Le Tribunal de Grande instance de Louga va vider ce matin l’affaire Cheikhouna Gaye. Ce verdict est attendu dans un calme fragile dans la capitale du Ndiambour, qui est «bunkérisée». Sur l’Avenue de la gare menant à la police de Louga et un peu partout en ville, un contingent de Gmi, armés jusqu’aux dents, quadrille la ville, où devraient déferler les fidèles du marabout de Ndiagne pour écouter la lecture du délibéré. Comme lors du procès. Ce jour-là, les flics et les gendarmes, qui étaient si peu nombreux, avaient été débordés par les soutiens du maître coranique, qui ont tout saccagé sur leur passage.
Cheikhouna Guèye et ses 5 présumés complices risquent 2 ans dont 2 mois ferme pour mise en danger de la vie d’autrui, violence et voie de fait et complicité. C’est ce réquisitoire du Parquet, qui avait plongé les amis du marabout dans une colère noire. Il a fallu l’intervention du marabout, Serigne Mouhamadane Mbacké ibn Serigne Mourtalla Mbacké, pour calmer l’ardeur des talibés. Il faut savoir que cette affaire est née après qu’un élève de l’école coranique qui tentait de fuguer, les jambes enchaînées, a croisé, sur son chemin, des inconnus non loin du village de Guet Ardon distant de quelques kilomètres de Ndiagne. Inter pellé, le talibé a expliqué sa mésaventure.
Ils ont photographié et posté les images sur les réseaux sociaux. Suffisant pour que le procureur saisisse la gendarmerie de Coki pour faire une descente sur les lieux et procéder à l’arrestation du maître coranique et plus tard de son soudeur et de six membres de la famille du jeune talibé. Cette affaire est un caillou dans la chaussure du ministre de la Justice, Garde des sceaux, qui a promis de traquer les auteurs du saccage, qui n’ont pas encore été arrêtés. Est-ce lié à une volonté d’assurer la désescalade tant l’affaire passionne les foyers religieux ? Lundi, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké a appelé les talibés à la retenue dans l’attente du délibéré, après avoir discuté de la question avec le Président Sall.
«CE FACE-A-FACE ENTRE NOUS ET LES ONG ME GENE PARCE QUE NOUS AVONS LES MEMES OBJECTIFS»
Diplomate de formation, Mbaye Babacar Diop, nouveau directeur des Droits humains, parle dans cet entretien de l’affaire des daaras, de l’homosexualité, de Karim Wade.
Diplomate de formation, Mbaye Babacar Diop, nouveau directeur des Droits humains, parle dans cet entretien de l’affaire des daaras, de l’homosexualité, de Karim Wade. Sans langue de bois, il dit tout.
Aujourd’hui, l’actualité est dominée par l’affaire des talibés de Ndiagne qui a choqué tout le monde. Quelle est votre réaction en tant que directeur des Droits humains ?
Il y a trop d’amalgame qui a amené certains à croire et à dire que l’Etat combat les daaras. Si on commet certains actes, on tombe sous le coup de la loi. Il faut faire œuvre de pédagogie sur certaines questions. Le parent a le choix, mais il n’a pas le choix d’amener son enfant vers ce qu’on appelle «l’esclavage» parce qu’il faut faire la différence entre la question des daaras, celle de la mendicité et des non talibés enfants dans la rue. Pour moi, il faut essayer de voir quelle est la perception que le Peuple sénégalais a des actions menées par l’Etat. Et aussi il y a un travail de pédagogie qui a commencé parce que je crois beaucoup à la concertation…
Est-ce qu’il n’y a pas un problème de formation des maîtres coraniques sur ces questions-là ? Je sais que ce n’est pas évident aussi en parlant de ce volet formation parce qu’il suffit de mémoriser souvent le Coran et d’ouvrir son propre daara. Qu’est-ce que l’Etat va faire et qu’est-ce que votre direction compte faire pour régler définitivement cette question-là ?
Vous avez parfaitement raison et l’Etat en est conscient. Et dans le Programme de modernisation des daaras, il y a eu des objectifs qui sont déjà atteints. Il y a eu des formations qui ont été déjà organisées. Ce n’est pas suffisant, mais c’est un pas. On ne force pas les gens à être formés. Ceux qui ont accepté d’adhérer à ce programme ont été formés. Il y a 200 maîtres coraniques qui ont été formés. Et justement la formation a un double sens. Il s’agit d’avoir la même lecture parce que même l’interprétation des textes sacrés, que ce soit le Coran ou autre, on n’est toujours pas d’accord et c’est enrichissant. Donc c’est intéressant de comprendre pourquoi l’Etat doit respecter tel engagement ou doit agir dans l’intérêt de tout le monde. Et dans la formation, ce n’est pas seulement la mémorisation, mais d’avoir des outils pédagogiques et de connaître les limites à ne pas franchir dans ces outils-là. Parce que si on prend l’argument religieux, l’Etat a l’obligation de défendre les enfants. Et dans ce programme de modernisation des daaras, il y a eu un partenariat avec la Banque islamique de développement (Bid). Il y a eu 10,3 milliards de F Cfa qui ont été investis dans le cadre dudit programme. Et pour l’amélioration des conditions de vie et d’apprentissage des enfants, l’Etat a mis 3,7 milliards de F Cfa. Pour l’amélioration physique du cadre de vie au niveau des structures religieuses et des villes religieuses, l’Etat a mis un milliard pour la construction des infrastructures. C’est en sens que 26 daaras ont été construits entre 2012 et 2015 au niveau de plusieurs cités religieuses, notamment Touba. Si quelqu’un donc est contre quelque chose, il ne va pas s’engager là-dessus. L’Etat a tout pris en charge. Il faut arrêter de voir des enfants exclus du système. L’Etat ne va pas dire que par force ton enfant ne va pas apprendre le Coran.
Il y a aussi le business des enfants qu’on fait mendier. Il y a eu des statistiques qui ont montré que des enfants passent leur temps à mendier. Ils font plus de 5h par jour pour mendier…
Et l’Etat ne peut pas ne pas réagir. C’est pourquoi l’Etat amis en place en 2019 le Centre national de protection de l’enfant (Cnpe). Il y a eu un recensement à Dakar. Et les statistique sont montré qu’il y a 1 006 écoles coraniques et 54 mille 837 talibés dont 53% pratiquent la mendicité. Maintenant le débat, c’est où sont les 47% ? Cela prouve qu’il y a des Serigne daraas qui maintiennent leurs talibés dans leurs daraas. Et si vous faites votre propre sondage, il y a des enfants qui ne peuvent même pas réciter un Fatiha parce qu’ils n’ont même pas le temps d’étudier. Dans ces 53% de daraas qui pratiquent la mendicité, 91% consacrent entre une heure à 5 heures à la mendicité. Les autres heures, ils font quoi ?L’Etat a aussi investi sur des infrastructures parce qu’il y a le problème de sécurité. Il y a le cas des enfants qui ont été brûlés ici à la Médina. Est-ce qu’on va continuer comme ça ? Si l’Etat intervient, on dit qu’il fait de l’ingérence. S’il n’intervient pas, on dit qu’il est négligent. Et l’Etat ne saurait être négligent. Et dans les statistiques, on a compris que 19% de ces daraas sont dans des maisons en construction et 17% sont dans des zones inondées.
Mais si on parle d’inondation, il y a le droit à la santé aussi. Est-ce qu’un Etat responsable doit accepter cela ? Et 5% sont dans des maisons abandonnés où il peut y avoir à tout moment un drame. L’Etat n’a pas le droit de voir des citoyens être exposés comme ça. C’est pourquoi il prend ses responsabilités. Il faut qu’on essaye de gérer cet amalgame-là ; celle consistant à dire qu’on est contre les daraas et les Serigne daraas alors que l’Etat même accompagne ces daraas et Serigne daraas qui le veulent. Il y a eu des subventions de 300 mille F Cfa pour les aider. Pour lutter aussi contre la mendicité, il y a eu des programmes pour améliorer l’alimentation des enfants en collaboration avec l’Unicef…
Par rapport à l’affaire des talibés, on sait qu’il y a eu d’abord la publication du rapport du Comité, mais ensuite un reportage de Cnn et après le tollé avec les médias sénégalais et même internationaux. Est-ce qu’on ne peut pas craindre une coïncidence troublante par rapport à ces faits-là, et également n’y a-t-il pas toujours un forcing du comité des droits de l’Homme pour vraiment que le Sénégal éradique complètement ce problème des enfants talibés ?
Ce n’est pas de mon ressort d’analyser les calendriers et les agendas quand nous sommes dans ces situations. Ce qui est important, c’est de faire des constats. Et j’en profite pour vous dire que le Sénégal répond scientifiquement, objectivement et diplomatiquement. Le Sénégal n’a jamais fui le débat alors qu’il y a des pays puissants qui sont interpellés par le comité et qui décident de ne pas y aller. Le Sénégal a toujours pris ses responsabilités. Maintenant ces questions de pression, le Sénégal ne va pas réagir sous pression. Et répondre à la pression signifie qu’on n’était pas capable d’être conscient et sensible à nos propres problèmes. Je ne vois pas comment on peut être plus consciencieux que le Sénégal par rapport à la question des enfants. C’est pour dire qu’on n’a même pas besoin de pression. Et s’il y a pression, ça vient de nous-mêmes parce qu’on ne pas se développer sans éduquer nos enfants. C’est une masse critique d’enfants et de jeunes biens éduqués qui permettent d’atteindre nos objectifs de développement durable. On n’a pas besoin de pression par rapport à l’extérieur parce que le Sénégal est conscient de ses devoirs. Ça je peux vous rassurer. Et il faut qu’on essaye de voir avec les médias pour la sensibilisation. Je crois que c’est mon boulot, c’est dans mes missions de faire la promotion des droits humains. Il faut que l’on essaye de voir comment travailler à la perception des droits humains sur tous les angles…
On parle aussi des questions de torture…
Il y a beaucoup de chantiers au Sénégal, mais je pense qu’il ne faut pas dramatiser. Les choses pour moi se passent convenablement et si je le dis je l’assume. Il y a des gens qui parlent de tortures. Est-ce qu’ils ont vu des gens être torturés ? Moi j’en ai vu dans d’autres pays d’Afrique. Il faut que l’on se dise la vérité, le Sénégal est très en avance non seulement par rapport à l’Afrique, mais au monde. On a beaucoup d’acquis et nous n’allons pas raser les murs. Mais dire aussi que tout est rose, nous n’avons plus notre place ici. Si tout est rose, on n’aurait pas créé la direction des Droits humains. Il se trouve qu’il y a des améliorations à faire. Le président de la République a donné des instructions au gouvernement, lors du dernier Conseil des ministres, pour une modification de la loi sur le viol et la pédophilie.
