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24 novembre 2024
Opinions
par Amadou Tidiane Wone
UN CHEF DU GOUVERNEMENT, C’EST FAIT POUR GOUVERNER
Disons, tout d’abord, que le tandem Bassirou Diomaye Faye/Ousmane Sonko dérange. Il agace même. Notamment, ceux qui ont pour habitude de pêcher dans les eaux troubles. Ceux qui n’avancent que masqués pour fondre sur leur proie à la faveur de la pénombre
Il semble que la tyrannie des réseaux sociaux, ainsi que la volatilité des « informations », ou plutôt des rumeurs et spéculations qui en tiennent lieu, aient un impact fâcheux sur les esprits les plus lucides de notre pays. Je n’aurais jamais cru devoir un jour prendre le contre-pied de mon frère Alioune Tine. Mais force est de relever que, sur le rôle et la place du Premier Ministre Ousmane Sonko, il se trompe de cause.
Parce que sa voix porte et pourrait avoir une résonance négative sur le moral des troupes, il me semble nécessaire de jeter mon grain de sel dans le couscous. Surtout à l’attention de ceux qui pourraient se réjouir de ses propos, que je désapprouve. Très amicalement. Et je vais dire pourquoi.
Disons, tout d’abord, que le tandem Bassirou Diomaye Faye / Ousmane Sonko dérange. Il agace même. Notamment, ceux qui ont pour habitude de pêcher dans les eaux troubles. Ceux qui n’avancent que masqués pour fondre sur leur proie à la faveur de la pénombre… Déroutés par le scénario inédit du film qui se déroule depuis le 24 avril 2024, les spécialistes en tout, et donc en rien de précis, n’arrêtent pas de conjecturer sur l’imminence d’un clash au sommet de l’État. Malgré les assurances données par le Président de la République lors de son entretien avec la presse sénégalaise, en dépit des multiples déclarations du Premier Ministre Ousmane Sonko sur l’absence de nuages dans le ciel serein de leur compagnonnage, forgé dans la douleur, la sueur et le sang… Envers et contre tout, des esprits chagrins sondent inlassablement la météo politique, pour prédire un orage dévastateur, imminent, cataclysmique, qui mettrait en péril le PROJET porté à bout de bras par le peuple sénégalais… À Dieu ne plaise !
Que faire alors ? Ne serait-il pas plus simple, pour tous ceux dont la victoire des forces du changement a mis fin à leurs avantages indus, car il ne s’agit que de cela pour le moment, de faire preuve de fair-play ? Tout simplement. Les combats d’arrière-garde, menés par procuration, notamment par certains patrons de presse sont en train de faire long feu. Les vrais journalistes et les vrais organes de presse boivent du petit lait… Ils savent que leur métier tient là une occasion unique de redorer son blason, de se réinventer.
Tous les aventuriers et mercenaires de la plume vont devoir changer de métier. Et ce sera, pour notre pays, une œuvre de salubrité publique ! Que de maîtres-chanteurs avaient envahi les médias pour racketter de paisibles citoyens et s’enrichir illicitement. Et… outrageusement !
Revenons à nos moutons ! Ma conviction est que le Sénégal est entre de bonnes mains. Une nouvelle génération de dirigeants politiques, et non politiciens, émerge. Pour ceux de ma génération qui avons connu tous les Chefs d’état du Sénégal indépendant, nous avons le recul nécessaire pour comparer, comprendre, pardonner, réhabiliter au besoin, mais nous ne devons rien oublier. …Nous devons faire œuvre utile, non pas en versant dans une nostalgie qui déforme, souvent, le souvenir de la réalité des faits. Qui ne remarque qu’au gré de la nostalgie des temps et des lieux, dépeints comme idylliques, certains occultent les avanies du passé ? On se surprend à entendre, certains de ces « anciens combattants » de partis politiques et de mouvements sociaux, se lancer dans des tirades ponctuées de soupirs et de : « De notre temps… » Sans autre précision ! Comme s’il n’y aurait de bien que les temps qui n’existent plus et qui ne reviendront jamais ! Il faut pourtant vivre avec son temps avant d’en mourir ! Le temps de la vitesse, celui des prétentions cathodiques.
Le temps des usurpateurs qui a réduit au silence les meilleurs d’entre nous. Par dépit et par lassitude. Or, c’est à ceux-là que je m’adresse en leur rappelant que nous serons tous, un jour, interrogés sur nos faits et gestes, nos paroles, mais aussi nos silences…Dans ce pays de croyants, où musulmans et catholiques sont majoritaires, cela devrait être aisé à comprendre pour mieux vivre… ensemble !
J’en appelle donc à la lucidité extrême face au temps qui nous avale, après nous avoir épuisés… Je nous invite au pragmatisme éclairé : Nous avons porté au pouvoir une génération d’hommes et de femmes qui sont nos jeunes frères. Et pour certains nos enfants.
A y regarder de près, ils ressemblent au Sénégal. De toutes les régions. De toutes les confessions. Ils sont, pour la plupart, des produits de l’enseignement public sénégalais. En témoigne cette ancienne institutrice, encore en forme, toujours vive et pétillante, qui vient à la rencontre de son élève devenu ministre de l’Éducation … Et ce vieux maître qui serre d’émotion les mains de son ancien élève devenu Premier ministre du Sénégal… Tout cela, c’est nous… dans nous ! Comme on dit… chez nous !
Notre pays est plein de Grâces ! Il est béni ! Sachons décoder les signes profonds de cette élection… Et aimons-nous davantage les uns les autres.
Aimons ce pays nôtre par-delà les différences, fragiles et factices, que le diable cherche à nous imposer comme des fatalités. Or, « Le Diable est pour vous un ennemi. Prenez-le donc pour ennemi. Il ne fait qu’appeler ses partisans pour qu’ils soient des gens de la Fournaise. » Sourate 35, verset 6 du Saint Coran. Pour le petit temps de séjour qu’il nous reste, changeons ! Pour changer le Sénégal !! Si parler veut encore dire quelque chose…
TROIS ANS APRES SON RAPPEL A DIEU, ABCDAIRES SE SOUVIENNENT DE LEUR MENTOR
La Convention Internationale des Abcdaires rend hommage à Alioune Badara Cissé
Il y a trois ans, le Sénégal perdait l’un de ses hommes d’État les plus emblématiques et charismatiques, feu Alioune Badara Cissé. Son dévouement inébranlable au service de la nation reste une source d’inspiration pour de nombreuses générations. Doté d’une vision claire et d’une détermination sans faille, il a laissé une empreinte profonde au sein des institutions et auprès des personnes qu’il avait accompagnées.
Ancien Secrétaire général du gouvernement sous le magistère du président Abdoulaye Wade, feu Alioune Badara Cissé se distinguait par son intégrité et sa rigueur. Fondateur de l’Alliance pour la République (APR), il a joué un rôle déterminant dans l’ascension politique de Macky Sall et son accession à la présidence. Renonçant à son poste de secrétaire général du gouvernement, il a sacrifié de nombreux privilèges personnels par fidélité et engagement envers Macky Sall. Ce geste de loyauté a jeté les bases solides du parti et a contribué à façonner le destin politique du président Macky Sall. Coordinateur du parti, sa vision, qui dépassait les clivages politiques, lui permettait également de maintenir des relations cordiales avec toutes les tendances, favorisant ainsi un dialogue constructif dans le paysage sénégalais.
Sa nomination en tant que ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur a marqué un tournant décisif dans sa carrière. Profondément attaché aux valeurs d’humanité et de solidarité, feu Alioune Badara Cissé faisait de la protection des intérêts de la diaspora une priorité constante, un sacerdoce. Lié intimement à cette composante de la société, il s’investissait pleinement aux côtés de la Fédération Internationale des Sénégalais de la Diaspora (FSD), apportant un soutien actif à cette communauté. Sa présence lors de l’Assemblée générale de cette organisation, en juin 2018 à Nantes, témoignait de son engagement, surtout dans un contexte où les autorités sénégalaises étaient remarquablement absentes. Par son action, il a renforcé les liens entre le Sénégal et ses ressortissants à l’étranger, donnant une voix à ceux qui se sentaient souvent éloignés de leur patrie.
