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2 avril 2025
Opinions
par Makkane
HORS LA VOIE DE LA PERDITION
La buée de sauvetage du pays de la Téranga pour se mettre hors de la voie de la perdition serait de voir le seul élu assumer la plénitude de sa charge en préservant les mécanismes de fonctionnement normal de l’État de droit
L’Histoire est un recueil de triomphes et défaites, de lumières et ténèbres à travers lesquels sont enregistrés des avancées et et les reculs des peuples.
Notre société sénégalaise est en majorité croyante, la foi est source de sa résilience, le lit où elle tire ses forces, mais aussi le nid où naissent ses faiblesses.
Un peuple dont la foi est profonde, béni soit-il, peut également être entraîné par les imposteurs, hélas. Le fil est ténu entre l’émergence et la dégénérescence.
L’exemple le plus instructif nous est révélé par le peuple juif. Après sa traversée miraculeuse de la mer fendue, libéré du joug du Pharaon, durant la période de retrait de Moïse, la population sombrait dans la perdition, les extravagances et le mépris pour les lois. Un grand manipulateur avait émergé, talentueux orateur, séducteur des âmes nommé Samiri.
Le charismatique Samiri, personnage attractif, prophétise et promet le paradis aux enfants d’Israël hypnotisés par ses discours enivrants sous les éclats scintillants du veau d’or qu’il avait substitué au Dieu unique.
Samiri ne se privait pas, il avait libéré les sens, dans un projet attirant comme l’aimant la majorité de jeunes et femmes.
Ils n’avaient désormais les yeux et les oreilles que pour lui. De sa baguette magique, il pourrait mettre fin au chômage et la corruption. Sweet Beauté lui avait ouvert le ciel. Un dicton de chez nous proclame :"Saï-saï bu mag defay niru waliyu"- "Saï-saï mawdo faayda te ko e walliyu", autrement dit : le ban-dit emprunte les traits du saint !
Le Sénégal vit vraisemblablement à l’ère Samiri. Le pays des grands érudits est entraîné dans une frénésie de la démagogie, de la niaiserie et l’hypocrisie. Le peuple "délivré" est délirant, captivé par les sons de sirène populistes, seuls audibles.
La cohorte multicolore de la galaxie Samiri est composée de radicaux prêcheurs, de fonctionnaires en rupture de la hiérarchie, d’officiers hors les rangs et de chroniqueurs désœuvrés, récidivistes de la diffamation. Certains reconvertis en influenceurs rivalisent d’ardeur à l’intérieur de chaque cercle. Les voix de la raison sont éteintes, la crétinisation outrancière, par le déficit de la critique objective atteint son paroxysme.
L’ultime phase de la décomposition sociale survint avec la suppression progressive des libertés d’expression par une installation de la peur chez les citoyens abandonnant leurs convictions démocratiques pour la certitude que Samiri était le Messie. Samiri réussit à étouffer l’opposition sans courage parce que n’étant pas intègre dans sa gestion récente. Samiri se plaît à brandir l’épée de Damocles sur la tête de ses adversaires, même s’il a fait plus de dégâts en si très peu de temps de règne. La règle DDD prescrite par l’ancien président poète, "Deureum, Djigeen, Daraja" consacrait la continuité même si le concept de rupture était partout galvaudé pour galvaniser les foules. Cette permanence était perceptible dès la première cérémonie de Décoration-Distinction-Élévation au cours de laquelle DDD la belle-mère des gueux était en première loge. Quel tyran victorieux n’aurait pas exploité une telle situation favorable à la dictature ? Les intellectuels se sont aplatis par incrédulité et par lâcheté. Ils rivalisent du culte de Samiri en grignotant allègrement sur le protocole républicain en sa faveur. Les zélés sur les réseaux sociaux concentrent leurs flèches empoisonnées sur celui qui est élu président, qu’ils considèrent exclusivement leur, mais qu’il faut affaiblir pour établir la suprématie de Samiri, très à l’étroit dans les habits de second dans l’Executif.
Ils sont aidés en cela par les faux panafricanistes, exaltés du Cameroun au Togo, incapables d’arracher la moindre ouverture démocratique face aux pouvoirs mi-centenaires, autocratiques et héréditaires. Des guerriers du clavier qui font honte à l’héritage d’Um Nyobé et Félix Moumié!
Leur espoir reposant sur les putschistes éclairés par Wagner et autres légionnaires, subitement remontés contre l’Occident. La buée de sauvetage du pays de la Téranga pour se mettre hors de la voie de la perdition serait de voir le seul élu assumer la plénitude de sa charge en préservant les mécanismes de fonctionnement normal de l’État de droit.
Revenir aux fondamentaux de la hiérarchie administrative en mettant fin à la prévalence des préoccupations politiciennes dans le management des ministères, notamment les Forces de Défense et de Sécurité, la diplomatie, l’économie et les finances.
La citoyenneté active suppose la gestion inclusive, reposant sur la conscience que le pouvoir et les contribuables ont de la reddition des comptes. Veiller au droit pour les citoyens de censurer les serviteurs publics véreux ; une prérogative au-dessus des postures politiques, mettant en avant le pouvoir judiciaire et la célérité de l’autorité du président de la République. L’autorité suprême aujourd'hui banalisée dans son espace par le zélé Cheikh Samirien, ministre-conseiller devenu un contradicteur assidu de l’élu des Sénégalais, insultant de surcroît les vaillants jeunes africains arrachés de force à leurs terres par l’administration coloniale. Hors la perdition, mettre l’excessif hors d’état de nuire est un impératif.
par Birane Diop
SEMBÈNE, L’INSOUMIS ET DÉFENSEUR DES GRANDES CAUSES
Autodidacte, ancien syndicaliste, écrivain, cinéaste et militant politique, il demeure une grande conscience du monde libre, où fleurit l’insoumission. Toute sa production artistique possède une dimension politique, à bien des égards
À Paris, le mois de décembre annonce la fin de l’année sous différentes facettes et couleurs. La mystique qu’apporte décembre enveloppe la Ville Lumière de tout ce que l’humanité porte en elle de magnifique, comme le rituel des cadeaux de Noël : ces présents qui s’amassent sous le sapin et qui sont offerts aux gens qu’on aime, surtout aux enfants, ces êtres qui nous bouleversent par leur sourire et leur regard innocent.
C’est dans cette atmosphère de fête et de joie simple que je me suis rendu à la librairie Présence Africaine, lieu de sens et de mémoire niché rue des Écoles, pour me faire plaisir en achetant le livre Ousmane Sembène – Le Fondateur, édité par la maison Vives Voix, sous la direction de Ghaël Samb Sall et Baba Diop.
Quoi de plus magique que de terminer cette année marquée par des tensions sur une note qui immortalise l’œuvre majeure de l’un des plus illustres Sénégalais, voire Africains ? Car, quand tout s’effacera dans l’hiver fasciste qui s’annonce, il ne restera que le cinéma et la littérature — et, par ricochet, l’œuvre foisonnante du père de Mame Moussa et d’Alain.
Quand la libraire m’a annoncé que le livre coûtait soixante euros — une somme assez conséquente en ces temps de fêtes marqués par une explosion des dépenses —, ma réponse lui a arraché un sourire : « Madame, je mettrais cent euros rien que pour l’avoir dans ma bibliothèque. C’est Sembène, le meilleur de tous les temps. Hier, aujourd’hui et demain. Il est et restera la figure majeure du cinéma africain. Il n’y a pas débat. »
Ce livre, à la fois souvenir et marque de gratitude, retrace la trajectoire magistrale d’un homme pluriel, celui qu’on surnomme affectueusement le père du cinéma africain, artiste majuscule et défenseur des grandes causes : Ousmane Sembène.
Autodidacte, ancien syndicaliste, écrivain, cinéaste et militant politique, Ousmane Sembène demeure une grande conscience du monde libre, où fleurit l’insoumission. Depuis le 9 juin 2007, il repose dans le pays sans fin de Yoff, mais son œuvre continue de nourrir des millions d’âmes à travers le monde. En ce sens, je peux dire sans réserve que l’homme qui nous a offert Moolaadé, Émitaï, Guelwaar, Le Docker noir, Xala, etc., était un internationaliste, un bâtisseur ouvert aux vents féconds de toutes les aires géographiques. Personnellement, son œuvre immense — films comme livres — m’a profondément bouleversé et a durablement nourri mon imaginaire.
