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24 novembre 2024
Opinions
Par Fadel DIA
LA FRANCE SE RNISE... ET LES DIRIGEANTS D’AFRIQUE FRANCOPHONE REGARDENT AILLEURS !
Pourquoi donc nos dirigeants n’auraient-ils pas le droit d’élever la voix lorsqu’ils voient pointer à l’horizon l’arrivée à la tête du gouvernement de la France d’un parti qui a pour ADN le racisme, la xénophobie et l’islamophobie ?
Le Chancelier allemand, Olaf Scholz, s’est invité dans la campagne électorale française et dans une déclaration publique relayée par la télévision, il dit être « préoccupé par les élections en France » et « espérer que les partis qui ne sont pas ceux de Le Pen remporteront les élections ». Ce sont des paroles nettes et claires et murement pesées, qui d’ailleurs ont été reprises et adaptées par son ministre des finances.
L’Allemagne est le premier partenaire économique de la France et son plus proche allié stratégique, son Chancelier ce n’est pas Nicolas Maduro, elle est dirigée par un gouvernement de coalition plus proche du centre que de l’extrême gauche, et tout cela n’a pas empêché Olaf Scholz de mettre les pieds dans le plat, tant la perspective de l’arrivée au pouvoir, en France, d’un parti d’extrême droite soulève des inquiétudes.
Si Olaf Scholz s’exprime, en revanche ses homologues d’Afrique francophone ne pipent mot. Aurait-il fait acte d’ingérence ? Pour ceux qui, parmi nos dirigeants, craignent d’en être suspectés, il a fourni une réponse qui pourrait leur servir d’alibi. « Ce sont les Français qui décideront » dit-il, en conclusion, en assurant que son gouvernement continuera à collaborer avec celui qu’ils auront élu !
Comme on dirait chez nous, quand la case de votre voisin brule, vous avez au moins le droit de crier :au feu !
Mais, à supposer que cela soit une ingérence, pourquoi n’aurions-nous pas le droit de nous ingérer, pour une fois, dans les affaires de la France, elle qui passe son temps à s’ingérer dans les nôtres ? Surtout lorsqu’on entend l’appel au secours lancé par la cinéaste franco sénégalaise Alice Diop qui considère qu’il s’agit pour elle et pour beaucoup d’autres afro-françaises d’une question « de vie et de mort » et qui dit se sentir comme une « grande brulée » saisie par la colère, la trahison et une profonde déception! Les autorités françaises se donnent le droit de juger et de jauger nos dirigeants, sans aucune logique, encensant Deby, déroulant le tapis rouge pour Nguema, mais vouant aux gémonies Goita, Traoré ou Tiani, alors que tous les quatre sont des putschistes qui ont accédé au pouvoir par la force des armes ! Elles se mêlent de notre mode de gouvernement, de la gestion de nos affaires, de nos choix de société et s’adjugent la prérogative de nous choisir nos amis. Pourquoi donc nos dirigeants n’auraient-ils pas le droit d’élever la voix lorsqu’ils voient pointer à l’horizon l’arrivée à la tête du gouvernement de la France d’un parti qui a pour ADN le racisme, la xénophobie et l’islamophobie ?
Plus encore que Olaf Scholz, les dirigeants de ce qu’on appelait naguère le pré carré français ont le devoir de manifester leur inquiétude. Parce que l’histoire nous a imposé des relations particulières avec la France, qui est souvent notre premier partenaire économique, dont la langue est la seule qui est enseignée dans nos écoles, qui contrôle notre monnaie et notre tissu industriel ... En régime de cohabitation la réalité du pouvoir est entre les mains du Premier Ministre, a rappelé Marine Le Pen à Emmanuel Macron, et si cette fonction est exercée par le RN, cela ne pourrait que contribuer à détériorer nos relations avec la France, que nous voulons rééquilibrées, respectueuses de notre indépendance, de notre culture et de la dignité de nos compatriotes qui vivent sur son sol Le programme du RN est fait « à 100% de leurres… d’arnaques et de vieilles ficelles » et il a pour axe principal, le seul qui est resté inamovible, la lutte contre l’immigration, assimilée à la délinquance, avec pour corrélations la suppression du droit du sol et du regroupement familial et l’instauration de la préférence nationale, mesure xénophobe et anti constitutionnelle. Cela pourrait signifier que nos concitoyens, et en particulier les étudiants, auraient encore plus de mal que d’habitude pour entrer en France, alors que les Français ont porte ouverte, et gratuite, chez nous et que le rejet, discrétionnaire du visa Schengen a couté 36 milliards de francs CFA aux Africains en 2023 !
Cela pourrait signifier que nos compatriotes qui vivent et travaillent en France pourraient être condamnés à se passer de leurs familles, que leurs enfants n’auraient pas droit, à leur naissance, à la nationalité française, même s’ils ont choisi de faire leur vie dans ce pays.
Cela pourrait signifier que Mati Diop, autre réalisatrice franco sénégalaise, classée par Vanity Fair en 2019 parmi les cinquante Français les plus influents du monde, ne pourrait jamais occuper en France les fonctions de ministre de la Défense ou des Affaires étrangères, quels que soient ses talents et ses engagements politiques. Que Fatoumata Kébé, astrophysicienne de renommée internationale, classée également, en 2018, parmi les Françaises les plus influentes du monde, ne pourrait jamais exercer des responsabilités dans un service stratégique ou diriger, par exemple, une centrale nucléaire, au seul motif que ses parents sont d’origine malienne !
On notera au passage que la préférence nationale ne concerne ni le football, ni le basket, ni le judo entre autres domaines où la France s’est le plus distinguée.
Le RN n’est pas encore au pouvoir que déjà le pire se libère au cours de la campagne électorale. En quelques jours on a vu se propager dans les médias des chansons antiracistes, des soirées xénophobes sont organisées dans des bars, on a jeté de l’eau de Javel sur des migrants à Calais, une aide infirmière d’origine africaine est qualifiée de bonobo et sommée de « regagner sa niche » par une militante RN, fonctionnaire au ministère de la Justice, un apprenti boulanger d’origine ivoirienne a vu son logement incendié, un journaliste français d’origine maghrébine, officiant sur une chaine de télévision publique, a reçu des lettres de menaces à son domicile, s’est vu traiter de bicot et intimer l’ordre de « rentrer chez lui ! »
Comme le dit le Chancelier allemand, ce n’est pas à nous de choisir les dirigeants de la France, mais il est de la responsabilité de nos dirigeants de rappeler à ceux qui ont ce privilège que nous ne sommes pas prêts à tout accepter !
par Cheikhou Ndoye
COMMENT RÉUSSIR UNE RUPTURE INNOVANTE ET INCLUSIVE BUREAU ÉCONOMIQUE DE L’AMBASSADE DU SÉNÉGAL AUX USA
La défense active des intérêts, la mobilisation de la diaspora sont nécessaires pour doter le pays d'une représentation économique plus efficace
Entre une continuité dans une politique politicienne d’un parti au pouvoir et une rupture innovante et inclusive, quel nécessaire devrait être fait pour vitaliser le bureau économique de l’ambassade du Sénégal aux États-Unis d’Amérique et lui permettre de réussir sa mission ? Pour le Sénégalais que je suis, vivant depuis plus de trente (30) ans aux États-Unis et plus particulièrement dans la région métropolitaine du DMV (Washington DC, Maryland, Virginia), je reste convaincu que le bureau économique de l’ambassade doit être profondément enraciné dans la promotion des intérêts économiques du Sénégal. Il doit aussi nouer des connexions et des partenariats précieux et innovants au sein des communautés locales des cinquante-deux (52) États de l’Union, sans oublier les autorités sénatoriales et celles du Congrès.
Promouvoir et renforcer les relations économiques
Les États-Unis d’Amérique, en tant que première puissance mondiale, avec une économie dynamique et des industries diversifiées, peuvent constituer un partenaire commercial robuste et exaltant. Pour tirer parti de cet environnement, le bureau économique de l’ambassade du Sénégal devrait se concentrer sur le renforcement des relations économiques et de coopération dans les secteurs de l’investissement et de l’exportation. En collaborant activement avec les entreprises locales, les chambres de commerce, les agences et institutions de développement économique et financière. Le bureau économique doit identifier des synergies et des opportunités de collaboration bénéfique tant pour le Sénégal que pour ses partenaires de la sous-région ouest-africaine.
Diffuser des informations sur le Sénégal
La région métropolitaine de Washington DC est réputée être une zone d’influence et de « lobbying » pour l’État fédéral américain, le Sénat et le Congrès, mais aussi pour les institutions de Bretton Woods. Le bureau économique doit exploiter, de manière intelligente et ciblée, divers canaux pour diffuser des informations précises et convaincantes sur les opportunités d’investissement au Sénégal. Des efforts de sensibilisation ciblés, notamment des sorties médiatiques, des événements culturels sur le Sénégal ainsi que des séminaires éducatifs. Toute cette communication mettra en exergue la teranga (l’hospitalité) sénégalaise, la gouvernance démocratique et inclusive de notre système politique sans oublier sa stabilité économique. En mettant en avant les attributs positifs du Sénégal, le bureau doit viser à créer une perception favorable qui renforcerait l’attractivité du pays pour l’investissement des partenariats commerciaux.
Défendre la position du Sénégal
La région du DMV est un carrefour de la diplomatie internationale et du commerce, ce qui en fait une plateforme idéale pour défendre les intérêts du Sénégal sur la scène mondiale. Le bureau économique doit s’engager activement avec les décideurs politiques du pays, les groupes de réflexion locaux ainsi les ressources humaines de la diaspora sénégalaise en Amérique du Nord, pour expliquer et défendre la position stratégique du Sénégal en tant que porte d’entrée du continent africain. En effet, avec l’océan Atlantique, qui est en fait une frontière entre le Sénégal et les États-Unis d’Amérique, le bureau économique doit exploiter cette donnée naturelle pour en faire une destination privilégiée pour le tourisme et l’investissement étranger. Grâce à des partenariats stratégiques et des campagnes de plaidoyer, le bureau doit promouvoir des politiques et des initiatives qui soutiennent l’agenda innovant et transformationnel du nouveau régime en place.
