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26 avril 2025
Opinions
par Abdoul Aziz Diop
LA QUATRIÈME DISSOLUTION ET LES SUIVANTES
EXCLUSIF SENEPLUS - Les Sénégalais constateront, peu après l'installation des nouveaux députés, l'équivalent d'une deuxième dissolution de l'Assemblée par celui qui en assurera seul le contrôle sous très bonne escorte de son groupe de "jeunes politiciens"
« En vertu des pouvoirs qui me sont conférés par l’article 87 de la Constitution, et après avoir consulté le Conseil constitutionnel sur la bonne date, le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale, sur l’opportunité, je dissous l’Assemblée nationale. La date des élections législatives est ainsi fixée au dimanche 17 novembre 2024.» Cette messe avait été dite le 12 septembre 2024 par le président Bassirou D.D. Faye qui, du coup, obligea la communication politique à prendre une toute autre tournure dont la redoutable connotation anti-démocratique en dit long sur les résultats par bureau de vote à l’étranger et au Sénégal plus que favorables à la coalition Pastef dirigée par l’irascible Ousmane Sonko au terme d’une campagne électorale d’une rare violence et d’une innommable inélégance. Aux militants et sympathisants de Pastef et aux médias qui expliquent tout par la nécessité d’une conformité de la majorité présidentielle avec la majorité parlementaire, le spécialiste et homme politique - candidat malheureux à la députation - oppose une analyse dont les ressorts sont ceux de la communication politique qu’il enseigna sans interruption pendant dix bonnes années.
Tous paresseux !
Si la communication politique se définissait seulement de manière extensive par toute communication ayant pour objet la politique, on ne s’en servirait pas comme outil puissant d’analyse des communications puisque les contenus ne suffiraient pas à tout expliquer comme c’est le cas en 2024 et avant dans nos médias tous canaux confondus (presse écrite, radio, télévision et Internet). De manière restrictive, les spécialistes définissent la communication politique par l’espace où s’échangent les discours contradictoires des trois acteurs qui ont la légitimité à s’exprimer publiquement sur la politique - la vraie bien sûr - et qui sont les hommes politiques, les journalistes et l’opinion publique à travers des sondages (WOLTON, 1997). Mais que savons-nous des valeurs sous-jacentes et des jugements dont l’ensemble constitue l’opinion publique en l’absence de sondages transparents dont on connaît les commanditaires et qui sont rendus publics par des instituts de sondages légalement constitués ? Rien ou presque ! Il n’est donc pas étonnant que le vide créé sur lequel personne ne s’arrête pour le combler au profit des trois acteurs du même espace - celui de la communication politique - soit pour beaucoup dans les très faibles effectifs - moins de 50 % des inscrits - qui s’expriment valablement aux élections législatives depuis longtemps déjà.
Dans leurs relations incestueuses avec les hommes politiques, les journalistes, tous paresseux, n’ont plus que moins d’un électeur sur deux à orienter vers les acteurs politiques de leur choix en discriminant les mouvements, les partis, les coalitions de partis et les démocrates bénévoles qui les animent. Sur 41 listes de candidats, les journaleux ne retinrent que les 4 qu’ils parvinrent à imposer à l’opinion dont le cumul des handicaps profitent aux moins méritants du mouvement des idées ou ce qu’il en reste.
Illusionnisme
Diomaye Faye peut maintenant dissoudre les assemblées consultatives que sont le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) après les avoir décapitées sur injonction de Sonko. Les législatives pliées pour Pastef font, elles, suite à la dissolution de l'Assemblée nationale. Les Sénégalais constateront, peu après l'installation des nouveaux députés, l'équivalent d'une deuxième dissolution de l'Assemblée par celui qui en assurera seul le contrôle sous très bonne escorte de son groupe de « jeunes politiciens nouvellement promus » pour railler l’intelligence politique qui fortifie les cités les mieux organisées du monde. Et de quatre en sept mois en attendant les dissolutions qui viennent.
L'anti-institutionnalisme du percepteur, déjà à son paroxysme, sera à nouveau servi quand Ousmane Sonko tiendra sa promesse de campagne des législatives en obtenant tout ce qu'il veut du ministre de la Justice, de son procureur, maître des poursuites, et du ministre de l'Interieur « content » des bulletins de vote défraîchis et méconnaissables de bon nombre d’adversaires du 17 novembre 2024. Toutes les raisons de désespérer du Sénégal seraient alors réunies. Mais on peut encore compter sur Ousmane Sonko dont l'incompétence technique, la cupidité et l'accélération subséquente de la misère des Sénégalaises et des Sénégalais obligeront le plus grand nombre de jeunes et de moins jeunes à prendre enfin l'initiative de sa propre survie en se séparant, le moment venu, de l'illusionniste à qui plus rien ne pourrait être pardonné. Mon vœu n’est naturellement pas celui-là quand je revois les files d’électrices et d’électeurs qui pensent aujourd’hui encore que leur Sonko ne fera enfin violence en se conformant à la Constitution du pays organisé qui depuis hier soir, après minuit, pense enfin le voir au travail et rien qu’au travail. Mais avec quelle sagesse du chef impulsif bien prompt à déclarer la guerre sans oser la faire sans l’aide des institutions désormais dans sa poche des Danaïdes ?
PAR IBRAHIMA ANNE
RÉ-ENCHANTER LE PEUPLE
"Quand un couple bat de l’aile, il est conseillé au mari de tenter une nouvelle opération de séduction auprès de son épouse. Au sortir de ces élections, ce stratagème devrait être utilisé par la classe politique pour renouer le fil d’amour avec le peuple.
Dans certaines traditions, quand un couple bat de l’aile, il est conseillé au mari de tenter une nouvelle opération de séduction auprès de son épouse afin de remettre la relation à flot. Au sortir de ces élections, ce stratagème devrait être utilisé par la classe politique pour renouer le fil d’amour avec le peuple. Hier, le constat général était que, à la mi-journée, le taux de participation était faible, notamment par rapport à la Présidentielle. A pareille heure, il est même l’un des plus faibles depuis les législatives de 2007 qui avaient été boycottées par l’opposition de l’époque, sortie groggy d’un coup KO du Président Abdoulaye Wade à la Présidentielle précédente.
Même si, en fin de journée, ce taux a sensiblement évolué. Entre l’élection du 24 mars 2024 et les législatives du 17 novembre de la même année, qu’est-ce qui s’est passé pour que l’on en arrive à ce manque d’engouement noté par tous les observateurs ? Certes, l’élection de février s’était muée en une sorte de référendum mobilisateur : pour ou contre le pouvoir sclérosé de Macky Sall. Mais, en sept mois, le changement de comportement électoral questionne. En attendant que des experts à la voix plus avisée que la nôtre y apportent des réponses, il est possible d’ébaucher quelques pistes de réflexions. D’abord, il y a cette proximité entre les deux élections de mars et novembre 2024. La lassitude faisant son effet, il y a, dans toutes les démocraties, une tendance à se détourner des urnes pour vaquer à ses occupations élémentaires.
