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18 avril 2025
Politique
UN NŒUD GORDIEN POUR LE REGIME
De plus en plus, l'éventualité d'une révocation du maire de Dakar de son poste prend forme. Mais, selon des spécialistes, l'article 277 invoqué dans les cercles du pouvoir en place pour destituer Barthélémy Dias est paradoxal et inopérant.
De plus en plus, l'éventualité d'une révocation du maire de Dakar de son poste prend forme. Mais, selon des spécialistes, l'article 277 invoqué dans les cercles du pouvoir en place pour destituer Barthélémy Dias est paradoxal et inopérant.
C'est le patron de la structure des jeunes du parti Pastef qui en a fait l'annonce, avant-hier, quelques minutes après la sortie de Barthélémy Dias. Selon Ngagne Demba Touré, si la loi est appliquée, dans les prochains jours, Barthélemy Dias ne sera plus maire de Dakar. Juriste de formation, il fonde son argumentaire sur les dispositions du code électoral notamment en son article L277. Ledit article précise : «Tout conseiller municipal qui pour une cause quelconque se trouve dans l'un des cas d'inéligibilité ou d'incompatibilité prévus par la loi, peut-être à toute époque, déclaré démissionnaire par le représentant de l'Etat sauf recours devant la Cour d'Appel dans les dix (10)jours de la notification. Tout électeur municipal peut saisir le représentant de l'Etat ou la Cour d'Appel lorsqu'il constate un cas d'inéligibilité ou d'incompatibilité».
Une démarche paradoxale aux yeux de l'expert électoral Ndiaga Sylla. «Le paradoxe est qu'on invoque L.277 du même code électoral pour intenter la déchéance d'un conseiller municipal élu maire depuis près de 3 ans tout sans faire une lecture combinée avec L.272 qui énumère les cas d'inéligibilité…», a relevé l'expert. Il souligne, sous ce rapport : «Les limites de la procédure de radiation du député Barthélémy Dias de son mandat, découlent d'une méconnaissance des dispositions pertinentes des deux lois organiques contenues dans le code électoral (LO.162 et LO.182) et censées complétées l'article 61 de la Constitution reprise par l'article 51 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale». Par conséquent, d'après Ndiaga Sylla, il revient au Conseil constitutionnel de constater la déchéance du mandat(ou la radiation).
ME ABDOURAHMANE MAIGA : «L'INELIGIBILITE DE BARTHELEMY DIAS EVOQUEE DANS L'ALINEA DE L'ARTICLE 277 A ETE DEJA TRANCHEE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL»
Dans une publication datée d'hier, Me Abdourahmane Maiga relève d'emblée que les dispositions de l'art 277 du code électoral évoquées par les pourfendeurs de Barthélémy Dias pour le révoquer de son fauteuil de maire sont inopérantes. La question de l'inéligibilité de Barthélémy Dias, poursuit-il, invoquée dans l'alinéa 1 de l'art 277 a été déjà tranchée par le Conseil constitutionnel depuis, le 10 octobre 2024.
Statuant sur un recours portant sur l’inéligibilité de Barthélémy Dias lors des élections législatives anticipées de novembre dernier, ledit Conseil avait relevé, dans son considérant 6, que la saisine du Conseil constitutionnel pour l'inéligibilité de Barthélémy Dias était exclusivement attribuée au ministre chargé des élections. Donc, le cas échéant le Conseil constitutionnel, à défaut d'une saisine par l'autorité compétente dans le délai prévu par la loi, le Conseil avait jugé la candidature de Barthélémy Dias recevable.
En conséquence, le Conseil constitutionnel, en refusant de se prononcer sur l'inéligibilité de Barthélémy Dias en l'absence de la saisine par le ministre en charge des élections, reconnaît implicitement la validité de la candidature de Barthélémy Dias, a relevé Me Maïga. Il ajoute, à cet effet, que le cas d'inéligibilité prévu par l'art 277 du code électoral est donc inopérant dans le cas d'espèce. «Idem pour l'art 135 du code général des collectivités territoriales qui vise les maires condamnés pour crimes alors que les faits pour lesquels Barthélémy Dias est poursuivi ont fait l'objet d'une requalification de l'infraction devenue un délit», a insisté la robe noire non sans remarquer que les décisions du Conseil constitutionnel, étant insusceptibles de recours, s'imposent aux pouvoirs publics erga omnes.
En définitive, en déclarant la candidature de Barthélémy Dias recevable, le maire de Dakar bénéficie, selon Abdourahmane Maiga, depuis le 10 octobre 2024, date de délibération du conseil constitutionnel, du principe des «droits acquis».
AMADOU HOTT A LA PRIMATURE
Le Premier ministre Ousmane Sonko s’est entretenu ce mardi 10 décembre 2024 avec Amadou Hott, candidat du Sénégal à la Présidence de la Banque Africaine de Développement (BAD), informe une source de la Primature.
Le Premier ministre Ousmane Sonko s’est entretenu ce mardi 10 décembre 2024 avec Amadou Hott, candidat du Sénégal à la Présidence de la Banque Africaine de Développement (BAD), informe une source de la Primature.
Selon la source, « les échanges conviviaux et constructifs ont principalement concerné les avancées de sa candidature portée officiellement par le Chef de l’Etat et l’ensemble du Gouvernement. »
« Amadou Hott a rendu compte des prochaines étapes et a réitéré ses remerciements au Président de la République, au Premier ministre et à tout le Gouvernement pour la grande mobilisation autour de sa candidature », renseigne la source.
L’ancien ministre sénégalais Amadou Hott a officiellement annoncé sa candidature à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD), dont l’élection est prévue en mai 2025. Pour se consacrer pleinement à cette campagne, il a démissionné de ses fonctions d’envoyé spécial du président de la BAD, chargé de l’Alliance pour l’infrastructure verte en Afrique.
Le Premier Ministre Ousmane SONKO s’est entretenu ce mardi 10 décembre 2024 avec M. Amadou HOTT, candidat du Sénégal à la Présidence de la Banque Africaine de Développement (BAD).
Les échanges conviviaux et constructifs ont principalement concerné les avancées de sa candidature… pic.twitter.com/5oEp9voNnq
Amadou Hott a dévoilé les grandes lignes de son programme, promettant de placer le développement du secteur privé au cœur de ses priorités. Il s’engage à permettre aux pays africains d’accéder à des financements à moindre coût sur les marchés financiers, tout en modernisant la BAD et en renforçant ses partenariats stratégiques.
Parmi ses propositions phares figure la création d’une vice-présidence dédiée au secteur privé. « Je dynamiserai le secteur privé en mobilisant des ressources à travers cette nouvelle structure », a-t-il affirmé.
Il prévoit également de renforcer la capacité de la BAD à exécuter des projets d’envergure. « Je m’engage à multiplier les projets transformateurs et à grande échelle tout en augmentant significativement l’efficacité de leur mise en œuvre », a-t-il déclaré.
