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5 avril 2025
Opinions
par Abdoul Mbaye
BUDGET 2025, L’ILLUSION D’UNE PROSPÉRITÉ INTROUVABLE
Prévisions irréalistes, gestion déconnectée... Ce budget, prétendument ambitieux, n’est rien d’autre qu’une fuite en avant, dans la lignée de l'ancien régime. Le Sénégal ne peut plus se payer le luxe des illusions
Le projet de Loi de Finances Initiale (LFI) 2025 du Sénégal donne l’image d’un pays en plein essor, mais derrière cette façade brillante se cache une réalité bien différente. Les chiffres présentés semblent faits pour séduire, mais ils ne résistent pas à une analyse lucide. En continuant sur la lancée de l’ancien régime, ce budget repose sur des prévisions irréalistes, une gestion budgétaire déconnectée et une fuite en avant dangereuse pour l’économie du pays.
Sous Macky Sall, le budget 2023 s’appuyait déjà sur une imposture : une prévision de croissance nominale de 10,1 % entre 2022 et 2023. La révision en catastrophe de ce taux à 4,1 % du PIB réel n’a pas empêché de maintenir un PIB nominal largement gonflé, faussant ainsi les calculs de déficit et d’endettement. Aujourd’hui, le nouveau régime s’inscrit dans cette continuité trompeuse. En projetant une croissance de 20,35 % entre 2022 et 2024, il perpétue une vision économique déconnectée de la réalité.
Une campagne arachidière morose et une économie en repli rendent ces chiffres absurdes, voire insultants pour les Sénégalais qui peinent à joindre les deux bouts. Et pourtant, les illusions continuent. Les recettes internes prévues pour 2025 atteignent 4 348,1 milliards FCFA, mais elles suffiraient à peine à couvrir le service de la dette, qui s’élève à 3 855,52 milliards FCFA, soit 88,7 % des recettes. Malgré ce constat alarmant, aucune mesure sérieuse de réduction des dépenses publiques n’est envisagée.
Pire, certaines lignes budgétaires augmentent. La présidence s’offre 3,45 milliards FCFA supplémentaires, la Primature 1,2 milliard FCFA, et le ministère des Affaires étrangères se distingue avec une hausse de 18,84 milliards FCFA, répartis entre investissements et acquisitions de biens et services. Où est l’effort de rigueur promis ?
Pour couronner le tout, le gouvernement mise sur les « Diaspora Bonds » pour combler ses lacunes. L’idée semble brillante : mobiliser le patriotisme des Sénégalais de l’extérieur pour financer les déficits et les projets. Mais cette approche relève plus du vœu pieux que d’un plan solide. La diaspora, déjà accablée par les besoins familiaux qu’elle soutient, pourrait se montrer réticente à investir dans des obligations en monnaie locale, surtout face à l’instabilité économique.
Ce budget, prétendument ambitieux, n’est rien d’autre qu’une fuite en avant. En refusant de faire face aux réalités économiques et en évitant les réformes indispensables, le Sénégal s’enferme dans une spirale dangereuse. Ce qu’il faut, c’est un budget de vérité. Cela commence par des prévisions sincères, une réduction drastique du train de vie de l’État, et une réorientation des ressources vers les véritables priorités : les secteurs sociaux, l’agriculture en crise, et les besoins des populations les plus vulnérables.
Le Sénégal ne peut plus se payer le luxe des illusions. L’heure est à l’effort, à la rigueur et à la justice. Ce n’est qu’à ce prix qu’il regagnera la confiance de ses citoyens, de ses bailleurs, et de sa diaspora.
par Abdoul Aziz Diop
2007, L’ANNÉE OÙ S’ACCÉLÈRE LA STRANGULATION DE LA FRANÇAFRIQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le récent changement politique à Dakar avec l'élection de Diomaye n'est que l'aboutissement d'un processus entamé il y a 17 ans, lorsque les Sénégalais ont commencé à déjouer les stratagèmes d'une Françafrique déjà moribonde
Venu rehausser de sa présence la cérémonie de dédicace du livre « De la démocratie en Françafrique, une histoire de l'impérialisme électoral » (La Découverte, 2024) de la journaliste française Fanny Pigeaud et de l'économiste Ndongo Samba Sylla, l’écrivain Boubacar Boris Diop soutient que « la Françafrique contrôle la situation [en Afrique francophone] à travers des élections qui sont truquées…»
La Françafrique des élections est irréfutable, mais l’année où s'accélère sa « strangulation » - mot emprunté à Boris - et débute la mise à mort de l’ogre montre que celui qu’on dit être le souverainiste d’exception sans qu’on ne sache d’ailleurs pourquoi, Bassirou D.D. Faye, n’y est absolument pour rien. De même n’y sont pour rien du tout les putschistes du Mali, du Niger, du Burkina Faso, de la Guinée, etc.
De la Françafrique des élections
En février 2007, Abdoulaye Wade disait s’être fait réélire par les électeurs sénégalais avec 55,90 % des suffrages valablement exprimés. Au mois de mai de la même année, le candidat de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), Nicolas Sarkozy, remporte l’élection présidentielle française devant la candidate socialiste Ségolène Royale.
La nouvelle affiche de la Francénégal surexcitée - Sarkozy et Wade - irrita l’intelligentsia africaine qui ne s’est pas fait prier pour monter au créneau et jouer la partition attendue d’elle après que Sarko a prononcé son fameux discours de Dakar le 26 juillet 2007.
À l'ouverture de la campagne électorale pour l'élection présidentielle sénégalaise du 25 février 2007, figuraient, au passif du président sortant Abdoulaye Wade, la mort d'au moins 2000 naufragés, la confusion des pouvoirs, l'amnistie des crimes politiques, la pratique à grande échelle de la corruption, le détournement de plusieurs centaines de milliards de F CFA, la disparition, dans l'océan, de plusieurs centaines de jeunes (filles et garçons lacérés), candidats à l'émigration clandestine, etc. A l'issue du scrutin, ce lourd passif est « récompensé » d'une éclatante victoire électorale, qui crédita, dès le premier tour de scrutin, Abdoulaye Wade de 55,90 % des suffrages exprimés. Un conseiller en communication du Premier ministre Macky Sall - quatrième responsable politique à occuper le poste de chef de gouvernement pendant le dernier septennat (2000-2007) s'en étonna. Son étonnement fut révélateur de la consternation des autres citoyens, très nombreux à déclarer, en privé, qu'ils n'ont pas voté pour Abdoulaye Wade. Que s'est-il donc passé ?
Plusieurs mois après l'élection, un premier effort d'investigation interprétative permet d'y voir plus claire en attendant les aveux des nombreux « faux électeurs » des 25 et 26 février 2007. Appelés aux urnes pour seulement le dimanche 25 février 2007, les partisans d'Abdoulaye Wade votèrent jusqu'au jour suivant, lundi 26 février 2007. Notamment à Fatick, chef-lieu de région et fief de l'ancien Premier ministre Macky Sall.
Abdoulaye Wade se débarrassa, comme chacun le sait, de la plupart de ses conseillers sénégalais après avoir laissé entendre qu'ils étaient les meilleurs parmi les meilleurs. La saignée concerne en particulier les conseillers en communication du maître de la rente. Mais dans ce domaine, les « sorciers blancs » français ne se font pas prier pour combler le vide. Les « marchands de conseils et d'image, de sécurité, de stratégie, de droit d'assistance juridique se pressent auprès de ces présidents en mal de reconnaissance », renchérissait déjà Le Canard Enchaîné.
Auprès du président sénégalais, les rôles semblent avoir été bien distribués entre Marc Bousquet et Jean-Pierre Pierre-Bloch. Bousquet sonde les Sénégalais avant la campagne électorale pour l'élection présidentielle du 25 février 2007, et s'occupe, en même temps, des affiches (illégales) du président sortant. Le journal Le Quotidien de Dakar, daté du 4 mars 2006, commente la supercherie qui donna Wade vainqueur de l'élection : « (...) Les personnes âgées de 18 à 25 et de 25 à 35 ont souvent cité le nom d'Idrissa Seck, le principal challenger. Le contexte d'emprisonnement d'Idrissa Seck, dans lequel le sondage a été effectué, devrait expliquer ce succès du maire de Thiès. Ousmane Tanor Dieng a réuni autour de sa personne un nombre surprenant d'intentions de vote ». En dissimulant les résultats auxquels ses « enquêteurs » sont parvenus dans les localités sénégalaises concernées, le voyou Marc Bousquet, patron de Médiatique, confirma lui-même ce que le kiosque multimédia sénégalais, « rewmi.com », révéla à ses visiteurs : « Dans les années 70, cet ancien giscardien bon teint, passionné de politique, avait participé à la création d'un institut de sondages Public SA. L'officine se fit remarquer par des enquêtes complaisantes pour la droite, voire carrément bidonnées. Ce qui lui valut de fréquentes réprimandes de la Commission des sondages jusqu'à sa liquidation ».
Dans son numéro daté du 16 juin 2004, Le Canard Enchaîné commente : « Les vendeurs d'images les plus courus dans l'Hexagone, notamment en Afrique, restent Jacques Séguéla et Stéphane Fouks, d'Euro RSCG. Les deux fils de pub' ont même réussi à vendre leurs services en Côte d'Ivoire à Henri Konan Bédié et à son adversaire Alassane Ouatara. Le Général Robert Gueï, auteur du putsch contre Bédié et assassiné lors d'un coup d'État contre Laurent Gbagbo, avait, lui, choisi un concurrent, Marc Bousquet, ancien giscardien, et son agence Médiatique. Euro RSCG a aussi officié au Togo pour le général président Eyadéma, ou au Sénégal enégal en 1999 pour Abdou Diouf ». La supercherie remonterait à Diouf. Ousmane Tanor Dieng, qui lui succéda à la tête du Parti socialiste, avait de la visite française pendant son meeting de clôture le 23 février 2007. Wade en avait aussi, lui qui donna la parole à l'ultralibéral Alain Madelin, maintenant oublié des Français.
Abdoulaye Wade fit surtout campagne 21 jours durant en s'amurant les services d'un « maître de scène », un certain Jean Pierre Pierre-Bloch. Le nom de ce monsieur nous renvoie à nos lectures politiques post-alternance. Dans le chapitre consacré au « Françafricain Abdoulaye Wade », l'auteur de l'ouvrage « Le Sénégal entre deux naufrages ? Le Joola et l'alternance » (L’Harmattan, 2003), Almamy Mamadou Wane, écrit que « dès les premières heures de son élection, au soir de sa victoire, tous les amis de Wade étaient présents parfois en famille : Alain Madelin, (...). Pierre Aïm, (...), [...], le maire adjoint de Paris, Jean-Pierre Pierre-Bloch, qui, il est vrai, avait ouvert dans son XVIIIe arrondissement une permanence pour le "candidat [Abdoulaye] Wade" ». « Jean-Pierre Pierre-Bloch, écrit M. Wane, est une vieille relation du dictateur congolais Denis Sassou Nguesso, multirécidiviste de crime contre l'humanité. Et son "frère" à la Grande Loge Nationale Française (GLNF), l'Église de toutes les chapelles françafricaines. »
Pendant toute la campagne électorale pour l'élection présidentielle du 25 février 2007, le (...)-Bloch de M. Wane demanda aux jeunes de la caravane du président sortant Abdoulaye Wade de soulever la poussière partout où l'illusion d'une mobilisation est nécessaire pour abuser l'opinion.
