"Tristesse, bonjour", avec le décès abrupt d'Abdou Ndukur Kacc Essiluwa Ndao, ce vendredi 6 septembre, par crise cardiaque, dans sa cinquantaine avancée.
Condoléances attristées à sa famille, aux proches et aux amis. Que son âme repose en paix, après son inhumation.
Anthropologue (Université Cheikh Anta Diop de Dakar, promo 1997), écrivain et sociologue (Université Gaston Berger de Saint-Louis, promo 1991), l'intellectuel décapant qu'il était avait obtenu son baccalauréat au Lycée Seydina Limamou Laye de Guédiawaye, en 1987.
Son trépas brutal me renvoie tristement au décès, par crise cardiaque aussi, de celui dont j'ai été directeur-adjoint alors qu'il était directeur du Département Culture de l'ONG Gorée Institute : l'écrivain, acteur de théâtre et de cinéma, et éditorialiste John Matshikiza, décédé à Melville près de Johannesburg, où une crise cardiaque l'a fatalement frappé, un mois de septembre aussi (2008), alors qu'il était au restaurant.
Ndukur comme John ont été des témoignages vivants que les études littéraires ou en sciences humaines (dites sciences molles) ne sont pas vaines et ne doivent pas être un pis-aller pour nos jeunes bacheliers, quand ils se projettent dans leur futur universitaire et visualisent leur carrière professionnelle à venir.
Ndukur promouvait notre africanité anthropologique pour que nous ne laissions pas effacer notre être nègre face à tous les apports extérieurs.
En juin 2022, avec le photographe d'art Matar Ndour, Ndukur avait commis un livre. Le livre "From Tenda to Adjamat" est présenté ainsi par Oumar Sall, avec le titre "Permanence du paraitre, constance de l'être" : "Les rites survivent grâce à une appropriation collective d'une communauté qui les entretient et les transmet, par devoir. Comment naissent-ils ? Par le pouvoir légitimé et l'autorité acceptée d'un(e) membre. Une série de bienfaits et d'interdits est alors construite tout autour pour en garantir la force. Ainsi, les sociétés bâtissent-elles un commun ; cultuel et culturel. Mais qu'est-ce qu'un rite sans le paraître qu'il renvoie hors de l'enclos initiatique ? Son sens ne se fait pas seul. Il a des exigences de couleurs, de rythmes, de mouvements. Une fois instaurées par et pour la première génération, des règles imaginées sont revêtues de sacré, pensées comme un curriculum qui ouvre l'accès à une station supérieure. Et il suffit que les “fondateurs” disparaissent pour que l'inamovibilité s'impose ; par peur de profaner des mémoires précurseurs. Pour les générations à venir, l'initiation s'institue. Énigmatique et discrète ; parfois douloureuse. Itinéraire qui, les auteurs le montrent bien, au bout, produit des êtres drapés d'assurance et de dignité. "
Ndukur était né un 10 janvier.
Ousseynou Nar Gueye est fondateur-éditeur du site d'info Tract.sn & Communicant (Axes & Cibles Com).
par Ibrahima Malick Thioune
LE TIRAGE AU SORT EN DÉMOCRATIE : UNE ALTERNATIVE POUR RÉENCHANTER LA REPRÉSENTATION POLITIQUE
Cette méthode, loin d'être une nouveauté, puise ses racines dans l'Antiquité grecque. Aujourd'hui, elle se réinvente comme un outil pour revitaliser nos systèmes démocratiques
Dans les démocraties contemporaines, les systèmes électoraux sont devenus les garants de la légitimité des gouvernements. Cependant, ces systèmes souffrent d'une crise de représentativité. L'emprise des élites socio-économiques, l'influence des groupes d'intérêt et la montée de la polarisation politique ont exacerbé le fossé entre les gouvernants et les gouvernés. Face à ces difficultés, le tirage au sort, méthode ancienne utilisée dans les démocraties antiques, refait surface comme une solution possible pour restaurer l'équité, la diversité et la justice dans les processus décisionnels. À l’instar des réformes constitutionnelles en Irlande ou des expérimentations en France avec la Convention Citoyenne pour le Climat, le tirage au sort s’inscrit de plus en plus dans les réflexions théoriques et pratiques visant à revitaliser nos démocraties.
Ce retour aux sources historiques, et la revalorisation des mécanismes aléatoires de désignation politique, soulèvent des interrogations fondamentales quant à la nature même de la démocratie. Si, comme l’affirmait Aristote, « le tirage au sort est démocratique », cette méthode n’en est pas moins sujette à des critiques quant à sa légitimité et son efficacité. Il convient donc de l'examiner à la lumière des principes démocratiques, tout en tenant compte des réalités actuelles de nos systèmes politiques. À travers une analyse théorique et empirique du tirage au sort, cet article propose de démontrer que, loin d’être une pratique archaïque ou irréaliste, cette méthode constitue une alternative crédible pour remédier aux défaillances des démocraties représentatives modernes.
Fondements et Limites des Systèmes Électoraux
1. L'Élection : Une méthode de sélection non neutre
Le suffrage universel, présenté comme l’expression directe de la volonté populaire, s’est imposé comme le pilier des régimes démocratiques modernes. Les élections permettent en effet au peuple de choisir ses représentants à intervalles réguliers, conférant ainsi aux élus une légitimité démocratique indiscutable. Pourtant, l’élection, malgré ses apparences de neutralité, n’est pas exempte de biais.
Le premier de ces biais est socio-économique. Dans un contexte où les campagnes électorales nécessitent des ressources financières considérables, les candidats issus des classes aisées bénéficient d’un avantage décisif. Les frais de campagne, l’accès aux médias et le soutien de groupes d’intérêt influents favorisent les élites au détriment des candidats issus des milieux modestes. Cette inégalité dans les moyens se traduit par une surreprésentation des classes favorisées dans les instances décisionnelles, ce qui engendre un déséquilibre dans la formulation des politiques publiques.