Ensuite, il y a que, depuis 2012, cette campagne de novembre 2024 a battu tous les records de violences, autant verbales que physiques. Les têtes de listes de Pastef et de Samm Sa Kaddu, respectivement Ousmane Sonko et Barthélémy Dias, n’ont rien fait pour calmer les ardeurs de leurs militants. Ils les auront même exacerbées. Ce qui s’est soldé par les affrontements de Saint-Louis où des citoyens ont été délestés de leurs biens ou, pire, de leurs membres vitaux. Ce fut le summum de cette violence qui a pointé son bout du nez dès le début de la campagne avec les échauffourées notées entre ouailles de Barthélémy Dias et celles de Abass Fall, tête de file de Pastef à Dakar puis l’incendie du siège de Taxawu à Dakar.
Il y a, également, que certains citoyens en sont venus à la conclusion que rien ne vaut la peine d’aller se bousculer devant les bureaux de vote pour des gens qui, une fois élus, tournent le dos à leurs préoccupations quotidiennes pour se livrer à leurs sports favoris : les empoignades, l’invective, les insultes et autres actes que l’on ne devrait pas attendre des élus. Il s’y ajoute que, quarante et une listes pour un corps électoral de 7 371 890 électeurs inscrits – données consolidées de la Direction générale des élections – cela en fait un peu trop.
Il est clair que l’anticipation du scrutin n’a pas permis de faire jouer le filtre du parrainage que le Conseil constitutionnel a fait sauter. Il est tout autant clair que, en 66 jours, entre la convocation du collège électoral et le jour du scrutin, il était difficile de mobiliser les citoyens et les sensibiliser sur l’impératif du vote relativement à l’enjeu, sept mois après l’installation du nouveau pouvoir. Alors, pour mieux ré-enchanter le peuple et offrir une plus grande légitimité aux gouvernants, un certain nombre de correctifs s’imposent, notamment l’instauration d’un bulletin unique, le maintien de la caution et l’espacement des scrutins, à défaut d’un couplage. Le décalage des élections, outre le coût inhérent à l’organisation, donne au citoyen l’impression d’une campagne électorale permanente si ce n’est la routine qui, comme tout le monde le sait, tue l’envie. Et partant, tue la démocratie.
PAR ALIOUNE TINE
GOUVERNEZ MAINTENANT
Pastef et son leader Ousmane Sonko ont déroulé un rouleau compresseur, une déferlante qui n'a rien laissé sur son passage, aucune force politique, aucune coalition ou intercoalition n'a pu résister à cette nouvelle vague politique.
Pastef et son leader Ousmane Sonko ont déroulé un rouleau compresseur, une déferlante qui n'a rien laissé sur son passage, aucune force politique, aucune coalition ou intercoalition n'a pu résister à cette nouvelle vague politique. C'est le jamano Sonko-Diomaye, comme on peut parler de jamano Abdoulaye Wade.
Pour comprendre ce phénomène, il faut d'abord le placer banalement dans la tradition politique sénégalaise de joxe bopp ak lamiñe, autrement dit les sénégalais chaque fois qu'ils élisent un Président, ils lui donnent naturellement la majorité au Parlement. Mais ici, la nouveauté c'est le dysfonctionnement qui a fait que celui qui incarne l'imaginaire des jeunes, Ousmane Sonko, a été empêché d'être Président de la République. Une sorte de "revanche" pour "restaurer" la légitimité politique du leader du parti Pastef Ousmane Sonko.
Ce n'est pas par hasard d'ailleurs que Sonko ait pris le risque de rejeter toute coalition pour imposer Pastef seul pour competir aux législatives, en rejetant toute coalition, pour que la légitimité du parti et du leader soient reconnues de façon incontestable, sans aucune ambiguïté.
C'est pour cela, ni les attaques les plus dures contre Sonko, ni les sorties de route, ni les erreurs, ni les bourdes de Sonko n'aient pu avoir de l'effet sur l'aura et le succès de Sonko et de Pastef. Bref les Sénégalais envers et contre tout, ont décidé de tout donner à Sonko-Diomaye et Pastef pour le succès du projet et pour la rupture systémique.
Maintenant, il faut gouverner, il faut s'entendre pour la distribution et l'exercice harmonieux du pouvoir. Ousmane Sonko, a du pouvoir et il densifie et donne sens à toutes les fonctions qu'il occupe. Il peut promouvoir le pouvoir Parlementaire, qui est un des mécanismes majeurs de transformation de la société.
Pour servir le Sénégal et contribuer à l'équilibre des pouvoirs, il doit occuper la présidence du Parlement.
Président du parlement, Ousmane Sonko en fera un pouvoir qu'il n'a jamais été dans l'histoire politique. On peut densifier le Parlement en renforçant les capacités des parlementaires par le recrutement d'assistants parlementaires qui soutiennent, conseillent et orientent efficacement.
Se concerter et s'entendre sur un PM efficace, compétent, expérimenté et politique. Une intelligence politique consciente des enjeux politiques, économiques, sociaux etc écologiques du moment, pour agir en conséquence.
Il faut réconcilier, apaiser, rassembler en reconnaissant l'opposition comme une institution, en prenant en compte son avis. Aller vers une démocratie avec toute la vitalité, toute l'énergie et toute la substance dans le respect des droits de la personne et de la dignité humaine.
La rupture systémique c'est avec tous les sénégalais qu'il faut le faire dans le respect des valeurs de la république et dans le respect de l'égalité.
Je félicite chaleureusement Ousmane Sonko et Pastef et leur souhaite pleins succès.
Je me réjouis du fair-play des leaders de l'opposition qui sont de la même génération qui ont reconnu la victoire de Pastef et Sonko en félicitant chaleureusement avant même la proclamation des résultats définitifs.
La démocratie et le peuple sénégalais sortent grandis de cette épreuve qui par moments nous a donnés des sueurs froide. Ce qui s'est passé manifeste encore une fois les capacités de résilience de la démocratie sénégalaise. Sonko et Diomaye, gouvernez maintenant en laissant le soin à chaque institution de jouer pleinement son rôle pour le succès du projet et le changement systémique que le peuple appelle de ses vœux.
Par DIAGNE Fodé Roland
POUR UNE SOLUTION POLITIQUE, DEMOCRATIQUE DANS UNE OPTION PANAFRICAINE ANTI-IMPERIALISTE
Crise casamançaise - En tant que patriote, démocrate, panafricain, internationaliste et communiste sénégalais, la plus vieille rébellion indépendantiste interne aux Etats post-indépendants en Afrique est une douloureuse épreuve pour notre Peuple
En tant que patriote, démocrate, panafricain, internationaliste et communiste sénégalais, la plus vieille rébellion indépendantiste interne aux Etats post-indépendants en Afrique est une douloureuse épreuve pour notre Peuple dans le processus d’édification de l’Etat-Nation hérité de la décolonisation néocoloniale françafricaine et eurafricaine.