Mobiliser la diaspora sénégalaise
Avec une importante communauté de la diaspora sénégalaise aux États-Unis, le bureau économique devrait travailler à mettre en exergue l’importance d’engager et d’autonomiser les membres de la diaspora en tant qu’acteurs du développement du Sénégal. À travers des événements ciblés de sensibilisation , des opportunités de « lobbying » et des programmes de renforcement des capacités, le bureau doit favoriser un sentiment d’appartenance et encourager les membres de la diaspora à participer activement à des projets communs et des initiatives qui peuvent promouvoir les intérêts économiques du Sénégal. En exploitant les talents et les ressources de la diaspora, le bureau doit pouvoir renforcer les liens entre le Sénégal et sa diaspora tout en favorisant une croissance économique inclusive.
En somme, ma vision pour un bureau économique réussi, repose sur un engagement proactif, une communication stratégique et des partenariats significatifs qui favorisent la réalisation de la mission qui lui est confiée. En adoptant cette vision et en exploitant les atouts du pays d’accueil, le bureau pourrait aider à positionner le Sénégal comme une destination dynamique et attrayante pour l’investissement, le commerce et les opportunités de partenariat international.
Assane Guèye
SÉPARATION DES POUVOIRS OU SÉPARATION À L’AMIABLE
La déclaration de politique générale risque d’être reportée aux calendes grecques. Se présenter devant 165 députés dont 24 seulement vous sont totalement favorables serait un acte de folie.
La déclaration de politique générale risque d’être reportée aux calendes grecques. Se présenter devant 165 députés dont 24 seulement vous sont totalement favorables serait un acte de folie. Il faut attendre de disposer de son assemblée, de préférence une chambre d’enregistrement pour aller décliner sa feuille de route. Personnalité atypique n’ayant de compte à rendre qu’au peuple selon ses dires, les députés n’étant plus que les représentants des partis et coalitions, le chef du gouvernement n’a aucun intérêt à franchir le Rubicon ni à se jeter dans la gueule du loup. Il est vrai que la tradition républicaine bien établie serait interrompue encore que son prédécesseur n’a jamais fait de déclaration de politique générale et le débat démocratique étouffé dans l’œuf, mais la configuration baroque de l’hémicycle est un vrai casse-tête. Ainsi, de cette petite brèche ouverte sur le règlement intérieur qui aurait été déréglé suite à la suppression du poste de Premier ministre en 2019, on s’engouffre allégrement sans gêne et sans peur du qu’en-dira-t-on. Sans prendre non plus en compte la Constitution, la mère des règlements qui intime l’ordre de se présenter devant les honorables députés en son article 55. Il n’y a donc pas mille manières de qualifier la contorsion. Il s’agirait bien d’une dérobade. Quand on n’est pas prêt, on n’est pas prêt.
Les calculs passent avant les scrupules. Mais ne perdons pas de vue aussi qu’entre-temps, l’élection du 24 mars transformée en référendum a quelque peu rendu obsolète et caduque cette législature. Elle n’a plus beaucoup de sens. Avant une probable et incontournable dissolution, la sagesse voudrait que l’Assemblée se bornât à voter les budgets. Même le contrôle par ses soins de l’exécutif devient problématique. La séparation des pouvoirs rappelle la possibilité d’une séparation à l’amiable. En un mot comme en cent, tout observateur aura compris que la rupture dans les pratiques est encore une chimère. Par contre, la continuité avec la politique n’est pas un rêve mais une réalité dans le sens de realpolitik, cette chose étrange qui met en compétition l’habileté et le cynisme.
Payer moins ou manger mieux
On ne sait pas trop s’il s’est montré habile ou s’il s’est précipité mais le gouvernement a opéré quelques baisses sur des denrées alimentaires ainsi que le ciment. Il faut manger pour vivre et avoir un toit au-dessus de la tête pour une vie digne. On ne dira pas que l’effort est mince ou qu’il s’agit d’une bagatelle quand on a soi-même la possibilité de s’offrir quotidiennement de la viennoiserie en plus des baguettes. Il faut considérer l’initiative gouvernementale comme une attention et une compassion pour les couches vulnérables au seuil de l’extrême pauvreté. C’est être pétri de bienveillance que de voir le verre à moitié plein. Justement, dans cette volonté de casser les prix, le pain a fait paniquer les acteurs. Il est clair que les meuniers ne se sont pas livrés à des menées subversives mais ils ont fauté en se méprisant sur la charge presque affective de ce produit prisé des Sénégalais. Il faut en disposer matin et soir pour éviter le bazar. Toute idée de privation est impopulaire et inacceptable pour quelque pouvoir que ce soit. Même dans son pays de provenance, ce résidu de la colonisation est un objet de vénération. Quand Étienne Lantier criait «du pain du pain, ce serait beau si on en avait tous les jours», la baguette n’était pas encore entrée dans les mœurs sénégalaises. La Rome impériale en avait compris l’importance avec ce slogan opportuniste «du pain et des jeux» pour s’épargner toute sédition. Les entreprises locales de minoterie ne doivent pas être jetées en pâture. La politique de l’offre qui est un précepte chez les affairistes est un fait économique. «Les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain», avait prédit un Chancelier Allemand. Sa formule n’a pris aucune ride. Les capitaines d’industrie n’ont pas plus de rides au cœur que les autres mais doivent savoir que les profits n’ont de sens sans philanthropie. Humanistes ou pas, ils ont grand mérite et doivent être respectés pour leur goût du risque. Ils doivent d’ailleurs être nos préférés parce qu’ils luttent contre le chômage endémique. Le rôle de l’État est de rappeler à l’ordre mais aussi d’éviter le copié-collé en ayant des plans choc pour que le consommateur paie peut-être moins et mange mieux surtout. La sécurité sanitaire des aliments est le meilleur moyen de lutter contre la maladie et les coûts faramineux pour se soigner. D’habitude, on fait des alternances pour voir de la grande politique mais on est vite déçu par un même et perpétuel concours de banalités.
Par Idrissa Doucouré
BRISER LES CHAINES DES TRADITIONS POUR UNE SOUVERAINETE ALIMENTAIRE
Le Sénégal, un pays riche en traditions ancestrales et en diversité culturelle, se trouve actuellement à un tournant décisif pour l'avenir de son secteur agricole. Cette préférence pour les techniques traditionnelles est souvent alimentée par une méfiance
Le Sénégal, un pays riche en traditions ancestrales et en diversité culturelle, se trouve actuellement à un tournant décisif pour l'avenir de son secteur agricole. Bien que l'agriculture joue un rôle crucial dans l'économie nationale, des obstacles socio-culturels profondément enracinés continuent de freiner son développement optimal. Ces défis, ancrés dans l'histoire, les us et les coutumes locaux, nécessitent une approche nuancée pour être surmontés. Il est intéressant de noter par exemple des programmes gouvernementaux en matière de vaccination des enfants, de scolarisation des filles ou encore d’hygiène qui sont souvent accompagnés par de fortes composantes de communication sociale visant à encourager des changements de comportements.
Dans les régions rurales du Sénégal, les méthodes ancestrales de culture continuent de prévaloir. Par exemple, à Ndiaffate dans la région de Kaolack, les agriculteurs persistent à utiliser des semences locales moins productives, malgré la disponibilité de variétés améliorées. Cette préférence pour les techniques traditionnelles est souvent alimentée par une méfiance envers les nouvelles technologies.
À Thiès, un projet d'irrigation goutte-à-goutte a échoué car les agriculteurs pensaient que les promoteurs cherchaient à les tromper.
La dépendance des agriculteurs sénégalais vis-à-vis des subventions et aides de l’État, constitue un autre frein majeur. À Kaolack, les producteurs d'arachides ont retardé leurs semis en attendant des semences subventionnées, ce qui a conduit à une récolte tardive et moins abondante. Cette attente des aides étatiques peut freiner l'initiative individuelle, le principe d’entreprenariat et retarder les progrès agricoles.
Les chefs traditionnels et les anciens jouent un rôle déterminant dans les décisions agricoles, souvent au détriment de l'innovation. À Ziguinchor, un projet de diversification des cultures a été abandonné car les anciens insistaient sur la culture exclusive du riz. Le poids des traditions peut ainsi limiter l'adoption de pratiques agricoles plus diversifiées et rentables.
Certaines croyances culturelles influencent également les pratiques agricoles. À Fatick, des agriculteurs ont refusé d'utiliser des engrais, affirmant que la fertilité des sols dépendait de la volonté divine. Cette croyance en la providence peut réduire l'adoption de pratiques modernes et limiter les rendements.
Les cérémonies traditionnelles retardent parfois les récoltes, affectant la qualité des produits. À Tambacounda, une cérémonie de bénédiction des récoltes a retardé la moisson du mil, entraînant des pertes dues aux intempéries. Bien que significatives sur le plan social, ces pratiques peuvent avoir des conséquences économiques négatives.
La priorité accordée aux cultures vivrières traditionnelles, comme le mil et le sorgho, au détriment des cultures commerciales plus rentables, limite les revenus des agriculteurs. À Matam, les tentatives d'introduire la culture de la tomate industrielle ont été rejetées en faveur du mil. La rationalité paysanne voit aussi les tiges de mil et sorgho comme matériaux de construction de l’habitat en plus des graines pour l’alimentation quotidienne du ménage. Cette valorisation des cultures vivrières, bien que cruciale pour la sécurité alimentaire, restreint les opportunités économiques.
