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24 novembre 2024
Opinions
par Pascal Bianchini
MOMAR COUMBA DIOP, LE MILITANT DU SAVOIR
EXCLUSIF SENEPLUS - Le consensus ne peut que se faire autour de l’étendue et de la rigueur des études qu'il a coordonnées. Il demeurera comme un auteur éclectique et prolifique pour les sciences sociales au Sénégal
Le 7 juillet dernier, s’est éteint Momar Coumba Diop dans un hôpital parisien, des « suites d’une longue maladie ». Momar Coumba était né le 6 décembre 1950 à Ouarkhokh, dans le département de Linguère. Après avoir suivi des études primaires effectuées dans sa région d’origine, il a effectué ensuite sa scolarité secondaire au lycée Blaise Diagne. En 1971, ll s’est inscrit comme étudiant au département de philosophie à l’université de Dakar. Ayant obtenu sa maîtrise, il est parti en France, en 1976, à Lyon II pour s’inscrire en doctorat de troisième cycle. En 1980, il a soutenu sa thèse intitulée : La confrérie mouride : organisation politique et mode d’implantation urbaine. De retour au Sénégal, après un bref passage au Conseil économique et social, il est recruté en 1981 à l’Université de Dakar, comme enseignant de sociologie au sein du département de philosophie (Remarque : le département de sociologie fermé après 1968 n’a été ré-ouvert qu’à la fin des années 1980). Cependant, à la suite d’une opération chirurgicale très importante, il n’a pu continuer à faire cours et a été affecté à l’IFAN sur un poste de chercheur. En 2015, il est parti à la retraite, dans la plus grande discrétion.
En dépit d’une trajectoire de carrière qu’il faut bien qualifier d’ordinaire, Momar Coumba Diop demeurera comme un auteur éclectique et prolifique pour les sciences sociales au Sénégal. Il a su mettre le doigt sur des questions importantes, en apportant des matériaux empiriques solides tout en ayant lu et assimilé la littérature existante sur les sujets qu’il abordait.
Ainsi, avec sa thèse, il a été le premier à mettre en évidence la dynamique urbaine du mouridisme alors que, jusque dans les années 1970, les études sur la confrérie, se concentraient sur son implantation, dans la région centrale, la ville sainte de Touba et les milieux ruraux alentour, en lien avec la filière arachidière (voir en particulier les travaux de Donal Cruise O’Brien ou Jean Copans). Il a éclairé les ressorts de ce dynamisme urbain, en s’intéressant au rôle des dahiras, qui organisaient des récitations de coran ou des conférences religieuses, susceptibles de créer de nouveaux liens de sociabilité religieuse, notamment en direction de la jeunesse. Dans les années qui ont suivi, il a effectué des enquêtes sur les ouvriers de la Compagnie sucrière sénégalaise (CSS) dans le cadre de recherches également novatrices sur les classes ouvrières en Afrique initiées par Jean Copans.
Puis avec la parution de l’ouvrage le Sénégal sous Abdou Diouf co-écrit avec Mamadou Diouf (paru chez Karthala en 1990), il s’est livré à une analyse socio-politique de la succession de Senghor, avec les tentatives de réformes de l’Etat découlant notamment de la nécessité de trouver des réponses à la contestation sociale sous-tendue par les forces contre-hégémoniques issues de la gauche clandestine mais également quelques années plus tard sous la contrainte des exigences de l’ajustement structurel imposé par les bailleurs de fonds comme le FMI et la Banque mondiale. Cet ouvrage fondé sur un savoir empirique détaillé intégrait et dépassait un certain nombre d’hypothèses théoriques (clientélisme, révolution passive, construction hégémonique, etc.) forgées par des auteurs non sénégalais, en montrant bien les interactions entre le jeu des gouvernants (ici l’Etat-PS) et le développement des mouvements sociaux. La publication du Sénégal sous Abdou Diouf a constitué un moment-clé dans l’histoire des sciences sociales au Sénégal : alors que jusqu’alors, c’étaient des auteurs occidentaux qui dominaient le champ académique, désormais il n’en a plus été ainsi : les auteurs occidentaux ont eu aussi, à leur tour, à se mettre à l’école de leurs confrères sénégalais.
Enfin, au cours de la décennie 1990 puis la suivante, Momar va s’investir dans ce qui sera certainement le plus important – et le plus exténuant ! - pour lui, dans sa contribution aux sciences sociales au Sénégal. Durant toutes ces années, il s’est attelé à la coordination de plus d’une dizaine d’ouvrages collectifs. Il serait trop long ici de les citer de manière exhaustive mais on peut rappeler le premier volume (Sénégal trajectoires d’un Etat, 1992) ainsi que les deux derniers volumes (Le Sénégal sous Abdoulaye Wade et Le Sénégal 2000-2012 ; Les institutions et politiques publiques à l'épreuve d'une gouvernance libérale, 2013) de cette longue série. À la fin de sa vie, il travaillait encore à une nouvelle version d'un ouvrage publié en 1994, Le Sénégal et ses voisins. Il avait également en projet, un autre ouvrage important sur l'histoire de l'Université de Dakar. Il est encore tôt pour savoir si ces projets pourront faire l’objet de publications même partielles mais on peut au moins se féliciter qu’un ouvrage qui lui rend hommage ait pu être publié l’an dernier, toujours chez Karthala (Comprendre le Sénégal et l’Afrique aujourd’hui).
Même si l’objectivité et l’exhaustivité constituent pour les chercheurs en sciences sociales, des horizons que, par définition, on ne peut jamais atteindre, le consensus ne peut que se faire autour de l’étendue et de la rigueur des études que Momar Coumba Diop a coordonnées. Pour ne citer que les principales thématiques traitées dans ces ouvrages, on mentionnera : le système politique sénégalais, les relations internationales, les politiques économiques, les politiques culturelles, les mouvements sociaux, les syndicats, les associations, le secteur de l’information, l’éducation, les transports, etc. Momar Coumba Diop n’a pas traité nécessairement lui-même de ses sujets mais à force de lire les travaux des autres, il était en mesure d’avoir un niveau appréciable de connaissances sur un grand nombre de thématiques. Certains, dans les hommages récemment parus, l’ont qualifié de Diderot sénégalais, ce qui reflète effectivement la nature encyclopédique de sa démarche mais il était aussi une sorte de chef d’orchestre, capable de conduire une symphonie où jouaient leurs partitions, des sociologues, des historiens, des philosophes, des économistes, des juristes, des politistes, et ici encore la liste n’est pas close.
Momar a voué son existence aux sciences sociales dans le cadre du Sénégal, voire au-delà à l’échelle du continent africain, à travers son implication dans la mise en œuvre de programmes de recherche comme Sénégal 2000, la création et le développement d’institutions comme le Centre de recherche sur les politiques sociales (CREPOS) ou encore à travers sa participation au CODESRIA. Il n'était pas un activiste idéologique. Il se méfiait généralement des politiciens et n’était guère enclin à ajouter son nom au bas d’une pétition. Son engagement était différent. On pourrait le qualifier de « militant du savoir » : sa préoccupation majeure était d'ouvrir la voie à un système indépendant de production de connaissances au Sénégal et, au-delà, en Afrique sans pour autant se fermer aux chercheurs venus d’autres continents.
Cependant, Momar pouvait avoir aussi des convictions politiques et dans des circonstances particulières, assumer des responsabilités du même ordre, comme ce fut le cas en 2008, lorsqu'il a joué un rôle-clé lors des Assises nationales qui avaient pour objectif de refondre les institutions politiques pour renforcer la démocratisation et la reddition des comptes, en réaction à la dérive autoritaire du régime du président Wade. Il comptait également des amis proches parmi l'intelligentsia marxiste, comme Amady Aly Dieng (1932-2015) ou Abdoulaye Bathily.
Pour ma part, j'ai rencontré Momar en 1994 après avoir lu un chapitre qu'il avait écrit sur le mouvement étudiant publié dans Sénégal : Trajectoires d'un Etat (1992). Il m'a fourni des documents pour mes propres recherches sur ce sujet. Un peu plus tard, il m'a demandé d'écrire un chapitre sur le mouvement étudiant pour l'un de ses volumes édités, Le Sénégal entre le local et le global (2002). Cette anecdote personnelle illustre bien cette logique du don et du contre-don, sans calcul d’intérêt si ce n’est celui du progrès des connaissances, qui permettait à Momar d’établir des relations saines et durables, avec un grand nombre de chercheurs qui devenaient parfois ses amis.