La balkanisation de l’Afrique, détruisant et interrompant par la conquête militaire le processus endogène de la construction de nations, a marqué le capitalisme importé par la colonisation qui a succédé à la traite et à l’esclavage transatlantique dont l’échine prédatrice a été historiquement brisée par l’héroïque révolution indépendantiste et abolitionniste de l’esclavage de Haïti (Ayiti) au XIXème siècle. L’Afrique a été ainsi arrimée dans le dernier wagon de l’histoire de la naissance du capitalisme en Europe, puis son passage à son stade suprême, l’impérialisme.
Pour coloniser, l’impérialisme a rassemblé ces conquêtes territoriales dans de grands ensembles «panafricains» comme l’Aof et l’Aef. Pour continuer de régner sur l’Afrique, le même impérialisme a ensuite divisé ces grands ensembles territoriaux en Etats-nations néocoloniaux indépendants.
La bourgeoisie et la petite bourgeoisie compradores y ont vu un intérêt de classe en prônant «l’intangibilité des frontières issues de la colonisation» contre le projet panafricain d’un «Etat, un gouvernement, un Parlement, une Armée du continent africain».
L’actuelle seconde phase de libération nationale panafricaine doit remédier à la défaite du projet panafricain de la première phase libératrice de nos prédécesseurs et aller résolument vers «l’union libre des peuples libres» d’Afrique, comme l’avaient proposé les communistes Lamine Arfan Senghor et Tiémokho Garang Kouyaté. Par où commencer à partir de notre Sénégal souverain, cette marche vers l’Etat fédéral africain ?
Le néocolonialisme et la question casamançaise
Le projet du Rda (Rassemblement démocratique africain) de l’indépendance dans l’unité de l’Aof/Aef a été saboté à la fois par l’Ivoirien Houphouët Boigny, rallié à la social-démocratie colonialiste puis au gaullisme néocolonialiste, et par les Sénégalais Lamine Guèye, L.S. Senghor et Mamadou Dia, tous socialistes absents au Congrès de Bamako en 1946, avant qu’ils ne deviennent les fossoyeurs de la Fédération du Mali pour lui substituer l’Etat néocolonial du Sénégal.
Mais étaient présents à Bamako au congrès fondateur du Rda, en octobre 1946, les fondateurs de l’Union des populations du Cameroun (Upc) et le fondateur, Victor S. Diatta, du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) né à Sédhiou le 4 mars 1947 comme une de ses sections territoriales. Le Mfdc est donc né quasiment une année avant la fondation, en 1948, du premier parti néocolonial sénégalais, le Bds de L.S. Senghor et de Mamadou Dia, après leur scission avec le parti colonial social-démocrate Sfio de Lamine Guèye.
Victor S. Diatta est décédé dans des circonstances non élucidées en 1948. Force est donc de constater que le passage du Mfdc au Mouvement autonomiste de Casamance (Mac), et son intégration dans le Bds puis l’Ups et le Ps, se sont opérés dans la période des années 50 à 1960 dans des circonstances non éclaircies jusqu’à nos jours.
La marche pacifique de décembre 1982, d’une foule d’hommes et de femmes de Casamance remplaçant notre drapeau national au nom de «l’indépendance de la Casamance», a donc été une conséquence des non-dits de l’histoire cachée du passage de notre pays du colonialisme au néocolonialisme que suggèrent les propos étonnants de L.S. Senghor lors des élections de 1978 à Sédhiou, selon lesquels «si vous voulez la libération de la Casamance, votez Ps».
Les gouvernements néocoloniaux successifs de Senghor/Abdou Diouf du Ps, de A. Wade du Pds et de Macky Sall de l’Apr/Bby se sont évertués à exercer la solution militaire doublée de l’infestation de l’argent de la corruption sans jamais éteindre la rébellion politicomilitaire en Casamance.
Le tout répressif et la militarisation contre des rebelles retranchés dans la forêt casamançaise n’ont cessé de mettre de l’huile sur le feu sans régler quoi que ce soit des fléaux que sont le silence coupable sur ce qui s’est vraiment passé entre le Mfdc et le Ps, les spoliations foncières, la tragédie meurtrière du bateau Le Joola, les bombardements successifs, les morts de civils et de militaires, l’exil des populations, les mandats d’arrêt contre les dirigeants politico-militaires du Mfdc, les arrestations, les emprisonnements, y compris d’écrivains journalistes casamançais, les accusations farfelues de «rebelle» visant le premier leader sénégalais souverainiste d’opposition d’origine casamançaise, les embargos et autres répressions ethniquement ciblées, etc. Ces politiques répressives sont les marques inhérentes à l’Etat bourgeois françafricain. La politique néocoloniale se révèle en réalité comme une prolongation négrifiée du système colonial.
L’externalisation de la solution militaire a été un échec en Gambie avec la défunte «Confédération sénégambienne» imposée qui a duré de 1981 à 1989, puis avec à la fin des années 90, l’intervention militaire en Guinée-Bissau et récemment sous couvert de la Cedeao en Gambie.
L’édification d’une Nation ne peut être exclusivement un attribut de la force, ni être attribuée dans la durée à l’Armée, ni à l’argent corrupteur, mais doit être éminemment une stratégie souveraine consécutive à l’objectif de la décolonisation politique, économique, culturelle et historique. La Nation et l’Etat multinational résultent de la lutte de libération nationale contre l’oppression impérialiste.
Toutes ces politiques apatrides néocoloniales répressives sont anti-nationales et ne font qu’aggraver le sentiment antinational que «les Casamançais sont des Sénégalais entièrement à part» au lieu d’être «des Sénégalais à part entière».
Le souverainisme anti-impérialiste et la question casamançaise
L’avènement du nouveau pouvoir souverainiste, issu de la rébellion de la jeunesse contre la mal-gouvernance néocoloniale libérale et le pillage impérialiste de nos richesses nationales, est une opportunité pour chercher et trouver une solution souveraine politique, démocratique à cette douloureuse division néocoloniale à partir du double principe suivant : le droit au divorce n’est pas automatiquement et forcément synonyme de l’obligation de divorcer. Si tout mariage comporte le droit au divorce à respecter, la prise en compte de la contradiction principale qu’est l’émancipation antiimpérialiste de l’Afrique est une équation posée et à résoudre par les deux parties. Ainsi, le droit à l’autodétermination, à la séparation légitime doit être compatible avec l’objectif tout aussi légitime de l’union libre des peuples libres d’Afrique.
Notre Sénégal en marche vers la souveraineté nationale antinéocoloniale doit rompre avec les politiques exclusivement répressives néocoloniales françafricaines sur la question casamançaise
La «rupture et la transformation systémique» contre le néocolonialisme doivent s’exercer par le renvoi à terme des bases militaires française, états-unienne, la fin des diktats libéraux du Fmi/Banque mondiale, du franc colonial Cfa, des «accords de coopération» léonins françafricains, des Ape, d’une diplomatie servile françafricaine, mais aussi par le traitement politique souverain démocratique et panafricain de «la crise casamançaise».