C’est en droite ligne avec les politiques de lutte contre la violence basée sur le genre. Pour moi, les droits civils et politiques sont importants certes, mais dans la prise en charge de certains aspects des droits humains, à mon sens, il y a un déficit, pour ne pas dire une discrimination. Les plus forts d’une manière générale ne s’en occupent pas. Ces handicapés là, nous avons voté une loi d’orientation sociale le 6 juillet 2010. Et dans la mise en application il y a beaucoup d’avancées qui ont été faites par le gouvernement. Mais le président de la République a dit qu’il faut encore aller plus loin et plus fort. Il a demandé une évaluation prospective de la loi d’orientation sociale.
Est-ce qu’il y a un budget carrément réservé à la promotion des droits humains ? Est-ce que cette année il a connu une hausse à l’Assemblée nationale ?
Si, il y a un budget. C’est sensiblement la même chose. Notre rôle c’est que nous sommes dans le côté à la fois technique, promotion, stratégique et veille, c’est-à-dire nous ne sommes pas très loin des Ong. C’est pourquoi si je vois ce face-à-face entre nous et les Ong, ça me gêne parce que nous avons les mêmes objectifs. Même les journalistes, il y a ceux qui ne connaissent pas la direction des Droits humains. Je me suis rendu compte de cela. Et ce n’est pas la faute des journalistes, c’est nous. C’est ma responsabilité d’aller vers les Sénégalais à travers vous pour leur dire que : voilà ce que nous avons déjà fait et voilà ce que nous comptons faire, voilà nos responsabilités et nos objectifs et ensemble nous allons voir comment construire… Le Sénégal ne peut pas faire preuve de faiblesse sur ces questions de moralité et sur celles qui sont dans l’obligation de l’Etat. Et c’est vraiment pour vous rassurez. Il y a les questions des handicapés, des femmes, mais également l’éducation des jeunes filles, les Droits économiques, sociaux, culturels (Desc), les enfants, en fait tous les domaines.
Vous avez été nommé à la tête de la direction des Droits humains après le passage du Sénégal devant le Comité des droits de l’Homme où l’affaire Karim Wade a suscité beaucoup de commentaires…
S’agissant du cas de Karim Meïssa Wade, j’assume ma position, car ce que je dis sur cette affaire m’engage personnelle Mbaye Babacar Diop, directeur des Droits humains au ministère de la Justice Diplomate de formation, Mbaye Babacar Diop, nouveau directeur des Droits humains, parle dans cet entretien de l’affaire des daaras, de l’homosexualité, de Karim Wade. Sans langue de bois, il dit tout. «Ce face-à-face entre nous et les Ong me gêne parce que nous avons les mêmes objectifs» Propos recueillis par Djiby DEM et Bocar SAKHO - d.dem@lequotidien.sn-bsakho@lequotidien.sn ment. Je me rappelle une lettre ouverte qu’il, alors tout puissant, avait adressée aux Sénégalais. Ma position à l’époque comme aujourd’hui ne souffre d’aucune objectivité. Je parlais de M. Karim Wade quand il était puissant, je n’aime pas parler des gens qui ont perdu le pouvoir. Ça m’avait touché, mais négativement. J’étais en 2004 en Israël et en Palestine dans le cadre d’études diplomatiques des Nations unies. Et j’ai été interpellé par le patron de l’industrie de l’aviation civile pour me demander si je connaissais Karim Wade. Je lui ai dit que je connais son père. Il m’a dit qu’à l’époque on l’appelle «Monsieur 10%». Ça me gênait et je lui ai dit : «Pourquoi vous dites ça» ? Parce que, lorsque le Sénégal cherchait la flotte pour Air Sénégal, les négociations n’avaient pas abouti dans le sens souhaité parce qu’il y avait des exigences. Ce n’est pas une accusation. Mais je pense que les gens doivent être cohérents même s’ils pensent qu’on doit donner de l’argent. Mon rôle est que les droits de chacun soient préservés, que ça soit Karim Wade ou un autre… Avec le Comité des droits de l’Homme des Nations unies qui n’est pas une juridiction, on parle du cas de Karim Wade, mais on oublie ou laisse de côté la Cedeao avec sa Cour de justice qui est la juridiction communautaire compétente en matière de violation des droits de l’Homme en Afrique. Celle-ci s’est prononcée sur cette affaire, sur les prétendues violations droits civils de Karim Wade de participer librement à la direction des affaires publiques de son pays et des droits utiles à son pays en rendant un arrêt le 4 mars 2019 en ces termes : «Sur la violation de participer librement à la direction publique de son pays, la Cour de justice de la Cedeao constate que le rejet de l’inscription de Karim Meïssa Wade sur la liste électorale, alors qu’il aspire à la plus haute fonction au niveau étatique, constitue certes une restriction à son droit de vote, mais celle-ci est faite en application de la loi, notamment L31 du Code électoral qui vise à réprimer sévèrement certains faits lorsqu’ils sont commis par des personnes dépositaires de l’autorité publique.»
Cette privation de l’exercice du droit aux suffrages est attachée de plein droit à diverses condamnations pénales sans que le juge qui décide de ces mesures ait à les prononcer expressément. A mon avis, il faut toujours être dans une posture d’éclairage de l’opinion. C’est d’ailleurs dans mes prérogatives de veiller et de promouvoir les droits de tous les citoyens, c’est dans mes prérogatives en tant que directeur des Droits humains ; qu’il s’agisse de Karim Wade ou de n’importe quel autre Sénégalais.
Qu’en est-il des engagements pris à Genève sur l’affaire Karim Wade ?
(Catégorique). Il n’y a pas eu d’engagement pris à Genève. On doit cesser la désinformation, les fake news. Il n’y a pas d’engagement. Il n’y a aucun engagement pris à Genève. Nous sommes dans un Etat organisé. Les messages du gouvernement sont envoyés par un canal officiel, diplomatique, des écrits via le ministère des Affaires étrangères. Qu’il s’agisse du cas de Karim ou d’un autre, il n’y a pas eu de cas spécifiques mentionnés dans les documents de réponse. C’est cela la réalité et personne ne peut le nier. Maintenant, s’il y a des gens qui veulent faire croire à l’opinion autre chose, je leur concède ce droit, mais je précise encore une fois que le cas de Karim n’a pas été évoqué. On doit essayer d’avancer. Sur tout ce que le comité a dit, on fait dire au Sénégal ce qui n’a pas été mentionné dans le document officiel.
On parle de plus en plus de la question de l’homosexualité… Et le Comité en a fait référence ?
Pourquoi ceux qui parlent du cas de Karim Wade ne feraient pas comme le président de la République et le ministre de la Justice qui se sont tous prononcés explicitement sur les questions qui touchent fondamentalement la structure, le socle de notre société. Est-ce qu’il n’est pas temps d’interroger les acteurs de la société civile, l’opposition pour de manière responsable qu’ils se prononcent et nous disent ce qu’ils pensent de ce comité et de ce qu’il défend. De toutes les façons, je vous assure que le Sénégal n’accepte pas et n’acceptera pas des ingérences de cette nature (Ndlr : la légalisation de l’homosexualité). A la société civile maintenant de nous dire sa position sur ce point précis, car l’Etat a de manière responsable répondu au Comité. Nous attendons que les acteurs de la société civile, notamment ceux qui parlent du cas Karim Wade et ceux qui font de la politique politicienne, nous disent ce qu’ils pensent réellement du Comité des droits de l’Homme de l’Onu qui demande au Sénégal une abrogation pure et simple de l’article 319, alinéa 3 du Code pénal sénégalais. (Ndlr : l’homosexualité est punie au Sénégal par l’article 319 du Code pénal, alinéa 3, issu de la loi 66- 16 du 12 février 1966). L’article stipule que : «Sans préjudice des peines plus graves prévues par les alinéas qui précédent ou par les articles 320 et 321 du présent Code, sera puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 100 mille à 1 million 500 mille francs, quiconque aura commis un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe. Si l’acte a été commis avec un mineur de 21 ans, le maximum de la peine sera toujours prononcé.» Enlever cet article du Code pénal est une porte ouverte à des dérives, ce sera la fin de notre histoire et de notre existence.
Le Comité des droits de l’Homme des Nations unies veut forcer le Sénégal à accepter les relations contre nature, à légaliser l’homosexualité, mais le Sénégal n’acceptera pas. Même un couple marié religieusement ou traditionnellement entre une femme et un homme reconnu par la loi divine et humaine ne peut pas se permettre de faire tout ce qu’ils veulent dans la rue. L’émanation d’une loi prend en compte toutes les dispositions psychologiques, anthropologiques, culturelles et sociologiques. En prenant en compte tous ces aspects, le Sénégal a fait des lois dont certaines sont contre de manière générale à tout ce qui est attentatoire à nos mœurs. Me Malick Sall que j’ai côtoyé depuis quelques années est un homme digne, intègre, généreux, dont la seule vocation est de travailler pour faire avancer notre pays. Notre rôle est de travailler pour la stabilité, la cohésion et la paix.
Sur ce point, le Sénégal peut bien compter sur l’appui des guides religieux qui ont été très fermes sur ces questions. Est-ce qu’il n’est pas temps de trouver des consensus forts sur ces questions nationales ?
Au niveau de l’Eglise comme chez les musulmans, les postures sont bien coordonnées. C’est cela qui fait aujourd’hui le fort du Sénégal. La Société civile même doit être sur cette ligne, car on doit trouver des consensus forts et définitifs sur des questions d’intérêt national. Les questions de laïcité, c’est un concept polysémique, car on y met tout ce qui colle à nos propres réalités. Dès lors, une chose peut être acceptée en France et bannie au Sénégal ou ailleurs et vice-versa. Il faut parfois relativiser pour permettre au dialogue de s’installer et de continuer entre les cultures et laisser chacun s’enraciner et s’ouvrir. Pour reprendre un de mes professeurs de Philosophie à l’Université, «on doit être capable d’adopter et d’adapter»
Est-ce qu’il n’est pas temps de trouver des points de convergence sur certaines questions avec la Société civile ?
Le premier dossier que le ministre de la Justice m’a confié a été de choisir quelqu’un qui doit remplacer un commissaire au niveau de la Commission de protection des données personnelles. Pour trouver le bon profil, j’ai pris mon téléphone, j’ai appelé les acteurs de la Société civile, Alioune Tine, Me Assane Dioma Ndiaye, Moundiaye Cissé de l’Ong 3D, entre autres, pour me proposer quelqu’un. A travers son Cv (Curriculum vitae), il a été pris et de mon avis, c’est la personne qu’il faut à la place qu’il faut. Bref, cela résume qu’on doit dialoguer et trouver des consensus sur des questions essentielles et d’intérêt général. C’est en tout cas cette démarche inclusive que j’ai choisie, à savoir de poser sur la table toutes les questions pour trouver des réponses dans l’intérêt des Sénégalais, en parfaite cohérence avec la législation.