Ce phénomène est aggravé par la polarisation politique. La compétition électorale, particulièrement dans les systèmes majoritaires, tend à exacerber les clivages entre les partis. Les partis politiques, pour maximiser leurs chances de succès, adoptent des positions de plus en plus tranchées, entraînant une radicalisation du discours politique et une perte du sens du compromis. Cette polarisation mine la cohésion sociale et bloque souvent les processus législatifs, rendant la gouvernance de plus en plus difficile.
Enfin, l'élection, en favorisant l’émergence de leaders charismatiques, conduit à la personnalisation du pouvoir. Le processus électoral devient alors un théâtre où les qualités personnelles des candidats – souvent réduites à leur aptitude à séduire les électeurs – priment sur les compétences techniques et la réflexion politique. Ce phénomène est accentué par la médiatisation à outrance des campagnes, qui met l'accent sur l’image des candidats plutôt que sur la consistance de leurs programmes.
En somme, les élections, en dépit de leur légitimité apparente, favorisent la concentration du pouvoir entre les mains des élites, renforcent la polarisation politique et encouragent la personnalisation du pouvoir. Elles tendent à détourner la démocratie de son essence première, qui est de garantir une participation égale et active de tous les citoyens au processus décisionnel.
2. Les Limites du système représentatif
La démocratie représentative, fondée sur l’élection, repose sur une délégation de pouvoir. Les citoyens, par leur vote, confient à des représentants le soin de légiférer en leur nom. Si cette forme de démocratie permet de gérer la complexité des sociétés modernes, elle présente néanmoins des défauts structurels.
Tout d'abord, elle crée une distance entre les gouvernés et les gouvernants. Une fois élus, les représentants jouissent d'une autonomie relative dans la prise de décisions, ce qui peut les amener à privilégier leurs propres intérêts, ou ceux de leurs soutiens financiers, plutôt que l’intérêt général. De plus, la délégation de pouvoir tend à éloigner les citoyens du processus politique, réduisant leur rôle à un simple acte de vote tous les quatre ou cinq ans.
Ce mécanisme génère également un déficit de participation. La participation électorale, bien que fondamentale, ne permet pas une implication continue des citoyens dans les affaires publiques. Nombreux sont ceux qui se sentent dépossédés de leur pouvoir une fois les élections passées, laissant les représentants agir sans contrôle effectif de la base électorale. Ce qu’en disait l’abbe Sieyes est très évocateur. Dans son discours du 7 septembre 1789 il dit : Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. »
Cette réalité conduit inévitablement à une crise de légitimité. La montée de l'abstention et la défiance croissante à l’égard des élites politiques illustrent une rupture entre les citoyens et leurs représentants. Les populations perçoivent de plus en plus les institutions démocratiques comme déconnectées de leurs préoccupations, et la représentativité des élus comme insuffisante pour garantir une véritable démocratie.
Ces constats justifient la nécessité de repenser les modalités de la représentation politique. Le tirage au sort, en se positionnant comme une alternative à l’élection, propose un mode de désignation non élitiste et plus représentatif de la diversité sociale. Mais avant d’évaluer cette alternative, il est essentiel de revenir sur les origines et les principes théoriques qui fondent cette méthode.
Tirage au Sort : Une voie pour réenchanter la démocratie
1. Le Tirage au Sort : fondements historiques et avantages théoriques
Le tirage au sort trouve ses racines dans la démocratie athénienne, où il était considéré comme le moyen le plus démocratique de désigner les représentants. Dans l’Athènes antique, le tirage au sort garantissait une égalité d’accès aux charges publiques, indépendamment des conditions sociales ou économiques des citoyens. Cette pratique visait à empêcher la concentration du pouvoir et à assurer une rotation des responsabilités, garantissant ainsi une participation large et diversifiée à la vie publique.
Cette méthode repose sur l'idée de la rationalité du choix politique, c’est-à-dire sur l’absence de biais conscients dans la désignation des représentants. Contrairement à l'élection, où les choix sont influencés par des considérations partisanes, sociales ou économiques, le tirage au sort neutralise les influences extérieures. Le hasard décide, et cette impartialité intrinsèque est précisément ce qui confère au tirage au sort sa dimension démocratique.
Le tirage au sort permet en outre de réduire les conflits d'intérêts. Dans un système électoral, les élus sont souvent redevables à leurs donateurs ou à leurs partis, ce qui peut biaiser leurs décisions. En éliminant la nécessité de financement de campagnes, le tirage au sort garantit une plus grande indépendance des représentants. Ces derniers sont ainsi plus enclins à prendre des décisions en fonction de l’intérêt général plutôt qu’en réponse à des pressions extérieures.
Par ailleurs, le tirage au sort contribue à une représentation plus équitable de la société. Contrairement aux élections, qui favorisent généralement les candidats les mieux dotés en ressources financières et en réseaux d'influence, le tirage au sort donne à chaque citoyen une chance égale de participer au processus politique. Cela permet d'inclure des groupes souvent sous-représentés, tels que les minorités ethniques ou les personnes à faibles revenus, assurant ainsi une plus grande diversité des voix au sein des instances décisionnelles.
2. Applications contemporaines et défis pratiques
L’intégration du tirage au sort dans les démocraties modernes se fait principalement par le biais de jurys citoyens ou d'assemblées délibératives. Ces expériences, menées dans plusieurs pays, montrent que le tirage au sort peut enrichir le débat public et renforcer la légitimité des décisions politiques. En France, par exemple, la Convention Citoyenne pour le Climat a réuni 150 citoyens tirés au sort pour formuler des propositions sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En Irlande, la Citizens' Assembly a contribué à des réformes constitutionnelles majeures, notamment sur la légalisation du mariage pour tous.
Cependant, la mise en œuvre pratique du tirage au sort présente plusieurs défis logistiques. La constitution de listes inclusives de participants potentiels, la sécurisation du processus de tirage et la formation des citoyens tirés au sort sont autant d'éléments cruciaux pour garantir la réussite de cette méthode. Des systèmes sophistiqués de gestion, combinant technologie et supervision institutionnelle, sont nécessaires pour assurer la transparence et l’impartialité du tirage.
