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30 novembre 2024
Opinions
par Courani DIARRA
DÉPUTÉS DÉPITÉS
Le comportement des députés, depuis leur installation, pose ces questions : ont-ils le profil de l’emploi ? Sont-ils dignes d’agir et de parler en notre nom ?
« Dis-moi qui te représente, je te dirai qui tu es ». Cet adage serait vrai que nous serions un peuple violent, fourbe, sans conviction, asservi et vile. Et pourtant ! De nombreux compatriotes n’hésitent pas à coller ces étiquettes sur la peau des Sénégalais car, l’enfer étant les autres, ils s’extirpent de la masse, ne prennent pas la mesure de leur présence dans la foule. Plus rien ne choque plus personne. Plus rien, depuis le naufrage du bateau « Le Joola », n’impose l’introspection, étape importante pour bien grandir. Faire le ménage au fond de soi, débarrasser son âme de toute toxicité, se délester des bagages lourds et avilissants de la cupidité, de l’asservissement et de la méchanceté.
Le comportement des députés, depuis leur installation, pose ces questions : ont-ils le profil de l’emploi ? Sont-ils dignes d’agir et de parler en notre nom ? Si être député, c’est avoir l’invective facile, passer maître dans l’art de se ridiculiser et défendre des intérêts crypto-personnels, alors mesdames et messieurs de la Place Soweto, bravo ! Mais quel Sénégalais oserait proclamer sa fierté devant la scène surréaliste du député qui a envoyé un coup de pied dans le ventre de sa collègue en direct à la télé ? Qui n’a pas pris le temps d’avoir un « talk » avec ses ados pour leur expliquer en quoi ce geste est répréhensible partout, en tout temps, quelle que soit l’offense ? Que dans nos traditions sénégalaises, « thiamigne », bien plus qu’un frère, désigne pour la femme un chevalier servant, protecteur des intérêts et de l’intégrité de la femme, fût-elle sa sœur, son épouse, sa voisine ou même une simple inconnue. A défaut d’ignorer ce qu’on doit faire, il faut savoir quoi éviter. Et lorsqu’on a le privilège de représenter quelqu’un, on se surpasse, parce que c’est un honneur d’être choisi parmi tant d’autres. Mesdames et messieurs les députés, veillez à éviter les débats de bas étage alors que la marche du pays est en jeu. Évitez les insultes alors que vos compatriotes vous regardent et vous écoutent ! Montrez-vous dignes, à défaut d’être compétents, de représenter les Sénégalais dans leur diversité !
L’impérieuse urgence de dire stop !
J’aimerais bien voir la fiche de poste d’un député. Il ne serait pas superflu d’y inscrire « capable de travailler sous pression, dans un environnement multiculturel ». Ce qui décrit bien, à bien des égards, notre société actuelle. D’où l’impérieuse urgence de dire stop à ces comportements dégradants, indignes et irresponsables. Une place à l’Assemblée nationale doit se mériter par la lutte pour l’équité, la justice et le développement, avec des idées et des convictions. Parfois cependant, l’intervention de certains élus semble juste inouïe d’absurdité… Trouver des compromis pour « l’intérêt supérieur de la nation », en toute responsabilité, est tout à fait normal, mais toute compromission déshonore.
Cette violence pour des peccadilles traduit l’exaspération et le manque de confiance en l’avenir d’une grande frange de la population. Nos élus, bien que très largement mieux lotis que ceux qui les paient, n’échappent pas à cette crispation générale. Vu leur position, ils pourraient facilement s’allonger sur le divan de… quelques pays pour évacuer leur stress. Un luxe que n’importe qui ne peut pas s’offrir. En tant que représentants de la collectivité, nos députés, même dépités, ne peuvent et ne doivent pas être en mission commandée d’individus élus ou non.
par l'éditorialiste de seneplus, jean-claude djéréké
NYAMSI A LE DROIT DE S’EXPRIMER SUR LA POLITIQUE AFRICAINE DE LA FRANCE
EXCLUSIF SENEPLUS - Difficile de penser que seuls les Français de souche seraient autorisés à se prononcer sur la manière dont la France est gouvernée aujourd’hui
Jean-Claude Djéréké de SenePlus |
Publication 07/12/2022
Dans une vidéo datée du 30 novembre 2022, Franklin Nyamsi affirme être victime depuis 2020 de persécution et de harcèlement moral et administratif de la part du gouvernement français parce qu'il dénonce la politique menée par la France dans ses ex-colonies africaines.
Je souhaite que le nouveau ministre de l'Éducation nationale, Pape Ndiaye, mette fin le plus tôt possible à cette persécution et à ce harcèlement qui n'honorent point la "patrie des droits de l'homme et de la démocratie". Comme Michel Onfray ou Marine Le Pen, le citoyen français Nyamsi a le droit de critiquer la politique de Macron si celle-ci lui semble tordue ou inhumaine. Difficile de penser que seuls les Français de souche seraient autorisés à se prononcer sur la manière dont la France est gouvernée aujourd’hui. La liberté d’expression, Nyamsi la tient à la fois de la Constitution française et de la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée à Paris le 10 décembre 1948. En outre, quand il fustige le soutien des dirigeants français à des régimes incompétents et violents, leur ingérence dans nos affaires, le pillage de nos ressources naturelles ou le maintien des bases militaires françaises sur le continent, ce n’est que la stricte vérité.
Cela dit, Nyamsi devrait-il s’étonner de subir le même traitement que les Bokassa, Mobutu, Houphouët, Senghor et Compaoré confrontés à des difficultés ou à des crises ? Ces présidents furent lâchés ou oubliés par la France. Et pourtant, ils avaient beaucoup fait pour elle, avaient tout donné pour son rayonnement. Soro Kigbafori, après avoir été soutenu par Paris contre les Ivoiriens qui voulaient prendre leur destin en main, fut prié de quitter le territoire français le 7 novembre 2020. Nyamsi, proche et scribe de Soro, pouvait alors comprendre qu’il était désormais dans le collimateur de Macron.
"Les peuples ne retiennent rien des leçons de l’Histoire." Nyamsi, qui enseigne la philosophie, devrait connaître cette idée de Hegel. Ni lui ni "le leader générationnel" ne semblent avoir été instruits par la manière dont furent traités ceux que l’on considérait comme les chouchous de la France en Afrique. L’ivresse du pouvoir et de l’argent était telle qu’ils ne se souvenaient plus que le pays de Charles de Gaulle n'a pas d'amis mais des intérêts. Heureux et fiers d’être dans les bonnes grâces de la France, ils se croyaient tout permis. Bref, en se laissant instrumentaliser par l’ancienne puissance colonisatrice qui trouvait Laurent Gbagbo moins accommodant que Dramane Ouattara à qui on prêtait toutes les qualités, Nyamsi et Soro étaient persuadés qu’ils étaient devenus les amis de Chirac, de Sarkozy ou de Macron. Ils avaient cependant oublié que, avant eux, un certain Meka, dans « Le vieux Nègre et la médaille » de Ferdinand Oyono, avait nourri une telle illusion jusqu’au jour où il fut arrêté, bastonné et emprisonné par la police des Blancs.
par Mamadou Sene
MANGONÉ, L’AMI, L’INTELLECTUEL ET L’AFRICAIN FONDAMENTAL
Mangoné Niang est de la race de ces géants d’Afrique sur les épaules desquels nombreux sont ceux qui se sont perchés et se perchent encore pour observer et comprendre notre continent et le monde
Il y a dix ans, presque jour pour jour, installé à Conakry, je recevais de Niamey, comme un uppercut en plein ventre, la nouvelle de la disparition de Mangoné Niang à Dakar. Il était à quelques jours de ses 67 ans. Pour tous ses amis, ce fut une vie prématurément interrompue, une vitalité intellectuelle et une intelligence rare tôt éteintes. Pour moi, ce fut une des mauvaises nouvelles les plus inattendues et les plus dévastatrices ; inattendue parce que rien ou presque rien ne la laissait entrevoir dans les derniers instants du dialogue épistolaire soutenu – par emails –, que nous entretenions depuis plus d’une douzaine d’années ; dévastatrice parce que Mangoné – comme tout le monde l’appelait affectueusement – a été pour moi, comme pour beaucoup d’autres, un véritable et bon ami.
