre la pandémie avaient été salués de par le monde et notre pays avait été cité en exemple pour sa prise en charge du Covid. La réactivité impulsée par le président Macky Sall avait permis de montrer la voie et des partenaires internationaux n’avaient pas hésité à aider et soutenir le Sénégal, peut-être dans des proportions bien supérieures aux aides consenties à de nombreux autres pays.
On peut imaginer la déception de ces partenaires et leur dirimante exigence de vérité et de transparence. D’ailleurs, les institutions financières internationales ont encouragé le gouvernement du Sénégal et la Cour des comptes à rendre public le rapport définitif intitulé : «Contrôle de la gestion du fonds de riposte et de solidarité contre les effets de la Covid 19 (Force covid). Gestion 2020 et 2021». De toute façon, la Cour des comptes allait le faire, selon son agenda propre car aucun rapport des corps de contrôle de l’État n’échappe désormais à la publication. Quelles réponses le président de la République, Macky Sall va-t-il apporter à ce tollé ? Chercherait-il à sauver les «siens» de l’opprobre, au risque d’éclabousser gravement sa gouvernance et son crédo de transparence et de gouvernance vertueuse ? Pourtant, nous avions alerté à travers ces colonnes, au moment de la commission des faits de bamboula sur les ressources dédiées au Covid-19.
Question à mille balles : Qui mérite aujourd’hui d’être arrêté ?
Dans une chronique en date du 3 juin 2020, au plus fort de la pandémie du Covid-19, nous avions tenu à alerter, à mettre en garde, soulignant notamment que : «La crise provoquée par la pandémie du Covid-19 a révélé les faiblesses, carences, lacunes et autres dysfonctionnements dans l’action du gouvernement. Les ratés sont nombreux. Et comme touchés par une malédiction, les ministres n’arrivent presque plus à faire les choses comme cela se devrait. A la vérité, ce gouvernement ne peut pas aller plus loin, au risque d’abîmer l’image du chef de l’État et de finir par compromettre tout ce que le Président Macky Sall a eu à réussir dans sa gouvernance publique». Nous insistions, à l’endroit du Chef de l’État et de ses proches, qui s’offusquaient de certaines critiques en leur précisant que : «Ce n’est pas toujours parce que les gens ne vous aiment pas». En effet, «Il faut dire que la gestion de la pandémie a mis à nu des tares et des situations d’incompétence qu’on pouvait difficilement soupçonner de la part de nombreux ministres et de leurs collaborateurs. Il s’y ajoute de réels cas d’une malgouvernance outrageante. L’heure des comptes de l’utilisation de l’enveloppe de 1 000 milliards de francs, prévue pour les actions de riposte contre le Covid-19, est partie pour donner des situations de grandes et délicates controverses». C’était pour mettre le doigt notamment sur le démantèlement des centres de traitement des endémies (Cte) avec des matériels qui se retrouvaient comme par hasard dans les souks de Keur Serigne bi, ou que des cliniques médicales privées se retrouvaient comme par enchantement dotées d’appareils respiratoires dont elles étaient totalement dépourvues quelques jours auparavant.
Ces lignes avaient provoqué une réaction outrée de nombreux responsables du pouvoir, dont notamment le Directeur général du Prodac à l’époque, Pape Malick Ndour, piqué par on ne sait quelle mouche, qui était monté au créneau pour demander rien de moins que l’arrestation de Madiambal Diagne, qui venait ainsi de porter de graves accusations qui terniraient l’image du gouvernement. Pape Malick Ndour est devenu ministre de la Jeunesse. Peut-être que le zèle de mauvais aloi, doublé du don ou de l’art de noyer le poisson, assure des carrières ministérielles dans ce pays ! Le ministre de la Santé Abdoulaye Diouf Sarr et ses affidés s’épanchaient eux aussi à travers des médias pour me menacer de plaintes et d’on ne sait quelles foudres. On peut, après la publication de l’état des lieux faits par la Cour des comptes, se faire une bonne idée de qui mériterait véritablement d’aller en prison dans cette affaire ! Je répondais à mes pourfendeurs qui me désignaient comme un faux-ami du Président Sall, le 15 juin 2020, que : «Je me suis fait le serment de lui dire strictement la vérité, considérant que je ne pourrais lui être utile et être utile à la République que dans une posture de vérité et de franchise. En de nombreuses occasions, l’un et l’autre, nous avons pu éprouver notre amitié. Ce n’est pas pour autant que mon pacte avec le Sénégal en souffrirait d’une quelconque manière».
Pour ce qui le concerne, on peut dire que le Président Macky Sall avait déjà fini de se faire son opinion sur la mauvaise gestion des ressources consacrées à la lutte contre le Covid-19. En effet, au hit-parade des actes de prédation de ressources publiques, on constate bien que les ministres limogés lors des derniers remaniements du gouvernement tiennent le haut du pavé. Le grand public a désormais une bonne explication des raisons qui ont participé à décider le président Macky Sall de se séparer de quelques membres de son gouvernement. Certains limogeages avaient provoqué beaucoup de commentaires et d’incompréhensions, pour ne pas dire de vives protestations. Quelques initiés avaient pu dire, pour calmer des ardeurs, que le simple limogeage serait la meilleure des choses qui pouvait arriver à nombre de ministres qui venaient de perdre leur place au gouvernement. Il reste que tous les ministres épinglés et limogés du gouvernement ont déjà été recyclés à d’autres emplois publics, encore que dans le gouvernement, d’autres ministres devront raser les murs après les révélations effarantes de la Cour des comptes. D’aucuns ont voulu invoquer le rapport élaboré par le Général François Ndiaye et les membres du Comité de suivi de «Force Covid-19» sur la gestion de la pandémie pour s’absoudre. Ce rapport qui blanchit la plupart des protagonistes, se voit ainsi désavoué par la Cour des comptes. Il était assez facile de ne pas s’y tromper. «Le général Ndiaye risquait de n’y voir que du feu», avions-nous annoncé, d’autant que le Général François Ndiaye et son équipe n’étaient pas outillés ou préparés pour mener avec pertinence les investigations nécessaires et débusquer les avatars de la gestion des ressources englouties dans des marchés passés à la va-vite. A leur corps défendant, le Général Ndiaye et son équipe éprouvaient d’énormes difficultés pour accéder aux informations. La collaboration des différentes administrations n’était pas évidente et cette situation avait d’ailleurs été déplorée par le Général Ndiaye lors d’une conférence de presse, le 11 juin 2020.