Un autre défi réside dans la perception publique du tirage au sort. Beaucoup de citoyens considèrent cette méthode comme contraire aux principes de mérite et de compétence. Pour surmonter cette résistance, des stratégies de sensibilisation doivent être mises en place, notamment en expliquant les avantages du tirage au sort et en prouvant son efficacité par des expériences réussies. La combinaison du tirage au sort avec d’autres méthodes, telles que l’élection pour certaines fonctions exécutives ou législatives, peut également renforcer sa légitimité.
Vers une démocratie hybride
Face à la crise de représentativité et aux défaillances des systèmes électoraux traditionnels, le tirage au sort apparaît comme une alternative crédible pour réenchanter la démocratie. En permettant une représentation plus équitable, en réduisant les biais électoraux et en neutralisant les conflits d’intérêts, cette méthode offre une voie pour revitaliser la participation citoyenne et restaurer la confiance dans les institutions démocratiques. Cependant, pour que le tirage au sort devienne une solution viable et légitime, il doit être mis en œuvre de manière réfléchie, en tenant compte des défis logistiques et des perceptions publiques.
Plutôt que de remplacer entièrement les élections, le tirage au sort pourrait être intégré dans un système hybride, où il compléterait les mécanismes électoraux traditionnels. Cette complémentarité permettrait de profiter des avantages des deux méthodes : l’élection pour la légitimité populaire et le tirage au sort pour la diversité et l’impartialité. Ainsi, la démocratie, dans sa quête d’inclusion et de justice, pourrait renouer avec ses principes fondateurs tout en s’adaptant aux exigences du monde moderne.
Ce modèle de démocratie hybride, en s’appuyant sur des dispositifs délibératifs et participatifs, offre une réponse innovante aux insuffisances de la démocratie représentative. Il montre qu’il est possible de repenser la gouvernance politique en associant les citoyens de manière plus directe aux processus décisionnels, ouvrant ainsi la voie à une forme de démocratie plus authentique et plus inclusive.
par Patrick Chamoiseau
KALINAGO ET ARAWAK POUR UNE CITOYENNETÉ TRANSNATIONALE
Ne devrions-nous pas, tous autant que nous sommes, soustraire notre horizon au seul modèle de l’État-nation occidental, à son nationalisme meurtrier, pour y multiplier les rhizomes d’une « nation-relation »
À l’heure où les grandes nations se raidissent dans des levées guerrières, nous pouvons — nous, de la Caraïbe — distinguer un murmure. Celui qui monte de la mer et qui nous invite à une reconnaissance. L’Inde et le Bénin, dans un élan de justice mémorielle, l’ont entendu. Ils offrent une citoyenneté de cœur à ceux que la Traite et la colonisation ont enlevés à leur sol. Une porte inédite s’est ainsi ouverte à ceux d’entre nous qui désirent amplifier leur extension au monde. Que l’on s’en serve ou pas relève d’une stricte éthique individuelle. Mais, nous pouvons globalement en peser l’intention.
Au-delà des choix personnels, ne devrions-nous pas, tous autant que nous sommes, soustraire notre horizon au seul modèle de l’État-nation occidental, à son nationalisme meurtrier, pour y multiplier les rhizomes d’une « nation-relation » ‒ celle que nous avons (Édouard Glissant et moi) évoquée dans bien des manifestes ?
De la source à la ressource
Avec la colonisation, la globalisation capitaliste, les mouvements aléatoires des peuples et des individus, le monde s’est pris de créolisation. Il a réactivé en lui (à haute intensité, à grande échelle et sans frontières) le brassage des diversités humaines et non humaines qui composent le vivant. Ce brassage n’est rien d’autre qu’un principe fondateur, non seulement du vivant lui-même, mais aussi des communautés d’Homo sapiens qui se sont mises en place depuis la nuit des temps. Dès lors, tous les peuples, sociétés et cultures d’aujourd’hui, sont exposés à des mélanges relationnels qui font d’eux des pays culturellement composites… Tous sont, soit nés dans le Divers, soit en devenir imprédictible dans le Divers.
Hélas, les imaginaires humains (dans leurs absolus communautaires antagonistes) ont tendance à oublier ce rapport organique à la diversité. Les multiplicités intérieures (post-coloniales, accélérées, soudainement agissantes) affolent les imaginaires restés monolithiques. Un incertain identitaire ébranle les anciennes illusions, tant du bord des coloniaux attardés que de celui des décoloniaux énervés. Pourtant, la santé mentale de notre époque consiste à simplement accepter la loi diverselle du vivant. Ce qui revient pour chacun à accepter toutes ses origines, sans en omettre une seule. À les envisager une à une, nullement comme cicatrices à conjurer, mais comme des sources vives qui deviennent des ressources, et qui irriguent ainsi la profondeur et l’étendue de nos présences au monde. C’est le défi de notre temps.
Désapparition
Ici, dans notre archipel caribéen, chaque volcan élève une stèle aux peuples premiers génocidés. Avant l’arrivée des Européens, cette zone accueillait près de deux millions de natifs – sociétés Taïnos, sociétés Kalinagos. En quelques décennies, victimes de maladies, de massacres, et de toutes qualités d’asservissements, elles se sont retrouvées gisantes, éparpillées de par les îles, en quelques milliers de survivants. Cet effondrement constitue un impensable conceptuel. Les vagues y font frémir les silences, les cris et les soupirs, de ceux qui sont venus d’eux-mêmes, et de ceux que l’on a charroyés pour le besoin des colonisations. C’est l’écume de ces vagues qui distille un intranquille murmure, habité de mille sources, virtuel de mille ressources.
Hélas, dans ce chaos génésique, les descendants des Arawaks et des Kalinagos, ne sont plus que des sources négligées, et donc, en ce qui concerne notre devenir à nous caribéens, des ressources potentielles abimées. À l’heureuse du bonheur, leurs formidables équations culturelles n’ont pas pris disparaître malgré le génocide ; elles ont seulement désapparu, nourrissant par en-bas, mais nourrissant malement, ce que nous sommes maintenant. Il est temps de les reconnaître. Il est temps de nous ouvrir en eux, de les ouvrir en nous – non en ombres folkloriques, mais en citoyens d’office, sujets trans-nationaux, de notre grande Caraïbe qu’ils savaient, de toute éternité, concevoir dans une continuité de terre, de ciel, de mer, d’aller-virer et de balans du vent.
