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23 novembre 2024
Opinions
par Boubacar Boris Diop
ÉCHANGER POUR CHANGER LE MONDE
Il vaut mieux être alphabétisé dans sa langue que dans une langue d'emprunt. C'est ce que commandent le simple bon sens et un souci d'efficacité. Nos pays sont presque toujours beaucoup moins anglophones ou francophones qu'on le croit
L'alphabétisation, un droit fondamental et un pilier du progrès social. C'est le message fort que délivre l'écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop lors de la Journée internationale de l'alphabétisation célébrée le 9 septembre 2023 à Yaoundé. Dans son discours publié ci-dessous, il explore les enjeux complexes de l'éducation en Afrique et dans le monde. Diop invite à repenser notre approche de l'apprentissage, en mettant l'accent sur l'importance des langues maternelles.
Il y a une certaine beauté, morale et philosophique, dans la tradition des ''Journées internationales'' et l'on ne peut que se féliciter de l'opportunité de dialogue que nous offre celle de ce 9 septembre 2024 à Yaoundé.
Qu'il me soit donc permis de vous dire à cette occasion ma fierté d'être partie prenante d'un exercice qui, au-delà de l'invite au vivre-ensemble, appelle à une méditation individuelle et collective sur le bon usage du savoir, sujet vital s'il en est. Cette pause réflexive des femmes et des hommes de bonne volonté, sans cesse renouvelée depuis bientôt soixante ans, nous permettra d'explorer les voies menant à une éducation universelle pouvant favoriser le dialogue entre les peuples et, ce faisant, la paix parmi toutes les nations de la terre.
Je ne peux résister à la tentation de partager avec vous, d'entrée de jeu, un souvenir de jeunesse qui m'est souvent revenu à l'esprit au cours des dernières semaines. J'appartiens à une génération d'intellectuels africains qui ne fut pas toujours très raisonnable, qui fut même souvent prompte dans les années 70 à prendre au mot les plus audacieuses utopies. Parmi celles-ci figurait en bonne place le rêve d'une société sans école. Nous faisions circuler entre nous pour en discuter avec passion le célèbre ouvrage d'Ivan Illich ainsi intitulé du reste. Il ne faut cependant pas se fier à son titre provocateur et d'une brutalité étudiée car pour Illich il s'agissait moins de se débarrasser de l'école que de la débarrasser de tout ce qui pourrait l'empêcher d'être accessible à tous. C'était une sorte de profession de foi démocratique au sens le plus fort du terme et l'essayiste autrichien nous glissait en quelque sorte à l'oreille l’idée qu'en révolutionnant les méthodes d'acquisition de la connaissance on en vient à révolutionner la nature même de cette connaissance ainsi que son impact social.
Mais aujourd'hui, avec des décennies de recul et pas mal de cheveux blancs, on a plutôt envie de relativiser le potentiel subversif de cette thèse qui se voulait, pour reprendre le mot du poète, un coup de feu en plein concert. C'est en effet une chose de se désoler à juste titre que les lieux d'apprentissage soient partout si désespérément fermés et une autre de donner l'impression de vouloir les dynamiter.
C'est précisément l'alphabétisation, par définition ouverte au grand nombre, qui aidera le mieux à forcer les portes de la citadelle réservée à une toute-puissante caste de lettrés. Voilà sans doute pourquoi, de John Kennedy à Nelson Mandela en passant par Koffi Annan, Amarty Sen et la jeune prix Nobel pakistanaise Malala Yousafzai, ils sont nombreux à avoir souligné que l'alphabétisation est un droit humain fondamental. Mais c'est peut-être Frederick Douglass qui en exprime le mieux l'importance lorsqu'il dit y voir "le fondement de la civilisation et le pilier de tout progrès social et économique." Douglass parlait assurément en connaissance de cause. À en croire son biographe David William Blight, le petit esclave de Baltimore, formellement interdit de lecture par ses maîtres, leur avait désobéi en cachette pendant des années et était devenu au final une des plus éminentes figures politiques de son époque et un immense orateur. Douglass a du reste sobrement résumé en 1845 son propre destin en une seule phrase : ''Education and slavery were incompatible with each other''. Ce constat du "prophète de la liberté" - dixit Blight - ne devrait-il pas s'appliquer à toutes les communautés humaines ? Je crois bien que pour nous tous la réponse va de soi.
Il est de fait difficile d'imaginer une société humaine véritablement éclairée sans une large circulation, à l'horizontale, des intelligences et du savoir. C'est elle qui permettra à chaque membre du groupe de développer une pensée critique, de participer pleinement à la vie civique et de mieux comprendre le monde qui l'entoure. Le temps est venu d'en finir avec l'approche réductrice dépeignant la personne alphabétisée comme un rescapé d'extrême justesse des ténèbres de l'ignorance quasi au soir de sa vie et qui, sachant au moins lire et écrire, devrait être bien content de ne pas mourir idiot.
En vérité il ne s'agit pas pour l'adulte en apprentissage d'ânonner des sons et de déchiffrer laborieusement des signes. Il s'agit de bien plus que cela.
En accédant à l'éducation les humains acquièrent non seulement des connaissances pratiques mais aussi la capacité de se remettre en question et de faire avec leurs semblables cette chose merveilleuse qui s'appelle échanger pour changer le monde. Voilà qui bâtit des ponts entre les peuples et les cultures et ouvre la voie vers un univers aux possibilités de progrès quasi infinies.
Que l'éducation soit un des principaux indicateurs du développement humain ne doit donc étonner personne. Les statistiques montrent que les taux d'alphabétisation élevés sont corrélés à une réduction de la pauvreté, à une amélioration de la santé publique et à une plus grande stabilité économique.
Mais comme bien souvent les statistiques, même parfaitement fiables, peuvent aisément fausser la lecture des situations. Dans le cas d'espèce, le risque de malentendu est dû au fait que le mot alphabétisation renvoie à des réalités différentes d'une aire de civilisation à une autre ou même plus globalement d'un continent à un autre. Si en Afrique les chiffres, tout en étant en constante amélioration, restent plus bas qu'ailleurs, c'est en raison des conflits, de la pauvreté, de la crise du système éducatif et des disparités aussi bien de genre qu'entre les villes et un monde rural trop facilement abandonné à son sort. En outre, les données et la dynamique en matière d'alphabétisation ne sont pas du tout les mêmes selon qu'on parle de l'Afrique du Nord ou de l'Afrique subsaharienne.
C'est parce qu'il mérite une attention particulière que je n'ai pas mentionné le problème linguistique parmi les obstacles à une éducation de masse réussie. Voici à ce propos la question essentielle et elle est toute simple : dans quelle langue l'Africain, enfant ou adulte, doit-il apprendre à lire et à écrire ? Beaucoup y répondent, avec l'agacement de ceux qui n'ont pas de temps à perdre, par une autre question : pourquoi pas en portugais, en anglais ou en français, langues certes non-africaines mais tout de même utilisées depuis toujours à l'école ?
À mon humble avis, ce n'est certainement pas aussi... simpliste.
L'exemple de Cheikh Anta Diop est une parfaite illustration de la complexité du sujet. Le linguiste sénégalais, d'habitude iconoclaste, reste assez consensuel lorsqu'il s'en tient à une analyse pour ainsi dire en surplomb : « Sans une éducation sérieuse, observe-t-il, aucune nation ne peut espérer atteindre le développement. L'alphabétisation est le fondement même de tout progrès. » Mais dès qu'il se focalise sur l'Afrique, le ton se fait plus militant pour ne pas dire plus martial et il écrit : « L'alphabétisation est un outil de libération, non seulement de l'individu, mais aussi de toute une communauté. C'est par l'éducation que nous pouvons comprendre notre histoire, notre culture et notre place dans le monde. »
Et voilà que, comme bien souvent, la réflexion sur un problème particulier concernant l'Afrique nous fait dériver lentement vers la lancinante question des langues nationales. C'est un point crucial qui ne cesse d'interpeller l'écrivain que je suis tout comme mes aînés et inspirateurs, Cheikh Anta Diop, que je viens de nommer, mais aussi Ngugi wa Thiong'o et Cheik Aliou Ndao.