Le président Sall promet de faire la lumière sans complaisance aucune
On ne peut pas ne pas être en colère de voir que personne n’avait voulu entendre les sonnettes d’alarme tirées. Malheureusement, nous prédisions encore, le 20 avril 2020 dans un article intitulé «Macky Sall gagne et perd » que les proches du chef de l’État «ont raté une belle occasion de faire mentir leurs détracteurs. On ne regrettera jamais assez la triste polémique autour de la gestion de l’aide apportée aux populations socialement défavorisées, pour leur permettre de supporter les conséquences économiques et sociales de la pandémie. Les accusations de népotisme et de manque de transparence ont été portées contre le gouvernement du Sénégal. Cela est dommageable, car altérant cette image si opportunément construite. Pourtant, il y a eu tellement d’alertes et de mises en garde pour que les préposés à la gestion de ces fonds évitent toute situation compromettante ou qui donnerait du grain à moudre à leurs détracteurs. La symphonie de l’union sacrée n’avait pas empêché des adversaires du régime de Macky Sall d’émettre des doutes, des suspicions quant à la gestion vertueuse des ressources dédiées au plan de riposte contre le Covid-19. Il s’était même trouvé des personnes réticentes à apporter leurs contributions, voulant se garder de donner de l’argent susceptible d’être détourné. Il est certes impossible dans ce pays d’éviter des polémiques liées à la gestion des ressources publiques, mais le gouvernement aurait gagné à se montrer irréprochable depuis qu’un Ousmane Sonko, au sortir d’une audience avec le Président Macky Sall, étalait ses réserves quant à une bonne gestion des ressources. La prudence devait aussi être de rigueur quand le député Mamadou Lamine Diallo et des personnalités de la Société civile avaient refusé de donner un blanc-seing au gouvernement quant à la gestion de ces fonds.
Il est aussi utile de se rappeler la maxime selon laquelle «le malheur n’arrive pas qu’aux autres». On sait comment la clameur publique avait poursuivi, tout le reste de sa vie, une certaine Siga Sèye Coulibaly, suite à des opérations de dons en faveur de la Croix-Rouge sénégalaise dans les années 1990. Le temps n’a pas non plus effacé des mémoires, l’opprobre jeté sur Léna Fall Diagne du fait de la mauvaise gestion de la campagne «Une femme, un gramme d’or», censée être une récolte pour aider le Sénégal confronté, dans les années 1980, à une crise économique aiguë. Qui ne se rappelle pas les déboires de Aïda Ndiongue et de Abdoul Aziz Diop et compagnie, du fait de la gestion des opérations d’achat de produits phytosanitaires, en 2008, dans le cadre du «Plan Jaxaay», initié par le Président Abdoulaye Wade pour venir en aide aux populations sinistrées par des inondations ? Dans la gestion de la riposte contre le Covid-19, le gouvernement avait toutes les bonnes raisons de ne pas prêter le flanc, pour éviter de donner à ses détracteurs le bâton et se faire flageller. Les ratés et autres méprises dans les passations des marchés des denrées à distribuer aux populations sont assez ravageurs pour l’image du président Macky Sall ».
Le président Macky Sall aurait promis de faire toute la lumière sur ce scandale de la gestion de la pandémie du Covid-19. La Cour des comptes ne semble pas laisser le choix au chef de l’État en recommandant l’ouverture d’informations judiciaires sur de nombreux cas de prévarication relevés. La situation aurait pu être plus embarrassante pour le président Macky Sall si son nouveau Premier ministre, Amadou Ba, faisait partie des ministres épinglés pour la gestion des fonds Covid-19. Amadou Ba était ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur et son département s’était vu allouer quelque 12,5 milliards de francs de crédits tirés de l’enveloppe dédiée à la riposte contre le Covid-19. Amadou Ba, sachant sans doute qu’à l’époque il devait être le plus surveillé de tous, s’était fait un point d’honneur de rendre une copie propre. Cette attitude, il faut le dire, n’avait pas beaucoup plu à nombre de ses collaborateurs.
Par Assane SAADA
COUMBA DANSAIT…
Ils n’auraient pas lu Aragon mais seraient tous portés vers Le con d’Irène. Que le pays ne bruisse plus que d’histoires de culs. Une obscénité collective ! Pas seulement. Des affaires en tous genres leur disputant la Une.
Ils n’auraient pas lu Aragon mais seraient tous portés vers Le con d’Irène. Que le pays ne bruisse plus que d’histoires de culs. Une obscénité collective ! Pas seulement. Des affaires en tous genres leur disputant la Une. Si fréquemment que l’on penserait à des marronniers. Seulement, une banalité suicidaire. Il s’agirait de délits et de crimes. Une écriture du désastre d’un pays à construire. Peut-être ne seraient-ils plus eux-mêmes ? Où devrions-nous convoquer des états généraux de la raison ? Pourtant, Coumba avait prévenu. Sa devise, voire son taasu, était une excellente leçon à revisiter.