« Mais qui est-il donc, ce Mangoné Niang ? » C’est, selon le récit qu’en fait Boubacar Boris Diop dans son hommage à Mangoné[i] de décembre 2012, l’interrogation lancée par ce lecteur, qui, après avoir lu un article de notre ami, « avouait ainsi sa stupéfaction de n’avoir jamais entendu parler d’un intellectuel sénégalais à l’esprit aussi puissant et incisif».
Ce Mangoné Niang a été pour moi entre la fin août 1999 et la mi-décembre 2012 un véritable ami, un bon ami, une partie de moi, un kharit[ii], comme disent les Wolof. Nous avions noué cette amitié à Niamey, ville que j’ai rejointe en 1999 et où il travaillait et vivait déjà depuis le début des années 1980.
Notre première rencontre a eu lieu en septembre 1999 dans mon bureau dans la banque où je venais de prendre fonction quelques jours ou semaines auparavant. Il m’avait été présenté comme étant le Directeur du bureau de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). Il l’était, mais il n’était pas que le représentant au Niger d’une organisation panafricaine cacochyme, dont l’Union Africaine (UA) devait prendre le relais. Il était aussi et surtout le Directeur du Centre d'Études Linguistiques et Historiques par Tradition Orale (CELHTO), aujourd’hui bureau spécialisé de la Commission de l'UA basé à Niamey.
A priori ils partageaient peu, l’intellectuel qu’il était et le banquier que j’étais, l’homme de lettres et celui des chiffres, le sorbonnard ancien de l’EHESS[iii] et l’HEC[iv], le manieur de concepts et le manieur d’argent. Mais la réalité est plus complexe que les apparences et les a priori. Tous deux, nous avions la même exigence de comprendre le réel dans sa globalité et sa complexité. L’intellectuel en bon connaisseur de Marx savait que l’être économique et social des hommes déterminait leur conscience, d’où son intérêt non feint pour l’économie et la finance. Le banquier avait compris depuis longtemps que le comportement du consommateur, c’est-à-dire celui du client, était aussi influencé par des facteurs sociaux, outre les facteurs personnels et psychologiques. Le banquier a vite vu que l’intellectuel n’était pas rétif aux chiffres et l’intellectuel a vite compris que le banquier avait quelques lettres. Tous deux, nous étions convaincus que l’Afrique devait vivre et philosopher en même temps, c’est-à-dire creuser en même temps et avec la même énergie et la même profondeur le sillon économique et le sillon culturel, nous éloignant ainsi de la maxime latine Primum vivere deinde philosophari[v]. Alors s’est nouée, jusqu’à ce que mort nous sépare, une véritable amitié.
Aristote nous a enseigné il y a 25 siècles : « Un bon ami est un ami qui nous élève[vi] ». Mangoné a toujours élevé le plus haut possible ceux qu’il a aimés. Et pour l’intellectuel africain qu’il était, élever ceux qu’il aimait, c’était vivre avec eux les deux passions de sa vie : l’Afrique et les livres.
Mangoné a partagé avec moi, pendant nos treize années d’amitié une bonne part de ce que sa pensée lumineuse a produit : réflexions, textes présentés dans de multiples conférences, symposiums et séminaires, notes de lectures etc. Ces derniers jours, j’ai parcouru de nouveau avec beaucoup d’émotion et de bonheur mêlés certains de ses écrits : Le jeu et la parole[vii], une réflexion philosophique et anthropologique ; Le Veilleur de Jour[viii], un hommage au Professeur Joseph Ki-Zerbo ; Mémoire et Modernité[ix] et Pour une pédagogie de progrès[x], deux réflexions profondes sur des problématiques de l’heure. Pendant treize années, suivant en cela le conseil de Montaigne à ses contemporains, je me suis évertué à frotter et limer ma cervelle contre celle de mon ami[xi]. Ainsi, si d’autres ont pu louer la clarté aronienne, j’ai pour ma part pu admirer la clarté mangonéenne. Je ne l’ai jamais trouvé englué dans la fange du langage jargonnant, ni dans l’affectation de la pensée complexe, ni dans la nébulosité du propos, si courantes chez maints intellectuels. Chez Mangoné, la clarté, la rigueur et l’intelligibilité étaient toujours de mise, du moins lorsque le commerce était avec moi.
Mangoné ne partageait pas seulement ses propres réflexions, il aimait beaucoup aussi diffuser celles des autres, notamment celles de ses amis. Que de fois ne m’a-t-il parlé du dernier livre, du dernier papier, de la dernière intervention de l’un ou l’autre. Que de fois ne m’a-t-il parlé de Boris, de Penda, d’Abou, de Tierno, de Mamoussé, de Mandiaye et de tant d’autres, comme s’ils étaient nos amis communs. Tous ces hommes et femmes de culture, que je ne connaissais pas personnellement, m’étaient devenus familiers, sans doute grâce à leurs écrits, mais aussi grâce à tout le bien que Mangoné a pu me dire d’eux. Au fil du temps, au gré de leurs venues au Niger ou de mes déplacements au Sénégal, j’ai eu l’occasion d’en rencontrer certains à Niamey ou à Dakar. En effet, à l’occasion des invitations autour d’un méchoui dont Mangoné honorait tous ses amis de passage à Niamey, j’ai eu par la suite le plaisir de faire la connaissance de certains parmi eux : l’historienne Penda Mbow, le philosophe Mamoussé Diagne, l’écrivain Tierno Monénembo. À Dakar, à l’occasion d’une invitation à dîner de Penda Mbow, j’ai eu le plaisir de rencontrer Abou Tall, le banquier-philosophe. Chaque fois que son nom arrivait dans nos conversations, Mangoné le présentait ainsi et ne manquait pas de me glisser avec beaucoup d’amitié et de bienveillance « Abou et toi, vous êtes mes deux amis banquiers-philosophes ». Tout aussi amicalement, je lui glissais du tac au tac « Mangoné, tu m’aimes trop bien, mais laisse-moi à ma place ! Le fardeau du banquier est déjà trop lourd ! ne m’en ajoute pas !».
Mangoné me faisait souvent l’amitié de me présenter les intellectuels africains qu’il recevait à Niamey au CELHTO. Aussi, ai-je eu le plaisir de croiser à Niamey dans son bureau Cheikh Hamidou Kane. Jeune cadre dans l’industrie, je l’avais déjà croisé de loin dans les années 1980 en sa qualité de Ministre du Plan et de la Coopération, puis de l’Industrie du Sénégal, mais la rencontre avec Cheikh Hamidou Kane, la grande figure des lettres africaines, avait une saveur toute autre.
A Niamey, il ne tarda à me présenter son ami Jean-Pierre Olivier de Sardan, anthropologue comme lui, qui conduit des recherches au Niger depuis les années 1960. Si ma mémoire ne me trahit pas, le dernier de ses amis dont il m’a parlé dans les derniers mois de sa vie est le Professeur et philosophe Paulin Hountondji, qu’il a appelé mon vieil ami dans le mail de juillet 2012 qu’il m’a envoyé. Une ou deux fois, il m’a informé qu’il allait se réfugier au Centre Africain de Hautes Études de Porto-Novo dont son ami est le Directeur. Peut-être en avait-il fait un de ses lieux de retraite intellectuelle.
Mangoné aimait la réflexion, le débat, l’échange d’idées, mais jamais la dispute, ni disputation. En définitive, j’ai le sentiment qu’il aurait toujours voulu que ses amis fussent tous amis et le dialogue avec chacun d’entre eux fut un dialogue entre tous. Peut-être aujourd’hui voudrait-il, là où il se trouve, que ses amis poursuivent ensemble les débats et réflexions qu’ils menaient avec chacun d’entre eux.
