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24 avril 2025
Politique
L'HISTOIRE RESTE CELLE DES BLANCS
Pour l'historienne Françoise Verges, refuser de retirer des statues, comme l’a affirmé le président Emmanuel Macron, montre que la République française est coloniale
Dans plusieurs pays européens - mais aussi aux Etats-Unis comme cela a été le cas récemment à San Francisco - les statues et monuments représentant des figures du colonialisme et de la traite d’esclaves sont devenus la cible des manifestants contre le racisme.
Ce n’est pas le cas en France, le président Emmanuel Macron a déclaré le 14 juin dernier que la "République ne déboulonnera pas de statue".
Françoise Verges, historienne et politologue, ancienne présidente du Comité national pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage, considère pour sa part que refuser de retirer des statues montre que la République française est coloniale alors que selon elle, l'histoire est en permanence revisitée.
IL FAUT DÉMINER LA CASAMANCE, AU SENS PROPRE COMME AU FIGURÉ
Avec l’accélération du processus de réintégration des populations déplacées en Casamance, l'Etat entend refermer le chapitre le plus sombre de son histoire postcoloniale. Mais ne place-t-il pas la charrue avant les bœufs ?
Le Sénégal méridional a enregistré, en ce mois de juin, une série d’accidents causés par des mines antichars. L’un d’eux a même coûté la vie à deux Jambaar (soldats sénégalais), à Bissine, dans le département de Ziguinchor. Ces incidents coïncident avec la décision des autorités sénégalaises de repeupler les villages laissés à l’abandon par leurs habitants dans les années 1990, au plus fort d’un conflit quasi-larvé de basse intensité qui perdure depuis décembre 1982.
Le MFDC [Mouvement des forces démocratiques de Casamance] apparaît plus que jamais structurellement affaibli. Ses chefs historiques, Sidi Badji, fondateur de l’aile militaire Atika et Diamacoune Senghor, premier secrétaire général, sont décédés. Son unité stratégique et politique en lambeaux, son discours et ses thèmes mobilisateurs sont de moins en moins audibles auprès d’une jeunesse qui a cédé aux sirènes de la migration irrégulière.
La saignée migratoire, observée dans toute la Casamance, est symbolique de la mutation de cette région qui ne disposait pas d’une véritable tradition de mobilité internationale, contrairement à la vallée du fleuve, au Sénégal oriental, et depuis le tournant de la décennie 1980 – 1990, au bassin arachidier.
Rébellion et micro-agressions
Pour autant, la capacité de nuisance du MFDC n’est pas définitivement annihilée. Jean-Claude Marut, l’un des meilleurs spécialistes du conflit, n’a certainement pas tort d’affirmer : « Le rapport de force entre l’État et le MFDC a évolué de telle manière que toute action militaire de la rébellion ne peut pas aller très loin […] Mais les rebelles sont tout de même assez armés pour pouvoir mener des opérations symboliques. »
Ces dernières années, les différentes factions du mouvement se rendirent responsables « d’opérations symboliques » sur des cibles militaires, humanitaires et civiles. Si les tueries de Diagnon en novembre 2011 et de Boffa-Bayotte en janvier 2018 cristallisent toutes les attentions et rappellent les heures sombres du conflit, elles sont loin d’épuiser la micro-virulence des groupes armés casamançais : démineurs et coupeurs de bois enlevés ou lynchés, banditisme sur les axes routiers, etc.
Des opérations inopinées, décousues et erratiques, tel semble le destin auquel est désormais réduit le MFDC, à mille lieues de ses coups d’éclat comme à Babonda et Mandina Mancagne, respectivement en 1995 et 1997.
Le déminage, un besoin urgent
Inciter les populations à un retour dans leur contrée d’origine est une excellence nouvelle a priori. Cela favorisera l’éclosion d’une économie locale et mettra un terme à près de trente ans, pour certains, d’instabilité sociale et d’errance dans des pôles sécurisés comme Goudomp, Adéane, les périphéries de Ziguinchor, voire en Guinée-Bissau et en Gambie. Toutefois, la multiplicité des incidents récents – trois en l’espace de dix jours – a de quoi inquiéter et laisse présumer que le travail en amont n’a pas été rondement mené.