Coumba se vêtait de sa beauté. Elle était gracieuse. Une boisselière (laobé) sublime. Une pureté. Une convivialité à toujours construire un vivre-ensemble. Sa présence offrait un bol d’air, une hilarité contagieuse. Empreinte de bonnes manières, son urbanité exquise. Elle n’importunait point. Elle ne psalmodiait sa devise qu’avec l’assentiment de son assemblée qu’elle interpellait ainsi : « Ma yéegëlam ? - Un tortillement ? » Un chœur (repris et vulgarisé par Mbaye Dièye Faye) lui répondait : « Coumba yéegëlal ! - Déhanche ! » Et… Coumba dansait…
Coumba maîtrisait son art. Elle était splendide et majestueuse. Sa belle croupe, forte et grosse, lui obéissait comme pas possible. Elle la tortillait, l’ondulait à sa guise… Des déhanchements d’enfer… Et… Coumba disait… Elle était poète. Taillée dans l’éloquence de la métaphore, de l’hyperbole. Et… Coumba exhortait : « Bu ma yéegëlee wolof toj kees laobé sàcc mbaam. » Un déhanché de Coumba... et bonjour les détournements et autres vols, alertait-elle. Et le chœur de fuser : « Coumba yéegëlal ! » Aujourd’hui, mille ersatze de Coumba fleurissent. Et le pays en souffre. L’éthique torpillée. Des affaires de fripouilles. L’argent détourné… des sociétés et autres entreprises ruinées…
Le con d’Irène ! Plus que des fantasmes pathologiques... Ils veulent voir, caresser, en jouir… brandir leur butin de guerre… Des frémissements éveillent des chairs jamais engourdies. Des braguettes ne ferment plus. Des agressions sexuelles, des viols, des vidéos de sextapes, des actes contre nature, l’inceste… s’étalent partout. Un immense temple de l’accouplement où toutes les formes de pourritures s’épousent. Des ascètes de la luxure qui crient au respect des mœurs avec cette rythmique endiablée de fesses qui tournent et retournent, lascives et circulaires, emportant des esprits ivres de désirs démoniaques, addicts au salace. Des enfants délinquants sexuels ou criminels... Et des ersatze de Coumba continuent de se trémousser…
Sur des fesses de l’ambiguïté et de l’incertitude
Les fabriques de faux billets poussent comme des herbes folles. Les rapports des corps de contrôle de l’État pullulent. Les fautes de gestion sont fertiles. Se reproduisent et sont énormes. Ignobles ! D’une répugnance qui vire à l’injure, l’offense à la République. Les affaires sont sur toutes les lèvres. Point besoin de revendiquer un droit de savoir ou d’informer. Tout est fuité. Même si une publication est prévue par des textes de la République. Et le complot brandi comme moyen de défense. Chacun se trouve des adversaires et autres ennemis qui veulent le liquider. Face au dévoilement, plus personne n’assume ses faiblesses coupables et actionne des paraboles pour distraire la vérité. Faut dévot, bon ceddo n’absout pas de tout. Même en se convertissant à la com’, flirtant avec des prêcheurs 2.0. Ainsi, plus rien ne devrait être fatal… et vous tresserait des lauriers. Malgré le dénuement moral qui culbute votre for intérieur. Aujourd’hui, même dans le pire, on se vante d’être mieux que les autres.
La danse a beaucoup à dire, selon Maurice Béjart. Pour Joséphine Baker, « le sexe était une forme d’exercice agréable, comme la danse ». Le plaisir des sens et de l’esprit ! Des gens qui bandent pour le délit ou le crime. Mais Coumba dansait… Et Coumba disait… l’esprit de conduite sans laquelle jamais une construction d’un pays n’est possible. Cependant, elle n’était pas écoutée. Ainsi, le Sénégal tangue-t-il aujourd’hui sur des fesses de l’ambiguïté et de l’incertitude. Des populations comblées et blessées. Un État jalousé et escroqué… Des vies entre miel et amertume… Des impunités… Des silences assourdissants… Un cynisme croissant… Et le mal de se gangrener. Car, « ce que l’on nous dit cache ce que l’on ne nous dit pas, tout comme ce que l’on nous montre camoufle ce que l’on ne nous montre pas » ! Et chacun guette le fruit pourri à livrer et qui servirait aussi à la propagande de l’autre. Parce que le Sénégal est à la croisée d’une ère d’impostures où « la valeur d’un énoncé ne réside pas dans sa vérité ou dans sa sincérité, mais dans les systèmes de renvois qui font jouer tel ou tel groupe contre tel ou tel autre » (Gaspard Koenig).
L’AFRIQUE, CETTE FILLE TANT CONVOITÉE QUI EST POUSSÉE A LA POLYANDRIE
Les sommets sont nombreux, tels des rendez-vous galants que chaque prétendant arrange pour montrer son attention. On a USA-Afrique, Chine-Afrique, Russie-Afrique, Afrique-France, Allemagne-Afrique, Japon-Afrique, Inde-Afrique, Turquie-Afrique
Le Sommet USA-Afrique vient de prendre fin et les États-Unis ont annoncé une aide de 55 milliards de dollars sur 3 ans avec 2,5 milliards de dollars d’aide d’urgence pour la sécurité alimentaire en Afrique. C’est dommage qu’on en soit encore à régler des problèmes de sécurité alimentaire !