Amadou Hott aspire à faire de la BAD une institution plus moderne et performante. Il envisage d’améliorer son efficacité interne grâce à la digitalisation des processus, à une gestion optimisée des talents et à des systèmes d’incitation basés sur la performance. « Mon objectif est de rendre la BAD plus agile et plus rapide dans ses opérations et ses interactions avec les parties prenantes », a-t-il ajouté.
LE PRESIDENT DE L’OFNAC RELEVE UN TAUX D'EXECUTION SATISFAISANT
Déclaration de patrimoine des personnes assujetties, désormais, l’Institution est dotée d’une arme pénale pour pourchasser les récalcitrants
Etienne Ndiaye (Correspondant permanent à Mbour) |
Publication 11/12/2024
Tous les membres du gouvernement ont fait leur déclaration de patrimoine et les directeurs généraux sont en train de s‘atteler à cette exigence avec un taux très satisfaisant. C’est l’assurance donnée par le président de l’Office National de Lutte contre la Fraude et la Corruption (Fnac). Serigne Bassirou Guéye qui participait hier à Pointe Sarène à l’ouverture de la 3ème session du Comité Technique de Coordination, de Suivi et d’Évaluation de la Stratégie Nationale de Lutte Contre la Corruption (CTSE-SNLCC). Il s’est félicité du renforcement des pouvoirs de contrôle de l’autorité administrative qu’il dirige, ce qui, à son avis, a participé à sortir notre pays de la zone grise du GAFI en matière de lutte contre la corruption.
« La déclaration de patrimoine a été faite par les nouvelles autorités: le Premier ministre, les membres de son gouvernement et les secrétaires d’Etat. Actuellement, les Directeurs généraux sont en train de faire leur déclaration et ceux qui ne l’ont pas encore fait sont en train d’être appelés pour faire la procédure. Bref, le rythme de la déclaration est bon dans l’ensemble et cela est rassurant ».
C’est la réponse servie par le président de l’Ofnac concernant la déclaration de patrimoine pour les personnes assujetties en vertu de la loi numéro 2024-07 du 09 février 2024. Avec le renforcement des pouvoirs juridiques de l’Ofnac, la déclaration de patrimoine est obligatoire et désormais cet organe de contrôle de l’Etat a les pleins pouvoirs de contraindre tout récalcitrant.
Pour Serigne Bassirou Guéye, ces modifications ont permis de faciliter la tâche à l’autorité administrative qu’il dirige. « Maintenant, nous avons tous les pouvoirs de faire des arrestations et de mener jusqu’au bout nos enquêtes. Nous avons tous les moyens juridiques pour mener nos enquêtes. Au début, on pouvait convoquer des gens qui pouvaient aussi refuser de déférer à la convocation et nous n’avions aucune obligation de les contraindre à venir, ce qui plombait notre travail. Aujourd’hui, avec le changement, nous avons tous les statuts juridiques », a indiqué le président de l’Ofnac.
De l’avis de l’ancien Procureur de la République, ces modifications qui ont renforcé les pouvoirs de cet organe de contrôle de l’Etat ont fortement contribué à sortir le Sénégal de la Zone rouge. « Ce qui maintenait le Sénégal dans la zone grise de la lutte contre la corruption et qui était lié à deux choses a été résolu. Le premier est le renforcement des pouvoirs de l’Ofnac parce que le GAFI connaît le rôle que l’Ofnac peut jouer dans la lutte contre la corruption. C’est pourquoi, lorsque le Sénégal a pris cette décision, cela a facilité la démarche de notre pays de sortir de la zone grise » a-t-il soutenu.
« Les délinquants ont beaucoup de stratégies pour mener leurs actes mais… »
Serigne Bassirou Guéye intervenait à Pointe Sarène lors de l’ouverture de la troisième session du Comité Technique de Coordination, de Suivi et d’Évaluation de la Stratégie Nationale de Lutte Contre la Corruption (CTSE-SNLCC).
Revenant sur la rencontre, l’ancien Procureur de la République a précisé que chaque année cette rencontre se tient pour évaluer le programme sur la corruption. « Actuellement, nous sommes à la fin de l’année et nous allons évaluer notre plan stratégique pour nous orienter et nous fixer de nouveaux objectifs. Aujourd’hui, la corruption gangrène le monde entier et la preuve est que la Banque Mondiale ne cesse de mettre en garde les Etats contre cette pratique qui plombe les économies. Donc le Sénégal n’est pas en reste mais le seul avantage est que nous menons une lutte acharnée contre la corruption » , assure-t-il.
Serigne Bassirou Guéye se dit d’autant plus optimiste que les nouvelles autorités à la tête du pays n’ont jamais cessé de rappeler leur engagement à anéantir toute les démarches corruptives. Il cite en particulier celui du Président de la République qui, lors de la cérémonie officielle de présentation du référentiel 2050, avait déclaré qu’il accordait une attention particulière à la lutte contre la corruption. « Le chef de l’Etat Bassirou Diomaye Diakhar Faye a rassuré en soutenant qu’il va renforcer l’Ofnac pour mieux lutter contre la corruption. Les délinquants ont beaucoup de stratégies pour mener leurs actes mais l’Etat est déterminé à les pourchasser pour mettre fin à ce fléau », a illustré le président de l’OFNAC.
UNE DÉMOCRATIE À L’ÉPREUVE DE LA LÉGITIMITÉ
Le cas de Barthélémy Dias, radié de l'Assemblée nationale malgré son élection récente, s'ajoute à une longue liste d'opposants victimes de la judiciarisation du politique. Les tribunaux se transforment ainsi en arbitres des luttes politiques
La radiation de Barthelemy Toyes Dias de la liste des députés de la XVème Législature, après son élection à l’issue du scrutin du 14 novembre dernier pose la question de la légitimité voire de la souveraineté du peuple. Ousmane Sonko et Khalifa Ababacar Sall en ont été victimes à cause de la judiciarisation de l’espace politique. Avant eux, Idrissa Seck en a également pâti. Le recours au système judiciaire pour trancher des différends politiques est devenu une tendance. Ce phénomène, soulève des débats passionnés quant à ses implications pour la gouvernance et la démocratie. Si certains y voient une garantie d'état de droit et de transparence, d'autres redoutent une dérive qui éloignerait le politique de ses fonctions premières. Une tare qui gangrène la démocratie dite représentative à la sénégalaise.
«Sonko Moy Diomaye ». Ce slogan plus qu’accrocheur a été vendu au peuple sénégalais pour faire élire Bassirou Diomaye Diakhar Faye à la Magistrature suprême le 24 mars dernier. Faisant preuve de loyauté sans faille, l’actuel chef de l’Etat a déclaré à haute et intelligible voix qu’il s’est battu pendant 10 ans pour faire de Ousmane Sonko un président de la République et que ce dernier, en dix jours seulement, a fait de lui le Chef suprême des Armées, le gardien de la Constitution, pour ne pas dire l’homme le plus puissant du Sénégal. Un scenario digne d’un film hollywoodien.