Le temps qui m'est imparti ne me permet malheureusement pas de creuser davantage ce sujet pourtant crucial. J'aimerais juste formuler ici ce qui me paraît une évidence : il vaut mieux être alphabétisé dans sa langue que dans une langue d'emprunt. C'est ce que commandent le simple bon sens et un souci d'efficacité. Il ne s'agit pas là d'une position abstraite puisque toute mon existence a été faite d'allers-retours entre le wolof, ma langue maternelle et celle qui a été imposée à mon peuple par la conquête coloniale. J'ai été des années durant professeur de lettres françaises dans différents lycées du Sénégal puis de Wolof à l'université Gaston Berger de Saint-Louis ; après une production littéraire exclusivement en français voilà 20 ans que j'écris en wolof, cette dernière production incluant trois romans et la traduction de la pièce d'Aimé Césaire Une saison au Congo. Je crois donc pouvoir dire que l'être humain apprend et comprend infiniment mieux à partir de sa langue de vie, celle qu'il parle en société et dans le cercle familial. Et nos pays sont presque toujours beaucoup moins anglophones ou francophones qu'on le croit. Je ne connais pas les chiffres pour le Cameroun où nous nous trouvons aujourd'hui mais au Sénégal les chiffres de l'Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) publiés en mai dernier sont sans équivoque : après des siècles d'utilisation obligatoire du français à l'école, seuls 0,6% de mes compatriotes s'en servent à l'heure actuelle au quotidien. Les classes-pilotes de l'Unesco où les cours sont dispensés dans les langues nationales, montrent bien du reste que votre institution a une claire conscience de tels enjeux. Ceux-ci sont éminemment culturels car le savoir ne saurait être acquis au prix d'une scission de son âme, au prix d'un écartèlement trop douloureux comme c'est si souvent le cas en pays dominé. De quel dialogue entre les peuples parle-t-on quand un des interlocuteurs n'a le choix qu'entre silence et bégaiement ? Cela revient à nier l'identité de l'Autre puisque comme le rappelle Ngugi wa Thiong'o "La langue, n'importe quelle langue, a une double nature : c'est à la fois un moyen de communication et un vecteur de culture.." Et l'auteur de Decolonizing the Mind de donner l'exemple de l'anglais, parlé en Grande-Bretagne, en Suède et au Danemark, notant toutefois que "pour les Danois et les Suédois, c'est seulement un moyen de communication avec les non-Scandinaves."
Dans l'idéal, l'échange que postule une alphabétisation universelle se doit d'aller bien plus profond que le seul commerce des mots, il doit nous rendre capables de découvrir les autres à partir de leur langue, de lire leurs histoires pour nous enrichir de leur perspective unique sur les êtres et les choses. On n'accède à la meilleure part de soi-même qu'en acceptant de voir le monde à travers les yeux de nos semblables de l'autre côté du miroir. Ainsi peut-on espérer vaincre la peur qui naît de l'ignorance et qui est le ferment des haines les plus irrationnelles.
En dépit des nombreux défis que nous connaissons tous, promouvoir l'alphabétisation à travers un système éducatif ambitieux, c'est investir dans la compréhension mutuelle et la paix. C'est poser un acte de foi en l'humanité et en notre capacité à susciter un monde plus harmonieux.
PAR Astou Dione
ÉMIGRATION CLANDESTINE : DES VIES EN JEU, UN DÉBAT À DÉPOLITISER
Il est essentiel de cesser de traiter ce phénomène comme une affaire de régime. Il s’agit d’un drame social qui engage la responsabilité de tous et qui mérite d’être analysé sous différents angles
Il est impératif d’instaurer un débat dépassionné et collectif, plutôt que de transformer ce drame en une tribune politique où pouvoir et opposition cherchent à s’écraser mutuellement, tandis que les morts continuent de s’accumuler. La politisation de l’émigration clandestine détourne trop souvent l’attention des causes profondes et contribue à aggraver le problème. Il est essentiel de cesser de traiter ce phénomène comme une affaire de régime. Il s’agit d’un drame social qui engage la responsabilité de tous et qui mérite d’être analysé sous différents angles : familial, sociétal, culturel et spirituel.
Ce sont principalement de jeunes sénégalais qui, en quête de réussite, prennent des risques extrêmes. Une pression considérable pèse sur des jeunes par des familles qui voient dans l’émigration une solution, voire un sacrifice indispensable pour échapper à la pauvreté.
Culturellement, l’idée que la réussite ne peut être obtenue que par l’émigration, même illégale, reste profondément enracinée dans l’imaginaire collectif. Cette perception mérite une analyse plus poussée, notamment en ce qui concerne l’influence des médias, des réseaux sociaux. Sans oublier l’influence des parcours de certains émigrés, l’exubérance de leur “lifestyle” lors de leur retour au bercail. Le message doit passer chez ceux-là qui sont aussi responsables que les passeurs par la vie de fausses prétentions qu’ils projettent chez les jeunes en manque de repères.
Il est également nécessaire de porter une attention particulière à la dimension spirituelle. Dans certains cas, des jeunes se tournent vers l’émigration par désespoir ou par perte de foi en l’avenir dans leur propre pays. Cela soulève des questions sur le rôle que peuvent jouer les guides religieux et les leaders communautaires dans l’accompagnement et la réorientation des aspirations de la jeunesse.
Il est donc important d’adopter une approche collective, dépolitisée, pour apporter des solutions durables. Cela inclut la révision des partenariats internationaux afin de mettre en place des mécanismes plus humains et plus sécurisés pour réguler les flux migratoires.
Astou Dione est journaliste.
par Ousseynou Nar Gueye
LA FRANCE TOUSSE, LE SÉNÉGAL S'ENRHUME
Macron aura-t-il donné des idées à Diomaye, en matière de dissolution de l'Assemblée nationale ? Va-t-on alors vers la tenue d'élections législatives seulement dans six mois ? Quid du vote du Budget 2025 ?
Le président Diomaye a désormais le droit, depuis les 12 coups de minuit, de cette nuit du mercredi 11 au jeudi 12 septembre, de "dissoudre les députés".
Le sabre diomayesque va-t-il s'abattre dès aujourd'hui sur la tête des résidents habituels, dits "Honorables", de la Place Soweto ?
Les paris sont pris, en tous les cas !
Personnellement, je parie jusqu'à ma dernière chemise, que l'Assemblée nationale sénégalaise, en sa 14e législature élue en juin 2022 et installée en septembre de la même année, sera dissoute aujourd'hui jeudi 12 septembre 2024.
Le drame de la migration "piroguatoire" de Mbour, avec encore hier, 36 dépouilles mortelles installées sur la plage là-bas et plus de 100 disparus non encore retrouvés depuis le naufrage migratoire du 8 septembre ? Le déplacement subséquent hier du président Diomaye à Mbour avec présentation de ses condoléances officielles aux familles éplorées et à la Nation ? La déclaration présidentielle selon laquelle le "Sénégal est en deuil" ? (bien qu'un décret instituant officiellement ce deuil national n'a pas été pris). La question est donc : tout cela pourrait-il retenir le bras à sabre du président Diomaye dans l'intention évidente qui le démange depuis son élection le 24 mars, de couper la tête des députés - et en premier -, (même si cest "en même temps" pour tous les députés) de ceux d'entre eux qui appartiennent à la majorité parlementaire Benno Bokk Yaakar apérisée ?
Je penche pour le "non": à mes yeux, tout cela pourrait constituer des justifications supplémentaires (comme s'il en fallait encore...) pour une dissolution-blitzkrieg dès que possible de droit, soit aujourd'hui.
Ce matin, dans la presse, plusieurs leaders politiques de l'opposition ont appelé à ce que "le pouvoir exécutif Pastef ne politise pas les morts du naufrage au large de Mbour.