Comme tous ceux qui l’ont fréquenté, j’ai toujours constaté que, durant toute ces années, malgré sa notoriété, il est resté modeste. Fuyant les mondanités, il était néanmoins toujours élégamment vêtu avec un gilet ou une chemise en pagne tissé. Ces dernières années, nous étions voisins dans le quartier des Mamelles, où nous avions souvent l'occasion de nous retrouver. Cependant, même si je savais qu'il avait des problèmes de santé, la nouvelle de sa mort a été un choc pour moi car il n’abordait que très rarement cette question dans nos conversations. Je me souviendrai toujours de Momar Coumba Diop comme d'un homme courtois mais jamais superficiel, toujours ponctuel lorsqu'il vous donnait un rendez-vous et qui vous accueillait avec un grand sourire à la fois bienveillant et espiègle.
Pascal Bianchini est sociologue indépendant.
par Thierno Alassane Sall
LE LUXE CHOQUANT DE MACKY SALL
Le Sénégal, classé parmi les pays les plus pauvres, peut-il rester indifférent face au faste insolent et ostentatoire de son ancien président, installé royalement à Marrakech et à qui l’on prête la propriété d’un Falcon 7X ?
L’ancien président Macky Sall, désormais VRP de la France, aurait effectué un déplacement de 3 jours à Abidjan à bord d’un jet privé.
Il m’est arrivé à plusieurs reprises de croiser d’anciens chefs d’État africains voyageant sur des lignes commerciales, comme Thabo Mbeki ou Pierre Buyoya.
À une époque où les anciens chefs d’État de grandes puissances mondiales comme la France, le Royaume-Uni ou l’Allemagne privilégient les vols commerciaux, cette extravagance soulève des questions. Le Sénégal, classé parmi les pays les plus pauvres, peut-il rester indifférent face au faste insolent et ostentatoire de son ancien président, installé royalement à Marrakech et à qui l’on prête la propriété d’un Falcon 7X ?
Ce déménagement au Maroc, réalisé sans inventaire et qui n’aurait pas concerné uniquement les albums photos de ses deux mandats, serait-il conforme aux termes du Protocole du Cap Manuel ?
VIDEO
GOUVERNER PLUS ET MIEUX SOUS LE CONTROLE DU CITOYEN
Engagement politique, citoyen et moral, avec le Pacte, le citoyen doit être plus actif et ne pas subir les turpitudes et les desideratas des politiques. Il doit prendre conscience de ce qu’il est lui-même un pouvoir qui doit pouvoir arrêter le pouvoir
Membre de la société civile sénégalaise et partie prenante du mouvement altermondialiste, Mamadou Mignane Diouf est le coordonnateur du Forum social sénégalais. Son association travaille sur les questions de gouvernance, de citoyenneté, des droits humains ... Mignane Diouf a participé aux différentes étapes de l'élaboration du Pacte national de bonne gouvernance démocratique.
Dans cette entrevue, M. Diouf nous parle de cet outil de gouvernance que les nouvelles autorités avaient pris l'engagement de mettre en application. Le Pacte devrait s'il est mis en oeuvre améliorer la gouvernance, approfondir la démocartie et renforcer la citoyenneté au Sénégal même si à l'échelle de la planète la gouvernance pose question et invite à l'introspection. Le Sénégal bel et bien se démarquer gâce au Pacte.
Le monde moderne malgré ses avancées technologiques sur tous les plans, demeure un monde mal gouvernée, injuste, violent à tout point de vue. Les inégalités sociales persistent, les conflits et les guerres éclatent par endroits sur la planète, la faim, et même la soif sévissent dans certains endroits du globe. Certains de ces maux dont souffrent la planète auraient dû être évités si la justice sociale, la bonne gouvernance et le respect du citoyen étaient érigés en règle. Mais tel n’est pas le cas. Il est temps de poser les actes afin de solutionner ces problèmes.
Au Sénégal, des citoyens ont pris l’initiative de trouver une solution au mode de gouvernance inefficace, solitaire et exclusif qui depuis les indépendances, écarte le citoyen. C’est tout comme si on pouvait faire démocratie sans citoyens alors même que c’est ce même citoyen qui élit périodiquement les dirigeants. Mais force est de constater que les dirigeants ne se font pas le devoir de lui rendre compte de leur gestion.
Prenant conscience de cette situation et sur la base des conclusions des Assises nationales et du Rapport de la Commission nationale de la réforme des institutions (CNRI), il a été élaboré le pacte national de bonne gouvernance démocratique appelé le Pacte national de bonne gouvernance démocratique.
La finalité ? Renforcer la démocratie, l’Etat de droit, proportionner les super pouvoir du président de la République en faveur du citoyen et d’autres institution comme l’Assemblée nationale.
Cet outil de gouvernance est un engagement politique, moral, citoyen visant à changer le mode gouvernance solitaire et exclusif des gouvernants. Le pacte promeut une gouvernance fondée sur la participation et la reddition des comptes, la distribution équitable des ressources, la méritocratie.
Nioxor Tine
LES FOSSOYEURS
Malgré quelques signaux encourageants, les citoyens ont l’impression que les vainqueurs de la présidentielle de mars 2024 feraient plus et mieux. Certaines décisions censées acter la mort du parti-Etat traduisent une certaine naïveté politique
Après la cuisante défaite de la coalition Benno Bokk Yakaar et l’éclatante victoire de la coalition Diomaye Président, le peuple sénégalais reste sur sa faim. Certes, il comprend que le Pastef et ses alliés ne puissent pas faire de miracles, surtout au vu de la désastreuse situation économique dont ils ont hérité. Mais malgré quelques signaux encourageants qu’ils ont eu à lancer, les citoyens sénégalais ont l’impression que les vainqueurs de l’élection présidentielle du 24 mars 2024 feraient plus et mieux, en faisant confiance aux couches populaires et en les responsabilisant davantage.
Bonne foi et candeur des nouvelles autorités
Les actes les plus significatifs, à mon sens, sont la lutte contre la prédation foncière, surtout celle du domaine privé maritime, la publication des rapports des organes de contrôle (Cour des comptes, OFNAC…) et le lancement d’audits dans certaines sociétés ou établissements publics. On peut également citer un effort de réduction du train de vie de l’Etat, par la rationalisation de la taille du gouvernement, la publication de la liste des navires pêchant dans les eaux sous juridiction sénégalaise, des mesures symboliques de baisse des prix des denrées de première nécessité…
Il y a aussi des mesures fortes tendant à inverser la dynamique outrancièrement pro-occidentale (et pro-impérialiste) des précédents régimes ayant présidé aux destinées de notre Nation, même si certains panafricanistes radicaux les trouvent encore insuffisantes.
Néanmoins, certaines autres décisions censées acter la mort du parti-Etat comme la démission du président Diomaye de son poste de secrétaire général du Pastef, l’interdiction de cumul de mandats, le fait de confier des ministères de souveraineté à des personnalités non membres de la mouvance Pastef, uniquement choisies en tenant compte de leurs profils et expériences traduisent une certaine naïveté politique. C’est cette même candeur, qui explique ces fameuses « Assises de la Justice », tenues sous la férule d’une magistrature, dont le moins qu’on puisse dire, est qu’elle n’a pas opposé une résistance farouche –sauf l’invalidation du putsch électoral du 3 février 2024 - aux dérives liberticides et autres procès truqués de nos gouvernants, ces dernières années.
Cette innocence nous change, bien sûr, du cynisme froid et calculateur auxquels nous avaient habitué les hommes politiques (socialistes et libéraux) de notre pays, qui explique la déliquescence de nos mœurs politiques, observée ces dernières décennies, accentuée après la dictature senghorienne, qui ne misait, elle, que sur la force brutale.
Dans le même ordre d’idées, les cris d’orfraie de certains néo-opposants en mal de repères, prétendument soucieux du respect scrupuleux de dispositions légales obsolètes et ayant prouvé leur inefficacité pour sauvegarder l’Etat de droit, depuis plusieurs décennies, ne font qu’ajouter à la confusion ambiante.
Il appartient aux nouvelles autorités, qui ont clamé haut et fort leur volonté de détruire le système néocolonial en vigueur et que les précédentes alternances ont préservé, de trancher dans le vif, c’est-à-dire de mettre en œuvre les gros moyens pour un changement véritable et irréversible.
Alternance ou alternative ? Réforme ou révolution ?
C’est connu ! Au cours de toutes les révolutions, il y a toujours eu des fossoyeurs ou des restaurateurs, nostalgiques de l’ordre ancien.
Dans le passé, au cours des révolutions, française de 1789 ou russe de 1917 et de plusieurs autres, on est allé jusqu’à les appeler « ennemis du peuple » et à les brimer, avec des excès regrettables. Pensons aux exécutions de figures révolutionnaires comme Danton en France et Béria en URSS, à tel point que c’est devenu classique de dire qu’une révolution dévore presque toujours ses enfants !