Mais qui est-il donc, ce Mangoné Niang ?
Ce Mangoné Niang aimait ardemment les livres. Il en A beaucoup acheté, beaucoup lu, beaucoup offert et beaucoup soutenu. Je ne sais pas si, comme Jean-Paul Sartre, il aurait pu écrire : « j’ai commencé ma vie comme je la finirai sans doute : au milieu des livres[xii]. » Je ne sais pas s’il a eu, comme Sartre, « un grand-père qui avait un bureau où il y en avait partout et qu’avant de savoir lire, déjà, il les révérait, ces pierres levées ». Je ne sais pas s’il a eu, comme Souleymane Bachir Diagne, un père qui était un « boulimique de la lecture » qui « aimait les livres, tous les livres[xiii] … ». En revanche, je sais que personne au monde n’a aimé et n’a révéré les livres autant que lui. Mangoné a vécu au milieu des livres, je le sais ; il a fini sa vie au milieu des livres, j’en ai l’intime conviction.
Le meilleur cadeau que Mangoné pouvait faire à un ami, c’était un livre. A Niamey, ville où le livre n’était pas une denrée courante, il ne rentrait pas d’un voyage, sans m’en ramener au moins un et m’en conseiller d’autres. Au détour d’une discussion que nous avons eue au début des années 2000 à propos de la baisse de la lecture chez les jeunes, j’ai eu à évoquer le goût assez prononcé de ma fille pour la lecture. A compter de ce jour, il ne se passait pas un mois sans que Mangoné lui offrit un livre.
Mais qui est-il donc, ce Mangoné Niang ?
Ce Mangoné Niang était aussi en sa qualité de Directeur du CELHTO, un vrai protecteur des lettres, apportant soutien matériel, intellectuel et relationnel aux écrivains et aux chercheurs. Ainsi, Tierno Monenembo a rappelé dans l’hommage[xiv] qu’il lui a rendu en décembre 2012 le soutien important qu’il lui a apporté pour la rédaction de son roman Peuls[xv] pendant toute sa gestation qui a duré au moins une dizaine d’années. Il lui a ouvert son carnet d’adresses au Nigeria et l’a mis en contact avec des archéologues, des traditionnalistes et des chercheurs, notamment ceux des universités de Sokoto, Kaduna et Zaria. Boubacar Boris Diop, lui aussi, nous a appris dans son hommage à Mangoné, qu’il a bénéficié d’une bourse de trois mois du CELHTO pour terminer au Niger son roman Les traces de la meute[xvi]. Bien évidemment, des intellectuels et écrivains de toute l’Afrique, du nord au sud, d’est en ouest, ont bénéficié du même appui décisif de Mangoné et du CELHTO.
A mes yeux, sa grande œuvre et celle du CELHTO au cours des années où il a dirigé le Centre, a été le travail de redécouverte de la Charte de Kurukan Fuga. La Charte est un ensemble de principes, de droits et d’obligations établi lors de l’Assemblée constitutive de l’Empire du Mandé qui se tint en 1236 aux lendemains de l’historique bataille de Kirina, sur le plateau de Kurukan Fuga dans l’actuel Mali. Elle a été proclamée cinq siècles avant la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Dans l’avant-propos de l’ouvrage présentant la Charte, Mangoné la définissait ainsi : « L’acte de Kurukan Fuga, parce qu’il correspondait au sacre de Soundiata, était la célébration d’un code juridique, certes élargi et plus détaillé, qui devait à partir de ce moment-là prendre force de loi pour toutes les communautés du Mandé. Les énoncés constitutifs portent sur l’organisation sociale, la gestion des biens et celle de la nature. » Pour cette reconstitution, fort de sa science, de sa notoriété et de ses capacités d’organisation, Mangoné a su, grâce à son obstination et sa détermination, faire travailler ensemble des historiens traditionnistes – les djeli –, des historiens modernes, des théoriciens du texte, des juristes, des environnementalistes, des philosophes etc.
Mais qui est-il donc, ce Mangoné Niang ?
Ce Mangoné Niang était anthropologue et linguiste de formation. Il a surtout été pendant toute sa vie un éminent chercheur et un grand intellectuel africain. Ses deux alma maters sont des plus prestigieuses de France : l’Université Paris 1 – Sorbonne pour l’anthropologie, la littérature orale et les études africaines ; toujours à Paris, l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) pour l’anthropologie et la linguistique.
Cette formation à bonne école l’a armé à jamais dans sa vie professionnelle et dans sa vie tout court. Mangoné ne parlait jamais de sa personne. Lorsque nous nous sommes connus, il était déjà Directeur du CELHTO. De ce que j’ai su – par d’autres sources que lui –, l’essentiel de son parcours professionnel s’est déroulé au CELHTO où il a occupé la fonction de Chef de l’Unité Linguistique de 1980 à 1998 et ensuite celle de Directeur de 1998 à 2008. Dans la seconde moitié des années 1970, avant de rejoindre le CELHTO, il a été Chercheur-Vacataire à la Délégation Générale de la Recherche Scientifique et Technique (DGRST) à Paris.
Par ailleurs et parallèlement à ses fonctions au CELHTO, il a rempli de nombreuses autres missions, notamment celles de membre du Conseil International Francophone des Langues (CIFLA) de l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie (AIF), de Coordonnateur de la Traduction en Hausa de l’Histoire Générale de l’Afrique avec M. Ibrahim Makoshi, Directeur de la Hausa Studies Center de Danfodiyo University of Sokoto, Nigeria, de Coordonnateur de la numérisation des traditions orales et des cultures africaines pour l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique Centrale et l’Océan Indien au CELHTO.
Pendant toutes ces années, il a participé et contribué à une multitude de réflexions, d’études, de symposiums et d’ouvrages dont l’Afrique, sa culture, ses langues et sa mémoire étaient les thèmes centraux. Mangoné – un prénom typiquement de chez nous – réfléchissait et écrivait sur tout, quelques lignes, quelques feuillets, plusieurs pages etc. Y passaient les thèmes les plus divers : les cultures et langues africaines, les questions de mémoire, l’État africain, les difficultés de la démocratie, l’intégration africaine, les conflits, leur prévention, les médiations traditionnelles et modernes, les hommages aux hommes et femmes de culture etc. Aussi, je formule ici le vœu de voir un jour sa famille et ses amis recenser, rassembler et publier ses très nombreux écrits, pour en faire le legs de Mangoné aux générations actuelles et futures.
J’écrivais au début de cet hommage que l’Afrique était pour Mangoné la passion de sa vie. Il l’aimait ardemment et la plaçait au-dessus de tout. Mais il ne perdait jamais sa lucidité. Rien de ses faiblesses et de ses échecs ne lui échappait. Quand il arrivait à l’Afrique de faillir, à l’excès ou modérément, il en souffrait toujours beaucoup. Combien de fois l’ai-je entendu dire « j’ai honte », parce qu’un pays africain a dérogé au rang qui devait être le sien.
Aimé Césaire se définissait comme le nègre fondamental. « Nègre je suis et Nègre je resterai. » clamait-il. Pour moi, Mangoné a été l’Africain fondamental, l’Africain de toute l’Afrique, de toutes les causes africaines. Africain il a été, africain il est resté toute sa vie. Il est de la race de ces géants d’Afrique sur les épaules desquels nombreux sont ceux qui se sont perchés et se perchent encore pour observer et comprendre notre continent et le monde. Les hommages sincères que Mandiaye Gaye[xvii] , Boubacar Boris Diop et Tierno Monenembo, – chacun avec ses mots et son cœur – , lui ont rendus à sa mort en constituent des témoignages éloquents. Le mien, dix ans après, se veut modestement être un rappel.
Mangoné, tu as laissé ta trace sur ta terre d’Afrique. Repose en Paix ! Puissent tes amis et ta famille perpétuer ton legs ! Puisse ce legs être partagé par les hommes et femmes d’Afrique et d’ailleurs !