Les sommets sont nombreux, tels des rendez-vous galants que chaque prétendant arrange pour montrer son attention. On a USA-Afrique, Chine-Afrique, Russie-Afrique, Afrique-France, Allemagne-Afrique, Japon-Afrique, Inde-Afrique, Turquie-Afrique, Canada-Afrique, Corée-Afrique, Union européenne - Union africaine, Amérique du Sud - Afrique, etc.
Chacun veut conquérir notre continent et trouve un appât pour pousser nos dirigeants à tout faire pour signer la feuille de présence dès qu’une convocation est lancée. Ensuite chaque puissance nous reproche notre proximité avec ses concurrents jugés peu fréquentables !
La France à elle seule a tenu une trentaine de sommets avec l’Afrique depuis 1973, le Japon a commencé ses sommets avec l’Afrique en 1993, l’Union européenne en 2000, la Chine en 2000, la Corée du Sud en 2006, l’Inde en 2008, la Turquie en 2008, les USA en 2014, la Russie en 2019.
À chaque sommet on annonce beaucoup de milliards pour des secteurs stratégiques du continent mais à voir le résultat, on peut se demander si tout cet argent a bien été investi en Afrique ou s’il l’a été, est-ce qu’il est allé à sa destination initiale. Ce qu’on oublie souvent c’est que ces pays cherchent aussi des marchés pour leurs entreprises et ce qu’ils nous donnent fait souvent office de fonds d’amorçage.
Puisqu’il n’y a aucune coordination entre les différents partenaires qui veulent la même chose au moment où le continent reste confronté à des défis sécuritaires, climatiques, et économiques, il devient facile de capter l’attention de nos dirigeants qui cherchent des solutions par la diversification des partenariats.
La coopération internationale est inévitable, certes, mais des actes plus concrets et mieux coordonnés allant dans le sens de l’industrialisation du continent seraient salutaires. Ils devront être accompagnés d’une amélioration de la qualité des dépenses publiques dans nos pays pour que les résultats soient au rendez-vous.
Se rendre à des sommets c’est bien mais se hisser au sommet c’est encore mieux !
par Nioxor Tine
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MOTION DE CENSURE, DIVERSIONS PARLEMENTAIRES
Renverser un Premier ministre dans un régime hyper-présidentialiste, ne peut avoir, tout au plus, qu’une valeur symbolique. Cet épisode anecdotique de la vie parlementaire indique tout de même la possibilité d’un ralliement tactique de Wallu à Macky
La crise est le moment où l'ancien ordre du monde s'estompe et où le nouveau doit s'imposer en dépit de toutes les résistances et de toutes les contradictions. Cette phase de transition est justement marquée par de nombreuses erreurs et de nombreux tourments. Antonio Gramsci
Depuis son arrivée au pouvoir, le régime du président Macky Sall se caractérise par une inclination avérée pour l’unanimisme grégaire et l’hégémonisme intolérant. En ces derniers mois de son second mandat, sa gestion du pouvoir persiste à vouloir se parer d’atours hideux évoquant des dictatures de triste mémoire.
De fait, malgré l’entrée en force des députés de l’opposition au sein du Parlement, on n’a jamais observé autant d’atteintes aux libertés, de disparitions inexpliquées de citoyens, de graves entorses aux règles de bonne gouvernance (vente d’armes secrètes, scandale du fonds Covid-19...).
Pour rappel, l’opposition politique a, depuis février 2021, renversé la vapeur, en s’inscrivant, dans une dynamique de résistance farouche, de "mortal kombat" contre les velléités dictatoriales de Macky Sall. Elle semble, depuis lors, avoir le vent en poupe, engrangeant des succès électoraux significatifs. Tant et si bien que le camp présidentiel est devenu minoritaire dans le pays, en termes de nombre d’électeurs, lors des dernières législatives, en ne recueillant que 46,6% du nombre de suffrages exprimés. Même du point de vue du nombre de députés, la coalition Benno Bokk Yakaar a perdu la majorité, car n’ayant finalement obtenu que 82 élus, même si elle n’en n’était pas éloignée, à cause de ratés dans le report de voix au sein de l’Inter-coalition Yewwi-Wallu et au prix de fraudes de dernière minute.
Pour garder le contrôle du Parlement, le pouvoir a procédé à l’enrôlement du chef de la Coalition Bokk Guiss Guiss, faisant mine d’ignorer que l’extrême vulnérabilité parlementaire risque désormais d’être le lot d’un régime en fin de parcours, comme l’a montré la défection, peu après, de la tête de liste de Benno Bokk Yakaar.
Malgré ces signaux de détresse pour le régime APR, la victoire est loin d’être acquise pour ses adversaires.
En témoigne la multiplication des bisbilles entre les députés de l’opposition couronnées par l’échec de la motion de censure de Yewwi Askan Wi contre le Premier ministre Amadou Bâ. En dehors des problèmes de coordination entre groupes parlementaires de l’opposition, il y a lieu de s’interroger sur la pertinence même de cette initiative, car renverser un Premier ministre dans un régime hyper-présidentialiste, ne peut avoir, tout au plus, qu’une valeur symbolique, le chef de l’État, qui définit la politique de la nation ayant la latitude d’en nommer un autre, dès le lendemain.
Mais, de manière plus fondamentale, cet épisode anecdotique de la vie parlementaire, monté en épingle par une certaine partie de la presse, indique tout de même clairement la possibilité d’un ralliement tactique de la coalition Wallu au pouvoir de Macky Sall. Cela s’explique, du fait que le PDS et l’APR proviennent, tous deux du vivier libéral, qui, à priori, n’a pas vocation de porter des politiques de rupture radicale avec l’Occident impérialiste ! N’oublions pas également l’obsession du Pape du Sopi de faire de son fils adoré, son héritier politique, lui taillant visiblement un habit trop grand pour lui.