Fervent défenseur de la jeunesse et des tout-petits, feu Alioune Badara Cissé soulignait sans cesse l’importance de leur rôle dans le développement du pays. Lors de son discours mémorable du 7 mars 2021, il a exhorté les jeunes à prendre en main leur avenir, les encourageant à la persévérance et à l’excellence. Ce discours, empreint de sincérité, résonne encore aujourd’hui, témoignant de son engagement envers la cause des jeunes. Maître Cissé les considérait comme les véritables artisans de l’avenir du Sénégal et se voyait comme leur avocat, prêt à défendre leurs intérêts.
Médiateur de la République, feu Alioune Badara Cissé, malgré des moyens modestes et animé d’une volonté exemplaire, s’est engagé avec une persistance remarquable à rencontrer les populations souvent négligées par les autorités. Il a parcouru Khossanto et Sabodala chez les Bédiks, le Boundou chez les Bassari dans le Sénégal oriental, et s’est rendu jusqu’au Pakao, atteignant Médina Yoro Foulah. Il a traversé la Basse-Casamance, jusqu’à Diembéring, en passant par Cap Skirring. Il a traversé le Ferlo avant de rejoindre le Diéri et le Dandé Mayo, sans oublier le Ndoucoumane, situé dans le bassin arachidier au centre du pays, où il a rencontré nos vaillants cultivateurs. Bravant la faim et la chaleur, il a montré une ténacité inébranlable à défendre les droits de ces communautés marginalisées et à porter leurs voix devant les instances décisionnelles, bien que ses plaidoyers ne trouvaient pas toujours un écho favorable dans l’administration.
Il terminait toujours ses tournées avec le cœur meurtri et une grande désolation, car il était foncièrement opposé à l’idée d’un Sénégal à deux vitesses, où certains citoyens étaient considérés comme des Sénégalais à part entière et d’autres comme des Sénégalais entièrement à part. Alioune Badara Cissé œuvrait pour une nation plus juste et inclusive, où chaque individu serait traité avec dignité et équité. Feu Alioune Badara Cissé se distinguait par sa capacité à résoudre les conflits et à apaiser les tensions. Doté d’une écoute attentive et d’un sens aigu de la justice, il savait instaurer un climat de confiance entre les parties prenantes. Sa médiation, fondée sur le dialogue et le respect mutuel, permettait de maintenir la paix sociale, essentielle à la stabilité du pays.
Homme de terrain, Badou est resté attaché à Saint-Louis, son berceau natal, où il exerçait les fonctions de Premier Adjoint au Maire. Sa passion pour le sport l’a également conduit à présider les destinées du Saint-Louis Basket Club (SLBC) de 2003 à 2008. Pendant ces cinq années, Badou a sorti le SLBC des ténèbres pour le propulser au sommet du basketball national, tout en contribuant à renforcer le tissu social local.
Talibé mouride, sa foi profondément enracinée et son attachement à Serigne Touba Khadim Rassoul, fondateur du Mouridisme, guidaient chacune de ses actions, tant dans la sphère publique que privée. Il voyait en Serigne Touba un modèle de persévérance, de dévouement et de service à la communauté, des valeurs qu’il s’efforçait de refléter dans sa vie quotidienne.
Trois ans après sa disparition, l’héritage de feu Alioune Badara Cissé demeure vivace dans les cœurs et les esprits. Sa mémoire continue d’inspirer non seulement la classe politique, mais aussi la jeunesse et la diaspora, qu’il chérissait tant.
La Convention Internationale des Abcdaires, réunissant ceux qui se reconnaissent dans son idéal, est aujourd’hui investie de la responsabilité sacrée de perpétuer ses œuvres. Bien que cette tâche soit immense, elle demeure pleinement réalisable tant que l’exemple de cet homme exceptionnel continue de guider et de motiver les efforts de chacun. Les Abcdaires doivent veiller à ce que ses actions et ses principes restent une source d’orientation et d’enrichissement pour le Sénégal, traversant les âges avec force et profondeur. Que son âme repose en paix, et que son héritage éclaire et élève les générations futures, apportant des bénéfices précieux et inspirants.
Mission accomplie, Maître !
La Convention Internationale des Abcdaires.
Par Marouba FALL
THIAROYE 44, LES VRAIES MOTIVATIONS DU MASSACRE ?
L’argent n’est-il pas la poudre jetée aux yeux de la postérité pour l’empêcher de découvrir les basses motivations d’un massacre qui restera une blessure difficile à panser dans les relations entre l’Afrique francophone indépendante et la métropole. ?
Dimanche 25 août 2024, la France a célébré le quatre-vingtième anniversaire de la libération de Paris. À cette occasion on a réécouté des extraits du poignant discours du général de Gaulle : « Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé, mais Paris libéré… ». Discours mémorable qui, de toute évidence, continue d’exalter la fierté des Français de France. Mais Paris a-t-il été libéré par le seul peuple et les seuls soldats français ? Dans les hommages, les Alliés ne pouvaient ne pas occuper une place de choix, en l’occurrence les Britanniques et les Américains. Mais pourquoi faire semblant d’ignorer le rôle des légionnaires africains venus des colonies et connus sous l’appellation on ne peut plus réductrice de « Tirailleurs sénégalais » ? Sont-ils allés tirailler dans le désert et dans la brousse ou, à l’aveuglette, comme de vieux enfants jouant avec des mousquets ? Ils n’ont pas tiré ailleurs, à moins que la France occupée fût l’ailleurs à préserver pour la maintenir à la Civilisation ! Les braves soldats de couleur ont tiré à feu nourri contre l’oppresseur et l’occupant nazi ! Alors, un peu de respect et de reconnaissance, s’il vous plaît !
Comme le poète des HOSTIES NOIRES, il me prend l’envie de crier : Ah, ne dîtes pas que je n’aime pas la France ! Je porte dans le cœur ce pays de mes petits-enfants, ce pays dont la langue est le sésame qui m’ouvre les portes du monde et me dégote une place au banquet de l’esprit ! C’est parce que je l’aime que je lui parle vertement et lui rappelle que le temps est venu de se regarder les yeux dans les yeux et de jouer franc jeu. Je ne dis pas « France, dégage ! ». Je t’interpelle : « France, engageons-nous pour un partenariat gagnant-gagnant ! »
En 14-18, comme en 39-45, en perspective de servir une patrie reconnaissante, les Africains francophones du Nord et du Sud du Sahara ont donné leur sang. Chaque fois que la France, le 25 août, célèbre l’anniversaire de la libération de Paris survenue en 1944, elle doit magnifier la contribution en sacrifices humains de l’Afrique blanche, mais surtout de l’Afrique noire. Tous ceux qui sont tombés sur les champs de bataille ne sont-ils pas tous morts pour la France ? Au nom de quel principe en choisir six à reconnaître ? Selon quels critères les a-t-on choisis ? Existet-il des morts plus morts ou mieux morts que d’autres ? Pour tout dire, il est tout à fait injustifié voire inique de procéder à une discrimination arbitraire lorsqu’il faut honorer, ne serait-ce que par une reconnaissance symbolique, ceux qui se sont sacrifiés pour rendre sa liberté à la patrie maternelle ou adoptive. En vérité, les Tirailleurs sénégalais ont le même mérite et devraient être traités aussi dignement que le sont les soldats français morts au combat. C’est d’ailleurs l’occasion pour moi de revenir sur un pan sombre de l’histoire de la seconde guerre mondiale qui fait encore couler beaucoup d’encre et de salive : le massacre perpétré au camp militaire de Thiaroye.