Mamadou Sene est un parmi les amis de Mangoné Niang, ancien Directeur Général de banque
[xvi] Boubacar Boris Diop, Les traces de la meute, L’Harmattan, 2000.
[xvii] Mandiaye Gaye, Hommage à Mangoné Niang, le militant intransigeant de toutes les justes causes, Xalimasn, mercredi 12 décembre 2012.
par Babacar Gueye MBAYE
LES DÉPITÉS MASSATA SAMB ET MAMADOU NIANG, VOUS AURIEZ DU AVOIR HONTE
Messieurs les dépités, avant de penser à s’attaquer à l’honorable Amy NDIAYE pour désacraliser la femme, qui incarne des valeurs intrinsèquement africaines et notamment sénégalaises, vous auriez dû penser aux fonctions des députés...
Messieurs les dépités, avant de penser à s’attaquer à l’honorable Amy NDIAYE pour désacraliser la femme, qui incarne des valeurs intrinsèquement africaines et notamment sénégalaises, vous auriez dû penser aux fonctions des députés, qui doivent refléter les valeurs du peuple qu’ils représentent. Ce peuple qui fait de la femme un être sacré vu sa place dans la société.
Vous auriez dû avoir honte de s’attaquer si lâchement à une maman, en pensant uniquement à la sacralité d’une mère de famille qui est le symbole de l’amour et du sacrifice.
Vous auriez dû avoir honte de donner un coup de pied ou une gifle aussi horriblement à une épouse, qui est le symbole de la bravoure et de la solidarité par respect aux siennes.
Mais vous auriez dû avoir plus honte d’avoir terni l’image de l’homme sénégalais, en bafouant un principe immuable de la société sénégalaise.
En commettant ces atrocités
Avez-vous pris la peine de mettre vos mamans ou vos épouses à la place de l’honorable Amy NDIAYE ?
Avez-vous pris la peine d’imaginer la réaction qu’ aurait vos enfants si c’était leur mère qui était agressée de la sorte ?
Sûrement vos désirs machiavéliques, vous ont poussé à faire fi des règles de base de l’hémicycle qui, par essence, est le symbole de la démocratie pour assouvir votre haine vis à vis de cette dame qui, rappelons-le, n’a pas cité de nom, ni insulté, mais uniquement rappelé des faits avec virulence.
Cependant, Messieurs les dépités vous allez avoir plus honte car les Sénégalais vont se désolidariser avec de telles absurdités à l’endroit de la femme.
Vous allez perdre l’estime qui vous restait auprès des Sénégalais.
Vous allez comprendre que les fondements de la nation sont indéniables et qu’un combat politique ne peut avoir un échos favorable que s’il est basé sur le respect et la considération qui sont notamment les ciments de la nation sénégalaise.
Messieurs les dépités, je pense qu’il est temps pour vous de présenter des excuses publiques pour montrer un peu de grandeur, ne serait-ce que pour votre famille, qui mérite un meilleur comportement de votre part.
Par ailleurs, que justice soit rendue car, de tels actes ne peuvent rester impunis.
En effet, selon l’alinéa 3 de l’article 51 du règlement intérieur de l’assemblée « le député pris en flagrant délit ou en fuite, après la commission de faits délictueux, peut-être arrêté, poursuivi et emprisonné sans l’autorisation du bureau de l’assemblée nationale ».
À Amy NDIAYE , une soeur, une maman pour d’autres et une fille pour certains, cette dame forte qui a su montrer engagement et abnégation pour être aujourd’hui député, par des sacrifices énormes dans le combat politique, je lui réitère tout mon estime et tout mon amour fraternelle.
Je l’encourage à poursuivre sa démarche très courageuse notamment de répondre aux attaques politiques formulées en l’encontre de son Excellence Macky SALL, par des réponses factuelles.
Les tristes 50 ans des Nouvelles éditions africaines du Sénégal : Que d’émotion en évoquant et en écrivant sur les Nouvelles Éditions Africaines du Sénégal !
Que d’émotion en évoquant et en écrivant sur les Nouvelles Éditions Africaines du Sénégal !
On connait son baptême du feu : nous sommes en 1972 quand un chef d’État bien particulier décida de créer avec des pays amis, la Côte-d’Ivoire et le Togo, une maison d’édition. Je me rappellerai toujours ce que Senghor m’avait confié en me recevant tout jeune, alors que je venais de publier ma première œuvre poétique qui me fit connaitre à l’époque et aujourd’hui encore : MANTE DES AURORES ! Des années 70 à 2022, cinquante-deux ans se sont écoulés. Le temps de vivre er de mourir. Beaucoup nous ont quittés. Les meilleurs. Irremplaçables dans mon cœur. Sédar me dit ceci : « si j’ai tenu à fonder cette maison d’édition, c’est qu’il s’agit de faire naitre une nouvelle génération de poètes et d’écrivains qui nous succéderont. Je vais nommer un Premier ministre pour assurer au Sénégal une relève politique sereine. Mais le plus important pour moi, est de voir surgir une nouvelle génération de poètes et d’écrivains. C’est cela qui est durable. C’est cela qui reste. Je reçois régulièrement toutes les parutions des NEA et je les regarde de très prés. Votre recueil est prometteur et vous êtes jeune. Aujourd’hui, seul le poète congolais Tchicaya Utamsi tient la rampe haute en Afrique. Je veux de grands poètes au Sénégal. Travaillez encore et encore. Je vous suis désormais et je vous encourage ».
C’est, sans tarder, le lieu d’évoquer la mémoire d’hommes exceptionnels qui, dans les années 70-80, ont donné aux N.E.A de l’époque, toute sa splendeur : le charismatique Directeur Général Mamadou Seck, qui nous gâtait avec de l’argent de poche solide et des encouragements à élever notre niveau d’écriture.
Roger Dorsinville, directeur littéraire d’une culture « pharaonique », rigoureux, intraitable, si généreux et si affectueux. C’est dans son bureau, un jour, qu’il me présenta une grande dame du nom de Mariama Ba. « Tu entendras longtemps parler d’elle », me ditil. Il me parla du manuscrit « Une si longue lettre ». Mariama était devenue une grande amie. Roger Dorsinville m’aura véritablement montré le solide chemin du travail d’écrivain.
Pour l’histoire, je lui avais soumis cinq recueils de poésie à la fois. Après les avoir lus, il me fit appeler et me dit ceci : « Vous n’êtes pas fait pour la poésie. Elle est exigeante. Je sais que vous l’aimez beaucoup, mais essayez-vous à la nouvelle ou au roman. Vous aurez plus de chance d’être édité un jour. Votre poésie n’a rien d’original. L’on constate que vous avez beaucoup, beaucoup lu, mais cela vous a desservi car vous n’arrivez pas â être vous-même. C’est mauvais, ce n’est pas bon. Laissez tomber la poésie. Écrivez autre chose. » Ces mots seront partagés par Lyliane Kesteloot qui était mon professeur à la faculté des lettres de Dakar. Plus tard, elle écrira qu’elle s’était trompée. Peut-être pas. Dans 50 ans, le vrai verdict tombera, même si le dictionnaire m’a fait une place dans la poésie.
Des années passèrent jusqu’au jour où je remis au directeur littéraire des NEA, tremblotant et anxieux, le manuscrit de MANTE DES AURORES. On connait la suite heureuse… et la rencontre avec Senghor.
Et puis comment ne pas nommer Madieyna Ndiaye, le grand frère affectueux et redoutable critique qui travaillait aux côtés de Roger Dorsinville. Avec ces deux, on prenait tout son temps avant d’aller leur remettre un manuscrit. On savait ce qui vous attendait.
L’écriture n’est pas un jeu. Le compte d’auteur a affaibli la production littéraire sénégalaise ainsi que la pléthore de maisons d’édition pareilles aux partis politiques sénégalais. L’accès facile et par chèque à l’édition, a tout bouleversé. Les mauvais écrivains ont chassé les bons. Vogue la galère !