Rappelons que le Mfdc originel, après le Congrès de Bamako du Rda, est né sur une orientation panafricaine. Notre nouveau pouvoir souverainiste proclame aussi son option panafricaine.
Tenant compte du lien historique, démographique, culturel entre les populations de la Casamance, de la GuinéeBissau et de la Gambie, il y a donc là une opportunité pour opérer une démarche vers l’Etat fédéral africain par cercle concentrique de proximité, à laquelle notre Etat souverainiste peut et doit associer le Mfdc.
Dans cette optique, nous proposons :
- L’annulation de tous les mandats d’arrêt visant les dirigeants politico-militaires du Mfdc ;
- La libération de tous les prisonniers politiques membres ou non du Mfdc ;
- L’enseignement dans nos programmes scolaires de l’histoire résistante anti-colonialiste de la Casamance et de ses héros, notamment l’héroïne Aline Sitowe Diatta ;
- L’ouverture d’un dialogue participatif démocratique avec le Mfdc dans cette optique panafricaine ;
- Ce dialogue avec le Mfdc doit être un premier pas, suivi du dialogue commun avec la Gambie et la Guinée-Bissau, et ensuite avec l’Aes, étapes dans la longue marche vers l’Etat Fédéral Démocratique Africain.
par Mohamed Gueye
OBSERVATIONS SUR LE TRIOMPHE DE SONKO
Plus qu’à la présidentielle de mars 2024, Ousmane Sonko a fait de la victoire de son parti un triomphe personnel. Il a voulu réaffirmer sa forte emprise sur l’appareil de son parti et ses orientations, mais aussi le caractère incontournable des décisions
Plus qu’à la présidentielle de mars 2024, Ousmane Sonko a fait de la victoire de son parti un triomphe personnel. Il a voulu réaffirmer sa forte emprise sur l’appareil de son parti et ses orientations, mais aussi le caractère incontournable des décisions qui vont influer sur nos vies pendant au moins les cinq prochaines années, sinon plus.
On peut dire que le triomphe est sans conteste. Les résultats provisoires des élections législatives publiés hier, à la fermeture des bureaux de vote, indiquent une victoire écrasante du parti dirigé par le Premier ministre Ousmane Sonko. Pastef/Les Patriotes n’a, semble-t-il, fait nulle concession à ses adversaires dans la lutte pour la conquête du Parlement. Aucun département ne semble avoir échappé à la boulimie de M. Sonko et de ses amis. Et s’il est encore très tôt pour faire des prévisions, on pourrait néanmoins augurer qu’au moins 100 députés vont être aux ordres du Premier ministre. Et si cela se réalise, on peut faire plusieurs observations à partir de la nouvelle configuration de la chambre basse.
Sonko «encombrant» mais plus inutile
La première observation est que Ousmane Sonko a fini d’établir sa totale hégémonie sur la scène politique sénégalaise. Pour notre bien ou le mal de notre pays, rien ne pourra plus se faire dorénavant sans son sceau. Et le triomphe électoral qu’il a ainsi dessiné, lui donne le loisir de décider de son avenir proche ou lointain. Il pourrait ainsi, si telle était sa volonté, quitter la Primature, où il vit avec l’incertitude d’un sort lié à un décret -chose que certains observateurs jugent irréalisable, mais on ne sait jamais…- pour se réfugier au Perchoir de l’Assemblée, et occuper de facto la place de la deuxième personnalité de l’Etat. Ce poste stratégique ne diminuerait en rien l’influence qu’il exerce sur le gouvernement dont la plupart des ministres, sinon tous, sont ses obligés.
L’autre position, pas si inconfortable que cela, serait de mettre à la présidence de l’Assemblée, un de ses hommes liges, à travers lequel il pourra contrôler l’action de «ses» députés, et continuer à maintenir sa proximité physique avec le Président Bassirou Diomaye Faye dont on a tendance à croire qu’il ne se contente pas de lui murmurer à l’oreille, mais plutôt qu’il lui chuchote ses actions.
La seconde observation est que le Peuple sénégalais est resté constant et logique dans ses choix. Malgré une campagne dure et impitoyable, où les acteurs ne se sont pas fait de cadeaux, où ses adversaires ont dévoilé une face des moins reluisantes de Ousmane Sonko, les électeurs n’ont pas voulu se dédire et lui ont renouvelé la confiance qu’ils lui avaient portée en mars 2024. Ils n’ont pas voulu «lui donner la tête et retirer la langue», comme on dit. Et cela est une leçon.
Ses détracteurs disaient qu’il fallait libérer le Président Faye de «l’emprise néfaste de Ousmane Sonko». En privant ce dernier de la majorité à l’Assemblée, on réduisait ce dernier à son rôle préféré d’opposant au pouvoir, qu’il semble affectionner. En plus de créer un équilibre institutionnel, on rognait les ailes au leader de Pastef, en permettant au chef de l’Etat de prendre des décisions sans avoir à s’en remettre à son Premier ministre. Juste ou pas, ce calcul est totalement remis en question. Les Sénégalais ont décidé de donner à Ousmane Sonko les moyens de mener sa politique, pendant les 5 années à venir, avec toutes les conséquences que cela va emporter dont la première est que le duo Sonko mooy Diomaye reste soudé. Et ses opposants devront avaler la couleuvre de voir aux côtés de Diomaye, un Sonko, toujours «encombrant», mais pas «inutile» pour ses amis.
Macky et ses comptes avec Amadou Ba
L’autre observation est que, dans l’opposition, la bataille du leadership reste encore d’actualité. Les 35% récoltés par Amadou Ba à la Présidentielle de mars ont été balayés et le jeu est refait. Tel que les tendances se dessinaient dans la soirée d’hier, il n’était pas certain que sa Coalition Jamm ak njariñ se retrouve à la seconde position, derrière Pastef. Dans beaucoup de localités, elle a été fortement chahutée par les listes de Samm sa kaddu dirigée par Barthélemy Dias et Takku Wallu conduite par Macky Sall. Ainsi, à Fatick et dans le Fouta, Macky Sall vient largement en tête pour l’opposition, devançant même Pastef dans certains centres de vote.
Cette configuration donne raison à ceux qui ont pensé que Macky Sall n’avait qu’une seule ambition en se portant à la tête d’une liste électorale concurrente de celle de Amadou Ba, c’était de régler définitivement les comptes d’une querelle née de la dernière Présidentielle, et incidemment, tenter de casser définitivement les ambitions politiques de son dernier Premier ministre. Il faudra à ce dernier faire preuve d’autant ou plus d’agilité politique pour, d’abord, ne pas mourir politiquement, mais surtout, pouvoir rebondir avec force malgré les deux revers qu’il vient de subir.Il doit surtout tenir compte du fait que l’arène politique va se renouveler grandement d’ici les cinq prochaines années, quand les électeurs seront à nouveau appelés à exprimer leurs suffrages.