« LE MUSÉE DES CIVILISATIONS NOIRES, C’EST LE FRUIT DE MA MUSIQUE »
Dans un talk-show organisé dans le cadre de la promotion de son nouvel album, sur la TFM, Youssou Ndour a ouvert le cahier souvenir pour évoquer quelques passages intéressants de son immense carrière musicale
Dans un talk-show organisé dans le cadre de la promotion de son nouvel album et diffusé sur la TFM, le chanteur Youssou Ndour, interrogé par son légendaire batteur, Mbaye Dièye Faye, a ouvert le cahier souvenir pour évoquer quelques passages intéressants de son immense carrière musicale qui lui a permis d’avoir une certaine influence sur le plan politique et de rayonner à l’international. Quelques extraits de l’échange...
RELATIONS INTERNATIONALES
« La musique m’a aussi donné l’opportunité de faire le tour du monde plus de six fois. J’ai vu toutes sortes de sommités internationales dans ma carrière. D’ailleurs, ces rencontres m’ont permis de faire partie de ceux qui ont réussi à faire annuler la dette des pays pauvres. J’ai insisté auprès du défunt président français Jacques Chirac et de Lionel Jospin afin qu’ils passent là-dessus. Vous voyez souvent mes clichés avec des politiques de la trempe de George Bush, Angela Merkel et consorts. Ce sont eux qui le sollicitent et dans ces cas, il ne faut juste pas se contenter de prendre la pose. Il faut en profiter pour parler des choses sérieuses qui préoccupent l’Afrique. Toujours par la musique, j’ai pu accéder à la Maison Blanche, m’entretenir dans le bureau ovale avec Bush. En ce temps-là, je lui en voulais car, les Etats-Unis qu’il présidait étaient en conflit avec l’Irak. J’ai même fait annuler les 60 concerts que je devais tenir aux Usa avec le Super Etoile à cause de ça. J’ai perdu énormément d’argent mais cela m’était égal. Lors de mon entretien avec lui, j’ai mis de côté mes états d’âme et nous avons pu lui faire donner une contribution assez considérable pour la lutte contre le paludisme, le Sida et la tuberculose en Afrique. Il est certes l’un des présidents américains qui a commis le plus d’erreurs mais, son apport pour l’Afrique n’est pas négligeable. »
MUSÉE DES CIVILISATIONS NOIRES
« Toujours grâce à la musique, à la prestigieuse Université de Yale en Amérique, j’ai été élevé au rang de professeur (Docteur honoris causa). Le Musée des civilisations noires, c’est le fruit de ma musique. J’ai intégré le Gouvernement sénégalais en 2012 avec le président Macky Sall. On a trouvé que sous le magistère de Wade, parmi ses réalisations, il y avait le Grand-Théâtre. Et parmi les premiers dossiers qui ont été soumis à mon appréciation, il y avait ce musée. La question était de savoir s’il fallait le maintenir ou pas. J’ai pesé de tout mon poids pour qu’il soit maintenu et le chef de l’Etat m’a fait confiance. Avec la coopération chinoise, le musée est aujourd’hui sur pied. J’ai beaucoup appris de la vie. La musique m’a aussi apporté des échanges avec moult institutions internationales grâce à quoi, le Forum de Dakar qui regroupe des investisseurs, a pu tenir se l’année dernière sous nos cieux. J’ai un profond respect pour la musique, ce n’est pas un jeu comme peuvent le penser certains. Elle a fait de moi ce que je suis... »
WORLD MUSIC - OUVERTURE À L’INTERNATIONAL
« Il y a une différence entre un opus local et un international. C’est comme si tu parlais le Wolof et le Français (avec lequel) on peut s’exprimer au delà de nos frontières. C’est comme l’Anglais. Au début de ma carrière, je ne cherchais qu’à me faire un nom au Sénégal donc, il était normal que la langue utilisée soit le Wolof. Fort heureusement, ma notoriété est allée au delà du Sénégal. J’ai commencé à voyager. Vers les années 90, la World music est née. Je me suis engouffrée dans la brèche comme nombre d’artistes. Pour ce faire, il fallait chanter dans d’autres langues. Je me suis donc ouvert à l’international et par la grâce de Dieu, on m’écoute partout dans le monde. Suivant les pays ou les endroits où je joue, je m’adapte et je sais à peu près le style de musique dont le public a besoin. A force, c’est l’expérience qui parle. D’autant plus que nous avons un répertoire riche et varié de plus de 400 morceaux, n’importe quel public peut y trouver son compte. Les gens ont tendance à se tromper sur une chose en pensant que l’international ne concerne que les Blancs. Chez nos voisins du Mali, de la Mauritanie ou de la Gambie, c’est aussi l’international. Au minimum, nous avons parcouru le continent africain au moins 5 fois avant d’aller vers le reste du monde. Ce qu’il faut savoir, c’est que c’est tout un processus. Cela a commencé par le Sénégal, la sous-région et ensuite l’Europe, l’Asie, les Etats-Unis, etc. »
AKON VEUT CONSTRUIRE SA PROPRE VILLE
Le rappeur d'origine sénégalaise a révélé dans une récente interview avec Nick Cannon son intention de construire une ville entière au Sénégal baptisée «Akon City»
Le chanteur américain Akon a révélé dans une récente interview avec Nick Cannon son intention de construire une ville entière au Sénégal baptisée «Akon City».
Le rappeur d’origine sénégalaise a d’ailleurs expliqué que sa ville était déjà en construction depuis le mois de mars et que les travaux s'achèveront dans dix ans.
Dotée de son propre aéroport, la ville sera entièrement «renouvelable» a-t-il précisé. L’interprète de «Don’t Matter», qui a lancé sa propre crypto-monnaie en 2017, appelée «AKoin», espère que celle-ci deviendra la monnaie commune de sa ville.
«Vous pouvez simplement aller en Afrique pour des vacances et lorsque vous transférez des dollars américains en argent, vous pouvez également le transférer en AKoins. C'est l'objectif.», a-t-il déclaré.
Selon le site Generations, il aurait négocié avec Macky Sall, le président du pays, près de 2.000 hectares pour construire la ville de ses rêves.
Une chose est sûre, l'artiste ne manque pas d'ambition. Pour rappel, Akon a déclaré le 18 novembre dernier sur le plateau du célèbre talk-show américain «The Real», qu'il se verrait bien affronter Kanye West aux élections présidentielles en 2024. «Je pense que je peux prendre en charge le pays et le faire progresser», avait-il lancé.
Le duel entre les deux rappeurs pourrait bien avoir lieu, étant donné que Kanye West semble proche de Donald Trump et du parti républicain, ce qui n'est pas le cas de son potentiel adversaire, fervent opposant à l'actuel président.
ITINÉRAIRE D'UN TOUCHE-À-TOUT
Pur produit de l’école coranique, Seydina Fall alias Bougazelli a longtemps trimé (vendeur de ticket au poste de santé, faux-lion, joueur de foot, dj…) avant de devenir un député à l’Assemblée nationale. Il vient de passer sa première nuit à Rebeuss
Pur produit de l’école coranique, Seydina Fall alias Bougazelli a longtemps trimé avant de devenir un député à l’Assemblée nationale. Un poste qu’il vient de quitter il y a quelques jours après avoir rendu sa démission, suite à l’éclatement de l’affaire des faux billets. Avant de franchir les portes de l’Hémicycle, en 2012, le député de Guédiawaye a presque touché à tout : faux-lion, joueur de football dans son quartier de Fith Mith, vendeur de tickets au poste de santé ou encore membre du comité qui est chargé de faire la quête pour la mosquée du quartier.
Le Baye Fall de Macky Sall qui a passé, hier, sa première nuit en prison manquera à l’Assemblée nationale lors du marathon budgétaire au cours duquel il répliquait à chaque attaque venant de l’opposition. A l’Assemblée nationale, il est connu comme un des plus grands défenseurs de son patron, le président de la République, mais aussi des ministres qui passent devant les députés lors du vote annuel des différents budgets. Ses prises de parole sont toujours marquées par des attaques envers les députés de l’opposition.
Seydina Fall, plus connu sous le surnom de Bougazelli qu’il tient de l’ancien joueur et gardien de but de l’Espoir de Bignona, Léopold Bougazelli, n’hésite pas à imiter la manière dont parlent certains députés lors de ses interventions. Lors d’une séance plénière à l’Assemblée nationale, c’est le député Mamadou Diop Decroix qui a été victime du côté comédien de l’élu. Ce qui avait fait rire ses camarades de la majorité.
En 2017, lors du vote du Code de la presse, ce militant de l’Alliance pour la République avait passé ses minutes de temps de parole à imiter un célèbre « revueur » de presse d’une radio de la place. Natif de Guédiawaye il y a cinquante ans, l’élu de la majorité est décrit comme un homme qui sait tout faire. «Il a presque touché à tout», nous a dit un habitant du quartier où a grandi Seydina Fall alias Bougazelli.
De joueur de football, il a longtemps animé ce quartier de la commune et bien d’autres de la banlieue avec les séances de «Simb», ou faux-Lion, dans la troupe de Sadio Ndiaye. «Il a été vendeur de tickets au dispensaire du quartier, joueur de football, animateur lors des soirées musicales ou « foureul » et dirigé les quêtes pour la mosquée du quartier », ajoute notre interlocuteur. Pour d’autres, c’est un homme qui a toujours été obnubilé par le luxe. C’est pour cette raison qu’il a l’habitude de fréquenter des gens plus riches que lui, comme des Directeurs Généraux, des ministres et autres hommes d’affaires. C’est sans doute ce qui le pousse souvent à porter des combats d’autrui contre des hommes du camp de l’opposition ou même du parti au pouvoir. C’est ce qui lui a valu d’être surnommé le Baye Fall de ces derniers, dont le président de la République qu’il prend toujours de défendre devant chaque attaque venant des adversaires, notamment de l’opposition.
Récemment, malgré l’interdiction de parler du troisième mandat par le président de l’Alliance pour la République, Macky Sall, il est monté au front pour prendre le contre-pied de Moustapha Diakhaté et Sory Kaba, limogés pour avoir soutenu que le chef de l’Etat entame son dernier mandat. Pour «Bouga » comme l’appellent les intimes, son patron a le droit de briguer un troisième mandat sans même expliquer le fondement de ses propos.