C’est toute la chaine de l’édition sénégalaise qui doit être revue, réformée, en partant de l’octroi de subventions par la Direction du Livre et de la Lecture du ministère en charge de la Culture. Cette Direction a beaucoup fait. Il s’agit maintenant de faire mieux en refondant le Fonds d’Aide à l’Édition en le rendant plus efficace, moins éparpillé, plus ciblé, mieux orienté et plus généreux dans sa dotation aux meilleures maisons d’édition de la place.
Le catalogue doit faire partie des outils de mesure et des critères d’attribution. Je vais conclure en allant à l’essentiel : il y a longtemps maintenant que le sauvetage des Nouvelles Éditions Africaines du Sénégal, dure et dure encore. Nombre de ministres de la Culture sont passés sans pouvoir trouver une solution à l’impasse douloureuse. Les NEAS agonisent.
L’État s’est engagé à sauver cette structure qui est un patrimoine solide, mais l’État tarde et il tarde trop. Il est temps de passer à l’action concrète et non aux promesses et caresses infinies et sans lendemain. Cela bloque depuis nombre d’années. Ce dossier doit désormais être pris en charge en priorité absolue par le ministère des Finances en collaboration avec le ministre de la Culture Aliou Sow fort pratique, dès lors que Monsieur le président de la République qui ne peut pas tout faire par lui-même, avait donné les directives nécessaires pour sauver les NEAS. Mais toujours rien, comme si les directives du chef de l’État faisaient plutôt sourire ! D’ailleurs on s’y habitue, alors que le Président a fait son job ! Le temps passe et les NEAS ont depuis longtemps les deux pieds dans la fosse. Reste le travail de la pelle ! On s’apitoie, on compatit, et puis on va dormir tranquille.
Les NEAS comme Présence Africaine sur la place de Paris, sont un patrimoine inestimable. Présence Africaine a eu plus de chance et a été souvent plus considérée et plus entendue que les NEAS. Les Grands Blancs, redoutables et féroces éditeurs du nord, étaient venus l’éventrer et choisir les meilleurs morceaux. Elles ont résisté. Vite, rendons-leur leurs faste d’antan en rendant hommage à Senghor son fondateur et en honorant ce qu’il nous a laissé comme héritage pour l’esprit. Pour ma part, au nom des miens, c’est-à-dire au nom de tous les auteurs sénégalais publiés dès leur début par les NEAS dans les années 70-80, je salue cette maison d’édition qui mérite notre respect et notre attention. Beaucoup d’entre nous ont disparu.
Il est difficile de les citer tous, le temps ayant fait son effet sur la mémoire : Ibrahima Sall, Mariama Ba, Abdou Anta Ka, Fatou Ndiaye Sow, Mamadou Traoré Diop, Kiné Kirama Fall, Aminata Maïga Ka, Mbaye Gana Kébé, Mame Seck Mbacké, Ndèye Coumba Mbengue Diakhaté… Si nous voulons être sauvés, sauvons l’esprit, sauvons le livre ! Mais lire est une culture, une soif, un désir presque sexuel -excusez la filiation-. La quête effrénée de l’argent à tout prix et le poids écrasant et gagnant de l’inculture, ont tout détruit et installé le désenchantement et la ménopause. Mais le livre vivra ! Les NEAS méritent au plus vite un conseil présidentiel si les médecins à son chevet ont perdu jusqu’à leur dernière seringue !Il est temps de faire preuve d’autorité et d’efficacité !
Amadou Lamine SALL
Poète Lauréat des Grands Prix de l’Académie française
Par Mohamed Bachir DIOP
L’HOMME QUI A PROVOQUE LA GUERRE DE SECESSION DU BIAFRA AU NIGERIA
Ojukwu était un militaire et un homme politique nigérian. Il a été le chef de la guerre de sécession du Biafra, à la fin des années 1960
Ojukwu était un militaire et un homme politique nigérian. Il a été le chef de la guerre de sécession du Biafra, à la fin des années 1960. Licencié en histoire contemporaine à Oxford et diplômé de la Mons Officer Cadet School, il devient gouverneur militaire de la Région de l’est (Eastern Region) au Nigeria à partir de janvier 1966. Il proclame l’indépendance du Biafra le 30 mai 1967 et devient le chef militaire de la province sécessionniste.
Auparavant, il s’était installé dans l’État d’Enugu au sud-est du pays. Il se présente à des élections, notamment aux sénatoriales de 1983, mais n’est pas élu. De nouveau candidat à l’élection présidentielle de 2003, l’ancien chef rebelle biafrais est alors l’une des composantes majeures de l’opposition, avec son parti La Grande alliance pour le progrès (« All progressive grand alliance »). Ilse fait ensuite plus discret avant de mourir le 26 novembre 2011 à Londres, à l’âge de 78 ans.
La guerre du Biafra est une guerre civile au Nigeria qui s’est déroulée du 6 juillet 1967 au 15 janvier 1970 et a été déclenchée par la sécession de la région orientale du Nigeria, qui s’auto-proclame République du Biafra sousla direction du colonel Ojukwu.
Le blocus terrestre et maritime du Biafra par les troupes gouvernementales provoque, dans la région, une famine qui aurait entraîné la mort d’un à deux millions de personnes. Cette guerre est largement couverte par les médias étrangers, d’autant que le photojournalisme est en plein essor, et expose aux populations occidentales le dénuement du tiers monde. Une des conséquences de cette guerre est l’évolution de la doctrine de l’aide humanitaire qui prône la médiatisation intense des conflits et une ingérence directe pour venir en aide aux réfugiés, matérialisée par la création en 1971 de l’organisation caritative d’origine française Médecins sans frontières.
Le Nigeria, qui acquiert son indépendance en 1960, était alors le pays le plus peuplé d’Afrique avec 40 millions d’habitants. Il l’est toujours d’ailleurs. Une population divisée en 250 ethnies, dont les trois principales sont les Haoussas, les plus nombreux, majoritairement musulmans et vivant au nord ; les Yorubas, musulmans et chrétiens vivant à l’ouest et au sud-ouest ; et les Igbos (ou Ibos), majoritairement chrétiens et animistes, qui vivent au sud-est et détiennent la majorité des postes dans l’administration et les commerces.
Largement christianisés et alphabétisés par les missionnaires, lesIgbos ont été favorisés par l’administration britannique soucieuse de diviser le pays et mieux asseoir sa domination. De plus, la plupart des mines de charbon et des réserves de pétrole du pays sont situées à l’est du delta du Niger, où vit la majorité des Igbos. De 1960 à 1966, les deux partis politiques haoussa et igbo s’allient pour diriger le Nigeria, excluant de fait les Yorubas. Les autres ethnies, se sentant lésées à différents niveaux, s’opposent aux Igbos et les tensions montent jusqu’à atteindre un paroxysme en 1966.
Les Yorubas soutenaient jusqu’alors un parti réformiste à tendance progressiste, opposé au bloc conservateur des musulmans du Nord, l’Action Group. Ils mènent alors un coup d’État qui conduit à la formation d’un parti yoruba plus conservateur, le NNDP, et forment une alliance avec les Haoussas. Les composantes de cette nouvelle alliance politique excluent les Igbos du pouvoir et les menacent de leur confisquer leurs richesses, tirées notamment du pétrole.