Combien étaient les soldats assassinés ? Si les rapports officiels retiennent 35, des historiens parlent de 70, d’autres de 191 anciens prisonniers, rapatriés, réclamant leur dû avant de rentrer au bercail, mais qui, au lieu de l’argent insuffisant pour racheter leurs privations et leur sang versé, reçurent une raclée de plomb, le matin du 1 er décembre 1944.
On ne saura peut-être jamais le nombre exact des martyrs du camp militaire de Thiaroye. Qu’importe ! L’essentiel est de savoir que les Africains morts pour la France, entre 1939 et 1945, n’étaient point six triés au pif, mais une multitude de frères d’armes que ne soudait pas seulement la couleur de leur peau, mais aussi leur commune illusion d’avoir rempli une haute mission au bénéfice du pays de leurs Ancêtres les Gaulois.
Monsieur le Président de la République de France, en dehors des six Africains que vous considérez, à titre posthume, « morts pour la France », pour quelle autre cause ont donné leurs vies tous ceux que vous ensevelissez dans la fosse commune d’un oubli que d’aucuns assimilent à du mépris ? S’ils ne sont pas morts pour la France, admettez alors qu’ils l’ont été pour une cause qui transcende l’attachement à une patrie ingrate, pour la liberté à laquelle a droit tout peuple blanc, jaune ou noir ; pour la paix à laquelle aspirent toutes les nations quand le fascisme, le nazisme et l’impérialisme sous toutes ses formes seront à jamais vaincus !
Pour quelles motivations a eu le massacre ? En mai 1986, je faisais partie d’une délégation d’écrivains sénégalais invités en Allemagne, précisément à Hambourg, pour participer à un Congrès du PEN CLUB INTERNATIONAL dont le thème central était la manière dont l’Histoire est assumée par les nations. Combien d’entre elles osent regarder en face leur passé ou une parcelle de celui-ci ? Que dire de l’Afrique dont on continue de nier ou de falsifier l’histoire ?
Au Congrès de Hambourg, j’ai lu une réplique de mon personnage, héros de la pièce de théâtre : CHAKA OU LE ROI VISIONNAIRE :
« Personne n’a pensé pour vous, Personne n’a bâti pour vous. Vous êtes les Oubliés de l’Histoire ! Pour vous réaliser, il vous faudra, Vous aidant de votre cerveau et de vos mains, Forger vos propres armes, Et revendiquer votre droit à l’existence, à la Vie ! Que les autres peuples sachent désormais que vous êtes Et qu’ils ne pourront plus se passer de vous sans en être diminués ! » 1
Au cours du Congrès, le défunt cinéaste et romancier Ousmane SEMBÈNE, notre doyen et chef de délégation, en ma présence et en celles d’Alioune Badara BÈYE et de Mame Seck MBACKÉ, a discuté de son film en chantier : CAMP DE THIAROYE, avec un historien germanique. Lorsqu’il a avancé que c’est parce qu’ils réclamaient des indemnités et un pécule promis que les Tirailleurs sénégalais ont été passés par les armes, l’homme a froncé les sourcils et proféré : « Ça ne peut pas être pour un motif aussi léger ! Je ne suis pas convaincu !»
Tous les rapports sur la tragédie de Thiaroye ainsi que les analyses de bon nombre d’historiens insistent sur le malentendu entre la hiérarchie militaire et les soldats qui ne voulaient pas quitter le camp militaire sans percevoir l’intégralité des sommes dont ils avaient droit. Pourtant, ne peut-on pas imaginer que la manifestation déterminée des soldats fraîchement libérés des prisons de France où les Allemands les gardaient, a pu éveiller un soupçon pernicieux des autorités métropolitaines de l’époque ?
1944. Nous étions à seize années de 1960, assez loin de la date à laquelle la plupart des pays de l’Afrique Occidentale Française (AOF) allait étrenner leur hypothétique souveraineté politique. Donc tous ces pays ployaient encore sous le poids d’un régime colonial qui entendait maintenir sa main mise sur les ressources humaines et matérielles de son empire à la fois docile et florissant.
La révolte des prisonniers libérés n’a-t-elle pas alarmé les têtes pensantes et les bras armés du système colonial qui ont tenté, de manière expéditive, de tuer le mal dans l’œuf ? Laisser partir ces soldats africains, chacun regagnant son territoire d’origine ; ces soldats, véritables têtes brûlées, qui se sont battus à côtés des soldats français, souvent à l’avant-garde des armées pour servir de chair à canon ; ces anciens prisonniers de guerre qui ont vu la France écrasée, sont témoins de la résistance opiniâtre organisée par des patriotes pour libérer leur Mère-patrie ; laisser de si redoutables témoins retourner chez eux pour répandre leur expérience de la fragilité du Maître, était-il une bonne option ? La réponse ne s’est pas fait attendre. Il fallait réduire au silence ces rescapés de la guerre qui ne tremblaient plus devant le Blanc, qui n’avaient plus peur de lui, car ils l’avaient surpris dans ses moments de faiblesse, d’humiliation et de soumission face à l’ennemi.
L’argent n’est-il pas la poudre jetée aux yeux de la postérité pour l’empêcher de découvrir les basses motivations d’un massacre qui restera une blessure difficile à panser dans les relations entre l’Afrique francophone indépendante et la métropole. ? Celle-ci doitelle s’obstiner à détourner le regard de certains pans de l’histoire coloniale qu’il est impératif d’assumer pour pouvoir continuer à cheminer ensemble, en toute confiance, donnant ainsi un sens compréhensible à tous et rassembleur à la devise : liberté, égalité et fraternité !?
Par Marouba FALL
* ÉCRIVANT, AUTEUR DU ROMAN « LA COLLÉGIENNE ».
* OFFICIER DE L’ORDRE DU MÉRITE.
* CHEVALIER DE L’ORDRE NATIONAL DU LION
par Guimba Konate
DE LA PRÉFÉRENCE NATIONALE
Entre amateurisme, gestion familiale opaque et manque de professionnalisme, les entreprises locales peinent à honorer leurs engagements. Les scandales et chantiers inachevés se multiplient, remettant en question l'efficacité de cette politique
Depuis l’avènement du duo Diomaye/Sonko aux commandes de notre pays, il est de plus en plus question de préférence nationale pour acter la rupture et favoriser les 3 J : Jubb Jubbel-Jubenti du Projet. Tout ce qu’il y a de très normal que de vouloir favoriser les champions nationaux pour construire notre pays. Jusque-là rien de bien répréhensible sauf que la préférence nationale tant déclamée et réclamée n’a jamais fait défaut dans notre pays. Beaucoup de projets et programmes ont été confiés à des entreprises nationales et dont la presque totalité s’est terminée en eau de boudin : chantiers inachevés-travaux mal faits- délais d’exécution anormalement longs pour les uns, avenants multiples pour d’autres etc., etc.
Et on ne s’est jamais posé la question du pourquoi de tous ces impairs ? Essayons de savoir ensemble…
1/ La presque totalité des entreprises sénégalaises souffrent d’une tare rédhibitoire qui est le manque de professionnalisme avéré. D’abord, nombre d’entreprises sénégalaises ou celles qui se font dénommer comme telles, sont très souvent le fait d’une personne qui en est à la fois, le créateur, le propriétaire et le gérant. Un «self made man» quoi. Et qui, même si son entreprise se développe et prend de l’envergure avec un chiffre d’affaires conséquent, répugnera toujours à chercher des partenaires associés dans l’actionnariat, préférant gérer son entreprise de façon solitaire voire familiale ou clanique. Suivez mon regard.
2/ A part quelques rares exceptions comme la Cse (Compagnie Sahélienne d’Entreprises) de Feu Aliou Sow, la Cde et le Groupe Atepa pour ce que j’en sais, on peut compter sur les doigts d’une seule main, les entreprises «sénégalaisement» sénégalaises qui peuvent se prévaloir d’une structuration aux normes d’une entreprise qui se respecte avec Ca (Conseil d’administration) Comité de direction, et des structures de management dédiées avec des directions administrative, financière, technique, du personnel, de la sécurité-hygiène et autres. Tout part du chef et tout se ramène au chef. Même des «géants» comme Sedima se complaisent dans une gestion familiale.