Dès lors qu’une sécurisation complète des zones n’a pas été effectuée à quoi bon précipiter le retour des populations ? S’agit-il de faire passer le Sénégal aux yeux des partenaires et investisseurs étrangers comme un îlot de paix dans un océan d’instabilité ? Toutes ces hypothèses sont valablement envisageables.
Une chose est urgente : le déminage doit impérativement reprendre. Le retour réussi des populations fera incontestablement des émules, mais l’échec de leur intégration ne ferait que compromettre les efforts jusqu’ici consentis pour en finir avec le conflit.
Alioune Tine revient sur l’évolution du mouvement, neuf ans après «la révolte» contre le troisième mandat d’Abdoulaye Wade, et qui avait contribué à la chute du patriarche libéral
Dans cet entretien, l’Ancien Président de la raddho et du Comité sénégalais des droits de l’Homme revient sur l’évolution du mouvement du 23 juin, neuf ans après «la révolte» contre un troisième mandat d’Abdoulaye Wade, et qui avait contribué à la chute du patriarche libéral. L’ancien Directeur d’’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et fondateur du think tank «Afrikajom Center» aborde aussi brièvement, dans cette interview, les questions liées à la sécurité au sud du Sénégal et la situation au Mali.
«L’AS» : Neuf ans après les évènements du 23 juin qui ont fortement contribué à la chute de l’ancien Président du Sénégal, Abdoulaye Wade, que reste-t-il aujourd’hui du M23 ?
Alioune TINE : Pour moi, après l’échec du 3ème mandat du Président Wade et l’élection du Président Macky Sall, j’ai quitté la coordination du M23 et j’ai passé la main à Mamadou Mbodj. Le M23 est un mouvement unique qui a rassemblé la société civile, les partis politiques, des artistes, des personnalités indépendantes et des Sénégalais ordinaires. Les compétences multiples dans tous les domaines réunis par le M23 constituaient aussi une particularité. Avec la formation du gouvernement et les réalités et aléas de la vie politico-administrative, des fissures et des ruptures sont vite apparues. Aujourd’hui le M23 n’est qu’une ombre et ça se comprend. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et le contexte politique a également évolué.
La contestation prend de l’ampleur ces derniers temps dans le pays. D’ailleurs une manifestation est attendue jeudi prochain à la place de la nation. Pensez-vous qu’un «23 juin bis» pourrait se tenir sous le régime de Macky Sall ?
La pandémie de Covid-19 a dévoilé les failles profondes des systèmes politiques de la planète. Ce qu’on appelle l’effet pangolin avec la pandémie de Covid-19 est pire que la crise de 1929.Avec les effets de la pandémie et de l’assassinat de George Floyd, on aborde un tournant et une bifurcation importante de la planète et il faut s’y préparer. On s’achemine difficilement vers la fin du post-colonialisme et l’émergence d’un monde post-racial, la naissance ou la réinvention d’une nouvelle humanité. Les statues d’esclavagistes et de colons déboulonnées dans le monde sont révélatrices de cet état de fait. Le continent et le Sénégal ont du mal à suivre. Il faut écouter avec attention les bruissements et les révoltes qui sourdent de toutes parts, les interpréter et leur trouver les meilleures réponses politiques. De ce point de vue, il faut considérer avec attention ce qui se passe au Mali et en tirer les meilleures leçons.
Finalement, entre Wade et Macky, est-ce qu’il y a une grande différence ?
Depuis Diouf, de mon point de vue, il n’y a manifestement pas de discontinuité en politique ni au Sénégal, ni ailleurs. Comme dit l’autre, aucun État n’est biologiquement immunisé sur les pathologies de la démocratie.
L’activiste Karim Guèye est en prison, où son état de santé se dégrade, pour avoir critiqué sévèrement le régime. Au même moment, un responsable apériste accusé de trafic de faux billets a bénéficié d’une liberté provisoire. Est-ce que cela ne remet pas en cause la crédibilité de la justice sénégalaise?