Les innovations agricoles sont parfois perçues comme des menaces à l'identité culturelle. À Bakel, l'introduction de tracteurs a été mal accueillie car les agriculteurs craignaient que cela ne détruise leur mode de vie traditionnel basé sur le travail manuel, en plus de la non disponibilité de moyens financiers pour faire face à la consommation en carburant. Cette stigmatisation des innovations et la non prise en compte des capacités financières pour l’exploitation, freine l'adoption de technologies qui pourraient améliorer l'efficacité et la productivité.
Les femmes, bien que cruciales dans l'agriculture sénégalaise, sont souvent marginalisées dans les prises de décision. À Kolda, un groupe de femmes a été empêché de participer à un programme de formation en agriculture durable, les hommes de la communauté estimant que leur place était au foyer. Cette exclusion limite l'efficacité des initiatives agricoles et prive le secteur de contributions précieuses.
Il est également important de noter que l'intégration des jeunes dans le secteur agricole est essentielle pour assurer la pérennité des innovations et des pratiques modernes. Les jeunes agriculteurs, souvent plus ouverts aux nouvelles technologies, peuvent jouer un rôle clé dans la transformation du secteur agricole sénégalais. Des programmes de mentorat et de formation ciblés, peuvent aider à combler le fossé générationnel et à encourager l'adoption de pratiques agricoles plus efficaces et durables.
La transmission orale des connaissances agricoles limite aussi l'accès à des informations actualisées et scientifiques. À Louga, les jeunes agriculteurs continuent de suivre les conseils de leurs aînés, ignorant les formations modernes disponibles. Cette dépendance sur la transmission orale freine l'innovation et l'adoption de nouvelles techniques.
Inclure les femmes et les jeunes dans les processus décisionnels et leur fournir les ressources nécessaires est également crucial.
Pour réussir les objectifs de souveraineté alimentaire, il est impératif de mettre en place des programmes d'éducation et de sensibilisation qui respectent les traditions tout en introduisant progressivement des innovations. Les autorités en charge de l’encadrement paysan, doivent collaborer étroitement avec les chefs traditionnels pour gagner leur confiance et leur soutien. Enfin, il est essentiel de promouvoir des pratiques agricoles modernes tout en respectant les croyances locales, en montrant comment ces nouvelles méthodes peuvent coexister avec les traditions et améliorer les rendements agricoles. Pour ce faire, il est nécessaire de mettre en place des stratégies de communication sociale efficaces, de renforcer les capacités des agriculteurs à travers des formations continues, et de créer des plateformes de dialogue entre les différents acteurs du secteur agricole
En adoptant une approche inclusive et participative, le Sénégal peut surmonter ces obstacles et promouvoir une agriculture durable et prospère, assurant ainsi sa souveraineté alimentaire et son développement économique.
En combinant tradition et modernité, le Sénégal peut non seulement améliorer la productivité agricole mais aussi garantir une sécurité alimentaire durable pour les générations futures.
En conclusion, la révolution agricole au Sénégal nécessite une approche holistique qui respecte les traditions tout en intégrant des pratiques modernes et innovantes, surmontant les obstacles socio-culturels et favorisant une participation inclusive de tous les acteurs.
L'ÉDITORIAL DE René Lake
POUR UNE THÉORIE DU CHANGEMENT
EXCLUSIF SENEPLUS - Engager la Rupture et la mise en œuvre du Projet sans délai pour rompre avec un cycle de gouvernance abusive. Il est urgent d’élaborer une stratégie de transformation systémique fondée sur des actions cohérentes, mesurables
La prise de fonction d'un nouveau président est un moment crucial pour un pays, surtout lorsqu'il s'agit de rompre avec un cycle de gouvernance oppressive et dictée par des intérêts extérieurs. Diomaye Faye, nouvellement élu président, et Ousmane Sonko, leader incontesté du mouvement Pastef, aujourd’hui aux affaires, se trouvent à cette croisée des chemins.
Pour réaliser un changement durable et profond, il est essentiel de mettre en place une théorie du changement et de la transformation systémique dès les premiers moments du mandat. Contrairement à une accumulation de petites réformes sectorielles, une approche systémique vise à restructurer fondamentalement les institutions, les pratiques et les mentalités qui maintiennent le statu quo. Cet article explore pourquoi cette approche est essentielle, en fournissant une analyse des approches et en présentant des exemples de succès et d'échecs mondiaux.
Pourquoi une Théorie du changement immédiate est essentielle
En début de mandat, il apparaît essentiel d’être dans l'éviction des réformes fragmentées. Une éviction des réformes fragmentées qui éloigne et abandonne les réformes qui sont réalisées de manière isolée, désordonnée et déconnectée les unes des autres, sans vision globale ou cohérence systémique. L’exigence serait plutôt de résolument s’engager dans une approche intégrée et holistique des réformes pour garantir une transformation profonde et durable des institutions, des pratiques et des mentalités.
Les réformes sectorielles, comme celles de la justice, bien qu'importantes, risquent de se heurter à des résistances corporatistes et des inerties institutionnelles. Les Assises de la Justice, convoquées par le président Diomaye Faye du 15 au 17 juin 2024, n'ont pas échappé à cette difficulté, pourtant tout à fait prévisible. Les résistances de certains des principaux acteurs du secteur ont empêché la prise de décision et la mise en œuvre effective des réformes les plus structurantes, les plus pertinemment radicales, maintenant ainsi le système existant intact, malgré quelques corrections importantes. On ne change pas un système dans une conversation sectorielle limitée aux principaux acteurs de ce système.
La revendication sociale et l'exigence populaire du moment historique que vit le Sénégal tournent autour de l'indépendance de la Justice afin de tourner les pages noires des années Macky Sall, marquées par une instrumentalisation systématique de la justice. Une théorie du changement systémique, au contraire, propose une vision globale et cohérente du futur, assurant que toutes les réformes s'alignent vers un objectif commun de transformation profonde.
Ce n’est pas pour rien qu’il existe une théorie fort pertinente pour les acteurs sociaux mais aussi les entreprises publiques et privées de l’extériorité pour le changement systémique. Il faut, en quelque sorte, être hors d'un système pour pouvoir le changer. Cela repose sur l'idée que les personnes et les institutions qui font partie d'un système sont souvent trop influencées par ce même système pour pouvoir le mettre en cause radicalement, “penser hors de la boite“ et imaginer des solutions nouvelles.
Les individus et les institutions au sein d'un système sont souvent influencés par les normes, les valeurs et les pratiques établies. Ces influences peuvent limiter leur capacité à voir au-delà du cadre actuel et à envisager des alternatives. Par exemple, dans un système éducatif traditionnel, les enseignants et les administrateurs peuvent avoir du mal à imaginer des méthodes d'enseignement radicalement différentes parce qu'ils ont été formés et travaillent au sein de ce système depuis longtemps.
Les acteurs internes peuvent également montrer une résistance au changement en raison de divers facteurs, notamment les intérêts personnels, les avantages perçus ou réels qu'ils tirent du système actuel, les compétences acquises et la peur de l'inconnu. Cette résistance active ou passive peut se manifester de plusieurs façons, comme l'inertie institutionnelle, les résistances corporatistes, ou le rejet actif des réformes.
Être immergé dans un système peut limiter la perspective des acteurs internes, les empêchant de voir les problèmes de manière holistique. Par exemple, un juge travaillant dans un système judiciaire corrompu peut reconnaître certains problèmes, mais il peut être incapable de concevoir une réforme globale nécessaire pour éradiquer la corruption systémique.
Les acteurs externes, en revanche, ne sont pas soumis aux mêmes contraintes et influences. Ils peuvent avoir une vision plus claire des problèmes systémiques et des solutions potentielles. Les acteurs externes peuvent inclure des experts indépendants, des organisations non gouvernementales, des universitaires et, bien entendu, des citoyens engagés, des citoyens concernés.
La théorie de l’extériorité propose que pour provoquer un changement systémique significatif, il faut souvent une rupture avec le système actuel. Cela signifie que les solutions ne peuvent pas simplement être des ajustements mineurs ou des réformes sectorielles, mais doivent impliquer une transformation radicale qui peut nécessiter des perspectives et des approches totalement nouvelles.
Donner le ton dès le début
Annoncer le cadre systémique des réformes dès le début du mandat envoie un message clair de détermination et de vision à long terme. Il permet de fixer le cap de la transformation et d’orienter la mobilisation de la société et de l’administration pour le changement. Cela mobilise non seulement les partisans du changement, de la Rupture et du Projet Pastef, mais signale aussi aux opposants que des changements significatifs sont inévitables. Cela crée une dynamique de soutien et de légitimité autour des réformes. Une théorie du changement élaborée dans les premiers jours permet ensuite de mettre en place une feuille de route claire et des mécanismes de suivi et d'évaluation rigoureux qui garantissent que les actions entreprises sont coordonnées, mesurables et orientées vers des résultats concrets.
Dans le Sénégal d’aujourd’hui, toutes les conditions objectives et subjectives sont réunies pour non seulement s'engager dans une transformation systémique mais également pour la réussir. Le Projet de Pastef lui-même porte une ambition endogène basée sur la pluralité, l'inclusion, la démocratie, la souveraineté et le panafricanisme. Il est donc temps de poser les premiers actes de transformation systémique du Sénégal. Renvoyer cette radicale exigence à plus tard ne serait pas une option pertinente si l’intention de transformation est réelle. Les expériences à travers le monde nous l'enseignent par rapport à celles qui ont réussi et celles qui ont échoué en fonction des objectifs affirmés par leurs initiateurs. Les exemples à l’échelle mondiale sont parlants.