3/ Nos entreprises dites nationales et privées» recrutent rarement du personnel conséquent et compétent dans leur domaine d’activité. Notamment dans les Btp. A part les exceptions citées supra, rares sont les entreprises de ce secteur si important qui peuvent se targuer d’avoir un bureau d’études techniques avec des ingénieurs et techniciens hautement qualifiés pour piloter des projets d’envergure. En général, elles ont un personnel très réduit et une fois un marché décroché, se mettent à la recherche de sous-traitants et de personnel d’appoint pour exécuter leurs commandes. Elles sont légion dans ce pays et se reconnaîtront quand bien même elles refuseraient de l’admettre. Ce n’est donc pas un hasard si la plupart des chantiers confiés à des nationaux restent en l’état ou sont très mal faits. L’amateurisme est passé par là. Nos patrons locaux préfèrent gérer leurs affaires à la petite semaine utilisant du personnel taillable et corvéable à souhait et pour la plupart d’entre eux, sont rarement à jour des paiements des salaires et autres obligations sociales comme les impôts, la Tva, les cotisations sociales Ipres et Css. On a vu ici le monde de la presse pleurnicher grave pour le rappel d’impôts à payer. Ah ! S’ils (les Patrons) pouvaient comprendre que la justice et la régularité envers le personnel et la conformité avec les lois conditionnent pour une grande part, le développement et la prospérité de leur entreprise, pour sûr, ils s’y attèleraient tous. Mais, Ils préfèrent tous, aller chez le guide religieux de leur obédience et y verser des «adiya» faramineux en guise d’allégeance plutôt que de s’acquitter de leurs obligations sociales et entrepreneuriales. Voyez les moyens colossaux déployés à Touba par Monsieur 50% de préférence nationale, laissant en souffrance ses chantiers inachevés de l’aéroport Blaise Diagne. Nos entreprises dites nationales et privées ne recrutent presque pas. Et si elles le font ce sont des Cdd à n’en plus finir et très rarement des Cdi même pour un certain personnel qui peut rester plus de dix ans sans avancement ni plan de carrière et autres.
4/ En réalité, nos entrepreneurs n’entreprennent pas. Et sans jeu de mots, ils entrent et ils prennent. En effet, avec l’aide de leurs réseaux de relations et autres connivences à presque tous les niveaux, politiques, religieux, socio-économiques et autres, ils arrivent avec des complices tapis dans les dédales des structures étatiques, à capter les affaires juteuses. Ils entrent (dans une affaire) et y prennent (leurs parts). Et forts de leur impunité pour avoir payé l’écot au «porteur d’affaires», ils sabotent littéralement l’exécution des termes des marchés conclus. C’est ce qui explique en partie les indélicatesses notées dans nombre de scandales comme le plan Covid-19, le Prodac, etc.
5/ La plupart de ceux qui se prévalent «entrepreneurs» et qui très souvent font beaucoup de bruit autour d’associations, de patronats ou de groupements d’hommes d’affaires sont de parfaits inconnus dans le monde réel du travail et de l’entrepreneuriat. Ils trustent les présidences et autres postes de responsabilité sans être en mesure de vous montrer une seule usine ou une seule entreprise qu’ils auraient créée et qu’ils sont en train de manager. De véritables usurpateurs qui sont en réalité de redoutables escrocs. Experts dans l’art de l’infiltration et du trafic d’influence, ils squattent les endroits chics et organisent régulièrement des soirées et dîners de gala festifs pour y décerner des prix de pacotille (Cauris, Sedar et autres) à de vrais managers qui se seront laissés plumer en toute beauté en acceptant de payer au prix fort ces trophées en toc, véritables colifichets désuets dans une innocence complice. Ils sont là et se reconnaissent très bien tout en étant très bien connus de tout le monde. Mais on laisse faire dans un système de falsification et d’imposture laxiste. Du vrai ponce pilatisme. Ne suivez pas mon regard deh.
6/ Dès lors, comment peut-il être étonnant que les scandales dans les commandes publiques allouées aux entrepreneurs nationaux se suivent et se multiplient sans cesse dans tous les domaines ?
Quelques rappels de «l’expertise» et des «hauts faits d’armes» de nos capitaines d’industrie nationaux.
Le Building administratif qui, d’avenant en avenant, est passé de huit milliards à plus de quinze milliards et qui peine toujours à être achevé et livré définitivement plus de dix ans après le démarrage des chantiers. L’hôpital de Fatick qui aura mis plus de 10 ans sans être jamais terminé. Et ce n’est pas Mballo Dia Thiam de «And Guesseum» qui va me démentir. Le Mémorial «Le Joola» qui aura mis plus de vingt ans avant d’être finalisé tandis que le Mémorial de Gorée, l’autre combat épique du «lauréat des prix de la poésie francophone», reste encore à l’état larvaire plus de vingt ans après son lancement. L’état d’exécution du stade de Sédhiou qui n’a pas fini de scandaliser la ministre des Sports, le scandale des semences et tant, tant d’autres chantiers, commandes et marchés dont les affairistes et entrepreneurs autoproclamés se sont emparés et en véritables sangsues, les ont littéralement sabotés et sabordés sans état d’âme aucun. Tous, tant qu’ils sont, une fois, l’avance de démarrage d’un marché de travaux de chantiers, de fournitures ou de toutes autres prestations de service, encaissée , ils s’empressent de se rendre chez leur marabout pour payer leur dîme, se coltiner pour certains, une nouvelle épouse et pour d’autres se payer un véhicule haut de gamme pour marquer leur entrée dans «la cour des Grands»… Cour des grands voleurs. Oui. Mais Allah ne dort pas et veille toujours. Ainsi, toute entreprise assise sur l’injustice, la roublardise, le vol, la concussion et autres «taf yenguel» ou «ndjoutt ndiath» est inexorablement vouée à la décrépitude et à la faillite. irrémédiablement.
Toujours dans ce chapitre «des exceptions sénégalaises», on peut y classer les attitudes inqualifiables des transporteurs qui, malgré l’avertissement gouvernemental lors de la Tabaski, n’ont eu aucun scrupule à revenir à leurs manœuvres délictuelles voire criminelles en augmentant encore à l’excès, les prix des transports lors du Magal de Touba et sans aucun état d’âme. Et les voilà. Tout contents d’entasser les voyageurs dans des guimbardes d’un autre âge, et de rouler à plein gaz sur nos routes en mauvais état, pour assouvir leur cupidité vorace au mépris des accidents mortels causés par leur faute. Terrible.
Dans le même registre du manque de patriotisme et de compassion pour les populations, on peut y ranger les comportements cupides des marchands des marchés qui n’hésitent pas à chaque occasion, de créer des pénuries artificielles de certaines denrées alimentaires pour ensuite les vendre à des prix prohibitifs. L’illustration la plus parfaite de cette attitude de sans cœur est celle des producteurs d’oignons. Une fois, ils réclament à cor et à cri l’arrêt des importations d’oignons pour, disent-ils, écouler leurs productions locales. Dès que la mesure est prise par les pouvoirs publics, ils n’hésitent pas à vendre leurs produits à des prix prohibitifs sans aucune compassion pour les populations déjà durement éprouvées.
Et si le gouvernement reprend les importations pour soulager les populations, ils ne vont pas hésiter à aller jusqu’à creuser de très grandes fosses pour y enterrer leurs oignons plutôt que de devoir les vendre à des prix acceptables aux clients. Comme ils l’ont déjà fait par le passé pour marquer leur dépit, quelle méchanceté !