Il m’arrive souvent de la redécouvrir. Je ne peux pas dire combien de fois j’ai regardé Moolaadé, Camp de Thiaroye, Le Mandat, etc. Et chaque fois, je reçois une belle claque. C’est ça, Sembène.
Toute sa production artistique possède une dimension politique, à bien des égards. De plus, il avait ce don particulier de mettre en lumière les hypocrisies et les conservatismes qui traversent la société sénégalaise, une société ballottée entre une religion venue d’ailleurs et le spiritualisme ceddo. Il en maîtrisait les ressorts sociologiques avec une lucidité sans pareille.
Homme sensible au poids des inégalités sociales et au malheur des dominés, Sembène était aussi un fervent militant de l’émancipation, des causes justes qui portent en elles des valeurs essentielles : la dignité, le refus et la liberté. En un mot, il était un homme debout, profondément progressiste et féministe. Féminisme : ce joli mot ne lui faisait pas peur, bien au contraire. Tous ses films sont des chefs-d’œuvre, mais Moolaadé est celui qui m’a le plus bouleversé, eu égard à sa thématique. C’est un film éminemment politique, car il aborde sans faux-semblants l’excision et toutes les pratiques culturelles qui marquent de blessures le corps des femmes et sapent leur dignité. Autrement dit, il s’attaque à la tyrannie qu’exercent les hommes biberonnés au patriarcat sur les femmes, au nom de l’islam.
Sur un autre versant, notamment dans Xala, Sembène considérait la polygamie comme une pierre d’achoppement à l’évolution de la femme. Dans cette institution qu’est la polygamie, les femmes ne sont pas traitées d’égal à égal. Les lois reposent sur le non-respect de la transparence et des règles qui ceignent l’amour.
Dans son film Ceddo, Sembène fait un réquisitoire de l’islam et du christianisme, ces deux religions monothéistes qui ont pénétré le corps social et qui veulent effacer les spiritualités africaines. Ce film, qui fâche, a été censuré par Senghor. Selon le président et homme de culture, Sembène n’avait pas respecté la sémantique : Ceddo s’écrit avec un seul « d » (Cedo). En réalité, ce n’était qu’un prétexte fallacieux. Le film dérangeait tout simplement les esprits sans hauteur, car Sembène y dénonçait les oppressions religieuses. La figure de l’imam et les guerriers ceddos sont parlants. Et comme le dit brillamment Clarence Delgado, gérant de la Société Filmi Domireew de feu Sembène : « La polémique sur Ceddo avec Senghor était superficielle sur l’orthographe du nom, mais ce que dénonçait Sembène dans ce film, c’était les religions importées, car il était très intègre, très africain. Il n’aimait pas qu’on vienne lui imposer une culture. Voilà ce qui a posé problème à Senghor. »
L’œuvre cinématographique de Sembène est vaste et traverse les âges et les époques. Elle nourrit des millions de gens éparpillés dans le monde et qui ont l’insoumission en partage. Lecteur discipliné de Jack London, intellectuel organique et homme du refus, Sembène était un artiste qui a documenté et filmé, durant toute sa vie, les quotidiens difficiles des petites gens, des invisibles, ceux et celles que la bourgeoisie toise et insulte.
PAR Jean Pierre Corréa
MULTIPLE PHOTOS
UNE VIE ENGAGÉE POUR LA JEUNESSE DE SON PAYS, LE SÉNÉGAL
L'histoire de Marie Louise Corréa, récemment élevée au rang de Grand-Croix de l'Ordre National du Lion, est celle d'un engagement total, porté par une conviction inébranlable : les jeunes sont le plus précieux des trésors
Le Sénégal a tenu à honorer la semaine passée, des hommes et des femmes qui, de par leurs vies et les forts engagements qui ont jalonné leurs parcours, sont devenus des exemples et des références pour les citoyens de ce pays, ce pays dont ils ont en partage l’amour qu’ils lui portent, profondément. Marie Louise Corréa, a été élevée au rang de Grand-Croix de l’Ordre National du Lion, en témoignage de sa vie exemplaire au service de notre jeunesse. Son petit frère que je m’honore d’être, vous révèle cette grande dame, envahi de cette émotion non retenue.
Docteur Marie Louise Corréa : « Akéla» est toujours en jeunesse.
Il m’est agréable de vous offrir ce portrait de Marie Louise Corréa, qui a consacré toute sa vie à la jeunesse, à travers une activité formatrice à souhait, qu’est le scoutisme, mouvement qu’elle a traversé de la base à son plus haut niveau de responsabilité. Elle porte à merveille le nom donné à tous les chefs de meutes, AKELA, et ce rôle lui va à merveille, elle qui aime tant couver et diriger avec douceur ceux qu’elle aime et dont elle ne supporte pas de ne pas en tirer le meilleur, Portrait forcément intimiste.
Marie Louise Corréa naît à Ziguinchor le 26 novembre 1943, de Daniel Corréa et d’Antoinette Carrère. Son père est éducateur, enseignant et surtout, il pose les jalons des mouvements de jeunesse, qui engendreront le scoutisme. Marie Louise Corréa aura la jeunesse et sa nécessaire éducation naturellement comme fil conducteur de sa vie sociale.
A 12 ans, elle est déjà cheftaine des âmes vaillantes au Lycée Faidherbe, avant de venir poursuivre ses études au Lycée Van Vollenhoven, d’intégrer la JEC, et de diriger une meute de louveteaux, à la Cathédrale de Dakar, et d’intégrer la hiérarchie du Scoutisme Sénégalais, puis plus tard les instances du Mouvement Scout Africain.
Date aussi importante pour elle, est la disparition de son père, Daniel Corréa, le Jeudi 11 avril 1968. Nous sommes en plein milieu de la Semaine nationale de la Jeunesse qu’il avait avec d’autres, instituée. Le président Senghor décida, du fait de ses importantes fonctions au ministère de la Jeunesse et des Sports, d’interrompre son déroulement, en guise d’hommage. Elle gardera de son père en héritage ce dévouement permanent à la jeunesse de son pays.
D’autres dates repères marquent la vie au service de la jeunesse de Marie Louise Corréa. Elle est à la tête du Scoutisme Sénégalais de 1983, à 1997, du Scoutisme Africain de 1992 à 1998, accède au Comité Mondial du Scoutisme en 1999 à Durban, et d’en assurer la présidence de 2002 à 2005. Elle est la première femme et la première noire à occuper cette responsabilité.
Dans le même temps, elle mène avec rigueur sa carrière de médecin généraliste, avant d’être appelée au gouvernement, sous Abdou Diouf, comme ministre de la Recherche et de la Technologie en 1995, et d’être reconduite en 1998 comme ministre du Travail et de la Fonction publique.
Elle a été distinguée déjà comme Commandeur de l’Ordre National du Lion de la République du Sénégal, et Officier de la Légion d’Honneur Française.
En dehors de son père Daniel Corréa, sa référence absolue, elle a du respect pour Senghor, Abdou Diouf, le Pape Jean Paul 2 qui a initié les Journées Mondiales de la Jeunesse, et aussi tous ceux qui, enseignants professeurs et éducateurs qui ont concouru à son développement personnel. Marchant dans le sillage de ce père vénéré, sa vie dédiée au service de la jeunesse n'empêchera pas Marie Louise Corréa de poursuivre de brillantes études de médecine et d'élever en mère attentive ses quatre enfants. C'est en effet le 13 juillet 1976 qu'elle obtient son diplôme d'Etat de Docteur en Médecine après une brillante thèse passée sous la direction du Professeur Marc Sankalé.
La visite du Pape Jean Paul 2 à Dakar, en 1992, sera un de ses plus beaux souvenirs, autant que son élection au Comité Mondial du Scoutisme.
Marie Louise Corréa participe au relais de Flamme Olympique aux « Jeux Olympiques » d’Athènes en 2004. Souvenir qui lui procure encore aujourd’hui une vive émotion.
Une vie de devoirs
Son viatique pour la vie correspond aux trois piliers du scoutisme : Devoirs envers Dieu, Devoirs envers Autrui, Devoirs envers soi-même.
La pensée qui la motive et qui est le message qu’elle compte délivrer à la jeunesse, se résume en quatre principes :
L’autonomie, qui offre le choix aux jeunes, la Solidarité, qui vous amène à vous soucier des autres, la Responsabilité, qui vous fait assumer vos propres actes, l’Engagement, qui commande de s’affirmer par rapport à des valeurs.