Il en est de cette motion comme de beaucoup d’autres questions, où nos braves parlementaires de l’opposition font preuve d’une débauche d’énergie superflue, qui gagnerait à être investie dans des initiatives politiques plus prometteuses. De fait, l’affaiblissement politique du camp du pouvoir à l’Assemblée nationale n’a de sens, que s’il permet un contrôle effectif de l’exécution des politiques publiques, ce qui n’a pu prospérer, durant toutes ces années, où les coalitions au pouvoir disposaient de majorités parlementaires écrasantes.
S’il est vrai qu’empoignades et joutes verbales font partie du lot quotidien des parlements, un peu partout dans le monde, une véritable alternative sociopolitique ne saurait exclusivement résulter d’épiques querelles de chiffonniers, durant lesquelles la légèreté se le dispute à la vulgarité voire à la violence verbale et même physique.
Paradoxalement, notre vie politique semble avoir perdu en qualité et en maturité, malgré les percées fulgurantes de l’opposition. À titre de comparaison, au sortir des élections législatives du 24 mai 1998, le parti socialiste avait remporté 93 sièges sur les 120, ce qui n’a pas empêché la survenue de l’alternance de 2000. De même, la coalition Sopi avait, au sortir des législatives du 3 juin 2007, boycottées par les plus grands partis de l’opposition, obtenu 131 élus sur 150 et une nouvelle alternance a quand même eu lieu en 2012. (voir chiffres en photo d’illustration 2)
Il n’est pas trop tard pour redresser la barre en dotant les structures de coordination politique, qu’il s’agisse de coalition ou d’intercoalition de socles programmatiques et en cessant de confondre le jeu politique à un cirque parlementaire.
Le travail parlementaire – surtout dans un régime hyper-présidentialiste - ne peut servir que de levier de mobilisations et batailles politiques et citoyennes pour arracher de nouvelles victoires, qui au-delà des questions électorales soient en phase avec les luttes et préoccupations populaires.
Il ne faut pas perdre de vue que les nombreux scandales, qui rythment le quotidien de la nation sont de nature systémique et ne disparaitront qu’avec le système qui les a enfantés, grâce au recouvrement de nos souverainetés et à une refondation institutionnelle bien comprise.
Ces questions prises en compte par les conclusions des Assises nationales et les recommandations semblent, hélas, céder le terrain face à des scénarii politico-judiciaires, agrémentés de feuilletons érotiques et qui foisonnent dans les sites d’hébergement de vidéos, aux confins du dark web.
Il est vrai, que la responsabilité principale de cette dégérescence de nos mœurs politiques incombe, en premier lieu, au régime du président Sall irrémédiablement engagé sur une pente glissante menant vers une autocratie oscillant entre le modèle congolais et celui haïtien. Néanmoins, l’opposition gagnerait à tracer des perspectives claires sur la base d’un programme commun dont les larges masses devront s’approprier.
Ce sera la plus sûre garantie, que les nouvelles équipes qui accèderont au pouvoir, n’auront pas le champ libre pour manigancer une nouvelle et maléfique saison de la macabre série (néo)coloniale, qui pourrit la vie des masses africaines depuis des siècles.
La publication presque concomitante des rapports 2021 de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) et de la Cour des Comptes a fini de nous convaincre que notre pays en réalité évolue dans un régime de kleptocratie
On connaissait la DEMOCRATIE ou gouvernement du peuple par le peuple dit-on. La GERONTOCRATIE ou gouvernement des vieillards ou sages. La THEOCRATIE ou gouvernement des religieux ; la PLOUTOCRATIE ou gouvernement des riches et tout récemment il faudra y ajouter l’INEPTOCRATIE ou gouvernement des incapables ou des médiocres c’est selon et surtout, surtout la KLEPTOCRATIE ou GOUVERNEMENT DES VOLEURS.
En effet, la publication presque concomitante des rapports 2021 de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) et de la Cour des Comptes a fini de nous convaincre que notre pays en réalité évolue dans un régime de KLEPTOCRATIE. Tellement les faits de détournements, de vols et autres indélicatesses financières y sont devenus presque UNE NORME.
Déjà en 2017, à l’occasion de la publication du rapport 2017 de l’ARMP, dans un article intitulé « De l’audit..des audits », je dénonçais avec forte indignation, cette propension des dirigeants et managers sénégalais des structures nationales publiques et parapubliques à des actes de brigandage financier qui ont fini de nous convaincre qu’il s’agit d’une véritable pathologie . Cinq ans plus tard , en 2022, la situation s‘est empirée et tous les rapports des corps de contrôle en font foi. C’est dire que la pathologie est devenue épidémie et a fini de gangrener toutes les structures de l’Etat.
Et ce qui rend l’affaire nauséabonde voire odieuse, c’est que tout cela est le fait de personnes bien sous tous les rapports, bien formées, très bien payées avec des émoluments qui se déclinent en sept chiffres voire même huit chiffres, agrémentés d’avantages additionnels très conséquents : logement et voiture de fonction, carburant à la pelle et tout et tout et tout qui s’adonnent à ce jeu de massacre programmé de notre économie déjà assez exsangue.
INACCEPTABLE ET ODIEUX.
On a du mal, beaucoup de mal à voir ces pratiques de vampirisme financier devenir quasiment UNE RELIGION au point que celui qui ne la pratique pas serait perçu comme un extraterrestre .
TERRIBLE
Mais toute chose ayant une explication, cette propension des managers sénégalais à la piraterie financière peut trouver la sienne entre autres et sans vouloir médire, dans l’extrême politisation des structures de l’Etat et dans le mode de nomination des dirigeants d’entreprises ou structures publiques et parapubliques de l’Etat.