Au regard de toutes ces pratiques de filouterie de haut vol et tant d’autres auxquelles s’adonnent ceux qui veulent toujours pouvoir être bénéficiaires de la préférence nationale sans jamais donner satisfaction, n’est-il pas temps pour les pouvoirs publics de revoir ce concept de préférence nationale pour bien l’encadrer et faire affaire avec ceux qui veulent travailler, encore travailler toujours travailler et surtout bien travailler pour l’intérêt national plutôt que de contribuer à entretenir une race d’aigrefins dont le seul mérite est d’être sénégalais ?
La question mérite d’être posée.
Pour la réalisation du projet, cela aussi doit changer dans les 3J : du jubb, du jubbel et du jubbenti . Rekk. Jajeffetti.
Dieu nous garde et garde le Sénégal
Par Ndao Badou
LES PAN – AFRICANISTES ET NOUS, LES AFRICAINS !!!
Qu’on leur apprenne à ces messieurs déracinés de leurs cultures, en perte d’identité culturelle et de repères géographiques, comment redevenir Africain puisqu’ils ont perdu un pan de leur Africanité ou de leur Afriquattitude.
A l’orée des Indépendances, au plus fort des luttes contre le racisme, des hommes se sont levés pour affirmer leurs identités face aux Blancs, ils ont pour noms, pour ceux qui nous concernent, Senghor, Césaire, Fanon, Frobenius, David Diop etc. ces messieurs tentaient de prouver aux Blancs que le Noir pouvait être d’égale dignité avec eux. Leur lutte s’appelait la Négritude, terme que les uns ou les autres ont réclamé la paternité. Il y eut aussi, des combattants culturels de la trempe de Grands Africains qui ont tenté de se et de nous prouver à nous, Africains qu’il n’était pas nécessaire de dire aux Blancs qu’on existait, nous existions bien avant eux, et nous existerons toujours. Parmi eux, ceux qu’on connaît le plus, Cheikh Anta Diop, Wolé Soyinka, etc. Il y a eu les mouvements d’indépendance qui se déclaraient Pan africanistes pour ne pas aller à l’indépendance en rangs dispersés, mais de former de grands ensembles Africains viables qui ne profiteraient au néocolonialisme diviseur. Ce sont les partis d’obédience Africaine comme le RDA, le PRA, le PAI, etc…
Jusque-là, le Panafricanisme avait un sens et portait des combats réels qui concernaient la majorité des Africains et leur devenir. Quoique ! Aujourd’hui, une nouvelle race de panafricanistes a vu le jour. Ils sont tous pour la plupart, nés hors d’Afrique ou ont vécu la majorité de leur existence hors d’Afrique, généralement chez les gens qu’ils pourfendent à longueur de journée. De l’Afrique, ils ne «connaissent» que la misère, de son exploitation réelle ou supposée si on se fie à leurs dires bien sûr. Et ils appellent à tout bout de champ à l’émancipation, au soulèvement des Africains contre les exploiteurs, les néo – colons, tout y passe. C’est limite, si ces pan africanistes nouveaux ne nous prennent pas, nous les Africains d’Afrique pour des attardés mentaux incapables de discerner le bon du mauvais. En fait, ils nous donnent des leçons d’Africanisme. Oui ! Comment être ou devenir de bons Africains ?
Voyez leur CV. Ils ont tous en commun de manier la langue du Blanc avec dextérité et de mal parler leur langue maternelle. De vivre du système social du pays qu’ils insultent tout le temps, de profiter de leurs passeports qui leur ouvrent le monde et de bien d’autres avantages auxquels ils ne renoncent pas gratuitement pour rentrer au village de Grand – père au fin fond de l’Afrique. C’est cette nouvelle vague de pan africanistes qui vient nous enseigner, docte, comment, nous, Africains d’Afrique, on devrait être des Africains d’Afrique. M’est avis que c’est le contraire qui devrait être possible.
Qu’on leur apprenne à ces messieurs déracinés de leurs cultures, en perte d’identité culturelle et de repères géographiques, comment redevenir Africain puisqu’ils ont perdu un pan de leur Africanité ou de leur Afriquattitude. Même si nous sommes toujours les nègres ‘’y a bon banania’’, y a quelque chose que nous n’avons pas perdu, notre Africanité. Nous n’avons pas bougé nous. N’est – ce pas ?
Ndao Badou
Le Médiateur
Par Mamadou Ndiaye
FUGACITE ET FRAGILITE
Il avait un visage d’ange, Aziz Dabala… Jovial et grand rieur, ce jeune homme à l’allure frêle dégageait la bonne humeur et s’invitait par effraction dans tous les foyers où il diffusait de la joie et de la gaieté.
Il avait un visage d’ange, Aziz Dabala… Jovial et grand rieur, ce jeune homme à l’allure frêle dégageait la bonne humeur et s’invitait par effraction dans tous les foyers où il diffusait de la joie et de la gaieté.
Par son talent insoupçonné, déjà reconnu des gens avertis, le garçon était une « œuvre d’art », un mélange de générosité et de candeur, présent partout, se donnant à fond, multipliant sa présence scénique sur plusieurs spectacles à la fois dans Dakar et ses environs.
Pour peu, s’il le pouvait, il n’arrêterait de contenter les publics. Mais stupeur ! Cette promesse de vie s’est arrêtée soudainement victime d’un effroyable meurtre commis sur sa personne dans son espace de refuge, entendez son appartement. Mobile du crime ? Sans doute très tôt pour l’étayer. Patience.
Mais les indices probants accumulés ont orienté la recherche vers Touba où le présumé meurtrier a été mis aux arrêts. Nul doute que l’émoi s’est répandu aussitôt, donnant lieu à des spéculations avancées sans précaution.
Des différences de mentalité s’observent sur cette tragique affaire. Les récits s’étalent au grand jour. Les uns privilégient « combine et jalousies » quand d’autres mêlent politique, ambition et règlements de compte.
Les raisonnements les plus absurdes côtoient de fallacieux arguments, le tout entretenu par un verbiage abstrait lui-même soutenu avec un détachement délirant qui en dit long, hélas, sur la dégradation des mœurs au Sénégal. Plus personne ne semble accorder de l’intérêt à l’enquête déjà ouverte et qui se déroule selon des normes éprouvées et surtout sans empressement. Pourquoi « danser plus vite que la musique » ?
De son nom de scène, Aziz Dabala, une fantaisie juvénile ajoutée à une volonté distinctive, Abdoul Aziz Ba, emporte dans sa tombe des questions sans réponse. En revanche, sa mort lève un coin de voile sur l’extrême vulnérabilité de ces « étoiles filantes ».
Qu’elles vivent seules ou en colonie, elles restent exposées aux aléas d’une vie trépidante. Elles s’amusent et s’éclatent sans répit. Sans repos aussi. A peine mises en scène les voilà qui planchent sur d’autres spectacles. Ces artistes enchaînent les prestations passant des cafés aux amphis en rêvant d’aller à l’assaut des salles mythiques Sorano, Grand Théâtre et Cie…
Une telle vie, vécue « 100 à l’heure », n’offre pas de recul, ni de perspectives heureuses. Non plus elle ne s’ordonne. Certes, « il faut que jeunesse se passe » mais qui pour les préparer à des « carrières fécondes » ? En plus, très souvent ils sont plusieurs à entrer en concurrence sans règles pré-écrites, à se lancer des défis inouïs au grand plaisir des « entrepreneurs de shows » qui tirent avantage des misères de ces artistes en déshérence.
L’absence de facteur moral explique les brèves apparitions et les soudaines disparitions sans compter les milliers de « sans culottes » abandonnés au ras des podiums. Dès qu’émerge un talent, il est vite happé par les « guetteurs » qui l’étouffent pour le domestiquer.
Ceux, rares parmi eux, qui osent s’affirmer sans « respect des codes du milieu », sont vite repérés et mis à l’index ! Rien ne les protège. Ils vivent dans un monde impitoyable constellé de « petits meurtres », de dénigrement encouragé par des intermédiaires ratés.