Les jeunes sénégalais, tiennent en Marie Louise Corréa une belle icône qui aura fait de la jeunesse un moyen d’excellence, et qui la marque tellement qu’elle garde éternellement ce sourire qui lui confère un air de perpétuelle jouvence. Comme on dit : « Scout un jour… Scout toujours ».
par Aziz Fall
LA DPG, UNE DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRATIONNELLE
L’allégorie de ce moment dépassera son caractère solennel prévisible et habituel pour donner un coup de fouet à la marche de toute une nation et de tout un continent vers les lumières et les sentiers prometteurs
La Déclaration de Politique Générale du Premier ministre du Sénégal à venir ne peut ressembler à celles qui l’ont précédée. Et les gardiens du statu quo essaieront en vain d’arrêter cet ouragan de son temps.
C’est une déclaration qui, déjà, dépasse sa nature discursive pour embrasser les contours d'une attitude nouvelle, d'une remise à l'endroit des forces motrices de la société.
Le corollaire est ainsi l'ébranlement de certitudes bien établies et la préparation mentale au saut dans un inconnu attendu, rêvé et recherché. Cet inconnu est en même temps familier parce qu'il nous promet le monde auquel nous avons toujours aspiré dans notre for intérieur. Car, la plupart d’entre nous étions convaincus qu’il pouvait être différent. Convaincus que notre monde pouvait mieux correspondre à l'idée que nous nous faisons de nous-mêmes ; des hommes libres, dignes et soucieux du devenir de leur communauté pour autant qu’ils reprennent possession de leur histoire.
C’est à l’aune de cette rupture historique, toutes proportions gardées, qu’il faut apprécier l’avènement du nouveau leadership qui a la formidable responsabilité de présider aux destinées de ce pays qu’est le Sénégal.
Le sociologue Moussa Mbaye, dans la préface de mon premier ouvrage « Les Promesses d’une devise » paru en 2018, nous parlait d’une déclaration de politique générationnelle. Il sentait le murmure des voix et des forces muettes qui, graduellement, s’entremêlaient pour aboutir à un chœur exprimant la volonté d’un peuple prêt à trancher le nœud gordien. Le trancher et inverser la dynamique dépressive qui prenait justement par la gorge notre vie politique. Elle provoquait des répercussions on ne peut plus désastreuses sur le tableau socioéconomique sans parler de l’effritement moral de notre pays si riche en ressources de toutes sortes.
Cette génération, nous rappelle M. Mbaye, sait effectuer un appel téméraire au passé pour y extraire les instruments susceptibles de préparer le peuple uni et résolu à manifester une foi inébranlable en son avenir et travailler à un but commun, manifesté par un projet de société délibérément et collectivement articulé et protégé. Cette génération demeure consciente que cette tâche qui consiste en une quête de rédemption et de solace pour notre peuple longtemps mis à l’épreuve ne commence pas avec elle.
Elle a su apprendre des multiples étapes antérieures de tâtonnements et de volonté de bien faire, des succès comme des échecs, mais elle se pare d’une redoutable conviction que cette époque exige le renouveau du pacte social. Car, pour son propre salut, le peuple doit s’affirmer dans ces moments d’incertitude exacerbée, qui remettent à la surface le défi de l’identité et de la souveraineté.
La Déclaration de Politique Générale prochaine du Premiem Ministre a tous les éléments constitutifs pour marquer l’avènement de la vraie génération post-indépendance pour paraphraser le sociologue. En effet, elle mettra tout en œuvre, cette génération, pour mériter sa responsabilité historique. L’allégorie de ce moment dépassera son caractère solennel prévisible et habituel pour donner un coup de fouet à la marche de toute une nation et de tout un continent vers les lumières et les sentiers prometteurs. Cet évènement historique pour mon pays m’amène inexorablement à faire écho d’un extrait de l’ouvrage « Les Promesses d’une devise » en version paraphrasée.
A présent, nous en sommes à trois alternances en 64 ans d’existence en tant que nation, dans un contexte africain ; une performance plus qu’honorable qui nous pourvoit un dividende démocratique indéniable. Mais à présent, nous ne pouvons plus brandir ces occurrences sociopolitiques comme la réussite de notre pari sociétal. Il nous faut, au-delà et en plus d’une alternance politique, une altération qualitative de tous les aspects de notre société – dans ce siècle toujours jeune.
Un leadership de type nouveau doit s’imposer pour actualiser l’implantation de cette foi dans nos cœurs, nos esprits, afin qu’elle se manifeste dans nos choix, dans nos comportements et dans nos attitudes de tous les jours.
Je suis plus que convaincu que ce peuple sénégalais dont on n’a pas assez chanté la valeur et les mérites atteindra le but noble et urgent de nourrir ses familles, éduquer et former ses enfants, soigner ses malades, moderniser ses campagnes, développer ses villes, rationaliser sa politique, protéger son environnement et trouver sa place naturelle dans le concert des nations. Nos jeunes leaders nous ont redonné foi en cette ambition.
Un nouvel habitus est en train de prendre corps dans notre pays avec cette génération de leaders dont l’un des accomplissements sera de démontrer que la prise en charge de son propre destin ne saurait relever de la prescription ni d’une transposition ; elle relève de la volonté des concernés et de la conscience des efforts et sacrifices requis pour y arriver. La nature est trop cohérente pour créer un problème au Sénégal dont la solution devrait nous parvenir d’horizons lointains par le truchement de sauveurs venus d’ailleurs. Nos nouveaux leaders nous rappellent une vérité simple, un problème sénégalais doit et va être résolu par des citoyennes et des citoyens Sénégalais.
Ils ont une occasion unique pour matérialiser ce postulat avec notre bonne volonté et notre engagement total et authentique en soutien. Chaque citoyenne et chaque citoyen a un rôle à jouer dans cette perspective. Ces jeunes leaders, convaincus, déterminés et consciencieux, nous ont offerts une leçon à la fois sociale et historique. C’est pourquoi la Déclaration de Politique Générale résonne déjà comme un événement marquant. Devant Dieu et les représentants du peuple ce jour-là à l'hémicycle, le Premier ministre et le président de l'Assemblée nationale, par leur présence symbolique, nous livrerons une véritable déclaration de politique générationnelle. Pour cette raison, l’échec n’est pas une option.
Aziz Fall est auteur.
Par Mohamed GUEYE
UNE BANQUE A LA MESURE DES AMBITIONS
Depuis l’intention affichée de la Société générale de se retirer de l’Afrique, notamment du Sénégal, beaucoup de bruits circulent dans les milieux des affaires et les cercles politiques au Sénégal.
Depuis l’intention affichée de la Société générale de se retirer de l’Afrique, notamment du Sénégal, beaucoup de bruits circulent dans les milieux des affaires et les cercles politiques au Sénégal. Si pour beaucoup d’observateurs, cette annonce était juste une question de temps, les spécialistes estiment que c’est une opportunité que l’Etat du Sénégal devrait saisir pour enfin avoir à sa disposition un instrument financier en mesure de lui permettre de réaliser ses ambitions économiques et même politiques. Pour beaucoup, les pouvoirs publics devraient tout faire pour ne pas rater le coche, et éviter que la banque échappe au contrôle de l’Etat, comme cela a été le cas avec le rachat des actifs de la Bnp Paribas, à travers la Bicis, par Sunu Bank du Sénégalais Pathé Dione. Si elle est bien sénégalaise par ses capitaux, cette banque n’est pour autant pas un instrument de politique nationale de l’Etat. De plus, si les Français se sont retirés de la banque, cette dernière n’est pas demeurée un géant sur le marché financier dakarois, et continue, plus d’un an après, à chercher à se repositionner encore sur un marché qui compte plus de 30 établissements financiers.
Des spécialistes des questions bancaires estiment que l’Etat du Sénégal aurait tout intérêt à faciliter un rachat de la Société générale du Sénégal par la Banque nationale de développement économique (Bnde) afin de créer un grand groupe financier, qui pourrait piloter les intérêts de l’Etat. Le Sénégal, qui cherche plus de 18 mille milliards 493 millions de francs Cfa pour le financement de la première phase de son «Agenda national de transformation, Sénégal 2050», a plus que jamais besoin d’un puissant instrument financier en mesure de lui permettre de mobiliser plus facilement les ressources dont il a besoin pour mettre en œuvre sa politique économique. Cela, d’autant plus que les actuels dirigeants du pays font montre de frilosité pour se tourner vers le capital étranger. Le motif serait de ne pas creuser encore plus que nécessaire le trou de l’endettement du pays.