La bête de scène « hyperactive » Jean-Pierre Pierre-Bloch avait été mise en examen à deux reprises en France pour « recel d'abus de bien sociaux ». Dans la première affaire, « la société dirigée par sa femme aurait bénéficié de prêts de plusieurs dizaines de millions de francs [français] pour des opérations immobilières ». Dans la seconde histoire, « la justice soupçonna l'élu du XVIIIe arrondissement d'avoir perçu, entre 1994 et 1999, des rémunérations d'une société de Neuilly (Hauts-de-Seine) sans y avoir été employé ». L'emploi fictif lui aurait rapporté environ 780 000 euros. Au sein du groupe Vaturi, informe le quotidien français Libération, daté du 25 décembre 2006, « Clément Vaturi, le père, et Joël Vaturi, le fils, ont, dans les années 90, rémunéré Jean-Pierre Pierre-Bloch (90 000 francs par mois) comme "apporteur de bonnes] “affaires" et "ouvreur de portes" ».
Venu témoigner à la barre en faveur de son « ami personnel », Alain Mandelin - encore lui - tempère : « Lobbying ne veut pas dire favoritisme (...). Aujourd'hui, on parlerait de patriotisme économique. » Le prévenu écope de « deux ans avec sursis et 100 000 euros d'amende pour... emploi fictif ».
Jean-Pierre Pierre-Bloch perdit, en 1994, son mandat de député UDF, invalidé pour dépassement de frais de campagne. Le voyou, qui souleva la poussière, n'avait donc aucune raison de déconseiller le vieux lièvre sénégalais bien connu de ses concitoyens pour les « largesses » grâce auxquelles il deal avec autrui.
Abdoulaye Wade, en si mauvaise compagnie, aime néanmoins se réclamer d'une des quatre plus grandes confréries musulmanes de son pays et de son guide spirituel. Un vrai paradoxe. Mais pour Wade et ses petits hôtes français, plusieurs carapaces valent plus qu'une seule. Wade peut toujours se prévaloir des prières d'un saint auprès de ses concitoyens pour expliquer ses succès électoraux tout en faisant opérer ses vieux « sorciers blancs » dans les coulisses. Une vraie manipulation !
Jean-Pierre Pierre-Bloch sait peut-être aussi comment un président impopulaire gagne une élection. Son ami Jacques Dominati avait été « sollicité par le procès des faux électeurs du Me arrondissement de Paris ». M. Dominati est intervenu à la demande de Jean-Pierre Pierre-Bloch quand ce dernier contesta le prix de vente des boutiques des aéroports de Roissy et d'Orly aux Vaturi qui, en 1993, remportèrent la privatisation desdites boutiques avec l'aide de Jean-Pierre Pierre-Bloch. En se joignant au boycott des élections législatives du 3 juin 2007, l'ancien Premier ministre sénégalais Idrissa Seck en disgrâce, savait-il des choses qu'il n'a pas encore dites ? Jean-Pierre Pierre-Bloch se trouve être un ami commun du président Wade et de son ancien Premier ministre. Il est d'ailleurs l'un des premiers à avoir tenté de réconcilier l'ancien mentor avec l'ancien poulain. Invité Afrique », le jeudi 26 avril 2007, de Radio France internationale (RFI), l'ancien Premier ministre du président Wade, Moustapha Niasse, crédité de seulement 5,90 % des voix à l'issue de l'élection présidentielle du 25 février 2007, dit entretenir de bonnes relations avec le maire de Thiès Idrissa Seck et accusa nommément le président Wade d'avoir purement et simplement « emporté » les élections en convoyant des électeurs vers des zones plutôt défavorables au président sortant. « Wade, mettra six mois à inscrire des gens à Dakar sur les listes électorales pendant que tout le reste du pays attendait. Restés ouverts jusqu'au lendemain 26 février 2007, les bureaux de vote des zones incriminées accueillirent les personnes déplacées pour bourrer "proprement" les urnes ». Le résultat se passe de commentaire : Wade gagne partout sauf à Thiès, fief bien gardé d'Idrissa Seck, et Nioro, bastion imprenable de Moustapha Niasse.
Les « faux électeurs » des zones et bureaux de vote incriminés par le patron de l'Alliance des forces de progrès (AFP) rappellent « les faux électeurs du IIIe arrondissement de Paris » dont Jacques Dominati, ami de Jean-Pierre Pierre-Bloch, était le maire jusqu'en 1995. Le procédé employé par les amis politiques du Corse Jacques Dominati pour conserver la mairie du Ille arrondissement de Paris est le même que celui décrit par Moustapha Niasse au téléphone de Christophe Boisbouvier, journaliste à RFI. De quoi s'agit-il ? C'est le quotidien Libération, daté du lundi 11 septembre 2006, qui nous renseigne : « Outre Jacques [Dominati], ses fils Laurent (ancien député) et Philippe (qui a hérité du siège sénatorial paternel) sont poursuivis pour "manoeuvres frauduleuses ayant porté atteinte à la sincérité du scrutin", à l'occasion des municipales de 1989 et 1995. Aux côtés de l'ancien maire du Ille, six de ses adjoints ou conseillers, et deux fonctionnaires du bureau des élections. L'accusation leur reproche une "quête incessante d'électeurs susceptibles de soutenir Jacques Dominati (...) qu'ils résident ou pas dans l'arrondissement", via des "attestations de domicile fallacieuses" et "au mépris du code électoral", La "mouvance ou l'entourage" Dominati aurait "dragué" au sein des militants UDF, des commerçants, de la synagogue Saint Nazareth, faisant miroiter à l'occasion une place en crèche ou en HLM ». « Le patron d'une brasserie, où le député-maire avait ses habitudes, a fait inscrire quatre de ses employés qui ne réclamaient qu'une carte de stationnement, ils auront droit à une carte d'électeur, avec ce mot d'ordre : "Vote pour Dominati" ». Renaud Lecadre, le journaliste de « Libé' », qui signe l'article, renchérit en ces termes : « (...) L'équipe Dominati a poussé la "coutume" au stade industriel, quitte parfois à imiter la signature des titulaires des cartes d'électeurs, une expertise a relevé 109 "faux grossiers" ». Par « coutume », il faut comprendre ce que Jacques Dominati présenta lui-même comme « (...) une "pratique courante" permettant de voter sur son lieu "d'attache professionnelle ou religieuse", notion inconnue du code électoral ». « L'accusation recense 327 électeurs "indûment inscrits" pour les municipales de 1989, plus 290 pour le scrutin de 1995. Pas de quoi inverser les élections : Dominati, élu en 1989 au premier tour à 20 voix près, serait passé au second quoi qu'il en soit ; en 1995, il a été battu avec 234 voix de retard », précise le journaliste. L'ami Pierre-Bloch aurait-il soufflé la méthode de l'ami Dominati au président Wade ? Les certitudes de Moustapha Niasse sur RFI portent à le croire. S'y ajoute surtout qu'au Sénégal, la « coutume » invoquée par M. Dominati est consacrée par le code électoral.
L'article L.33 dudit code stipule que « sont également inscrites sur la liste électorale dans les communes, les communes d'arrondissement et les communautés rurales, les personnes qui, ne remplissant pas les conditions d'âge et de résidence lors de la formation de la liste, les rempliront avant la clôture définitive.
Sont aussi inscrites sur la même liste électorale, lors des révisions exceptionnelles, les personnes qui remplissent la condition d'âge au plus tard le jour du scrutin ». Les tricheurs sénégalais auraient donc inscrit à Dakar « les personnes qui, ne remplissant pas les conditions (...) de résidence [ailleurs qu'à Dakar] lors de la formation de la liste, [ne] les [auraient toujours pas rempli] avant la clôture définitive [des inscriptions] ». Ces personnes-là seraient toutes de « faux électeurs » destinés à « faire du monde » dans les bureaux de vote pour le sortant Abdoulaye Wade. Un habitant de Ziguinchor nous informa de la caravane de 60 cars bourrés d'électeurs partis de Dakar pour aller voter dans la capitale de la région sud du même nom au frais du secrétaire général de la présidence de la République Abdoulaye Baldé. L'effectif déplacé représente plus de 50 % du total des voix engrangés par le candidat indépendant Marne Adama Guèye à Dakar. Cet effectif mobile se serait substitué, au moins en partie, aux vrais électeurs dont les cartes n'ont pas été distribuées avant le scrutin. À la date du 11 janvier 2007, 42,10 % des personnes inscrites sont en attente de leur carte d'électeur. La campagne électorale, elle, démarra moins d'un mois plus tard. « C'est quoi çà ? ».
« Il faut éviter l'amalgame. Mon adversaire, ce n'est pas Abdoulaye Baldé mais Abdoulaye Wade », s'offusqua le candidat de la coalition « Takku Defaraat Sénégal » à l'élection présidentielle Robert Sagna, maire de Ziguinchor. C'est « Wade [qui] m'a battu d'une manière générale à Ziguinchor, mais je l'ai bel et bien vaincu chez moi, dans mon village ». Pouvait-il en être autrement dans les limites bien gardées des derniers retranchements de M. Sagna ? Les convois s'arrêteraient aux portes des citadelles imprenables. Ces citadelles-là totaliseraient 44,1 % des suffrages exprimés.
Le Sénégal se serait alors transformé en Ille arrondissement géant de Paris le temps d'une élection présidentielle. A Paris, M. Dominati a bien « été le bénéficiaire de manœuvres frauduleuses qui ont incontestablement existé et qui ont été démontrées (...) ». Jacques Chirac, alors maire de Paris, (...), aurait été au cœur du dispositif, souhaitant remporter le "grand chelem" des 20 arrondissements parisiens en 1989 pour effacer sa défaite à la présidentielle de l'année précédente ». Adjoint au maire de Paris de 1983 à 2001, Jean-Pierre Pierre-Bloch, lui, était bien là quand les choses se tramaient. Quel rôle a-t-il vraiment joué ? Peu im ort Auprès du président Wade, candidat à sa propre succession, Pierre-Bloch ne joua pas les seconds rôles.
Chirac, lui, congratula Abdoulaye Wade, « réélu ». « Bravo› » s'exclama le président français dans son message de félicitation à l'attention de son homologue sénégalais. Le Français sait-il des choses ? De chef d'État à chef d'État, le mot de trop (bravo) est lourd de signification. L'Histoire nous dira laquelle. Si les choses s'accéléraient, les vrais électeurs sénégalais du 25 février 2007 pourraient se constituer partie civile pour réclamer dommages et intérêts aux tricheurs et à leurs sponsors.
Aux trousses, sitôt les résultats provisoires de l'élection présidentielle du 25 février 2007 proclamés par la Commission nationale de recensement des votes (CNRV), d'Amath Dansokho, de Moustapha Niasse, d'Ousmane Tanor Dieng et d'Idrissa Seck, pour des « affaires » pendantes devant la Justice, Abdoulaye Wade fixa, le samedi 3 mars 2007, en direct à la télé du service public, les termes d'un nouveau deal politique qui absoudrait ses adversaires malheureux. Mais rien qu'une communication au ras des pâquerettes, qui fit diversion au moment où tout le monde s'interrogeait sur l'issue atterrante du scrutin.