Blason
Alors, tenons cette poétique : ouvrir nos pays ; permettre à ces filles et ces fils de l’horizon premier, de circuler sans chaînes, de s’enraciner comme bon leur semble dans chacune de nos terres, sans accrocs ni barrières. Offrons-leur (et offrons-nous dans le même temps) un moment de justice historique, un éclat d’élégance mémorielle : le blason d’une vision hospitalière du monde.
Cette citoyenneté-en-étendue serait une réparation symbolique du génocide inaugural. Elle leur rétablirait une présence plénière parmi nous, laquelle deviendrait la trame incontestable de notre espace commun. La Caraïbe pourrait ainsi déserter sa chimère d’insularités éclatées, sans mouvement d’ensemble autre que celui, absurdement capitaliste, d’une liturgie économique. Elle pourrait ouvrir la ronde d’une rythmique de jazz où chaque île-pays s’amplifierait des échos et des richesses des autres ; où chaque citoyen improviserait en lui toutes les histoires, toutes les mémoires, toutes les souffrances, mais aussi toutes les beautés de ce qui constitue la gamme géographique la plus créole et la plus musicale du monde.
Nations-relation
Nous, du pays-Martinique, avons encore à nous débarrasser des vyé zombis mentaux qui nous lient aux abrutissements de l’outremer français. Riches d’une souveraineté optimale, maîtrisant nos interdépendances avec la France, avec l’Europe, nous pourrions enfin assumer nos en-communs de destin avec la Caraïbe. Et kisa de plus beau, de plus juste, de plus vrai, que d’amorcer cette utopie refondatrice en reconnaissant Kalinagos et Arawaks comme fils ainés — inaliénables, légaux et légitimes ! — de notre bel archipel ? Kisa de plus exaltant que de les retrouver libres de le parcourir, de l’habiter au vent, de l’enchanter des sillons de leurs chants, de leurs récits, des kanawas pacifiques de leurs vies ?
Voici une des beautés que cette citoyenneté va engendrer : la Caraïbe s’élèvera en une belle offrande de complexité historique, patrimoniale, mémorielle, de géopolitique démiurge, de solidarité généreuse, et pour tout dire : de Relation. La référence à cette poétique de la Relation d’Édouard Glissant est ici obidjoule. Le poète proposait une gourmandise du monde où les rapports entre les peuples, les cultures, les territoires et les individus, ne seraient plus de dominations ou d’exclusives souveraines. Elles s’agenceraient dans l’interaction horizontale des différences, et de ces surgissements qui naissent sans fin de leurs rencontres. Cette vision récuse les cadres usés des vieux États-nations, le plus souvent moisis sur des verticales du pouvoir et de l’identité. Elle nous offre une partition polyrythmique pour improviser ensemble une mélodie d’alliances plus fluides, plus inclusives de nos appartenances. Danser ça ! auraient admis les répondeurs.
Donc : ni outremer, ni empire, ni fédération, ni confédération, ni zone de libre-échange…, mais l’inouï d’une catégorie juridique nouvelle : l’ouvert d’un archipel-relationnel qu’il nous revient d’imaginer. Chaque descendant des Arawaks et des Kalinagos pourra y retrouver sa terre-mer-archipel, sa voix originelle, sa voie caribéenne, y libérer son devenir dans tous nos devenirs. Il ne s’agit plus de seulement réparer les crimes du passé, mais ‒ sans pathos, sans haine, et sans rien oublier ‒ d’agencer une présence caribéenne où chaque source s’étincelle dans les autres, où les jouvences de l’un viennent compenser les vieillissements de l’autre, où chaque célébration relationnelle acquise, exalte le diversel fondal-natal de nos humanités. C’est un Faire-caraïbe ! auraient crié les répondeurs.
Une nouvelle cheffe des Kalinago de la Dominique vient d’être élue. Il s’agit de Mme Anette-Thomas Sandford. S’il nous fallait lui formuler un hommage, ce serait cette adresse ouverte, destinée à toutes les organisations officielles et entités civiles qui envisagent une autre Caraïbe 1 . Y souscrire sublimerait nos solidarités. La mettre en œuvre désignerait au monde une manière de transcender l’héritage terrifiant des méfaits coloniaux et des folies de la Traite. La proclamer esquisserait surtout un joli pas de tango vers l’idée des « nations-relation » — celles qui sont à venir, celles qui se verront tissées de souverainetés intimes poussées à l’optimal ; celles qui augureront d’une citoyenneté neuve, joyeuse, post-capitaliste, planétaire, poétique et nomade. C’est l’horizon de notre Faire-pays ! auraient hélé les répondeurs.
1 – Association des États de la Caraïbes (A.E.C.), Organisation des États de la Caraïbe orientale (O.E.C.O.), Communauté des Caraïbes (CARICOM), Système d’intégration Centraméricain (SICA), Alliance Bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA), à l’Union des Nations Sud-Américaines (UNASUR)…etc.
Par Hamidou ANNE
LE PROJET CONTRE LE NEANT VERBEUX
Ceux qui se prévalent d’un projet de changement «systémique» devraient enfin l’exposer devant la représentation nationale. Au lieu de réduire la discussion politique à une querelle sur la machine à café
La polémique politicienne tente de masquer les vraies questions liées à l’économie et aux pas majeurs franchis par notre pays durant la dernière décennie. Le Sénégal est un pays à bâtir, à transformer en profondeur et à propulser sur la scène internationale comme un modèle de démocratie solide et d’économie conquérante. Dans le livre-bilan publié par l’ancien régime et intitulé «Macky Sall : 12 ans à la tête du Sénégal», une réalité saute aux yeux, relative à la continuité de l’Etat et à la nécessité de poursuivre l’œuvre de transformation économique et sociale dans la paix et la stabilité. A ce sujet, le régime du Président Macky Sall avait esquissé un plan pour continuer les efforts entrepris avec le Pse, articulés dans des projets, des programmes et des financements ambitieux.