Son statut de défenseur des responsables du parti au pouvoir fait dire à certains qu’il est un courtier politique, car monnayant toujours ses prises de position. Marié à deux femmes et père de cinq enfants, le député est considéré par le voisinage comme un homme au caractère jovial et accessible, malgré son statut de député et responsable de l’Alliance pour la République dans le département de Guédiawaye. Ils sont nombreux ces sénégalais devenus El Hadj ou Adja grâce à lui pour leur avoir offert des billets pour la Mecque.
Seydina Fall Bougazelli, qui a démissionné du Parti Démocratique Sénégalais le même jour que son patron Macky Sall en 2008, s’est toujours imposé comme responsable malgré la présence d’autres ténors du parti militant dans la localité. Depuis 2012 il a toujours fait partie des listes pour les élections législatives. Il est à son deuxième mandat de député à l’Assemblée nationale.
Fin défenseur des ministres lors des plénières pour le vote du budget, il sera un défenseur de moins pour ces derniers et manquera beaucoup à ses collègues, car il a démissionné de son poste dès l’éclatement de cette affaire de faux billets de banque et a déjà passé, hier, sa première nuit à Rebeuss, qu’il connaît pour y avoir séjourné en 1988, au lendemain de l’élection présidentielle. Mandataire pour le Pds, il avait saccagé une urne.
ALERTE SUR LA SIGNATURE DU CONTRAT D'AFFERMAGE AVEC SUEZ !
Est-ce que SUEZ vient au Sénégal pour se refaire une santé financière sur le dos du contribuable sénégalais, après avoir vendu des actions ? COMMUNIQUÉ CONJOINT DE PLUSIEURS ORGANISATIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué conjoint des organisations de la société civile dont : le Forum social sénégalais, le Conseil Citoyen Droit à l’Eau et à l’Assainissement, FRAPP, Gilets Rouges, dat& du 20 novembre 2019, à propos de l'attribution de la gestion de l'eau par l'État sénégalais.
"Depuis bientôt trois ans, le Sénégal a lancé un Appel d’Offres international pour la sélection d’un opérateur privé chargé de la gestion par affermage du service public de production et de distribution d’eau potable en milieu urbain au Sénégal.
Le dépouillement des offres reçues pour l’appel a connu beaucoup de rebondissements avec une attribution encore contestée à la société française SUEZ.
Après plusieurs rejets aussi bien au niveau de la Direction du Contrôle des Marchés Publics (DCMP) que de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics, (ARMP), Monsieur Mansour Faye, Ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement et son successeur Sérigne Mbaye Thiam, Ministre de l’Eau et de l’Assainissement, ont déclaré une attribution définitive du contrat à Suez, en avril 2019, malgré les flagrants conflits d’intérêt et les soupçons de corruption. Depuis lors, la signature du contrat entre l’Etat du Sénégal et l’attributaire SUEZ n’a pas encore eu lieu
Quelle en est la raison ?
Que va-t-on dire demain à nos enfants sur le Groupe Suez futur gestionnaire du contrat d’affermage pour 15 ans qui se trouve bien en situation de conflit d’intérêt avec sa filiale Suez Internationale, qui a remporté avec son partenaire local le Consortium Des Entreprises (CDE), la construction de l’usine d’eau potable de Ker Momar Sarr3 (KMS3) ?
Qu’est ce que les services juridiques et de lutte contre la corruption feront demain des soupçons de corruption avérés avec les dons reconnus et avoués entre SUEZ et des responsables du Ministère en charge du dossier ?
En dépit de tous les manquements notés dans la conduite de ce dossier d’Appel d’Offres et l’attribution faite à SUEZ avec une certaine complicité, sa Directrice désignée est présente au Sénégal depuis plusieurs mois avec une dizaine d’expatriés pour conduire les négociations avec l’Etat du Sénégal.
Ces derniers logent dans un hôtel de la place pas loin du Ministère de l’Eau et de l’Assainissement dans ses nouveaux locaux de Diamniadio ; et séjournent souvent dans un autre hôtel à St Louis, fief d’une autre personnalité qui a été à un moment donné, maître d’œuvre dans la conduite du dossier, sans doute, pour mieux parler loin de tout regard.
Les négociations pour la signature du fameux contrat d’affermage entre l’Etat du Sénégal et le Groupe Suez sont toujours en cours.
La procédure de passation de service a été validée par la signature d’un protocole d’accord. Cependant nous nous interrogeons sur les capacités de SUEZ à mener à bien sa prochaine mission au Sénégal avec les difficultés qui l’auraient amené à vendre une partie des Actions de son Capital pour éponger une dette de 5895 milliards de francs CFA, selon la presse française.
Est-ce que donc SUEZ vient au Sénégal pour se refaire une santé financière sur le dos du contribuable sénégalais, après avoir vendu des actions ? Tout cela nous amène aussi à nous demander si SUEZ aura les moyens de réaliser les investissements colossaux dont a besoin la distribution de l’eau à Dakar et dans les grands centres urbains de notre pays ?
Nos sources européennes, et africaines au sein des réseaux auxquels nous appartenons tous, (FAME) Forum Alternatif Mondial de l’Eau et (COCIDEAF) Conseil Citoyen Droit à l’Eau en Afrique, nous alertent et nous disent de faire attention car SUEZ cherche à faire signer au Sénégal, un « contrat en béton » qui lui permettra d’être à l’abri de toute surprise en cours d’exécution pendant les quinze années de la durée de ce contrat au Sénégal, si demain des problèmes surgissaient.
Est-ce qu’il est envisageable que SUEZ accèdent au patrimoine déjà existant au franc symbolique comme le considèrent certaines informations qui nous parviennent de nos collègues des Réseaux citoyens Droit à l’eau et à l’assainissement ?
Est-ce que la SDE va accepter de céder son patrimoine dans les conditions que le souhaitent SUEZ et ses « courtiers sénégalais » qui ont longtemps travaillé à lui offrir ce contrat ?
Les lenteurs de la signature cacheraient–elles aussi la bataille des actionnaires, où « de nouveaux riches et proches du pouvoir » chercheraient à s’accaparer des parts importantes, et veulent refuser au personnel travailleur les 15% qu’il réclame ?
Le Premier Ministre français Edouard Philippe actuellement en visite dans notre pays, serait –il également venu pour mettre la pression sur l’Etat du Sénégal pour la finalisation du contrat d’affermage ?
En attendant de trouver des réponses à toutes ces questions, nous voudrions rappeler aux sénégalais ce qui risque d’arriver sous peu dans les services d’accès à l’eau en milieu urbain et péri-urbains.
Les branchements au réseau de notre EAU se feront désormais à 239.000f TTC. Ainsi, la baisse du prix de l’eau, tant vantée par les autorités de notre pays avec la venue de SUEZ pourra–t-elle être aussi effective comme le souhaitent les sénégalais ?
Les travaux de branchements et autres services connexes se feront aussi avec des entreprises qui pourraient être montée par des prêtes–noms et autres proches du régime, car c’est dans ce volet qu’il est facile de gagner beaucoup d’argent dans le secteur de l’eau.
Et pour conclure, nous, Organisations signataires de ce Communiqué, restons déterminées à mener cette bataille de clarification de ce contrat qui a l’allure du plus gros scandale dans le secteur de l’eau au Sénégal, depuis les indépendances.
Pour la Patrie, contre le néocolonialisme et les fossoyeurs de nos Biens Communs et de nos -Ressources, nous vaincrons !"
MADIAMBAL DIAGNE DÉNONCE LE «JOURNALISME-SPECTACLE»
«On n’informe plus, on cherche à émouvoir. Ce journalisme de l’émotion s’invite sur nos plateaux de télé, nos stations de radio, entre les lignes de nos journaux et magazines et sur nos smartphones»
Abba DIEDHIOU et Binta DIA |
Publication 20/11/2019
Le président de l’Union de la presse francophone (Upf), Madiambal Diagne, amis en garde à Yaoundé où se déroulent les48èmes Assises de l’organisation qu’il dirige, le primat du journalisme-spectacle dans le monde médiatique.
Le journalisme factuel commence à disparaitre de l’univers des médias, qui lui donnent désormais une dimension spectacle. Selon Madiambal Diagne, président de l’Union de la presse francophone (Upf), l’avancée de la technologie et l’apologie des «fake news» provoquent une désacralisation des faits avec le «primat du journalisme-spectacle». «On n’informe plus, on cherche à émouvoir. Ce journalisme de l’émotion s’invite sur nos plateaux de télé, nos stations de radio, entre les lignes de nos journaux et magazines et sur nos smartphones», a dénoncé M. Diagne hier lors de l’ouverture à Yaoundé des48èmes Assises de l’Upf.
Il trouve que les journalistes ont «tronqué (leurs) microphones contre des miroirs déformants, à force d’être les premiers à sublimer nos états d’âme, à voguer sans vergogne entre terreur et effroi, à servir de porte-voix à des idéologues les plus perturbés». Le pire, se désole Madiambal Diagne, «est que nous journalistes sommes devenus des suiveurs, des télécopieurs, des relayeurs d’un faisceau d’informations manipulés par le citoyen lambda». Avant d’ajouter : «C’est à celui qui fera le plus «d’effet», à celui qui obtiendra le plus de «like» (C’est devenu français maintenant), à celui qui trouvera la petite phrase assassine, à celui qui remuera le mieux la gadoue !»
A ce titre, le président de l’Upf estime que le journalisme est à la croisée des chemins. «Depuis l’ère du papyrus jusqu’à celle des terminaux digitaux et du tout numérique, le journalisme a connu de nombreuses évolutions techniques et technologiques. Mais jamais ses fondements n’ont été autant ébranlés. Au point que certaines critiques virulentes sont même allées jusqu’à nier à la presse une quelconque utilité dans l’œuvre de construction de nos sociétés contemporaines», souligne M. Diagne, par ailleurs administrateur du Groupe avenir communication (Gac). La capitale du Cameroun abrite pour 3 jours ces assises de l’Upf axées sous le thème : «Journalisme d’émotion, journalisme d’information.» Plus de 400 professionnels des médias issus de 60 pays y sont attendus.
«FILS» DE L’ABBÉ !
Le défunt secrétaire général auto proclamé du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) a été subjugué par l’abbé Diamacoune Senghor qui était son mentor.