Mais comment en est-on arrivé là ? Pas la peine de chercher loin. C’est parce que les anciens tenants du pouvoir ont utilisé la justice sénégalaise pour écarter Ousmane Sonko de la course à la présidentielle de 2024. L’affaire Sweet Beauté ayant fait pschitt pour cause de requalification du cas de viol qui a coûté la vie à plus de 80 sénégalais, à la corruption de la jeunesse, il fallait trouver un autre procès à intenter. Ce fut celui Mame Mbaye Niang qui accusait l’actuel Premier ministre de diffamation sur l’affaire dite des 29 milliards du Programme national des domaines agricoles (Prodac) qui tardent encore à lever tous les contours pour l’écarter de la course.
Pire, le Parti Pastef sera même dissout rappelant au Sénégal les tristes souvenirs du régime de Senghor contre Majmouth Diop et le Professeur Cheikh Anta Diop qui avaient eux aussi vu leurs partis dissouts, les contraignant à être des clandestins politiques. C’est ainsi que le champ politique s’entrelace de plus en plus avec celui du droit et pose la question d’un glissement où les juges prennent une place croissante dans l’arbitrage des décisions politiques.
Khalifa Sall et Karim Wade écartés de la présidentielle de 2019
Mais avant Ousmane Sonko, le principal homme à abattre était Khalifa Ababcar Sall. Tout puissant maire de Dakar, l’ancien secrétaire en charge de la vie politique du Parti socialiste, sera victime d’un délit d’ambitions. Là aussi la justice sera instrumentalisée pour vider sa caisse d’avance dont le seul but était de l’empêcher de briguer la magistrature suprême en 2019. Une candidature qui allait être fatale pour Macky Sall à cause de la démonstration dont l’ouragan d’alors que constitué Takhawu Ndakaru avait fait montre, en balayant tout sur son passage lors des élections municipales de 2014.
Alors qu’il était de coutume de justifier la lenteur des dossiers par la fameuse phrase : « le temps de justice n’est pas le temps des hommes », le procès de la caisse d’avance sera vidé avec une célérité inouïe. Les tenants du régime n’ont même pas permis à ses conseillers d’introduire un rabat d’arrêt afin que le processus soit définitivement revêtu de ce qu’on appelle en droit « l’autorité de la chose jugée ». Il sera exclu de l’Assemblée nationale contre la volonté du peuple qui l’y avait envoyé.
Ensuite, un autre couperet va tomber sur sa mairie alors que les Dakarois avaient fini de lui accorder une légitimité confortable. Sur 19 communes d’arrondissement, seule celle de Yoff va lui résister.
Quant à Karim Wade, accusé d’enrichissement illicite par une Cour qui est aux antipodes des juridictions modernes (renversement de la charge de la preuve, absence de double degré de juridictions), il va etre condamné et après trois ans d’emprisonnement, il est exilé à Doha. Ce, à cause d’une fortune supposée ou réelle que le fils de Abdoulaye Wade aurait acquise en 12 ans de présidence de son père. Sur une liste de 25 dignitaires du régime wadien, il sera le seul à être jugé et contraint de payer une aussi lourde peine. Si sa fortune supposée faisait peur à régime de Macky Sall, on ne sait toujours pas ce que pèse réellement Karim Meissa Wade. Et pour cause d’élections en élections, il sera empêché de briguer le suffrage des Sénégalais.
Et maintenant Barthélémy Dias
La condamnation de Barthélemy Toyes Dias (alors maire de commune) à deux ans de prison dont six mois ferme, assortis de dommages et intérêts de 25 millions de francs CFA, à verser à la famille de feu Ndiaga Diouf a été confirmée le 22 décembre 2023 par la Cour suprême. Soit 12 ans d’attente.
La haute juridiction a débouté le député-maire de Dakar qui s’était pourvu en cassation.
Les moyens soulevés par ses conseils ont été déclarés infondés. Il s’agissait des exceptions d’inconstitutionnalité, de l’intime conviction et de contrariété de jugement. L’affaire est donc revêtue de l’autorité de chose jugée.
En ce moment précis, il aurait dû perdre ses mandats de député et de maire de Dakar. Que nenni !
Paradoxalement, le conseil constitutionnel, juge des élections n’a pas récusé sa candidature à la députation aux élections législatives du 14 novembre dernier. Aucun candidat, ayant la qualité à agir, n’a pas non plus saisi le conseil constitutionnel pour contester la candidature de l’actuel maire de Dakar.
Mieux, le peuple qui est seul détenteur de la souveraineté nationale en l’exerçant par la voie référendaire ou la voie de ses représentants, a décidé, nonobstant cette condamnation, de faire de Barthelemy Troyes Dias un député. Cette légitimité, il la tire du peuple à l’instar de tous les honorables députés de la XVème Législature et des autres bien avant eux.
Par conséquent le déchoir du poste que le peuple lui a confié suite à une saisine du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, quelle que soit la base légale, pose un gros problème au sein de notre démocratie dite représentative.
La dynamique de la judiciarisation comporte des risques. Le recours systématique à la justice peut transformer les élus surtout quand ils sont opposants au régime ou anciens alliés, en cibles constantes. Il en est de même de la politisation des affaires judiciaires qui peut ébranler l’impartialité des juges, jetant une ombre sur la neutralité des décisions rendues. Des accusations d’instrumentalisation de la justice pour des fins partisanes se multiplient, comme en témoignent des affaires récentes où des enquêtes à charge ont alimenté des clivages profonds.
Ce phénomène reflète aussi une évolution. Dans une société où les citoyens exigent une responsabilisation accrue, le droit devient une langue commune pour résoudre les litiges. Mais cela ne doit pas faire oublier que le politique repose avant tout sur le compromis et la délibération, des dimensions souvent absentes des salles d’audience.
En fin de compte, la judiciarisation de l’espace politique est une arme à double tranchant. Si elle peut élever les standards d’intégrité et de responsabilité dans les sphères publiques, elle risque également de rigidifier le débat démocratique et d’affaiblir la confiance dans les institutions. Un équilibre subtil reste à trouver pour préserver les principes d’un état de droit tout en ne déniant pas le choix des citoyens électeurs et en permettant au politique de remplir son rôle de représentation et de vision.
Le cas des États-Unis et de la France
Le Sénégal se veut une démocratie majeure. Il l’est d’ailleurs dans une grisaille de l’Afrique de l’Ouest. C’est une référence aux yeux du monde entier et l’a prouvé en 2000 et 2012 et 2024 avec trois alternances. Même si le Ghana semble nous damer le pion, nous devons continuer à veiller à son renforcement en respectant la volonté du peuple. Ousmane Sonko avait raison de déclarer « si le peuple veut élire un criminel, c’est son problème ».