Dans ces nominations laissées à la discrétion totale du Chef de l’Etat où le critère le plus déterminant de nomination des hauts responsables à la tête desdites structures étant le militantisme politique dans le camp présidentiel, avec des feuilles de route même pas voilées « d’extension et de massification du parti », il va sans dire que de telles pratiques de prédations des deniers publics ont encore des très beaux jours devant elles..
Les cris d’indignations et les appels à des sanctions exemplaires n’y feront RIEN. C’est le FAIT DU PRINCE.
On l’oublie souvent mais les rapports d’audits et TOUS les rapports des corps de contrôle sont remis au « Client » c’est-à-dire le commanditaire de l’audit et dans le cas d’espèce au Président de la République, destinataire de tous les rapports d’audit des corps de contrôle de l’Etat. Ce dernier doit en principe, les diffuser ( les résultats d’un AUDIT font généralement l’objet de publication) mais il reste LIBRE de suivre ou non les recommandations contenues dans les rapports notamment les propositions de sanction quant à leur effectivité .
Cette liberté d’option fait partie de ses pouvoirs régaliens que lui confère son statut de clé de voûte de nos Institutions. Il faut que les gens comprennent cela et arrêtent de faire des injonctions pour lui demander de « lever le coude » sur certains dossiers. Expression d’ailleurs impropre. « Lever le coude », en bon français veut dire «se saouler la gueule, boire plus que de raison».
Dans le cas d’espèce, il serait plus indiqué de dire par exemple :« ressortir les dossiers mis sous le coude »…Il se dit que le PR garderait ces dossiers comme des ADM (Armes de Destruction (ou Dissuasion) massive) pour ceux qui seraient tentés de lui faire du « Mimi Touré ».. Vrai , Faux? Yala rekk ka khame. Seul DIEU sait. Passons...
Ce qui est constant et consternant c’est qu’au Sénégal, les audits et autres rapports des corps de contrôle se suivent et se ressemblent. Ils donnent toujours lieu à des documents produits par les corps de contrôle habilités et souffrent de quelques tares rédhibitoires.
1/ Ils ne sont pas toujours TOUS PUBLIES en temps échu. Cette confidentialité organisée donne libre cours à des élucubrations et autres interprétations souvent très fantaisistes et assez loin de la réalité. Le manque ou la rétention d’informations alimente la rumeur qui enfle, qui enfle qui enfle…et qui ne s’arrêtera que lorsque la diffusion des rapports d’audit deviendra une pratique républicaine systématique. CQFD
2/ Ensuite, ces audits relèvent presque toujours des manquements liés à la bonne gouvernance de nos entreprises et structures incriminées et qui ont noms : non respect sinon violation flagrante des procédures en vigueur, gabegie, détournements divers de numéraires, d’objectifs, surfacturations, achats fictifs, recrutements népotiques etc…par les responsables épinglés et qui, pour la plupart sinon tous ne sont jamais inquiétés par l’Autorité Suprême.
Et pour cause !!! C’est bien Lui qui les a nommés et qui les aurait sommés en langage codé dit-on et – sans en avoir l’air- de « faire de la politique » pour « massifier le parti » avec les moyens financiers de la structure à leur disposition. Tant que cette logique de positionnement politique demeurera la pierre angulaire des nominations à des postes de responsabilité de haut niveau à la tête de nos entreprises et structures publiques et parapubliques, il ne faudra pas s’étonner de vivre régulièrement des scandales récurrents dans la gestion desdites structures. On peut comprendre que la froide logique politique impose de placer « ses hommes » à la tête des grandes entreprises mais encore faudrait-il qu’ils aient le profil de l’emploi. Ce qui n’est pas toujours le cas pour certains d’entre eux qui ont fini de convaincre de leurs limites objectives dans le management de haut niveau.
Certes, l’idéal aurait été de disposer de politiques ayant le niveau requis à la tête des entités concernées. Mais tant que l’appartenance politique reste le critère le plus important au détriment du profil de l’emploi, nos DG politiques ont encore de beaux jours devant eux pour perpétuer impunément les scandales et autres « hauts faits d’armes » durant leur magistère. Comme on en voit tous les jours au Sénégal. Les rapports et autres audits n’y feront RIEN.
Il est quand même remarquable de voir que beaucoup de VIP n’entrent en politique qu’une fois nommées à des postes de haut niveau (Ministre ou DG) pour disposer des moyens financiers conséquents comme « armes de guerre » politiques. Pourtant, le mélange des genres -politique et manager- ne fait pas toujours bon ménage.
Les entreprises et structures les plus performantes dans ce pays (SONATEL, Banques ..) sont celles qui sont confiées à des leaders charismatiques dont l’étiquette politique si elle existe, n’est pas trop visible ni bruyante comme ce qu’il nous est donné de voir avec nos DG politiques actuels.
Etre distingué par le Président de la République pour être nommé à un poste de DG est, certes un grand mérite . Aussi, nos DG propulsés se doivent de tout faire pour légitimer cette distinction en travaillant bien par « une gestion sobre et vertueuse » des structures à eux, confiées. Pour ce faire, il n’est jamais de trop pour certains d’entre eux, plutôt que de se complaire dans la posture jouissive de leur station de DG, d’accepter de se recycler pour se mettre à niveau et combler leurs lacunes criardes dans le management des hommes et des structures. Le savoir et la connaissance sont les seules choses qui valorisent véritablement une personne. « IKHRA : Lis » a dit ALLAH Soubkhanahou Wa Taalla à son Noble Prophète. Sous ce rapport, un DG qui se respecte doit pouvoir lire et comprendre un budget d’entreprise entre autres, par exemple. Et pour cela, les séminaires thématiques, résidentiels et autres, foisonnent dans le pays et ne demandent qu’à les accueillir pour les formater à mieux assumer leurs hautes charges. Simples questions de volonté et de responsabilité personnelles Sinon, encore et toujours, « bonjour les dégâts »….