Un banquier nous faisait remarquer que, si l’Etat du Sénégal avait pu s’appuyer sur un groupe bancaire de grande envergure, à l’image de ce que pourrait devenir l’institution que la Bnde devrait former avec une Sgs acquise par des intérêts nationaux, il n’aurait pas connu de revers comme celui essuyé en début de ce mois sur le marché de la Brvm, quand il cherchait 30 milliards en bons du Trésor.
L’Etat du Sénégal possède déjà la Banque de l’habitat (Bhs), qui est destinée à faciliter la politique de logement dans le pays. La Banque agricole (Lba) est l’instrument de financement de l’Agriculture, tandis que la Bnde est censée se positionner sur le financement des Pme. A côté de tous ces instruments, l’Etat a mis en place la Délégation générale à l’entreprenariat des jeunes et des femmes (Der/Fj) dont beaucoup pensent qu’elle serait plus efficace dans son rôle si elle se transformait en banque. Si la Société général venait s’ajouter à cet échafaudage, l’architecture financière pour le financement des projets de l’Etat et des nationaux aurait des assises bien solides. Avec une capacité de mobiliser plus de 40 milliards de Cfa par an, la Sgs alliée à la Bnde retrouverait rapidement sa place de leader sur le marché du Sénégal.
Il est évident que dans le contexte de morosité dans lequel se meut l’Etat, le Sénégal pourrait difficilement mobiliser près de 200 milliards pour racheter les parts des Français. Mais il pourrait néanmoins offrir sa garantie à la Bnde pour que cette dernière puisse lever les montants nécessaires sur le marché financier sous-régional. Le remboursement du crédit serait assuré par les recettes de la banque. D’autres structures financières dans la sous-région ont usé de ce moyen pour acquérir des banques, et elles ont pu rentabiliser leurs acquisitions, sans avoir besoin d’ouvrir leurs capitaux plus que de besoin.
Il est vrai que l’Etat du Sénégal devrait veiller, si cette acquisition devait se faire, à ne pas acheter une coquille vide. La Société générale du Sénégal dispose d’un important portefeuille de clientèle. Une bonne partie d’entreprises françaises implantées au Sénégal a des comptes dans la Sgs, comme la majorité d’entreprises marocaines au Sénégal, sont des clientes de la Cbao Attijariwafa Bank. Il faudrait éviter que, en partant, les intérêts français n’emportent leur portefeuille client. Leurs chaînes de correspondants à travers le monde, qui permettent de faciliter les opérations de leur clientèle, ne devrait pas non plus être rompue du jour au lendemain, si la banque veut garder son prestige et sa puissance. Le jour où l’opération se fera, devra être précédé par ces préalables, seuls en mesure d’éviter que l’Etat n’acquière que des bâtiments et du personnel, à travers lesquels il devra tout reconstruire
Une banque comme celle qui se dessine, faciliterait au duo au pouvoir, la levée de leurs fameuses «Diaspora bonds», si tant est qu’elles parviennent à accrocher les Sénégalais de l’extérieur dont on tend à oublier que ce sont pour une très grande majorité d’entre eux, de petits épargnants pour lesquels les ressources qu’ils dégagent, servent à acquérir des biens périssables comme des maisons pour loger leurs familles, ou des véhicules de transport de nature commerciale. Le reste de leurs ressources sert à nourrir ladite famille restée au pays. Ces personnes ont-elles les moyens de chercher à thésauriser dans l’achat de bons du Trésor ? Il ne faut pas oublier que la mentalité anglo-saxonne d’achat de produits boursiers, ne fait pas encore partie des coutumes sénégalaises. Mais tout peut bien changer.
Par Mbagnick DIOP
IL AURAIT MIEUX FAIT DE SE TAIRE ET SE TERRER
Hier, les Sénégalais ont dû se frotter les oreilles et écarquiller les yeux pour percevoir la menace du sieur Macky Sall furieux d’être accusé de voleur.
Hier, les sénégalais ont dû se frotter les oreilles et écarquiller les yeux pour percevoir la menace du sieur Macky Sall furieux d’être accusé de voleur. Au motif que X, selon les termes de sa plainte, l’a accusé d’avoir provisionné un compte bancaire à hauteur d’un milliard de dollars, Macky Sall entend se libérer des mauvais souvenirs. X a sans doute relayé, à tort ou à raison, une information susceptible d’avilir l’image de Macky Sall dans un contexte économique et politique crucial. Un fait survenu au moment où nombre de sénégalais souhaitent d’ailleurs qu’il soit traduit devant une haute Cour de justice.
A vrai dire, Macky aurait mieux fait de se taire et se terrer plutôt que de jouer le parangon de vertus. N’a-t-il pas traduit Karim Wade devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite, en vertu de la sauvegarde des intérêts financiers de l’État ? Que n’a-t-on pas entendu au registre des accusations de malversation financière. Les centaines de milliards logés dans des paradis fiscaux, tel le Bahamas, les comptes sous-couverts d’hommes liges à Monaco et tuti quanti.
Qui plus est, Macky Sall ne peut dire qu’il n’a pas eu écho d’une vidéo fracassante de son beau-frère, Adama Faye, qui a fait état d’un contentieux financier qui l’opposerait à Amadou Ba son ex ministre des Finances. Alors, plainte pour plainte Macky ne devrait pas donner l’impression que la révélation de son beau-frère le laisse de marbre.
De surcroît, il a transmis à son remplaçant un l’héritage économique et financier duquel résulte des scandales qui suscitent une indignation collective. Même les partenaires majeurs du Sénégal ont tenu à publier des communiqués qui confirment, sans ambages, la ruine économique et financière issue d’une gouvernance prétendument sobre et vertueuse.
On ne le dira jamais assez, Macky Sall ne peut soulager sa conscience par des faux fuyants. Jamais dans l’histoire politique du Sénégal, un Président en fin de mandat ne s’est comporté comme lui.
A défaut de louer la tolérance de son remplaçant, il doit se garder de s’immiscer dans le jeu politique en espérant qu’il pourra rebondir et prendre sa revanche les Sénégalais qui l’ont désavoué en mars 2024.
Par S.E. Mme LI YAN
POURSUIVRE L’AMITIE ET AVANCER EN BRISANT LES VAGUES
L’année 2024 a marqué le début d’une nouvelle ère d’amitié sino-sénégalaise. Sous l’égide des deux chefs d’État, les relations entre la Chine et le Sénégal ont réussi à traverser ensemble la période de transition.
Le temps passe vite sans qu’on s’en aperçoive. L’année 2024 qui touche à sa fin, a été une année pleine de défis et d’épreuves, mais aussi une année de persévérance et de progrès. En faisant un bilan de l’année écoulée, on constate que le monde entier a œuvré pour relever les défis de l’époque et surmonter les aléas internationaux, mettant ainsi en lumière la valeur et l’importance du développement et de la paix.
L’année 2024 a marqué le début d’une nouvelle ère d’amitié sino-sénégalaise. Sous l’égide des deux chefs d’État, les relations entre la Chine et le Sénégal ont réussi à traverser ensemble la période de transition. Après l’élection du Président Bassirou Diomaye Faye, le Président Xi Jinping lui a adressé dans un premier temps un message de félicitations. En septembre, à l’invitation de son homologue chinois, le Président Faye s’est rendu en Chine pour participer au Sommet 2024 du FOCAC en tant que co-président du Forum et effectuer sa première visite d’État dans un pays hors continent. Lors de la visite, les deux chefs d’État sont parvenus à plusieurs consensus importants, traçant ensemble une nouvelle feuille de route pour approfondir le Partenariat stratégique global Chine-Sénégal et pour construire une communauté d’avenir partagé sino-sénégalaise de haut niveau.
Au cours de l’année écoulée, nos deux pays ont obtenu des résultats fructueux en matière de coopération. Étant le premier partenaire commercial du Sénégal, la Chine a accordé au Sénégal ainsi qu’à d’autres pays africains amis un traitement préférentiel de tarif douanier zéro à 100% des produits exportés vers son territoire. Dans le domaine de l’infrastructure, des progrès remarquables ont été réalisés plus tôt que prévu dans des projets phares tels que l’autoroute Mbour-Kaolack et le Projet d’aide de réhabilitation des 4 stades dont le Stade LéopoldSédar-Senghor qui contribuera à la bonne organisation des Jeux olympiques de la jeunesse de Dakar 2026. De surcroît, la coopération dans des domaines comme l’agriculture, le numérique, la santé, les nouvelles énergies, l’éducation et la culture a rendu les relations bilatérales plus profondes et plus durables. L’amitié sino-sénégalaise, fondée sur une harmonisation des valeurs et intérêts communs, ouvre de nouvelles et vastes perspectives pour le développement mutuel.