Aux Etats-Unis le procureur spécial, Jack Smith lors l’élection présidentielle de novembre dernier, a ordonné l’arrêt de l’interminable liste des poursuites au civil et au pénal contre Donald Trump élu président de la République. Ce qui constitue une jurisprudence allant dans le but de renforcer la démocratie américaine. Et pour cause, si le ministère suit depuis l’affaire Watergate de 1973, une politique constante consistant à ne pas poursuivre un président en exercice, souligne nos confrères de TV5Monde, le cas d’un candidat poursuivi pénalement puis élu président est totalement inédit.
Donald Trump ne sera donc inquiété qu’à la fin de son mandat. Il aura 78 ans. Et dire qu’il avait été accusé de « complot contre les institutions américaines » et « d’atteinte au droit de vote » des électeurs suite aux attaques du Capitole pour se maintenir au pouvoir.
Que dire du cas de Marine Le Pen ou encore de son père Jean Marie Le Pen. Arrivé au second tour des élections présidentielles de 2002, Jean-Marie Le Pen avait évoqué sa difficulté à récolter 500 parrainages d’élus, et la possibilité qu’il ne soit donc pas présent à l’élection présidentielle cette année-là. Certains politiques français, notamment José Bové (parti écologiste) et beaucoup d’autres membres influents de la société civile avaient alors émis l’idée de parrainage citoyen. Ce qui n’est pas encore le cas. Contrairement au Sénégal qui a choisi cette excellente option de ce « machin nécessaire ».
Toutefois, qu’on ne s’y trompe pas. Il ne viendra jamais à l’esprit des autorités françaises de la Gauche comme de la Droite d’user du filtre des parrainages des élus pour empêcher un Chef de l’opposition, fut-il de l’extrême droite, de prendre part à une élection présidentielle. C’est ce « gentlemen’s agreement » qui devrait prévaloir au Sénégal. Ousmane Sonko a vécu un calvaire indescriptible pour arriver au pouvoir. Le peuple lui a fait confiance en lui accordant une légitimité plus que confortable pour exécuter sa Vision Sénégal 2050. Il gagnerait à éviter des querelles de bornes fontaines auxquelles certains membres de son parti et de son gouvernement, ou des alliés l’invitent. La seule bataille qui devrait être la sienne, c’est de mettre le Sénégal sur les rails de l’émergence pour que chaque sénégalais partout où il puisse être, sente la transformation systémique. Ce qui passe par la consolidation de notre de notre démocratie, tant vantée et jalousée.
HAUTE COUR DE JUSTICE, PRIVILÈGE OU POISON ?
Une juridiction devant laquelle il serait très difficile, pour ne pas dire impossible, pour un politique membre de l'opposition, d'avoir gain de cause.
Censée être un privilège pour les ministres qui y sont généralement traduits, la Haute cour de justice ressemble plus à un véritable cauchemar. Une juridiction devant laquelle il serait très difficile, pour ne pas dire impossible, pour un politique membre de l'opposition, d'avoir gain de cause. Docteur en droit public reconnu, enseignant à l'Ucad et dans d'autres universités privées du Sénégal, Médoune Samba Diop, alerte et invite à une réforme positive qui transcende les contingences du moment.
Un drôle de privilège ? Ceci aurait pu être la principale caractéristique de la Haute cour de justice, juridiction mise en place après chaque législature pour juger les ministres pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions et le président de la République en cas de haute trahison.
Seulement, elle défie tout bon sens, parce qu’essentiellement composée de députés et de politiciens qui, la plupart du temps, doivent juger leurs adversaires.
Pour Médoune Samba Diop, docteur en droit public qui soulève le débat, c'est quelque chose qu'il faut revoir parce que cela ne garantit pas les conditions d'un procès juste et équitable. À la question de savoir si l'on peut vraiment parler de privilège, le professeur déclare : “Le privilège, c'est peut-être dans l'acte d'accusation, parce que ce n'est quand même pas facile, il faut la majorité qualifiée des 3/5. Mais pour le reste, c'est comme quand on dit que quelqu'un bénéficie d'un retour de parquet, alors que c'est une violation de la loi.”
Dans le fond, cette juridiction soulève deux problèmes majeurs, tous deux liés à la composition. D'abord, souligne le professeur de droit public, les membres sont issus des partis politiques et, en conséquence, il leur est difficile d'être objectifs et impartiaux. Ensuite, parce qu'ils ne maitrisent pas la matière. À supposer même qu'ils soient des juristes, ils ne sont pas des juges et c'est un vrai problème.
Dans l'histoire, rappelle le Dr Diop, la cour a montré ses limites dans le seul procès qu'elle a eu à connaitre jusque-là, à sa connaissance. C'était l'affaire Mamadou Dia jugé en 1963 pour la crise de 1962. “Dia a été condamné à perpétuité, alors que même le procureur l'a déchargé sur beaucoup de points. Même s'il a constaté une faute de sa part, il a plaidé pour le bénéfice des circonstances atténuantes. Pour Ibrahima Sarr, il avait dit qu'il n'avait rien contre lui. Si on était devant une juridiction avec des magistrats, les choses auraient pu se passer autrement.
Dans les années 2000, la Haute cour de justice a également été activée pour connaitre de la fameuse affaire des chantiers de Thiès. Mais cette fois, les politiques n'ont pas eu le temps d'entrer en action, parce que les magistrats avaient accordé à l'ancien Premier ministre un non-lieu. Pour Médoune Samba Diop, il est temps de revoir cette juridiction, surtout dans sa composition. “Ce que je dis n'a rien de contextuel. Je pense juste qu'on doit pouvoir réfléchir à parfaire nos institutions, à les rendre meilleures et plus conformes aux principes qui doivent régir un État démocratique. L'élément de rupture, c'est surtout ça. Autant il est impératif de faire la reddition des comptes, autant on doit tout faire pour respecter les droits des uns et des autres, notamment le droit à un procès juste et équitable”, analyse le spécialiste du droit.
Le défaut d'encadrement de la notion de haute trahison
Revenant sur la responsabilité du président de la République, le juriste estime qu'avec le défaut d'encadrement de la notion de haute trahison, n'importe qui peut être traduit devant la juridiction. C'est pourquoi, insiste-t-il, il faut aller dans le même sens que certains États qui, à défaut de définir le concept, ont essayé de mettre en place des éléments constitutifs de l'infraction. “Par exemple, on peut dire : si le président n'a pas respecté la Constitution, on met des éléments. Je pense qu'on gagnerait à emprunter cette voie. Sinon, on peut mettre n'importe quoi dans cette notion”, a-t-il ajouté, appelant à un “approfondissement de la démocratie” à travers la réforme de cette institution.
À propos du débat sur le privilège, il estime que cela ne lui pose pas du tout de problème. Ces ministres et présidents ayant eu à occuper de hautes fonctions de la République, leur accorder un privilège ne lui pose pas de problème particulier. Mais il faut éviter de faire en sorte que le privilège ne se retourne pas contre eux.