Libérer Karim Xrum Xax serait une décision salutaire, la liberté d’expression est constitutionnalisée au Sénégal. On ne peut mettre quelqu’un en prison pour ça. Tous les acteurs de la Justice s’accordent à reconnaître la nécessité de réformer la Justice. Nous avons organisé l’année dernière un atelier en ce sens avec l’Union des magistrats du Sénégal(UMS). Il faut davantage de moyens à la Justice, en matière d’infrastructures, de personnels et de moyens financiers. Il faut des réformes structurelles pour plus d’équilibre et permettre l’accès à une Justice équitable pour tous.
On sait que vous êtes très engagé dans les processus de paix en Afrique. Et dernièrement, on a entendu des remous au Sud du Sénégal. Dans le contexte actuel, que faire pour la paix définitive en Casamance ?
Concernant la Casamance, tant qu’on n’aura pas réussi le désarmement et la réintégration sociale de ce qui reste des combattants, ce sera difficile d’éviter ce qui se passe. Les gens, profitant de la guerre, ouvrent des routes pour des trafics de toutes sortes ; ici, c’est le bois avec la déforestation scandaleuse de la Casamance. C’est bien qu’enfin, l’État prenne des mesures pour protéger les forêts. Il faut accélérer le processus de paix, le désarmement et la réintégration sociale.
Comment analysez-vous le mouvement populaire au Mali sous la houlette d’Imam Dicko et ses potentiels répercussions dans la politique interne et sous régionale ?
Vous savez, en tant qu’expert indépendant des Nations unies pour le Mali, j’appelle tous les acteurs politiques, de la société civile et les acteurs religieux à privilégier le dialogue et les réponses politiques pragmatiques, réalistes et responsables. C’est dans l’Unité que le Mali pourra faire face aux crises multiples et complexes de l’État de droit et de la sécurité.
LA SECONDE JEUNESSE DU MOUVEMENT SOCIAL
En demi-teinte depuis l’avènement du président Macky Sall, force est de constater que le mouvement social a repris une seconde jeunesse avec le M23, mais aussi avec de nouveaux acteurs qui ont repris le flambeau des revendications sociales.
La journée historique du 23 juin 2011 est célébrée cette année dans un contexte marqué par la pandémie de Covid-19. En demi-teinte depuis l’avènement du Président Macky Sall, force est de constater que le mouvement social a repris une seconde jeunesse avec le M23, mais aussi avec de nouveaux acteurs qui ont repris le flambeau des revendications sociales.
Le projet de loi avait été adopté en Conseil des ministres le 16 juin, à huit mois de l'élection présidentielle de février 2012, à laquelle Abdoulaye Wade, 85 ans, était candidat. Le texte visait à modifier la Constitution pour permettre aux Sénégalais d'élire simultanément, dès 2012, un président et un vice-président, sur la base d'un "ticket" qui, pour l'emporter, pouvait ne recueillir au premier tour que 25% des suffrages exprimés. Ce minimum de voix pour une victoire au premier tour était parmi les dispositions les plus décriées par les opposants au projet.
Toutefois, pour faire reculer un homme de la trempe du président Abdoulaye dans sa volonté de ‘’dévolution monarchique‘’ du pouvoir, il fallait une population qui a du cran. Et face à une jeunesse déterminée portée par le mouvement Y’en marre, une société civile et une classe politique mobilisées, Tous prenant d’assaut dès les premières heures de la matinée l’Assemblée nationale où devait se tenir le vote du projet de loi, le président Abdoulaye Wade et ses acolytes se sont vite pliés à la volonté de la rue et du peuple. ‘’Le président de la République a pris en considération vos préoccupations, il a pris bonne note de toutes les réactions et il m’a chargé de retirer ce projet de loi’’, avait annoncé d’une voix tremblante le ministre de la justice de l’époque, Cheikh Tidiane Sy. Un abandon qui constituait un cinglant revers pour le PDS qui dirigeait le pouvoir depuis 11 années, et une victoire pour la société civile et les opposants du président Abdoulaye Wade.