Par ailleurs, une des raisons à l’effondrement du camp socialiste, après la chute du mur de Berlin, a été l’hypertrophie incompréhensible, pour des Républiques censées être l’émanation de la volonté populaire, des services de police, en charge de la sécurité intérieure, ayant perdu tout sens du discernement et comme atteints de paranoïa d’Etat.
Une des leçons à en tirer est précisément ce devoir impérieux pour tout régime se réclamant des principes de transformation sociale au profit des couches populaires, de se donner les moyens politiques de sa noble ambition et de mettre en œuvre des mécanismes de démocratie participative, de mobilisation populaire et de co-construction citoyenne.
Cela impose de ne pas privilégier les procédés coercitifs injustifiés dans la gestion des affaires de la cité, même s’il est vrai que tout Etat est au service de classes ou couches sociales déterminées, qu’elles en soient conscientes ou non. En l’occurrence, la tâche de l’heure est d’évincer cette caste bureaucratique des arcanes de l’appareil d’Etat.
Une bourgeoisie bureaucratique à neutraliser
Depuis l’accession de notre pays à l’indépendance formelle, c’est la bourgeoisie bureaucratique, qui est aux affaires. Seydou Cissokho, dirigeant historique du PIT et membre fondateur du PAI-Sénégal disait d’elle, que tant qu’elle « sera au pouvoir, le développement de notre pays ne serait pas garanti ».
Force est de constater que cette bourgeoisie parasitaire, fondé de pouvoir de l’ancienne puissance coloniale, a surtout aidé la bourgeoisie française à perpétuer sa domination économique sur notre pays, en s’adaptant aux réalités du terrain et aux aléas de la géopolitique mondiale.
C’est ainsi qu’après le monopartisme en vigueur durant les toutes premières années de notre indépendance formelle, il a fallu s’exercer au multipartisme de façade et aux cirques électoraux, qui débouchaient le plus souvent, sur des alternances factices, ne mettant jamais en cause le funeste ordre néocolonial. Hormis la tentative avortée du président Mamadou DIA d’échapper aux serres de la pieuvre impérialiste, notre pays a vécu, jusqu’au 24 mars dernier, dans ce carcan néocolonial et les fruits de nos deux premières alternances n’ont pas tenu la promesse des fleurs exposées par les politiciens libéraux puis néolibéraux.
La principale raison pour cet état de fait est que la bourgeoisie bureaucratique a su s’adapter et se redéployer au niveau des nouveaux appareils politiques issus des alternances de 2000 et 2012, pour perpétuer la même vieille politique de clientélisme et de prédation.
Une fois, l’euphorie de la victoire électorale passée, il importe de réaliser que les nouvelles forces politiques ayant accédé au pouvoir présentent des caractéristiques sociologiques très similaires à celles qu’elles viennent de remplacer, même si elles ne partagent pas les mêmes convictions politiques.
Il est donc indispensable, qu’au-delà des quelques mesures symboliques et effets d’annonce laissant augurer de nouvelles pratiques politiques vertueuses, on pose de véritables actes de rupture, dont le premier serait de refonder, de fond en comble, par une nouvelle Constitution, cet Etat néocolonial failli.
Dans cet exercice, l’héritage réactualisé des Assises nationales sera d’un apport précieux.
POURQUOI CENT JOURNÉES SANS PRESSE RISQUENT DE NE POINT PESER
EXCLUSIF SENEPLUS - Chers patrons de la presse, "gagner le cœur du public" reste plutôt la solution, la seule voie. C'est en ce moment-là d'ailleurs et seulement en ce moment que votre absence ou disparition lui ferait de la peine
Je crois qu'il est bon de préciser avant tout que je ne suis d'aucun parti. Cette réflexion reste juste l'opinion d'un professionnel qui évolue dans les secteurs du cinéma et de l'audiovisuel depuis plus d'une vingtaine d'années maintenant.
En évaluant la "journée sans presse" du mardi 13 août 2024, le patronat de la presse au Sénégal s'est beaucoup glorifié du fait que le mot d'ordre a été largement suivi. Soit ! Mais, il serait tout aussi intéressant, pertinent, de ne pas occulter l'impact de cette initiative chez les lecteurs, auditeurs, téléspectateurs ou internautes ? Ces derniers l'ont-ils vraiment ressentie ? Ont-ils applaudi ou accompagné significativement ce mouvement ? Des questions, à mon avis, qui méritent d'être posées pour mieux apprécier la réussite ou le succès de cette journée ?
Sans risque de me tromper et en attendant de voir un document scientifique me prouvant le contraire, je considère que les conséquences de cette initiative chez les populations demeurent très négligeables. Ce qui démontre et prouve à suffisance qu'il y a énormément de travail à faire encore. J'ai même envie de dire à ces patrons ou à la presse en général, que le véritable combat, en réalité celui qui mérite d'être gagné se situe ailleurs. Et le gagner vous affranchira éventuellement de vos déboires fiscaux et de toute dépendance financière.
Nous le savons et ne cesserons de le soutenir: ce qui est attendu d'abord et fondamentalement des médias, c'est essentiellement du (des) contenu(s) répondant aux besoins ou aspirations des populations et suivant la marche par essence dynamique de la société.
Or que remarque-t-on aujourd'hui dans nos presses écrite, parlée, télévisuelle et digitale ? C'est regrettable de le dire, mais le vide est total. On note une absence effarante de créativité, un manque sérieux d'imagination, d'inspiration. Survolons très brièvement ce qui se fait actuellement secteur par secteur :
- Au niveau des radios (aussi bien thématiques que généralistes), non seulement les soi-disant grilles sont identiques mais les programmes constitués de diffusion de musiques, d'infos, de pub et de communiqués restent les mêmes et passent généralement les mêmes jours aux mêmes heures.
- Idem au niveau des chaînes de TV où les programmes sont extrêmement dominés par du flux. Les contenus de stock sont quasi inexistants. Du matin au soir désormais les gens sont là autour d'une table ou dans un salon en train de palabrer comme à la radio. Soyons d'accord au moins sur ce plan, le propre de la télé est plus de proposer à voir, à découvrir. Ceci est d'autant plus vrai que quand on assiste aujourd'hui au développement de ce que certains nomment "radio vision" (émissions radio filmées dans des studios équipés de caméras), réinventer sa manière de faire de la télévision s'impose.
- Ces observations restent valables pour le secteur de la presse écrite. Parcourons les journaux chaque jour que Dieu fait. A quelques exceptions près, ils sont tous dans le même registre : "actualités et faits divers"! Tous parlent presque de la même manière, de la même chose qui tourne généralement et ..... malheureusement autour de la matière politique.
- Au niveau du Digital qui se développe de plus en plus, les concepts y perdent tout leur sens. On y voit du tout et du n'importe quoi. Certains par exemple, parce qu'ils manipulent de la vidéo, considèrent qu'ils font aussi de la télé en disant "WebTv" qui n'est en réalité que de "grand-places" filmées ou du "Waax sa xalat". Là je n'ai pas besoin de m'arrêter sur les aspects technico-artistiques, les profils des présentateurs ou pseudo chroniqueurs qui pullulent et sortent d'on ne sait où ?
Tout ceci m'amène à insister encore une fois sur le fait que le challenge, chers patrons de presse, va au-delà d'une simple imposition, réduite ou effacée, que vous continuerez de payer quel que soit alpha à toute époque. Il s'agit d'ores et déjà de se départir de cette fausse idée qui est de considérer que ce que vous faites du matin et soir, constitue une demande du public. "Li la sénégalais yi beug" entend-on en général.
Du respect quand même ! les Sénégalais, comme ils le sont du reste avec les politiques, ont une bonne longueur d'avance sur leur presse en général. Et là pour s'en rendre davantage compte, suffit juste d'analyser dans le champs audiovisuel comment Canal+ est entré dans les cœurs ou habitudes des populations, comment les choix des IPTV à Dakar ou des antennes paraboles dans les villages les plus lointains du pays se développent maintenant voire comment les ciels de nos quartiers sont couverts de "toiles d'araignée" avec les fils des câblodistributeurs (informels). En voilà des matières qui renseignent sur l'énormité du gap, ou plutôt du chantier.
Le constat est partagé. On note dans tous les secteurs de la presse aujourd'hui, peu ou pas de contenus portant sur l'Économie, la Culture (qu'elle résume à la musique), la Santé, la Technologie (qui est devenue partie intégrante de nos vies), l'environnement, la Société, l'Éducation......qui connaissent des mutations impressionnantes au Sénégal et dans le monde. Vu sous cet angle, on se rend compte qu'aujourd'hui donc, cette presse qui pourrait effectuer une "journée sans presse" très réussie serait celle-là justement qui se détachera du lot, celle-là qui prendrait le soin d'accompagner les populations, de marcher avec elles, les écouter, les comprendre en vue de mieux traduire ses préoccupations (qui ne se limitent naturellement pas qu'à la politique). D'ailleurs, pourquoi doit-on faire de la presse et ignorer tous ces secteurs névralgiques qui rythment la vie des citoyens, les domaines dans lesquels évoluent même la majorité de la population ?