“D'ailleurs, souligne-t-il, ils ne sont pas les seuls à en avoir un privilège. Les avocats ont aussi un privilège, les militaires peuvent aussi l'avoir. Cela ne pose pas de problème. Le problème, c'est surtout la composition. Il faut y mettre des professionnels, c'est-à-dire des magistrats qui, non seulement sont censé être impartiaux, mais qui maitrisent également la matière”. Quant à l'acte d'accusation, ajoute le professeur de droit public, il peut être fait par les députés.
Le professeur Médoune Samba Diop a aussi rappelé que la Haute cour de justice est composée d'un président qui est magistrat et de membres du Parlement. Par rapport à la procédure, il faut d'abord la mise en accusation votée par l’Assemblée nationale, ensuite vient l'instruction avant d'aller au jugement.
L'autre grande question que soulève cette juridiction, selon le Dr Diop, c'est l'absence d'une possibilité d'appel, en cas de condamnation.
par Abdoul Aziz Diop
MULTIPLE PHOTOS
QUAND LA VAR ÉCLAIRE LA SCIENCE POLITIQUE ET LE DROIT
La géométrie du pouvoir est implacable : hier, Sonko s'opposait à la radiation de Barth, estimant que 'le peuple l'a choisi, assassin ou pas'. Aujourd'hui, la même Constitution dessine une ligne droite entre son élection et sa destitution
« La politique n’est pas une morale appliquée ; elle est la morale elle-même. » - Hegel (1770-1831)
La politique a précédé la religion. Les religions, l’islam compris, n’ont pas modifié ce qui, dans la politique, est conforme au « Bien » et à l’intérêt général ou universel. La science politique permet, elle, de conquérir les faits politiques sur les préjugés, de les constater et de les construire par la pensée. La science politique éclaire le droit quand l’interprétation de celui-ci divise la communauté scientifique.
Bon nombre de théories politiques tirent leurs ressources des sciences exactes comme les mathématiques. C’est notamment le cas en analyse de contenu du discours politique dont les principales caractéristiques sont énoncées en s’appuyant sur les propriétés mathématiques des relations comme la réflexivité, l’antisymétrie et la transitivité.
Le pouvoir, objet de toutes les convoitises, renvoie à une relation dont les éléments constitutifs sont le Détenteur du pouvoir - le président à titre d’exemple -, le Destinataire du pouvoir - le peuple sur lequel s’exerce l’acte de pouvoir détenu par le président -, et surtout le Domaine du pouvoir, la Constitution dont le respect des dispositions rend acceptable l’exercice du pouvoir.
Une des propriétés mathématiques du Domaine du pouvoir est d’être un ensemble convexe. Autrement dit, « chaque fois qu'on y prend deux points X et Y, le segment [X, Y] qui les joint y est entièrement contenu. » (Voir figure en illustration du texte).
La loi fondamentale - la Constitution de la République - est un ensemble convexe. Il n’est pas possible de la parcourir du préambule qui en fait bien partie au dernier article sans emprunter un chemin dont tous les points, c’est-à-dire toutes les dispositions, sont dans le texte fondamental ou totalement conforme au texte dans sa lettre et son esprit.
De la radiation du député élu Barthélémy Dias
En vertu du dernier alinéa de l’article 61 de la Constitution, « le membre “de l’Assemblée nationale” qui fait l’objet d’une condamnation pénale définitive est radié de la liste des parlementaires sur demande du Ministre de la Justice. »
De l’élection du maire de Dakar (point A) à sa radiation (point B), aucun des points du segment [A,B] ne déroge à la loi fondamentale, lui conférant sa convexité par l’exemple. Il ne fait néanmoins aucun doute que la « demande du ministre de la Justice » n’est pas impérative, ce qui veut dire que « le membre “de l’Assemblée nationale” qui fait l’objet d’une condamnation pénale définitive [n’est] radié de la liste des parlementaires [que] sur demande du ministre de la Justice.» Cette reformulation, équivalente à celle de l’article 61, n’affecte pas non la convexité de la Constitution. Elle ne rend pas non plus impérative la « demande du ministre de la Justice.» En faisant une lumineuse incursion dans les Mathématiques, la science politique éclaire le droit, et non l’inverse, par ses ressources additionnelles.
Une ressource additionnelle est la ressource tirée par le politicologue du fait politique majeur qu’est l’arbitrage vidéo - Video Assistant Referee (VAR) - qui permet d’exhumer les dires enfouis pour éclairer le présent. Écoutons alors Ousmane Sonko du temps où il s’opposait sans merci à son ennemi politique, l’ancien président Macky Sall. Nous citons Sonko :
« Je prends à témoin tous les Sénégalais en leur disant que Macky Sall est sur le point d’enlever à Barthélémy Dias ses mandats, chose à laquelle nous nous opposerons. Il (Macky) est déterminé, par l’instrumentalisation de la Justice, de mettre fin aux fonctions de maire de Dakar et de député à l’Assemblée nationale de Barthélémy Dias. C’est bien le peuple qui a choisi Barthélémy Dias, assassin ou pas, parmi plusieurs autres candidats comme maire de Dakar et député à l’Assemblée nationale. Personne, je dis bien personne, ne doit penser à lui enlever ses mandats. C’est une des violences que Macky Sall s’apprête à perpétrer. Mais à bon entendeur salut. » - Fin de citation -
Ces paroles, oubliées ou foulées aux pieds par Ousmane Sonko, ont-elles dissuadé l’ancien président Sall ? La réponse est non dès lors que le silence de l’ancien président et celui de son ministre de la Justice étaient fondés en droit du fait du caractère non impératif du dernier alinéa de l’article 61 de la Constitution.
On voit bien ici que l’idée que la politique serait autre chose qu’une morale temporelle ou spirituelle et serait antinomique à la science est une conséquence désastreuse de l’anti-intellectualisme des patrons et des militants et sympathisants des partis politiques sénégalais et du contrôle au Sénégal des canaux médiatiques, dont les réseaux sociaux, par des émetteurs profanes de paroles, d’images et de vidéos.
Contre toute attente, l’arbitrage vidéo - la fameuse VAR - est tout ce dont dispose aujourd’hui la science politique pour éclairer le droit dont les pires ennemis d’hier découvrent les vertus et s’en servent sans modération.
La géométrie du pouvoir est implacable : hier, Sonko s'opposait à la radiation de Barth, estimant que 'le peuple l'a choisi, assassin ou pas'. Aujourd'hui, la même Constitution dessine une ligne droite entre son élection et sa destitution
IL Y A UNE VOLONTE MANIFESTE DE ME METTRE EN PRISON POUR RECUPERER LA MAIRIE DE DAKAR
Le maire de la Ville de Dakar, Barthélémy Diaz, a dénoncé, lundi, « une volonté manifeste » des nouvelles autorités étatiques de l’emprisonner pour récupérer la municipalité qu’il dirige depuis janvier 2022.
Le maire de la Ville de Dakar, Barthélémy Diaz, a dénoncé, lundi, « une volonté manifeste » des nouvelles autorités étatiques de l’emprisonner pour récupérer la municipalité qu’il dirige depuis janvier 2022.