Les mêmes polluent l’atmosphère et entretiennent la fragilité pour tirer profit de cette naïveté ambiante au cœur d’un univers de créativités qui se cherche une voie de prospérité durable. Or le monde des arts demeure un creuset d’opportunités et de création de valeurs.
Sous d’autres cieux, les facteurs de réussite jalonnent le parcours des artistes. Prévoyants, les assureurs planchent sur les coefficients et les gains à affecter à ces « acteurs en herbe ». Les banquiers accourent avec des propositions pour, à leur tour, fructifier les revenus tirés des recettes. On le devine, les avocats et les juristes ne ratent pas pareil banquet !
L’emballement des prestations dont bénéficie un « talent en devenir » protège ce dernier des prévarications, des dangers, des trahisons, des « coups fourrés », des maladresses et des pièges. Les familles peuvent encourager grâce au soutien qu’elles apportent naturellement, en qualité de « premier cercle de refuge ». A elle de canaliser les envies du rejeton.
Au Sénégal, une telle organisation n’existe pas pour encadrer les voies de réussite. Notre pays n’intègre pas la dimension contributive des Arts à la formation du PNB. Les dirigeants se contentent de couper des rubans symboliques, de dévoiler des plaques ou de serrer des louches sans trop se soucier de « démarquer » ce secteur dont la richesse potentielle est une source pérenne de croissance.
Les médias n’échappent pas à cette revue des négligences. Elle s’intéresse très peu aux enjeux que charrient les Arts divers pour ne se contenter que des faits divers touchant les artistes. Leur curiosité pourrait s’attarder sur le travail de fond, les engagements, les thématiques, les atouts, les agendas, les festivals, les programmations, les valorisations éventuelles.
En ne se focalisant que sur les « ruineuses rivalités » les médias portent tort à la culture et à ses acteurs dont la diversité est en soi une inépuisable source de richesses. Plutôt que de mettre en selle, voitures, montres et bijoux, les médias ont pour rôle de souligner les progrès des uns et des autres, de cerner leur ancrage, leurs racines, leur attachement à leur terroirs pour y célébrer des valeurs auxquelles s’identifieraient les fan’s, les amoureux, et les sympathisants éventuels.
Dakar, consacre des talents en même temps qu’elle les étouffe faute d’horizons élargis. Après tout, les infrastructures et les moyens d’épanouissement restent concentrés dans la capitale. Déniche-t-on des virtuoses nouveaux qui résistent aux tentations et aux mirages urbains ?
Les régions peuvent, à cette fin, être des jauges où s’extériorisent d’autres sonorités, d’autres répertoires, d’autres têtes d’affiches en association avec des communes en quête de notoriété.
A cet égard, la Préfecture de Bakel est un monument architectural très peu mis en évidence. Les nombreuses gares ferroviaires, tombées en désuétude, sont des haltes que des évènements culturels pourraient mettre en lumière à des occasions espacés pour cristalliser des attentions et soulever des passions d’enracinement, à l’image du Festival de Jazz de Saint-Louis tel que conçu à ses origines.
Ce réveil des potentialités et les externalités qu’il induit est de nature à convaincre des mécènes de proximité pour « rallier » la ruralité et la connecter à la modernité ambiante. Transformer une difficulté en force, voilà le seul chantier qui vaille !
Les gens des campagnes qui nourrissent les villes peuvent trouver dans les arts (musiques, danses, théâtre, chorégraphies) le trait d’union de deux mondes complémentaires et non opposables. La mort de Aziz Dabala illumine la fugacité et la fragilité d’acteurs culturels en quête d’une vie réelle et non empruntée sous les lambris.
Par Elimane H. Kane
SOCIETE EN FAILLITE, NOUS DEVONS AGIR, MAINTENANT !
En suivant cette affaire relative au double meurtre d’Abdou Aziz Ba dit Aziz Dabala et son colocataire Boubacar Gano dit Waly depuis deux jours pour essayer de comprendre les raisons de cette violence barbare, je me suis rendu compte...
En suivant cette affaire relative au double meurtre d’Abdou Aziz Ba dit Aziz Dabala et son colocataire Boubacar Gano dit Waly depuis deux jours pour essayer de comprendre les raisons de cette violence barbare, je me suis rendu compte du niveau alarmant de sécurité au Sénégal, mais surtout de déchéance morale dans notre société. A travers les témoignages et autres « lives » de soient disant « influenceurs » dont des bannis de notre société qui délient leurs langues librement, et en toute inconscience des conséquences sur l’enquête en cour, je me suis rendu compte du niveau de délitement de notre société.
L’heure est très grave et je me rends compte que c’est déjà pourri et cette décente vers l’abîme est accélérée par l’absence de régulation dans les réseaux sociaux. N’importe qui diffuse ce qu’il veut dans l’ignorance totale des responsabilités pénales et du respect des droits des autres. La parole est libre et sans limites.
Je me suis rendu compte de mon erreur de ne jamais m’intéresser à ce qui se passe dans la toile en dehors de mes propres centre d’intérêt. Ce que je découvre me dépasse et m’alerte!
Il y a du travail urgent si nous voulons sauver nos enfants et petits-enfants.
Les autorités sont interpellées. Nous sommes tous interpellés. Car je me suis rendu compte que ce dont nous discutons dans nos cercles restreints familiaux et intellectuels est très décalé de ce qu’est le Sénégal réel qui vit au jour le jour pour s’affirmer dans une société sélective et inégalitaire happée par la ruée matérialiste. Par tous les moyens, il faut tekki et pour le peu, la vie d’un être humain peut y passer !
Le type du sénégalais moyen est à redéfinir. J’appelle à cette tâche mes collègues sociologues qui sont dans les universités et centres de recherche. Il y a urgence à expliquer le vrai Sénégalais en perspectives. Ce n’est pas du tout rassurant ! C’est alarmant !
En effet, maintenant je suis convaincu qu’il faut une régulation stricte et même drastique des réseaux sociaux et programmes tv…et surtout renforcer les moyens institutionnels d’action, notamment la brigade des mœurs aussi sur le terrain de la prévention et de la cybercriminalité et de la lutte anti drogues; investir les lieux d’inscription sociaux des jeunes et assainir les endroits de rencontres privées; protéger les familles vulnérables avec des programmes sociaux efficaces; développer l’éducation populaire de proximité !
Je répète : C’est alarmant ce que j’ai vu en cherchant depuis hier seulement à travers les réseaux sociaux.
Il nous faut agir et rapidement !
Par Moussa DRAME
LE LEVIER DU LEVIATHAN ATTENDU POUR EVITER LA JUSTICE POPULAIRE
Montée de la violence extrême au Sénégal - La bonne réputation du Sénégal de pays de l’hospitalité («Teranga») souffre de la montée vertigineuse de la violence inouïe et disproportionnée au sein de la société.
La bonne réputation du Sénégal de pays de l’hospitalité («Teranga») souffre de la montée vertigineuse de la violence inouïe et disproportionnée au sein de la société. Ce qui installe un climat de peur et de terreur ambiante dans presque toutes les Collectivités territoriales du Sénégal. Les dernières scènes de carnage et de justice populaire corroborent la profondeur de ce mal viscéral en l’homme «senegalensis». La pauvreté maladive, le manque d’éducation et l’emprise des drogues sont les forces réactives de cette boucherie humaine. Entre mesures structurelles et retour de la peine capitale, la puissance publique est ardemment attendue sur le sujet pour abréger la hantise des citoyens qui n’arrivent plus à dormir poings fermés.