Il y a des hommes qui façonnent une trajectoire, marquent une vie d’une empreinte indélébile. Le défunt secrétaire général auto proclamé du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) a été subjugué par l’abbé Diamacoune Senghor qui était son mentor.Fils d’un enseignant et ancien militant du Mfdc, Abdou Elinkine Diatta a fait la connaissance de l’abbé Diamacoune Senghor en 1980 lors qu’il avait convoqué les dirigeants de l’époque du mouvement des élèves du lycée Djignabo qui protestaient violemment contre la mort de leur camarade, en l’occurrence Idrissa Sagna, victime d’unebavure policière.
Une rencontre qui l’a marqué. «C’est la première fois que j’avais l’occasion devoir l’abbé. Je ne le connaissais pas et n’avais même pas entendu parler de lui», ne cessait-il de clamer à chaque fois que l’occasion lui était donnée de parler du prélat rebelle pour lui renouveler son admiration. Toutefois,même s’il avait réussi à assister à toutes les réunions du 6 et 18 décembre préparant la marche du 26 décembre 1984, voire participé même à la marche, Abdou Elinkine n’avait pas encore adhéré au mouvement irrédentiste.Ce n’est que le 31 décembre 1984 qu’il a finalement rejoint le maquis où il était du même bord que Salif Sadio et avait subi la même formation que lui. Tombé par la suite malade dans le maquis au plus fort de la crise armée, et étiqueté rebelle, Abdou Elinkine Diatta, aux risques de subir les représailles des forces armées, se rend plutôt en Gambie pour se soigner. De la Gambie, il effectuera par la suite plusieurs visites auprès de l’abbé Diamacoune. «Compte tenu de son intelligence et de son bon niveau d’études, nous confie un de ses proches, l’abbé Diamacoune lui confiera certaines tâches, certains courriers et lui délègue certaines missions auprès des combattants.» Fort d’un tel dévouement et de la confiance de son mentor, Abdou Elinkine fera par la suite office de secrétaire particulier, puis porte-parole de l’abbé Diamacoune Senghor. Du coup,il sera la voix de ce dernier jusqu’à sa mort. Et c’est également fort de sa proximité avec le prélat rebelle et de la maîtrise et gestion des dossiers dont il avait la charge au sein du Mfdc qu’ils’était positionné de fait pour la succession de l’abbé Diamacoune Senghor au poste de secrétaire général du Mfdc, à la suite de la disparition de Senghor. Avec le soutien des compagnons de la 1ère heure du prélat rebelle et de plusieurs sages du Mfdc, Abdou Elinkine Diatta sera finalement intronisé à ce poste de secrétaire général du mouvement irrédentiste le 4 janvier 2017 à Mangocouro, au quartier Soucou papaye, un lieu qui était devenu par la suite son quartier général. Avec l’engagement à ses côtés de militants duMfdc de la Casamance naturelle qui lui vouaient beaucoup de respect et dont certains lui prêtaient un certain pouvoir mystique, Abdou Elinkine Diatta, le faucon à ses heures au maquis,va petit à petit se muer en colombe.
Rupture avec Salif Sadio
Cette nouvelle responsabilité et posture vont le pousser à prendre son bâton de pèlerin pour aller prêcher dans la Casamance des profondeurs et au sein des communautés labonne parole, la parole de la paix. Indépendantiste convaincu, Abdou Elinkine Diatta avait fini par se convaincre que c’est par le dialogue, la non-violence que la région sud pourrait retrouver la paix. Une position qui contraste vivement d’avec celle du chef d’état-major autoproclamé du maquis, Salif Sadio, qui voyait d’un mauvais œil cette nouvelle démarche de Abdou Elinkine et qui avait jadis toujours misé sur l’option des armes pour arriver à ses fins : à savoir l’indépendance de la Casamance.Une divergence de vues entre Salif Sadio et Abdou Elinkine Diatta que le chef rebelle armé avait toujours présenté comme un «déserteur du maquis».N’empêche ! Hormis d’ailleurs Salif Sadio, le successeur de l’abbé Diamacoune s’était efforcé àgarder de très bonnes relations avec tous les autres responsables du Mfdc, notamment ceux du maquis, même si beaucoup d’entre eux n’ont jamais eu à faire officiellement allégeance à Abdou Elinkine en tant que nouveau secrétaire général du Mfdc.
Tout compte fait, Abdou Elinkine Diatta va essayer de remplir le vide laissé par la disparition de l’abbé au sein du Mfdc pour imprimer sa marque aux rythmes de l’actualité marquée par les événements qui touchent de près ou de loin le mouvement irrédentiste. Il porter a ainsi sa voix pour fustiger en un moment la gestion du dossier casamançais par Robert Sagna,pour attaquer Pierre Goudiaby Atépa au lendemain du massacre de Boffa-Bayotte et pour dénoncer, entre autres, les agissements des néo-rebelles tels que Omar Ampoye Bodian qui sapent «l’image du Mfdc». Il n’hésitera pas à prendre langue avec les autorités étatiques pour faire avancer la cause de son mouvement, la cause de la paix. Des autorités qui le lui rendent bien à l’occasion de la célébration de l’anniversaire du décès de l’abbé Diamacoune Senghor ; un événement dont il a la paternité et qui est célébré chaque année en grande pompe au niveau de son fief de Mangocouro. Occasion pour la jeunesse, le monde des artistes venus d’Europe, de la sous-région et de la Casamance naturelle, des politiques qui viennent pour l’occasion de tous les coins et recoins de la Casamance, de communier pendant plusieurs jours dans l’unité et la paix. Sous les rythmes du «ékonkon», du «bougarabou»,du rap, de la musique traditionnelle casamançaise, etc. Une manière pour Abdou Elinkine Diatta de commémorer la mémoire du prélat et de rendre hommage à un homme qui s’est,disait-il, sacrifié «pour la Casamance».
Tout comme son maître et confident abbé Diamacoune Senghor, Abdou Elinkine Diatta ne verra pas non plus l’indépendance de la Casamance qu’il avait toujours clamée dans la paix et dont il avait toujours en bandoulière. Le rêve du natif de Boundieu, son quartier de Mlomp dans le Buluf,a été brisé ce dimanche par des éléments armés non encore identifiés qui ont abattu à bout portant le féticheur, le tradi praticien dont la dernière mission était pourtant de libérer la Casamance des démons de la violence. Ils ne l’ont pas épargné…
PAR BOUBACAR BORIS DIOP
QUE DIT CHEIKH ANTA DIOP AUX ÉCRIVAINS AFRICAINS ?
EXCLUSIF SENEPLUS #Enjeux2019 - Nous sommes de ces auteurs dont le public a entendu parler mais qu’il n’a guère lus - Seul fait recette l’afro-pessimisme qui dort dans le même lit que le racisme le plus abject
SenePlus propose en exclusivité ce texte jamais publié de Boubacar Boris Diop, rédigé il y a trois ans, à l'occasion du trentième anniversaire du décès de Cheikh Anta Diop. L'auteur a choisi de l'intégrer à l'ouvrage collectif issu de notre série #Enjeux2019, à paraître le mois prochain chez l'Harmattan.
#Enjeux2019 - Presque tous les champs du savoir humain ont éveillé la curiosité de Cheikh Anta Diop. Il s’est employé chaque fois à les explorer en profondeur, avec une rare audace mais aussi avec une implacable rigueur. La création littéraire négro-africaine ne l’a donc pas laissé indifférent. De fait, il l’a toujours jugée si essentielle qu’une réflexion soutenue sur le sujet, que l’on pourrait aisément systématiser, traverse son œuvre, l’innervant en quelque sorte.
Cet intérêt est nettement perceptible dès Nations nègres et culture où il reste toutefois plus soucieux de raviver les liens entre les langues africaines et de démontrer leur aptitude à dire en totalité la science et la technique. Mais déjà en 1948, dans Quand pourra-t-on parler d’une Renaissance africaine ? il invitait les écrivains à faire des langues du continent le miroir de nos fantasmes, de notre imaginaire et de nos ambitions. Il y revient dans Parenté génétique de l’égyptien pharaonique et des langues négro-africaines et, quasi avec les mêmes mots, dans Civilisation ou barbarie. Si Cheikh Anta Diop élabore ce qu’il appelle une Esquisse d’une théorie esthétique de l’image littéraire en poésie et dans le roman africain, c’est surtout pour stopper la fuite en avant d’auteurs persuadés, assez étrangement, que les mots chargés de traduire leur moi intime ne peuvent leur venir que du dehors. Esprit nuancé et fin, il ne formule pas ce point de vue avec irritation ou sur un ton brusque. Il se défend même, non sans élégance, de reprocher aux écrivains africains l’utilisation provisoire d’une langue étrangère, car note-t-il « il n’existe actuellement, pour eux aucune autre expression adéquate de leur pensée ». Il souligne ensuite, avec une lucidité qui cache mal son amertume, ce qu’il nomme «un problème dramatique de notre culture» ainsi résumé : «... nous sommes obligés d’employer une expression étrangère ou de nous taire.» L’idée de haïr une langue humaine, même celle du colonisateur, ne l’effleure jamais. Il ne fait ainsi aucune difficulté pour concéder que les philosophes, manieurs de concepts universels, peuvent espérer formuler leur réflexion dans une langue étrangère.
Mais, insiste-t-il, il ne saurait en être de même pour les poètes et les romanciers en raison de leur rapport complexe au réel. Tout auteur de fiction sait en effet qu’il arrive toujours un moment où les mots, ses invisibles compagnons nocturnes, se dérobent à lui, un moment où il se sent comme perdu au pied d’une muraille de silence, un moment où l’écho de sa voix ne lui revient pas. Et plus l’écart entre sa culture de départ et sa langue d’arrivée est grand, plus cette muraille de silence s’avère difficile à escalader. Pour Cheikh Anta Diop, les écrivains africains se trouvent dans cette situation particulière qui les condamne à une certaine maladresse. Il est vrai que certaines fulgurances chez des poètes noirs talentueux - il cite nommément Senghor et Césaire - ont pu donner à tort l’impression qu’une langue d’emprunt peut gambader au-dessus des frontières et traduire notre génie. De l’avis de Diop, il s’agit là d’une illusion mortifère car au final la poésie négro-africaine d’expression française est de bien piètre qualité : «Une étude statistique révèlerait, écrit-il, la pauvreté relative du vocabulaire constitutif des images poétiques [chez l’auteur négro-africain]. Une liste très courte d’épithètes, surtout ‘moraux’ donnerait les termes les plus fréquents : valeureux, fougueux, langoureux...» Et Diop d’enfoncer le clou : «Les termes pittoresques peignant les nuances de couleurs, de goût, de sensations olfactives et même visuelles sont formellement interdits à la poésie négro-africaine parce qu’ils appartiennent au stock du vocabulaire spécifique lié à des coordonnées géographiques». Autant d’observations qui font remonter à la surface ce que le poète haïtien Léon Laleau appellera, en une complainte devenue fameuse, «cette souffrance ce désespoir à nul autre égal de dire avec des mots de France ce cœur qui m’est venu du Sénégal.»