Barth’ dans le flou
La même observation est valable pour le maire de la Ville de Dakar, Barthélemy Toye Dias. Sèchement battu dans le département de Dakar et jusque dans son bureau de vote, il a encore été une fois victime de la «sonkomania» ambiante. La première fois, à la Présidentielle, il n’a pas été en mesure d’aider son champion, Khalifa Sall, dont il était le directeur de campagne, à résister à la déferlante de «Sonko mooy Diomaye». Comme beaucoup, il a pensé que les électeurs, en voulant en finir avec Macky Sall, ont opté pour un «vote utile», qui écartait le leader de Taxawu Senegaal.
Mais hier, c’était à lui de relever le gant, d’autant plus qu’entre Sonko et lui, la rivalité transcendait dorénavant les clivages politiques. Entre eux, l’affrontement tournait à la violence physique, et le fils de Jean-Paul Dias avait à cœur de démontrer qu’il n’était pas redevable à Pastef d’être devenu maire de la capitale. Sa déroute électorale doit le pousser à revoir de manière urgente sa stratégie politique ; car c’est pour lui une question de vie ou de mort.
S’il a pu se présenter aux élections malgré sa condamnation dans la mort de Ndiaga Diouf, il n’est pas dit que ses anciens amis, qui cherchent à le détrôner de la mairie de Dakar, ne vont pas trouver des artifices pour le faire tomber. Disciple de Khalifa Sall, les tribulations de ce dernier sous Macky Sall ne doivent pas avoir été effacées de sa mémoire. Et l’histoire pourrait se répéter pour lui. Plus grave encore, pour lui qui a le regard à l’Horizon 2029, une majorité parlementaire de Pastef ne lui chercherait-elle pas des cafards pour l’éliminer de la course à cette échéance, mettant ainsi prématurément fin à une carrière politique qui jusque-là s’annonçait prometteuse ?
Macky Sall a eu raison pour le parrainage
Par ailleurs, la forte déroute des nombreuses autres listes démontre une nouvelle fois qu’il est plus que temps de réformer les institutions de ce pays. On ne peut comprendre qu’avec plus de 300 partis officiellement reconnus, il n’y en ait pas un qui soit en mesure de s’aventurer seul à demander leurs suffrages aux électeurs. Même Ousmane Sonko a dû massivement recourir à des transhumants, race qu’il a toujours honnie, pour s’assurer une victoire dans des zones où son implantation n’était pas profonde. Pire, avec la suspension du système de parrainage, nous nous sommes retrouvés obligés de choisir entre 41 listes. Le plus drôle étant que même les mandataires dans les bureaux de vote comprenaient que personne ne pouvait tenir les 41 bulletins dans ses mains, et donnaient l’option de ne prendre que 5 bulletins. D’ailleurs, certaines listes, en dehors des inter-coalitions, n’avaient même pas de mandataires dans certains bureaux.
A ces 41 listes pour lesquelles on a confectionné des listes, accordé du temps d’antenne et accordé des équipes de journalistes, combien auront obtenu 0, 5% des suffrages ? La caution qu’ils ont payée n’a pu couvrir les dépenses occasionnées pour leur donner la parole, quand certains véhiculaient des thèses xénophobes et particulièrement dangereuses pour la cohésion nationale. Il n’est pas moralement et matériellement acceptable que des choses de ce genre continuent d’élection en élection. Il est plus que temps de revoir le mode de sélection des candidats aux suffrages des Sénégalais. Et hormis cela, voir si les partis qui n’osent pas se présenter à des élections sous leur propre bannière méritent encore longtemps de concourir aux suffrages de leurs concitoyens, et d’abuser des ressources des contribuables. Le parrainage imposé en son temps par Macky Sall, quoiqu’imparfait, avait eu le mérite de nous éviter ce genre de spectacle décourageant pour une démocratie qui a besoin de se renforcer.
LA PRESIDENCE DE LA COP29 ANNONCE PLUSIEURS «FINANCEMENTS CONCRETS»
La 29e Plateforme d’investissement et de philanthropie sur le climat a permis à plusieurs acteurs de toute la société de faire preuve de leadership en s’engageant à financer des actions concrètes pour le climat, a annoncé la présidence de la Cop29
La 29e Plateforme d’investissement et de philanthropie sur le climat a permis à plusieurs acteurs de toute la société de faire preuve de leadership en s’engageant à financer des actions concrètes pour le climat, a annoncé, vendredi à Bakou, la présidence de la Cop29, selon l’Aps
«En effet, la Banque asiatique de développement a annoncé un financement de 3, 5 milliards de dollars pour un nouveau programme visant à contrer l’impact de la fonte des glaces», a dit Yalchin Rafiyev, négociateur en chef de l’Azerbaïdjan, lors d’une conférence de presse. Il estime que «les efforts de cette banque en matière de sécurité alimentaire et de gestion durable de l’eau auront un impact réel sur les personnes menacées par la fonte des glaces dans les régions montagneuses fraîches».
Yalchin Rafiyev s’exprimait en présence du ministre azerbaïdjanais de l’Energie, Parviz Shahbazov, du Directeur exécutif d’Iea (Agence internationale de l’énergie), Dr Fatih Birol, du Directeur général d’Irena (Agence internationale pour les énergies renouvelables), Francesco La Caméra, et de la responsable du programme d’action de la Cop29, Jala Ibrahimova.
Il a indiqué que «des investissements dans des projets verts et durables de l’ordre d’1, 2 milliard de dollars ont été consacrés à des projets verts et durables». Il a annoncé l’introduction d’une nouvelle taxonomie verte pour les investissements durables sous la direction de la Banque centrale de la République d’Azerbaïdjan.
Yalchin Rafiyev a salué également l’engagement du Canada en matière de financement climatique pour renforcer la résilience climatique. Selon lui, «le gouvernement canadien a annoncé une plateforme climatique d’1, 5 milliard de dollars américains pour soutenir l’adaptation, en mettant l’accent sur les Pays moins avancés (Pma)».
En outre, a-t-il poursuivi, neuf fondations et organisations philanthropiques canadiennes se sont unies pour s’engager à verser 290 millions de dollars américains pour des projets climatiques au cours de la prochaine décennie. «Nous saluons donc le Canada pour leur leadership», a-t-il dit.
Il a précisé que la présidence de la Cop29 a travaillé à des solutions durables, abordables et accessibles pour les pays qui en ont besoin.
M. Rafiyev s’est félicité de l’engagement des institutions financières de développement à soutenir le déploiement de projets d’hydrogène renouvelable dans les pays émergents et en développement.
«A ce sujet, nous sommes convaincus que l’initiative phare de 10 gigawatts aidera à surmonter les obstacles tels que les déficits de financement et d’accès au marché», a-t-il assuré.
Ouverte le 11 novembre à Bakou, la 29e Conférence des parties dénommée Cop de la finance climatique, se poursuivra jusqu’au 22 novembre 2024. Elle a enregistré 72 000 participants, selon ses organisateurs.