Lors des élections de 1965, l’Alliance nationale nigériane (Nigerian National Alliance) des Haoussas, alliée aux membres conservateurs yorubas,s’oppose à la Grande Alliance progressiste unie (United Progressive Grand Alliance ou UPGA) igbo, alliée aux membres progressistes yoruba. L’Alliance nationale nigériane, menée par Sir Abubakar Tafawa Balewa, remporte la victoire avec une écrasante majorité (toutefois entachée par des soupçons de fraude électorale massive). Des officiers igbos à tendance gauchisante renversent alors le gouvernement et placent le général Johnson Aguiyi-Ironsi à la tête de l’État le 15 janvier 1966. Ironsi met fin le 24 mai 1966 au fédéralisme et renforce la domination de la capitale, mais les tensions s’attisent dans le pays. Une rébellion antiigbos éclate dans le Nord, déclenchant un exode massif vers la province de l’Est, et les massacres provoquent plus de 30 000 morts. Ironsi est assassiné le 29 juillet 1966 et un autre coup d’État instaure un gouvernement fédéral militaire. La junte, en majorité musulmane, place à la tête de l’État un officier chrétien, le général Yakubu Gowon, avec pour mission de rétablir la paix dans le pays avant de rendre le pouvoir aux civils. Mais dans le Nord du pays, en majorité peuplé de musulmans, les Igbos, ethnie chrétienne, sont victimes de massacres malgré les tentatives de Lagos de ramener le calme. Le général Gowon modifie les structures administratives du pays, ce qui suscite l’opposition des Igbos, qui perdent alors le pétrole, présent principalement à l’est du Delta et est exploité par les compagnies pétrolières Shell et British Petroleum (BP).
Odumegwu Emeka Ojukwu, le gouverneur militaire de la région de l’Est, fief des Igbos, refuse alors de reconnaître l’autorité de Yakubu Gowon et la tension monte entre chrétiens et musulmans, plaçant le pays au bord de la guerre civile. En janvier 1967, l’accord d’Aburi est proposé au Nigeria au terme d’une médiation ghanéenne. Il prévoit l’abandon de la division du pays en régions afin d’instaurer une République fédérale composée de douze États. Le général Gowon propose de son côté un nouveau découpage administratif qui priverait les Igbos de la grande partie des ressources pétrolières. Ojukwu rejette ces propositions et déclare que tous les revenus générés dans la région de l’Est seront réquisitionnés par le gouvernorat pour faire face au coût du déplacement des dizaines de milliers d’Igbos fuyant le Nord.
30 Mai 1967 : Ojukwu proclame l’indépendance du Biafra
Le 26 mai 1967, le Conseil consultatif de la région de l’Est vote la sécession de la région. Le 30 mai, Ojukwu proclame l’indépendance de la région, qui prend le nom de République du Biafra, avec Enugu pour capitale. L’armée biafraise compte alors environ 100 000 hommes. L’état d’urgence décrété au Nigeria le 26 mai 1967 permet d’instaurer des mesures policières visant à reprendre le contrôle du Biafra mais sans grand succès. Au début du mois de juillet, les forces fédérales franchissent la frontière biafraise et marchent sur Enugu : la guerre du Biafra commence. Au cours de l’été 1967, les forces biafraises contre-attaquent : ayant le contrôle des deux tiers des réserves de pétrole du Nigeria, Ojukwu tente de s’approprier le dernier tiers en traversant le Niger et en envahissant la région du Centre-Ouest, où se constitue une éphémère République du Bénin avec Benin City pour capitale (à ne pas confondre avec l’actuel Bénin, qui correspond à l’ancien Dahomey). Pendant quelques semaines, le Biafra semble même être en mesure de pousser ses incursions jusqu’à Lagos, la capitale du Nigeria.
L’armée fédérale repousse cette contre-offensive et prend peu à peu le contrôle des principales villes, tandis que le territoire du Biafra se réduit au fil des mois comme une peau de chagrin : Ogoja, Nsukka et l’île de Bonny tombent dès le 30mai 1967, Enugu le 28 septembre 1967 (capitale transférée à Umuahia), Port Harcourt et ses champs pétrolifères le 24 mai 1968, Umuahia le 22 avril 1969 (capitale transférée àOwerri) et finalement Owerri le 9 janvier 1970. Avec la chute de Port Harcourt le 24 mai 1968, le Biafra se trouve définitivement privé d’un accès à l’océan Atlantique. La stratégie d’étouffement des poches de résistance biafraise par l’armée nigériane conduit irrémédiablement à l’écrasement sanglant de la révolte. C’est alors qu’Ojukwu s’exile avant de revenir au pays après avoir bénéficié d’une grâce présidentielle. Mais c’est à Londres qu’il s’éteindra le 26 novembre 2011 à l’âge de 78 ans.
Par Baba DIOP
LE DEUIL
Toute de noir vêtue, Tata déclarait être en deuil.
Toute de noir vêtue, Tata déclarait être en deuil. Devant la porte d’entrée de la maison était punaisée une banderole noire surmontée d’une croix, dont on ne savait pas, si elle était de l’ordre de Malte, de la Suisse, de Saint Antoine, de Saint Pierre, de la Lorenne, huguenote, orthodoxe ou papale.
Tata avait benoitement demandé à sa petite fille de lui dessiner une croix avant d’aller chercher tante Marie Diaxoumpa, la pleureuse attitrée de la contrée. Elle accourut tout naturellement flanquée de ses deux pelés et trois tondus auxiliaires.
Quand Marie DiaxouMpa s’enquit du défunt, Tata lui cloua le bec: « Pleure et tais toi » et Marie de répondre « Sans larmes ou avec larmes. Avec cris aigus ou graves. Les tarifs ne sont plus les mêmes depuis la guerre Russie-Ukraine Le prix de l’énergie a subi une hausse Donc… »
Tata agacée, de lui dire « Pleure et tais-toi » Alors s’éleva un concert de cris et de pleurs d’une sincérité plus que douteuse. Tons qui rentrait de voyage laissa tomber son trolley valise. «Ku dé ! » (1) demanda-t-il . Et Tata de répondre : « Xana sunu gaindé yi guéna adina ou mondial bi »(2) et Tons d’un ton désespéré « Kouf mala Tata »(3)
Qui est mort
Sinon les Lions du Sénégal disparus du Mondial
Oiseau de mauvais augure
par Babacar Fall
SÉNÉGAL, D’UNE CRISE À L’AUTRE
EXCLUSIF SENEPLUS - C’est le retour du refoulé, pour beaucoup, avec pour seul bagage l’injure, l’apostrophe grossière, l’invective, témoignant de l’oubli de toutes nos traditions et valeurs de tolérance qui fondent la société sénégalaise
J’ai regardé la vidéo du député de Benno Bok Yakkar, éructant, la bave aux lèvres, index tendu vers d’autres députés, surexcité, hors de contrôle, et appelant à prendre des cordes et des chaînes pour attacher les mains des opposants et les jeter à la mer pour nourrir les poissons. Et le tout sous le regard impavide du président de l’Assemblée, dodelinant de la tête et au pire soutenant ses propos.
Je ne connais pas ce député de la majorité présidentielle qui appelle au meurtre des opposants je ne souhaite surtout pas le connaître. Ce député a ses références, les cordes et les chaînes renvoient à cette période où des négriers et des chasseurs d’esclaves écumaient les côtes d’Afrique pour alimenter ce sinistre commerce. Dans ses propos, j’ai cru comprendre que si le président Macky l’ordonnait, il mettrait ses projets à exécution. Que Dieu nous garde de ces illuminés.
Un autre, triste individu, a menacé de marcher sur les cadavres des opposants au 3ème mandat de Macky.
Jeudi 1er décembre, on a assisté, sidéré, à ce spectacle odieux d’un député de l’opposition, membre du PUR, giflant une de ses collègues, parce que c’est une femme et qu’elle avait, de surcroît, fait des allusions à son mentor et guide religieux lors d’une séance précédente. La politique et la religion ne font jamais bon ménage. Ce député doit être condamné pour cet acte qui nous ramène à toutes les violences que subissent quotidiennement les femmes sénégalaises.
Désormais, ces jours-ci, les citoyens sénégalais se réveillent chaque matin, attendant les nouvelles, plus lamentables les unes que les autres, en provenance de l’Assemblée nationale, avec un sentiment immense de honte nationale.
Qu’avons-nous fait pour mériter ça ?
J’ai toujours considéré, comme réactionnaire et relevant d'une analyse déterministe de la société, cette assertion qui dit que toute nation a le gouvernement qu’elle mérite.
J’ai toujours préféré Alexis de Tocqueville, qui considérait que la Providence n’a créé le genre humain ni entièrement indépendant, ni tout à fait esclave.