On est sidéré de constater que c’est un jeune homme d’à peine vingt cinq ans qui pose dans une perspective historique aussi large le vieux dilemme des écrivains africains... Il pointe d’emblée le double manque d’auteurs qui, sans écrire en bambara, en moré ou en wolof, n’écrivent pas non plus tout à fait en français. D’habiter cet entre-deux-langues crée un malaise en quelque sorte structurant : ce déficit-là est aussi un défi que, du Nigerian Amos Tutuola à l’Ivoirien Ahmadou Kourouma en passant par le Sénégalais Malick Fall, chacun s’est efforcé de relever à sa manière. C’est ce mal-être linguistique que l’on trouve à l’origine de bien des révolutions formelles en littérature négro-africaine, de toutes ces tentatives de « violer la langue française pour lui faire des petits bâtards » pour reprendre un mot célèbre de Massa Makan Diabaté. Il permet aussi de comprendre l’émoi suscité par les romans de Tutuola ou, naturellement, ce qu’on peut appeler le «modèle Kourouma». Parenté génétique de l’égyptien pharaonique et des langues négro-africaines analyse sans les mentionner ces manœuvres de contournement ou, si l’on préfère, ce boitillement esthétique. Cheikh Anta Diop évoque après Sartre la nécessité pour le poète négro-africain de « dégorger » les mots français « de leur blancheur » avant de pouvoir en faire un usage efficace. Et le génie de Césaire, souligne Diop, c’est d’avoir su inventer «une langue propre» et d’une vibrante authenticité, qui n’a rien à voir avec le français ou le créole. De cette remarque de l’auteur de Civilisation ou barbarie, on peut déduire, avec quelque malice j’en conviens, que Césaire est l’ancêtre lointain et bien plus délirant de Kourouma. Mais la « dé-francisation du français » dont parle Sartre n’est aux yeux de Cheikh Anta Diop qu’un simple palliatif. Voici ce qu’il écrivait dans Quand pourra-t-on parler d’une Renaissance africaine ? : «Tout en reconnaissant le grand mérite des écrivains africains de langue étrangère, nous ne saurions nous empêcher de les classer dans la littérature de la langue qu’ils ont utilisée.» C’est ce que dira plus tard le Kenyan Ngugi Wa Thiong’o dans Decolonizing the mind, sur un ton plus rude, à propos de ses confrères de langue anglaise. Et à mon humble avis, cette remarque sur l’identité du texte est valable même pour les œuvres en rupture avec les normes de la langue d’emprunt : Les soleils des Indépendances a beau faire exploser du dedans la prosodie française, il reste un roman français.
En résumé, Cheikh Anta Diop avertit les écrivains de son époque : vous allez tout droit vers l’impasse, le ver est dans le fruit que vous croquez à si belles dents. Il faut signaler au passage qu’il compte de nombreux amis parmi ceux qu’il critique ; on peut imaginer que certains d’entre eux sont allés le soutenir bruyamment contre une institution académique obtuse lors de sa soutenance à la Sorbonne ; sans doute aussi a-t-il discuté avec quelques-uns de leurs manuscrits. Cette proximité garantit la qualité humaine du dialogue et lui donne de la hauteur. C’est d’ailleurs un poète, et non des moindres, qui a été le premier à comprendre et à dire dans Discours sur le colonialisme, l’importance de Nations nègres et culture, «l’ouvrage le plus audacieux qu’un Nègre ait jusqu’ici écrit et qui comptera, à n’en pas douter, dans le réveil de l’Afrique.» Mais cet homme est si singulier qu’il faut bien croire qu’il vient d’ailleurs. S’il mesure si bien l’importance de l’imaginaire chez les peuples spoliés de leur histoire, c’est en référence à une poésie bien éloignée de celle de ses camarades du Quartier latin : il a en tête, quand il leur parle, les vers de Serigne Mbaye Diakhaté, Mame Mor Kayré et Serigne Moussa Kâ, qui lui sont familiers depuis sa tendre enfance.
Cheikh Anta Diop a-t-il seulement été entendu de ses contemporains ? Je répondrai sans hésiter : non. C’est que son propos était, littéralement hors de saison. Un petit flasback nous fera revivre cette époque de grande fébrilité idéologique. Alioune Diop, qui avait déjà fondé « Présence africaine » en 1947, organise les Congrès de Paris et Rome en 56 et 59. Ce sont, pour les intellectuels et écrivains noirs progressistes, des années d’emportement lyrique : l’écriture est un long cri et même de purs théoriciens comme Fanon s’expriment souvent en poètes. Tous se donnent pour mission de guider leurs peuples sur les chemins de la liberté et celle-ci leur semble toute proche. Il faut donc aller vite, il n’est pas question de finasser. Cette jeunesse impatiente veut tout, tout de suite, et se sent presque irritée par la complexité du monde. Tous savent bien, par exemple, que les langues coloniales sont un cadeau empoisonné mais ils ne peuvent se permettre de les rejeter avec mépris : pour l’heure ce sont elles qui font tenir ensemble les combattants, lesquels y puisent pour ainsi dire leurs mots de passe.
Nous sommes du reste, ne l’oublions pas, au temps du marxisme triomphant et on se fait vite suspecter de chauvinisme étroit ou de remise en cause du primat de la lutte des classes. C’est peut-être David Diop qui exprime le mieux cette pression de l’urgence politique lorsqu’il observe en mars 56 dans sa Contribution au débat sur les conditions d’une poésie nationale : «Certes, dans une Afrique libérée de la contrainte, il ne viendrait à l’esprit d’aucun écrivain d’exprimer autrement que par sa langue retrouvée ses sentiments et ceux de son peuple. Dans ce sens, la poésie africaine d’expression française coupée de ses racines populaires est historiquement condamnée». L’auteur de Coups de pilon est ainsi l’un des premiers à suggérer une littérature négro-africaine de transition, idée qui ne gênait en rien Cheikh Anta Diop. [Conférence de presse RND relais ex-Route de Ouakam.]
Ces réflexions ne sont évidemment pas transposables telles quelles dans les colonies britanniques ou portugaises mais les similitudes restent assez fortes. Elles le sont à un point tel que Ngugi Wa Thiong’o arrivera à partir de 1964 aux mêmes conclusions que Cheikh Anta Diop sans l’avoir jamais lu et que la publication en 1966 par l’Ougandais Okot P’Bitek de Song of Lawino, est un événement autant par sa valeur poétique que par sa langue d’écriture, le luo.
Toutefois, ce qui rend le plus inaudible Cheikh Anta Diop, c’est ce que j’appelle souvent le « péché originel » de la littérature négro-africaine : dès le départ, l’écrivain se veut un porte-voix. Il ne parle donc pas à son peuple, il parle pour son peuple. De ces bonnes intentions libératrices naît un tête-à-tête avec le colonisateur qui change tout. En dénonçant les crimes de la conquête, c’est à l’oppresseur qu’il veut faire honte et cela n’est possible que dans la langue de ce dernier. Voilà pourquoi tant d’écrivains africains engagés, voire franchement militants ont été si à l’aise avec la langue française. Pour certains d’entre eux, il s’agissait surtout de dire à l’Européen : «Vous avez tort de nous dépeindre comme des sauvages ».
Cheikh Anta Diop, qui voit le piège se refermer sur les écrivains africains, aimerait les voir moins sur la défensive. Il ne suffit pas selon lui de réfuter la ‘théorie de la table rase’. Il s’emploie dès lors à contester les pseudo-arguments visant à dénier aux langues africaines tout potentiel d’expression scientifique ou littéraire. Il traduit ainsi dans Nations nègres et culture, un résumé du Principe de la relativité d’Einstein, un extrait de la pièce Horace de Corneille et La Marseillaise. C’est aussi à l’intention de ces mêmes écrivains arguant de la multiplicité des langues africaines - pour mieux justifier l’usage du français ou de l’anglais - qu’il démontre leur essentielle homogénéité. Au fond, il leur dit ceci : l’Afrique, mère de l’humanité, a fait de vous les maîtres du temps et lorsque les autres sont entrés dans l’Histoire, vous les avez accueillis à bras ouverts car vous, vous y étiez déjà, bien en place. Il veut surtout leur donner le courage d’oser rebrousser chemin, n’hésitant pas à leur offrir en exemple Ronsard, Du Bellay et tous les auteurs de La Pléiade qui avaient pris leurs responsabilités historiques en remettant en cause l’hégémonie du latin. Le plus ardent désir de Cheikh Anta Diop, c’était d’éviter à l’Afrique qui a inventé l’écriture, d’être le seul continent où langue et littérature se tournent si résolument le dos.
Mais c’était un dialogue de sourds - une expression que lui-même utilise d’ailleurs à propos de son différend avec les égyptologues occidentaux. Il était dans l’Histoire et on lui opposait des arguments subalternes du genre : «il nous faut bien vendre nos ouvrages», «nos peuples ne savent ni lire ni écrire»... Mais qui donc a jamais su lire et écrire une langue sans l’avoir apprise ? Sur ce point précis, Cheikh Anta Diop rappelle à maintes reprises à ses interlocuteurs le cas de l’Irlande qui a sauvé le gaélique de la mort en le remettant en force dans son système éducatif. Cependant, derrière toutes les arguties des intellectuels africains il repère, comme indiqué dans Civilisation ou barbarie, «un processus d’acculturation ou d’aliénation» auquel il est impératif de mettre au plus vite un terme.
Acculturation ? Aliénation ? Voici un passage de À rebrousse-gens, troisième volume des Mémoires de Birago Diop où celui-ci répond directement à Cheikh Anta Diop. Tous deux, jeunes étudiants en France venus passer de brèves vacances au pays, se retrouvent à Saint-Louis. Birago raconte à sa manière désinvolte et volontiers sarcastique : «J’avais appris dans la journée que Cheikh Anta Diop faisait une conférence sur ‘l’enseignement des mathématiques en langue wolof.’ J’y ai été.» Par amitié pour l’orateur sans doute car le sujet ne le passionne pas vraiment. Il avoue même avoir essayé de coller ce jour-là son copain en lui demandant de traduire en wolof les mots « angle » et « ellipse ». Au terme de son récit, l’écrivain redit son admiration pour «le fervent égyptologue qui a combattu tant de préjugés» avant de trancher tout net : «J’étais et je demeure inconvaincu.» Et Birago d’ajouter ceci, qui à l’époque ne valait pas seulement pour lui : «Peut-être suis-je toujours et trop acculturé. Irrémédiablement.» (À mon avis, on aurait tort de prendre cette confession au pied de la lettre : Birago Diop, d’un naturel sceptique et irrévérencieux, s’exprime ainsi par allergie à tout ce qui lui semble de l’idéologie mais ne rejetait en rien ses racines. Cheik Aliou Ndao le sait bien, qui lui lance dans un poème de Lolli intitulé «Baay Bi- raago jaa-jëf» : ‘Dëkkuloo Cosaan di ko gal-gal’.)