Par Hamidou ANNE
LE PEN, TRUMP, SONKO ET LEURS JUGES
Les populistes n’invoquent la Justice que quand celle-ci est en indélicatesse avec d’autres citoyens, leurs adversaires
J’ai suivi avec grand intérêt, ces derniers jours, le procès de Marine Le Pen et ses collaborateurs au sujet de délits supposés d’emplois fictifs au Parlement européen. En effet, il est reproché à la cheffe du parti français d’Extrême-droite, un système organisé de fraude qui faisait supporter les salaires de ses collaborateurs politiques par le Parlement européen. Le préjudice constaté est de 7 millions d’euros. En attendant la peine, les procureurs ont requis cinq ans de prison, ainsi que cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire. Ceci signifie que si les juges suivent les procureurs, elle serait inéligible pour la présidentielle 2027 dont elle est la grandissime favorite. L’intéressée a réagi, arguant «une atteinte à la démocratie», l’organisation de sa «mort politique», l’inféodation du Parquet à l’Exécutif, etc.
Elle dénonce une Justice «aux ordres», qui voulait l’empêcher de concourir au suffrage universel. «Mais, au-delà de moi, c’est le peuple français qui, en réalité, est empêché (…) de voter pour la candidate qu’il souhaite», ajoute-t-elle. J’ai tout de suite reconnu le refrain de la chanson de la victime brimée soi-disant par le «système». Marine Le Pen ainsi que tous les populistes usent et abusent de la rhétorique du complot quand ils sont devant la Justice et risquent une condamnation.
Après son départ du pouvoir en 2020, Donald Trump a fait l’objet de dizaines d’accusations. Il a été condamné pour certaines. Naturellement, le truculent président américain a lui aussi accusé les juges, arguant que les procès étaient «truqués» et que les juges étaient «corrompus». Aucune remise en cause, aucune tenue, mais l’usage de la défense de rupture, avec toujours en première ligne le prétexte d’un système inique qui voudrait annihiler la voix du peuple. Trump avait dit à l’issue d’une condamnation que le vrai procès sera pour le 5 novembre, avec le jugement du peuple souverain. Il faut reconnaître qu’il a remporté celui-là, malgré les accusations nombreuses dont certaines très graves, malgré l’attaque du Capitole du 6 janvier et malgré les propos hallucinants tenus quasi quotidiennement contre les magistrats, l’Administration, ses adversaires et toutes celles et tous ceux qui refusaient de se plier à ses désidératas.
La logique populiste est implacable, et elle est éculée. Ils ne sont coupables de rien et sont victimes de tout le monde. Tout le «système» est mis en place pour freiner leur montée politique et les combattre par l’usage détourné des lois. Au Sénégal, ce scénario a été éprouvé pendant trois années de procédures judiciaires, qui ont visé un homme dont l’irresponsabilité n’a pas de limite. Si Marine Le Pen, par exemple, fait l’objet d’accusations concernant l’usage de fonds publics au préjudice de l’Europe, notre bonhomme lui a été sous le coup d’affaires toutes privées.
D’abord visé par une plainte au pénal d’une compatriote, il a été sommé devant un tribunal d’apporter les preuves de ses accusations. Dans les deux cas, il a été condamné à la suite d’accusations privées. Dans les deux cas, il a refusé de faire face à ses accusateurs. Dans les deux cas, il a refusé de faire face à la Justice de son pays. Ses arguments, comme ceux de Trump et Le Pen aujourd’hui, ont consisté à invoquer la rhétorique du complot, de l’abus de pouvoir et de la volonté de l’empêcher d’être candidat. Il a appelé au «Mortal Kombat» pour ne pas se présenter devant un juge, qualifié de partisan, avant que son collègue et successeur, lui, ne reçoive le sobriquet de «lâche». L’histoire est facétieuse : celui qui disait détenir toutes les preuves du complot qui le visait, en huit mois d’exercice, n’en a sorti aucune. Au contraire, les rodomontades, les menaces, les accusations, le bruit permanent sont notre quotidien avec lui depuis le 2 avril 2024. Celles et ceux qu’il accusait de complot vaquent calmement à leurs occupations.
Les populistes n’invoquent la Justice que quand celle-ci est en indélicatesse avec d’autres citoyens, leurs adversaires. De vieilles vidéos de Mme Le Pen sont ressorties, où elle accusait toute la classe politique française de «piquer dans les caisses», sauf son parti. Trump a accusé les démocrates de toutes sortes de forfaits dont les plus farfelus, sans jamais apporter la moindre preuve. Notre bonhomme, lui, est coutumier des déclarations grossières et outrageuses, et a usé de la rhétorique du «système» du «Tous pourris !», mais se montre si léger quand il s’agit d’éclairer l’opinion sur les scandales présumés de l’Onas et de l’Aser. Pour Trump, Le Pen ou Sonko, la logique est la même : nous sommes victimes du système quand nous sommes appelés à la barre, mais dans l’exercice de nos responsabilités publiques, nous n’allons rendre aucun compte parce qu’au fond, nous sommes la Justice. Ce qui change seulement, c’est qu’aux Etats-Unis et en France, la presse, la Société civile et les intellectuels sont en général attentifs au devoir de responsabilité qui leur incombe
Chez nous, le larbinisme, la couardise et l’opportunisme ont élu domicile dans ces milieux, et ce depuis longtemps.
Par Abdoulaye THIAM
L’OURAGAN SONKO !
Il n’y aura donc pas de cohabitation. Seuls quelques départements ont résisté à la razzia qui se dessine. Il s’agit des départements de Matam, Kanel, Ranérou, Dagana, Ndioum entre autres
Tel un tsunami, la liste du Parti Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité) a balayé tout sur son passage à l’issue du scrutin des élections législatives anticipées d’hier, dimanche 17 novembre. L’ouragan Ousmane Sonko n’a fait qu’une bouchée de ses adversaires. De Dakar à Ziguinchor; de Saint-Louis à Tambacounda, le président du Pastef, non moins Premier ministre, a démontré partout ou presque sa puissance et sa suprématie.
Comme lors de la présidentielle du 24 mars dernier, ce parti porté sur les fonts baptismaux en 2014, a confirmé son ancrage dans le pays et surtout dans les cœurs des jeunes sénégalais. Une victoire nette et sans bavure qui porte l’empreinte d’une seule et unique personne. Il s’agit de Ousmane Sonko. Ses erreurs de communication contre le régime dont il est pourtant le Chef du Gouvernement, ses sorties au vitriol appelant à l’application de la loi du talion contre Barthelemy Dias, n’ont pas pesé sur la balance. Les attaques ad hominem de ses adversaires, non plus. Les électeurs sénégalais ont décidé en toute responsabilité de plébisciter Ousmane Sonko qui détient maintenant les pleins pouvoirs pour dérouler sa vision Sénégal 2050 «Pour une nation souveraine, juste, prospère et ancrée dans des valeurs fortes ».
Seuls quelques départements ont résisté à la razzia qui se dessine. Il s’agit des départements de Matam, Kanel, Ranérou, Dagana, Ndioum entre autres.
Il n’y aura donc pas de cohabitation. Au contraire, le peuple, détenteur de la souveraineté l’a exprimée dans ce scrutin aux allures d’un référendum pour ou contre Ousmane Sonko.