Dans l’ouvrage précité, à la partie «Défis et perspectives», il est mis en évidence les projections contenues dans le Programme d’actions prioritaires (Pap3), qui devait prendre le relais du Pap2a dont la conception avait été dictée par la crise du coronavirus et la nécessité de préserver notre pays de la récession. D’ailleurs, notre excellente gestion du Covid-19, de même que notre capacité d’anticipation avaient permis de rendre notre économie résiliente aux chocs.
Le Pap3 dont l’ouvrage décline les différents axes, articule les politiques publiques entre 2024 et 2028. Il met en exergue cinq défis : la construction d’une économie compétitive, inclusive et résiliente ; le développement d’un capital humain de qualité et la capture du dividende démographique ; le renforcement de la résilience des communautés face aux risques de catastrophes ; la consolidation de la gouvernance ; et la promotion d’une Administration publique moderne, transparente et performante.
Dans le Pap3 conçu par les fonctionnaires de l’Etat du Sénégal, que des ignorants appellent «Système», il est prévu une augmentation massive du montant global de financement. Celui-ci est estimé à 27 182 milliards F Cfa contre 14 712 milliards F Cfa pour le Pap2a, soit une augmentation de 84, 8% en valeur relative. Ce volume est réparti ainsi qu’il suit : Public pur : 13 359 milliards F Cfa ; Privé pur : 9215 milliards F Cfa ; Ppp : 4605 milliards F Cfa dont la contrepartie de l’Etat est de 1152 milliards F Cfa.
Le Pap3, dans le cadre d’un paquet de 32 projets et de 22 réformes, a comme ambition une accélération de la croissance économique, avec un taux moyen annuel qui passerait à 7, 7%. L’Indice de développement humain passerait de 0, 51 en 2021 à 0, 59 en 2028. Quant à la pauvreté, elle baisse à 25% en 2028 contre 37, 8% en 2019.
La phase 3 du Pse a également prévu une hausse du Pib par tête, de 845 449, 2 en 2023 à 1 061 452, 6 en 2028. Sur la même période, il est attendu une augmentation significative du taux des exportations par tête qui passerait de 192 092 F Cfa à 417 720 F Cfa, ainsi qu’un accès global à l’électricité qui devrait atteindre les 100% en 2028. Ce chiffre éloquent est obtenu grâce aux efforts massifs déployés dans le cadre de l’électrification rurale.
Le Pap3 est opérationnalisé par un Programme d’investissements prioritaires (Pip) 2024-2026 dont le Parlement est informé et dont les financements sont obtenus. Il s’agit d’un volume d’investissements de 9 434 924 380 771 F Cfa réparti annuellement comme suit : 1 889 271 569 999 en 2024, 3 263 055 708 759 en 2025 et 4 282 597 102 011 en 2026.
Ces investissements reprennent et amplifient les priorités stratégiques de la politique économique du Sénégal déroulée dans le cadre du Pse depuis 2014. Ils concernent l’agriculture et l’industrie, les infrastructures et le désenclavement, l’éducation nationale, surtout l’enseignement technique et professionnel.
Le Pap3 réitère également la politique sociale dont les six marqueurs forts sont renforcés, comme le Pudc et le Programme des bourses de sécurité familiale.
Les dirigeants actuels ont fondé leur discours politique sur la préférence nationale. En moins d’un semestre d’exercice du pouvoir, l’activité économique ralentit à cause des effets combinés de l’acharnement fiscal, du pilotage à vue, de l’incertitude, des menaces et de la perte de confiance. Or, dans le Pap3, l’orientation est claire. Après des investissements publics soutenus pour les deux premiers Pap, il fallait hausser la contribution du secteur privé à hauteur de 46, 6%, à travers des mesures incitatives, une politique agressive de promotion et un cadre juridique réformé. L’ambition du Pap3 est de faire du secteur privé national le véritable moteur de l’industrialisation et de l’émergence.
Ceux qui se prévalent d’un projet de changement «systémique» devraient enfin l’exposer devant la représentation nationale. Ils ont l’obligation d’inscrire dans l’agenda politique national, le débat sur les orientations économiques et sociales au lieu de réduire la discussion politique à une querelle sur le tapis rouge, la machine à café, la salle de sport et les schémas puérils. La brutalité dans les méthodes, le langage ordurier et la vacuité intellectuelle ne sauraient constituer un programme de gouvernement solide et crédible. Ils ne projettent pas non plus une vision à même d’accélérer la cadence de notre économie et de renforcer l’image du Sénégal sur la scène internationale.
L’ancienne majorité a présenté son bilan de douze années et a expliqué sa méthode pour gouverner le pays sur les cinq prochaines années. Elle n’aura pas l’occasion de dérouler le Pap3 conformément au verdict des urnes. Ceux-là qui sont en responsabilité devraient mettre un terme à l’évitement du débat programmatique, quitter le débat sur la vaisselle et l’électroménager, et enfin fixer un cap pour le pays.
Le régime a le droit de provoquer des élections législatives anticipées pour sauver son chef du gouvernement d’un naufrage devant les députés et devant toutes les caméras du monde. Car l’outrance et l’outrage dans une langue au demeurant sommaire sont tout de même assez insuffisants pour tenir lieu de Déclaration de politique générale.
Ma conviction est faite : nous avons le devoir de mettre rapidement un terme à cette farce de mauvais goût par la voie des urnes, en remplaçant le néant verbeux par un véritable projet de transformation économique et sociale du Sénégal.
par Alioune Tine
ABDU ÉTAIT UN APÔTRE DE LA PAIX
Intellectuel d'une rare densité, socio-anthropologue, il analysait les faits, les événements et les actes avec une impayable force de persuasion, une extraordinaire finesse, et un style voltairien, qui donnait une saveur particulière à ces textes
Abdu Ndukhur Kacc Faye n'est plus. Une terrible nouvelle pour la paix en Casamance. Car Abdu était un apôtre de la paix. Il est mort pour la paix en Casamance.