Aujourd’hui, un demi-siècle après ce duel à distance entre deux de nos grands hommes, il est clair que les pires craintes de Cheikh Anta Diop se sont vérifiées. En vérité le visage actuel de la littérature négro-africaine d’expression française n’est pas aussi beau à voir qu’on cherche à nous le faire croire. J’en parle du dedans, avec l’expérience de celui qui a publié son premier roman il y a trente cinq ans. L’essentiel s’y joue aujourd’hui en France et on peut dire que le fleuve est retourné à sa source, sur les bords de la Seine où Cheikh Anta Diop l’a vue naître. Le phénomène s’est accentué après une période, trop courte hélas, où de grandes initiatives éditoriales au Sénégal, au Cameroun et en Côte d’Ivoire, par exemple, ont fait émerger des institutions littéraires crédibles et des auteurs respectés. Mais à la faveur du marasme économique, l’Hexagone a vite repris sa position centrale. C’est au dehors que nos œuvres sont publiées, validées de mille et une manières avant de nous revenir, sanctifiées en quelque sorte par des regards étrangers. Nos livres étant rendus difficilement accessibles par leur prix et par leur langue, nous sommes de ces auteurs dont le public a entendu parler mais qu’il n’a guère lus : nous sommes des écrivains par ouï-dire. Si j’osais pousser la taquinerie plus avant, je dirais que chez nous bien des réputations littéraires reposent sur ce malentendu fondamental.
Un des signes du désastre, c’est que dans certains pays africains aucun texte de fiction n’est publié dans des conditions normales. Un ou deux noms constituent à eux seuls tout le paysage littéraire et, pour le reste, quelques histrions outrancièrement médiatisés en Occident font oublier ce vide sidéral sur le continent lui-même. En somme, le tête-à-tête originel se perpétue mais l’écrivain africain a revu sa colère à la baisse : seul fait recette l’afro-pessimisme qui dort, comme chacun sait, dans le même lit que le racisme le plus abject. Le profil type de cet auteur est facile à esquisser : il ne lui suffit pas de cracher tout le temps sur l’Afrique, il prétend aussi qu’étant né après les indépendances il n’a rien à dire sur la colonisation et encore moins sur la Traite négrière, qu’il aimerait bien que nous arrêtions de jouer aux victimes et d’exiger des autres une absurde repentance. Bref, cette littérature qui se voulait négro-africaine à l’origine, est bien contente de n’être aujourd’hui que négro-parisienne.
Si j’ai peint un tableau aussi sombre, c’est qu’il me semble crucial que nous nous gardions de tout optimisme de façade. Je veux dire par là que oui, trente ans après la mort de Cheikh Anta Diop, l’on n’est considéré comme un véritable écrivain en Afrique qu’à partir de l’anglais, du portugais ou du français. On entend encore souvent des auteurs de la génération de Diop et d’autres beaucoup plus jeunes dire avec sincérité leur préférence pour ces langues européennes. La situation complexe de certains de nos pays est selon eux une des preuves de l’impossibilité, voire du danger, de promouvoir le senoufo, le yoruba et le beti par exemple ou de s’en servir comme instrument de création littéraire.
Il est certain que la fragmentation linguistique est décourageante, même si Cheikh Anta Diop prend toujours soin de la relativiser. Comment y faire face ? Certains ont suggéré de forcer la main au destin en gommant toutes nos différences. Mais toujours clairvoyant et ennemi de la facilité, ce grand panafricaniste n’hésite pas à écrire dans Nations nègres et culture que «L’idée d’une langue africaine unique, parlée d’un bout à l’autre du continent, est inconcevable, autant que l’est aujourd’hui celle d’une langue européenne unique.» À quoi on peut ajouter qu’elle comporte le risque d’un terrible assèchement. J’ai entendu des intellectuels accuser Ayi Kwei Armah de préconiser, justement, cette langue africaine commune. Ce n’est pas du tout ainsi que j’ai compris le chapitre de Remembering the dismembred continent où le grand romancier ghanéen s’efforce de trouver une solution à ce qu’il appelle «notre problème linguistique». Il propose simplement une démarche politique volontaire qui ferait du swahili ou - ce qui a sa préférence - d’une version adaptée de l’égyptien ancien, l’outil de communication internationale privilégié des Africains. Cela rejoint, en creux, le plaidoyer de Cheikh Anta Diop en faveur d’humanités africaines fondées sur l’égyptien ancien.
Cela dit, dans des pays comme le Cameroun, le Gabon ou la Côte d’Ivoire aucune solution ne paraît envisageable pour l’heure. Est-ce une raison pour se résigner à un statu quo général ? Je ne le pense pas, car cela voudrait dire que chaque fois que nous ne pouvons pas faire face ensemble à une difficulté particulière, nous devons tous rester en position d’attente sur la ligne de départ. Je pense au contraire que là où les conditions sont réunies, il faut se mettre en mouvement en pariant sur l’effet de contagion d’éventuelles réussites singulières.
Pour ma part je vais essayer de montrer, par un bref état des lieux, la dette immense du Sénégal à l’égard de Cheikh Anta Diop. C’est lui-même qui raconte en 1979, dans sa ‘Présentation’ de l’édition de poche de Nations nègres et culture la mésaventure de Césaire qui «... après avoir lu, en une nuit, toute la première partie de l’ouvrage... fit le tour du Paris progressiste de l’époque en quête de spécialistes disposés à défendre avec lui, le nouveau livre, mais en vain ! Ce fut le vide autour de lui.» C’est que Césaire, on l’a vu, avait pris l’exacte mesure du texte qui a eu l’influence la plus profonde et la plus durable sur les Noirs du monde entier. Dans ‘Nan sotle Senegaal’, un des poèmes de son recueil Taataan, Cheik Aliou Ndao dit clairement que Nations nègres et culture est à la source de sa vocation d’écrivain en langue wolof : «Téereem bu jëkk baa ma dugal ci mbindum wolof Te booba ba tey ñàkkul lu ma ci def.»
L’auteur de Jigéen faayda et de Guy Njulli fait sans doute ici allusion au fameux ‘Groupe de Grenoble’, né lui aussi, très concrètement, du maître-livre de Cheikh Anta Diop. Sa lecture a en effet décidé des étudiants sénégalais - Saliou Kandji, Massamba Sarré, Abdoulaye Wade, Assane Sylla, Assane Dia, Cheik Aliou Ndao, le benjamin, etc. - à se constituer en structure de réflexion sur les langues nationales, allant jusqu’à produire par la suite un alphabet dénommé Ijjib wolof. Et plus tard, les travaux de Sakhir Thiam - en qui Cheikh Anta Diop voit explicitement un de ses héritiers dans sa conférence-testament de Thiès en 1984 - de Yéro Sylla, Arame Faal ou Aboubacry Moussa Lam, ont été dans la continuité de ce combat. On peut en dire de même de la revue Kàddu initiée par Sembène, Pathé Diagne et Samba Dione, qui en fut - on oublie souvent de le préciser - la cheville ouvrière. Ce sont là quelques-uns des pionniers qui ont rendu possibles les avancées actuelles. Il est frappant, et particulièrement émouvant, de constater que chez nous l’accélération de l’Histoire s’est produite peu de temps après la disparition du savant sénégalais, plus exactement à partir de la fin des années 80. Cheikh Anta Diop a semé puis il est parti. Cela signifie que de son vivant il n’a jamais entendu parler de maisons d’édition comme ARED, Papyrus-Afrique ou OSAD - pour ne citer que les plus connues ; en 1986, Cheik Aliou Ndao, déjà célébré pour L’exil d’Alboury, n’a encore publié aucun de ses quinze ouvrages en wolof dans tous les genres littéraires-poésie, théâtre, roman, nouvelle, essai et livres pour enfants. Il faudrait peut-être d’ailleurs ajouter à cette liste son livre d’entretien avec Góor gi Usmaan Géy dans lequel celui-ci revient, en termes inspirés, sur une rencontre fortuite à Pikine avec Cheikh Anta Diop chez un de leurs amis communs, le vieux Ongué Ndiaye ; Diop n’a pas eu le bonheur de tenir entre ses mains Aawo bi de Maam Younouss Dieng, Mbaggu Leñol de Seydou Nourou Ndiaye, Yari Jamono de Mamadou Diarra Diouf, Ja- neer de Cheikh Adramé Diakhaté, Séy xare la de Ndèye Daba Niane, Booy Pullo d’Abdoulaye Dia ou Jamfa de Djibril Moussa Lam, un texte que les connaisseurs disent être un chef-d’œuvre. Sans doute le CLAD faisait-il déjà un travail remarquable mais on peut bien dire que l’essentiel de la production scientifique d’Arame Fal et de Jean-Léopold Diouf a été publié après la disparition de Cheikh Anta Diop. S’il revenait en vie, Cheikh Anta Diop serait rassuré de voir que désormais dans notre pays le député incapable de s’exprimer dans la langue de Molière n’est plus la risée de ses pairs et que le parlement sénégalais dispose enfin d’un système de traduction simultanée interconnectant nos langues nationales. Mais ce qui lui mettrait vraiment du baume au cœur, ce serait de voir que des jeunes, souvent nés après sa mort, ont pris l’initiative de sillonner le pays pour faire signer une pétition demandant l’enseignement de la pensée de celui qui fut pendant si longtemps interdit d’enseignement... Et que l’un des initiateurs de cette pétition a, depuis Montréal et sur fonds propres, produit en octobre 2014 le premier film documentaire sur Serigne Mor Kayré et travaille en ce moment sur le second consacré à celui qu’il appelle «l’immense Serigne Mbaye Diakhaté.» ; que l’université Gaston Berger de Saint-Louis a formé les premiers licenciés en pulaar et en wolof de notre histoire.
Il ne lui échapperait certes pas que la volonté politique n’y est toujours pas, dans notre curieux pays, qui réussit le tour de force de rester si farouchement francophile alors qu’il a cessé depuis longtemps d’être... francophone ! L’Etat sénégalais a financé une grande partie de la production littéraire en langues nationales et il serait injuste de ne pas l’en créditer. Il n’en reste pas moins que, pour l’essentiel, ces résultats ont été obtenus grâce à des initiatives militantes, dans des conditions difficiles, souvent d’ailleurs au prix de gros sacrifices personnels de disciples de Cheikh Anta Diop.