L’année 2024 a également été témoin de la nouvelle phase de développement de la Chine. Face aux défis sur le plan tant intérieur qu’extérieur, le gouvernement chinois a maintenu sa ligne directrice dite « aller de l’avant à pas assurés », en renforçant activement la régulation économique par le biais de l’orientation politique, qui a conduit à la réalisation des objectifs principaux du développement socio-économique pour l’année 2024. Au cours des trois premiers trimestres de cette année, le PIB de la Chine a atteint près de 95 000 milliards de yuans, avec une croissance de 4,8% en glissement annuel. Les industries vertes, représentées par les véhicules électriques, les batteries au lithium et les produits photovoltaïques, ont continué à afficher une croissance à deux chiffres. De ce fait, la Chine reste toujours une force stabilisatrice et un moteur essentiel de la croissance mondiale.
En juillet dernier, le 3e session plénière du 20e Comité central du PCC s’est tenue avec succès à Beijing, établissant un plan systématique pour approfondir davantage les réformes à l’échelle nationale. Ce plénum a envoyé un signal fort au monde entier, montrant une Chine déterminée à poursuivre sa voie de réforme et d’ouverture, à fournir plus de certitude à un monde incertain et à dynamiser la prospérité commune de l’humanité.
Plus les changements dramatiques sont fréquents, plus on devrait insister sur la justice ; plus la mer est agitée, plus il est impératif de braver les vagues pour naviguer. À l’avenir, le développement de haute qualité de la Chine apportera encore davantage d’opportunités aux pays en développement, notamment aux pays africains, à l’instar du Pays de la Teranga. Comme l’a souligné le Président Xi Jinping lors de sa rencontre avec le Président Bassirou Diomaye Faye, “la Chine et le Sénégal sont des amis et partenaires sur la voie du développement et du redressement nationaux”, la partie chinoise apprécie et soutient l’ambition et les efforts inlassables du gouvernement sénégalais pour mener la transformation systémique du pays et réaliser la modernisation nationale. En persévérant dans l’esprit de sincérité, d’amitié, de respect mutuel et de coopération gagnant-gagnant, la Chine est disposée à accompagner le développement du Sénégal, à mettre en œuvre les consensus importants des deux chefs d’État, et à promouvoir la mise en synergie des fruits du Sommet 2024 du FOCAC et de la visite du Président Faye avec le plan « Vision Sénégal 2050 », en vue de créer un avenir encore plus prometteur pour l’axe Beijing-Dakar.
(Articlé signé par S.E. Mme LI YAN, CHARGÉE D’AFFAIRES DE L’AMBASSADE DE CHINE AU SÉNÉGAL)
Par Babacar P. MBAYE
LE SAHEL EN FLAMMES
Le Niger, le Burkina Faso et le Mali, déjà fragilisés par des années de lutte contre les groupes armés terroristes (GAT), sont confrontés à une recrudescence d'attaques meurtrières
Depuis plusieurs mois, les pays du Sahel subissent une flambée de violences d'une intensité inédite. Le Niger, le Burkina Faso et le Mali, déjà fragilisés par des années de lutte contre les groupes armés terroristes (GAT), sont confrontés à une recrudescence d'attaques meurtrières. Rien que ces dernières semaines, le Niger a été gravement frappé par une attaque près de la frontière avec le Burkina Faso, qui a couté la vie à près de 40 villageois, dans les villes de Libiri et Kokorou, le 14 décembre dernier. Déjà quelques jours plus tôt, différentes sources affirmaient que le Niger avait été la cible d’une attaque la plus meurtrière depuis plus de six mois, causant la perte d’une centaine de soldats et d’une cinquantaine d’habitants dans la ville de Chatoumane, au sud-ouest du pays.
Démentant cette information dès sa sortie, le Niger a directement décidé de suspendre l’activité de la radio anglophone BBC pour une durée de trois mois, et a annoncé porter plainte contre RFI, les accusant de véhiculer de fausses informations avec l’intention de démoraliser les forces qui affrontent les djihadistes sur le territoire. Qu’il s’agisse d’une rumeur avérée ou non, cela ne peut qu’être perçu comme un aveu de faiblesse de la part du Niger, qui semble tenter, tant bien que mal, de dissimuler sa détresse face à la menace terroriste.
Cet échec face à la propagation djihadiste ne concerne pas uniquement le Niger, mais également ses voisins sahéliens, le Burkina Faso et le Mali, membres fondateurs de l’AES et sous le joug de la Russie de Poutine. Comment oublier le double attentat qui a frappé l’école de gendarmerie et la base aérienne 101 à Bamako en septembre dernier, coûtant la vie à au moins 80 personnes ? Ce drame, survenu au lendemain du premier anniversaire de la création de l'Alliance des États du Sahel (AES), résonne comme un sombre symbole de l'incapacité des juntes à contenir la menace terroriste malgré la propagande des médias acquis à leur cause et les centaines d’activistes du net dont certains sont rémunérés pour disséminer des fake news à longueur de tweets et de posts Facebook.
Quelques semaines plus tôt, en août, le Burkina Faso saignait à son tour avec une attaque d'une ampleur inédite à Barsalogho, où entre 200 et 400 personnes ont été massacrées sans que le chef de la junte n’y effectue le déplacement. Cette tragédie prend une dimension encore plus terrifiante lorsqu'on sait que la population avait été sommée par le gouvernement d’aider l’armée à creuser des tranchées pour se protéger contre d’éventuelles attaques. Les habitants, abattus dans ces mêmes tranchées qu’ils avaient creusées de leurs propres mains, symbolisent tragiquement les failles des réponses sécuritaires apportées par les autorités.
UN TOURNANT GÉOPOLITIQUE DANS LE SAHEL : OPPORTUNITÉ POUR DES TERRORISTES OPPORTUNISTES
Dans le même temps, les trois pays de l’AES ont choisi de tourner le dos à leurs partenaires traditionnels au nom d’un nationalisme pittoresque pour se rapprocher de la Russie, confiant une partie de leur sécurité à des groupes paramilitaires étrangers. Une coïncidence avec l'aggravation du chaos sécuritaire ? Peu probable. Ce virage stratégique vers l’Est, loin d’avoir inversé la tendance, semble plutôt avoir ouvert de nouvelles brèches pour les terroristes. Car en ciblant délibérément des villages entiers, n’épargnant ni femmes ni enfants, et en s’en prenant directement à des axes stratégiques, notamment un camp militaire attaqué par des terroristes à Kouakourou près de Mopti dans le centre du pays, les GAT accentuent le chaos et dévoilent l’incapacité des mercenaires russes à apporter aux pouvoirs en place une offre sécuritaire crédible. Au Mali, la présence de Wagner n’a en rien permis de rétablir la sécurité, comme le montre l’incapacité à prévenir des massacres dans des zones sensibles, notamment à Tinzawaten en juillet dernier.
Plus grave encore, plusieurs rapports révèlent que, lors d’opérations censées lutter contre le terrorisme, les forces maliennes, appuyées par les mercenaires de Wagner, se sont rendues coupables d’atrocités, exécutant plusieurs dizaines de civils. Un rapport de l’ONG Human Rights Watch publié le 28 mars 2024 affirme que les forces armées maliennes et les combattants étrangers du groupe Wagner ont illégalement tué et sommairement exécuté plusieurs dizaines de civils au cours d’opérations de contre-insurrection dans les régions du centre et du nord du Mali depuis décembre 2023. En plus de la terreur instaurée par les GAT, les populations souffrent donc directement des exactions commises par les mercenaires russes convoyés par le régime de Goïta, qui, sous couvert de lutte contre le terrorisme, commet des atrocités contre des civils.
Et comme si le sort s’acharnait, de cette crise sécuritaire s’ensuit une grave crise humanitaire. Les populations se retrouvent exposées à des conflits armés, des déplacements forcés et des crises alimentaires, exacerbées par le changement climatique. A titre illustratif, plus de 180 000 Burkinabè, fuyant les violences, ont trouvé refuge au Mali selon les données compilées par UNHCR. Plus largement, l’aggravation de la situation sécuritaire et humanitaire dans les trois pays sahéliens a déclenché des flux de réfugiés vers des pays voisins comme le Bénin, la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Togo. Sans oublier que le retrait progressif des acteurs humanitaires dans certaines zones du Sahel complique encore l'accès aux secours et à l'assistance.