Ôter la vie à son semblable par voie de décapitation renvoie à une scène d’horreur difficilement admise par l’imaginaire à plus forte raison de poser le regard sur une telle cruauté d’un autre âge. Le constat est choquant et heurte la conscience collective. Et pourtant, cette montée de la violence extrême est devenue banale dans nos sociétés, comme en attestent les descriptifs sur les réseaux sociaux des plus jeunes aux plus âgés. Les derniers épisodes survenus à Thiès et à Pikine Technopole suffisent comme baromètre pour mesurer le degré de méchanceté et de lâcheté d’une société en déliquescence. La contagion ne date pas d’aujourd’hui et traverse toutes les collectivités du pays, sans perspective immédiate d’un éventuel affaiblissement de la tendance. En d’autres termes, le curseur de la paix sociale reste planqué sur la tête de chacun, sous la hantise d’être la prochaine cible. Convenons-en sans naïveté coupable ; l’affaire est grave et écorne l’image du Sénégal dans le concert des nations, avec son étendard de pays de la «Teranga».
Intéressons-nous aux mobiles socio-anthropiques de cette montée de la violence caractérisée. Des sociologues présentent un tableau de pauvreté grandissante, accentuée par les inégalités et injustices sociales ; mais la voie de l’abîme est surtout creusée par l’usage des stupéfiants. Très vite l’emprise de la drogue chance les règles d’une conduite normative et élève le délinquant au rang de superman guidé par le démon du mal à accomplir son forfait sans cœur ni heurt et parfois sous le regard coupables de passant plus enclins à prendre des photos et vidéos plutôt qu’à s’interposer.
Ce chanteur n’a-t-il pas vraiment raison de poser la question de savoir «est-ce que ce monde est sérieux ?» Dans tous les cas, l’Etat doit prendre les choses au sérieux, en faisant tout simplement prévaloir ses obligations de garant de la sécurité publique. La proactivité en amont et les sanctions idoines en aval y compris l’ensemble des mécanismes et instruments de répression apparaissent comme un impératif catégorique au Léviathan.
Ceux qui pensent soigner le mal par le mal prônent déjà le retour à la peine capitale au cas par cas d’un crime capital, étant entendu que celle-ci a été abolie au Sénégal par la loi constitutionnelle du 23 février 2007.
Dans tous les cas, il faut dans l’absolu trouver une solution structurelle donc durable car la paix se définit comme une absence de peur et de besoin dans un pays où tout ou presque se conjugue à l’impératif. A défaut et la nature ayant horreur du vide, c’est une justice populaire qui va s’installer, à l’image du supposé voleur/agresseur lynché à Thiès. Les tenants de l’état de nature, selon la perspective de Thomas Hobbes, qui s’abreuvent à l’offrande de l’anarchie, n’attendent que çà pour déclencher la bataille de chacun contre chacun. Et chacun doit y réfléchir avant que ce ne soit tard car, plus tard, ce sera trop tard et une tare pour la nation.
Par Mademba AAS NDIAYE
PATHÉ DIAGNE, BOOBA AK LÉEGI…
Je n’ai pas la finesse intellectuelle de Alioune Sall «Paloma» que la disparition de son oncle, le 23 aout 2023, a profondément touché.
Je n’ai pas la finesse intellectuelle de Alioune Sall «Paloma» que la disparition de son oncle, le 23 aout 2023, a profondément touché. Il avait su pourtant trouver les mots pour exprimer ce que représente Pathé Diagne pour un intellectuel comme lui et comme tous les universitaires présents, ce jour du 24 aout 2023, pour un dernier hommage à cet immense intellectuel qui, jamais, n’a voulu être sous les feux de la rampe.
Je n’ai pas non plus la capacité de puiser dans l’amour que voue une fille à son père pour, comme Mbisin, chanter son père, au nom de Ngiseli, Bunaama et Penda-Fari : « Diagne Babacar Marianne, Yerim Dieye, Coumba Gaye, Buri Wade, Sokhna Diop, Maram Xoor, Buur bu yaxul Mbiloor, sa jaan wacc na. »
Je n’ai pas la plume de Abdourahmane Cissé, ami de Pathé qui, en 1972, dénonça dans sa Lettre Fermée, “une attitude néocoloniale la plus pernicieuse” qui consiste en la liquidation programmée du linguiste Pathé Diagne, lequel devra grossir bientôt les rangs des interdits d’université́ dont les plus célèbres sont Cheikh Anta Diop, Abdoulaye Ly et Amady Aly Dieng, tous enseignants africains », comme le rappelait feu Moussa Paye, un autre admirateur de Mame Pathé. Senghor lui en voudra au point d’interdire son journal !
La seule légitimité – imprescriptible cependant - dont je peux me parer, pour renouveler mes prières en ce jour anniversaire du rappel à Allah de Pathé Diagne, provient du fagot - bien moins dense que celui de son neveu Souleymane Bachir - de ma mémoire : Pathé Diagne adorait ses sœurs, dont l’une fut ma mère. Yalla na Yalla yërëm sama nijaay Paate, te xare ka Ajjana. Ayant piqué dedans pour me faire un titre, je me permets de terminer avec ce texte – véritable tagge – écrit le jour anniversaire du décès du Pr Pathé Diagne par Dr. Samba Buri Mbuup :
Bàyyi ginnaaw mbetteel ak wéetaay wu tar ak metiit ak naqar
Ñu di la fàttliku di la sargal di la ñaanal bés ni ki tey, bés ci bés yi bésub Màggal, weeru Safar
Yàlla na suuf wéy di wayaf di sedd ci yaw
Sunu Boroom sàng la malaanum yërmande, saxal la Àjjana
Sa cëslaay di sa jëf ju taaru, dëggu ak sa xol bu rafet
Bàyyi nga nu ak wéetay ak nammeel ak tiis
Waaye gàcce ngaalaama yaw, sunu Sëb gu Law
Guy gi nu daan keral, daan nu dundël laalo ak cifaayu xamxam aki ferñeent aki garab yu nu daan fajoo ka dëgërlóo
Jërëjëf Jaañ sunu sëriñ, sunu doomu-ndey, sunu xarit
Par Vieux SAVANÉ
« YES, SHE CAN ! »
Après le désistement de Joe Biden négocié avec tact et fermeté par les ténors du parti démocrate américain, voilà désormais la vice-présidente Kamala Harris officiellement investie, jeudi dernier, candidate à l’élection présidentielle du 5 novembre 2024
Déroutante tout de même la vie que de voir ainsi l’histoire s’emballer, basculer et changer de trajectoire, avec une dose d’imprévu et de soudaineté dont elle a le secret. Après le désistement de Joe Biden négocié avec tact et fermeté par les ténors du parti démocrate américain, voilà désormais la vice-présidente Kamala Harris officiellement investie, jeudi dernier, candidate à l’élection présidentielle du 5 novembre 2024.
Face à elle l’ex-président Donald Trump, orphelin de son adversaire préféré Joe Biden, qu’il raillait à tout bout champ pour son âge avancé, sa mémoire défaillante et dont le désistement, par un juste retour des choses, met à nu le vieil homme (78 ans) qu’il s’évertuait à masquer sous ses airs de bretteur. C’est désormais d’autant plus criant qu’en face de lui se dresse droitement une femme de 59 ans portée par l’ambition subversive de changer la vie et d’aller à l’assaut de toutes les formes de conservatisme avec un rire conquérant, ravageur, franc et massif. Avec Trump qui ne « savait pas que Kamala était noire », il faudra toutefois s’attendre à tous les coups fourrés. Sauf que l’ancienne procureure générale de Californie est bien parée pour riposter avec la maîtrise et le sang-froid qui siéent à une femme qui s’est construite à la sueur de son front. Sous des tonnerres d’applaudissement Michelle Obama avait d’ailleurs posé avec humour la question de savoir « qui va lui dire (à Trump) que l’emploi qu’il recherche actuellement pourrait bien être l’un des emplois réservés aux Noirs ? », laissant entendre qu’il l’apprendra certainement à ses dépens.