Dans les colonnes du quotidien Walfadjri, daté du samedi 3 - dimanche 4 mars 2007, le secrétaire général de la Rencontre africaine de défense des droits de l'homme (RADDHO), Alioune Tine, soutient que « (...) l'honnêteté commande de reconnaître que les irrégularités et dysfonctionnements constatés ne sont pas de nature à modifier ou à entacher les résultats du scrutin ». « Franchement, dit-il, quand nous avons vu le matin du 25 février cette masse d'électeurs avec sa détermination, sa patience, parfois sous le soleil, nous avons compris qu'ils avaient un message à délivrer. » « Il faut faire preuve de fair-play », recommande-t-il. M. Tine se pose néanmoins une question cruciale : « (...) Comment tout cela est arrivé ? » Alioune Tine accuse : « (...) Beaucoup de mesures prises dans [la} période préélectorale étaient des mesures unilatérales prises par (...) le président de la République ». D'ailleurs, précise-t-il, « que ce soit le couplage, le découplage (...), que ce soit la suppression du quart bloquant, le fichier électoral ». Si, comme le reconnaît Alioune Tine, l'unilatéralisme du président sortant concerne aussi le fichier électoral, les 1 300 observateurs, à la tête desquels il se trouvait, ne suffisent pas à démêler la « masse d'électeurs » (vrais ou faux) prêts à délivrer un message.
Sur le fichier électoral précisément, le Front d'action de la société civile sénégalaise (FACS) a émis, dans son rapport daté de mars 2007, suite à l'audit du fichier du 02 au 06 février 2007, les réservés importantes suivantes :
« - L'audit du fichier électoral par le FACS n'a pas permis de lever les doutes sur l'unicité de l'électeur dans le fichier ;
-le fichier des photos a fait ressortir plusieurs cas de ressemblances ;
-la mission sur le terrain afin de faire une confrontation avec les personnes dont les photos ont présenté une ressemblance n'a pas eu lieu du fait de la campagne électorale et de la mise en place des outils et matériaux électoraux ;
-il y a lieu de noter que la biométrie qui devait faciliter les recherches approfondies a été une pomme de discorde. »
Avec les soutiens des ambassades d'Allemagne et des Pays Bas et de l'Organisation Internationale de la Francophonie, le patron de la RADDHO « se félicita » de « la prime donnée à la mal gouvernance ». Tout le débat sur les observateurs des élections africaines repose sur cette dichotomie : la sanction positive par une observation de courte durée, et avec les yeux d'autrui, d'un processus complexe, long de plusieurs années et rarement honnête. Pour avoir tranché le débat avant même de l'avoir suscité, Alioune Tine s'est rendu coupable de précipitation dans une affaire particulièrement délicate. Sa crédibilité n'est pas en cause, mais son organisation se montra incapable de recoller les morceaux épars. L'opposition significative se refusa à participer aux législatives du 3 juin 2007 en dépit de l'incitation au dialogue à laquelle participa M. Tine.
Plus rien qu’un néologisme
Le président français Nicolas Sarkozy n'a pas prononcé son discours de Dakar controversé à l'Assemblée nationale monocolore issue des législatives du 3 juin 2007. S'est-il offusqué du retour du Sénégal au parti unique ? Bien sûr que non. L'opposition sénégalaise, elle, s'en est certainement offusquée en lui remettant une lettre d'information sur l'état piteux de notre démocratie, sept ans seulement après la première alternance démocratique de son histoire.
« La France [de Sarkozy] ne défilera pas à [notre] place. » Mais que faut-il d'autre à cette France-là pour « s'associer » à celles et à ceux qui veulent « construire », au Sénégal et ailleurs en Afrique, « la démocratie, la justice, le droit » ? La réponse exclusivement sénégalaise à cette question explique pourquoi la fin de mandat, dès juin 2011 au lieu d’avril 2012, ne fut pas de tout repos pour le président Wade obligé de faire face au Mouvement du 23 juin (M23) de défense de la Constitution dont l’intangible forme républicaine de l’État mobilisa comme jamais auparavant, de l’avis de l’historien du politique le Professeur Ibrahima Thioub, les partis politiques et les coalitions de partis, les syndicats plutôt discrets, les organisations de la société civile, un nombre impressionnant de personnalités indépendantes qui firent barrage avec succès au passage programmé de témoin entre Wade et son fils Karim. La perte du pouvoir, le 25 mars 2012, par le géniteur du Sopi (changement en ouolof) au profit de son ancien premier ministre Macky Sall sonna le glas de la Françafrique des élections qui ne se contenta que d’insignifiantes reliques.
Le moment propice à de nouvelles aventures politiques profitèrent, plus tôt que prévu, au duo gagnant de mars 2024, Diomaye et Sonko, qui ne sont objectivement pour quoi que ce soit dans l’accélération de la « strangulation », dès 2007, de la Françafrique. Plus rien qu’un néologisme dépouillé de tout ce dont il fut le condensé conceptuel bien avant les coups de force malien, burkinabé, nigérien, etc.
L’Histoire - la vraie - est souvent volée à celles et ceux qui la font par de prestigieux plagiaires et par les intellectuels tuteurs dont le tutorat (jamais désintéressé) profite aux jeunes et moins jeunes auteurs qui leur cirent les pompes. On s’en fout quand aime la liberté et les gens du pays toutes conditions confondues. Si, pour ma part, j’avais une seule raison d’être, elle serait cet amour-là pour ces gens-là. Ça me va comme ça !
Abdoul Aziz Diop est essayiste, auteur, entre autres, de « Sarkozy au Sénégal… » (L’Harmattan, Coll. Pensée Africaine, 2008) et co-auteur de « M23 : Chronique d’une révolution citoyenne » (Éditions de la Brousse, 2014)
par l'éditorialiste de seneplus, Amadou Elimane Kane
LA MÉMOIRE DE THIAROYE OU LE BATAILLON DES TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS CONTINGENT DE LA FORCE COLONIALE
EXCLUSIF SENEPLUS - Pourquoi nous, peuples d'Afrique subsaharienne et particulièrement du Sénégal, continuons-nous à célébrer ceux qui ont participé à notre oppression historique et à l’extermination de notre souveraineté ?
Amadou Elimane Kane de SenePlus |
Publication 18/12/2024
Au moment de la commémoration du massacre du camp de Thiaroye, survenu le 1er décembre 1944, l’histoire du bataillon des Tirailleurs Sénégalais mérite que l’on s’y attarde pour éclairer l’histoire de l'hégémonie coloniale.
Le bataillon des Tirailleurs Sénégalais a été formé par un décret de Napoléon III en juillet 1857, sous le commandement de Louis Faidherbe, gouverneur du Sénégal depuis 1854 et dont on connaît le rôle dans l’expansion coloniale et ses violences meurtrières. Le recrutement effectué d’abord sur les terres sénégalaises s’est peu à peu étendu à d’autres nations africaines, recrutant dans ses rangs des soldats d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique du Nord.
L’objectif de l’existence de ce contingent était d’apporter un soutien militaire aux opérations d'envahissement et de conquêtes coloniales. Les Tirailleurs sénégalais avaient d’abord pour mission de réprimer toute résistance à l’empire colonial français, utilisant les mêmes armes que l’impérialisme colonial. Ainsi, les Tirailleurs Sénégalais devenaient la main armée de l’empire colonial français, sur leur propre territoire en combattant les peuples en lutte. Et il n’est pas insultant de dire que Les Tirailleurs Sénégalais devenaient ainsi les collaborateurs de la domination coloniale française. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le bataillon a été dissout entre 1960 et 1962, au moment des indépendances des États africains.
Plusieurs questions se posent alors. Comment peut-on encore défendre un groupe armé à la solde de la colonisation ? Pourquoi en Afrique et au Sénégal en particulier, devient-on les défenseurs naturels des collaborateurs ?
Engagés inconsciemment ou consciemment comme tous les soldats de la première guerre mondiale et de la seconde guerre mondiale, les Tirailleurs Sénégalais tirent toutefois leur existence dans des actes de collaboration et de répression envers leur propre peuple, avec des avantages non négligeables à ce moment de l’histoire. De même, ils ont contribué aux guerres coloniales en Afrique, en Indochine, en Algérie et à Madagascar, aux côtés de l’empire colonial français.
Souvenons-nous que les collaborateurs ont partout été jugés, tués et indexés dans l’histoire de leur pays. Le Maréchal Pétain, héros de la première guerre mondiale et alors vainqueur dans l’opinion publique, est accusé de collaboration avec les nazis à la fin de la seconde guerre mondiale pour avoir installé le régime autoritaire de Vichy. À la libération, il est jugé et arrêté pour haute trahison et condamné à mort, une peine commuée en détention à perpétuité. Il meurt en prison en 1951. Aujourd'hui encore, l’histoire de la France ne reconnaît pas la mémoire du Maréchal Pétain car cela n’est pas acceptable pour tous les combattants et les résistants à l’occupation nazie.
En Italie, Benito Mussolini, dictateur fasciste et collaborateur du régime nazi, a été exécuté en place publique en avril 1945 par les partisans italiens et son corps mutilé a été exposé à la foule, comme l’ultime humiliation.
En Algérie, les harkis, combattants anti-indépendance à la solde de l’armée française, ont été bannis de leur pays, avec un traitement de violence qui aujourd'hui continue de subsister, pour dénoncer leur collaboration avec l’empire colonial français.
Alors pourquoi nous, Africains noirs sub-sahariens, et en particulier Sénégalais, conscients des luttes sanglantes que nous avons eues à mener face à l’agression perpétuelle et à l’extermination de notre souveraineté humaine, culturelle et historique, célébrons-nous encore ceux qui ont été les complices de notre propre désintégration ?
J’ose m’adresser au peuple sénégalais en disant de ne pas soutenir les oppresseurs de notre libre-arbitre. C'est une insulte à ceux et à celles qui se sont levés contre la colonisation et qui ont œuvré pour la liberté. Si nous voulons nous affranchir définitivement du joug colonial, nous devons examiner notre conscience pour oser prendre position contre ce type de manipulations mentales.
Je ne dis pas que les assassinats du camp de Thiaroye en décembre 1944 sont une bonne chose, je dis simplement que notre mémoire doit s'accompagner d’une conscience entière, sans déni de vérité historique.
Si les archives françaises du 1er décembre 1944 restent nébuleuses ou inaccessibles, c’est encore une fois une manière de garder la mainmise sur notre histoire. Ce n’est pas non plus un hasard si l’État français continue d’honorer la mémoire des Tirailleurs Sénégalais car ils sont le symbole de leur suprématie qui continue d’instrumentaliser notre conscience historique. Mais gardons-nous de pleurer ceux qui ont collaboré pour mieux écrire notre propre récit historique et pour célébrer la mémoire de ceux qui ont toujours résisté à l’empire colonial français.
Ce qui nous importe aujourd'hui au XXIe siècle, c'est de faire vivre notre propre récit, de célébrer les combattants historiques des luttes pour notre liberté, sans omettre de dénoncer ceux qui nous ont trahis. Notre devoir de mémoire s’accompagne de cette prise de conscience qui contribue à la renaissance africaine et à l’émergence de tous les soleils de notre émancipation.
Amadou Elimane Kane est enseignant, écrivain poète et chercheur en sciences cognitives.