Le 12 avril, il passe nous voir à Afrikajom Center pour nous informer du travail fantastique qu'il fait sur le terrain, à Oussouye, en Guinée Bissau et nous demandait de l'accompagner. Il rencontrait tous les acteurs pouvant exercer une influence pour une paix définitive. Parlant aux rois de la Basse Casamance, les leaders et combattants du MFDC, mais aussi les autorités politiques et militaires. Travail consistant aussi à nettoyer les terrains infectés par les mines antipersonnels, mais aussi à préserver la forêt.
La Casamance, le Sénégal vient de perdre un apôtre de la paix en Casamance. Il avait un grand amour de cet environnement, des paysages, de la faune et de la flore qu'il photographier avec un art consommé. Intellectuel d'une rare densité, socio-anthropologue, il analysait les faits, les événements et les actes avec une impayable force de persuasion, avec une extraordinaire finesse, et un style voltairien qui donnait une saveur particulière à ces textes qui se dégustait toujours avec ravissement.
À ses parents, ses poches, ses amis et aux casamançais, et au Saloum Saloum, nous présentons nous sincères condoléances.
par Ndukur Kacc Ndao
LES PROCÉDÉS MAGICO-RELIGIEUX AU COEUR DE LA BÊTISE HUMAINE QUI INSISTE ET PERSISTE
Bienvenue au Sénégal bardé de gens qui sont toujours à l'église ou à la mosquée ou dans les bois sacrés et qui prient dans le secret de leur conscience, qu'un adversaire politique ou même un demi frère crève la dalle
Il y a six ans, sur les chemins des Karones, au nord de la basse Casamance. Souvenirs de ce qui fait encore le côté obscure de l'homo-senegalensis. Un peuple de sorcellerie qu'il partage sans doute avec d'autres à travers le monde. Les procédés magico-religieux, des pratiques tout aussi vieilles que l'ère cénézoïque du quaternaire supérieur. Au coeur des pratiques occultes. Une autre façon de se regarder dans la glace.
Toujours dans les interstices des forêts de Kafountine. Je découvre fortuitement sur un baobab des clous sous forme de bois lignifié. Le processus est simple. Clouer mystiquement un adversaire, un ennemi dans les profondeurs des Karones. Avec ce procédé ésotérique, vous enfoncez une amulette avec du bois lignifié dans les entrailles du baobab nain pour lui donner une charge vibratoire négative. Processus très connu de nos milieux qui avec ce bois, nous avons un support plus transitif et plus durable parce que ça peut se dissiper.
Cette pratique ressemble, toute proportion gardée, à la pratique du Wanga dans le Vodou qui consiste à mettre une pression sur une poupée pour lui transférer les charges négatives. Voilà le quotidien d'une grande partie des sénégalais toujours à la recherche de "xaarfafufa ", des pratiques occultes pour tuer "des génies ". Tous leurs rapports à la réussite sont basés sur cette tension occulte de gens qui sillonnent les baobabs du Sine, de la Basse Casamance, pour jeter des sorts contre leurs frères, soeurs, maris ou épouses.
Une société magico-religieuse contre les performants et les performances. Vrai ou pas vrai, d'un point de vue épistémique, entre africains, nous nous connaissons. Admettons que ce sont des pratiques transversales à notre continent. L'anthropologie religieuse comparée produit des pratiques très significatives. Les intensions valent souvent plus que les pratiques. Bienvenue au Sénégal bardé de gens qui sont toujours à l'église ou à la mosquée ou dans les bois sacrés et qui prient dans le secret de leur conscience, qu'un adversaire politique ou même un demi frère crève la dalle. Qui peut lever le doigt pour jurer qu'il n'a jamais marabouté son prochain ?
En attendant, si tout cela fonctionne comme prévu, j'ai enlevé toutes les pointes enchâssées dans ces deux baobabs des Karones sauvant "syllogistiquement" ces emprisonnés du baobab. J'espère qu'ils se sont réveillés et qu'ils ont été exorcisés de Satana ou de l'homo-senegalensis. Quelle imbécilité de clouer même "symboliquement" un être humain dans des baobabs perdus dans ces forêts ou d'autres !
Camus avait raison sur la bêtise humaine. Elle insiste et persiste. Une société magico-religieuse n'est jamais fiable si elle vise à tuer nos génies transformateurs de progrès.
par El Hadji Gorgui Wade Ndoye
UN GRAND MONSIEUR S'EN VA
Son dernier combat fut le parachèvement de la paix en Casamance. Le combat d’une vie d’un grand intellectuel. Repose en Paix grand frère et cher ami Ndukur Kacc Essiluwa Ndao
El Hadji Gorgui Wade Ndoye |
Publication 07/09/2024
Repose en Paix grand frère et cher ami Ndukur Kacc Essiluwa Ndao. En début de cette semaine, le 02 septembre, nous avons échangé par whatsapp.
L’éminent ethno-anthropologue et spécialiste de la Casamance est mort ! En décembre 2020, pour la deuxième Edition du Gingembre Littéraire du Sénégal sur le vivre ensemble consacré à la Casamance, Abdou Ndao qui est mon ancien de l’Université Gaston Berger et avec qui j'ai partagé le même pavillon universitaire le G4/D avec d’autres personnalités comme son plus que frère le magistrat Cheikh Bamba Niang etc, n'avait ménagé aucun effort pour la réussite de cet évènement fort bien accueilli. Il s’était mis totalement à notre disposition tant au niveau intellectuel et humain en organisant la logistique sur place avec notre autre aîné Moustapha Tambadou.
Son dernier combat fut le parachèvement de la paix en Casamance. Le combat d’une vie d’un grand intellectuel.
par Souleymane Gomis
HOMMAGE À NDUKUR KACC ESSILUWA NDAO
Un très grand intellectuel vient de nous quitter. Un universitaire, un socio-anthropologue d'une très grande renommée est parti. Un homme sobre et intègre, un homme vertueux. Abdou Ndao est un amoureux de la verte Casamance
Un très grand intellectuel vient de nous quitter. Un universitaire, un socio-anthropologue d'une très grande renommée est parti. Un homme sobre et intègre, un homme vertueux.