L’autre aspect c’est qu’il devient aussi très difficile à comprendre comment beaucoup de DG et autres hauts responsables souvent formés à très bonne école et fortement diplômés de haut niveau , deviennent subitement des prédateurs de haut vol, une fois aux commandes d’une structure publique ou parapublique . C’est à croire que tout leur savoir accumulé au fil de leurs formations multiformes, n’a été acquis que pour mieux VOLER les deniers publics. Ou c’est plutôt parce qu’ils n’ont aucun amour-propre personnel ni d’éthique de la responsabilité et que le patriotisme leur fait défaut. Tant il est vrai que si « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». «Diplômes sans éthique de responsabilité n’est que kleptomanie et indignité ». On reste abasourdi et scandalisé de voir que de très hauts responsables acceptent de signer allégrement et sans aucun état d’âme des documents à connotation financière qu’ils savent pertinemment FAUX et frauduleux.
Comment un homme sain d’esprit et de corps, bien formé et bénéficiant d’un salaire très conséquent et d’autres avantages additionnels exceptionnels peut-il se livrer allégrement à de telles indélicatesses sans gène ni pudeur devant l’opprobre et la désapprobation populaires de voir son nom figurer dans des dossiers sales et encore moins sans même une petite crainte de DIEU ? Flaubert disait à juste titre : « Qui a le physique (profil) d’un emploi, en a l’âme » TOUS DES VOLEURS dans l’âme, je vous dis ! TERRIBLE.
Au Sénégal on en est à ce niveau. Et tant que les nominations obéiront à des motivations bassement politiques pour ne pas dire politiciennes et que la pratique de la sanction sans état d’âme n’aura pas été une démarche républicaine bien ancrée dans nos mœurs, les pratiques délictuelles auront de très beaux jours devant elles dans notre pays. N’en déplaise à tous les indignés et scandalisés de Ndoumbelane. Et tous les rapports et autres audits du monde n’y pourront RIEN.,
DIEU NOUS GARDE ET GARDE LE SENEGAL
L’ŒUVRE DE SAFI FAYE ET KHADY SYLLA
MULTIPLE PHOTOS
UNE FENÊTRE OUVERTE DE KHADY SYLLA, CRÉER OU S’ANÉANTIR
EXCLUSIF SENEPLUS - En dialogue avec Aminata Ngom et avec elle-même, Khady Sylla nous guide vers les chemins de la douleur, des silences, des stigmatisations, de l’exclusion, de l’enfermement, de l’altérité, du suicide, de la peur de soi
Série de revues sur l’œuvre de Safi Faye et Khady Sylla
Co-éditrices de la série : Tabara Korka Ndiaye et Rama Salla Dieng
Une fenêtre ouverte de Khady Sylla : Créer ou s’anéantir
Autrice : Tabara Korka Ndiaye
Khady Sylla et Safi Faye, des noms qui devraient résonner dans notre imaginaire collectif tant elles ont été pionnières, dans leur art et dans leur vie parce que pour elles, l’art, c’est la vie. Leur vie et leur œuvre nous ont ému particulièrement. Pourtant, elles semblent porter en elles, la marque de celles vouées à être des égéries en avance sur leur temps ! Le tribut en est lourd. Si lourd ! Et si dramatique. On demeure sur sa faim. Sur la promesse d’un potentiel. On reste sur le regret de ce qu’elles auraient pu être, auraient dû être, si célébrées comme le monstrueusement gigantesque Sembène. On reste sur les si…sur la fleur de toute l’œuvre dont elles étaient fécondes.
Safi Faye a réalisé en tout treize films : La Passante (1972), Revanche (1973), Kaddu Beykat (Lettre paysanne) (1975), Fad’jal Goob na nu (La Récolte est finie) (1979), Man Sa Yay (1980), Les Ames au soleil (1981), Selbé et tant d’autres (1982), 3 ans 5 mois (1983), Ambassades Nourricères (1984), Racines noires (1985), Tesito (1989), Tournage Mossane (1990) et Mossane (1996).
Elle s’est surtout intéressée au monde rural, à l’émancipation de la femme comme à l’indépendance économique et au poids des traditions, le tout en pays sérère.
Khady Sylla pour sa part, a été une férue de l’autoexploration, pour théoriser depuis l’expérience propre. D’abord celle des marginalisés de la société avec Les bijoux (1998), Colobane Express (1999) qui capturent l’expérience du transport urbain avec un chauffeur de car rapide et son apprenti, puis la sienna avec Une fenêtre ouverte (2005) dans lequel elle parle de la santé mentale et enfin Le monologue de la muette (2008) qui parle des conditions de travail des ‘bonnes’. Auparavant, en 1992, Khady Sylla a publié chez L’Harmattan un superbe roman : le jeu de la mer. Les mots, Khady les jonglent comme elle s’y accroche car ils la maintiennent en vie. Ainsi qu’elle le reconnaît dans Une fenêtre ouvre : on peut guérir en marchant’.
Dans cette série, nous vous proposons nos regards croisés sur l’œuvre de Safi Faye et de Khady Sylla, ceux d’une curatrice, créative et chercheuse Tabara Korka Ndiaye dont le projet s’intitule Sulli Ndaanaan et celle d’une auteure, créative et universitaire, Rama Salla Dieng, passionnée de documenter la vie et l’œuvre des oublié.e.s et silencié.e.s, toutes les deux férues de film et de littérature.