Avec le drame cruel encore frais de Mbour, le président sénégalais a encore plus de raisons de dissoudre au plus vite (avec des éléments de langage distillés depuis des mois pour convaincre les populations de cette urgence impérieuse de disposer de "ses" députés), pour que le peuple lui donne (si possible) une majorité de députés à l'hémicycle : c'est le seul levier, détenir une nouvelle majorité parlementaire, qui lui permettra de faire voter sans encombres les lois de ses projets de réformes, dont les projets économiques et de développement justement, pouvant retenir au Sénégal les milliers de candidats à l'émigration irrégulière sur les flots de l'Atlantique, candidats migrants qui ne semblent jamais tarir : c'est ce qui a été la promesse du président Diomaye hier à Mbour, à la jeunesse "dont la valeur de la vie est inestimable", - pour reprendre les mots du président -, et aux moins jeunes, hommes et femmes. Leur "donner les moyens de se réaliser ici au Sénégal", ce qui est possible, mais "prendra toutefois du temps", dit Diomaye Faye.
Tous les précédents dépôts de projets de loi par le GOS (Gouvernement Ousmane Sonko), ces dernières semaines (dont notamment les projets de loi portant dissolution du HCCT et du CESE) ne l'ont été que pour démontrer que cette Assemblée nationale empêche le régime Diomaye de gouverner et lui met des bâtons dans les roues, alors que le président et son GOS veulent donner corps, au plus vite, aux réponses étatiques à apporter face aux urgences sociales et économiques du moment et de l'avenir.
Bref : comme on accusait le président français Macron de toujours faire du "en même temps", le président Diomaye a beaucoup fait du "en même temps" dernièrement : notamment, faire ficeler des projets de loi et les envoyer à une Assemblée nationale dont il sait pertinemment qu'elle ne les votera pas. Un "en même temps" diomayesque qui culmine avec cette annonce d'une Déclaration de Politique (ou de Polémique?) Générale par le Premier ministre Sonko devant les ďeputés demain vendredi 13 septembre ; alors que cette 14e législature aura cessé d'exister la veille.
Macron aura-t-il donné des idées à Diomaye, en matière de dissolution de l'Assemblée nationale ? Ce n'est pas exclu, vu le calendrier politique dernièrement observé dans les deux pays : c'est kif-kif, dans l'ex-pays colonisateur du Sénégal, et chez ce dernier.
Le remaniement gouvernemental post-dissolution et post-élections est en cours chez nos cousins gaulois, après près de 50 jours sans autre chose qu'un gouvernement interimaire. 50 jours qu'aura pris Macron pour trouver un Premier ministre en la personne de Michel Barnier (droite modérée), supposé peu censurable par l'actuelle législature française issue des urnes depuis le....7 juillet dernier.
"Dans les coulisses, les tractations battent leur plein. Trois à quatre ministres démissionnaires pourraient être reconduits, tandis que les autres seraient écartés. Parmi les portefeuilles les plus convoités figure celui de l'Intérieur, actuellement tenu par Gérald Darmanin. La bataille pour Beauvau est particulièrement acharnée, notamment chez Les Républicains, où deux noms reviennent sans cesse : Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau", indique le JDD français, Journal du Dimanche, aujourd'hui jeudi 12 septembre.
À Dakar, nous attendons donc impatienmment la dissolution de l'Assemblée nationale par le président Diomaye, pour aujourd'hui, sans coup férir, tel que pronostiqué publiquement sans grand risque de se tromper, par le patron du GOS (Gouvernement Ousmane Sonko).
Quid du vote du Budget 2025 de l'État sénégalais avant la fin de l'année 2024, dans un processus de session parlementaire qui aurait dû commencer en début octobre ? On verra après !
Quelle date après la dissolution de l'Assemblée nationale sénégalaise, pour la tenue de nouvelles élections législatives ? La radio RFI et d'autres observateurs/commentateurs/gens de médias, nous disent en novembre ou en décembre, soit donc, dans le délai de 60 jours minimum et 90 jours maximum (tel que le dispose la Constitution sénégalaise).
Mais alors, que fait-on de la disposition du Code électoral qui donne 150 jours (soit cinq mois) aux listes de candidats à la députation pour récolter des parrainages ? Lesquels parrainages devront être contrôles par le Conseil Constitutionnel.
Va-t-on alors vers la tenue d'élections législatives seulement dans six mois ? Si c'est le cas, ce sera une très longue campagne électorale pour les acteurs économiques de ce pays et pour nos investisseurs, nationaux comme étranger.
Et à la différence de la France de Macron, nous n'avons pas de Jeux Olympiques, pour faire marcher l'économie nationale durant la (longue ?) période électorale et post-électorale qui s'annonce. Nous n'aurons des ersatz de Jeux Olympiques que dans deux ans (les JOJ 2026)...
Ma conclusion un peu leste ? La France tousse, le Sénégal s'enrhume.
Ousseynou Nar Gueye est éditorialiste, fondateur-éditeur du site d'info Tract.sn, communicant (Axes & Cibles Com).
Par Ibou FALL
SEGA SAKHO EST MORT
La triste nouvelle est tombée au milieu d’une actualité dont la fureur le dispute à sa folie. L’hécatombe se poursuit gaillardement sur les routes comme en pleine mer.
La triste nouvelle est tombée au milieu d’une actualité dont la fureur le dispute à sa folie. L’hécatombe se poursuit gaillardement sur les routes comme en pleine mer. Nos enfants continuent de braver les tempêtes des mers démontées, pendant que le bitume prélève ses macabres quotas d’hémoglobine, pareil à un impôt sanglant sur la mauvaise éducation et l’ignorance.
Pendant ce temps, la classe politique croise les quolibets pour décider si le Premier ministre doit se conformer à la Constitution en se présentant le vendredi 13 devant une Assemblée qui lui est majoritairement hostile, ou si c’est le président de la République qui se charge de dynamiter le Parlement pour que son alter ego ne passe pas des nuits agitées cette semaine.
Certes, tout ça ne manque pas de piquant, si on y rajoute les intentions prêtées au ministre de la Santé : recruter en priorité les agents du «Projet» dans son département. Après ça, sans doute, quand ils occuperont les points stratégiques du petit monde coloré de la santé, se faire piquer en catastrophe contre le tétanos, ou passer la nuit sous perfusion aux urgences histoire d’échapper au palu meurtrier demandera de posséder, en plus d’une assurance-maladie, une carte de militant.
C’est durant cette semaine surréaliste que le destin choisit d’arracher Séga Sakho à l’affection des siens.
A l’époque où il virevolte sur les terrains, il y a les grands joueurs, obnubilés par l’exploit inédit, et puis, il y a lui, l’artiste qui préfère amuser le public. Gagner ou perdre, certes, ça compte pour un sportif, qui peut passer du nirvana à la tragédie. Avec Séga Sakho, passionné de ce foot qui a si joliment rempli sa vie, l’art du ballon rond s’est élevé depuis son piédestal de sport-roi à la magie surréelle du jeu de cirque. Jongleur ambidextre auquel la balle colle aux pieds, clown facétieux qui déclenche l’hilarité dans les tribunes, dresseur de défenseurs sauvages, magicien du dribble, et trapéziste cassecou qui passe de club en club, sans filet…
Le spectacle par intermittence, c’est lui.
Comme tous les bohémiens, sa roulotte ne reste nulle part. Des Navétanes, il passe à l’Us Gorée avant de bivouaquer à la Jeanne d’Arc, qu’il quitte sans se retourner pour la séduisante Linguère saint-louisienne, avant d’embarquer pour l’Hexagone où sa carrière fait long feu. Finalement, il rejoint la famille du Jaraaf, malgré ses épiques confrontations avec Edouard Gnaccadia, inoubliable latéral droit aussi polyvalent qu’un couteau suisse.
Le signal qu’il nous adresse, à nous autres Sénégalais, alors qu’il fait se lever les tribunes dans les années soixante et soixante-dix, est post-moderne ; le foot est un spectacle hebdomadaire dont les acteurs nous font oublier les misères ordinaires de notre condition de sousdéveloppés. Ses acteurs méritent bien plus que la condescendance des riches, le mépris des intellectuels constipés et les manigances populistes des politiciens en mal d’affection.