Et autour de chaque homme disait-il, il y a certes une fatalité ou, dirions-nous aujourd’hui, des déterminismes sociaux ou de classe, mais ils sont vastes et l’homme est puissant et libre.
Ainsi, les tyrans ne sont grands que parce que les peuples sont à genoux.
Cette institution, l’Assemblée nationale, nous citoyens sénégalais, l’avons gagnée et instituée comme la représentation politique éminente de la nation. Nous avons élu ceux qui y siègent avec nos suffrages.
Mais nous ne sommes pas responsables de leurs turpitudes, de leurs bassesses. Pas en notre nom, mesdames, messieurs. Nos suffrages méritent mieux.
Je pense à tous ceux qui ont bâti la réputation de cette Assemblée, dont la culture politique, l’élégance des propos et la posture républicaine rayonnaient dans ces lieux.
Lamine Guèye, Amadou Cissé Dia, Habib Thiam, Daouda Sow, Cheikh Khadre Sissoko, pour ne citer que ces éminents parlementaires, ont présidé cette Assemblée et ont laissé l’héritage d’un parlementarisme sénégalais inscrit, désormais, comme un des piliers de notre République.
Cette législature a débuté sous de sombres augures, avec des législatives manipulées par le régime de Macky Sall. Ce qui n’a pas empêché qu’il boive la tasse jusqu’à la lie, une totale bérézina électorale.
Et pour la première fois dans notre démocratie, un gouvernement est sans majorité parlementaire avérée. Avec des députés élus, dont la seule consigne, reçue du président lui-même, est une posture de lutteur avec comme chef de meute le griot himself du chef. On a du mal à le comprendre, pour ceux qui croient à un Sénégal moderne affranchi de cette mentalité féodale.
Dans le spectacle offert à longueur de retransmission, mais qui devrait être interdit aux enfants, on entend fuser des insultes si grossières, qu’on doit se pincer pour croire que l’on se trouve vraiment au Parlement sénégalais, siège du pouvoir législatif, à lui confié, par nous citoyens.
On n’est pas surpris de voir Macky Sall dérouler son programme énoncé auprès de ses militants à Kaffrine en 2015 : « je veux réduire l’opposition à sa plus simple expression. »
Et dans une asymétrie presque parfaite, une partie des députés de l’opposition veut en découdre, marquer son territoire, pour lui montrer qu’il est minoritaire dans ce pays, même s’il faut, pour cela, transformer l’Assemblée nationale en arène.
On vitupère. On interpelle. On se marque. Il n’y a plus de nuances, le combat est frontal.
C’est le retour du refoulé, pour beaucoup, avec pour seul bagage l’injure, l’apostrophe grossière, l’invective, témoignant de l’oubli de toutes nos traditions et valeurs de tolérance, de respect de l’autre, de tempérance dans les actes, qui fondent la société sénégalaise du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest de ce pays.
On peine à saisir dans les interventions des uns et des autres, un travail de fond dans le débat d’orientation budgétaire et le vote du budget des différents ministères.
On ne débat plus, on ne cherche plus le compromis, qui est l’essence même du parlementarisme, négocier entre groupes parlementaires, dans l’intérêt de la nation.
« Le parlementarisme, c’est la garantie des citoyens, la liberté de la discussion, la liberté de la presse, la liberté individuelle, le contrôle de l’impôt, le droit de savoir ce qu’on fait de notre argent, le contrepoids de l’arbitraire (...) tout cela n’est plus… », disait Victor Hugo dans son pamphlet Napoléon le petit.
À voir notre Parlement actuel, on pourrait penser que ces phrases d’Hugo ont été écrites cette semaine après le spectacle misérable qui nous est offert tous les jours.
J’ai le sentiment qu’on court tout droit vers une crise de régime.
Sieyès définissait ainsi le principe de la légitimité politique : « le peuple ne peut parler et ne peut agir que par ses représentants. »
Dès lors que le président lui-même, par ses actes et ses consignes aux députés de la majorité ne leur confère aucun rôle dans la conduite des affaires de la nation, mais plutôt les assigne à un rôle de chiens de garde, le moment va arriver où les citoyens de ce pays, au nom desquels on prend les décisions, entrent en rébellion ouverte contre les porte-parole institués.
C’est ce qu’on appelle une crise de la représentation engendrant une crise profonde de la délégation de pouvoirs, donc une crise de régime.
L’inculture politique de ceux qui gouvernent aujourd’hui, les aveugle sur leur capacité à faire le dos rond et rester aveugle devant la crise qui arrive à grands pas, multipliée par les conditions de vie de plus en plus difficiles pour la très grande majorité des citoyens sénégalais.
L’histoire politique de notre pays a connu de multiples crises.
Des crises issues de contextes électoraux comme en 1963, en 1988 et en 1993, et des manifestations et des violences qui ont parsemé la journée du 21 juin 2011 contre les tentatives de Wade de modifier le mode de scrutin et celles de janvier contre le même Wade sur le 3ème mandat.
Et si la crise et les manifestations de mars 2021 ont pris une telle ampleur, c’est qu’elles se conjuguaient avec une véritable défiance vis-à-vis du pouvoir de Macky Sall, la gabegie, la corruption de son clan et la dilapidation des maigres ressources économiques par son régime avec ses marchés publics octroyés presque exclusivement aux firmes étrangères.
Alors, attention à ne pas se retrouver, à force de jouer les apprentis sorciers et à esquiver les réponses aux aspirations démocratiques et sociales de la très grande majorité de notre peuple, face à une situation qu’on n’ose imaginer.
En 1852, au début du dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte, Karl Marx écrivait : « Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages de l'histoire se produisent pour ainsi dire deux fois, mais il a oublié d'ajouter : la première fois comme une grande tragédie, la seconde fois comme une farce sordide. »
Il appartient aux républicains de dire maintenant Stop.
Il est temps, maintenant, d’arrêter cette machine infernale qui inéluctablement risque de plonger notre pays dans les abysses.
PAPE ALÉ, NIANG CE JOURNALISTE ORGANIQUE NE MÉRITE PAS LA PRISON
EXCLUSIF SENEPLUS - Il tordait le cou aux commis de la malfaisance financière, aux spécialistes des coups tordus politiques et à tous les bonimenteurs publics. Rendez-nous notre Pape Alé. Il se fait déjà tard
De Pape Alé Niang, l’histoire retiendra sans doute sa brillante contribution au journalisme d’investigation dans une démocratie qui a pris des rides. Au firmament de son art, Pape Alé a choisi de se promener dans les champs de mines de la mal gouvernance et les sentiers administratifs bouffis du vol et du pillage des biens et des richesses publics dont dépendent la survie et l’avenir de millions de Sénégalais. Un avenir largement compromis par les mandats politiques remplis du venin de la tromperie dirigée contre des populations exsangues.
Ce jeune journaliste, formé dans les académies à l’ombre d’ainés dont certains ont marqué l’histoire pionnière du journalisme au Sénégal et en Afrique de l’Ouest, n’a jamais tourné le dos aux miséreux des villages décharnés et des banlieues tristement démunies. Il s’est pleinement investi, jour après jour, et à travers ses fameuses chroniques hebdomadaires toujours attendues par des dizaines de milliers de téléspectateurs et les assidus des nouveaux amphithéâtres que sont les réseaux sociaux, dans une forme de guérilla qu’il savait dangereuse mais à portée de main pour la manifestation de vérités enfouies dans les décombres des « secrets d’État » et les « deals » administratifs maladroitement ensevelis.