« Au regard de la démarche adoptée par les tenants actuels du pouvoir, on constate qu’il y a aujourd’hui, une volonté manifeste de mettre Barthélémy Diaz en prison pour récupérer la mairie », a-t-il déclaré lors d’un point de presse dans les locaux de la mairie de Dakar.
Ce face à face avec les journalistes intervient trois jours après sa révocation de son poste de député par le bureau de l’Assemblée, à la suite d’une requête introduite par le ministre de la Justice, Ousmane Diagne.
Le Garde des Sceaux a officiellement saisi le bureau de l’Assemblée nationale afin qu’il procède à la révocation du mandat de M. Dias condamné pour « coups mortels » dans l’attaque en 2011 de sa mairie de Mermoz-Sacré-Cœur.
Le pourvoi introduit par ses avocats pour obtenir la cassation de sa condamnation à deux ans de prison, dont six mois ferme, ainsi que des dommages et intérêts de 25 millions de francs CFA à verser à la famille de la victime, a été rejeté en décembre 2023 par la Cour suprême.
En application des dispositions du dernier alinéa de l’article 61 de la Constitution et de l’article 51 du règlement intérieur, dernier alinéa, « le bureau de l’Assemblée nationale, réuni le jeudi 5 décembre 2024, a procédé à la radiation de M. Barthélémy Dias », a expliqué, vendredi, le président de l’institution parlementaire, Malick Ndiaye, lors de la séance consacrée à la ratification des commissions.
Lors de son point de presse, M. Dias, tête de liste nationale de la coalition Samm sa Kaddu, a déclaré qu’il n’avait jamais « souhaité siéger à l’Assemblée nationale pour cette quinzième législature ». « Et je l’avais déjà indiqué », a-t-il dit, estimant que cette « radiation n’est rien d’autre qu’un pas de plus pour récupérer la mairie de Dakar ».
« Ce matin, j’ai entendu dire qu’on allait m’appliquer la contrainte par corps pour m’obliger à verser les 25 millions assortis à ma peine en guise de dommage et intérêts. Alors ne soyez pas étonnés que je puisse être arrêté à tout moment, car ce qui les intéresse en réalité, c’est la mairie », a-t-il laissé entendre.
Barthélémy Dias a déclaré qu’il ne pouvait pas être révoqué de la municipalité. « Sur ce point, l’article 135 du code général des collectivités territoriales est très clair. Il dispose que lorsque le maire ou tout autre conseiller municipal est condamné pour crime, sa révocation est de droit est très claire. Et me concernant. la Cour d’appel de Dakar m’a condamné pour délit et non pour crime », a-t-il précisé.
Par Mohamed GUEYE
ENDETTEMENT ET OPACITÉ
La vraie question est de savoir ce qui peut justifier cette boulimie de ressources extérieures, pour un régime qui n’a jamais lésiné sur les critiques envers ses prédécesseurs, qu’il accusait de manque d’ambitions et d’inféodation à l’argent de l’étranger
La semaine dernière, les services du ministère des Finances et du budget ont voulu nourrir une certaine polémique à propos d’une levée des fonds sur le marché de l’Uemoa. Ladite levée des fonds, d’un montant de 25 milliards, a été infructueuse. Le débat avec le personnel du ministère a failli sortir de la sémantique, pour savoir si l’appel du gouvernement a été rejeté, ou si les autorités ont jugé bon, pour des raisons qui leur étaient propres, de retirer la soumission. Si les services de M. Diba ont arrêté les frais, c’est qu’ils ont compris sans doute qu’ils ne pouvaient avoir raison face à l’évidence. Le Sénégal a l’habitude de recourir au marché financier sous-régional pour lever des montants plus ou moins importants, à des maturités assez courtes. D’ailleurs, le pays a déjà programmé avant la fin de l’année, un certain nombre de sollicitations des acteurs du marché de l’Uemoa, pour obtenir de l’argent remboursable à des échéances plus ou moins courtes. Le Quotidien avait d’ailleurs annoncé que les prochaines sollicitations pour des Bons assimilés au Trésor (Boa), de la part du Sénégal, sont prévus les 13 et 27 décembre prochains. C’est-à-dire quasiment demain et après-demain.
La vraie question est de savoir ce qui peut justifier cette boulimie de ressources extérieures, pour un régime qui n’a jamais lésiné sur les critiques envers ses prédécesseurs, qu’il accusait de manque d’ambitions et d’inféodation à l’argent de l’étranger. Cela, au point de faire du recours aux ressources intérieures l’un des piliers les plus importants du financement de l’ambitieuse «Vision 2050», qui a été initiée par le Président Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, pour remplacer le Pse de Macky Sall. Même s’il a déclaré avoir trouvé le pays «au 3ème sous-sol de la déchéance» économique, le Premier ministre Sonko ne semble pas trop souffrir de manque de finances, contrairement à ses déclarations du mois de septembre dernier.
Il avait affirmé à l’époque s’être rendu compte que tous les comptes de l’Etat étaient falsifiés et le niveau d’endettement du pays largement sous-évalué, tandis que le taux du déficit serait du double de celui préalablement annoncé. Cela nous a valu la suspension de nos accords de coopération avec le Fonds monétaire international dans le cadre du Mécanisme élargi de crédit et de la Facilité élargie de crédit (Mec/Fec), ainsi que la suspension d’un financement de plus de 350 milliards de Cfa que le Conseil d’administration du Fonds devait nous avancer sur un montant total de 1150 milliards. Les autorités politiques avaient semblé dire que cette décision provenait plus de leur «volonté de transparence» que des déclarations jugées quelque peu intempestives des autorités, aux dires de certains observateurs.
Mais on s’est rendu compte que les choses n’allaient pas en s’améliorant, quand le 30 octobre dernier, le Sénégal est allé lever un Eurobond de 181 milliards de francs Cfa, à un taux de 6, 33%. Les services du ministre Cheikh Diba l’ont ainsi présenté : «Cette opération répond à une nécessité de consolidation du financement en raison du report des décaissements initialement prévus du Fonds monétaire international (Fmi) à la suite de l’audit. Le gouvernement envisage d’entamer des discussions avec le Fmi pour établir un nouveau programme aligné sur les objectifs d’assainissement du cadre macroéconomique et la mise en œuvre de la vision de développement des nouvelles autorités.
(…)Cette opération démontre une adhésion aux nouvelles orientations du gouvernement du Sénégal en matière de gestion transparente des finances publiques et à la vision «Sénégal 2050» du nouveau référentiel des politiques publiques.
La baisse de la liquidité dans le marché domestique en fin d’année et le volume des ressources recherchées ont justifié le choix de recourir au marché financier international».
Cette levée de fonds d’eurobonds est intervenue après une opération similaire de 450 milliards de francs Cfa, de 7,75% pour une maturité de 7 ans. Cette opération de juin 2024 avait servi, aux dires des spécialistes, à refinancer des dettes qui arrivaient à terme. Le second aussi, si l’on comprend le communiqué du ministère, semblait poursuivre les mêmes objectifs. Mais l’opération pourrait-elle être fructueuse, quand elle manque de transparence ?