Par Kadialy GASSAMA
LA REVISION JUDICIAIRE DU JUGE OUSMANE CAMARA
A chaque fois que survient le 17 décembre, nous ne pouvons pas manquer de relever le douloureux évènement de la crise politique de 1962 qui a fort impacté le cours de l’histoire politique du Sénégal
A chaque fois que survient le 17 décembre, nous ne pouvons pas manquer de relever le douloureux évènement de la crise politique de 1962 qui a fort impacté le cours de l’histoire politique du Sénégal. Cet anniversaire doit être un moment d’introspection pour nous interroger sur l’efficacité et les réformes à apporter à notre régime politique avec l’hyper présidentialisme instauré depuis1963 mettant fin au régime parlementaire qui avait prévalu entre 1960 et 1962. Déjà, les assises nationales en 2009, après un diagnostic sans complaisance des tares du régime hyper présidentialiste, avaient recommandé à la classe politique de réfléchir sur un régime politique plus efficace qui permettrait le transfert de certains pouvoirs de la présidence de la république au parlement. Aujourd’hui, avec l’atomisation de plus en plus accentuée de la sphère politique qui est une tendance mondiale, laquelle atomisation conduit à la nécessité d’un retour au parlementarisme et à la proportionnelle intégrale pour les élections législatives, le temps est arrivé, nous appuyant sur l’anniversaire des événements de 1962, pour réaffirmer que le Sénégal ne souffrait point d’un bicéphalisme entre deux hommes , mais, que le pouvoir néocolonial avait décidé de se débarrasser d’un nationaliste de la trempe du Président Mamadou Dia. Cette affirmation est corroborée, entre autres ; par le commissaire du gouvernement de l’époque dans son livre éponyme, personnage ne peut plus être symbolique.
En effet, le juge Ousmane Camara reconnait dans le livre, que le Président Mamadou Dia n’avait ni préparé, ni intenté un coup d’état lors des événements de 1962.
La question qui vient à l’esprit est de savoir pourquoi le commissaire du gouvernement de l’époque près de la haute cour de justice, une juridiction par essence d’exception, a-t-il attendu si longtemps pour affirmer cette vérité connue de longue date ? Avait-il les mêmes convictions pendant les minutes du procès que maintenant et, le cas échéant, avait-il la liberté et le courage de faire prévaloir ses intimes convictions ? Devant le tribunal des hommes, il y’a toujours le vrai tribunal de l’histoire.
Le président Dia n’avait préparé, ni intenté un complot contre le président Senghor
Dans les bonnes feuilles du livre « Mémoires d’un juge Africain, itinéraire d’un homme libre », le juge reconnaît, non seulement, le caractère éminemment politique du conflit de 1962 sous ses différents aspects, mais, soutient également, qu’à son intime conviction, le président Mamadou Dia n’avait ni préparé, ni intenté un complot contre le président Senghor qui lui valut, pourtant, la réclusion à la détention perpétuelle dans une enceinte fortifiée à l’extrême Sud-est du Sénégal.
Il faut admettre qu’il s’est écoulé un temps extrêmement long, de 1962 à nos jours, soit plus d’ un demi-siècle, pour que les mémoires du commissaire du gouvernement de l’époque faisant office de procureur puissent être rendus publiques, si l’on sait bien que le délai de divulgation à l’opinion publique de certaines vérités historiques consécutives à des procès politiques sur le registre du secret d’état, ne doit pas excéder une certaine période de grâce, en vertu de la préservation de la paix civile. En l’espèce, Nous pouvons dire que sous sommes en présence d’une forclusion, à partir du moment où plus de cinquante années plus tard, un témoin de l’histoire s’adonne à émettre tardivement des avis sur le fameux procès du président Mamadou Dia.
En l’occurrence, des acteurs directs des événements de 1962, au cours du procès, avaient pris leurs entières responsabilités à l’image du Général Fall, chef d’Etatmajor des armées de l’époque qui avait témoigné et reconnu l’inexistence d’un complot ourdi par le président Mamadou Dia, lequel témoignage lui coûta son éviction et, quelques années après, le Général Jean Alfred Diallo pour le même avis. De plus, le Président Maguette Lo, député de l’époque et membre du groupe des 4 initiateurs de la motion de censure et de l’initiative parlementaire avait, lui aussi, fait son auto critique et demander pardon au grand Maodo que le bon Dieu avait gratifié d’une longue vie presque centenaire. Le moins qu’on puisse dire est que, logiquement, le commissaire du gouvernement de l’époque avait toute la latitude à l’instar des acteurs directs des événements de1962 de publier ses mémoires du vivant du mis en cause qui nous a quitté en 2009. Pourquoi le juge a-t-il manifestement attendu le rappel à Dieu du Grand Maodo pour publier ses mémoires ?
Sur l’accusation, le commissaire du gouvernement de l’époque énumère dans son livre une panoplie de fautes administratives, sans preuves du reste, pour fonder la culpabilité du Président Mamadou Dia tout en restant convaincu, affirme-t-il, de l’inexistence d’un complot perpétré par celui-ci. Il faut reconnaître qu’il y’a là un paradoxe ou une contradiction qu’il serait intéressant de lever, dès lors que l’accusation de coup d’état ne pouvait plus tenir et qu’il y avait lieu de ne retenir que les fautes administratives sur des instructions orales que le président Mamadou Dia aurait données. Comment faire la relation juridique entre la condamnation à une peine capitale d’une réclusion à la détention perpétuelle et l’inexistence d’un complot d’Etat ? C’est dire que le commissaire du gouvernement, en lieu et place d’une demande d’une condamnation à une peine maximale devrait requérir avec courage l’incompétence de la haute cour de justice.
Toutefois, compte- tenu des circonstances politiques particulières et des enjeux, nous pouvons comprendre que le commissaire du gouvernement de l’époque ne pouvait pas aller au-delà de certaines limites dans la mesure où il était tenu par l’écrit et que la parole restait libre. Lui-même soutient dans le livre « je sais que la haute cour de justice, par essence et par composition a déjà prononcé la sentence avant même l’ouverture du procès. La participation de magistrats ne sert qu’à couvrir du manteau de la légalité une exécution sommaire déjà programmée » ; De sorte que le procès de Mamadou Dia ne fut qu’une parodie de procès. Pourquoi avait-il accepté de faire la besogne dès lors qu’il avait la liberté de refuser ?
Bien entendu, qui voudrait se débarrasser de son chien l’accuse de rage, si bien que la panoplie de fautes administratives minutieusement fabriquées étaient destinées à fonder et à soutenir l’accusation politique d’un complot imaginaire ourdi par le président Mamadou Dia contre le Président Senghor.
Le juge Ousmane Camara soutient également à travers les lignes de son livre l’existence de relations politiques conflictuelles entre le Président Senghor et le Président Mamadou Dia et l’impossibilité d’une cohabitation entre deux capitaines pour une place dans un même bateau. Cette considération à la fois simpliste et fausse constitue une hypothèse soulevée pour donner une cohérence ou une justification aux thèses soutenues et, en même temps, un moyen pour se dédouaner ou se donner bonne conscience.
Car, en fait, il n’y avait pas de conflit politique réel de leadership ou de différence de vue profonde entre les présidents Senghor et Dia qui étaient deux hommes politiques de tempéraments différents certes, mais, majestueusement complémentaires, en plus du fait que Mamadou Dia, jusqu’au plus fort de la crise, vouait une amitié sincère au président Senghor qu’il considérait comme son leader et qui l’interdisait à conspirer contre lui. La vérité en est qu’il y avait une vraie conspiration organisée par des forces compradores obscures, tapies dans l’ombre du président Senghor et hostiles au président Mamadou Dia, forces obscures dont l’objectif était de procéder à son élimination politique en raison de l’étendue de ses pouvoirs constitutionnels et de son esprit nationaliste et auto gestionnaire.
La haute trahison ne se trouverait-elle pas alors du côté de ces forces obscures et de leurs partisans ?Les comploteurs sont allés même jusqu’à utiliser l’Islam confrérique au Sénégal pour empoisonner les relations entre les familles religieuses du Sénégal et le constructeur de la grande mosquée de Dakar qui avait reçu à Diourbel, alors qu’il avait 10 ans, les bénédictions de Serigne Touba qui le tenait par la tête lors d’une procession de fidèles .Si bien que, dans le but de réaliser ce sinistre objectif de liquidation politique du président Mamadou Dia, une motion de censure fut initiée par un groupe de députés devant le parlement sans que cette initiative soit préalablement débattue au niveau du parti et en conseil des ministres, selon même la doctrine de la primauté du parti sur l’Etat dans un régime de parti unique ou unifié, laquelle thèse était défendue par Dia. Qui pouvait être plus légitimiste que le Président Mamadou Dia
Les gens oublient ,parfois, que c’est le Président Senghor qui avait fait entrer Mamadou Dia en politique vers les années 1946 à Fatick où il était enseignant et syndicaliste et que ce dernier en 1960 refusa la proposition du président Modibo Keita de le porter à la tête de la fédération du Mali à la place du Président Senghor, lequel refus provoqua l’éclatement de la fédération; il y’a lieu aussi de mentionner que dans les discussions entre Senghor et Dia, à l’indépendance du Sénégal pour le choix d’un régime politique d’un Etat qui venait de naître, le président Senghor était partisan d’un régime parlementaire, tandis que le Président Dia était partisan d’un régime présidentiel fort : Qui pouvait être plus loyal et honnête à l’égard d’un homme que le président Mamadou Dia qui mettait toujours en pole position le Président Senghor dans les sphères de décision, bannissant du coup les tenants de la thèse de l’existence d’une dyarchie à la tête de l’Etat ?
En dépit du fait que le commissaire du gouvernement de l’époque reconnut qu’à son intime conviction Mamadou Dia n’avait ni préparé, ni intenté un coup d’État, il soutient contradictoirement qu’il avait utilisé des moyens illégaux pour une cause juste. Les moyens illégaux, en réalité étaient fabriqués et, qu’en définitive, la cause juste devrait l’emporter sur les soi-disant moyens illégaux, si tant est que la légitime défense demeure un principe immuable du droit.
Le président Mamadou Dia ne pouvait pas assister impassible à sa liquidation politique. Tout au plus, au vu des nouvelles circonstances avec le développement de la crise, il avait tenté le plus naturellement du monde de réunir ses amis pour en débattre, ce que les autres faisaient par ailleurs au point de réunir le parlement dans un domicile privé, en dehors de son siège, pour le vote de la motion de censure Ce vote de la motion de censure hors de l’hémicycle était-il légal ?
Lorsque que, au plus fort de la crise, Me Valdiodio Ndiaye ministre de l’Intérieur de l’époque était venu voir le Président Mamadou Dia pour prendre des mesures conservatoires (…), l’ancien président du conseil refusa de les lui donner au motif de son attachement sentimental au Président Senghor. Quelles raisons existentielles pouvaient être supérieures aux valeurs cardinales sociétales défendues par Dia ?
Le président Senghor, humaniste de renom, disait que, dès le jour suivant la mise en détention du président Mamadou Dia, il avait voulu l’élargir. Toutefois, des raisons politiques d’ordre néocolonialiste de conservation d’intérêts étrangers avaient pris le pas sur la justice des hommes et présidé à la décision d’incarcération de Mamadou Dia et ce dernier, jusqu’à son élargissement en 1974, refusa de reconnaître une quelconque faute de sa part lors des événements de 1962.
Quand l’histoire est utilisée pour soi aux fins d’une justification à postériorité afin de se donner bonne conscience, l’élégance et la noblesse disparaissent.
Cependant, que les uns et les autres ne se fassent pas de soucis pouvant être liés à des problèmes de conscience ou d’inquiétudes dans nos rapports avec notre créateur, car le Grand Maodo a pardonné tout le monde et que l’épreuve qu’il avait subi lui a permis de se rapprocher de son créateur et de parfaire sa piété, au point de regretter à sa libération ,sa retraite spirituelle dans la forteresse sur les hauteurs près des monts du Fouta Djallon, ainsi que les oiseaux de Kédougou qui venaient le voir et qu’il gavait de nourritures de la fenêtre de sa cellule.