La transformation économique de la Pologne (1989-1990). Au début de son mandat, le gouvernement polonais nouvellement élu a mis en place le Plan Balcerowicz, également appelé la "Thérapie de choc", pour transformer l'économie de planification dite socialiste en une économie de marché. Ce plan comprenait des réformes économiques radicales annoncées dès le début et mises en œuvre rapidement, ce qui a permis de stabiliser l'économie et de poser les bases de la croissance économique à long terme.
La transition démocratique en Afrique du Sud (1994). Lorsque Nelson Mandela est devenu président, il a immédiatement lancé des réformes systémiques pour démanteler l'apartheid et établir une démocratie inclusive. Le gouvernement a instauré la Commission Vérité et Réconciliation, et des réformes économiques et sociales ont été mises en place pour promouvoir l'égalité. Ces actions ont été décisives pour transformer la société sud-africaine ces trente dernières années. Les difficultés actuelles du pays, qui vient d'organiser des élections mettant l'ANC en difficulté, ne doivent pas faire oublier le miracle d'une paix sociale préservée par des réformes systémiques dans un pays où la brutalité et la violence de la gouvernance de l'Apartheid étaient sans comparaison à l'échelle planétaire.
L'Égypte post-révolution (2011). Après la révolution de 2011, le gouvernement égyptien n'a pas réussi à instaurer rapidement une transformation systémique. Les réformes sont restées fragmentées et insuffisantes face aux défis institutionnels et économiques. En conséquence, le pays a sombré dans une instabilité politique et un retour à l'autoritarisme.
Le Venezuela sous Hugo Chávez (1999). Bien que Hugo Chávez ait annoncé des réformes importantes, celles-ci ont été mises en œuvre de manière désordonnée et souvent populiste, selon certains critiques, sans une théorie du changement systémique cohérente. Les réformes économiques et sociales se sont heurtées à de nombreux obstacles, conduisant à une crise économique et politique prolongée malgré les nombreuses réalisations au bénéfice des plus démunis.
Un Chemin vers la transformation systémique
Pour sortir le Sénégal de l'ère néocoloniale et de l'autocratie récente, tout en renforçant les fondements démocratiques de l'État, il est essentiel de suivre une approche systématique et inclusive dès les premiers moments du mandat présidentiel. Une théorie du changement indépendant des jeux partisans politiques, peut offrir une feuille de route pour cette transformation.
La vision d'un Sénégal démocratique, souverain et prospère, où les droits de l'homme sont respectés et où chaque citoyen a accès à des opportunités économiques et sociales équitables, un pays de tous et pour tous où le bien public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, doit guider cette démarche. Pour atteindre cet objectif, plusieurs piliers doivent être renforcés : les institutions démocratiques, la souveraineté économique et politique, l'éducation et la sensibilisation citoyenne, ainsi que la justice sociale et l'inclusion.
En effet, il est crucial d'assurer l'indépendance du pouvoir judiciaire, de renforcer les mécanismes de contrôle parlementaire et de promouvoir une administration publique transparente et responsable. Cela garantira que les institutions fonctionnent de manière équitable et efficace, servant les intérêts de tous les citoyens sans favoritisme ni corruption.
La réduction de la dépendance aux financements étrangers et aux multinationales est essentielle pour renforcer la souveraineté économique du Sénégal. Cela peut être réalisé en promouvant la coopération Sud-Sud et l'intégration sous-régionale et panafricaine. Une politique économique nationale basée sur l'autosuffisance alimentaire et énergétique doit être développée pour assurer la résilience économique du pays.
Lancer une vaste campagne nationale d'alphabétisation des jeunes et des adultes, et promouvoir l'éducation dans nos langues nationales sur les droits et devoirs civiques, sont des actions indispensables. De plus, il est nécessaire de promouvoir une culture de paix, de tolérance et de participation active pour renforcer le tissu social et encourager l'engagement citoyen.
Pour réduire les inégalités sociales et économiques, il est impératif d’appliquer avec intelligence certes mais de manière effective les lois déjà existantes d’interdiction de la mendicité en particulier celle infantile, de garantir le respect de l'école obligatoire et de renforcer les infrastructures scolaires, culturelles, sociales, sportives et sanitaires. Assurer une représentation équitable des femmes et des minorités, y compris les personnes handicapées, dans toutes les sphères de la société, est également crucial.
Actions clés pour la transformation systémique
Pour mettre en œuvre ces objectifs, des actions clés doivent être entreprises immédiatement. C’est à l’administration Faye-Sonko de proposer et de mettre en œuvre la formule qui lui paraît la plus pertinente. Une des possibilités pourrait être une Commission indépendante pour les réformes institutionnelles, incluant les réformes constitutionnelles et électorales, qui pourrait être mise en place dans le très court terme. Ne cherchant pas à réinventer la roue, cette Commission devrait s’appuyer sur les conclusions des Assises nationales et les recommandations de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) pour mettre en œuvre le Pacte national de bonne gouvernance démocratique signé par le président Diomaye Faye quelques semaines avant le début de la campagne électorale. Une campagne référendaire pour réviser la constitution ou en adopter une nouvelle, selon les recommandations de la Commission, pourrait être de mise, selon les priorités telles que définies par l’administration Faye-Sonko.
Des politiques de soutien aux PME et aux entreprises locales doivent être développées, et les partenariats public-privé encouragés pour développer les infrastructures nationales. Une réforme monétaire au niveau national ou sous-régional est également nécessaire pour renforcer l'autonomie économique du pays et respecter l’un des engagements clés de Pastef qui répond à une exigence historique des jeunesses d’Afrique dite francophone.
L'éducation civique doit être intégrée dans les programmes scolaires dès le primaire et étendue à des campagnes nationales pour adultes. Des campagnes de sensibilisation via les médias et les réseaux sociaux doivent être lancées pour informer et engager les citoyens.
Mettre en place des programmes sociaux pour les groupes vulnérables, notamment en zone rurale, et assurer l'accès universel à l'éducation et aux soins de santé sont des mesures indispensables pour promouvoir l'inclusion sociale.
Pour mesurer le succès de ces réformes, il est important pour l’administration Faye-Sonko de présenter plusieurs indicateurs clés qui pourraient aller de l’augmentation de la transparence et de la responsabilité des institutions publiques, à la réduction des cas de corruption et d'abus de pouvoir, la diminution de la dépendance aux importations alimentaires et énergétiques, la croissance du secteur privé local, l’augmentation de la participation électorale et de l'engagement communautaire, la réduction des écarts de revenu et d'accès aux services essentiels, l’augmentation de la représentation des femmes et des minorités dans les instances décisionnelles, etc.
Étapes de mise en œuvre
La mise en œuvre de cette théorie du changement doit suivre plusieurs étapes clés. Un diagnostic participatif, impliquant toutes les parties prenantes (gouvernement, société civile, secteur privé, acteurs politiques…), doit, au besoin, actualiser l’analyse des problèmes actuels élaborée par les Assises nationales et la CNRI. Ensuite, un plan d'action à court, moyen et long terme doit être élaboré avec des objectifs clairs et des ressources allouées. La mise en œuvre des réformes et des programmes doit être suivie régulièrement, avec une évaluation continue des impacts. Pour cela, un observatoire des politiques publiques, géré par la société civile, peut être créé. Enfin, les stratégies doivent être adaptées en fonction des résultats et des retours des parties prenantes.
Pour transformer le Sénégal en une nation démocratique et souveraine, il est crucial d'élaborer et de mettre en œuvre dès les premiers moments du mandat présidentiel une théorie du changement systémique. Cela permettra de surmonter les résistances institutionnelles, de mobiliser un large soutien et de mettre en place les bases d'un développement durable et inclusif. Un tel projet mobilisateur et populaire sera également un rempart important face à toutes les tentatives intérieures mais surtout extérieures de déstabilisation du pays. Les exemples mondiaux montrent que le succès de telles entreprises dépend de la rapidité et de la cohérence des actions entreprises dès le début. En suivant cette approche, le Sénégal peut espérer un avenir prospère et équitable pour tous ses citoyens.
L'Administration Faye-Sonko, les Assises nationales et l’hyperprésidentialisme
L'administration Faye-Sonko a un avantage certain dans le contexte historique du moment. En effet, elle bénéficie des conclusions consensuelles des Assises nationales et des recommandations de la CNRI, qui fournissent un cadre général pour la transformation systémique du Sénégal. Le travail de concertation, de collecte et d’élaboration d’un cadre général de transformation systémique est disponible, et les principaux acteurs semblent aujourd'hui pour l'essentiel, disponibles, actifs et disposés à participer à la mise en œuvre de ce chantier tout à fait inédit en Afrique, tant par sa méthodologie que par ses conditions d'implémentation.
Il est important que la mobilisation autour des urgences n’empêche pas la transformation systémique. Il y a un équilibre à trouver pour rassurer les Sénégalaises et les Sénégalais que leurs voix ont été entendues le 24 mars 2024.
Les conclusions des Assises nationales et les recommandations de la CNRI et leurs porteurs sont les amis des oppositions. C’est le camp de tous ceux qui constatent horrifiés les dégâts majeurs de l’hyperprésidentialisme pour le vivre-ensemble sénégalais. Il affecte les fondements de l’État démocratique parce qu’il crée des conditions favorables à l’installation de réflexes autocratiques. Par contre, une fois au pouvoir, redistribuer et rééquilibrer les pouvoirs exorbitants et irraisonnables de l’Exécutif ne devient plus une priorité. Au contraire, il s’agit d’agir pour les protéger voire les sécuriser encore plus. L’administration Faye-Sonko aura cette tentation qui apparaît comme naturelle mais à laquelle il est impératif de résister.