L’Eurobond d’octobre dernier, prétendument réalisé à 6, 33%, serait revenu beaucoup plus cher. Ainsi, Redd Intelligence, un magazine anglo-saxon d’information économique à la réputation bien établie dans les milieux financiers, déclare que «le Sénégal s’est endetté à un taux de 9, 7%». Ce serait ainsi le taux le plus élevé auquel le pays se serait jamais endetté sur le marché international. La faute en serait aux conditions dans lesquelles le gestionnaire JP Morgan a négocié cette levée. Ces conditions seraient, à en croire des Sénégalais spécialistes des questions de finances internationales, aussi opaques que lors de l’Eurobond de juin dernier dont tout le monde a noté qu’il n’a pas été levé aux taux auxquels le Sénégal est soumis d’habitude. Du moins, était soumis durant les gouvernances passées. Il faudrait aux autorités beaucoup de travail pour retrouver un niveau de confiance qui leur permette de faire baisser les taux d’emprunts ultérieurs. Cela demanderait de clarifier les relations du Sénégal avec JP Morgan. Pourquoi avoir choisi de traiter exclusivement avec ce seul gestionnaire, au lieu de faire comme ce qui se fait habituellement, en recourant à un pool de sociétés de gestion, pour obtenir les meilleurs taux ? Qu’est-ce que JP Morgan pourrait apporter de plus au pays, que les autres n’auraient jamais fait ? Pour le moment en tout cas, son intervention ne rend pas les choses plus claires, et le Sénégal n’en devient pas moins pauvre et moins endetté. Et par conséquent, il n’obtient pas plus d’argent qu’il en avait l’habitude. Témoin, les malheureuses péripéties que nos levées de fonds commencent à connaître sur le marché de l’Uemoa. L’échec de la levée des 25 milliards a été un gros camouflet. Mais il a caché les petits revers enregistrés avec certaines autres opérations sur le même marché.
Si la signature du Sénégal n’emporte plus la même crédibilité qu’il y a quelque temps, il faudrait sans doute que nos autorités politiques interrogent leurs comportements. Est-il normal, depuis l’acquisition de ces différents crédits extérieurs, que l’opinion ne sache pas à quoi sont destinées ces finances, et comment elles seront réparties ? Si le dernier Conseil des ministres nous a enfin informés de l’adoption d’une Loi de finances rectificative (Lfr), un journal local a déclaré dans son édition d’hier, que ladite Lfr n’est pas encore arrivée sur la table des députés. Or, plus l’incertitude demeure, moins il y a des chances que les finances du Sénégal se stabilisent. Le Sénégal semble parti pendant un certain temps, pour contracter des dettes à court terme afin de régler ses problèmes immédiats d’argent. Et la mise en œuvre de la Vision 2050, qui est censée en finir avec le tâtonnement dans nos projets de développement, n’en sera que retardée. Même si les relations avec le Fmi sont suspendues à l’heure actuelle, le gouvernement pourrait s’inspirer de certaines lignes du dernier rapport de mission de cette institution lors de son passage en octobre dernier au Sénégal. Edward Gemayel et ses collaborateurs avaient écrit : «Le Sénégal continue de faire face à un environnement difficile, avec des signes de tensions accrues dans l’exécution du budget. Le manque à gagner en termes de recettes, identifié lors de la dernière visite des services, a été confirmé à fin septembre. Parallèlement, les dépenses sont restées élevées, principalement en raison d’une augmentation substantielle des dépenses d’investissement.»
Ils ont ajouté plus loin : «A l’avenir, il est essentiel que les autorités mettent en œuvre des mesures audacieuses et rapides pour assurer la viabilité des finances publiques et placer la dette publique sur une trajectoire décroissante. La Loi de finances 2025 représente une occasion cruciale pour le gouvernement de réaffirmer son engagement en faveur des réformes essentielles et de répondre aux défis structurels de longue date. Des actions stratégiques pour renforcer la mobilisation des recettes domestiques (…) seront déterminantes pour favoriser la discipline budgétaire et renforcer la confiance dans la gouvernance publique.»
PASTEF MOBILISE SON APPAREIL POUR SECURISER SON PROJET
Fort de sa double victoire à la présidentielle et aux législatives, le parti de Sonko dévoile une feuille de route ambitieuse qui mise sur la mobilisation continue de son appareil politique pour transformer le Sénégal
Ousmane Sonko et compagnie sont partis pour durer au pouvoir. En tout cas, ils travaillent pour sécuriser le projet qui les a portés dans toutes les institutions du pays. ils ont ainsi décidé de garder toujours actif leur appareil de propagande pour le mettre au service de la gouvernance Sonko-Diomaye.
La politique partout ! Telle semble être aujourd’hui l’option du Pastef qui, malgré ses écrasantes victoires aux législatives et à la présidentielle, veut toujours associer son appareil politique dans la vulgarisation du Projet en phase de matérialisation.
C’est ce qui ressort du communiqué du Bureau politique national du parti qui dit vouloir renforcer la mobilisation patriotique et démocratique pour la Transformation systémique du Sénégal.
Les Patriotes considèrent ainsi que ce double verdict (présidentielle et législatives) montre que le peuple sénégalais souverain a décidé de mettre chaque protagoniste à sa place, clôturant ainsi un cycle politique néocolonial pour en ouvrir un nouveau.
Cette ère nouvelle, soulignent-ils, est portée par une génération de jeunes Patriotes panafricanistes autour du leadership incarné par le Président Ousmane Sonko.
A les en croire, ces victoires politiques sont la consécration du travail de planification, de supervision, et de coordination, opéré avec dynamisme et discipline, à tous les échelons des structures et organes du parti en général, du Secrétariat national chargé des opérations électorales (SE.N.OP E) en particulier.
Selon toujours le bureau politique national de Pastef, le vote dont ils ont bénéficié aux derniers scrutins est un mandat clair pour donner corps et vie à l’agenda national de transformation systémique; Sénégal vision 2050 qui sera décliné dans la Déclaration de politique générale annoncée du Premier ministre. Ils soutiennent dans la foulée qu’au cours de cette 15e législature, le groupe parlementaire Pastef Les Patriotes doit utiliser sa majorité pour transformer l’Assemblée nationale en un véritable instrument de matérialisation de la vision d’un Sénégal souverain, juste et prospère.
Leur conviction, le travail vient de commencer réellement. C’est pourquoi ils conseillent les militants, les élus et tous les responsables patriotes aux instances de décision de changer eux-mêmes dans leur attitude pour changer le Sénégal et l’Afrique; de prendre à bras-le-corps l’incontournable reddition des comptes; de renforcer leur liaison avec le peuple et de ne pas se laisser divertir par les méandres de la politique politicienne, du clientélisme et les combats d’arrière-garde d’une opposition qui se cherche.