Point n’est besoin de rouvrir les plaies de l’histoire pour une révision de procès déjà faite.
Par Henriette Niang KANDE
DAKAR, CAPITALE DIVERGENCE
Être maire de Dakar, ce n’est pas seulement diriger une ville. C’est occuper une place stratégique dans le paysage politique sénégalais, entre influence locale et rayonnement national. Mais, Mamadou Diop, Pape Diop, Khalifa et Barth en ont fait les frais
La Ville de Dakar s’est toujours affirmée comme le cœur battant de la vie politique sénégalaise. Ses enjeux démographiques, ses figures politiques emblématiques et ses dynamiques sociales en font une plateforme stratégique pour toute ambition électorale. Son rôle dans l’échiquier politique ne peut aller que crescendo, confirmant ainsi son statut de poumon politique et électoral du pays. Etre le maire de Dakar, ce n’est pas seulement diriger une ville. C’est occuper une place stratégique dans le paysage politique sénégalais, entre une influence locale et un rayonnement national. International même. C’est également revêtir une importance politique unique, un mélange de pouvoir symbolique, économique et institutionnel. La fonction confère une visibilité exceptionnelle. Mais, Mamadou Diop, Pape Diop, Khalifa Sall et Barthélémy Dias en ont fait les frais.
Depuis l’indépendance du Sénégal en 1960, Dakar s’est imposée comme le pivot de la vie politique et électorale du pays. Capitale politique, économique et culturelle, cette mégapole incarne un enjeu stratégique pour les partis politiques et les candidats à la présidence. Avec ses 4 millions d’habitants, Dakar est bien plus qu’une capitale: c’est le thermomètre de l’opinion publique nationale. Lors des scrutins présidentiels et législatifs, cette densité électorale confère à la capitale un rôle décisif. Gagner Dakar représente un avantage psychologique et numérique crucial pour les candidats, car la ville donne imprime le reflet de dynamiques nationales, soulignant son poids stratégique.
Pendant 40 ans, le Parti socialiste a dominé Dakar, en ayant recours à partir de 1993 à des fraudes massives, selon l’opposition, pour ne pas perdre la mairie de la ville. L’année 1996 marque un tournant avec la nouvelle réforme de la décentralisation, qui renforçait les pouvoirs des collectivités locales. Ce changement a aiguisé les appétits politiques, transformant les élections municipales en un véritable bras de fer entre le Parti socialiste (PS), au pouvoir, et une opposition de plus en plus structurée. Dakar, en tant que capitale économique et politique, représentait un terrain hautement symbolique pour cette bataille.
Les élections locales de 1996 ont été l’un des scrutins les plus houleux de l’histoire électorale du pays. Spécialement dans la capitale sénégalaise. Dès le début du processus électoral, les tensions sont palpables. Plusieurs partis d’opposition dénoncent des irrégularités dans la distribution des cartes d’électeur et le recensement des votants.
Le scrutin, marqué par des irrégularités et de très fortes tensions. La contestation postélectorale, menée par l’opposition, Abdoulaye Wade en tête, et d’autres leaders, crient à la fraude massive et les observateurs nationaux et internationaux présents sur place constatent des manquements graves à l’organisation du scrutin. Les accusations de fraude se multiplient, visant directement le Parti socialiste et ses élus locaux, accusés de vouloir maintenir leur mainmise sur la capitale
Ils exigent l’annulation des résultats dans plusieurs communes et appellent à une mobilisation populaire. Face à l’ampleur de la crise, les autorités électorales se voient contraintes de réagir pour éviter un embrasement généralisé. Des résultats sont annulés dans certaines communes et les citoyens invités à revoter. Cette décision des autorités est perçue comme un aveu d’échec des autorités. Finalement, les résultats confirment la victoire du Parti socialiste dans plusieurs communes stratégiques, mais au prix d’un profond discrédit. Pour l’opposition, ces élections symbolisent un tournant, marquant leur progression dans la capitale et préfigurant la chute du PS en 2000.
Mamadou Diop, le parti socialiste et l’administration locale
La trajectoire politique de Mamadou Diop, maire de Dakar durant plus d’une décennie entre les années 1984 et 2002, reste à la fois remarquable et semée d’embûches. Arrivé à la tête de la capitale sénégalaise dans un contexte de transformations sociales et politiques majeures, il a dû composer avec une scène locale souvent agitée, marquée par des tensions entre les autorités centrales, membres du Parti socialiste et les attentes croissantes des populations.
Pendant près de deux décennies, la mairie de Dakar a été le théâtre d’une relation complexe entre Mamadou Diop et le Parti socialiste dont il est membre. En tant que maire, il a été un acteur central du pouvoir local, mais également un rouage essentiel dans la mécanique politique du PS, marquée par des alliances, des tensions internes et des jeux d’influence permanents.
Dès son arrivée à la mairie, Mamadou Diop s’est heurté à un système où la décentralisation est balbutiante. Si la Constitution sénégalaise prévoyait une autonomie relative pour les collectivités locales, dans les faits, le pouvoir central, le Parti socialiste donc, exerçait un contrôle étroit sur la gestion municipale, ce qui a souvent limité sa marge de manœuvre. Les rapports complexes entre la mairie et l’État ont été au cœur de nombreux blocages, notamment en matière d’urbanisme et de financement des projets structurants pour la ville.
Membre fidèle du Parti socialiste, Mamadou Diop a bénéficié du soutien à la fois politique et institutionnel du régime. Ce lien étroit lui a permis de s’imposer durablement à la tête de Dakar, une ville stratégique dans le dispositif électoral et économique du pays. Dakar était alors considérée comme une « vitrine politique », où le PS devait maintenir son ancrage face à une opposition croissante.
Cependant, cette relation n’était pas exempte de frictions. Au sein du Parti socialiste, les critiques à l’égard de Mamadou Diop ont émergé au fil des années. Certains barons du parti, aspirant eux aussi à des postes influents, voyaient en lui une figure parfois trop autonome. La centralisation du pouvoir au sein du PS, a souvent limité les initiatives locales et mis Mamadou Diop dans une posture délicate
Par ailleurs, la métropole dakaroise, en proie à une urbanisation incontrôlée et des revendications sociales pressantes, était un terrain fertile pour l’opposition. Les premières fissures apparaissent à la fin des années 1990, lorsque les contestations populaires s’intensifient. La pression des syndicats, des acteurs de la société civile et des électeurs frustrés à laquelle il faut ajouter celle de l’opposition, se fait de plus en plus grande, fragilisant l’assise politique du PS à Dakar et, par ricochet, celle de Mamadou Diop.
Sous la pression constante des populations, Mamadou Diop a dû faire face à l’accroissement des besoins en infrastructures. Dakar, qui s’imposait comme la métropole économique du pays, était étouffée par une urbanisation galopante et une explosion démographique. Les problèmes d’assainissement, de gestion des ordures et d’aménagement urbain se sont multipliés. de la mairie.
Et la tâche du maire était d’autant plus complexe qu’elle s’inscrivait dans un environnement politique national tendu. Dans les années 1990, alors que l’opposition gagnait du terrain face au Parti socialiste, au pouvoir depuis l’indépendance, Mamadou Diop est devenu la cible de critiques dont les plus virulentes, venaient de son parti. Si les opposants lui reprochaient son appartenance au système politique dominant et une gestion opaque et autoritaire, il est même arrivé que ses camarades de parti lui interdisent une campagne d’affichage en prévision de l’élection municipale de 1996!.
En parallèle, la crise économique qui frappait le pays à cette époque a laissé des traces profondes dans la gestion municipale. Les recettes fiscales étaient insuffisantes pour répondre aux ambitions de modernisation de la ville. Mamadou Diop a tenté d’y répondre par des partenariats public-privé, mais ces solutions n’ont pas toujours rencontré l’adhésion des populations, qui y voyaient une marchandisation des services essentiels.
Malgré ces difficultés, Mamadou Diop a laissé un héritage contrasté. Certaines de ses réalisations, comme la modernisation partielle de l’administration municipale sont reconnues.
Face à ces pressions, le maire, tout en restant loyal au PS, tentera de naviguer entre ses devoirs envers le parti et ses responsabilités vis-à-vis des habitants. Mais cette équation s’avéra difficile à résoudre, d’autant que le Parti socialiste s’essoufflait nationalement, laissant entrevoir une alternance. En 2000, avec l’arrivée d’Abdoulaye Wade au pouvoir et la chute du PS, Mamadou Diop, symbole de ce système en déclin, se retrouve isolé
Ainsi, la relation entre Mamadou Diop et le Parti socialiste illustre les dynamiques complexes de la politique pour diriger Dakar. Si elle a été longtemps bénéfique pour les deux parties, elle a fini par souffrir des tensions internes et des évolutions du paysage politique. Mamadou Diop, en tant que maire, restera une figure emblématique, mais aussi l’un des derniers représentants d’une époque où le PS dominait sans partage à Dakar, la scène politique sénégalaise.
Pape diop, une ascension politique sous l’ombre du pouvoir
Pape Diop, fidèle d’Abdoulaye Wade élu président de la République en 2000 , et cadre du Parti démocratique sénégalais (PDS), bénéficie du soutien direct du président pour accéder à la tête de la mairie en 2002. Cette victoire électorale survient dans un contexte où le pouvoir central cherche à renforcer son ancrage à Dakar, stratégique tant sur le plan économique que symbolique.
Rapidement, les critiques se font entendre. Certains observateurs et opposants accusent Pape Diop d’être moins un maire autonome qu’un « gardien de la place » pour le clan Wade. Les spéculations se concentrent particulièrement sur Karim Wade, alors conseiller spécial de son père et figure controversée. L’arrivée de Pape Diop est perçue par certains comme une manœuvre pour stabiliser Dakar en attendant que Karim Wade soit en mesure de briguer des fonctions électorales.
Les soupçons se nourrissent des interventions régulières du pouvoir central dans les affaires de la mairie. La relation de confiance entre Pape Diop et Abdoulaye Wade est à double tranchant. Si elle permet à la capitale de bénéficier de financements importants pour des projets majeurs, elle accentue aussi les critiques sur l’autonomie du maire. La gestion de projets comme la modernisation des infrastructures et l’aménagement urbain est souvent associée aux ambitions de Karim Wade, qui dirige parallèlement plusieurs programmes nationaux d’infrastructures, notamment ceux de l’Agence nationale de l’Organisation de la Conférence Islamique (ANOCI). Cette superposition de compétences alimente les soupçons d’une stratégie coordonnée pour asseoir l’influence du fils du président à Dakar.
Au fil des années, les interrogations se multiplient. Pape Diop est-il un simple exécutant des plans de la présidence ? Les tensions montent lorsque Karim Wade commence à jouer un rôle de plus en plus visible dans la gestion des affaires publiques. L’idée d’une succession dynastique, avec Karim Wade préparé pour prendre la tête de Dakar, devient un sujet central dans les discours de l’opposition. Certaines décisions prises par la mairie, sont interprétées comme des initiatives visant à créer un socle électoral pour Karim Wade. Pour l’opinion publique, la frontière entre les rôles de Pape Diop et de Karim Wade est floue.
C’est ainsi que son passage à la tête de la mairie de Dakar est marqué par cette ambivalence : un maire reconnu pour sa capacité à réaliser des chantiers d’envergure, mais aussi perçu comme un maillon d’une stratégie politique plus large orchestrée par Abdoulaye Wade, pour son fils. Les soupçons persistants jusqu’à sa défaite en 2009, ont contribué à alimenter les débats sur l’équilibre entre loyauté politique et gestion locale qui s’entremêlent, au point de brouiller les lignes.