Chers patrons de la presse, "gagner le cœur du public" reste plutôt la solution, la seule voie ! Celle qui pourrait d'ailleurs vous faire gagner en même temps beaucoup d'argent car existent ici et ailleurs des entités publiques comme privées crédibles qui n'attendent que des opportunités à travers vos propositions pour vous accompagner, nouer des partenariats juteux en vue d'atteindre leurs cibles. C'est clair, vous n'entreprenez point par philanthropie contrairement à ce que prétend l'un d'entre vous. Faire des bénéfices vous intéresse au plus haut point.
Or, c'est possible car la demande est bien là. L'exemple tout près de Canal+ dans le domaine télévisuel nous le prouve. Ce ne sont certes pas les mêmes histoires, les mêmes dimensions mais au moins on comprend à travers cela que le Sénégalais intelligent qu'il est, sait ce qu'il veut et où le trouver. Même s'il vous arrive de coder, crypter, élever vos prix, il peut être prêt à payer le coût qu'il faut tant que vous participez à la satisfaction de ses besoins en la matière. C'est en ce moment-là d'ailleurs et seulement en ce moment que votre absence ou disparition lui ferait de la peine.
Mamadou Ndiaye est Scénariste - Monteur - Réalisateur
Formateur - Prix meilleure série FESPACO 2011.
par Sidy Dieye
QUELLES REFORMES POUR SAUVER L’IPRES ET LA CSS ?
Un milliard ici, quelques millions là : les scandales financiers s'enchaînent dans ces structures, piliers de la sécurité sociale sénégalaise. Ces institutions, censées protéger les travailleurs, semblent devenues le terrain de jeu d'intérêts particuliers
Le récent scandale survenu à la Caisse de Sécurité Sociale (C.S.S.) portant sur 1,8 milliard de francs CFA (relayé par les sites seneweb.com le 6 juillet 2024, Dakaractu.com le 9 juillet 2024 et senego.com le 12 juillet 2024), doit provoquer un déclic pour le contrôle effectif de cette institution par l’Etat.
L’on se rappelle la révélation du site leral.net datée du 03 décembre 2021 sur un scandale de 6 milliards 500 millions FCFA pour l’achat d’un logiciel pour fusionner les deux entités (CSS et IPRES) afin d’avoir un système d’informatique unique et simplifié. A l’époque, le Secrétariat exécutif de l’UNSAS avait exigé « l’audit des deux institutions et un contrôle de la Cour des comptes afin de faire la lumière sur le financement du système d’information et les investissements dans l’immobilier. »
En 2018, les retraités avaient dénoncé un détournement de 572 millions de francs CFA au niveau de l’IPRES et demandé au Président de la République d’alors de protéger l’institution en prenant des mesures fortes (relayé par senenews le 08/10/2020).
Nous remarquons que malgré ces manquements récurrents et les alertes répétées des bénéficiaires et parties prenantes, l’administration de ces deux institutions reste préoccupante. La pression syndicale semble l’emporter, comme c’est malheureusement souvent le cas, quand il s’agit d’exigences de transparence et de reddition des comptes.
Les textes de la CSS et de l’IPRES
La CSS et l’IPRES sont régies par la loi N° 75-50 du 03 Avril 1975 relative aux institutions de prévoyance sociale.
En 1991, suite à l’adoption de la loi 91-33 du 26 Juin 1991, la Caisse de Sécurité Sociale change de statut et devient une institution de prévoyance sociale donc un organisme de droit privé chargé d'une mission de service public. Les statuts de la CSS ont été adoptés le 13 février 1992.
Les statuts de l’IPRES eux, ont été adoptés le 26 juillet 1977. A mon avis, ces textes sont complètement en déphasage avec les réalités actuelles en matière de bonne gouvernance, de pilotage des activités, de stratégie et d’instauration de critères de performance dans la gestion de ces institutions.
Il y a lieu de rappeler qu’un comité de pilotage chargé de formuler les orientations stratégiques et politiques du projet de réforme du cadre juridique de la sécurité sociale a été mis en place en 2015 par le ministère du Travail. Il s’agissait, entre autres, « d’innovations en matière de gouvernance des Institutions de Prévoyance sociale, de gestion technique et financière des branches et d’extension de la protection sociale aux travailleurs jusque-là non couverts ».
Les réformes attendues ne sont toujours pas réalisées.
La composition et le fonctionnement du Conseil d’Administration
L’IPRES est administrée par un Conseil d'Administration paritaire composé de vingt-deux (22) membres comprenant des représentants des membres participants et des représentants des membres adhérents.
Au niveau de la CSS, c’est la même configuration qui est retenue en termes de nombre (22) et de représentants.
Il faut noter que l’état employeur a quatre représentants au Conseil d’Administration de chaque institution au titre de la délégation des membres adhérents. Donc, les organisations syndicales ont un contrôle exclusif sur la gestion de ces institutions, notamment sur :
la nature des prestations ;
✓ les modifications du taux des cotisations ;
✓ la désignation des personnes chargées du fonctionnement de l'institution ;
✓ la gestion des ressources en matière d’investissements et de placement.
Le renouvellement des dirigeants, notamment du Président du Conseil d’Administration et des administrateurs n est pas systématique.
Pourtant, l’Etat, à travers la loi citée ci-dessus, notamment dans ses articles 21, 22 et 23, peut prendre des dispositions spécifiques pour garantir une gestion transparente et efficace de ces institutions afin d’éviter un risque systémique en cas de mauvaise gestion.
3. Les réformes
Les textes de ces institutions doivent évoluer pour permettre une bonne gouvernance avec la mise en place d’organes solides et de principes de transparence et d’éthique. Il s’agira de modifier le fonctionnement, la composition de l’Assemblée Générale et du Conseil d’Administration et de mettre en place des Comités spécialisés avec des compétences et expertises diversifiées, notamment :
Comité d’Ethique et de déontologie ;
❑ Comité d’Audit ;
❑ Comité de Sélection et de Rémunérations ;
❑ Comité d’Investissements.
En outre, un système d’évaluation des dirigeants et du Conseil d’Administration doit être mis en place et assuré par un organe indépendant.
Les réformes de ces institutions doivent toucher notamment :
✓ les conditions d’une protection sociale solide aux profits des travailleurs ;
✓ les modes d'admission et d'exclusion des membres ;
les obligations de toutes les parties prenantes ;
✓ le mode de constitution de l'assemblée générale et les conditions de vote ;
✓ la composition et le fonctionnement du conseil d'administration (mode de cooptation, renouvellement, durée, pouvoirs etc.) ;
✓ les pouvoirs de l’exécutif et le mode de sélection ;
✓ le mode de constitution et de calcul des prestations ;
✓ la constitution et l'emploi des ressources ;
✓ le mode de placement et de retrait des fonds ;
✓ les possibilités d’investissements ;
L’Etat pourrait prendre des dispositions appropriées et urgentes pour assainir et contrôler ces deux institutions avec les décisions majeures ci-après :
L’audit approfondi sur les cinq dernières années, avec un accent particulier sur les acquisitions immobilières, les placements, l’investissement dans les nouvelles technologies, la gestion des ressources humaines etc. ;
La suspension des organes délibérants ;
La mise en place d’une Administration Provisoire ;
La refonte des statuts et règlements intérieurs ;
La revue de la gouvernance : composition, fonctionnement et pouvoirs de l’Assemblée Générale et du Conseil d’Administration, mise en place de Comités spécialisés (Audit, Ethique et Déontologie, Sélection & Rémunérations, Investissements etc.)
Sidy Dieye est spécialiste en gouvernance et stratégie des organisations, Directeur Associé de Axley Bankers Afrique de l’Ouest, ancien Directeur Général de la Banque Islamique de Guinée, membre du MONCAP et Membre fondateur de l’Initiative 2FC.
L'instinct félin de Sonko finira par devenir une faim de félon. Le parrain auréolé de gloire est en apnée, grisé et en même temps frustré. Le compagnonnage est constitué d'activistes plus préoccupés au goût du festin qu'à l'ambition de forger le destin
Au soir du 25 mars 2024, nombreux étaient les Sénégalais surpris par la victoire sans appel, au premier tour de monsieur Bassirou D. Faye, parrainé par Ousmane Sonko, alors frappé par l'inéligibilité. Le scénario surréaliste ressemble aux légendes des héros du Moyen-Âge éprouvés, puis sauvés par les miracles divins.