Séga Sakho est le premier numéro 11 et, à mes yeux, le seul, qui mérite de déclencher nos passions. Parce qu’il n’a eu aucune chance et il l’a saisie. Bien entendu, en dedans de nos frontières, personne ne le comprend. Sinon, les championnats nationaux seraient devenus, avant la lutte, les ascenseurs sociaux les plus accessibles pour toutes ces générations que l’école a vomies, et qui ne veulent pas finir en paysans sous-payés, mal fagotés et toisés au quotidien… Et lui finirait élevé au rang des légendes inoubliables des bâtisseurs de la Nation.
En ce 9 septembre 2024, Séga Sakho emporte dans sa tombe le bonheur ineffable de l’instant magique où le foot sénégalais, il y a de cela deux années, s’installe sur le toit de l’Afrique. Après ça, comme dirait l’autre, on peut mourir tranquille.
Le football, pour l’immense majorité de ses inconditionnels, est un sport, que dis-je, c’est le sport-roi, à propos duquel un penseur affirmera «qu’il a donné à l’Humanité le seul souverain qu’elle s’est librement choisi», le Roi Pelé. Le foot règne sur nos passions, depuis le président de club jusqu’au supporter. Il est à l’image de notre monde dont l’élite décide du destin, pendant que les prolétaires s’estiment heureux d’assister au spectacle qui se joue sous leurs yeux. Les grands joueurs, qui parsèment sa légende, rivalisent d’adresse sur les pelouses du monde entier, se passionnent de statistiques, se musclent le talent en s’abrutissant d’entraînements, mènent une vie quasiment monacale, alors qu’explose leur égocentrisme, leur rage de marquer l’Histoire en repoussant les limites du possible et du faisable.
Un entraîneur de Liverpool, Bill Shankly, pousse l’œcuménisme jusqu’à professer que «le football n’est pas une question de vie ou de mort; c’est quelque chose de bien plus important que cela». Durant les années de Guerre froide, où le monde ouvrier ne fait aucun cadeau à la bourgeoisie, en Italie, les communistes s’identifient à un club de foot, l’Inter de Milan, qui met un point d’honneur à barrer la route au capital sur un terrain de foot. En naît le cadenas défensif italien, le «verrou de porte» catenaccio, qui vous tue le jeu. Le poste de libéro en est la trouvaille la plus répandue.
Si ce n’était que ça…
Quand les esclaves brésiliens ont le privilège de jouer au foot avec leurs maîtres blancs, l’arbitre ne voit jamais les agressions dont ils sont victimes. Pensez donc, un esclave… De là surgit la feinte, le dribble, qui sont juste la parade à la brutalité, à l’agression. Sur un autre continent, un intellectuel ose expliquer que le football total, à son apogée avec l’Equipe du Brésil du Mondial 70, que la Hollande durant la décennie suivante illustre à la perfection sous le commandement du «Général» Rinus Michels et la houlette de Johann Cruyff, ne serait que la version sportive de la philosophie des arts picturaux bataves.
Dans un documentaire diffusé par Canal +, un sociologue établit le parallélisme entre le monde du foot et la société humaine… Le Peuple est dans les tribunes ou devant son poste téléviseur à se faire l’illusion de peser sur le sort de l’Humanité ; l’élite est dans les coulisses à jouer sur le destin de tout ce petit monde en faisant et défaisant les fortunes. Et puis, il y a les acteurs, qui vont de l’équipe d’encadrement jusqu’au dernier des remplaçants.
Le but, comme la réussite, serait l’exception. La règle générale est la routine qui finit par l’échec. Comprenez les passes interceptées et les tirs hors cadres. Les défenseurs et le goal sont là, tâches ô combien ingrates, pour éteindre la créativité, la réussite ; les stars du ballon rond dont le destin est exceptionnel, sont surtout ces extraterrestres qui surmontent les difficultés, esquivent les obstacles et marquent les buts. Il y a les stratèges, au milieu du terrain, ces penseurs qui distribuent les rôles ; et puis, il y a les artistes, en marge de ce petit monde, qui longent les limites à ne pas franchir, les ailiers qui créent la folie dans les joutes.
Par Aubin Félix AMANI
L’OMBRE DE LA FRANCE DANS LES DEMOCRATIES AFRICAINES
Le leader idéal actuel en Afrique contemporaine est celui de la « juste distance » qui ne sera pas d’office révolutionnaire, réfractaire, ennemi ou réactionnaire contre l’occident. Il ne sera pas non plus le soumis, mais acteur de la juste relation
Notre monde actuel est en pleine effervescence : depuis les guerres jusqu’aux catastrophes naturelles en passant par les crises politiques, toute l’humanité semble être engagée dans un processus d’incertitudes sans précédent. Ce qui emmène à réfléchir sur la gestion du quotidien de nos pays, surtout de notre Afrique francophone en particulier. C’est dans cette mutation que la question du rapport entre les pouvoirs de l’ancien colon incarné par la France, et ceux des anciennes colonies incarnées par les pays africains, se pose. Il s’agit de la perception du rapport de l’un face à l’autre en ces temps nouveaux, après plus de 60 ans d’indépendance. En d’autres termes, vu l’étroitesse des relations entre eux, quel modèle de relations entretenir dans tous les domaines y compris celui de démocratie ?
Notre réflexion se basera sur le rapport d’information sur la politique française de défense en Afrique publié en 2024, les reportages de presse tels que l’article de François Soudan dans JA n°3137 de juin 2024 et des cas pratiques sur le continent africain.
Le mouvement du sentiment antifrançais
Dans « La France face au choc du souverainisme africain », François Soudan résume les travaux de la commission de la défense nationale et des forces armées portant recueil d’auditions de la commission sur la politique française de défense en Afrique (M. Thomas Gassilloud), déposés le mercredi 10 avril 2024. L’axe central de son résumé est que la France a des difficultés en Afrique, parce qu’elle est mal perçue dans l’opinion publique de plus en plus jeune qui, veut se libérer du lourd poids du colon encore présent trop longtemps sous les tropiques. Ce mouvement désormais appelé « souverainiste » fait le chou gras de toutes les presses et chapelles politiques en hexagone comme en Afrique, et semble être utilisé à tort et à raison en fonction du positionnement et objectif des acteurs. Partant des réactions des officiels français dans des différentes crises politiques en Afrique francophone, il met le doigt sur les facteurs qui encouragent ce qu’il est convenu d’appeler le « sentiment antifrançais repose sur une vision néo souverainisme qui gagne en ampleur non seulement auprès des jeunes mais aussi au sein des classes moyennes, voire de certaines sphères dirigeantes, et s’étend à toutes les couches de la société. ».
Ainsi, l’échec des mouvements citoyens et l’impasse de la majorité des transitions démocratiques sont devenus la lame de fond de ce phénomène plus ou moins populiste qui met la France au bac de l’accusé et faisant d’elle le bouc émissaire de proximité sur qui l’opprobre est jeté tous azimuts. Le néo souverainisme est très répandu sur les RS à cause de l’échec du système éducatif : « ce néo souverainisme utilise massivement les réseaux sociaux avec d’autant plus de facilité qu’il émerge au terme de deux décennies de faillite éducative des Etats, lesquels ont produit des légions d’analphabètes numérisés prompts à ingérer n’importe quelle fakenews. » Les facteurs qui encouragent la radicalisation de plus en plus brutale de cette opinion africaine sont nombreux dont les principaux sont : les bases militaires, le franc CFA, la pratique restrictive, voire humiliante, de délivrance des visas mais aussi et surtout le jeu clair-obscur des officiels français face aux crises politiques en Afrique francophone. Pour preuve, des coups d’Etats militaires et constitutionnels sont applaudis pendant que d’autres non. C’est à croire que l’intérêt de la France prédominerait contre toute norme et principe de vérité, de justice et de démocratie. En fonction de son intérêt, elle pivote dans un sens ou dans l’autre sans se soucier des conséquences de l’autre côté de la mer Méditerranée. Ce qui amène Alain Antil à appeler « l’asymétrie des connaissances », entendu comme : « nos partenaires, dit-il, nous connaissent beaucoup mieux que nous ne les connaissons. Ils savent travailler la relation du faible au fort. » Voilà l’attitude de la France envers ses partenaires africains.
Quelle France et quel occident pour la démocratie en Afrique ?