2009 a vu l’opposition occuper l’Hotel de Ville. C’est cette situation qui prévaut encore aujourd’hui. Les manifestations contre la loi constitutionnelle en 2011, qui visait à instaurer un “ticket présidentiel” favorable à Abdoulaye Wade, ont trouvé leur épicentre dans les rues de Dakar. En 2021 et 2022, les manifestations de soutien à Ousmane Sonko, opposant radical à Macky Sall, sont parties de Dakar pour faire tâche d’huile dans le pays. Ces mobilisations populaires, largement relayées par la jeunesse, ont contribué à faire revoir leurs plans aux pouvoirs en place.
Khalifa Sall, Barthelemy T. Dias : sous l’étau politique et judiciaire
Si Mamadou Diop et Pape Diop ont vécu les plus fortes résistances dans leur parti respectif, le Ps et le Pds, le sort réservé à Khalifa Sall et à Barthélémy Dias illustre un problème plus large de la démocratie sénégalaise : la confusion entre justice et politique. Ces deux hommes sont devenus des symboles de la résilience face à des régimes perçus, par les opposants du régime de Abdoulaye Wade, de Macky Sall puis de ceux d’aujourd’hui, comme oppressifs. Leurs cas interrogent sur l’indépendance de la justice et la capacité des institutions à garantir un jeu politique équitable.
Khalifa Sall : une chute préméditée ?
Elu à la tête de la capitale en 2009 sous le régime de Me Abdoulaye Wade et du PDS et alliés, il a été réélu en 2014, quand Macky Sall était président de la République depuis deux ans déjà. Sa popularité, il l’a bâtie sur son pragmatisme et sa proximité avec les Dakarois, en initiant des projets innovants, s’appuyant sur des pouvoirs que lui conféraient les transferts de compétences contenus dans l’Acte II et III de la Décentralisation.
En 2017, une accusation de détournements de deniers publics dans ce qui a été appelé « l’affaire de la Caisse d’avance de la mairie de Dakar », le plonge dans un tourbillon judiciaire qui l’a conduit en prison. L’affaire repose sur l’utilisation de fonds de la mairie estimés à 1,8 milliard de francs CFa. Les enquêtes menées par l’Inspection générale d’Etat ont conclu à un détournement, mais ses partisans réclament une lecture plus nuancée des faits, invoquant des pratiques administratives courantes et un manque de preuves tangibles. Condamné à 5 ans de prison, le verdict a été interprété comme étant une manœuvre politique, visant à écarter un adversaire politique potentiel de Macky Sall, président de la République. Pour rappel, lors de la campagne présidentielle de 2012, Macky Sall avait promis de raccourcir le mandat présidentiel, en le faisant passer de 7 à 5 ans. Mais le Conseil constitutionnel en avait décidé autrement.
Son immunité parlementaire levée en pleine procédure judiciaire et sa radiation de la mairie de Dakar actée, sa mise au ban du Parti socialiste allié dans la coalition de Macky Sall, son inéligibilité déclarée ont suscité une vague d’indignation aussi bien sur le plan national qu’international. L’opposition et des organisations de la société civile dénoncent une instrumentalisation de la justice pour tuer dans l’œuf, toute velléité de concurrencer Macky Sall à la présidentielle de 2019.
Libéré en 2019 suite à une grâce présidentielle de Macky Sall réélu, Khalifa Sall reste inéligible. Il n’abandonne pas ses activités politiques, se posant comme un rassembleur et initiant des alliances conjoncturelles qui se sont défaites sur des coups de tête et d’égos hypertrophiés. Redevenu éligible, se présente sa candidature à la présidentielle de 2024, qui s’est soldée par un cuisant échec.
Barthélémy Dias, le combat permanent
Vendredi dernier dans la matinée, un arrêté rendu public, signé du préfet de Dakar, révoquait Barthélémy T. Dias l’une des figures les plus déterminantes mais aussi les plus controversées de la scène politique sénégalaise. Maire de Dakar depuis janvier 2022, il incarne cette nouvelle génération de leaders audacieux. Qu’ils soient au pouvoir ou pas. Retracer le chemin politique de Barthélémy Dias revient à explorer l’évolution d’un homme qui a su imposer son style direct et combatif dans un paysage politique souvent polarisé.
En devenant maire de la commune de Fann-Mermoz-SacréCœur, en 2009, Barthélémy Dias fait de cette station une tribune pour exprimer ses positions tranchées contre les injustices et les dysfonctionnements du système politique du pays dirigé à l’époque par Me Abdoulaye Wade.
Une polémique nait en 2011, lorsqu’un jeune homme, (nervi pour l’opposition, non membre du parti pour le Pds) est tué devant la mairie. Cet évènement a entrainé pendant 13 ans, des implications judiciaires, des polémiques politiques, une polarisation des opinions publiques. Les évolutions récentes se sont terminées par la perte de son mandat parlementaire suite aux législatives de novembre 2024 et par sa révocation de la mairie de la Ville de Dakar, le vendredi 13 décembre.
Les positions politiques suite à la mort de Ndiaga Diouf ont été prises selon le moment, selon les régimes. Quant à Barthélémy Dias, il a toujours crié avoir agi en légitime défense, face à une attaque orchestrée contre sa mairie de commune et son éventuel assassinat et a dénoncé l’utilisation de nervis pour intimider les opposants du régime
Le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) a toujours nié son implication dans l’organisation de l’attaque et s’est défendu d’avoir parmi ses membres, Ndiaga Diouf, qu’il ne qualifie pas de nervi, mais une victime de violences politiques
Macky Sall, opposant à Wade en 2011, a implicitement soutenu Barthélémy Dias et dénoncé ce qu’il considérait comme une tentative de manipulation politique et judiciaire du régime de Abdoulaye Wade pour neutraliser un opposant très critique. Son parti, l’Alliance pour la République (APR) se montrait solidaire du maire de la commune de Fann-Point E – Amitié et a de temps en temps, pris prétexte cette affaire pour renforcer son discours contre le régime de Wade, qu’il accusait de créer un climat de tension et de répression visant à se maintenir au pouvoir par tous les moyens, en vue de l’élection présidentielle de 2012, s’inscrivant de ce fait dans une stratégie plus large de mobilisation contre le régime de l’époque
En 2012, Macky Sall est élu président de la République et l’APR et la coalition qui la soutient sont majoritaires à l’Assemblée nationale. Parmi les alliés, le Parti socialiste auquel appartient Barthélémy Dias. Le régime affirme que l’affaire relève de la justice. Dias poursuit ses activités et assure ses fonctions politiques. Des critiques se font entendre, interprétant cela comme étant une volonté de Macky Sall de ne pas fragiliser la coalition qui le soutient.
En 2017, Barthélémy Dias est condamné à deux ans de prison ferme pour « coups mortels », mais n’a pas été incarcéré immédiatement, pour raison de remises de peine. La peine a été confirmée en appel en 2022 et attestée définitive en décembre 2023 par la Cour Suprême qui a rejeté le pourvoi en cassation de Dias. Pour les partisans de Macky Sall, cette condamnation n’a fait que renforcer le fait que le régime observait strictement la séparation des pouvoirs.
Pour le nouveau pouvoir installé en avril 2024, cette condamnation définitive entraine la déchéance de Barthélémy Dias de son statut de député élu lors les élections législatives de novembre 2024. De son côté la famille de Ndiaga Diouf qui avait entrepris des démarches pour recouvrer les 25 millions de F CFa de dommages et intérêts que Dias devait payer, sous peine de contrainte par corps a été créditée de cette somme le 12 décembre, par la sœur de Barthélémy, en raison de l’insolvabilité de son frère.
Suite à la déchéance de son statut de député de la XVème législature, Barthélémy Dias s’est vu notifié, le 13 décembre, par le préfet de Dakar, sa « démission de [son] mandat de conseiller municipal, de la Ville de Dakar » . Cette décision du préfet a pour base, la lettre du « citoyen Beyna Guèye, datant du 10 décembre, fondée sur l’article 277 du Code électoral ». En réponse, Barthélemy Dias a marqué un refus de cette décision, tant que ses recours ne sont pas épuisés et a qualifié sa révocation de manœuvre politique. Pour l’heure, les débats juridiques, les arguments des sachants ou non, inondent les plateaux de télévision, les ondes des radios et les réseaux sociaux
Dans ce cas précis, la mort de Ndiaga Diouf a révélé des fractures profondes dans le paysage politique sénégalais, qui se pansent vaille que vaille selon les alliances (parfois contre-nature) ou mésalliances du moment et continue encore aujourd’hui à polariser les débats autour des questions de rivalités politiques qui se transforment en batailles juridiques.
Le budget : le champ de bataille
D’une centaine de millions de F CFa en 1984, le budget de la Ville de Dakar, avec un budget qui dépasse 60 milliards de F CFa, et représente un enjeu stratégique pour les hommes politiques. Or, la capitale est qualifiée de « bastion de l’opposition » depuis 2009, qui tient tête aux régimes en place. Ces fonds, alimentés par une combinaison de recettes fiscales, de taxes aux entreprises, de subventions de l’Etat et de partenaires internationaux, destinés à financer des infrastructures, des équipements sociaux, attisent convoitises et rivalités au sein de la classe politique. Surtout de celle des régimes au pouvoir avec toujours de forts soupçons de faire de la mairie de Dakar, un tremplin pour la présidence de la République, qui se trouve à un jet de pierre.
C’est la raison pour laquelle chaque élection municipale est une véritable bataille pour le contrôle de cette ressource stratégique. L’enjeu est clair. Maîtriser le budget de Dakar, c’est non seulement disposer de moyens financiers importants, mais aussi contrôler un levier d’influence politique considérable. Les enjeux de ce budget vont bien au-delà des simples chiffres : ils traduisent des luttes de pouvoir et des visions concurrentes pour l’avenir de la capitale. Cette lutte pour le contrôle de la mairie est d’autant plus intense que Dakar « est dans l’opposition » dans un paysage politique national dominé par le parti au pouvoir. Les deux derniers maires de la Ville, Khalifa Sall et Barthélémy Dias en sont des exemples emblématiques. Sous leurs gestions respectives, Dakar a été au centre de nombreuses initiatives de développement, mais aussi de controverses politiques, notamment avec son incarcération et sa radiation suite à des accusations de mauvaise gestion, pour le premier nommé et celle de Barthélémy Dias, suite à l’ « affaire Ndiaga Diouf », sont perçues par beaucoup comme une tentative d’affaiblir des figures politiques montantes de l’opposition et des manœuvres pour écarter des adversaires potentiels. Ce type de confrontation illustre comment la mairie de Dakar est un champ de bataille politique au sens propre et chaque élection municipale, à Dakar, un véritable enjeu national.
par Gilles Yabi
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SAUVER LES ACQUIS DU PROCESSUS D’INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE DE L'OUEST
Aucune remise en cause de ses piliers, et notamment du protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance, ne doit être envisagée pour faire plaisir à ceux qui veulent en réalité un retour aux régimes autocratiques en Afrique de l’Ouest
Ce 15 décembre 2024, la CEDEAO tient à Abuja son dernier sommet ordinaire avant le départ des États membres de la Confédération des États du Sahel, à savoir le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Les ambassadeurs puis les ministres des Affaires étrangères et de la Défense se sont déjà réunis à Abuja. Il faudra décider des termes de la séparation entre la CEDEAO et les pays de la Confédération des États du Sahel. Lors d’une réunion ministérielle le 13 décembre à Niamey, ces derniers ont rappelé une nouvelle fois que leur décision de retrait de la CEDEAO était « irréversible ».