En effet, de la prison au palais, la conquête de la présidence par la délinquance s'est réalisée à force d'intimidation et provocation, moins par la confrontation des idées et la persuasion. Nos champions gladiateurs dont le noviciat se le disputait à la témérité irrévérencieuse avaient rompu avec les civilités dans une société où le culte de la "kersa"- pudeur, la "sutura - la retenue", entre les "nawle"- citoyen étaient une sorte de code d'honneur non écrit mais intériorisé.
De l'appel à deux cents mille jeunes à rallier pour envahir le palais, aux cris du "gatsa-gatsa" à la substance cannibale, objectif : démembrement corporel du chef de l'Etat à la manière de Samuel Doe, une atmosphère de haine et violence était installée. Le "Mortel Combat" décrété et ses péripéties chaotiques ont entraîné un lot incommensurable de pertes en vies humaines et dégâts matériels que nul acteur politique lucide ne souhaitait voir se poursuivre. Le jeu pluraliste sénégalais n'avait jamais subi auparavant autant d'épreuves mettant en péril son existence. Dans le contexte d'entrée dans une ère pétrolière et gazière, les démons déguisés en sponsors s'adonnaient à la surenchère, instrumentalisant la société "ci-si-vile" et les partis dans le marché de la déstabilisation.
Les tickets d'accès à l'espace public et les primes pour l'agitation permanente étaient donnés aux plus zélés orateurs outranciers. La société entière, tétanisée par les vagues successives d'attaques à la vie des personnes et la destruction des biens se lassait, doutant ainsi de la capacité de l'Etat à assurer le rôle régalien de protection des citoyens. Les déclarations de reprise en main étaient à chaque fois rangées dans les tiroirs du "massalaha", renvoyées aux dialogues à format festif.
Les décisions de l'autorité de l'Etat visant à mettre fin à l'existence des milices privées et aux passe-droits illégalement octroyés à certains groupes religieux et politiques ne sont pas souvent suivies d'effet.
Les reculs du pouvoir devant une violence organisée et coordonnée des groupes clairement identifiés accentuaient la défiance à l'autorité de l'Etat. L'autorité avait auparavant sévi avec rigueur à l'encontre des personnalités plus puissantes sans perdre cet appui de la population. L'ancien président mesurait les risques de dérives attachées à la réaction des forces de sécurité. La crainte du débordement ouvrant les portes aux pires mésaventures habitait les Sénégalais.
Aucune initiative consenduelle ne pouvait pacifier l'espace politique, largement pollué par les discours démagogiques, subversifs. Les voies du parrainage par voix se confondaient aux choix du partage des parts de la proie électorale. À l'insu de tous les acteurs majeurs et mineurs, les parrains épuisés par les bras de fer coûteux devaient se retrouver autour de la table en vue de négocier une solution de sortie de la guerre qui permette à chacun de sauver la face.
C'est le salaire de la peur qui a prévalu et précipité l'issue de cette longue crise, résolue par combines opaques à l'insu de la société et les acteurs politiques. Au nombre des protagonistes de la "Camorra" politicienne durant cette période critique, se distinguent deux parrains : les présidents Macky Sall et Ousmane Sonko. Il y a certes, les significatifs acteurs caporaux pour emprunter le langage des groupes mafieux. Toutes les instances régulières des partis et coalitions étaient tenus à l'écart de l'entente dont le contenu n'est pas encore connu.
Retenons seulement que ces jeux d'ombre ont permis à notre pays de surmonter une étape dangereuse de son histoire ; accepter aussi que ces décisions engageant le destin de la Nation et leur avenir propre dans un moment si crucial, ne pouvait pas se concrétiser dans un cadre traditionnel. Ce qui est un signe de déficit de notre culture démocratique. Les rapports de forces déterminant l'issue de tout affrontement, c'est au cours d'un entretien avec la presse, le président Macky Sall avait ouvert un pan de ce qui pouvait survenir en défaveur de sa coalition. ll faisait allusion à cette éventualité, la prise en compte de forces organisées, sans dévoiler l'identité ni sa relation à elles. La mise en garde du président Sall aux militants et alliés allait au-delà du jeu démocratique, tel qu'il pouvait être conçu dans un État de droit.
Le dialogue était bien noué entre les irréductibles adversaires. Les répétitifs événements tragiques ne pouvaient pas se reproduire sans de sérieux chocs pouvant affecter la cohésion nationale. Sans doute, le plan initial des deux parrains s'est heurté à la décision du Conseil Constitutionnel. Mais le rapprochement des protagonistes a été une intelligente victoire de la démocratie. Comme nul ne peut se prévaloir du génie divin, il a décidé que c'était les poulains qui seraient les porteurs du destin de la Nation.
Le président Diomaye lui-même, a dit avoir appelé le fils du président sortant pour des considérations humanitaires ; et d'ouverture vers une sortie négociée. Test de solidité par bouleversement social inouï dans une succession au très convoité fauteuil présidentiel, le Sénégal sort renforcé malgré les combinaisons politiciennes. L'esprit rationnel ne pouvait prédire ou s'aventurer à parier sur l'actuel locataire du palais.
Enfin, le frêle sérére à la silhouette fuyante, la voix fluette porté par Rog Sen, il tenait son balai tiré de la forêt sacrée, pour dissiper les "safara" des prédicateurs aux longs chapelets. Le candidat, ancien Premier ministre, Amadou Ba, était le grand favori des faux fabriquants de destin. Ignorant la réalité des mic-macs de l'arène politique, le boy Dakar, enfant du génie de l'océan, n'avait pas fait son "ndeup" pour une récolte des haricots.
Il semblait avoir foi plus à l'administration qu'à ces jeunes "jakartamen" et étudiants passés au lavage des cerveaux de la loge populiste. Le Sénégal peut être débaptisé : de pays de la "Teranga" pour celui des "millions de charlatans". Objectivement, le résultat de cette compétition électorale était connue des protagonistes. La coalition la plus durable de notre histoire politique, solide qu'elle soit, ne pouvait faire face à une conspiration aussi grotesque.
Monsieur Bassirou Jomaay Diakhar Faye est président de la République. Sorti de l'anonymat, il était inconnu de l'écrasante majorité des citoyens à quelques mois du scrutin. Mais qu'à cela ne tienne, il est notre président à tous, même s'il le refuse. Pour la première fois dans l'histoire des chefs d'Etat, encore le Sénégal sort vainqueur de manière inédite de la crise.
Notre président Bassirou Diomaye Diakhare, "mu wara jaxaan" Faye a séduit les Sénégalais par l'humilité et la politesse. Il a dérouté tous les compatriotes en invitant son Premier ministre à "lorgner son fauteuil". La globalité des citoyens apprécient positivement le plus jeune leader du continent dont l'image correspond au substrat de nos socio-cultures : compassion et respect aux anciens. Apparemment du leadership nain, né de l'échec du calcul du parrain, il a à sa disposition une écurie composée des combattants de longue haleine qui ont blanchi sous le harnais, dont son propre oncle et homonyme, les Dialo Diop, Alla Kane, Mao Wane, etc. Des cadres réputés compétents tels que : Mary Teuw Niane, Ahamadou Al Amine Lo et Oumar Samba Ba sont nommés à des postes clés, ce qui semblait un gage de pérennisation du principe de continuité de l'Etat. Mêmes si les figures repoussoires, les "has been" de la trempe de Mme Aminata Mbodj et Habib Sy,anciens ministres sous le président Wade pouvaient modérer les élans de renouveau du personnel politique.
Le duo gagnant au sein de l'executif pourrait bien fonctionner si les deux personnalités savaient, chacune les obligations de sa charge : le premier, son domaine réservé, le second ses missions déléguées.
Sonko, par contre se dévoile de jour en jour en personnage intempestif, bravant tout, se mêlant de tout et ne laissant point l'espace à personne. Pressé, il l'est, dans l'ignorance de la psychologie sociale.
Chez nous, une amitié n'est réelle et sincère que lorsqu'elle se nourrie du respect mutuel et tire sa substance de ce principe religieux :" Aimer pour son prochain, ce que l'on aime pour soi-même.
L'amitié du cheval et du cavalier ne peut pas faire long feu à l'épreuve du pouvoir. Le proverbe africain dit qu'à beau aller au puits, le canari se brise. L'instinct félin de Sonko finira par devenir une faim de félon. Le parrain auréolé de gloire, est en apnée définitive, grisé et en même temps frustré. Le chef politique n'arrive pas à faire la distinction entre l'État et le parti. Diomaye peut être Sonko et Sonko Diomaye ; mais Sonko ressemble à Poutine.
Affronter l'arrogance et les écarts d'un Premier ministre qu'il connaît mieux que quiconque, capable de lancer sa nébuleuse d'insolents de l'internet contre le pouvoir, invite à être prudent.