De la même manière qu’Ousmane Sonko dans un acte historique a résisté à la tentation d’être la seule option à la candidature pour le mouvement Pastef, lui et Diomaye Faye doivent aider le Sénégal à rompre avec ce cycle infernal de l’hyperprésidentialisme auquel on ne s’oppose qu’à partir de l’opposition mais que l’on adoube une fois aux affaires. Ils ont là un acte politique de portée historique à poser dans ce temps de gouvernance que vit le Sénégal sous leur administration. Retarder l’expression véhémente de cette intention n’est pas une option viable parce que les tentacules du système vont se refermer sur eux.
Le Rôle des citoyens et de la société civile
Le traumatisme collectif des années Macky Sall, en particulier les trois dernières années, semble avoir épuisé les Sénégalaises et les Sénégalais à un point tel que le souhait exprimé ou non est celui de refuge dans le déni citoyen sous prétexte qu’il faut laisser aux nouvelles autorités le temps d’atterrir. Le déni citoyen est une forme de capitulation de son droit mais surtout de son devoir d’alerte, d’interpellation mais aussi de propositions. Ils ont été élus, laissez-les gouverner, entend-on. Non justement, l’une des grandes leçons des alternances passées est bien celle de ne pas laisser de procuration à une administration quelle qu’elle soit.
Le droit et le devoir de dire les choses, d’alerter, de critiquer, d’informer, d’éduquer et de proposer est un impératif citoyen à tous moments. Mieux, le changement véritable attendu est que les autorités politiques ne décident plus de la vie des citoyens de façon discrétionnaire et comme elles le veulent sans l’avis de ceux-ci. Ce qui exige un nouveau mode de gouvernance qui ouvre des espaces de participation citoyen dans l’élaboration des politiques et dans les processus de prise de décision afin que les choix et options répondent pertinemment aux besoins et aspirations les plus larges.
En revanche, en début de mandat, il y a lieu de ne pas stigmatiser ou chercher à catégoriser sur la base d’un échantillon de faits réduits et qui par ailleurs cristallisent les contradictions et de ce fait deviennent contre-productifs. Tout cela donne un goût particulier à l’air ambiant. On détecte la saveur acide et toxique de la pensée unique. Tous les acteurs sociaux et politiques ont le droit et surtout le devoir de ne pas laisser s’installer un tel climat dans le Sénégal d’aujourd’hui qui a engagé sa révolution souverainiste, a gagné une nouvelle bataille le 24 mars, mais qui ne pourra aller à la victoire que s’il s’insère dans une dynamique ouverte, constructive d’une révolution citoyenne où des règles consensuelles régissent notre vie commune dans les domaines essentiels partagés tout en laissant à chacun la liberté de ses appartenances idéologiques et de son identité politique.
Pour que la transformation systémique du Sénégal soit un succès, il est impératif que l'administration Faye-Sonko résiste à la tentation de protéger les pouvoirs exorbitants de l'Exécutif et engage immédiatement les réformes nécessaires. La mobilisation citoyenne doit rester vigilante et active, assurant que la voix du peuple continue d'être entendue et respectée. En suivant une théorie du changement bien structurée et en s'appuyant sur les conclusions des Assises nationales et les recommandations de la CNRI, le Sénégal peut espérer un avenir où démocratie, souveraineté et prospérité sont les piliers d'une société équitable et inclusive.
par Thierno Alassane Sall
LE PREMIER MINISTRE DOIT FAIRE SA DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE
Invoquer le règlement intérieur de l’Assemblée pour se dérober à une disposition constitutionnelle n’est pas le chemin de la rupture. Le nouveau régime est, d’abord, attendu dans le respect de la Constitution et la reconstruction des institutions abîmées
L’article 55 de notre Constitution dispose : « Après sa nomination, le Premier ministre fait sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale. »
Cette obligation constitutionnelle n'a pas besoin d'être ensérée dans des délais. Le Premier ministre doit faire sa déclaration de politique générale avant que le gouvernement ne pose des actes dans le sens de l'exécution d'un quelconque programme et il va sans dire c'est déjà le cas.
Invoquer le règlement intérieur de l’Assemblée nationale pour se dérober à une disposition constitutionnelle n’est franchement pas le chemin de la rupture.
Le nouveau régime est, d’abord, attendu dans le respect scrupuleux de la Constitution et la reconstruction des institutions abîmées. Cela ne demande ni financement ni ressources. Sauf celles que l’on doit avoir en propre : se mettre à la hauteur de l’histoire et garantir une gouvernance démocratique.
par Guy Marius Sagna
LETTRE À OUSMANE SONKO
Je vous invite solennellement à ne pas tenir votre déclaration de politique générale tant que les dispositions relatives au Premier ministre n'ont pas été réintégrées dans le règlement intérieur de l'Assemblée nationale
En vertu de l'article 6 de la Constitution, l'Assemblée nationale est une institution de la République, ce qui signifie qu'elle doit fonctionner sur la base des règles clairement établies par la Constitution et par son règlement intérieur, lequel détermine son fonctionnement et organise de manière précise le déroulement de ses travaux.
Monsieur le Premier ministre, au moment où il vous est rappelé de faire votre Déclaration de politique générale conformément à l'article 55 de la Constitution, permettez-moi de vous rappeler également que le cadre juridique du travail parlementaire est actuellement compromis et se déroule d'ailleurs en toute illégalité en raison de l'introduction et de la mise en circulation depuis la 13e législature d'un faux règlement intérieur.
La loi n°2019-10 du 14 mai 2019 portant révision de la Constitution a supprimé le poste de Premier ministre. Pour être en conformité avec cette réforme constitutionnelle, l'Assemblée nationale, à travers la loi organique n°2019-14 du 28 octobre 2019, avait enlevé toutes les dispositions relatives au Premier ministre de son Règlement intérieur, notamment les articles 97, 98, 99 portant respectivement sur la déclaration de politique générale, sur la question de confiance et sur la motion de censure.
Par la suite, le 10 décembre 2021, l'Assemblée nationale a adopté le projet de loi constitutionnelle n°38-2021 qui restaure le poste de Premier ministre. Cependant, depuis la restauration du poste de Premier ministre, l'Assemblée nationale n'a toujours pas mis à jour son règlement intérieur. Au lieu de modifier à nouveau son règlement intérieur afin de réintégrer les dispositions relatives au Premier ministre abrogées depuis la loi n°2019-14 du 28 octobre 2019, le président de l'Assemblée nationale conduit les travaux de notre institution avec un faux règlement intérieur qui fait référence à des dispositions sur le Premier ministre abrogées depuis bientôt cinq ans.
Monsieur le Premier ministre,
Par lettre en date du 8 décembre 2022, j'avais interpellé votre prédécesseur, Monsieur Amadou Ba, pour lui faire savoir qu'il ne pouvait, dans l'état actuel du règlement intérieur de l'Assemblée, faire sa déclaration de politique générale puisque l'Assemblée nationale avait depuis 2019 supprimé toutes les dispositions relatives au Premier ministre. Il s'est entêté et a fait sa déclaration de politique générale le 12 décembre 2022 sur la base d'un faux règlement.
Monsieur le Premier ministre,
Considérant que l'article qui disposait dans le Règlement intérieur que la déclaration de politique générale doit intervenir au plus tard trois mois après l'entrée en fonction du gouvernement n'existe plus ; Considérant qu'il est fait sciemment circuler un faux règlement intérieur depuis la 13e législature et que le président de l'Assemblée nationale, formellement interpellé sur cette fraude à la Constitution, refuse de prendre l'initiative ou d'appeler les députés à restaurer la légalité, je vous invite solennellement à ne pas tenir votre déclaration de politique générale tant que les dispositions relatives au Premier ministre n'ont pas été réintégrées dans le règlement intérieur de l'Assemblée nationale.
Vous souhaitant une bonne réception, je vous prie, Monsieur le Premier ministre, de bien vouloir agréer l'expression de ma haute considération.
Par Ibou FALL
PAIN - BOULETTES...
«Ma dèfal la sauce, wala ? Ma dèfal la soblè, ou bien ? Ma défal la pobar, aussi ? Cube Maggi, bouga nga ? Moutarde nong ?»
Le pain n’est pas à la fête, contrairement à ce qui se passe aux alentours du 16 mai, à l’occasion de la Saint-Honoré, patron des meuniers… Pendant une semaine, dans toute la France, l’Hexagone se vante de la richesse de sa tradition boulangère, célèbre ses artisans boulangers et vend son savoir-faire dans l’allégresse imaginative. Ici, au Sénégal, même si c’est pain béni pour l’opposition trop bonne pâte qui n’ose pas en faire son levain, cette semaine, la miche, malgré elle, tient le haut du pavé : les meuniers font des têtes d’enterrement, les boulangers risquent l’apoplexie, le gouvernement s’énerve et les consommateurs se demandent toujours, malgré la baisse des prix décidée d’autorité, si on ne les roulerait pas par hasard dans la farine. Bref, le secteur est dans le pétrin, mais il n’y a pas grand monde pour en faire son grain à moudre.
Le sujet touchant à l’estomac, cette zone hypersensible chez mes cousins à plaisanterie, c’est donc le branle-bas de combat… En première ligne, bien sûr, le président de la Fédération des boulangers, Amadou Gaye, le bien nommé. Le brave monsieur tape mollement sur la table pour expliquer que la subvention du gouvernement est une crotte de mouche, en précisant quand même qu’il obéira sans hésitation aux injonctions gouvernementales, tout en murmurant dans les médias sa désapprobation. Presque en même temps, un dénommé Alassane Niang, qui se dit gérant de boulangerie dans la Médina, nous explique en malaxant les mots, que la fameuse baisse serait, comme perlimpinpin, de la poudre aux yeux. D’abord, les formes de la miche ne sont plus pareilles : ça passe des allures de drianké dodue à celles de mannequin efflanqué. Le vaillant compagnon du p’tit déjeuner de mes cousins à plaisanterie est en pleine cure d’amaigrissement selon les doctes précisions et donc, en résumé, là où il en fallait deux, il en faudra trois…
Bien entendu, les Ndoye et les Mbengue, qui sont tous propriétaires de boulangerie, ont des fournées différentes : les grosses miches pour la famille et les baguettes maigrelettes pour les autres. A défaut de remplacer la viennoiserie par du pain de singe, que les nutritionnistes considèrent comme bien plus nourrissant, on devrait leur payer ce saupoudrage en monnaie de singe ?