J’avais publié une tribune en juin dernier sur le site de WATHI, qui reprenait essentiellement mon intervention lors d’un événement public organisé par le bureau de représentation de la CEDEAO auprès des Nations unies à l’occasion de la célébration des 49 ans de l’organisation régionale à New York le 7 Juin 2024. Je terminais le texte par ces mots :
« Ce qui se jouera dans les prochains mois, ce sont les contours de l’Afrique de l’Ouest dans laquelle vivront les jeunes, les enfants, nos enfants, au cours des prochaines décennies. Le choix qui est devant nous, c’est celui de continuer à croire en la possibilité de faire de l’Afrique de l’Ouest un espace de progrès collectif, de liberté, où les droits fondamentaux sont protégés. L’autre choix, c’est la résignation qui consisterait à accepter que notre espace soit profondément et durablement fragmenté, que chaque pays se referme sur lui-même et sur ce qu’il perçoit comme étant ses intérêts strictement nationaux. Cela consisterait à accepter de prendre le risque réel et très élevé d’un retour, partout ou presque, de régimes autocratiques où les dirigeants n’ont de comptes à rendre à personne ».
Quelques évènements récents permettent de bien comprendre à quoi je fais allusion. Moussa Tchangari, secrétaire général de l’association Alternative Espaces Citoyens, une des voix les plus fortes et respectées de la société civile nigérienne et ouest-africaine depuis des décennies, a été brutalement enlevé chez lui le 3 décembre par des hommes armés qui l’ont emmené vers un lieu inconnu et gardé au secret pendant deux jours. Moussa Tchangari fut un de nos intervenants lors d’une table ronde virtuelle organisée par WATHI le 19 septembre dernier sur le thème de l’état des lieux sécuritaire dans le Sahel et les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest.
Le même 3 décembre à Conakry en Guinée, le journaliste Habib Marouane Camara, responsable d’un site d’information, a été enlevé par des gendarmes selon les témoins de la scène. Et depuis plus de cinq mois désormais, deux voix fortes de la société civile en Guinée, Oumar Sylla alias Foniké Menguè, coordonnateur du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), et Billo Bah, responsable des antennes et de la mobilisation du FNDC, ont disparu après avoir été enlevés par des éléments des forces armées. Au Burkina Faso, beaucoup de journalistes, d’acteurs de la société civile, de personnalités critiques de la dérive violente du pouvoir militaire ont dû s’exiler, en Côte d’Ivoire, au Sénégal ou ailleurs.
Soyons clairs : des violations graves de droits humains et l’instrumentalisation d’une justice non indépendante sont observables aussi dans des pays de la région dirigés par des civils. Bien au-delà des pays sahéliens sous présidence militaire actuellement, les pratiques politiques réelles dans plusieurs pays côtiers montrent que des dirigeants civils élus qui se disent démocrates ne le sont pas en réalité et sont prêts à toutes les violations des textes constitutionnels pour conserver le pouvoir, pour contrôler toutes les institutions et/ou pour faire main basse sur les ressources de leur pays. Ils aimeraient bien que la CEDEAO abandonne son ambition démocratique et ses principes de convergence constitutionnelle décrits dans le protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance adopté en 2001.
Je rappelle que ce sont des personnalités ouest-africaines, civiles et militaires, qui ont travaillé pendant des années pour élaborer ce protocole conçu comme un complément du protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des Conflits, de Maintien de la Paix et de la Sécurité de décembre 1999. La logique qui n’avait rien d’absurde était celle-ci : la bataille pour le pouvoir politique par tous les moyens est une des sources les plus évidentes des conflits violents dans la région ; alors dotons l’Afrique de l’Ouest d’un ensemble de principes constitutionnels consacrant la démocratie et l’État de droit qui vont être applicables à tous les pays membres.
Alors oui le fonctionnement de la Commission de la CEDEAO est loin d’en faire un modèle de bonne gouvernance, à l’exacte image du fonctionnement moyen des institutions publiques dans les pays membres. Mais au fil des décennies, aux côtés de ceux qui ne sont animés que par la recherche des missions à l’étranger pour les perdiem, des dizaines de femmes et d’hommes des 15 pays membres ont travaillé avec conviction au service de l’intégration, de la sécurité et du développement économique régional, au sein de la commission, des agences spécialisées ou de la Cour de justice de la communauté qui est un véritable instrument de protection et de promotion des droits humains dans la région.
Malgré toutes les insuffisances de son bilan, et malgré des décisions très malheureuses de la Conférence des chefs d’État au cours des dernières années, l’apport de l’organisation aux populations de la région est incontestable et précieux. Aucune remise en cause de ses piliers, et notamment du protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance, ne doit être envisagée pour faire plaisir à ceux qui veulent en réalité un retour aux régimes autocratiques en Afrique de l’Ouest.
Dans l’immédiat, face à la décision de trois dirigeants de fait des États du Sahel central de faire quitter leurs pays et leurs compatriotes de la communauté régionale, sans consultation, les dirigeants de la CEDEAO devraient garder la porte ouverte pendant un certain nombre d’années à un retour, avec un minimum de formalités, de ces États dans la communauté. Il faudrait maintenir pendant cette période un maximum d’avantages pour les populations de ces pays qui n’ont, à aucun moment, choisi de se couper de leurs frères et sœurs, cousines et cousins, des autres pays ouest-africains. Il faudrait aussi proposer un cadre de dialogue entre la CEDEAO et la confédération des États du Sahel sur la coopération dans le domaine vital de la sécurité collective.
Enfin, et c’est peut-être aujourd’hui le message le plus important, il faut que les acteurs de la société civile ouest-africaine, et les acteurs du secteur privé, y compris sahéliens, trop souvent absents des débats sur des questions vitales pour l’avenir de la région, lancent ensemble une campagne destinée à sauver les acquis du processus d’intégration régionale. Il ne faut pas se faire d’illusion : le chemin vers une CEDEAO des peuples, et vers une Afrique de l’Ouest en paix et en progrès, n’est pas compatible avec le retour des nationalismes étriqués et des dictatures civiles ou militaires.
Podcast Les voix et voies de WATHI, à écouter en audio sur Youtube, Spotify, Soundcloud.
PAR KHADY GADIAGA
QUAND LE FÉMINISME SÉNÉGALAIS INSTRUMENTALISE LA NUDITÉ À DES FINS POLITIQUES ET MILITANTES
"Autre temps, autres mœurs ! Les féministes sénégalaises ont décidé d'innover dans leur méthodes de lutte contre le patriarcat machiste et violent en ouvrant le 31 décembre prochain leur nudité à son usage politique et militant."
Autre temps, autres mœurs ! Les féministes sénégalaises ont décidé d'innover dans leur méthodes de lutte contre le patriarcat machiste et violent en ouvrant le 31 décembre prochain leur nudité à son usage politique et militant.
Pour agir ainsi, il faut avoir certainement touché le fond de l'indifférence face aux violences sexuelles infligées aux femmes, témoignant ainsi d'un véritable problème sociétal. On assiste à un déni de la société qui préfère ignorer les victimes féminines de violence en remettant en cause leur parole ou en les culpabilisant sur leur manière de s'habiller, de se comporter, pour les murer dans leur silence. Une culture de violence contre les femmes qui perdure, notamment dans notre environnement médiatique et influence notre perception du phénomène tout en dédouanant les adeptes de ces turpitudes et accablant les victimes.
On peut s'offusquer également du fait qu'à part les féministes convaincues, les femmes et les hommes se mettent rarement en ordre de bataille pour combattre les violences sexuelles. On peut comprendre dès lors le désemparement des activistes et autres influenceurs face au déni organisé et à leur choix de postures de lutte frisant le radicalisation extrême.
Le corps instrument de résistance et de militantisme
Au fil des dernières années, il s’est développé un intérêt marqué pour l’esthétique et les politiques des corps du point de vue des pratiques de résistance et du militantisme.
D'humeur anti-cléricale, anti-patriarcale, libertaire et féministe… du nu sur scène déjà éprouvé par les mouvements féministes, mais aussi par les militants pour les droits des animaux, dans des manifestations festives et étudiantes en Occident et dans le cas des Femen, pour reprendre leur vocabulaire.
Curiosité première au Sénégal pour revendiquer un usage provocateur du corps, nos féministes comptent franchir le rubicon pour se faire entendre en puisant dans leur fureur intérieure pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles d’un patriarcat hétéronormatif tyrannique. Et avoir ainsi l’audace de dire Fuck au patriarcat !
Le corps dénudé est un corps vulnérable. Ne pouvant dissimuler des armes, il est pourtant utilisé comme tel, dans un combat décrit comme guerrier. Si le top-less est arrivé de manière intuitive, il ne fait pas toujours l’unanimité. Que le politique traverse, façonne et marque les corps et que certaines personnes mobilisent leur corps, leur nudité ou leur sexualité aux fins de revendications politiques, ceci suscite nombre de discussions et de réflexions.... L’usage des corps comme outils de protestation et les tactiques de dénuement en particulier sont controversées, notamment au sein des mouvements féministes où leur pertinence politique est régulièrement contestée Tel est le cas, par exemple, du mouvement Free the Nipple qui visait précisément à dénoncer la censure des corps des femmes et à revendiquer le droit à la nudité. Ce mouvement, à l’instar des Femen ou encore de la SlutWalk, a été critiqué comme une forme de féminisme blanc et privilégié, insensible à l’imbrication des oppressions rendant certaines femmes (racialisées, classisées) plus vulnérables à la surveillance, à la violence et aux jugements portés sur leurs corps et leur sexualité.
Repenser en des termes radicalement nouveaux les constructions ontologiques de l’identité.
Dans la pratique politique féministe, il paraît nécessaire de repenser en des termes radicalement nouveaux les constructions ontologiques de l’identité afin de formuler une politique de représentation qui puisse faire revivre le féminisme sur d’autres bases. Par ailleurs, peut-être est-il temps de concevoir une critique radicale qui cherche à libérer la théorie féministe de la nécessité d’avoir à construire une base unique ou permanente, une base vouée à être sans cesse contestée à partir des positions identitaires ou anti-identitaires qui en sont inévitablement exclues. Les pratiques d’exclusion qui fondent la théorie féministe dans une notion des «femmes » en tant que sujet ne sabotent-elles pas paradoxalement les ambitions féministes d’en élargir « la représentation »?
Les hommes ne peuvent pas s’aimer eux-mêmes dans une culture patriarcale si leur propre définition de soi repose sur la soumission aux règles patriarcales.
Lorsque les hommes adoptent une pensée et une pratique féministes, qui mettent l’accent sur la valeur de la croissance mutuelle et de l’épanouissement personnel dans toutes les relations, leur bien-être émotionnel s’en trouve amélioré. Il a été démontré que cette approche est la plus efficace pour réduire la pauvreté et créer un monde inclusif, pacifique et prospère. En éliminant les obstacles à l’égalité et en contribuant à la création de meilleures perspectives, les femmes et les filles peuvent à la fois être de puissants agents de changement et améliorer leurs propres vies ainsi que celles de leurs familles, de leurs communautés et de leurs pays.
La mobilisation des hommes et des garçons est requise pour transformer les rôles et les normes rigides qui ont mené aux inégalités.
Au bout du compte, l’égalité des genres avantage tout le monde.