Le réveil sera brutal pour l'opposant éternel s'il sous-estime la force d'un chef d'Etat qui lui voue encore tous les égards. Le berger finira par abandonner le bélier égaré pour s'occuper de ce qui reste de son troupeau.
Les jeunes sénégalais découvrent de plus en plus le visage de celui qui les faisait rêver d'un État impartial, une justice équitable. Il se révèle de jour en jour, un revanchard, dont la tonalité despotique jure avec la tolérance qui doit apaiser la vie démocratique. La tentative de domestication des pouvoirs législatif et judiciaire est à tous égards une agression de la Constitution. Chaque alternance au Sénégal, ses espérances déçues, les réalisations mal perçues par une population très jeune et pressée, sans mémoire.
La troisième alternance coïncide avec l'irruption des demandes spontanées. Ce n'est pas un éveil des consciences mais l'approfondissement de la participation citoyenne. Le gain par la manipulation est très rentable, le populisme s'accommode du manque d'éducation des acteurs politiques. La promesse de rupture faite par les nouveaux tenants du pouvoir, concernant les appels à candida-ture et autres, vont vite passer de mode car le compagnonnage est constitué de buzzards, activistes plus préoccupés au goût du festin qu'à l'ambition de forger le destin.
Les meilleures intentions du leader politique glissent et se dissipent par la légèreté du compagnonnage. L'éducation citoyenne est la clé du développement pour tout gouvernant engagé à tirer son peuple vers le haut. Sous ce registre, les actions sur le terrain, mobilisant les populations constituent une source importante de motivation.
Le jeune président BDF devra, de la manière la plus élégante et courageuse assumer la plénitude de sa fonction en apaisant les cœurs et les esprits. Respecter et faire respecter les normes d'une administration impartiale,transparente. Le panafricanisme rationnel repose sur la prise en compte de la réalité continentale, savoir que les pays, les peuples n'évoluent pas à un même rythme.
Il faut agir sur les axes d'intégration arrivés à maturité et non forger les convergences fictives sur de réelles antagonismes. Les pseudos panafricains ont tout faux en fustigeant la marche de la démocratie auSénégal alors qu'ils sont incapables de lutter pour des avancées démocratiques face au pouvoir mi-centenaire de Biya au Cameroun, encore moins essayer de régénérer l'héritage des martyrs tels Félix Moumié et Ruben Um Nyobe. En d'autres termes, le rêve du panafricanisme ne se réalisera qu'à la condition que chaque démocrate balaie d'abord le devant de sa porte. La réussite de la politique intérieure est ce qui permet de gagner une écoute objective à côté des frères du continent.
C'est par l'obtention des résultats palpables que l'on peut formuler les offres crédibles aux populations du continent. En lieu place du "Projet mystique", la Coalition Diomaye Président devrait sans complexe s'approprier le PSE en y intégrant les conclusions des Assises nationales. En conclusion, nous constatons le président Diomaye Faye bien entré dans la fonction, s'élevant de jour en jour à la qualité d'homme d'Etat ; ce qui est rassurant pour le Sénégal. Par contre, c'est inquiétant et il est regrettable de le dire : son mentor et ami n'évoluera pas, car collé à son péché originel de contestataire non révolutionnaire, combinard, dissimulateur, manipulateur.
Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es. La visite du Premier ministre à son collègue malien Choguel Maiga a prouvé qu'il n'est pas prêt à se muer en homme d'Etat. Comment comprendre que le Premier ministre ayant mangé à tous les râteliers des régimes militaires au Mali et en voie d'être limogé pour fraude sur le cumul de salaires de DG et ministres, dénigre systématiquement devant l'invité officiel, la première institution du pays sans qu'il ne pipe un mot de l'ingérence déplacée.
Compatriotes patriotes ! Méditez la parole du président Joe Biden, cette semaine à Chicago à la Convention des démocrates, je cite : "You can't say you love your country only when you win" (tu ne peux pas prétendre aimer ton pays, quand c'est seulement lorsque tu gagnes). L'Afrique vous regarde, cher fils de NDiaganiao. L'Histoire avance masquée avait coutume de dire le vieux Maodo Mamadou Dia. Votre posture, vous ne la devez à personne qu'à Dieu et au peuple. Ecoutez votre foi et votre conscience et non les regards inquisiteurs des critiques à la gratitude. Osez les ruptures d'avec tout ce qui retient ou minore votre, je dis notre vaste potentiel de brillance sur les plans économique, politique, culturel, scientifique et diplomatique. Votre combat pour tous sera mené par tous.
Le Sénégal a besoin de serviteur et non de chef instigateur de conflits inutiles. La cohésion nationale est au prix de la reconnaissance des diversités de courants, d'opinions et tolérance des oppositions. Une nette recomposition des pôles politiques se dessine au Sénégal. Les plus significatives seront au nombre de quatre :
1-Les partis de la Coalition Diomaye Président ;
2-La retrouvaille dite "bloc liberal" qui semble regrouper les transfuges du PDS et l'APR, ce qui consacre la mort de la coalition Benno Bokk Yakaar.
3-Les membres de la "Nouvelle Responsabilité" autour d’Amadou Ba,
4-Les forces composées de figures qui émergent par leur hardiesse et courage en face du gouvernement. Elles ont nom : Bougane Gueye Dani, Thierno Bocoum, Thierno Alassane Sall, Anta Babacar Ngom, PUR, les partis traditionnels : PS, AFP, PIT, LD auront le choix entre la création d'un pôle de gauche ou se liguer avec les forces citées ci-dessus.
Le processus de mutation de la classe politique s'accélère en vue du prochain scrutin législatif. Les dénominations et slogans ne vont pas fondamentalement changer.
Je termine avec cette prière de Marc-Aurèle, note qui doit inspirer tous ceux qui s'engagent dans la lutte pour le progrès social :"Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l'être mais aussi la sagesse de distinguer l'un de l'autre".
Makkane est ancien ministre-conseiller, chef du bureau économique de l’ambassade du Sénégal à Washington, poète-écrivain.
PAR Ibou Fall
LA RÉPUBLIQUE ORPHELINE DE SA MAJESTÉ
Après soixante-quatre ans de navigation, tempête après tempête, la République sénégalaise donne l’air d’un rafiot rafistolé de bric et de broc, donc le capitaine est le dernier moussaillon que la désertion des amiraux propulse fatalement à la barre
La vertigineuse dégringolade fait peine à voir… Après soixante-quatre ans de navigation, tempête après tempête, la République sénégalaise donne l’air d’un rafiot rafistolé de bric et de broc, donc le capitaine est le dernier moussaillon que la désertion des amiraux propulse fatalement à la barre.
Entre Léopold Sédar Senghor et Bassirou Diomaye Faye, deux enfants du Sine, il n’y a pas qu’un siècle quasiment de distance. Le Sénégal que Senghor lègue à la postérité, certes, est un pays déclaré pauvre par les implacables chiffres de l’ordre économique mondial ; il suscite quand même le respect, la convoitise.
Le Sénégal de Diomaye Faye inspire la condescendance et la pitié.
La pauvreté est dans la tête : Senghor, cet aristocrate guindé, ne sait pas penser en pauvre… Dans le monde, dès les premières décennies de nos indépendances, ça veut un Sénégalais à la table des grands. Par exemple, à la tête d’Air Afrique ou de l’Unesco, alors que Isaac Forster est déjà à la Cour internationale de La Haye.
Quand Senghor convoque à Dakar le monde noir en 1966, ça vient de tous les recoins de la planète pour vibrer au rythme des arts nègres. Il n’y a que les incultes, les gagne-petit et les miséreux qui y voient du gâchis.
Certes, le combat contre la famine est alors pratiquement perdu d’avance. L’ancienne métropole dont la légendaire capacité de nuisance en est à ses sommets, multiplie les chausse-trappes pour garder sous dépendance ses territoires d’Outre-Mer émancipés. C’est bien parce qu’elle nous a vendu son rêve de progrès et de modernité, en même temps que le cauchemar de notre dénuement, notre rachitisme et notre inculture. Bokassa, Idi Amin Dada, Houphouët-Boigny, Bongo et Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga (traduction : le coq dans le poulailler ne laisse aucune poule indemne).
La République sous Senghor ose limoger un ministre parce qu’il manque juste de tenue. Le ministre de l’Hydraulique de l’époque, un dimanche, au sortir d’un déjeuner trop arrosé au Colisée, sur l’avenue Maginot, chante la Marseillaise et étrenne le drapeau français en bonne compagnie. Les renseignements généraux signalent l’incongruité.