QUELS BÉNÉFICES POUR CE RAPPROCHEMENT VERS L’EST ?
Pendant que les réels bénéfices de cette alliance avec la Russie restent flous, les tentatives russes d’expansion en Afrique se multiplient. Son rapprochement avec la Guinée équatoriale, illustré par l’idée d’un déploiement potentiel d’Afrika Corps à Malabo, témoigne de la volonté d’expansion d’influence moscovite sans donner en échange aucune garantie de stabilité. De même, l’ouverture d’une ambassade russe à Lomé, en novembre 2024, s’inscrit dans cette stratégie d’expansion, avec des implications potentielles pour l’ensemble de la région.
Mais alors que la Russie semble se renforcer sur le continent, l’évolution de la situation en Syrie pourrait bouleverser ses priorités stratégiques. Déjà, l’effondrement du pouvoir d’Assad en seulement quelques jours remet fortement en question le soutien russe apporté en Syrie depuis des années. Par ailleurs, la Russie risque de perdre ses bases essentielles à Tartous et Lattaquié, qui assurent son accès stratégique à l’Afrique, ce qui pourrait forcer le Kremlin à réajuster sa politique en Afrique. Ce changement d'orientation pourrait déstabiliser davantage la région sahélienne, avec des conséquences imprévisibles pour les pays qui ont misé sur la Russie. Surtout que le régime de Poutine a sollicité le gouvernement soudanais l’installation d’une base navale sur la côte de la mer Rouge à Port Soudan, en échange de la fourniture d’un système de défense antimissiles S-400.
Finalement, parler de partenariat « gagnant-gagnant » dans ce contexte semble une illusion. Les peuples sahéliens se retrouvent pris au piège entre un partenaire russe qui ressemble plus à un prédateur et des enjeux géopolitiques mondiaux qui échappent à leur contrôle. Il s'agit donc plutôt d'un scénario « gagnantperdant », où les populations payent le prix fort, sans avoir rien à y gagner.
par Abdoul Aziz Diop
LES SILENCES FRAUDULEUX DE DIOMAYE
EXCLUSIF SENEPLUS - Comme pour les législatives, la rétention de l’information électorale par un coutumier de faits permet de prendre de court l’opposition obligée de se réinventer pour extirper du jeu les pratiques d’un magistère abonné à la vilenie
La condamnation délinquante de l’homme politique et éveilleur de conscience Moustapha Diakhaté à deux mois de prison ferme pour des chefs d’accusation inexistants dans toute la jurisprudence mondiale n’a d’autre explication que la dénonciation ferme de la dissimulation par le chef de l’État d’une information d’intérêt général obtenue du Conseil constitutionnel. Ladite information a la qualité essentielle qui est celle qui veut qu’elle soit rendue publique dès après sa réception pour mettre tous les citoyens et justiciables sénégalais au même niveau de préparation sur tout ce qui se rapporte à leur souveraineté intangible comme les avis de la juridiction supérieure sur les modalités pratiques de la tenue des élections.
Informé par avis du Conseil constitutionnel sur la tenue des dernières élections législatives anticipées, Bassirou D. D. Faye a attendu 64 jours avant de se conformer à l’avis du Conseil l’intimant d’informer les acteurs politiques et l’opinion du contenu dudit avis. L’acte frauduleux du chef de l’État visait à assurer frauduleusement à sa faction politique un privilège indu sur un bien commun qu’il jura de respecter et de faire respecter le 2 avril 2024 lors de sa prestation de serment.
C’est en récidiviste - bientôt multirécidiviste - que Bassirou D.D. Faye, nous apprend le journal LIiQuotidien daté du 23 décembre 2024, « aurait déjà consulté le Conseil constitutionnel » sur l’organisation d’élections locales anticipées en 2025 et aurait même obtenu des Sages « un avis favorable ».
Comme pour les législatives anticipées, maintenant derrière nous, la rétention frauduleuse de l’information électorale par un coutumier de faits frauduleux permet de prendre une fois encore de court l’opposition républicaine et démocratique obligée de se réinventer pour extirper du jeu politique les viles pratiques d’un magistère abonné à la vilenie dont nous répertoriâmes les anciennes méthodes délinquantes avant même que Bassirou D. D. Faye ne songe à faire de la politique en adhérant à un mouvement ou parti.
Rétro pour profanes
Il y a quelques années, quand le publiciste et criminologue sénégalais Souleymane Ndiaye parlait de la « mentalité délinquante des hommes politiques sénégalais ». L’assassinat impuni du juge Babacar Sèye, la tentative d’assassinat du jeune opposant Talla Sylla, les coups reçus dans l’enceinte même de l’Assemblée nationale par la députée Aminata Mbengue Ndiaye, ceux assenés par le président du groupe parlementaire Libéral et Démocratique Doudou Wade au député de son propre camp Aliou Sow pour cause de désaccord sur la manière, le squat violent des commissions électorales du Parti démocratique sénégalais par les voyous de la « Génération du concret », les insultes – couronnées par la mise à sac des locaux des quotidiens l’As et 24 Heures Chrono - que l’ancien ministre Farba Senghor destinait, avant son limogeage, régulièrement aux rédactions de la presse privée, l’assimilation facile de toute critique à une déclaration de guerre émanant d’un ennemi à abattre, les menaces de mort régulièrement déposées dans les boîtes vocales de quelques abonnés impénitents conquièrent définitivement les faits sur les préjugés. Puis, le report des élections, au mépris du calendrier républicain, est venu se greffer à la kyrielle de délits.
Le report permet d’affiner une technique de fraude électorale ou d’en concocter une nouvelle. Le Camerounais Hilaire Kamga, auteur d’une étude sur « les techniques de la fraude électorale en Afrique » dénombre 32 artifices dans l’escarcelle des fraudeurs. « Interrogé, sur Radio France internationale (RFI), M. Kamga présente ainsi qu’il suit « les techniques de fraudes les plus courantes » en Afrique : « Disons que ça se modernise de plus en plus. Aujourd’hui, j’ai dénombré 32 types de fraudes. Par le passé, on avait le bourrage des urnes, les votants itinérants. Aujourd’hui, ces mécanismes existent toujours mais, désormais, il y a l’ordinateur qui a fait irruption dans le champ de l’organisation des élections. Lorsque les acteurs ne maîtrisent pas totalement l’ordinateur, qui est devenu la technique de fraude la plus utilisée, ils fraudent par l’utilisation des observateurs internationaux. C’est une fraude très pernicieuse, utilisée par des dictateurs en Afrique qui ont très souvent besoin de se donner une bonne image à l’extérieur. Ils organisent donc une fraude massive et, après, les observateurs internationaux arrivent comme des touristes et, du coup, ça donne une raison au détenteur du pouvoir. Même la communauté internationale est influencée aujourd’hui au niveau technique. C’est dire donc que les pays qui ont des intérêts avec certains dirigeants au pouvoir en Afrique ont tout à fait intérêt à voir la fraude se pérenniser. Nous pensons au cas des dirigeants français lors des élections au Tchad et en Centrafrique où on a utilisé des observateurs pour valider les fraudes massives dans ces pays. L’une des plus courantes, il faut le noter, est l’encre indélébile qui permet le vote multiple et cela, de manière permanente. Il y a aussi la fraude par les mauvaises commissions électorales qui, dans la plupart des cas, sont mises à la disposition du pouvoir en place qui les manipule très souvent ». Le report à la sénégalaise est la dernière née des méthodes de vol éprouvées.
Abdoulaye Wade perpètre lui-même le report délictueux ou encourage une initiative similaire venant d’un de ses amis politiques. La dernière proposition de report – concernant les locales du 18 mai 2008 - est celle faite par la députée et maire de Dioubel, Aminata Tall. L’intéressée s’en explique dans les colonnes du quotidien L’As daté du vendredi 7 mars 2008 : « Ce n’est l’idée ni du président de la République, ni du gouvernement, encore moins de l’Assemblée nationale. C’est ma propre idée. Je l’ai mûrie, élaborée et soumise à mes collègues sous forme de proposition de loi ». Peu importe. L’esprit retors contente le chef revêche, qui dit vouloir renouer le dialogue avec son opposition décapitée par la rumeur et le report effectif d’élections aussi cruciales que les législatives initialement prévues en avril 2006. Organisé quatorze mois plus tard, le scrutin le moins couru depuis fort longtemps, se solda par un taux de participation de 33 % seulement selon le ministère de l’Intérieur et de 25 % selon l’opposition boycotteuse.