Les Diagne, les Dieng et les Mbodj, quant à eux, s’en moquent, mais alors, complètement : on a beau leur servir du redressement fiscal et saisir tous leurs comptes, leur pain, le matin comme le soir, sera forcément sur la table.
Ça ne blague pas avec les échos de l’estomac, ces gens-là…
Nous autres, les Fall, qui ne vivons que d’amour et d’eau fraîche même en période faste, nous regardons tout ça de loin et avec détachement. L’actualité brûlante est ailleurs.
Ben oui : enfin, on la tient la vraie photo officielle du Président Diomaye Faye. Il pose sur le perron de l’Elysée, serrant la paluche à l’homologue français, comme tout bon Président sénégalais digne de ce nom. Une fausse alerte avec l’arrivée par une entrée presque dérobée. On allait en prendre la mouche. Renseignements pris, les organisateurs de la Fête de la Musique, comme tous les ans, obstruent ce jour-là l’entrée principale.
La France et le Sénégal, deux démocraties, main dans la main, c’est vieux comme la République
On s’en doute un peu, déjà… Une semaine auparavant, en visite au Mali et au Burkina, c’est la douche froide pour les putschistes qui salivent de voir rejoindre leur association dissidente un Président démocratiquement élu, sénégalais de surcroît, comprenez le géant diplomatique des environs, chouchou de la France… Il n’est pas question de s’embarquer dans cette aventure cahoteuse : le Sénégal reste ce qu’il est depuis toujours, une démocratie. Donc, pas de familiarité.
On ne réinventera pas la roue durant ce mandat : le Fmi va prêter des sous, 240 milliards nous dit-on, non sans avoir gentiment tapé sur les doigts de ces débutants qui vont chercher 450 milliards de francs Cfa en eurobonds alors qu’ils n’en ont pas vraiment besoin. On ne sait pas si c’est du lard ou du cochon quand le représentant-résident suggère que cette nouvelle dette peut tout juste en éponger d’autres.
Prière d’éviter tout ricanement…
Ceci dit, le pays retient son souffle dans l’attente du discours de politique générale du Premier ministre Ousmane Sonko. Dans la tradition républicaine, c’est dans les quatre-vingt-dix jours suivant sa nomination qu’un Pm nous édifie sur sa conduite des affaires publiques, sa vision et les moyens qu’il entend y consacrer..
Apparemment, Ousmane Sonko y va à reculons… Comme on le comprend : au regard de la composition de l’Assemblée nationale, ça ne va pas manquer de… boulettes.
Je vous fais un tableau ?
Il aura en face de lui de redoutables débatteurs… Coura Macky en petite tête et Mame Diarra Fam toute en bleu, depuis le foulard en bataille jusqu’aux escarpins en soie, seront là pour lui administrer des cours de Droit public, ceux auxquels les deux juges constitutionnels échappent de justesse juste avant les élections. Il y aura aussi Abdou Mbow qui l’attend avec impatience sur les eurobonds que le gouvernement vient d’emprunter ; Ahmed Aïdara, après la colle sur la suppression des fonds politiques, n’ira pas par quatre chemins pour lui reprocher de traîner quant au règlement de la dette intérieure. Il lui expliquera comment éviter de payer à Eiffage les factures de Talix Group. Le Premier ministre a intérêt à écouter religieusement le gotha du Parlement
Dieu merci, Ousmane Sonko aura un allié de taille dans l’Hémicycle, l’honorable Guy Marius Sagna, prêt au sacrifice suprême pour le tirer de ce guet-apens. Je l’imagine monter sur un pupitre et baisser le froc pour exhiber un caleçon neuf en Vichy rouge, histoire de faire diversion et empêcher la motion de censure. Si ça ne suffit pas, le pape du Frapp s’emparera de l’urne pour la fracasser sur le parvis. Enfin, à la sortie du Pm après son brillant speech, l’intrépide député fera barrage de son corps pour empêcher que les députés du Pur ne l’agressent
Quand je vous prédis que ça promet, vous pouvez me croire !
Bien sûr, pour Ousmane Sonko, le laïus sur la souveraineté nationale ne peut manquer dans son discours, pourvu qu’il ne change ni le drapeau avec l’étoile verte ni l’hymne national ; le sourcilleux Pm trouvera certainement quelques lignes à consacrer au durcissement des lois contre les pédés, les transgenres, les travestis et les petits coquets coquins ; la chasse aux prédateurs de nos deniers également, pourrait faire chic à la télé ; tout comme les appels à pourvoir aux postes vacants.
Ne nous attardons pas sur les futilités et attaquons le plat de résistance : le pétrole et le gaz, à n’en pas douter, seront au centre de ce discours que le monde entier attend, à partir duquel le Sénégal trônera au rang des pays riches en quittant sans se retourner le clan des pays à budgets chiches.
Après un bref silence de cathédrale, ce sera la ruée pour s’inscrire sur la liste des intervenants : personne ne voudra rater ça, toute la planète nous regarde !
C’est évident, la liste des sujets qui fâchent est interminable… Il ne manquera certainement pas dans les travées un député qui enjambera le politiquement correct pour aborder les sujets sensibles. Par exemple, le complot d’Etat ourdi entre 2021 et 2023, qui occasionne des dizaines de morts, sans doute bien plus de blessés, des dégâts évalués en milliards de francs Cfa, juste pour sauver le «Projet».
Par quelle question commencer ?
Doit-on ouvrir le bal en lui demandant où en est la rédaction du fameux «Projet», qui a toute l’apparence de la tragi-comique comédie «L’Os de Mor Lam», ou alors l’interroger sur les preuves du complot d’Etat qui téléguide le Gps d’un honorable député en goguette, au point de le conduire par inadvertance dans un salon de massage à la devanture couleur de veilleuse de lupanar ?
Après la semaine du pain, comme dit la chanson, les boulettes à l’Assemblée ne manqueront pas de piment et convoquent les questions existentielles que pose tout vendeur de coin de rue digne de ce nom, venu de son lointain Fouta Djallon, sur un ton chantonnant : «Ma dèfal la sauce, wala ? Ma dèfal la soblè, ou bien ? Ma défal la pobar, aussi ? Cube Maggi, bouga nga ? Moutarde nong ?»
Par Dr Mohamed Lamine LY
POUR UNE DEMOCRATIE RENOUVELEE AU SENEGAL
Le 24 mars 2024 s’est tenue au Sénégal une élection présidentielle, dont l’issue présage de bouleversements sociopolitiques majeurs sur la scène politique africaine
Le 24 mars 2024 s’est tenue au Sénégal une élection présidentielle, dont l’issue présage de bouleversements sociopolitiques majeurs sur la scène politique africaine. En effet, des forces politiques prônant la rupture effective d’avec le système néocolonial françafricain ont réussi à accéder au pouvoir, de manière tout à fait légale et pacifique, en se conformant aux préceptes de la bonne vieille démocratie bourgeoise, qui s’avère, malgré tout, impropre à parachever la libération des classes exploitées et des peuples opprimés.
Le Sénégal, grâce au dynamisme de sa classe politique et à son implication précoce dans la vie institutionnelle de la métropole française, a toujours eu une longueur d’avance dans la pratique de cette démocratie de type occidentale, (abstraction faite de la lugubre parenthèse de la glaciation senghorienne), ce qui lui a même valu, une réputation surfaite de vitrine démocratique au niveau du continent africain.
Un pays aux traditions démocratiques mais inféodé à l’Occident
Il faut, quand même, reconnaître, que les traditions démocratiques au Sénégal et plus généralement, dans notre sous-région, remontent à la période précoloniale, avec une révolution politique anti-esclavagiste, antérieure à la celle française, sans parler de la Charte du Mandé, contemporaine, voire antérieure à la Magna Carta (1215), considérée par certains comme la matrice des droits de l’Homme dans le monde, adoptée bien avant le Bill of Rights de 1689 en Angleterre, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Par ailleurs, dès le début du 19ième siècle, des représentants de la colonie du Sénégal seront envoyés dans les institutions parlementaires françaises à l’issue de compétitions électorales très disputées.
Le premier président sénégalais, Léopold Sédar Senghor, poète, chantre de la négritude, voulait faire de son pays, la Grèce de l’Afrique Noire et défendait une thèse plaçant la culture – et non l’économie – au début et à la fin de tout développement.
Sa francophilie débordante l’empêchait de se rendre compte de la pesante tutelle néocoloniale de l’ancienne métropole et allait être à l’origine du premier conflit politique du Sénégal indépendant., en 1962.
Après la mise à l’écart de Mamadou Dia, la voie était ouverte pour la perpétuation de la mainmise de la France, sur l’économie sénégalaise et celles de plusieurs pays de l’ancienne Afrique Occidentale Française, à travers leur système monétaire basé sur le franc CFA. Sur le plan politique, on a également noté une hantise de la France, à vouloir maintenir ses anciennes colonies dans la sphère d’influence du monde occidental.
Pour consolider son pré-carré en Afrique subsaharienne, la France mit en place, dès 1960, un secrétariat général à la présidence de la République pour les affaires africaines et malgaches dirigé par le puissant Jacques Foccart, personnage central d’une politique plus connue sous le vocable de Françafrique, ayant à son actif, outre le sabotage de monnaies nationales, des exécutions extra-judiciaires ou des putschs militaires.