Par ailleurs, il faut aussi relever que le Premier ministre tient ainsi sa revanche. Empêché à tort ou à raison, par tous les moyens, de prendre part à la présidentielle du 24 mars dernier, l’actuel Premier ministre avait «parrainé», le secrétaire général du Pastef pour le porter à la tête de la magistrature suprême. Un fait inédit au Sénégal, voire en Afrique, qui a augmenté le capital sympathie pour Ousmane Sonko qui est apparu dans plusieurs élections comme le faiseur de «rois», notamment lors des dernières élections municipales et législatives
Disposant désormais d’une majorité plus que qualifiée et de tous les leviers, Sonko qui consolide sa légitimité, aura la lourde responsabilité de remettre le Sénégal sur les rails de l’émergence.
par Alioune Diop
DE L’URGENCE D’ASSAINIR LE DÉBAT SUR LES ÉTRANGERS AU SÉNÉGAL
Alors que la plupart des pays d'Afrique de l'Ouest ont créé des agences spécialisées pour la gestion des identités, le Sénégal reste attaché à un système traditionnel confié à la Police. Les protocoles de la CEDEAO offrent pourtant un cadre de régulation
C’est au cours d’une de leurs longues et agréables visites du week-end qu’un groupe de neveux que j’appelle affectueusement «les réguliers», m’a posé encore une fois cette question qui semble être une réelle préoccupation pour eux : «Tonton, vous qui avez travaillé avec les Nations unies et la Cedeao, est-ce que l’exigence d’une carte de séjour pour les nombreux étrangers ne devient pas une obligation désormais ?»
En fait, voilà plus de trois mois que les thèmes qu’ils abordent lors de nos échanges et qui exacerbent leurs frustrations, ont trait respectivement :
Au nombre de jeunes citoyens sénégalais victimes d’usurpation de pièces d’identité nationale, celles-ci étant attribuées très souvent, disent-ils, à des personnes d’origine étrangère ;
A l’exhibition sur les réseaux sociaux de passeports sénégalais par des émigrants étrangers qui les déchirent dès leur arrivée au Nicaragua ;
Au nombre important de citoyens étrangers venus s’établir définitivement au Sénégal, particulièrement d’origine guinéenne, et prêts à envahir plusieurs créneaux de travail disponibles pour la jeunesse nationale tels qu’ouvriers sur les grands chantiers, livreurs, conducteurs de mototaxi ou employés dans les grandes surfaces, etc.
Après quelques semaines de recherches pour bien asseoir notre réponse sur des textes communautaires et bonnes pratiques en vigueur dans le monde, eu égard à l’appartenance du Sénégal à des organisations internationales comme l’Onu, l’Union africaine, la Cedeao et l’Uemoa, il a été possible de partager avec eux les considérations suivantes.
Premièrement, en ce qui concerne les passeports et cartes nationales d’identité, les bonnes pratiques de la gouvernance des identités biométriques recommandent aux Etats d’appliquer le principe sacro-saint qui stipule que le service qui délivre doit être totalement différent de l’autorité responsable du contrôle quotidien des pièces d’identité ou de passeport.
A cet effet, certains Etats de la région, ayant noté la récurrence d’accusations de corruption ou de malversations effectives, ont mis en place des agences ou offices uniquement dédiés à la gestion des cartes nationales d’identité et de résident temporaire ou définitif, alors que les Forces de défense et de sécurité conservent leur rôle de contrôle sur le terrain avec accès aux terminaux digitaux de l’agence concernée. C’est le cas avec :
L’Oneci (Office national de l’état civil et de l’identification) en Côte d’Ivoire, accessible au site : www.oneci.ci ;
La Nia au Ghana (National Identification Authority/Autorité nationale de l’identification), accessible à : https://nia.gov.gh ;
L’Anip (Agence nationale d’identification) au Bénin, accessible au site : www.anip.bj ;
La Nimc (National Identity Management Commission au Nigeria), accessible au site : www.nimc.gov.ng ;
L’Anid au Togo (Agence nationale de l’identification), accessible au site : www.anid.gouv.tg.
Ainsi, les seuls pays francophones de la région qui ont encore maintenu la tradition de confier la gestion et le contrôle des pièces d’identité à la Police nationale sont le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Sénégal.
Pour les passeports, les options varient entre, d’une part, les services chargés de l’immigration et, d’autre part, le recours à une société privée nationale comme Snedai, qui a déjà opéré au Sénégal, et ce dans une vision de préférence nationale avec un champion national.
Deuxièmement, pour le séjour des étrangers, il faut prendre en compte :
Les originaires de pays membres de la Cedeao ;
Les originaires de pays non membres de la Cedeao ;
Les originaires de pays hors du continent.
Pour les étrangers originaires de la Cedeao, les Etats membres ont adopté respectivement, et depuis 1979 :
Le document fondamental du Protocole sur la libre circulation des personnels, le droit de résidence et d’établissement (Dakar 1979) dont «l’article (1) exige de tout citoyen désirant entrer sur le territoire d’un pays membre de posséder un document de voyage et des certificats internationaux de vaccination en cours de validation», alors que l’article (2) précise bien que «tout citoyen désirant séjourner dans un Etat membre pour une durée max, obtenir une autorisation délivrée par les autorités compétentes» ;
En mai 1990 à Banjul, les Etats membres adoptent le Protocole additionnel A/SP2/5/90 relatif à l’exécution de la troisième étape (droit d’établissement du protocole sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d’établissement) dont l’article (1) précise respectivement :
La «Carte de Résident» ou «Permis de Résident» comme le titre ou le permis de résidence délivré par les autorités compétentes accordant le droit de résidence sur le territoire d’un Etat membre ;
Le statut de Résident comme tout citoyen, ressortissant d’un Etat membre auquel est conféré le droit de résidence.
Dans le même article, les Etats membres se sont entendus sur les différents statuts disponibles, en matière de travail, pour les citoyens venant chercher du travail dans un Etat membre, à savoir :
«Travailleur migrant ou migrant» ;
«Travailleurs frontaliers» ;
«Travailleurs saisonniers» ;
«Travailleurs itinérants» ;
«Personnes exerçant dans des organisations internationales».
Les détails sont précisés dans le document accessible sur internet.
Et enfin, avec l’adoption quasi généralisée de la biométrie, lors de la 70e session ordinaire du Conseil des ministres tenue à Abidjan du 20 au 21 juin 2013, les Etats membres ont adopté le «Règlement C/REG.15/06/13 relatif aux aspects sécuritaire et institutionnel de la mise en œuvre du Protocole sur la libre circulation des personnes et des biens et le droit de résidence», en demandant la mise en place :
Du profilage biométrique des passagers internationaux dans les aéroports et frontières terrestres ;
L’installation de guichets d’immigration spécifiquement destinés aux citoyens de la Cedeao.