Créer ou s’anéantir
Dans Une fenêtre ouverte (2005), Khady Sylla nous dévoile les expériences de la maladie. La maladie veut dire la maladie mentale. Pour les malades, il n’y a pas besoin de dire l’expression en entier. Comme si c’était une évidence. Il semble que ce soit une évidence pour elle et les personnes qui s’identifient à elles, comme moi.
En dialogue avec Aminata Ngom et avec elle-même, Khady Sylla nous guide vers les chemins de la douleur, des silences, des stigmatisations, de l’exclusion, de l’enfermement, de l’altérité, du suicide, de la peur de soi et des autres, d’un trop pleins d’émotions difficiles à nommer parfois. Khady Sylla a clairement fait une recherche sur soi. Elle rappelle : après avoir fait l’expérience de l’intérieur, la douleur a envahi le monde. Une fenêtre ouverte raconte une histoire d’amitié entre deux femmes qui toutes deux se sont retrouvées là l’une pour l’autre, particulièrement en temps de maladie. Sylla, en gros plan, débite les mots en un rythme avec une intensité sans nom. Elle est pleine et même la caméra semble trop petite pour la contenir. En la regardant, on reçoit ce trop plein d’émotions vives. Son regard (nous) dérange. Ses yeux nous transpercent. Elle se filme et son corps demi-nu est plein d’expériences, de vécu. Depuis son film les surexposés, elle passe ‘de l’autre côté’ comme elle le dit. Elle rejoint ainsi son amie Aminata Ngom et d’autres malades dans le terrain de la douleur indescriptible, de la souffrance indicible et de la perte, puis de l’exploration de soi. L’image du miroir en morceaux qu’elle convoque au début du film est une représentation de soi associé à la lumière et à sa violence par moment.
‘Tu te regardes dans un miroir brisé.
Tu vois des morceaux de ton visage. Ton visage est en miettes.
Et celui qui te regarde dans le miroir brisé, il voit des morceaux d’images de ton visage.’
Elle se positionne en cinéaste transparente dans sa démarche autoréflexive. La discussion sur le consentement d’Aminata à participer au film ou non est rendue dans son intégrité à la caméra. Cette transparence de la réalisatrice nous édifie sur le fait que le consentement n’est jamais définitif et est à renégocier en permanence, surtout lorsque la personne qui l’accorde est vulnérable. D’où l’importance d’obtenir le consentement des proches, ce que Khady Sylla a recherchée en les incluant. D’abord en entamant une médiation avec la mère de Aminata, puis avec sa fille Thiané.
Sylla a une admiration pour Aminata qu’elle qualifie de résistante, ‘exhibant sa folie librement’. Khady et Aminata partagent des silences complices. Sylla fait une médiation pour que la famille accorde à Aminata des moments à elle, hors de la maison : des promenades quotidiennes comme des bouffées d’air dont pourtant Aminata ne veut pas, mais que Khady recherche ardemment. Khady Sylla s’avoue être ‘la clé’ d’Aminata et la réalisation de cette responsabilité est un terrible fardeau pour elle, qui a eu des épisodes similaires. Aminata, pour sa part, préfère rester cloisonnée. L’envie d’avant de sortir en cachette pendant des jours parfois ne l’intéresse plus du tout. Elle donne l’impression d’avoir peur de l’extérieur et surtout des autres. De la même manière que l’autre a peur de vous. Comme Khady le dit si bien dans sa narration : L’autre a peur de vous. Vous avez changé, vous avez le regard hagard, vous avez enflé. Et vous aussi qui faites peur, avez peur de l’autre’.
Elles se remémorent ensemble du poids du regard des autres sur la maladie : ‘les autres pensent que vous n’avez rien, que vous faites semblant ‘da fa reew, dara jotu ko’ alors que les malades n’ont, selon elles, aucun intérêt à prétendre. Khady Sylla se comporte comme elle prêche. La maladie, ‘c’est le moment où on a besoin que quelqu’un nous retienne sur cette terre’. À la place, comme elle se rappelle à juste titre, on nous rappelle constamment que les suicidés vont en enfer. Aminata Ngom habite dans la cité silencieuse et déserte que Khady Sylla nomme et vient peupler, dardant ses yeux hagards sur l’innommable. Dans la nouvelle cité qu’elles habitent toutes les deux dans ce film, Aminata fait l’expérience d’une féminité retrouvée, après l’étrangeté de la maternité. Sylla la sort en promenade. Toutes les deux se retrouvent devant le vendeur de perruques. Dans cette scène, Sylla veut qu’Aminata choisisse une perruque qui lui convient et elle lui retourne que le sol se dérobe sur ses pieds. Éventuellement, elle accepte d’essayer une perruque. Cette image contraste tellement avec la terrible histoire d’Aminata. C’est une femme à qui on a refusé l’expérience de la maternité car malade. Elle ne savait comment allaiter. Et personne ne lui a appris. Sylla entame une conversation entre Aminata et son autre fille Thiané. Les quelques mots que Thiané partagent sont noyés dans son regard et son silence. À quoi doit ressembler une absence d’expérience de l’enfance et de la maternité ? Deux femmes partageant le même toit en font des expériences de la vie complètement différentes.
Khady Sylla termine ce film avec ces mots laconiques :
‘Les fous errants ne sont pas des rois-mages. Ce sont des personnages à la conscience fracassée par la douleur. Même leur marche est une forme de résistance.’
Un film actuel sur la santé mentale à (re)voir absolument !