Renversant les termes de la question initiale, on peut se demander aujourd’hui : que disent les écrivains sénégalais à Cheikh Anta Diop ? Il ne fait aucun doute que sans lui la littérature sénégalaise en langues nationales ne serait pas en train de prendre une telle envergure. En 1987 un numéro spécial de la revue « Ethiopiques » intitulé Teraanga ñeel na Séex Anta Jóob, préfacé par Senghor, réunit des hommages de Théophile Obenga, Buuba Diop et Djibril Samb, entre autres ; de son côté, L’IFAN a publié grâce à Arame Faal une anthologie poétique en wolof entièrement sous le titre Sargal Séex Anta Jóob. Le recueil date de 1992 mais la plupart de ses 23 poèmes ont été écrits immédiatement après la mort du savant, sous le coup de l’émotion. Tous rendent certes hommage à l’intellectuel hors normes mais aussi, avec une frappante unanimité, à la personne, à ses exceptionnelles qualités humaines. Les auteurs de cette importante anthologie ne sont naturellement pas les seuls à savoir ce qu’ils lui doivent. Même ceux qui ne lui consacrent pas un poème comme Ceerno Saydu Sàll - ‘Caytu, sunu këru démb, tey ak ëllëg’ dans Suuxat - lui dédient tel ou tel de leurs ouvrages ou rappellent son influence. C’est le cas de Abi Ture, auteure en 2014 de Sooda, lu defu waxu et de Tamsir Anne, qui a publié en 2011 Téere woy yi, tra- duction en wolof de Goethe, Heinrich Heine, Bertold Brecht et d’autres classiques allemands. Cette allégeance intellectuelle à Cheikh Anta Diop si généralisée, vient aussi de très loin et pourrait même être analysée comme une pratique d’écriture spécifique.
Je ne veux pas conclure cette conversation en donnant l’impression d’un optimisme béat : il reste beaucoup à faire car les forces qui ont voulu réduire au silence Cheikh Anta Diop ne désarment jamais. Notre territoire mental est toujours aussi sévèrement quadrillé et, encore une fois, le désir de « basculer sur la pente de notre destin [linguistique] » est loin d’être largement partagé. On n’en est pas moins impressionné par les immenses progrès réalisés en quelques décennies dans le domaine des littératures en langues nationales. Si pour paraphraser Ki-Zerbo nous refusons de nous coucher afin de rester vivants, le rêve de Cheikh Anta Diop ne tardera pas à devenir une réalité.
Boubacar Boris Diop est journaliste, écrivain, essayiste et professeur de l’université américaine du Nigeria. Lauréat en 2000, du Grand Prix littéraire d’Afrique noire, l’éditorialiste de SenePlus, est l’auteur de nombreux romans, aussi bien en français qu’en wolof, dont : Murambi, le livre des ossements (Zulma, Paris 2011) et Doomi Golo (Papurys Afrique, Dakar, 2003), entre autres. Boris Diop est également directeur de publication du site d'information et d'analyse en wolof : www.defuwaxu.com
LA SAGA NIGERIANE DES BUHARI
La famille présidentielle du Nigeria a été entraînée dans une histoire qui ressemble à l'un des nombreux feuilletons télévisés d'Hollywood du dimanche soir
BBC Afrique |
Nduka Orjinmo et Bruno Sanogo |
Publication 20/10/2019
C'est une histoire selon laquelle le président aurait prétendument marié une deuxième épouse - une femme membre de son gouvernement - alors que la fureur de sa femme laissait entrevoir des problèmes plus profonds dans le couple. Cette histoire a été inventée par les médias sociaux dynamiques au Nigéria et a été répandue par les commentaires énigmatiques de Mme Buhari. Le cadre étant la villa présidentielle du Nigeria, Aso Rock.
En quoi cela parle t-il d'un mariage ?
Le président Muhammadu Buhari et l'une de ses femmes ministres, Sadiya Farouq, sont au centre du récit qui a été largement diffusé sur les médias sociaux.
Ce que nous savons, c'est que le président Muhammadu Buhari est marié à Aisha Buhari et n'a rien dit sur sa volonté de prendre une nouvelle épouse.
Mme Farouq n'a rien dit non plus à propos du prétendu mariage.
Cela aurait facilement pu être consideré comme une fausse nouvelle et resté comme tel, sans un commentaire de Mme Buhari.
Qu'est-ce que Aisha Buhari a t-elle dit ?
Elle était en déplacement depuis deux mois au Royaume-Uni pour une visite médicale. Son retour à Abuja a été pris par ceux qui ont suivi l'histoire comme un signe qu'elle était revenue "pour défendre son territoire".
Même sa réponse à l'aéroport sur ce faux mariage n'a pas suffi à éteindre les rumeurs.
Dans une interview accordée à la BBC en Hausa, la première dame a confirmé, bien que de manière très cryptée, qu'il était effectivement prévu que le président Buhari prenne une deuxième épouse, en faisant référence à une "promesse de mariage". Elle a également dit que la prétendue future épouse était déçue que le mariage ne se soit pas fait.
Mme Buhari a déclaré: "La personne qui a promis son mariage ne savait pas que cela ne se produirait pas. Elle [supposée être Mme Farouq] n'a pas nié le mariage avant la fin de la journée."
Elle a parlé entièrement en haoussa, mesurant ses mots et ne mentionnant aucun nom. Mais il ressort clairement de l'entretien que Mme Buhari était mécontente que Mme Farouq n'ait pas publiquement démenti les rumeurs sur le mariage.
Pour compliquer encore les choses, le compte Twitter de la ministre a nié avoir commenté les rumeurs, réfutant les affirmations d'un faux compte en son nom qui avait en fait nié l'histoire.
Le compte du ministre a tweeté: "Il a été porté à mon attention qu'un faux compte Twitter @Sadiya_farouq_ a été créé en mon nom.
"Je souhaite informer mes partisans et les Nigérians bien intentionnés de ne pas tenir compte du descriptif et de toute information publiée dessus. Mon identifiant Twitter officiel reste @Sadiya_farouq".
Certains disent qu'elle a raté une occasion d'étouffer les rumeurs avec un déni ferme.
Alors, qui est Sadiya Farouq ?
À 45 ans, elle est l'un des plus jeunes ministres du cabinet de M. Buhari et dirige le nouveau ministère des Affaires humanitaires, de la gestion des catastrophes et du développement social.
On savait peu d'elle avant qu'elle ait été nommée par M. Buhari en août pour diriger le ministère nouvellement créé. La création du ministère et sa nomination ont été une surprise pour beaucoup, mais ceux qui la connaissent affirment qu'elle est une fervente partisane du président depuis des décennies.
Elle était à la tête de la Commission nationale des réfugiés, des migrants et des personnes déplacées dans le pays et était membre du directoire de campagne présidentiel All Progressives Congress (APC), au pouvoir, où elle était chargée de la planification et de la surveillance des élections, des opérations sur le terrain, et collecte de fonds.
Alors y avait-il un mariage ?
Non.
Le mariage était prévu pour se faire le vendredi 11 octobre, mais le compte Twitter de Sadiya Farouq a révélé qu'elle était déjà jeudi à Genève, en Suisse, à la tête de la délégation nigériane lors d'une réunion de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés.
Elle n'est pas retournée au Nigeria avant mardi, sur la base de ce qu'elle a posté sur le même compte.
Mais cela n'a pas dissuadé les utilisateurs des réseaux sociaux nigérians, notamment sur Twitter, de fournir une liste d'invités, un lieu et des divertissements.
Et qu'est-ce que tout cela a t-il à voir avec une querelle de famille ?
Les relations tendues entre les différents membres de la famille Buhari élargie sont un sous-complot de la fausse histoire de mariage.
Nous savons maintenant, grâce à cette interview de BBC Hausa, qu'une vidéo virale qui a circulé sur les médias sociaux d'Aisha Buhari dans un élan de colère était authentique. Elle a confirmé l'authenticité de la vidéo qui, selon elle, a été enregistrée par un membre de la famille du président qui habite à Aso Rock, en 2018.
Mme Buhari a déclaré que la vidéo avait été filmée par Fatima Daura, fille de Mamman Daura. Il est le neveu de M. Buhari et a été un proche collaborateur du président. Il n'occupe aucun poste officiel au sein du gouvernement, mais on pense généralement qu'il exerce une influence considérable sur le gouvernement.
On lui a même donné un appartement - la Glass House - dans la villa présidentielle qui a été le théâtre de l'explosion de la vidéo.
Selon Mme Buhari: "Ils ont filmé la vidéo devant ma sécurité et tout le monde. Elle [Fatima Daura] était en train de filmer tout cela devant moi et riait et se moquait de moi.
"Ils ont agi de la sorte parce que mon mari les a renvoyés de la maison. Il leur a dit de récupérer tous leurs biens et de quitter la maison pour que mon fils [Yusuf] l'occupe.
Fatima Daura a répondu à l'interview de Mme Buhari en déclarant: "Si on raisonne bien, on comprendra qu'il n'est pas possible de dire que la femme du président se voit refuser l'accès à son appartement."
La présidence nigériane n'a encore rien dit à propos de la vidéo mais mercredi, Mme Buhari a publié des excuses sur Instagram, affirmant: "Je saisis cette occasion pour m'excuser de la gêne que j'aurais pu causer à mes enfants, aux membres de ma famille proche et aux Nigérians bien intentionnés et l'institution que je représente, sur le clip vidéo diffusé ".
Aisha Buhari n'a pas dit qui planifiait le mariage, mais il est clair qu'elle sait qui c'était. Certaines personnes supposent que sa volonté de confirmer l'authenticité d'une vidéo de 2018, dans laquelle elle mentionnait Mamman Daura et sa fille Fatima, était un autre message énigmatique.
Mme Daura nie la planification d'un mariage, affirmant à BBC Hausa que son père et le président sont des "monogames". Il a également déclaré que "le genre de pouvoir et d'influence attribué à mon père est uniquement imputable à Dieu".
Alors, un mariage est-il toujours sur les cartes ?
Cela dépendrait si c'était jamais sur les cartes en premier lieu.
Si les gens le prévoyaient, ils n'auraient peut-être pas complètement abandonné ces plans.
S'il y a quelqu'un qui connaissait les signes d'un nouveau mariage en gestation, c'est bien Mme Buhari. Elle a épousé le président après son divorce de sa première femme en 1988. Le président est connu pour son monogamie, mais en tant que musulman, il est autorisé à prendre jusqu'à quatre femmes.