La proposition de loi pour la tenue des élections locales le 22 mars 2009 – au lieu du 18 mai 2008 - se couvre du voile hypocrite de l’égalité en droit de toutes les régions du Sénégal (anciennes et nouvelles). En plus de leur mentalité délinquante, les gens de la majorité présidentielle ignorent tout ou presque de la géographie. Couvrant un territoire d’une superficie de 1,2 million de kilomètres carrés (au moins deux fois la France), vingtième pays au monde par sa superficie, le Tchad est le cinquième plus grand pays d'Afrique après le Soudan, l'Algérie, le Congo-Kinshasa et la Libye. Depuis 2003, le Tchad est divisé en 18 régions administratives dirigées par des gouverneurs nommés par le gouvernement tchadien. Le Sénégal qui ambitionne de disposer au moins d’une vingtaine de régions est six fois plus petit que le pays des ancêtres Sao des Tchadiens d’aujourd’hui.
Face aux délinquants, les rares députés honnêtes doivent entreprendre une bataille juridique implacable en saisissant le Conseil constitutionnel. L’article 96 (alinéa 2) de la Constitution stipule, entre autres, que le Conseil constitutionnel « est compétent en dernier ressort dans le contentieux des inscriptions sur les listes électorales et des élections aux conseils des collectivités territoriales ». L’ancien président français Nicolas Sarkozy, monté au créneau pour rendre rétroactive la loi sur la « rétention de sûreté » des criminels dangereux, en dépit de la décision contraire du Conseil constitutionnel français, n’aurait pas non plus gain de cause chez nous. En effet, au Sénégal, « les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d'aucune voie de recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités exécutives ». Aucun député n’a le droit de s’arrêter tant qu’il n’a pas exploré toutes les voies de recours qui s’offrent à lui dans sa poursuite ininterrompue de l’intérêt général.
Tant qu’il y a des pays qui respectent le calendrier démocratique par souci d’équité et de clarté, notre pays doit s’en inspirer. L’exemple des Etats-Unis d’Amérique est à ce sujet révélateur. En conformité avec le système électoral, les citoyens américains élisent, tous les quatre ans, le mardi qui suit le premier lundi du mois de novembre, les « grands électeurs » qui ont pris l’engagement de voter, le lundi qui suit le second mercredi du mois de décembre, pour le candidat démocrate ou républicain à l’élection présidentielle. Le nouveau président élu prête serment devant le président de la Cour Suprême le 20 janvier après la proclamation officielle, le 6 janvier, par le Congrès, des résultats du vote des « grands électeurs ». Immuable !
Au Sénégal, les épisodes croustillants du report à deux reprises des élections législatives en disent long sur la nature du délit politique perpétré par le gardien même de la Constitution. La manœuvre se couvre du voile hypocrite du couplage de l’élection présidentielle du 25 février 2007 avec les législatives pour venir en aide aux sinistrés de la banlieue de Dakar. En effet, Wade justifia le couplage, aboli depuis 1993, de l’élection des députés avec l’élection présidentielle, en utilisant d’abord un argument politique, qui le contrarie. « Le succès, explique-t-il, de l’opération [d]’évacuation des populations et leur hébergement dans des zones salubres, et surtout par l’élimination de ces bidonvilles et la construction à leur place de cités modernes, suppose que l’Assemblée nationale décide de repousser les élections législatives prévues en 2006, pour qu’elles se tiennent en 2007, en même temps que l’élection présidentielle ».
« En Droit, rien ne s’oppose à ce que les élections législatives soient repoussées, comme cela a été fait deux fois en France, en 1918 et en 1940, en raison des circonstances difficiles de l’après-guerre. En 2002, l’Assemblée nationale française a adopté la même mesure, repoussant la date des élections législatives. Au Sénégal, les motifs de report sont surabondants. Les députés continueraient à assurer leur mandat pour encore moins d’un an. Donc, il n’y a pas péril en la demeure, bien au contraire », précise le président dans son adresse à la nation du 28 août 2005.
En France, « l’histoire [de la mesure dont parle Wade] commence le 19 septembre 1999, lorsque François Bayrou, alors président de l’Union pour la démocratie française (UDF), dénonce le "calendrier dingo" ». Ce calendrier, « fou », prévoyait l’élection des députés avant celle du président de la République. La même année, « sentant une manœuvre, Jacques Chirac se raidit et déclare, dans son traditionnel entretien du 14 juillet, que "les règles du jeu existent" et qu’il "ne faut pas les modifier" ». « Le 19 octobre, [Lionel Jospin] déclare ne pas avoir l’intention de se mêler du calendrier 2002, tout en jugeant une inversion "plus logique" ». L’analyste politique du quotidien L’Humanité, prenant en compte ces informations ajoute, pour sa part, qu’« au-delà de la manœuvre, cette inversion s’inscrit dans un contexte institutionnel marqué par un prévisible accroissement du poids de la fonction présidentielle avec le passage au quinquennat ».
Un an après la sortie, plutôt remarquée et non moins commentée, de M. Bayrou, les Français décidèrent, par référendum, de faire passer la durée du mandat du président de la République de 7 ans à 5 ans seulement. C’était le 24 septembre 2000, date à laquelle le leader du Mouvement des citoyens (MDC), Jean-Pierre Chevènement, agite une nouvelle fois l’idée de l’inversion du calendrier républicain pour permettre aux électrices et aux électeurs d’envoyer un locataire à l’Elysée avant de renouveler l’Assemblée nationale. De l’avis de M. Chevènement, l’inversion, « réduirait le risque de cohabitation ». Le report des élections législatives qui en résultait « (…) sera [surtout] déterminant pour savoir si le quinquennat ouvre sur un régime présidentiel majoritaire (...) ou si on va vers une sorte de retour au régime d’assemblée », soutenait-il.
Le débat porta ensuite sur l’avenir même des institutions de la Ve République lorsque les partisans du maintien en l’état et ceux de la modification du calendrier républicain se manifestèrent. Pour Michel Rocard, Raymond Barre, Valéry Giscard d’Estaing et François Bayrou, « en replaçant l’élection présidentielle avant celle des députés, on remet (…) la République sur ses pieds ». Se ralliant à leur point de vue, le Premier ministre Lionel Jospin décide de soumettre la question au Parlement vers la fin de l’année 2000. Ceux qui y voyaient une « atteinte occasionnelle à la Constitution » reprochaient aux députés de prolonger eux-mêmes leur mandat de deux mois pour que le Président soit élu avant eux. Se voulant un « héritier de la tradition de séparation et d'équilibre des pouvoirs, du courant républicain, libéral et indépendant », l’ex-patron de Démocratie libérale (DL), Alain Madelin, précisa qu’il y a en France « une tradition républicaine, une vertu républicaine, qui veulent que l'on mette le calendrier politique à l'abri des manipulations de circonstance ». Faire suivre l’élection présidentielle par les élections législatives apparaissait, à ses yeux, comme « un risque d'absorber la majorité législative par la majorité présidentielle, et donc de renforcer la confusion des pouvoirs au risque d'aggraver le mal français ». S’agissant de l’atteinte à la Constitution, M. Madelin rappelle, citant Montesquieu, qu’« on ne doit toucher aux lois qu'avec des mains tremblantes ». « Car, faisait remarquer l’un des nombreux amis français du président sénégalais Abdoulaye Wade, le Président se doit d'être respectueux de la diversité (…), garant de l'unité de la nation, du respect de l'État de Droit, et de la cohésion sociale, gardien des institutions et des grands principes de la République ». Le Français ne semble pas avoir dit cela au Sénégalais au moins une fois.
Dans une autre adresse à la Nation, le président Wade justifie, le couplage, en février 2007, des élections législatives avec l’élection présidentielle en déclarant notamment qu’« en 2002, l’Assemblée nationale française a adopté la même mesure, repoussant la date des élections législatives ». Bien que l’information soit inexacte - la mesure ayant été adoptée par l’Assemblée nationale française au début de l’année 2001 - le chef de l’État trouve dans le cas d’espèce un bon exemple à méditer. L’erreur est révélatrice de l’improvisation. S’y ajoute que l’exemple est mauvais indépendamment du côté où se situe celui qui le prend. Si Maître Wade se situait du côté opposé à celui des adversaires de la modification du calendrier électoral français (présidentielle avant législatives), il ferait suivre la remise en jeu de son propre mandat (de sept ans au lieu de cinq), en démissionnant, par le renouvellement du personnel (élu pour cinq ans) de l’Hémicycle de la Place Soweto. S’il se trouvait du côté des adversaires de la modification du calendrier républicain de la France (législatives avant présidentielle), il respecterait scrupuleusement, comme annoncé par ailleurs, le calendrier électoral de son pays. S’y ajoute qu’il se garderait, en tenant compte des développements de son ami Alain Madelin, de porter atteinte occasionnellement à « sa » Constitution pour faire prospérer le forcing, énième du genre.