Abdou Ndao est un amoureux de la verte Casamance et fervent défenseur du patrimoine culturel Diola.
Que le paradis soit sa dernière demeure.
Je présente mes condoléances à toute sa famille, ses amis et proches.
par l'éditorialiste de seneplus, Oumou Wane
PAR IMPULSIVITÉ, BENNO S'EST ENFERMÉE DANS SA PROPRE TRAPPE
EXCLUSIF SENEPLUS - Hantée par la défaite amère de la présidentielle, la coalition refuse de lâcher sa dernière parcelle de pouvoir, comme si sa survie en dépendait. Dans ce jeu inégal, le plus grand défi est de ne pas s'attirer la haine du peuple
"Lorsqu'on laisse l'émotion prendre le pas sur la raison, cette dernière disparaît. On pourrait presque dire que l'émotion est nègre comme la raison est hellène...’’- Senghor.
L'attitude impulsive de la coalition Benno ces dernières semaines, marquée par des affrontements stériles avec l'exécutif, révèle deux constats clairs. D'une part, l'exécutif agit avec méthode et discernement, tandis que Benno, toujours une longueur de retard, réagit avec passion plus qu'avec stratégie.
L'exécutif s'est appuyé sur cinq piliers : la Constitution sénégalaise, le règlement intérieur de l'Assemblée nationale, un crayon, un calendrier, et la mesure du peuple. Aux commandes, une équipe de conseillers compétents et scrupuleux, dotés d'une expertise juridique de premier plan. Lorsque vous avez des talents comme Ousmane Diagne, Cire Cledor Ly, Ngouda Mboup, Amadou Ba, Khadim Diagne, Sidy Alpha Ndiaye et d'autres encore, il est évident que le jeu n'est pas à armes égales. Sans même mentionner Mimi Touré, revenue sur le devant de la scène et capable d’analyser le moindre signe de Macky Sall pour en tirer la parade nécessaire. À ce stade, la partie est loin d'être équilibrée.
De l'autre côté, Benno, agrippée à cette déclaration de politique générale du Premier ministre pour des raisons à la fois subjectives et impulsives, s’est empêtrée seule dans ses propres contradictions, brandissant des armes qui, hélas, se révèlent factices. Toujours hantée par la défaite amère de la dernière élection présidentielle, la coalition refuse de lâcher sa dernière parcelle de pouvoir, comme si sa survie même en dépendait. Ce qui arrive à Benno est semblable au sort de certains médias, sevrés des subventions et d’avantages d'antan. À tous, je rappellerais ces paroles de Charles Aznavour : « Il faut savoir... »
« Il faut savoir encore sourire, quand le meilleur s'est retiré
Et qu'il ne reste que le pire dans une vie bête à pleurer
Il faut savoir, coûte que coûte, garder toute sa dignité
Et malgré ce qu'il nous en coûte, s'en aller sans se retourner »
Parce que dans ce jeu inégal, le plus grand défi est de ne pas s'attirer la haine du peuple. L'exécutif joue finement, respectant les textes à la lettre pour préparer sa future campagne législative, pendant que Benno se consume dans une agitation stérile.
Quand le Premier ministre Ousmane Sonko a déclaré le 28 juin 2024 que le règlement intérieur de l'Assemblée nationale était erroné et qu'il n'accepterait de se présenter devant les députés qu'après sa correction, le sort en était déjà jeté. Pourtant, ce jour-là, les pièges étaient déjà en place. Le président et le Premier ministre, faut-il le rappeler, sont des juristes aguerris, des stratèges experts de la politique.
En violant l'article 97, Benno — ou ce qu'il en reste de l'APR — s'est offert le bâton pour se faire battre. Le 11 septembre prochain, il n’y aura point de déclaration de politique générale, et le Premier ministre Ousmane Sonko a déjà exprimé sa préférence pour une autre configuration pour cette prise de parole. La trappe étant toujours ouverte, je me demande si le sort ne sera pas déjà scellé avant cette date fatidique.
La leçon est simple : malgré tout son courage, le jeune Abdou Mbow ne pourra rien y changer. Ceux qui l'encouragent dans cette direction suicidaire ne font que révéler leur impulsivité. Une Assemblée nationale dirigée par des incompétents est, en un mot comme en cent, un frein au développement de notre pays. Mieux vaut savoir partir que de se faire mettre à la porte...
« Il faut savoir quitter la table, lorsque l'amour est desservi
Sans s'accrocher l'air pitoyable, mais partir sans faire de bruit… »
Oumou Wane est présidente de Citizen Media Group-Africa 7.
par Nioxor Tine
TIRER LES BONNES LEÇONS INSTITUTIONNELLES
Le régime du Pastef n’accorde pas encore à l’immense chantier de refondation institutionnelle, toute l’importance requise. Il est temps de matérialiser l'engagement envers les Assises, acté par la signature du Pacte de bonne gouvernance démocratique
Les Sénégalais ont l’impression de vivre un cauchemar. Les dysfonctionnements institutionnels, qui perdurent dans notre pays et qu’on pourrait faire remonter au temps régime UPS-PS, surtout après la crise de 1962, sont loin de s’estomper.
Les Assises nationales de 2008-2009 avaient suscité un brin d’espoir, vite effacé par la boulimie pouvoiriste du président Macky Sall. Résultat des courses, le Sénégal vient de sortir d’une période sombre, digne des pires dictatures comme le Haïti des Duvalier ou les autocraties pétrolières d’Afrique Centrale ou du Moyen-Orient.
Dernier rempart d’un renouveau démocratique
C’est donc avec tristesse, que les patriotes et démocrates sincères de notre pays constatent, que le régime du Pastef, n’accorde pas encore à l’immense chantier d’assainissement des mœurs politiques et de refondation institutionnelle, toute l’importance requise. Pour notre part, nous sommes convaincus, que c’est l’entêtement des régimes issus de nos deux premières alternances à ignorer les impératifs d’un véritable dialogue politique tourné vers la réforme radicale de l’hyper-présidentialisme, avec une véritable séparation et un équilibre des pouvoirs, qui explique l’état de ruines dans lequel, le premier ministre Sonko déclare avoir trouvé notre pays.