De quelle France parle-t-on ici ? Deux possibilités peuvent être évoquées : il y a d’un côté la France officielle qui est représentée par l’Etat et qui peut traiter avec tout autre Etat quel que soit le régime et les circonstances pour un intérêt gagnant-gagnant. Cette relation se construit par la voie légale de la diplomatie. Il y a ensuite le réseau clair-obscur qui est le pouvoir de couloir des palais, qui manœuvre afin que les choses se passent comme voulu pour un intérêt privé généralement financier et économiste. C’est ce très puissant réseau anciennement appelé « françafrique » qui est à l’œuvre, (que l’opinion africaine critique) quand on parle de « France » dans les crises politiques que traversent les pays africains. Il s’agit d’un réseau pour de servir tout autre intérêt autre que celui le bien commun. Il procède en tirant les ficelles en arrière, afin de mettre leurs hommes où il faut pour servir un intérêt particulier, peu importe ce que cela pourrait coûter au bien commun du pays africain en question. Ce réseau part des cabinets faiseurs d’opinion, jusque dans les milieux très fermés de la gouvernance du monde, en passant par la presse, sans oublier certains courants humanistes et spiritualistes. Cette « France » fait et défait les hommes politiques en fonction de leur choix au mépris des lois et règles élémentaires de la démocratie que la jeunesse africaine condamne. Car, certains hommes politiques véreux qui ont perçu cette faille dans le système en profitent pour s’adonner à toute sorte de pratiques immorales et rapports incestueux entre le pouvoir étatique, le monde de l’économie et des finances pour assouvir leurs instincts de dictature et de tyrannie d’une manière ou d’une autre. Quand en Afrique il s’agit du viol des constitutions, en Europe on trouve le moyen de faire avaler facilement la pilule à l’opinion. Cela met en lumière le double discours des deux faces de la même médaille.
C’est ce que dénonce l’analyste politique Yan Gwet dans sa contribution « une démocratie à géométrie variable » en étendant la question entre les pays « démocrates » et « autoritaristes » lors du Sommet pour la démocratie de Copenhague tenu en mai dernier. Il s’explique difficilement, le fait que les pays dits démocratiques acceptent facilement les décisions politiques dans l’actuelle Ukraine en guerre contre la Russie, contrairement aux pays de l’AES dont les décisions et contextes sont plus ou moins similaires. Ainsi, la loi martiale de Zelensky prolongée systématiquement, la suspension de 11 partis politiques de l’opposition et l’annulation pure et simple de l’élection présidentielle sont plus accueillies par les pays démocratiques que certains pays africains dans les mêmes conditions de température et de pression. « Ce qui ressemble fort à un deux poids, deux mesures prévaut sur une série de sujets et suscite l’indignation croissante des populations africaines. Cela contribue à saper la crédibilité des défenseurs de la démocratie et à affaiblir l’adhésion au projet démocratique. » Face à cela, quelles solutions proposer et quel profil pour le leader africain d’aujourd’hui ?
Propositions
La première solution est que la France et l’occident fassent preuve d’humilité et de respect ; une espèce de « juste distance » où il s’agit d’une politique en Afrique sans ingérences, ni leçons. Pour Gwet, « au vu de la piètre idée que leurs citoyens se font de leurs performances, les gouvernements de pays qui s’arrogent le droit de distribuer des brevets de démocratie à travers le monde gagneraient à faire preuve d’humilité, sauf si on considère que les leçons de démocratie visent des intérêts troubles »
La deuxième solution est d’accepter que les aspirations sociétales diffèrent selon les pays et les régions du monde. Dans les marchés de nos villes d’Afrique francophone, dans les bars de nos quartiers populaires, derrière les murs des résidences de nos quartiers huppés, la même demande d’une gouvernance compétente, intègre et attentive s’exprime.
La troisième solution est la capacité pour les africains d’affirmer leurs aspirations sans complexe et se donner les moyens d’y arriver. Les africains ont le droit de souhaiter vivre mieux, de scolariser leurs enfants, d’avoir accès à des soins de qualité, de bénéficier d’une justice honnête et impartiale, de posséder une maison, un véhicule, et si c’est cela vivre « à l’occidentale », alors ils ont le droit d’y aspirer.
De ces trois solutions, le profil du vrai leader africain devrait se dégager par les critères suivants :
Son immersion, hibernation et back grounds politiques très profondément ancrés dans le peuple ;
Son intégrité, sa loyauté et son amour sans faille envers le peuple ;
Sa connaissance sociologique et anthropologique approfondie et réelle de la société ;
La clarté de sa position face à la machine cynique et sournoise du monde global (exemple du franc CFA et des bases militaires) ;
Sa capacité à défendre sans faux fuyant les intérêts du pays ;
Son esprit profondément républicain, patriotique voire panafricain ;
Son amour exclusif et sans partage envers le pays qu’il aspire gouverner.
Conclusion :
Le leader idéal actuel en Afrique contemporaine est celui de la « juste distance » qui ne sera pas d’office révolutionnaire, réfractaire, ennemi ou réactionnaire contre l’occident. Il ne sera pas non plus le soumis, mais acteur de la juste relation d’égal à égal dans le seul et unique intérêt de son peuple. Cela résultant de ce que les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts
Aubin Félix AMANI
Analyste politique citoyen ivoirien & africain
Par El Amath THIAM
LE DÉCRET DE DISSOLUTION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE PEUT-IL ÊTRE ATTAQUÉ DEVANT LE JUGE ?
Le décret présidentiel de dissolution de l’Assemblée nationale est une décision de grande portée qui relève des prérogatives discrétionnaires du président de la République
Le décret présidentiel de dissolution de l’Assemblée nationale est une décision de grande portée qui relève des prérogatives discrétionnaires du président de la République.
En 1983, cette question a été mise en lumière avec la dissolution de l’Assemblée nationale par le Président Abdou Diouf. Cette décision a été contestée devant la Cour suprême par des députés, mais la Cour a rejeté leur recours, soulignant que la dissolution de l’Assemblée relève du pouvoir discrétionnaire du Président, à condition que les procédures constitutionnelles soient respectées.
L’affaire Macky Sall c. État du Sénégal (2008) illustre également les limites du contrôle judiciaire sur les actes politiques du Président. Macky Sall, alors Président de l’Assemblée nationale, a été destitué après une modification législative de la durée du mandat du Président de l’Assemblée. Sa contestation basée sur un abus de pouvoir a été rejetée par la Cour suprême, qui a affirmé que les décisions relatives aux prérogatives politiques du Président échappent au contrôle judiciaire strict.
Ces affaires montrent que, bien que certaines décisions présidentielles, comme la dissolution de l’Assemblée nationale, puissent être contestées, le contrôle judiciaire est souvent limité par le caractère politique de ces actes et le respect des procédures constitutionnelles.
« NUL N’EST CENSÉ IGNORER LA LOI »
Par Moussa Sow
REPENSER LA JEUNESSE SENEGALAISE
Le président de la République du Sénégal devrait appeler cette jeunesse pour une conversation franche et directe car il a l’âge de ceux qui prennent les pirogues et donc comprend leur mindset. Il est en mesure de les convaincre de rester
Le Sénégal comme tout pays a besoin de sa vaillante jeunesse et tirer de celle-ci des dividendes démographiques pour construire durablement notre pays. L’immigration irrégulière et les tragédies qu’elles provoquent dans le ventre de l’atlantique et dans la Méditerranée ont pris une ampleur inquiétante ces derniers mois et doivent interpeller toute la nation sénégalaise. Nous nous inclinons devant la mémoire des disparus. Nos condoléances à leurs familles, parents, époux, épouses, enfants, collègues et amies. Que Dieu les agrée au Paradis. Chacun de nous doit réfléchir sur comment apporter sa pierre pour coconstruire l’idéal d’une jeunesse qui recentre ses ambitions et son avenir dans son pays pour un Sénégal prospère.