En attendant, il apparaît complètement désarçonné par la tournure des évènements avec le désistement d’un Joe Biden fragilisé qui a pu accuser le coup et faire montre d’un sens élevé du devoir en s’adressant à ses concitoyens en des termes empreints de simplicité et de sincérité. « J’aime le job ( de président), mais j’aime davantage mon pays », leur a-t-il confié. Une manière de signifier que ceci l’oblige, contrairement à un Donald Trump enfermé dans un narcissisme mortifère, incapable de reconnaître une victoire autre que la sienne. Aussi, ne sachant plus sur quel pied danser, Kamala Harris, lui ayant volé la vedette au niveau des médias, ce qui l’insupporte au plus haut point, ayant perdu la boussole, l’injure à la bouche, il verse dans une misogynie abjecte avec une violence qui en dit long sur son désarroi, son absence de tenue et de retenue.
Après s’être moqué de « Kamala la rigolarde « laffin’Kamala »), il la dépeint comme une dangereuse communiste en l’affublant du sobriquet de « Camarade Kamala » quand il ne la traite pas en privé de garce (« bitch »). A son grand désespoir, rien de ses outrances n’accroche, glissant sur sa rivale comme la pluie sur des ailes de canard.
« LA MOITIE DU CIEL »
Qu’on le veuille ou non ce qu’il se passe en ce moment en Amérique est absolument inspirant. Une femme est possiblement en passe de devenir la première femme à présider la première puissance du monde.
Après Barack Obama, natif d’Hawaï, d’une mère blanche du Kansas et d’un père Kenyan qui avait émigré pour ses études, voilà qu’avec Kamala Harris dont les parents ont été deux étudiants étrangers qui se sont rencontrés à l’université de Berkeley en provenance d’Inde et de Jamaïque, ils rendent compte de la complexité du monde et de leurs parcours respectifs qui font d’eux l’incarnation du rêve américain. Qu’elle devienne la prochaine présidente serait un puissant message adressé aux hommes et aux femmes, à savoir une fois pour toute que, hormis leurs différences biologiques, ils sont des êtres humains qui se valent, ayant les mêmes droits et devoirs. Doug Emhoff, le mari de Kamala Harris, l’a d’ailleurs bien compris en l’accompagnant avec ferveur dans son ambition politique. Ainsi n’a-t-il pas hésité après 30 ans de carrière, à démissionner de son cabinet d’avocats pour éviter d’éventuels conflits d’intérêts.
Fier de soutenir la carrière de son épouse (qu’importe laquelle du reste), il l’a suivie à Washington. Aussi, ce qu’il est en train de se jouer devrait-il nous interpeller au Sénégal où souffle avec une tranquillité désarçonnante un vent de régression, relativement à la place des femmes dans les sphères de décision politique. Alors qu’elles brillent à l’école et partout ailleurs dans les sciences et techniques, le management, la gouvernance, le Sénégal opère étrangement une rupture régressive, à rebours de ce mouvement d’émancipation, avec notamment la nomination d’un gouvernement composé de 21 hommes et 4 femmes seulement. Oubliant que rien de grand et de pérenne ne saurait se construire sans la participation massive de cette « moitié du ciel » qui vote depuis 1945*, il persiste dans sa voie et continue de reléguer les femmes en arrière-plan dans les nominations en cours.
Au même moment au Rwanda le nouveau gouvernement du Président Paul Kagame compte onze ministres femmes sur vingt. Et à Madagascar 12 femmes font partie du nouveau gouvernement, soit près de la moitié de la nouvelle équipe gouvernementale du Président Andry Rajoelina.
PROCHAINE ETAPE
Il va donc falloir, comme l’a rappelé Hillary Clinton à propos de l’histoire des femmes dans la politique américaine, continuer de se battre pour approfondir le chemin emprunté avec le droit de vote acquis en 1920, lequel s’est poursuivi par la candidature de Géraldine Ferraro, première femme candidate à la vice-présidence des EtatsUnis en 1984 sur le ticket du démocrate Walter Mondale opposé à Ronald Reagan, celle de Mme Clinton contre Trump et celle de Kamala aujourd’hui, pour emporter la victoire et parachever ce combat pour la gent féminine.
Conscient qu’il s’ouvre une véritable fenêtre d’opportunité, Barack Obama a transformé pour l’occasion « YES, WE CAN ! », son slogan qui avait fait florès, en « YES, SHE CAN ! ». Aujourd’hui en effet tout le parti démocrate est derrière elle jusqu’à quelques dissidents républicains qui, au regard des enjeux, lancent un appel en direction de leur camp. A l’instar de Geoff Ducan, ancien lieutenant-gouverneur de Géorgie, Etat-pivot dans lequel Donald Trump avait tenté d’inverser les résultats de la présidentielle de 2020, qui leur fait savoir qu’à ses yeux, « voter pour Kamala Harris en 2024 ne fait pas de vous un démocrate mais un patriote ». Il s’y ajoute le choix bien inspiré de Tim Walz comme colistier. Issu de milieu populaire et modeste, ancien enseignant, ancien coach de football américain, le gouverneur de Minnesota apporte une nouvelle corde à son arc.
Même si rien n’est gagné, tout étant possible, les crocs en jambes, la survenue d’évènements qui viennent perturber le cours des choses, il se dessine que l’enthousiasme a changé de camp, porté par l’énergie qui enfante l’espoir et ouvre les possibles. Et voilà que Kamala Harris a su saisir son moment, se révélant telle qu’en elle-même : brillante, flamboyante, pugnace. Aussi a-t-elle bouleversé la tonalité de la campagne démocrate qui donnait l’impression d’être partie pour s’embourber durablement sur le terrain glissant des errements de la vieillesse en y injectant de la fraîcheur, de l’enthousiasme, de l’intelligence et de la joie. Ne s’interdisant rien, son ambition en bandoulière, brisant un à un an les plafonds de verre, suivant en cela les conseils de sa mère qui lui disait : « Ne te plains pas d’une injustice, mais fais quelque chose pour y remédier ». Femme elle est. Femme noire. Femme indienne. Femme américaine tout simplement. Première femme Procureure générale de Californie. Première femme vice-présidente. Première femme présidente des Etats-Unis ?
Avec Kamala Harris, il se passe décidément quelque chose qui donne le sentiment de « voir une nation prête à franchir la prochaine étape de l’incroyable aventure qu’est l’Amérique ». Même si la campagne électorale sera brève, livrant son verdict dans moins de 3 mois, elle emporte avec elle un sentiment puissant, comme un slogan qui se décline en énergie triomphante. « YES, SHE CAN ! » car comme souligné par Hillary Clinton, il est certainement venu « le temps de parachever le combat de plusieurs générations. » Et « l’avenir », prévient Kamala Harris, « vaut toujours qu’on se batte ».
*Alors que le droit de vote a été accordé en 1944 aux seules Françaises de souche, les colons prétextant de leur illettrisme pour écarter les femmes sénégalaises, notamment celles issues des Quatre communes. Ces dernières qui étaient citoyennes françaises ont organisé sous la houlette de Ndèye Yalla Fall, Soukeyna Konaré et autres Anta Gaye, Magatte Camara, Touty Samb, des manifestations à Dakar et SaintLouis pour l’extension du droit de vote aux femmes. Des hommes politiques comme Lamine Guèye vont mettre la pression sur le ministre français des Colonies, lequel craignant une tournure violente des manifestations, accepte d’étendre le droit de vote aux femmes sénégalaises. Le 6 juin 1945 un nouveau décret octroyant le droit de vote aux femmes des Quatre Communes est promulgué.
Mme Fatou Sarr Sow note par ailleurs qu’après s’être mobilisées en 1945 pour arracher le droit de vote, les femmes sénégalaises « se sont impliquées dans la lutte pour les indépendances. Certaines femmes membres du premier Parti communiste, le Parti africain pour l’indépendance (PAI), se sont particulièrement illustrées. Leur rôle dans la grève des cheminots de 1947 a été magnifié par l’écrivain et cinéaste Sembène dans un roman intitulé Les Bouts de bois de Dieu, paru en 1960 » (in Loi sur la parité au Sénégal : une expérience « réussie » de luttes féminines.)