La main du Président qui signe le décret de son limogeage ne tremble pas. En 1968, Maître Doudou Thiam, sémillant avocat, premier ministre des Affaires étrangères du Sénégal, devenu l’homme fort du pays après décembre 1962, hérite du Conseil économique et social. Une phrase malheureuse scelle son destin. Il est limogé avant même de prendre ses aises. Maître Doudou Thiam, le concepteur de la Constitution de la Fédération du Mali, hérite pourtant du somptueux fromage de l’avocat Léon Boissier-Palun, le défenseur des cheminots sénégalais à la fin des années quarante, ces rebelles qui forcent le pouvoir colonial à mettre un genou à terre ; Boissier-Palun, qui héberge le député Senghor lors de ses séjours au Sénégal, est le premier mécène du Bds qui propulse le «député kaki» au firmament de la politique sénégalaise et neutralise Lamine Guèye ; en résumé, l’un des artisans méconnus de notre indépendance. «Il y a des services si grands qu’on ne peut les payer que par l’ingratitude», professe Alexandre Dumas : Maître Léon Boissier-Palun, de mère dahoméenne et père marseillais, n’a même pas une ruelle à son nom dans ce pays auquel il apporte généreusement sa pierre quand tout semble perdu.
Revenons à nos piètres sénégalaiseries…
Lors de la prestation de serment du Président Diouf, héritier de Senghor qui lui épargne une bataille électorale incertaine, le 1er janvier 1981, le Premier président de la Cour suprême, Kéba Mbaye, indique la voie : «Les Sénégalais sont fatigués !»
Depuis cette bravade devant un Président démissionnaire sans pouvoir depuis la veille, nos compatriotes, qui en font leur leitmotiv, ont la raison suffisante de s’installer dans une économie de la pitié.
En 1988, l’année où l’agrégé d’économie et de Droit, l’opposant Abdoulaye Wade vend du rêve avec «le prix du kilo de riz à quarante francs», un personnage de bandes dessinées, symbolise ce choix délibéré : «Goorgoorlou» qu’il se nomme, il est la créature de Alphonse Mendy, alias TTFons, caricaturiste vedette du satirique Le Cafard Libéré. L’ultime ambition du besogneux personnage, devenu populaire au point d’inspirer une série télévisée sur la télévision publique, est de dévorer du couscous de mil au poulet.
Ce n’est pas le genre d’ambiance qui fabrique du capitaine d’industrie. Avant cela, le Parlement commence à accueillir des analphabètes. Certes, applaudir et crier «Vive Senghor !», comme cela se fait à l’époque, n’exige pas le Nobel des sciences. Mais il y subsiste encore le souci de ne pas être ridicule, d’avoir de la tenue.
En ces temps immémoriaux, la République du Sénégal a de la classe, comprenez la faculté à imposer le respect.
A quel moment notre pays bascule dans le misérabilisme, étale sa misère crasse et vit de la charité ? Pendant des années, le Journal télévisé, à chaque occasion, déploie un talent fou à glorifier la charité des pays riches : quand ce n’est pas une ambulance qu’un ministre du gouvernement réceptionne devant les caméras, ce sont des carcasses de moutons en provenance de La Mecque qui font la joie des misérables que sont devenus les Sénégalais.
Il ne manque pourtant pas de compatriotes ingénieux, audacieux, partis à la conquête du monde pour essuyer les larmes de leur mère, envoyer leur père à La Mecque et ouvrir l’avenir à leurs petites sœurs et petits frères, laissant derrière eux une épouse au service de la tribu affamée.
Dans les années soixante-dix, Senghor assigne à son ministre des Finances, Babacar Bâ, la redoutable mission de créer des riches de couleur locale ; le légendaire compte K2 ne fera pas que d’heureux chercheurs de gloire et fortune ; il crée aussi des jaloux dont le… Premier ministre, Abdou Diouf, que l’aura du ministre des Finances inquiète. Le chef du gouvernement finit par obtenir la tutelle de ce compte qu’il fermera, avec la complicité de l’opposant de façade Laye Wade, lequel ne pardonnera jamais à Babacar Bâ d’être ministre des Finances à sa place, en remplacement de Jean Collin.
Les années Diouf consacrent le triomphe de la friperie dont les précurseurs deviennent les heureux propriétaires de l’industrie de confection, le groupe Sotiba-Simpafric qui produit du tissu pour fauchés et finit par fermer, victime du train de vie d’un Pdg qui ne se refuse rien et n’en doute pas moins.
Voir petit devient la religion d’Etat qui dégraisse la Fonction publique et rabote l’école jusqu’à ne lui permettre que de produire de la racaille en quantité industrielle. Abdou Diouf initie et encourage les mutuelles qui forgent de l’entreprise à vingt-cinq mille francs, avec quoi ça a juste de quoi acheter un étal de bois branlant devant son domicile, sur lequel sont exposés trois choux, deux tomates et une tranche de poisson fumé.
L’offre politique de Wade ne vaut pas mieux… Le «Pape du Sopi», sous Diouf, se débarrasse de ses cadres et va chercher des sans-culottes pour porter sa volonté de changement, le «Sopi». Il tient le langage auquel le Sénégalais est sensible : vous faites pitié et j’en suis plus indigné que personne d’autre.
C’est la direction que Macky Sall emprunte douze années plus tard en multipliant les actes de charité : bourses familiales, et autres aides pour supporter l’insoutenable destin du pauvre descendant du tirailleur sénégalais qui peut se vanter d’avoir droit à un dessert.
La République perd définitivement de sa majesté lorsqu’un Farba Senghor peut y devenir ministre et qu’un Cheikh Amar trône sur le monde des affaires.
Lorsque la République du Sénégal de Senghor vous force à une posture d’aristocrate, et cherche à créer des capitaines d’industrie, celles de Diouf, puis de Wade, de Macky et Diomaye traquent le Sénégalais trop heureux pour être honnête, glorifient la mauvaise éducation, déifient la pauvreté.
Signe des temps : le Pierre Goudiaby Atepa des années Senghor, surnommé «Pierre le Bâtisseur», est devenu, un demi-siècle plus tard, «Pierre le démolisseur». Dans les années soixante-dix, l’architecte crée des tours et rêve de construire des métropoles entières sur le continent dont les chefs d’Etat se vantent de ses conseils ; Wade en fait son éminence grise au début des années 2000 et il rêve encore plus grand ; entre mégalomanes, on est comme larrons en foire… L’Atepa des années Macky en est réduit à batailler avec une Aby Ndour pour un morceau de corniche et répondre devant les tribunaux dédiés aux faits divers à la plainte de Adji Raby Sarr pour diffamation ; l’Atepa de l’ère Diomaye fait mieux. Son fantasme absolu serait de démolir un immeuble…
Par Pathé NDIAYE
DES ACTES DE GESTION INSOLITES CONTRAIRES À L’ORTHODOXIE ADMINISTRATIVE
Devant le flou créé par des informations contradictoires remettant en cause la réputation et la crédibilité du ministre Cheikh Tidiane Dièye, ce dernier a tout intérêt à faire la lumière sur cette nébuleuse à l'ONAS, très rapidement
Après avoir écouté Cheikh Dieng limogé du poste de DG de l’ONAS en moins de trois mois et lu la presse de la semaine dernière sur les raisons avancées, explicatives de ce limogeage, il est difficile de se faire une idée claire sur ces affaires et de porter un jugement correct voire condamner tout de suite l’une ou l’autre partie.
Les allégations sont très graves au point que, je crois que les corps de contrôle devraient vérifier l’authenticité des allégations faites par les deux parties.
La Justice (Procureur et OFNAC) devrait également s’autosaisir. Mon propos ici de m’interroger sur l’orthodoxie administrative de certains actes relevés et qui seraient des fautes graves, si notre Administration fonctionne ainsi.
Depuis quand ?
1. Le prédécesseur du Docteur Cheikh Dieng aurait cédé son véhicule de fonction à la Secrétaire Générale avant d’etre limogé. C’est pourquoi le nouveau Directeur Général n’ avait pas de véhicule de fonction à sa prise de service. Pas de crédits disponibles dans le budget en cours, selon le Docteur Cheikh Dieng !
La Secrétaire Générale a-t-elle droit à un véhicule de même catégorie que le Directeur Général ? Le Directeur Général sortant a-t-il le pouvoir de cession du patrimoine de l’entreprise, sans l’autorisation du Conseil d’Administration ?
2. La pratique d’immatriculation des véhicules de la société au nom des destinataires, directeurs et chefs de service de l’entreprise est insolite.
Si c’est vrai, il y a entorse à la loi et aux règles de gestion transparente et de bonne gouvernance. Il s’agirait d’une entorse assimilable à un détournement de fonds de l’entreprise ou d’un enrichissement sans cause.
Cette pratique serait ancienne voire une tradition bien établie ?
Ce serait encore plus grave si les corps de contrôle n’ont pas relevé cette faute de gestion. Mais comme depuis douze ans, les rapports des corps de contrôle n’ont pas été exploités, difficile de se prononcer !