Ce qui rend si exceptionnel et cruel à la fois la mise au mitard de Sébikotane de Pape Alé, c’est que ses interventions pédagogiques ont toujours été attendues par des audiences de plus en plus avides d’informations de qualité et de vrais scoops qu’elles savaient ne pouvoir trouver que dans les éditoriaux et les investigations de cet intellectuel organique qui ne s’est jamais laissé griser par un succès mérité. Il tordait le cou aux commis de la malfaisance financière, aux spécialistes des coups tordus politiques et à tous ces bonimenteurs publics qui exercent leur carrière dans les mensonges grossiers et les reniements qui gomment cyniquement les promesses électorales ou envoient dans les cachots et les culs-de-basse-fosse tristement célèbres, les dignes fils d’un pays mis en pièces au bénéfice des centurions de la néo colonie. Aux faux scoops de la démagogie populiste sur une prétendue émergence de notre économie déjà naufragée et comptable de la multiplication des décharnés de l’extrême pauvreté et de la misère la plus indigne, il a toujours opposé un discours mesuré mais ferme toujours soucieux de ne jamais perdre de vue l’équilibre des unités d’information.
Pape Alé n’a fait aucune concession sur la possibilité d’une troisième candidature du président Macky Sall et sur le harcèlement devenu très largement impopulaire du président Ousmane Sonko. Ces deux épines dans le pied du président Macky Sall auxquelles on peut ajouter le détournement présumé de 94 milliards de francs Cfa par l’un de ses collaborateurs les plus proches sont sans doute à l’origine de la querelle engagée contre Pape Alé.
C’est ce journaliste émérite que le président Macky Sall, chef de l’Alliance pour la République, a décidé d’embastiller depuis plusieurs semaines. Des manifestations internationales, nationales et les voix autorisées d’éminents confrères s’exprimant avec compassion sur le sort d’’un Pape Alé dangereusement affaibli par une grève de la faim qu’il s’est imposée et qui commence à perdurer, n’ont pas décidé le président Macky Sall à se départir de ses ritournelles familières sur la prétendue séparation entre les pouvoirs exécutif et judiciaire dans le système de gouvernance du Sénégal.
Pape Alé Niang est désormais arrivé au carrefour de la vie. Son état de santé déclinant est devenu alarmant. Son épouse nous a tous alertés de cette triste situation. Le peuple sénégalais et l’opinion internationale tiennent déjà le président Macky Sall pour responsable de tout ce qui pourrait advenir quant à la santé de Pape Alé Niang. Ils demandent sa libération sans délai et rappellent que la place d’un journaliste est dans sa salle de rédaction et non dans un cachot.
Il se fait déjà tard, monsieur le président de la République. Rendez-nous notre Pape Alé et rappelez-vous qu’il vous a maintes fois tiré du naufrage électoral et politique en vous tendant généreusement son micro. Par souci du respect de l’information équilibrée qui l’a toujours habité, Pape Alé Niang vous a déjà devancé devant l’histoire. Ressaisissez-vous pendant qu’il est encore temps, monsieur le président de la République. Libérez Pape Alé Niang, en vous rappelant que l’appât d’un troisième mandat n’en vaut pas du tout la peine comme le rappellent les récents évènements si tragiques de la scène politique africaine qui a envoyé au rebut de l’histoire tous ceux qui se sont essayé à la dictature et à la confiscation de la station présidentielle.
Jacques Habib Sy est Professeur en Communication.
par Paap Seen
LA RUINE DE LA RÉPUBLIQUE
Une frange de l’opposition a décidé de faire de la violence une arme d’ascension vers le pouvoir. Où va nous mener ce fanatisme aveugle ? L'irresponsabilité des hommes politiques finira par engloutir notre pays
La députée Amy Ndiaye a été l’objet d’une agression sexiste et brutale. Aucun Sénégalais responsable ne peut justifier cette vilénie. Dans cette histoire, il n’y a qu'une seule victime, c’est cette femme violentée devant les yeux du monde. L’acte des députés Massata Samb et Mamadou Niang contrevient à nos valeurs civilisationnelles ainsi qu’à la loi. Il est aussi révélateur du sexisme qui imprègne de plus en plus la société sénégalaise. Mais ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale le jeudi 1er décembre dernier n’est pas un hasard. C’est la suite logique de l’irruption d’une violence alarmante dans les plus hautes sphères de la République, qui se manifeste par le rejet de la contradiction et de la courtoisie.
Que le chef de l'État soit un fossoyeur des institutions est une chose. Le président Macky Sall a mis notre pays dans une situation difficile. Il a, par ses errements, détruit la confiance de beaucoup de citoyens envers les institutions. La Justice est constamment bafouée, la gouvernance est devenue catastrophique. Le président de la République a sabordé les progrès, en matière démocratique, que les Sénégalais ont arrachés aux régimes précédents. Il est en partie responsable de l’atmosphère violente qui s’est constituée dans l’espace politique. En gardant le silence sur le troisième mandat, il continue de se montrer aveugle, face au danger d’explosion sociale auquel notre pays s’expose.
Seulement, le mouvement de haine qui est en train de caractériser la scène politique est aussi la conséquence des agissements d’une opposition qui se veut radicale mais qui est, en réalité, dominée par une culture d’insultes, d’invectives, et de purge. Cette opposition qui veut régler la contradiction par la violence est dans un rapport continuellement conflictuel avec ceux qui ne lui font pas allégeance. Elle ne cherche plus à inscrire son action dans les règles républicaines. Elle est en permanence dans la désacralisation des institutions et le populisme primaire. Elle ne s’embarrasse d’aucun tabou.
Les coups reçus par la députée Amy Ndiaye sont un nouveau palier à cette escalade de la violence. Ils témoignent de cette brutalité posée en action politique. Il n’y a plus de barrière et tous les verrous sautent. La surenchère insurrectionnelle est permanente. Le 12 septembre dernier, lorsque des députés de l’opposition ont voulu bloquer le fonctionnement de l’Assemblée nationale, et ont fait preuve d’une totale irresponsabilité, très peu d’intellectuels ont osé regarder la vérité en face. Devant les images choquantes, il y a eu un silence étourdissant. Certains ont même voulu justifier le comportement abject et la mauvaise foi des élus de l’opposition. L'essayiste Hamidou Anne, dans une de ses chroniques, avertissait alors : « Désormais, le débat public n’échappera pas à la violence et à l’obscénité qui irriguent la société dans toutes ses couches. Nous vivons la revanche des passions. »
Il n'avait pas tort. Une frange de l’opposition a décidé de se passer de la décence et de faire de la violence une arme d’ascension vers le pouvoir. C’est devenu flagrant. Mais, comme le dire c'est s’exposer aux injures, à la désinformation et aux calomnies, tout le monde se tait. Jamais dans l’histoire du Sénégal, l’adversité politique n’avait produit autant de haine et de férocité. La violence n’est pas une nouveauté dans l’espace politique sénégalais mais elle était d’inspiration révolutionnaire.
Aujourd’hui, ce à quoi nous assistons, c’est l’irruption de forces déchaînées, qui luttent pour le pouvoir, et veulent soumettre tout le monde. Les citoyens sont dressés, les uns face aux autres, et on leur demande de choisir un camp. Il n’y a plus d’adversaire mais des ennemis à abattre. Ceux qui sont scandalisés par cette situation et qui le disent sont caricaturés en traîtres ou en « opposants de l’opposition ». Cette intolérance s'est invitée dans les agoras : les places publiques, les discussions dans les foyers ou entre amis, les groupes WhatsApp, les murs Facebook et Twitter. Où va nous mener ce fanatisme aveugle, qui s’est emparé des consciences ?
Le Sénégal n’est pas une exception. Partout où les hommes politiques se sont montrés incapables de délibérer de manière civilisée, l’Etat de droit s’est effondré. Si l’Assemblée nationale devient un cirque, si les intellectuels et les universitaires continuent de fermer les yeux et de se taire, si la classe politique persiste à se montrer grossière, déraisonnable, les digues céderont. Il se passera alors ce qui s’est passé ailleurs dans des démocraties qui se croyaient mûres. La violence politique à laquelle nous assistons n’est pas un chemin de rupture, ni un projet révolutionnaire. Elle nous mène vers la ruine de la République. L'irresponsabilité des hommes politiques finira par engloutir notre pays dans une nuit noire. Où les aventuriers auront leur mot à dire.