“Nos efforts vont être prioritairement orientés vers la résolution des vraies préoccupations des masses populaires en termes d’emploi, de santé, d’éducation, d’infrastructures, d’alimentation, d’épanouissement culturel, sportif, et social, en un mot de vie digne dans la paix, la prospérité et la solidarité”, lit-on dans le communiqué du Bureau politique du Pastef parvenu à la rédaction, qui ajoute par la suite que les forces doivent être dirigées dans le travail sans relâche pour l’unité africaine et des relations internationales plus justes et équitables.
Les Patriotes disent ainsi avoir l’ambition et les moyens grâce à l’organisation, la confiance et la mobilisation du peuple sénégalais, la jeunesse en particulier, autour du Projet. “Ce combat doit être mené par la parole, la plume ou l’action militante éclairée, contre tous les fossoyeurs de l’intérieur comme de l'extérieur, à visage découvert ou encagoulés”, lit-on en définitive dans le communiqué.
UN NOUVEAU MEGA-NDEUP POSTÉLECTORAL DU PS
Tel un malade cherchant la guérison dans le rituel lébou, le parti convoque une séance d'introspection collective. La réunion dirigée par Serigne Mbaye Thiam ce 10 décembre, pourrait bien ressembler à une séance d'exorcisme politique
Le Parti socialiste (Ps) entame son chemin de …croix qui risque de le mener au purgatoire. Ou alors vers le déclin ! Pour preuve, le PS n’a péché qu’un seul et un unique député après une catastrophique descente dans les abysses marins de la contre-performance lors des législatives 2024. Il s’agit de Mme Rokhaya Camara, sauvée par une deuxième place sur la liste nationale de Jamm ak Njariñ. Désormais, les Verts de Colobane savent qu’il faut se réinventer électoralement ou mourir politiquement. Après un premier « ndeup » en septembre dernier pour tirer le bilan de la présidentielle de mars 2024, voilà qu’une autre séance de « ndeup » est convoquée, ce mardi 10 décembre 2024, par la Commission chargée des élections sous la direction de Serigne Mbaye Thiam. Des débats houleux et des empoignades de déception ne seront pas à écarter entre cadres socialistes.
Chez les parents Lébou, le « ndeup » traverse le temps et surtout se fige dans l’esprit du corps malade pour exorciser le démon qui habite l’âme. Le Parti socialiste (PS) va emprunter la catharsis lébou pour se libérer des démons qui l’assaillent. Des démons qui sonnent comme le chemin de croix du purgatoire conduisant immédiatement à l’implosion d’une formation historique au crépuscule de sa vie. Le séminaire du 31 aout au 1er septembre dernier pour évaluer la Présidentielle de mars 2024 remportée largement par le Pastef et son candidat Bassirou Diomaye Faye fut un moment de « ndeup » houleux avec de jeunes socialistes qui en voulaient à la veille garde d’octogénaires incarnés par Aminata Mbengue Ndiaye, Serigne Mbaye Thiam et autres. En effet, le soutien apporté par le PS à Jamm ak Njariñ lors de la présidentielle 2024 fut totalement décrié par les jeunes socialistes qui scandaient voire sifflaient à chaque fois que le nom de l’ancien Premier ministre Amadou Ba était prononcé du genre : « assez, assez..doynaa… sournaniou…assez…doynaa ».
Un sentiment de désapprobation que les jeunes et les moins jeunes se partageaient comme un unique slogan face aux octogénaires. Morceaux choisis : « abal lene ngou, et bayil léne sounou parti… » , « Allez-vous en ! Dégagez et laissez nous avec notre parti… ». Seulement, les jeunes socialistes ne seront pas écoutés puisque le temps ne permettait guère de prendre en compte leur mise en garde. Et dans une imminente course à la Présidentielle où les dés des alliances étaient presque jetés. Toujours est-il que les cadres « poivre sel » du PS étaient dans perspective des législatives de novembre. Contre toute attente, le Ps n’a fait autre que de s’aligner encore aux côtés d’un Amadou Ba et de se faire remorquer, tel un wagon vide, par une faible locomotive baptisée Jamm ak Njariñ lors de la présidentielle 2024.
Serigne Mbaye Thiam, le maitre de séance
Ce mardi 10 décembre 2024, un autre « ndeup » sur les législatives et la perspective politique se fera autour du secrétaire national chargé des élections Serigne Mbaye Thiam. Entre 30 à 40 socialistes, membres ou acteurs directs agissant sur le processus électoral des Verts, parleront des législatives de novembre et débattront sur le sombre avenir de la formation de Senghor. L’heure sera aussi de tirer les conséquences d’un soutien catastrophique à l’endroit du candidat de la Nouvelle Responsabilité. Un renfort socialiste qui n’a pas donné er clairement les résultats escomptés. D’où l’élection d’un seul et unique député « vert » nommé Mme Rokhaya Camara. Et l’honorable députée va sans douter remercier le « ciel » de la parité puisqu’elle était deuxième sur la liste nationale de Jamm ak Njariñ. Un état de fait qui laisse constater que PS a subi une véritable bérézina historique ! Autrement dit, une catastrophe politique. Et le pire, c’est qu’au sein des Verts, des voix s’étaient élevées pour dénoncer la place qui leur a été réservée lors des investitures par Amadou Ba et même, ils furent écartés du processus électoral. La réunion statuaire de la Commission électorale de ce mardi est partie pour être un événement de taille. « Les positions du parti divergent sur les responsabilités de l’échec des législatives.
Depuis l’élection présidentielle de mars, au sein du parti, nous avons de fortes divergences d’opinion sur notre feuille de route. Une forte frange dans nos rangs renvoie la question sur la responsabilité interne du Parti sur nos résultats électoraux lors des locales et législatives de 2022, mais aussi sur la Présidentielle et les législatives de novembre 2024. Cette frange du Parti met tout cela sur le dos de l’actuelle secrétaire générale qui doit débarrasser le plancher le plus rapidement. Elle doit être accompagnée par la vieille garde du parti » explique une source membre de la Commission électorale. «Une autre frange importante du parti estime que les résultats subis par le PS reflètent tout simplement la question de la gouvernance démocratique du pays depuis 2012 et surtout après la présidentielle de 2019, mais aussi sur les tergiversations de la question du 3ème mandat. Le PS, qui était en alliance dans BBY, a subi les contrecoups de ces choix politiques. Or ces défaites depuis 2022 sont une défaite commune à l’AFP, à l’APR, au PIT, à l’URD, bref à toute la composante politique de BBY. Vous ne pouvez pas prendre uniquement le PS pour qu’il endosse la responsabilité. Mais ils en profitent pour régler leurs problèmes. La transformation structurelle de notre parti est incontournable afin de capter et être demain une alternative crédible à ce régime populiste » conclut notre source.
Une chose est sure, il faut s’attendre ce mardi à la « Maison du Parti » à des débats houleux et des empoignades de déception entre cadres socialistes.