Il convient également de formater les esprits des plus jeunes à la masculinité positive en mettant en place davantage de campagnes de sensibilisation et de prévention, en développant notamment dès l'école primaire, des classes, qui éduquent les enfants au respect de l'autre et à la sexualité, s'il on veut pouvoir espérer réduire le nombre de viols et la culture de violence à l'encontre des femmes en général.
C'est le combat à mener: convertir le patriarcat aux valeurs humanistes du féminisme ou à la masculinité positive et le tour est joué.
PAR PAPA MALICK NDOUR
MON OPINION SUR LES GRANDES LIGNES DE LA LFI 2025
"Pour la première fois dans l'histoire du Sénégal, aucun don budgétaire n'a été encaissé, bien qu'une prévision de 47 milliards ait été faite dans la LFI 2024. Quelle est le probleme avec les partenaires ?"
Comme promis je reviens sur quelques points essentiels figurant sur la loi de finance 2025 et qui nous renseignent bien sur le projet de LFR 2024.
Il est à noter, durant l'année 2024 :
I. Une contre-performances dans le recouvrement des ressources budgétaires.
1. Les ressources budgétaires ont diminué de 839 milliards, dont les 601 milliards sont imputables aux moins-values notées dans le recouvrement des recettes fiscales et non fiscales. Qu'est-ce qui explique le "gap fiscal de 600 milliards" malgré tout le terrorisme et les harcèlements fiscaux que nous avons notés ces derniers mois?
2. Les recettes non fiscales issues du secteur pétrolier ont chuté de 14,4 milliards par rapport à la LFI 2024, indiquant l'absence de recettes exceptionnelles provenant du pétrole. Quelle est la raison d'autant plus qu'on nous a fait croire ces derniers jours qu'on a eu plus de petrole et de gaz que prévu ?
3. Pour la première fois dans l'histoire du Sénégal, aucun don budgétaire n'a été encaissé, bien qu'une prévision de 47 milliards ait été faite dans la LFI 2024. Quelle est le probleme avec les partenaires ?
II. Un renforcement des depenses de fonctionnement et des coupes budgetaires sur les depenses d'investissement.
1. Les dépenses budgétaires ont augmenté de 681,6 milliards, principalement en raison de l'augmentation des dépenses de fonctionnement, qui ont progressé de 636,9 milliards par rapport à la prévision initiale. Pourquoi vous n'avez pas baissé les depenses de fonctionnement comme promis lors du Conseil des ministres du mercredi 28 Aout 2024 où, le Premier Ministre avait "informé le Conseil de la poursuite de la matérialisation de la directive présidentielle sur la rationalisation des dépenses publiques, par une lettre circulaire portant sur la réglementation de l’usage des consommables informatiques et des appareils électroniques dans les bâtiments administratifs"? (lire communiqué du Conseil du mercredi 28 Août 2024)? Quel a été l'effet de la circulaire primatoriale portant sur la réduction des depenses de l'Etat ?
2. Les dépenses d'investissement financées par les ressources intérieures ont subi des réductions budgétaires de l'ordre de 234 milliards. Pourquoi vous avez préféré cibler des depenses d'investissement à la place des depenses de fonctionnement ?
In fine
En 2024, des pertes de recettes de plus de 600 milliards ont été constatées, malgré le terrorisme fiscal de ces derniers mois. Cependant, le nouveau gouvernement a choisi d'augmenter grossièrement ses dépenses de fonctionnement, de réduire ses investissements et d'aggraver ainsi son déficit qu'il va maintenant imputer à l'ancien régime qui n'est pourtant ni responsable de la moins-values, ni de la hausse des dépenses de fonctionnement.
Par Mbagnick DIOP
LA LONGUE MARCHE POUR LA SOUVERAINETE
L’année 2024 aura été une étape charnière dans l’histoire du Sénégal. S’en est fallu de peu pour voir le pays plonger dans un précipice creusé par un régime aux abois.
L’année 2024 aura été une étape charnière dans l’histoire du Sénégal. En effet, c’est en l’espace de neuf mois que le peuple sénégalais a pris son destin en main dans un contexte politique lourd de menaces et d’incertitudes. S’en est fallu de peu pour voir le pays plonger dans un précipice creusé par un régime aux abois.
Non content d’avoir été contraint à renoncer au troisième mandat qu’il a tant désiré et imposé, le Président Macky Sall a délibérément choisi d’entraîner le Sénégal dans la tourmente. Les nervis armés au moyen de procédures budgétaires nébuleuses, les grandes gueules qui, tels des dragons, ont craché du feu sur les plateaux de télévision, la calomnie pour bafouer l’honneur des juges constitutionnels, l’emprisonnement effréné de plus d’un millier de femmes et d’hommes accusés fallacieusement d’appartenir à une force spéciale sortie de l’imaginaire d’un ministre de l’Intérieur aux méthodes barbares, voilà le cokctail détonnant qui a angoissé le pays en 2024, prolongeant ainsi le malaise issu de la machination et de la répression sanglante enclenchée en 2021.
Face à cette situation, nous devons admettre que le salut du Sénégal est l’œuvre de la main invisible, celle du Seigneur, Dieu-Le Tout-Puissant.
Quant aux acteurs politiques il en est un, en l’occurrence M. Ousmane Sonko, dont la responsabilité et l’intelligence ont permis de transcender les équations qui ont émané de l’attitude exaspérante du Président Macky Sall. C’est en toute sérénité, dans les murs de la prison du cap manuel, que M. Ousmane Sonko a déjoué les coups fourrés juridiques et politiques enchaînés pour compromettre sa candidature à la présidentielle initialement programmée en février 2024.
En lieu et place d’une force organisée, une force citoyenne !
Pendant que Macky Sall menaçait les sénégalais en invoquant des forces organisées, M. Sonko constituait son ossature politique voire sa force citoyenne pour convaincre les sénégalais à envisager l’avenir avec sa carte de cœur en la personne de Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Ainsi fut décliné le bréviaire d’une alliance inoxydable « Sonko Moy Jomay » et « Jomay Moy Sonko ».
Le choix du cœur et de la raison a été donc consacré par 54 % des électeurs qui ont porté Bassirou Diomaye Diakhar Faye à la victoire; celle d’une génération qui a sonné le glas politique des caciques. C’est aussi le début d’une ère politique qui substitue la souveraineté nationale aux rouages d’un système de gouvernance dont les sénégalais n’ont que trop souffert. En attestent les scandales économiques et financiers dont les auteurs ne doivent en aucun cas échapper à la justice. Et puisqu’on s’en remet légalement à la justice, il sied aussi de la rendre à la mémoire des martyrs de la révolution dont l’apogée s’est traduite par l’élection du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye, sous l’égide de Ousmane Sonko
Au total, les 365 jours (2024) seront réécrits en 2025 sur le principe de la souveraineté nationale. Cependant, les sénégalais ne peuvent se soustraire aux sacrifices indispensables pour prendre éternellement leur destin en main. Il ne saurait en être autrement car la souveraineté est une longue marche inscrite dans l’agenda 2050.
Par Mohamad El Bachir SY
POURQUOI UN NOUVEAU PROCES S’IMPOSE D’URGENCE
L’urgence de la réouverture d’un nouveau procès est posée à la lumière de faits nouveaux pour, enfin, rendre justice au président Mamadou Dia et ses quatre ministres : Ibrahima Sarr, Valdiodio Ndiaye, Joseph Mbaye et Alioune Sall.
17 Décembre 1962 - 17 Décembre 2024, et le digne peuple Sénégalais, a en mémoire, qu’au cœur de l'histoire politique sénégalaise, le procès de Mamadou Dia, ancien président du conseil du gouvernement et quatre de ses compagnons, dignes fils du Sénégal ; demeure une énigme douloureuse. Depuis l’indépendance proclamée en 1960, cette figure inoubliable du socialisme africain a été le protagoniste d'un affrontement qui, bien que souvent minimisé, a laissé des cicatrices profondes dans la mémoire collective du pays. En ce moment de réflexion sur les injustices du passé, il est impératif de redéfinir notre compréhension de cet événement, non seulement comme un tournant politique, mais aussi comme une tragédie humaine. Depuis l’aube de l’indépendance, cette figure centrale du socialisme africain a été au cœur d’un affrontement qui transcende les simples rivalités politiques, révélant les ramifications profondes des enjeux de pouvoir, de nationalisme et d’identité collective. Alors que le Sénégal s’engage dans une introspection critique sur ses cicatrices historiques, la nécessité d’une réévaluation de cette affaire se fait d’autant plus pressante.
Dans le contexte tumultueux de l’indépendance, Mamadou Dia et Léopold Sédar Senghor, bien que alliés au départ, incarnent deux visions divergentes de la gouvernance. Mamadou Dia, pragmatique et économiste avisé, aspire à ériger un État moderne, tandis que Senghor, poète et visionnaire, privilégie une approche plus culturelle et humaniste. Cette dualité, bien que complémentaire, aboutit rapidement à un clivage insurmontable, exacerbant les tensions au sein de l’Union Progressiste Sénégalaise. Le 18 décembre 1962, la motion de censure orchestrée par 41 députés illustre non seulement l’intensification des luttes internes, mais également la volonté d’un pouvoir central de maintenir une hégémonie autoritaire.
Le procès de Mamadou Dia est inextricablement lié aux manipulations médiatiques qui ont façonné la perception publique de cette crise. À une époque où Radio-Dakar constituait l’épine dorsale de l’information, le contrôle de cette plateforme par le régime senghorien s’est révélé décisif. Les manœuvres orchestrées pour étouffer la voix de Mamadou Dia, alliées à un traitement biaisé des événements, soulignent l’utilisation insidieuse de la propagande comme instrument de domination. Le silence qui a entouré son arrestation et son procès témoigne d’une stratégie délibérée visant à désarmer toute opposition et à effacer les traces d’une contestation légitime.
L’appel à une révision du procès de Mamadou Dia émerge comme une nécessité fondamentale, non seulement pour rétablir la justice à l’égard d’un homme injustement condamné, mais également pour interroger les fondements mêmes de notre démocratie naissante. Ce processus de réévaluation doit être envisagé comme un acte de réconciliation, un pas vers une meilleure compréhension des enjeux politiques et des responsabilités historiques. La reconnaissance des erreurs du passé est essentielle pour instaurer un climat de confiance et de dialogue, permettant ainsi au Sénégal d’avancer sur la voie d’une gouvernance éclairée.
L’héritage de Mamadou Dia, souvent obscurci par les récits dominants, mérite d’être redéfini à la lumière des faits et des vérités historiques. Les conflits politiques ne sauraient justifier l’effacement des droits humains ni la négation de la dignité d’un leader qui a œuvré sans relâche pour le bien-être de son peuple. En scrutant cette période cruciale, il convient de rappeler que la quête de vérité et de justice est indissociable de l’édification d’une nation véritablement démocratique.
La réhabilitation de Mamadou Dia transcende le simple cadre de la justice individuelle, elle incarne une quête collective pour une reconnaissance des injustices passées. Dans un Sénégal confronté à de nouveaux défis politiques et sociaux, cette réflexion sur les erreurs du passé peut fournir des enseignements cruciaux pour la construction d’un avenir inclusif et équitable. La mémoire de ceux qui ont lutté pour l’indépendance ne doit pas se limiter à un hommage symbolique, mais se transformer en une impulsion pour une gouvernance responsable et respectueuse des droits de tous. Ainsi, le Sénégal, en confrontant son histoire, peut véritablement s’engager sur la voie de la réconciliation et de la prospérité partagée.