L’économie de 7 milliards de nos francs pour soulager les détresses, consécutives aux inondations, ne convainquit vraiment personne dans les rangs de l’opposition et bien au-delà. D’ailleurs quelques mois plus tard, Abdoulaye Wade déclara avoir reçu 6 milliards de nos francs d’un ami dont il ne précisa pas l’identité. Le coordonnateur du Forum civil, Mouhamed Mbodj, s’en étonna au nom aussi de l’antenne sénégalaise de Transparency International. Wade dit ensuite en avoir fait cadeau au Trésor public. L'argent - comme chacun le sait maintenant - ne profita jamais à la tirelire de l'Etat. Des sources concordantes accusent Karim Wade d’en avoir disposé comme bon lui semble.
L’exemple français de report des législatives révèle aussi que les adversaires de la modification du calendrier électoral ont finalement remporté les deux élections : Jacques Chirac, réélu avec plus de 80 % des suffrages, s’appuie, deux mois plus tard, sur une majorité confortable de droite pour gouverner. Les manœuvriers - les socialistes français en tête - passent dans l’opposition. C’est bien ce qui risquait d’arriver aux « libéraux » sénégalais qui, eux, couplent ou reportent une élection pour frauder.
L’ancien Premier ministre Idrissa Seck, mis en accusation par la majorité à laquelle il a appartenu, jeté en prison, puis libéré sans procès, désapprouva, depuis sa cellule, l’idée du couplage des élections. Un grand reporter soutint même que le président Wade n’organiserait pas d’élections. Djibo Kâ lui aurait même soufflé l’idée (saugrenue) de se maintenir au pouvoir par « voie référendaire ».
L’épilogue, auquel correspond la tenue effective de l’élection présidentielle le 25 février 2007 sans les législatives, montre qu’Abdoulaye Wade voulait surmonter une difficulté qu’il créa lui-même. Elu pour 5 ans le 19 mars 2000, Wade ajouta deux ans à son mandat, oubliant la durée normale de cinq ans de la législature. Et pour éviter que les élections législatives ne se tiennent avant la présidentielle, il imposa leur report à deux reprises, aidé en cela par l’Assemblée nationale et, plus tard, par le Conseil d’Etat. A l’arrivée, Wade obtint plus que ce qu’il attendait de sa manœuvre excessive : sa réélection dans des conditions qui ne satisfont pas ses principaux adversaires et la mort de l’Assemblée nationale. Après le scrutin du 3 juin 2007, aucun grand parti d’opposition ne siégea à l’Assemblée nationale pour cause de boycott des élections législatives. Wade s’appuie alors sur un effectif de 133 députés – l’Assemblée nationale en compte 150 - pour faire ce qu’il veut. La déclaration de guerre à la société paraît ainsi si manifeste que chacun de nous se voit obligé de céder à la tentation de la désobéissance civile, voire de l’insurrection, pour recouvrer sa dignité de citoyen.
Plus ça change, plus c’est c’est pareil
Le président de l'ONG « Nouveaux droits de l'homme, au Cameroun », Hilaire Kamga, dont la brillante étude avait été consacrée aux « techniques de la fraude électorale en Afrique », peut mettre à jour son répertoire en y inscrivant l’anticipation cachée dont le président sénégalais - grand promeneur aérien devant l’Éternel - est passé maître en concoctant, croit savoir LiiQuotidien, des élections locales anticipées qui lui permettraient de conserver la très mince réserve de voix grâce à laquelle son clan s’est emparé, le mode de scrutin aidant, des 131 sièges - 133 sièges pour Wade lors des Législatives de juin 2007 boycottées par l’opposition républicaine - de l’Assemblée nationale à la suite du scrutin du 17 novembre 2024.
La « mentalité délinquante des hommes politiques sénégalais » ne souffre de la moindre ride depuis que le criminologue Souleymane Ndiaye en a fait état, il y a plusieurs années maintenant, à Walf FM. Les pics de mars 2021 et juin 2023 feront parler d’eux pendant longtemps encore. Le lifting du visage de la fraude électorale dont Bassirou D.D. Faye est le nouvel artisan nous renseigne sur ce que nous savions déjà : « Plus ça change, plus c’est pareil. » Mais le profane Diomaye peut toujours compter sur moins profane pour se faire remonter les bretelles dans tous les domaines de la vie politique, économique, sociale et culturelle du Sénégal en cas d’entorses au gentlemen's agreement dont sont créditées toutes les vraies démocraties.
Abdoul Aziz Diop est essayiste, auteur, entre autres, de « Une succession en démocratie : Les Sénégalais face à l’inattendu », (L’Harmattan, Coll. Pensée africaine, 2009).
PAR OUMAR NDIAYE
APTITUDES CAPACITAIRES ET INQUIÉTUDES SÉCURITAIRES
"C’est au Tchad que l’interventionnisme de l’armée française en Afrique a réalisé ses plus hauts faits d’armes et écrit ses plus belles pages qui sont en train de se tourner. À plusieurs reprises, sous le règne d’Idriss Déby Itno..."
C’est au Tchad que l’interventionnisme de l’armée française en Afrique a réalisé ses plus hauts faits d’armes et écrit ses plus belles pages qui sont en train de se tourner. À plusieurs reprises, sous le règne d’Idriss Déby Itno, la France a été sollicitée pour stopper les incursions de colonnes rebelles qui sont fréquentes et récurrentes dans ce pays. Le Tchad, comme décrit par l’universitaire française Marielle Debos dans son ouvrage « Le Métier des armes au Tchad », publié aux éditions Karthala en 2013, « est le pays des guerres sans fin et aussi des guerres fraternelles ».
Cette permanence des conflits a permis à cet État d’être en avance dans le domaine sécuritaire. Même s’il n’a pas encore atteint une certaine autonomie stratégique, le Tchad est l’un des rares pays de la bande saharo-sahélienne à avoir des aptitudes capacitaires de son armée face aux inquiétudes sécuritaires de cette zone marquée par les menaces asymétriques incarnées essentiellement par le terrorisme. Avec des forces de défense et de sécurité aguerries et rompues à la tâche, dans un pays où le métier des armes est d’une grande permanence, le Tchad a donc une grande expérience opérationnelle.
Mais, avec les contingences externes et ses divergences domestiques, son appareil sécuritaire est, des fois, sous situation d’urgence. Pour preuve, la dernière séquence de la « mort au front » du père de l’actuel Président, le maréchal Idriss Deby Itno. Actuellement, du nord, avec la Libye, à l’est, avec les frontières qu’il partage avec le Soudan, en passant par le bassin du Lac Tchad, sujet à des tensions sécuritaires et identitaires, le régime tchadien semble être cerné par une conflictualité qui appelle à avoir un appareil sécuritaire pouvant y faire face. Malgré la richesse de sa trajectoire et son histoire militaire tant vantée, le Tchad a eu à faire appel à la France, surtout côté appui aérien, pour vaincre tous les périls en face. Aujourd’hui que cette présence française vit ses dernières semaines, il y a des questions à se poser sur les aptitudes capacitaires de ce pays face aux inquiétudes sécuritaires qui l’assaillent de toutes parts, sans compter la situation politique interne qui ne s’est toujours pas stabilisée.
La sécurité est certes un domaine de souveraineté, mais il est indispensable de nouer des partenariats et des alliances stratégiques afin d’avoir une bonne complémentarité et une mutualité. Avec la dislocation du G5 Sahel, matérialisée par le départ du Burkina et du Niger qui ont suivi le Mali, cette force conjointe n’est plus totalement opérationnelle. Au mois de novembre dernier, le Tchad s’était aussi retiré de la Force mixte multinationale composée du Nigeria, du Cameroun, du Niger et du Bénin et qui avait pour but de lutter contre le banditisme et la grande criminalité dans le bassin du Lac Tchad. Autant de retraits qui vont certainement mettre sous pression l’armée tchadienne qui, malgré sa montée en puissance et son professionnalisme, devra davantage développer des aptitudes capacitaires devant des inquiétudes sécuritaires de plus en plus présentes et prégnantes tout autour du pays…