Troisièmement, les Etats membres de la Cedeao dont certains sont confrontés au terrorisme, à l’extrémisme violent, aux activités illicites transnationales, à de fréquentes incursions dans les zones frontalières des pays côtiers, ont mis en place les protocoles et règlements qui permettent à chaque Etat membre d’assurer un enregistrement et un suivi permanent de tous les étrangers qui accèdent à leur territoire.
La carte de résident, et non carte de séjour, est un document qui justifie la présence de tout citoyen de la Cedeao dans un territoire d’un pays membre !
Pour conclure, la première des souverainetés est celle d’assurer la sécurité de son territoire et la protection de ses citoyens et de leur identité : la négligence ou le manque d’intérêt des gouvernants a trop duré pour causer aujourd’hui paroles, faits et gestes qui risquent de perturber notre cohésion nationale et nos relations fraternelles avec nos voisins dont les Etats ont adopté ces textes comme le nôtre !
Les nouvelles autorités du pays doivent pouvoir régler ce problème sans heurt ! La responsabilité incombe à chaque Etat, la Cedeao ayant déjà fait sa part et défini le cadre accepté par tous les Etats membres.
Je ne saurais conclure sans vous recommander, pour votre gouverne personnelle ou d’autres actions ultérieures, de visiter les sites annoncés plus haut, et particulièrement celui de l’Oneci de la Côte d’Ivoire qui délivre même des Cartes de Résident Temporaire, avant le délai de 90 jours exigé par les protocoles de la Cedeao.
Colonel (Er) Alioune Diop est ancien Conseiller Sécurité des Nations Unies, Secrétaire général de l’Association Pour la Promotion de la Sécurité Humaine (Aprosh) aldiop30@gmail.com
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
LE SILENCE DU TOTEM OU LA RESTITUTION DE L’ESTHÉTIQUE AFRICAINE
EXCLUSIF SENEPLUS - À travers le personnage de Sitoé Iman Diouf, anthropologue confrontée à son héritage sérère dans les sous-sols d'un musée parisien, Fatoumata Sissi Ngom explore les multiples facettes de la spoliation culturelle
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
« Le roman, [...] est la seule forme d'art qui cherche à nous faire croire qu'elle donne un rapport complet et véridique de la vie d'une personne réelle » - Virginia Woolf.
La reconstruction minutieuse d’un récit, à travers l’écriture et l’imaginaire, est un élément fondateur de l’architecture du roman. Le genre du roman est cette représentation du réel qui oscille entre données objectives et données subjectives. Mais par sa structure narrative et esthétique, le roman peut parfois transcender la réalité à tel point qu’une autre matérialité est possible. Au seul moyen de la fiction, le récit romanesque peut prendre l’allure d’une vraisemblance troublante. Le roman est une convention littéraire ancrée dans l’existant et dans ce qui n’a pas encore été révélé.
Le roman Le silence du totem de Fatoumata Sissi Ngom est un récit qui pose la question de l’histoire revisitée par l’imaginaire, tout en remodelant l’édifice du patrimoine africain. Car le cœur du récit tient un équilibre juste entre un schéma romanesque qui sert de tableau et celui de raconter la véritable histoire du pillage des œuvres d’art en Afrique, au moment de la colonisation et des missionnaires européens, toujours en quête de puissance. Par le prisme du roman, Fatoumata Sissi Ngom pose la problématique de la restitution des œuvres d’art qui est un enjeu majeur du XXIe siècle pour la reconnaissance du patrimoine africain.
Sitoé Iman Diouf, dont les parents sont d’origine sérère, communauté du Sénégal, est une brillante anthropologue qui travaille au Musée du Quai Branly à Paris. Elle se voit confier une troublante mission, celle d’exposer des œuvres africaines, restées cachées aux yeux du grand public dans les sous-sols du musée, pour permettre à un oligarque russe d'acheter une pièce à prix d’or. Dans les profondeurs de ce trésor secret, Sitoé découvre rapidement une statue Pangool, originaire du Khalambass, région de sa propre famille et dont le symbole protecteur appartient au peuple sérère. Cette statue de bois somptueuse représente un guerrier avec un corps d’homme et une tête de serpent avec d’immenses yeux jaunes, l’animal totem du peuple sérère. Ainsi Sitoé, dont le prénom est emblématique de la culture sénégalaise, clin d’oeil à Aline Site Diatta qui fut une héroïne de la résistance à la colonisation, est chargée d’une double mission, celle de mettre en lumière les œuvres dormantes et surtout de faire en sorte de les restituer à la terre des origines.
Car au-delà du tissu narratif du roman qui navigue entre le récit d’enquête, le conte, le roman d’exploration et le surnaturel, créant ainsi une tension littéraire remarquable, l’auteure met en scène tous les enjeux qui existent pour la restitution de l’art africain et de l’éthique qui doit l’accompagner. Révéler l’existence du patrimoine africain en lui donnant un sens anthropologique est une manière fondatrice de rendre le récit africain tangible et légitime. Car l’art, sous toutes ses formes, et la symbolique de son esthétique sont au cœur de la narration africaine qui peut permettre sa réhabilitation.
Poser la problématique de l’histoire africaine, dévoyée par la colonisation, s’inscrit dans un ensemble plus vaste qui est celui de parler de l’importance de matérialiser les arts africains pour rendre visible l’esthétique africaine dans une démarche historique, patrimoniale et artistique.
Fatoumata Sissi Ngom écrit ici un livre incontournable pour comprendre ce que signifie, dans toute sa symbolique, la restitution des arts en Afrique. Il ne s’agit ni de folklore, ni de marchandisation, mais vraiment de faire parler les arts africains pour constituer un patrimoine enrichi de la vérité et qui sert à ressouder le puzzle de la culture africaine.
De plus, ce roman écrit en 2018, procède par anticipation car le programme de restitution des œuvres d’art africaines proposé par Emmanuel Macron a été annoncé en France en 2020. Avec le ministère de la Culture, le président français a même fait une proposition de loi seulement en février 2023, une nouvelle législation en faveur des pays propriétaires mais non encore promulguée. Ainsi, Fatoumata Sissi Ngom fait œuvre visionnaire en proposant ce récit car la problématique du patrimoine africain est centrale dans la reconstruction identitaire et dans l’émergence de la renaissance bâtie sur l’idée que la culture africaine est multiple et que l’art y a inscrit ses symboles ancestraux.
Le vrai roman, c'est celui dont la signification dépasse l'anecdote, la transcende, fonde une vérité humaine profonde, une morale ou une métaphysique.
C’est pourquoi je pense qu’il est plus que nécessaire de lire Le Silence du totem car celui-ci nous offre, à travers le genre romanesque, de nous approprier de notre patrimoine africain. Tout Africain, tout humaniste devrait lire ce livre car la vérité se cache dans les interstices de l’histoire, un mythe qui a été élaboré par d’autres et des légendes qu’il convient toujours de remettre en cause toujours dans la reconstruction de notre mémoire culturelle et de notre patrimoine historique.
Amadou Elimane Kane est écrivain poète.
Le silence du totem, Fatoumata Sissi Ngom, éditions L’Harmattan, collection Écrire l’Afrique, Paris 2018.