Comment comprendre ces querelles de borne-fontaine, évoquant parfois un combat de coqs, au sein de l’hémicycle.
Le camp patriotique constitue, dans la phase historique actuelle, le dernier rempart d’un renouveau démocratique, surtout depuis la désertion des anciens combattants de la gauche marxiste. Cette nouvelle génération d’hommes politiques, dont les promesses électorales et propositions programmatiques ont été approuvées par une large majorité des Sénégalais n’ont rien à gagner dans cette confrontation stérile, sous peine d’être assimilés à cette « vieille classe politique », avocat d’un système néocolonial honni, dont le naufrage politique a été sinon définitivement acté, tout au moins, fortement esquissé.
Plus que de véritables hommes politiques, il s’agit surtout de criminels à col blanc, milliardaires, qui malheureusement continuent à diriger le camp des vaincus et dont l’attitude est bien compréhensible, leur principal souci étant d’échapper aux fourches caudines de la Justice, surtout à la reddition des comptes, qui serait imminente. Au lieu de se réinventer politiquement, de faire leur aggiornamento, en faisant leur autocritique, en modifiant leur stratégie largement rejetée par les Sénégalais, ils ont pris le parti de miser sur l’échec des nouvelles autorités.
Plus grave, ils ont même initié une campagne de dénigrement et de désinformation digne de Cambridge Analytica, une entreprise experte dans les stratégies d’influence électorale et politique, qui a fait ses preuves au Nigeria, dans l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis et la campagne victorieuse du Brexit, de triste mémoire. Le nom d’une société fantôme israélienne, ayant déjà intervenu au Sénégal, lors de la présidentielle de 2019, serait même évoquée dans les tentatives de déstabilisation du nouveau régime patriotique.
Ces mercenaires de l’ombre, très actifs dans une certaine presse et sur les réseaux sociaux, avec des milliers de faux profils, usent d’une stratégie de communication basée sur les fake-news et les procès d’intention.
Ils cherchent à discréditer la nouvelle équipe au pouvoir, accusée d’étouffer la presse, alors qu’il s’agit de contentieux fiscaux, de paralyser le secteur BTP, victime plutôt de la mal-gouvernance du foncier, qu’on essaie de rectifier, de manquer de respect aux parlementaires, surtout ceux de l’opposition, décidément très susceptibles, depuis le 24 mars dernier.
Le parlement, dernier bastion du Mackyland
Ces députés du Macky – et non du peuple – organisent la résistance « contre-révolutionnaire » au niveau du parlement, où ils disposent encore d’une très faible majorité, d’une voix. C’est dans ce cadre, qu’il faut appréhender le déroulement de la dernière session parlementaire sur la dissolution du CESE et le HCCT. Elle est une illustration parfaite de la théâtralisation outrancière de la vie politique de notre pays, telle que nous la vivons, depuis toujours, mais surtout depuis la première alternance de 2000.
Plus que d’une rupture entre le parlement et les aspirations populaires comme mentionné dans le communiqué du porte-parole de la présidence, c’est plutôt d’un fossé béant qu’il s’agit entre l’ancien régime de prédateurs et le peuple sénégalais, qui a subi, douze ans durant, la dictature de Benno. Car le désaveu cinglant de l’ancienne majorité, annoncé par ses revers électoraux de l’année 2022 et la défiance populaire à son endroit, à l’origine d’une répression féroce, a déjà été acté par sa déroute lors de la dernière présidentielle.
C’est pour cela qu’on peut considérer, que le show parlementaire soporifique du 3 septembre dernier, qui rappelle de mauvais souvenirs de forcing parlementaire des années passées, n’a eu pour effet que de requinquer et de ressouder la nouvelle opposition, dont certains pans cherchent à se distancier d’un passé récent peu glorieux.
Benno Bokk Yakaar, mal en point, achevée par euthanasie
Heureusement, la liquidation de Benno Bokk Yakaar, aux allures d’euthanasie politique, prononcée par Macky Sall, dès la fin de la session parlementaire, a confirmé le processus avancé de dégénérescence de l’ancienne majorité présidentielle.
Hormis la dissidence de l’ancien candidat hyper-liquide (mais mal-aimé) du Benno-APR, qui s’apprête à créer son propre parti, on nous signale la naissance du front social et républicain regroupant d’anciens membres de Macky 2012 et des évolutions au sein des partis socio-démocrates (PS, AFP, Taxawu…etc) vers plus d’autonomie.
Quant à la Confédération pour la Démocratie et le Socialisme (CDS) rassemblant les anciens de « l’ex-gauche marxiste », sur la voie de regrouper leurs partis exsangues et de se muer en fédération (FDS), elle continue de tirer à boulets rouges sur les nouvelles autorités, reprenant, mot pour mot, les argumentaires et éléments de langage de l’APR. Elle persiste dans son entêtement à perpétuer son compagnonnage morbide avec ses anciens patrons politiques, dans une posture de servitude volontaire, dont ils ont du mal à se dépêtrer.
Pourtant, même s’ils étaient restés sourds et aveugles, une décennie durant, devant la longue série de forfaits et crimes de l’Etat APR, gommés par une autoamnistie, initiée par l’ancien président Macky Sall, le putsch électoral avorté du 3 février 2024, aurait dû enfin leur ouvrir les yeux.
Ne serait-ce que par bon sens et par instinct de survie politique, la défaite cinglante du Benno-APR lors de la dernière présidentielle leur offrait une occasion inespérée de renouer avec le camp du travail et du progrès social, avec à la clé, une autocritique en bonne et due forme.
Il convient, pour terminer, d’appeler le camp patriotique à refuser de suivre ces politiciens libéraux en fin de carrière dans leur cirque politico-électoral et de matérialiser leur engagement envers le processus des Assises nationales, acté par leur signature du pacte national de gouvernance démocratique.