Cela va avoir des répercussions sur la vie politique des jeunes nations africaines, surtout, à cette époque de guerre froide entre les puissances occidentales regroupées autour des Etats-Unis et le camp socialiste dirigé par l’Union Soviétique d’alors. Elle était caractérisée par la diabolisation des forces progressistes, selon le modèle du mccarthysme étatsunien, de triste mémoire, avec un ostracisme marqué à l’endroit des partis proches de la mouvance communiste, victimes d’interdiction administrative ou combattus par une répression féroce, pouvant par endroits, aller jusqu’à la lutte armée (Cameroun). De plus, les dirigeants du monde occidental, convaincus que la démocratie représentative pluraliste ou multipartisane était un « luxe pour les pays africains » confrontés aux affres du sous-développement, imposèrent le modèle du parti unique ou unifié.
Ce mode de gouvernance autoritaire allait être à l’origine d’une floraison de coups d’Etat, qui devenaient, par la force des choses, la seule voie de résolution des dissensions politiques ou d’accès au pouvoir.
Après la chute du mur de Berlin en 1989, il devenait urgent, pour le camp occidental, revigoré par l’effondrement inattendu du camp socialiste ennemi, de canaliser – à défaut de pouvoir la contrecarrer - l’aspiration universelle des peuples au progrès social et à la liberté. Le 20 juin 1990 constitue une date repère dans le cadre d’une nouvelle approche stratégique esquissée dans le discours de la Baule du président François Mitterrand. Il y appelait les pays africains à changer de paradigmes, du moment que la menace communiste semblait s’estomper.
Apogée du modèle démocratique sénégalais
Le Sénégal, un des rares pays africains à n’avoir pas connu de coup d’état militaire, avait amorcé, très tôt, sa mutation démocratique, après la longue décennie d’hibernation démocratique consécutive à la crise politique entre Senghor et Mamadou Dia (voir plus haut).
En 1980, le président Léopold Sédar Senghor démissionnait de sa fonction, ne supportant plus la pression de syndicats et partis de gauche, puis il faisait de son premier ministre, son dauphin, lui cédant le fauteuil présidentiel, par la grâce d’un artifice tordant le cou aux dispositions constitutionnelles.
Le président Abdou Diouf allait rester aux commandes de l’Etat sénégalais pendant deux décennies, durant lesquelles, deux tendances contradictoires allaient voir le jour. On assista d’une part à un élargissement relatif des espaces politiques et citoyens (multipartisme intégral, émergence de plusieurs syndicats autonomes, pluralisme médiatique…) et de l’autre à une libéralisation débridée des politiques publiques, à travers les plans d’ajustement structurel, selon le mot d’ordre « moins d’Etat, mieux d’Etat ».
Grâce à la lutte soutenue du mouvement national démocratique, on assista à une fiabilisation progressive du processus électoral (identification de l’électeur, secret du vote, fichier mieux maîtrisé…), permettant la survenue de la première alternance démocratique, le 19 mars 2000. Elle avait pour ambition de résoudre l’épineuse question de la demande sociale exacerbée par les plans d’ajustement structurel, du précédent régime socialiste, mais surtout d’approfondir le processus démocratique, en procédant à un rééquilibrage institutionnel et en mettant fin à l’excès de concentration de pouvoirs entre les mains du président de la République. Malheureusement, le président Wade, au lieu de démanteler le système hyper-présidentialiste, allait plutôt augmenter ses prérogatives dans la nouvelle constitution votée lors du référendum du 7 janvier 2001.
Une deuxième alternance sans véritable rupture
En 2012 survint la deuxième alternance démocratique sénégalaise, grâce à la victoire de Macky Sall au deuxième tour des présidentielles sur le président Wade, sanctionné à cause de ses dérives autocratiques. En effet, non content de violer la disposition constitutionnelle de limitation des mandats à deux, il faisait montre de velléités de dévolution monarchique du pouvoir à son fils Karim Wade. Pour contrebalancer la jeunesse et l’immaturité de sa formation politique, l’Alliance Pour la République, le nouveau président était convaincu, que la condition sine qua non de la survie de son nouveau régime était la mise en place d’une vaste Coalition, selon la devise «gagner ensemble et gouverner ensemble».
De fait, la collusion d’intérêts allait conférer à Benno Bokk Yakaar une longévité aussi démesurée que néfaste et en faire l’une des Coalitions les plus massives et les plus unanimistes de l’histoire politique du Sénégal.
On se rendit très vite compte, que le nouveau pouvoir n’avait aucune intention de procéder aux réformes démocratiques consignées dans les conclusions des Assises nationales, dans le projet de nouvelle constitution et dans les autres recommandations de la C.N.R.I, visant aussi bien à améliorer la gouvernance sociopolitique qu’à instaurer l’équilibre et la séparation des pouvoirs.
Plongée dans les abysses de l’autoritarisme
La gouvernance de la coalition Benno Bokk Yakaar, sous le leadership du président Macky Sall va être marquée par : La découverte de gisements de gaz et de pétrole, laissant augurer de rentrées de recettes significatives, à l’horizon 2025-2026
La judiciarisation de la scène politique, ainsi que la criminalisation des acteurs politiques de l’Opposition, abusivement caractérisés comme terroristes.
L’accentuation de l’instrumentalisation des institutions parlementaire et judiciaire, conduisant à des tripatouillages récurrents des textes de lois, voire de la Constitution et à l’embastillement de milliers de militants politiques et d’activistes…
Il faut dire que la mise aux arrêts de M. Ousmane Sonko était l’aboutissement d’un long feuilleton politico-judiciaire ayant débuté en février-mars 2021, en pleine crise de la COVID-19. A l’époque, le leader du PASTEF était au centre d’une affaire de mœurs avec des accusations de viol proférées par une jeune masseuse. La tentative des autorités judiciaires de l’envoyer en prison, alors que le dossier donnait tout l’air d’avoir été fabriqué de toutes pièces, (il allait d’ailleurs être acquitté le 1er juin 2023, des chefs d’accusation de viol et de menace de mort), allait déclencher des émeutes meurtrières, qui paradoxalement allaient booster la carrière d’Ousmane Sonko, arrivé troisième à l’élection présidentielle du 24 février 2019 et favori incontestable de celle de 2024. C’est bien pour cela, qu’il sera arbitrairement évincé de la compétition électorale et que le PASTEF sera obligé de désigner son camarade de parti, Bassirou Diomaye Faye, comme candidat de substitution.
Le putsch constitutionnel du 3 février 2024
Au début du mois de Février 2024, le Sénégal était sous les feux de la rampe, a occupé le devant de la scène médiatique et fait la Une des plus grands journaux internationaux. Le 3 février, le président Macky Sall a pris, quelques heures avant l’ouverture de la campagne électorale, un décret pour annuler la convocation du corps électoral, actant ainsi le report sine die de l’élection présidentielle., une première depuis plus de 60 ans.
Dénouement pacifique de la crise politique
Au lieu de se plier aux injonctions du conseil constitutionnel, le président allait se lancer dans une fuite en avant, en convoquant un prétendu dialogue national, le 26 février 2024, à Diamniadio. Mais ce dialogue aussi illégal qu’illégitime, cherchait à repousser la date du scrutin de plusieurs mois, au lieu de fixer – dans les meilleurs délais - une nouvelle date pour l’élection présidentielle, seule voie de résolution de la crise politique profonde et inédite, qui mettait à mal le modèle démocratique sénégalais.
C’était sans compter avec la détermination du Conseil constitutionnel à faire respecter les dispositions de la loi électoral en sortant une décision en date du 5 mars 2024 et rendue publique le lendemain. Dans celle-ci, la feuille de route issue des travaux du prétendu dialogue national et qui proposait de remanier la liste des candidats et de reporter l’élection présidentielle au 2 juin 2024, a été rejetée, sans autre forme de procès, car elle aurait eu pour conséquence, de prolonger le mandat du président Sall, au-delà du 2 avril. C’est finalement la date du 24 mars 2024 qui sera retenue. Face à l’inéluctabilité de la victoire du candidat Bassirou Diomaye Faye, attestée par d’innombrables sondages, il ne restait plus au président Macky Sall, inquiet pour son propre devenir et celui de ses proches, qu’à faire voter, le 6mars 2024, une loi d’amnistie et à faire libérer, la semaine suivante, les centaines de militants PASTEF arbitrairement détenus. Parmi ces derniers figuraient le candidat officiel et le président d’un parti en pleine ascension, un parti, qu’on avait fini par dissoudre, en invoquant les motifs les plus fallacieux, ce qui ne s’était plus produit depuis le début des années 60.
La réalité des faits démentait formellement cette mesure administrative de dissolution du PASTEF, qui pouvait être considéré comme un des partis les plus dynamiques, les mieux structurés, ayant de remarquables capacités en termes de mobilisation de ressources internes. De plus, il a joué les premiers rôles, fait preuve de résilience, de constance et a payé un lourd tribut dans cette confrontation politique épique avec le régime du Benno-APR, dont il a mis à nu les tares que sont la mal-gouvernance illustrée par de multiples scandales à répétition et le soutien à la dépendance néocoloniale.
C’est donc, en toute logique, que le « duo présidentiel » Sonko-Diomaye du PASTEF auréolé d’un parcours prestigieux voire héroïque, a remporté l’éclatante victoire électorale du 24 mars 2024 acquise, dès le premier tour, en devançant le candidat de Benno, son adversaire et suivant immédiat de près de 20 points.
Par Babacar Louis CAMARA
TEL EST PRIS QUI CROYAIT PRENDRE
Pour ceux qui ont des yeux et une cervelle, l’amorce du changement systémique avec le nouveau pouvoir au Sénégal a eu un effet positif auprès de la population
Pour ceux qui ont des yeux et une cervelle, l’amorce du changement systémique avec le nouveau Pouvoir au Sénégal a eu un effet positif auprès de la population.