Nous sommes tous interpellés ! D’abord un discours présidentiel engageant qui dessine les contours d’une stratégie nationale pour la jeunesse est nécessaire. Son Excellence le Président de la République du Sénégal devrait appeler cette jeunesse pour une conversation franche et directe car il a l’âge de ceux qui prennent les pirogues et donc comprend leur mindset. Il est en mesure de les convaincre de rester ici pour bâtir leur pays. Un discours fort et rassurant avec des propositions concrètes pour trouver des solutions d’employabilités sur le moyen terme. L’expertise de notre armée pourraient être également mise à contribution pour une formation en masse des jeunes aux métiers dont le marché sénégalais et sous-régional a besoin. Deux années de formation rémunérée dans l’armée avec au finish un métier et un financement après compétition de pas moins de 1000 entreprises de jeunes par la DER fj et autres structures affiliées. Refonder le Fonds National de Promotion de la Jeunesse (FNPJ) doit être une priorité. L’heure est également venue d’exploiter le réservoir de possibilités que nos foyers religieux peuvent offrir quant à l’emploi des jeunes et leur stabilité socio-économique. Des structures qui organisent les grandes actions et en lesquelles les sénégalais se reconnaissent et ont confiance comme Touba ci kanam, Coskas, l’église ou toute autre plateforme doivent aider à organiser les jeunes et contribuer à trouver un consensus fort et des solutions innovantes ancrées dans nos réalités socio-culturelles. En outre, inviter le privé national à participer à la réflexion sur la problématique de notre jeunesse avec des mesures fiscales incitatives pour des emplois, et autres stages en entreprises avec des résultats mesurables dans tous les domaines notamment dans les secteurs de l’agriculture, de l’agro-industrie, des Btp, de l’artisanat…
Le rôle de l’Etat est de créer les conditions d’employabilité avec une maîtrise du marché de l’emploi. Instaurer un dialogue permanent avec le secteur privé pour trouver les niches et anticiper l’évolution du marché de l’emploi. Par ailleurs, des projets visant l’équité territoriale peuvent aussi constituer un puissant levier pour fixer les populations dans leurs terroirs respectifs. Les travaux qui accompagnent sa mise en œuvre devraient faire appel à une forte main-d’œuvre. L’heure est à une responsabilité collective. Posons-nous chacun la question : qu’est-ce que nous pouvons faire pour stopper cette tragédie ?
Par Vieux SAVANÉ
EN ATTENDANT LA RUPTURE SYSTÉMIQUE
A moins de vouloir bâtir un « Etat pastéfien », le ministre Ibrahima Sy n’est assurément pas à sa place. A plusieurs niveaux s’expriment des préoccupations aux antipodes de l'espérance de rupture. Le sillon de la désinvolture s'élargit
L’animateur Boubacar Diallo allias Boub’s, racontait hier mercredi, lors de l’émission « xew xewu jamano » sur Iradio, une anecdote vécue. Un jeune homme de ses connaissances qui lui a demandé s’il ne connaissait pas une personne en besoin de rein à acheter après que ce dernier lui ait demandé de patienter jusqu’au lendemain pour qu’il puisse répondre à sa sollicitation. Il était donc prêt à se livrer à une telle transaction après avoir vu des émissions de télévision s’épancher sur l’existence de ces pratiques. Cette demande glaçante, qui rend compte d’une désespérance dont la survenue correspond à une période d’embrouille où l’on ne sait plus où donner de la tête. A l’image de cette série macabre de pirogues migratoires qui continuent d’embarquer les rêves de nombre de jeunes escomptant échouer sur la terre ferme des Iles Canaries assimilée à un eldorado. Si d’aucuns y arrivent, un grand nombre bascule dans un cauchemar, engloutis dans les profondeurs océanes suite à un naufrage. Ainsi vit-on au Sénégal, depuis quelques jours, au rythme insoutenable de corps régurgités par la mer, repêchés et ramenés sur les plages. Ce sont de jeunes hommes et femmes, de toutes conditions sociales, qui se livrent à cet exercice où même les bébés ne sont pas épargnés.
« Barça ou Barsax », lancent-ils en chœur portés par une sorte de loterie qui tutoie la vie ou la mort. A jeu égal. Même si l’on se demande pourquoi se risquent-ils à cela plutôt que de tenter tout ce qu’il est possible pour s’en sortir chez eux, tels l’auto-entreprenariat, l’investissement dans l’agriculture, il demeure que cela interroge nos chercheurs, nos sociologues, pour expliquer ce qu’il se passe jusqu’à libérer autant de pulsions suicidogènes.
Un questionnement d’autant plus nécessaire que l’on se souvient qu’en 2000, avec l’avènement de la première alternance politique, 40 ans après l’indépendance, il y avait une grande respiration démocratique avec une libération fulgurante de poumons longtemps comprimés et qui pouvaient se réoxygéner enfin. Il y avait une forte espérance qui s’est déversée avec une vague de jeunes diplômés qui ont pris le pari de quitter un travail bien rémunéré en Europe, à l’appel d’un opposant historique qui les avaient entraînés dans ses promesses de transformation du visage du Sénégal et de leurs quotidiens respectifs.
Un espoir structuré autour d’un slogan mobilisateur : « Travailler. Toujours travailler. Encore travailler » leur a été proposé comme catalyseur. Avec en arrière fond les promesses d’un changement institutionnel : Une justice ; des organes de contrôle qui font leur travail ; un Etat protecteur et non partisan. Très rapidement, la désillusion a douché les espoirs lorsque les propos de jour de victoire de l’opposant historique ont été étalés sur la place publique. « Nos problèmes d’argent sont maintenant terminés », avait-il confié à son directeur de campagne, s’inscrivant ainsi dans la perpétuation d’un Etat vache à lait et nourricier. Le désenchantement s’en était suivi. Comme un chat échaudé craignant l’eau froide de la désillusion, nombre de gens aux préjugés favorables sont dans l’attente de voir que cette nouvelle alternance portée par la jeunesse va dans le bon sens.
Loin d’être prometteurs, les premiers signaux laissent d’ailleurs penser que les promesses de campagne ne valent que pour celles et ceux qui y croient. Les appels à candidature et la rationalisation des agences mis en berne, on continue de nommer aux postes de direction comme si de rien n’était, sous prétexte qu’il y a des préalables administratifs qui ne sont pas encore au rendez-vous. Les fonds politiques naguère décriés sont toujours de mise. La rupture ensevelie, la continuité s’éternise. Un surplace incroyable bercé par un regard politicien qui tourne le dos à l’intérêt général. L’obsession partisane en lieu et place de l’empathie pour autrui. Le patriotisme de parti au-dessus de la patrie. Avec une telle vision, il va de soi que l’on ne s’en sortira pas facilement.
A-t-on d’ailleurs idée de voir un ministre de la République, celui de la Santé, affirmer à ses partisans « donner systématiquement sa priorité aux candidatures issues du parti Pastef lorsqu’il reçoit des CV ». Tout à essayer de trouver des propos de langage censés le dégager de ce sable mouvant, Ibrahima Sy n’a fait que s’enfoncer encore plus en expliquant que dans son cabinet ministériel « il n’y a aucun profil politique ». A l’en croire, il privilégie toujours les compétences, l’expérience et le savoir-faire pour qu’en définitive, les résultats priment sur toutes les autres considérations. Et de s’égarer dans l’indéfendable en affirmant : « A compétence égale, je ne pense pas que cela soit un délit de promouvoir un cadre de Pastef qui est aussi un Sénégalais bien méritant ». Là n’est surtout pas la question puisque la nomination doit être « aveugle », c’est-à-dire basé exclusivement sur la compétence comme le souhaiterait la tradition républicaine. A moins de vouloir bâtir un « Etat pastéfien », force est de constater que le ministre Ibrahima Sy n’est assurément pas à sa place. Il devrait plutôt se retrouver au niveau des instances du parti et laisser la place à une personne autre dont l’obsession est le Sénégal.
La rupture dont il est question consiste à s’engager à ce que plus jamais, le parti ne soit mis au centre de la gouvernance étatique. Au regard de tout ce que l’on observe, malheureusement il faut se résoudre à l’idée que cette éventualité n’est pas pour demain. A plusieurs niveaux s’expriment en effet des préoccupations aux antipodes de cette espérance. Aussi est-on en droit de s’inquiéter en constatant que s’élargit le sillon de la désinvolture.