Cette pratique serait- elle générale dans toutes les entreprises publiques ? Ce serait encore plus grave !
3. La cession des véhicules de fonction à leurs titulaires au moment de leur départ à la retraite répond -elle à un droit statutaire, c’est-à-dire prévu par les statuts de l’entreprise ? Ce serait concevable si le cout et les charges de la voiture sont amortis et qu’il y a lieu de renouveler l’achat ! Sinon cette pratique est la source d’augmentation des dépenses d’investissement et des charges de fonctionnement ! Dans ces cas l’entreprise est obligée de renouveler son parc encore fonctionnel et surtout non amorti !
4. L’immixtion du ministre de tutelle dans la gestion de l'ONAS, si c’est vrai, semble anormale et en contradiction avec le Code des marchés publics :
Le ministre a-t-il le pouvoir d’annuler un marché autorisé par la DMCP et l’ARMP ?
Le Ministre peut-il se substituer au Directeur Général, et signer des contrats de l’entreprise à sa place et obtenir les avis favorables et l’agréement de la DCMP et de l’ARMP ?
Tous ces actes qui seraient posés par le ministre d’après le Directeur Général ne semblent pas respecter la règlementation des marchés publics et le principe de l’autonomie de gestion des entreprises publiques.
J’ai du mal à croire que le nouveau régime dont le credo est Jub Jubanti Jubal se soit engouffré et continue des pratiques de gestion non orthodoxes courantes de l’ancien régime.
Surtout sous l’autorité d’un ministre de tutelle connu et apprécié par tous les observateurs dont je suis pour son engagement citoyen et pour la transparence et le respect du droit.
Devant le flou créé par des informations contradictoires qui remettent en cause la réputation et la crédibilité du ministre de tutelle même, ce dernier a tout intérêt à faire la lumière sur cette nébuleuse, très rapidement.
Au lieu de porter plainte ou d’attendre une enquête parlementaire, impensable dans la conjoncture actuelle, le ministre pourrait et devrait demander à la Cour des Comptes ou à l’IGE, de mener d’urgence une mission d’enquête auprès de l’ONAS, limitée aux questions qui se posent.
Par Mamadou Diagne
LES MÉDIAS SÉNÉGALAIS FACE AUX NOUVELLES EXIGENCES
Certaines entreprises de presse ont adopté une posture statique, sans vision proactive ni capacité d’adaptation dans un écosystème en perpétuel mouvement. le Fonds d’appui au développement de la presse devrait soutenir l’innovation et la créativité
Une entreprise de presse est bien plus qu’une simple entité productrice et pourvoyeuse de contenus. Elle incarne une mission d’informer, d’éclairer les débats, de renforcer la démocratie et de divertir sainement. Cependant, pour survivre et prospérer dans un environnement médiatique de plus en plus compétitif, une entreprise de presse doit aussi être gérée comme un business. Cette réinvention implique une gestion efficace des ressources, une innovation constante pour attirer et fidéliser son audience, ainsi que la diversification des sources de revenus pour générer des profits.
De ma courte expérience en tant que journaliste et responsable des supports digitaux de médias privés comme publics, mon constat est que si les médias sénégalais en sont arrivés à cette situation de crise, la cause est à chercher bien au-delà du problème de fiscalité.
Certaines entreprises de presse ont adopté une posture statique, sans vision proactive ni capacité d’adaptation dans un écosystème en perpétuel mouvement. Un écosystème où les habitudes de consommation ont presque fondamentalement changé. D’autres acteurs ont intégré le secteur et les annonceurs se sont tournés vers des canaux qu’ils pensent capables de toucher une plus large audience sans passer à la boutique des médias classiques.
La situation des quotidiens Stades et Sunulamb m’attriste profondément. Contrairement à ce que certains peuvent penser, ces médias n’étaient pas de simples ramassis de copier-coller. Ils représentaient le travail de journalistes talentueux qui y imprimaient leur signature singulière. Les colonnes de ces journaux étaient souvent le lieu de découvertes et d’analyses précieuses. Malheureusement, ils n’ont pas réussi à se réinventer dans un contexte en constante mutation, en perpétuelle évolution.
C’est d’autant plus douloureux de constater que d’autres médias hors de nos cieux avec un environnement plus compétitif ont su se réinventer avec succès.
Si la question est financière, alors c’est précisément à cela que devrait servir le Fonds d’appui au développement de la presse : soutenir l’innovation et la créativité. C’est là où se cherche la clef de son développement, justement. En fait, peut-être devrions-nous même renommer cette aide par « Appui à l’innovation et à la créativité ».
Les médias sénégalais, comme d’autres à travers le monde, ne sont pas seuls dans cette situation. La plupart des médias internationaux présents en Afrique bénéficient également de financements d’organismes et d’ONG pour aborder des thématiques spécifiques correspondant à leurs agendas.
Il y a six ans, j’ai eu la chance de participer à une belle aventure : le lancement du groupe Emedia. Avec une équipe jeune et dynamique, nous avions su adopter une approche innovante pour renforcer la présence en ligne des médias. Sur le plan digital, notre objectif premier n’était pas de générer des revenus immédiats, mais de nous positionner solidement dans un environnement hyper concurrentiel. Nous avons réussi ce pari, mais il était ensuite nécessaire de franchir une nouvelle étape, qui nécessitait surtout un investissement dans le capital humain.
Le premier goulot d’étranglement dans les médias réside souvent dans les directions des ressources humaines, à considérer qu’elles existent par ailleurs. La gestion du talent et le développement des compétences des équipes, l’optimisation des coûts de personnel et la projection à long terme dépendent en grande partie d’une politique RH alignée sur les objectifs stratégiques de l’entreprise. Emedia avait et a toujours du potentiel, mais la suite de l’histoire, vous la connaissez…
Après cela, j’ai rejoint la Radiodiffusion Télévision Sénégalaise (RTS), où le défi était tout autre. Trois ans plus tard, beaucoup me demandent comment je réussis à « gérer » dans l’environnement de la RTS. Il faut dire que certains considèrent la RTS comme une vieille institution avec de terribles lourdeurs et d’innommables goulots d’étranglement. Comme dans toute entreprise publique, proposer des solutions novatrices ou briser les habitudes établies n’est pas toujours bien perçu. Cependant, la RTS est remplie d’esprits brillants et passionnés ; grâce à eux, nous avons pu obtenir des résultats, surtout avec l’accompagnement et la confiance de la hiérarchie.
Avec une stratégie bien définie, nous avons pu relever plusieurs défis en trois années. Certains m’ont marqué plus que d’autres. Mais aujourd’hui, au-delà de la forte présence de la RTS sur la toile, pouvoir dire que nous avons multiplié par 100 les revenus digitaux est une réussite majeure, tout en sachant que nous n’avons pas encore atteint 10 % de l’exécution de nos potentialités. Si nous avons réussi l’exploit, c’est grâce à la collaboration entre plusieurs directions, qui a permis d’optimiser les ressources, d’aligner les objectifs, de stimuler l’innovation et d’améliorer l’efficacité.
Malheureusement, dans les entreprises de médias, cette collaboration est souvent insuffisante, chaque département travaillant en vase clos. Puis, les postes clés sont souvent occupés par des journalistes expérimentés, certes, mais ceux-là n’ont pas toujours de compétences en marketing, en gestion des ressources ou en finances.
Un autre problème majeur auquel les entreprises de média sont confrontées est leur réticence à la collaboration. Aujourd’hui, le secteur des médias est fortement influencé par les technologies. Pour rester compétitifs, les médias doivent non seulement se tenir au courant des nouvelles tendances, mais aussi collaborer avec des entreprises ou des startups innovantes dans le domaine. Cette ouverture est cruciale pour répondre aux exigences de performance actuelles.
À la RTS, j’ai eu la chance de collaborer avec des champions locaux tels qu’ACAN, BEUZ PRO et REFLEX. Leur expertise a véritablement enrichi nos projets et apporté une valeur ajoutée significative.
On parle maintenant beaucoup de digitalisation des médias, souvent réduite à une simple présence sur les réseaux sociaux. Cependant, la véritable transformation relève d’un changement de mentalité qui concerne tous les acteurs du secteur. Nous discutons également des défis posés par l’intelligence artificielle (IA) et des risques associés aux métiers du secteur. En effet, de nombreux processus sont ou seront automatisés, mais le changement est constant. Ceux qui initient et anticipent ces évolutions seront en première ligne.
Les opportunités sont nombreuses, mais elles dépendent de la maîtrise de sa cible et d’une approche territoriale adaptée. Dans le marché actuel de l’économie de l’attention, les médias n’ont plus le monopole. Il est essentiel donc de faire preuve de créativité pour se démarquer.