Les choses sont claires. Il y a d’un côté les optimistes majoritaires, qui saluent les premières décisions courageuses de rupture, et il y a de l’autre côté minoritaire, les charlatans qui prédisent à l’aide d’une boule de cristal que l’échec est imminent. Contentons-nous de compulser et de revisiter les premières séquences des actions de Monsieur Bassirou Diomaye Faye, Président de la République, après 80 jours d’exercice du Pouvoir.
1. Il ne fait pas l’ombre d’un doute que la composition du Gouvernement a été faite d’une manière objective et équilibrée avec la nomination de personnes dont le profil sied parfaitement à la fonction. Les ministères de Souveraineté que sont les Forces Armées, de l’Intérieur et de la Sécurité Publique et de la Justice ont été confiés à des dignitaires apolitiques expérimentés, rigoureux, et au passé glorieux.
2. La politique diplomatique de proximité déployée dès l’installation du nouveau Pouvoir en se rendant chez les pays voisins est un signal fort de l’ancrage du Sénégal dans le panafricanisme. Il ne fallait plus ostraciser les Etats voisins, mais plutôt travailler à leur réintégration dans toutes les instances sous régionales et de les inscrire à nouveau dans le concert des nations africaines en les laissant mener leurs réformes et leur politique.
3. La situation foncière au Sénégal était devenue inextricable, alarmante, telle une pandémie dans toute l’étendue du territoire provoquant de graves litiges fonciers pouvant déboucher à la révolte des populations. Il est donc heureux et salutaire que l’Etat central veuille désamorcer une bombe sociale qui allait fragiliser la cohésion nationale. L’annulation du partage de ‘’Bouki’’ sur l’immense superficie de Mbour 4 à Thies et son affectation pour des projets immobiliers nationaux est une source de satisfaction générale. Il en est de même sur les scandales de l’Aéroport Léopold Sédar Senghor, de la bande des filaos à Guédiawaye, sans oublier l’audit sur le bradage du patrimoine bâti de l’Etat.
4. Dans des difficultés financières très aigues depuis des années, le monde paysan était dans une grande détresse, frisant l’agonie. Grace à la diligence de l’Etat, la catastrophe a été évitée de justesse avec le paiement de plusieurs années d’arriéré de paiement. Avec ce geste fort, l’Etat a assumé sa responsabilité pour sauver la présente saison agricole.
5. La Publication des rapports des corps de contrôle a révélé la très mauvaise gouvernance, liée à une corruption endémique qui a prévalu sur une très longue période au Sénégal. Les sénégalais ont été abasourdis tant la prédation de nos maigres ressources ont été spoliées et saccagées. Il y a eu tellement d’orgies financières que le ressort social de confiance entre l’ancien Pouvoir et le peuple s’est cassé pour aboutir à ce fort sentiment de rejet envers la classe politique traditionnelle.
6. La tenue du Dialogue National, consacré aux Assises sur la Réforme et la Modernisation de la Justice va permettre à l’amélioration du système judiciaire sénégalais, qui depuis quelques années a été chahuté, mettant en mal notre modèle démocratique. Certainement, les Conclusions de ce dialogue sociétal réconcilieront les sénégalais avec leur Justice.
7. Les récentes actions citoyennes avec le Set-Setal ont été massivement suivies par les populations qui veulent un meilleur Cadre de vie, démontrant ainsi son adhésion totale à tout appel patriotique des Autorités étatiques. C’est une relation fusionnelle que l’Etat doit susciter auprès de cette merveilleuse jeunesse, enthousiaste et engagée dans la voie du redressement national. Et l’Etat doit veiller avec vigilance à ce que ne s’installe pas un Casus Belli entre les différentes générations pour une bonne et sereine transmission du bâtonnet ‘’témoin’’.
8. L’allégement remarquable et remarqué du dispositif de sécurité à Dakar a été bien apprécié par les populations qui ont été traumatisées durant des années par la présence intempestive et envahissante des Forces de Sécurité et de Défense. L’Etat vendait de la peur aux citoyens sénégalais qui se retrouvaient dans un environnement délétère et angoissant. Nous assistons aussi aujourd’hui à une gestion frugale de l’Etat, avec une sobriété protocolaire aux déplacements de Monsieur le Président de la République et des membres du Gouvernement.
9. Les différentes mesures prises par le Gouvernement pour l’acheminement des pèlerins à la Mecque, et le déplacement des sénégalais dans les régions à l’occasion de la Tabaski ont été positivement appréciées par les populations, ainsi que la gestion de l’approvisionnement du marché en moutons et denrées.
10. La nouvelle et grande volonté de l’Etat pour une transparence dans la gestion de nos ressources naturelles avec l’envoi d’une forte délégation ministérielle dans la région aurifère de Kédougou donne de l’espérance aux populations pour un avenir meilleur.
11. L’engagement solennel de Monsieur le Président de la République Bassirou Diomaye Faye avec le démarrage de la production pétrolière de Sangomar a amplifié la croyance que le Sénégal est entré dans une nouvelle ère de croissance et de développement.
12. La décision salutaire de revisiter les contrats et conventions défavorables au Sénégal est à magnifier à plus d’un titre. Elle permettra de rétablir une équité dans le partage des richesses produites à partir de nos ressources naturelles. Pour dire, nos ressources halieutiques, nos phosphates, notre or, notre pétrole, notre gaz, notre zircon, notre lithium et autres doivent servir d’avantage au peuple qui en est le dépositaire et propriétaire.
Dans un post sur la page Facebook de la Convention des Dakarois du 23 Mai 2023, nous écrivions : « Il nous semble aussi important que l’Etat du Sénégal doit avoir une plus grande confiance et empathie envers son secteur privé. Il y a un complexe et une immoralité manifeste dans l’attribution de certains marchés de travaux d’envergure aux entreprises étrangères, alors que l’expertise et les ressources humaines qualifiées ne font pas défaut au Sénégal.
Le secteur privé sénégalais est outillé pour exécuter toute ingénierie technique et financière. Il y a de l’entregent, disposant d’un portefeuille relationnel important à travers le monde pour trouver des partenaires techniques et financiers de références. Malheureusement l’Etat n’est pas à leur écoute, préférant traiter et négocier dans de lugubres officines avec ceux Qui ont été initiés et informés des projets. Ces délits d’initiés font le lit de la corruption, de la concussion et de la surfacturation.
Dans tous les pays réellement souverains, il existe une discrimination positive pour protéger et appuyer son secteur privé. » Comment comprendre qu’un simple aménagement de la Corniche Ouest de Dakar soit confié à une entreprise étrangère, alors que le Sénégal regorge d’architectes paysagers et d’environnementalistes ? L’Etat doit comprendre que la pauvreté ne se partage pas et qu’il doit créer des richesses qui bénéficieraient à la Nation sénégalaise par l’augmentation du pouvoir d’achat. L’Etat doit libérer les immenses énergies novatrices des jeunes sénégalais dont le génie et le talent sont reconnus. Le renouveau économique du Sénégal, passera indubitablement par l’endogénéisation d’une agriculture performante, adossée à une industrie de transformation et de valorisation des produits.
Comment comprendre que le Sénégal, gros producteur d’arachide, n’arrive pas à produire de l’huile d’arachide, malgré ses différentes unités industrielles qu’il faut simplement réhabiliter (SONACOS) ?
Comment comprendre qu’il n’existe pas au Sénégal une tannerie pour la transformation des peaux et cuirs, alors que nous en produisons énormément avec les fêtes religieuses (Tabaski, Magal, Gamou, etc.) ?
D’autres exemples peuvent être cités à volonté, tant le potentiel est énorme. C’est ce paradoxe à inverser qu’il faut saluer le narratif de la vision du Gouvernement qui s’adosse sur une endogénéisation intégrale du secteur primaire, à savoir l’Agriculture, l’Elevage et la Pêche, sans oublier l’Artisanat. L’Etat, désormais sous la férule des nouvelles Autorités, devra faire preuve de ténacité et de fermeté. Face aux groupes d’intérêt, au poids des habitudes et des droits acquis, il faut un réel courage politique pour réformer en profondeur.
Le Gouvernement du Sénégal doit poursuivre et intensifier ses efforts avec détermination pour engager des initiatives audacieuses et visionnaires qui inviteraient la jeunesse sénégalaise, porte étendard de la Nation, à s’approprier le PROJET. Pour l’Agriculture, la mère des batailles, il s’agira d’avoir une stratégie pertinente en concentrant les moyens sur les filières prioritaires (riz, maïs, mil, arachide), et résoudre enfin la problématique de la conservation des produits horticoles en cas d’abondance de production. Ce n’est pas le moment de nous divertir sur une production de blé au Sénégal, même si c’est possible.
Renforçons et développons d’abord les filières porteuses pour le rééquilibrage de notre balance de paiement, et encourageons les sénégalais à consommer du pain fait de blé et de mil. C’est de la redondance que de le souligner. Tous les leviers sont en place, il suffit de la volonté pour les actionner fermement. Dans tous les domaines, le secteur privé national est en mesure de proposer un accompagnement complet qui inclut la phase amont (conception, études, financements, et exécutions).
Les Autorités sénégalaises doivent relever le défi de construire la confiance avec le secteur privé national qui doit être le moteur de la croissance, créatrice de richesses. Certes, depuis son installation, le Gouvernement fonctionne avec des pare-feu car les urgences surgissent de partout, en prenant en compte la grande impatience des populations.
Néanmoins, il faut de la prospective et de la réactivité quand se présente des opportunités pour asseoir les bases des réformes économiques. Avec toute la bonne volonté du Gouvernement, le Sénégal ne se développera pas sans une approche inclusive de tous ses fils. Dans quelques années, un rendez-vous sera très attendu pour évaluer concrètement la tenue des engagements pris par le couple Diomaye-Sonko. Il y sera moins de questions de promesses que de constats.