Ainsi en est-il du ministre Oumar Diagne et son engagement à ériger une mosquée à la présidence. Pays de croyants, de brassages culturels, ethniques comme on se plait à le rappeler, surtout en cette veille de Maouloud, il y a donc à traiter les Sénégalaises et les Sénégalais avec une égale dignité, en évitant de s’inscrire dans une logique de majorité et/ou de minorité confessionnelles. Dans la perspective qu’il dessine, Oumar Diagne nie les autres à moins de les considérer comme des citoyens de seconde zone. Qu’il penche pour la construction d’une mosquée en lieu et place de salles de prières aménagées l’oblige à penser à celle d’une chapelle pour les fidèles chrétiens, d’un autel pour les adeptes des religions traditionnelles. Le palais de la République faut-il le rappeler, appartient aux Sénégalaises et aux Sénégalais quelles que soient leurs origines et aucune exclusion n’y est tolérable.
La perpétuation du système, c’est encore cette chose incompréhensible qui voit un pan de l’avenue Léopold Sédar Senghor barricadé, interdit à la circulation piétonne. De telles dispositions n’avaient pas cours sous Senghor ni sous Abdou Diouf ni sous Abdoulaye Wade, à part une gestion ponctuelle de manifestations dans cet espace sensible. C’est sous Macky Sall qu’un tel dispositif a été mis en place. Il est donc à déplorer que les nouvelles autorités s’installent dans ce sillage, privant les populations et les touristes comme naguère de continuer à admirer la devanture du Palais et de se faire photographier avec les gardes rouges. Il est plus que temps de s’investir dans ce qui répond aux attentes urgentes des populations et enrichir son système démocratique.
Démystifier le pouvoir, c’est en domestiquer les apparences en déroulant une simplicité subversive toute tournée vers l’amélioration des conditions de vie des populations, en se positionnant comme un serviteur soucieux de leur bien-être. Les enjeux sont dans l’effectivité des réponses apportées et non dans les effets d’annonce, encore moins dans les foucades.
Une manière de rappeler que le bail de cinq ans qui a été contracté avec le nouveau pouvoir est de transformer le pays autour des urgences que sont l’emploi, l’agriculture, l’école, la santé. Et parce que le temps presse, il est important de prendre exemple sur des expériences concluantes à l’image de Singapour qui a montré que le possible est le chemin, à condition de s’en donner les moyens avec détermination et rigueur. Aujourd’hui, il est le premier pays au monde en enseignement des mathématiques et des sciences, le troisième pays le plus riche au monde. Toutefois, s’il est vrai que les tenants du pouvoir sont aux manettes depuis quelque six mois, il est prématuré de juger sauf à dire que l’on ne sent pas frissonner des pratiques prometteuses. En attendant l’impatience sourde
Par Fadel DIA
ET SI NOUS-MÊMES NOUS NOUS CHANGIONS (SYSTÉMIQUEMENT) ?
Il n’y a pas eu le moindre sursaut de civilité ou de civisme pour accompagner le nouveau gouvernement. Changer, pour les nouveaux gouvernants c’est aussi « réactualiser » leurs promesses d’opposants car ils avaient à la fois trop promis et mal promis
C'est l’un de ses plus illustres théoriciens, et peut-être même l’inventeur de la notion, qui nous a enseigné que la démocratie ce n’était pas seulement gouverner, c’est aussi être gouverné. Etre gouverné est une vraie compétence et aucun gouvernant ne peut atteindre ses buts sans la participation de ceux qu’il gouverne.
Voilà pourquoi la nouvelle équipe qui dirige notre pays depuis près de cinq mois et qui nous avait promis, un peu imprudemment peut-être, des changements « systémiques », aurait dû aussi nous rappeler que ceux-ci ne sont possibles que si nous-mêmes acceptions de changer. Ses chefs, dont on vante la piété, auraient pu appeler en renfort ce précepte du Coran selon lequel Dieu ne change pas un peuple tant que celui-ci ne fait pas lui-même l’effort de se changer. Quand on a l’ambition de bouleverser de fond en comble la gestion de la « chose publique » (puisque c’est la définition de « république ») il faut garder à l’esprit que la « chose publique est la chose du peuple », qu’on n’y peut rien changer sans sa participation, que ce ne sont pas les bonnes lois qui font les bons citoyens, mais les bons citoyens qui font les bonnes lois. Enfin, après nous avoir appelé à notre responsabilité, et en se fondant sur l’évaluation qu’ils avaient dû faire de l’État de la nation, les nouveaux maitres du pays auraient pu s’inspirer, de Winston Churchill cette fois, et nous avertir que les sacrifices auxquels nous aurons à consentir ont un coût et qu’avant de connaitre des jours meilleurs, nous vivrons probablement des jours difficiles …
Aucune de ces précautions n’a été prise et c’est peut-être faute d’avoir été appelés à la rescousse, faute d’avoir été mis face à leurs responsabilités, que les Sénégalais se comportent comme si rien ne s’était passé. Ils avaient pourtant vécu une élection sans bavures, ils avaient porté au pouvoir un homme encore vierge des tares des politiciens professionnels et qui était en prison quelques jours avant le scrutin, ils avaient assisté à l’avènement de la première vraie alternance politique qu’ait connue leur pays, pour ne pas dire à un changement de régime, et pourtant ils n’ont pas été en mesure de faire éclore une sorte de « printemps (un pré-hivernage ?) du peuple » … et, surtout, ils n’ont renoncé à aucune de leurs mauvaises habitudes. Ce n’est pas seulement qu’ils ne les ont pas changées, c’est à se demander s’ils ont conscience qu’il faut les changer pour que change la gouvernance du pays. Ils ne sont donc pas sortis dans la rue pour proclamer solennellement que plutôt que de demander ce que leur pays pouvait faire pour eux, ils demanderont désormais ce qu’ils pouvaient faire pour lui, afin de le sortir des terrains minés dans lesquels il s’est embourbé depuis des décennies. Il n’y a pas eu, dans tout le Sénégal, le moindre sursaut de civilité ou de civisme pour accompagner le nouveau gouvernement, et plus que jamais les Sénégalais se battent pour conserver des privilèges ou des passe-droits, pour solliciter des récompenses ou des prébendes !
Les accidents de circulation se sont multipliés, à une fréquence jamais atteinte et pour les mêmes raisons qu’auparavant, et pourtant il n’y a eu nulle part de mouvement de foule pour boycotter les bus surchargés, aux pneus usés ou simplement crasseux. Le dernier accident en date, et sans doute le plus monstrueux (16 morts calcinés, 16 blessés graves…) n’a même pas fait le principal titre du journal télévisé de la RTS qui, au moins dans ce domaine, n’a pas non plus changé : elle était en Chine !
L’exode des jeunes ne s’est pas tari, il s’est même accéléré, avec quelquefois le soutien des familles, par des voies encore plus périlleuses. Jamais il n’a fait autant de victimes en si peu de temps, le dernier naufrage en date qui s’est fait à notre porte, a paru si banal qu’il n’a suscité aucune manifestation à portée nationale. C’est, d’une certaine, manière, une forme de camouflet pour le nouveau pouvoir, comme si notre jeunesse doutait qu’il puisse tenir ses promesses de campagne, alors que c’était elle qui avait le plus contribué à sa victoire et qu’elle en a payé le prix.
Tout comme autrefois, la moindre mesure de salubrité et d’hygiène provoque la colère des populations … et fait reculer l’autorité chargée de la garantir. Une des illustrations les plus symboliques de cette apathie générale, c’est que l’idée de Journée nationale du set setal est une décision de l’Etat alors qu’elle aurait dû être, comme il y a quelques années, une initiative citoyenne et populaire, elle a des relents de corvée et notre passé colonial nous a enseigné que les corvées sont sans avenir.
Nous avons continué à penser que le trottoir était un lieu de commerce ordinaire, ou le prolongement de notre maison et que nous pouvions nous l’approprier, y installer des barrages, voire de petits bois sacrés ou toutes sortes d’obstacles qui obligent les piétons à disputer la chaussée avec les véhicules ou à marcher dans la fange…
On ne peut pas clore cette liste, loin d’être exhaustive, des actes et comportements qui traduisent notre incivisme et notre penchant à violer les lois qui fondent ce que Senghor appelait « notre commun vouloir de vie commune », sans évoquer un de ses grands regrets : notre manque de ponctualité. Contrairement à nous, le président poète avait compris que l’exactitude n’est pas seulement la politesse des rois, mais qu’elle est la botte secrète du développement de certaines démocraties avancées.
Mais, me dira-t-on, véniel que tout cela ! Les vrais changements, c’est ailleurs qu’il faut les chercher, il faut aller aux principes que diable ! C’est vrai, mais outre que cela nous conduirait très loin, et qu’ils se font attendre, on ne peut pas nier que ces petits « riens » que j’ai évoqués sont non seulement ceux qui pourrissent notre vie quotidienne mais aussi ceux dont la solution est à notre seule discrétion. C’est parce que nous les prenons à la légère que tous nos espaces sensoriels se rétrécissent comme une peau de chagrin ,à commencer par notre espace visuel qui se réduit de jour en jour par le surgissement inopiné dans notre proche environnement, sur des espaces qui n’y étaient pas préparés et au mépris des règles d’hygiène et des lois de l’architecture, d’immeubles, voire de tours, qui nous cachent le soleil ou la mer, nous privent de la fraicheur des vents, obscurcissent ou rendent étouffant notre espace vital. Notre espace auditif est quant à lui pollué par des bruits qui ne sont pas de doux chants d’oiseaux, mais des disputes de passants, voire de nos voisins, les klaxons des voitures, les bêlements de moutons affamés, les micros de marchands ambulants ou des cérémonies familiales qui squattent les chaussées et dont on ne sait pas toujours si elles célèbrent un évènement heureux ou malheureux, où ceux des lieux de culte qui donnent à croire que Dieu serait dur d’oreille ! Notre espace olfactif est envahi par les mauvaises odeurs, celles des eaux usées, des dépôts d’ordures clandestins, des canalisations éventrées ou utilisées à contre-emploi, celles des mares stagnantes. Même notre espace tactile est menacé, et en ces temps de Covid rampant, il est devenu dangereux de frôler de ses mains les rampes des escaliers dans les lieux publics ou sur les passerelles qui enjambent les autoroutes !
Si nous avons tourné une page de notre histoire, cela n’a pas encore modifié notre mode d’existence, sans doute parce que notre refus de changer est l’expression la plus parfaite de notre refus du progrès et du développement, comme nous le faisait observer une des nôtres il y a bien longtemps. Est-ce que ceux qui nous gouvernent ont conscience qu’eux aussi doivent se remettre en cause ? Car hier, ils étaient dans l’opposition, ils pouvaient donc promettre de changer le monde, mais maintenant qu’ils gouvernent, il leur faut désapprendre leur ancienne fonction et apprendre la nouvelle. C’est peut-être ce que notre Premier ministre a voulu démontrer en faisant ami-ami avec son homologue malien dont le gouvernement use en matière des droits de l’homme de pratiques dont il avait été lui-même victime il y a quelques mois. Il lui sera en revanche plus difficile de reconnaitre que si, hier, il était libre de faire des critiques, aujourd’hui il lui faut accepter d’être l’objet de critiques, et ce n’est pas facile sous nos cieux car nos dirigeants ont une fâcheuse tendance à refuser toute contrariété. Les évènements récents semblent indiquer que les nouveaux maitres du pays n’échappent pas à cette règle.
Changer, pour les nouveaux gouvernants c’est aussi « réactualiser » leurs promesses d’opposants car ils avaient à la fois trop promis et mal promis. Une réforme « systémique » c’est une réforme qui privilégie les composantes du système sur les causes, c’est une réforme globale qui va au fond des choses et évite de s’égarer dans l’accessoire et dans les fantasmes des réseaux sociaux, et force est de reconnaitre qu’ils se sont trop attardés sur des détails. Car c’était un détail que cette querelle sur le voile, survenue au pire moment, qui n’a fait que réveiller des rancœurs et des suspicions. C’est encore un détail que cette publicité autour d’une forme de spoil system inédite, précipitée, d’une ampleur sans précédent au Sénégal et qui, en moins de cinq mois, a opéré près de 500 nominations de nouveaux responsables dans notre administration et dans nos institutions. Outre le reproche porté sur cette opération, accusée d’être le reniement d’une promesse et une forme de discrimination, elle est loin d’être conforme à l’usage qui en est fait dans le pays qui l’a inventée. A titre de comparaison, aux Etats-Unis ce sont seulement 0,002% des fonctionnaires fédéraux qui sont éligibles à cette procédure (soit 4000 sur 2.000.000 !), et pour un tiers d’entre eux, l’avis favorable du Congrès est nécessaire.
Enfin, et pour conclure, avons-nous les moyens d’une réforme « systémique » ? L’histoire a montré que ce genre de réformes mène généralement aux mêmes paradoxes et que ceux qui les ont promulguées et qui sont chargés de leur exécution sont souvent paralysés par l’ampleur de la tâche et sa complexité. Lorsqu’ils les mettent à l’œuvre ils courent le risque de tomber dans des excès de pouvoir et dans des aveuglements qui dressent contre eux, quelquefois inutilement, la majorité de leurs concitoyens. Alors, changement pour changement, pourquoi ne pas préférer un changement, un vrai, profond et salutaire, mais qui se ferait étape par étape, de proche en proche et qui ferait l’économie de querelles inutiles et de règlements de comptes. C’est une façon de reconnaitre cette réalité : rien n‘est plus difficile à gouverner qu’un être doué de raison !
Samba FAYE
MONSIEUR LE MINISTRE, N’ATTENDEZ PAS D’AUTRES MORTS POUR AGIR
Depuis qu’il est là, il y a des dizaines d’accidents mortels. Comme remède, il y a quelques semaines, le ministre des transports scandait que «dorénavant, en cas d’accident grave, des enquêtes systématiques seront menées… ».
Depuis qu’il est là, il y a des dizaines d’accidents mortels. Comme remède, il y a quelques semaines, le ministre des transports scandait que «dorénavant, en cas d’accident grave, des enquêtes systématiques seront menées… ». Cependant, depuis son incantation la route continue à tuer. A cette liste macabre, s’ajoute l’accident mortel de ce 09 septembre 2024 à Ndagalma. Quid de la prévention ? Attendre encore de nouvelles pertes en vies humaines (qui d’ailleurs continuent depuis votre déclaration) pour cher- cher où se situe le problème est une hérésie. Que faites-vous de votre affirmation du vendredi 26 avril 2024 au village de Yamone … «90% des accidents de la circulation au Sénégal… sont dus à un problème de comportement». Donc vous avez déjà fait une enquête, alors agissez ! En cas d’accident trois facteurs essentiels sont en jeux : l’humain, la route et le véhicule.
D’abord concernant le facteur humain, il y a les chauffeurs, piétons, riverains et agents de sécurité. A propos des chauffeurs, il serait important de revoir le processus d’obtention du permis (…). L’éducation doit commencer à ce niveau. Pour les agents de sécurité routière, lutter contre les comportements déviants (éventuellement primer le meilleur agent par une promotion significative). Et enfin pour les piétons et riverains, il faut une éducation. Tout ceci doit être articulé autour d’une intense campagne de communication sociale pour agir durablement sur les attitudes (un peu de benchmarking ferait du bien …). Ensuite le facteur routier, avec les nids de poule, l’étroitesse des routes (exemple la route Saint-Louis Dakar). Dans l’immédiat, il faut améliorer la signalisation surtout Horizon. Et à moyen terme élargir les routes nationales (surtout RN1 et RN2 vu le niveau de trafic).
Enfin sur l’État des véhicules, on en voit qui, le passage aux visites techniques intrigue plus d’un. Les services de l’état doivent être plus rigoureux. Au besoin, multiplier les points de visites techniques car l’affluence constatée est le lit de la corruption. Au regard de tout ce qui précède, il est constatable que 90 % de la responsabilité revient à l’état ! Alors, avant un «tout répressif» mettez en œuvre le «tout préventif» d’abord.