Parmi ces derniers, il y avait notamment des dinosaures politiques comme le président Moustapha Niasse, le défunt secrétaire général du PS Ousmane Tanor Dieng, la présidente du mouvement Oser l’Avenir Aissata Tall Sall, le sociologue Abdou Aziz Diop. Toutefois, depuis l’élection du président de la République Macky Sall, tout ce beau monde est à ses côtés, constituant ce qui est appelé communément la mouvance présidentielle. Une partie de la société civile avait rejoint aussi les lambris dorés du pouvoir. Ce qui a esseulé à un moment donné le mouvement Y’en a marre qui est l’une des figures de proue du M23. Causant dans la foulée la léthargie du mouvement social pendant quelques années.
GUY MARIUS SAGNA, OUSMANE SONKO ET DR BABACAR DIOP DONNENT UN SECOND SOUFFLE AUX REVENDICATIONS SOCIALES
Mais depuis, le landerneau politique et la société civile ont connu des mutations profondes. L’inspecteur des impôts Ousmane Sonko et son parti PASTEF ont fait leur entrée de manière fracassante en politique. Radié de la fonction publique pour ses positions tranchées contre le régime, Ousmane Sonko dont le parcours et la probité forcent le respect a été élu député en 2017. Constituant ainsi l’aile dure de l’opposition avec des révélations sur la gestion du Président Macky Sall.
Adulé par une partie de la population, surtout la jeunesse, l’ancien pensionnaire de l’ENAM est parvenu, par un discours révolutionnaire qui accroche, à peser grandement sur l’avènement d’une nouvelle conscience citoyenne qui a permis en quelque sorte à faire renaître le mouvement social de ses cendres. Il est devenu en un laps de temps une réalité politique et lors de la dernière élection présidentielle, il est parvenu à se hisser au podium avec sa troisième place. Le mouvement Y’en a marre aussi continue de jouer sa partition.
A la veille de l’élection présidentielle de 2O19, Thiat et Kilifeu avaient sorti un clip incendiaire qui dénonçait les tares du régime en place. Par ailleurs, c’est un mouvement qui a inspiré d’autres pays avec le Balai Citoyen qui a participé au départ du président Burkinabé Blaise Compaoré ou encore Filimbi au Congo : Des ‘’scandales‘’ sur le pétrole révélé notamment par un documentaire de la chaîne BBC éclaboussant le frère du chef de l’Etat Aliou Sall ont aussi servi de tremplin à la société civile, permettant aux activistes de redorer leur blason et de redescendre dans la rue. La plateforme ‘’Aar Liniou Bokk‘’ est mise sur les fonts baptismaux pour lutter contre la cherté de la vie, la gestion nébuleuse du pétrole et le coût de l’électricité. Mettant sous le projecteur des activistes comme Dr Cheikh Tidiane Dièye, Fatou Ndiaye Blondin, l’enseignant en philosophie Dr Babacar Diop, ou encore le tonitruant Guy Marius Sagna.
LE BRADAGE DU LITTORAL, LA GESTION DE L’AIDE ALIMENTAIRE : LES NOUVEAUX AIGUILLONS DE LA LUTTE SOCIALE
A la tête du mouvement anti-impérialiste FRAPP / France dégage, ce dernier est devenu le symbole incontesté du mouvement social sénégalais. Sur tous les fronts, Guy Marius Sagna a fait ces derniers mois plusieurs séjours en prison à cause de manifestations publiques. Et il a atteint le paroxysme en novembre dernier en refusant d’obtempérer à la décision du préfet de Dakar d’interdire une manifestation à la Place de l’Indépendance.
Accompagné de Dr Babacar Diop et d’autres activistes, Guy Marius Sagna a franchi le Rubicon en atteignant les grilles du Palais pour se faire entendre. Ce qui lui a valu comme à l’accoutumée plusieurs mois de prison. Et avec son impulsion et celles de Dr Babacar Diop, Karim Xrum Xax et d’autres, le mouvement social commence à atteindre sa vitesse de croisière etle régime en place en train d’être débordé. La gestion de la pandémie de Covid-19, l’affaire des honoraires de l’ancienne présidente du Conseil Economique Social et Environnemental, le bradage du littoral, la pénurie d’eau ont redonné de la matière aux activistes et aux opposants du régime du président Macky Sall. Et n’eût été la crise sanitaire qui secoue le pays, ils auraient certainement investi la rue pour demander des comptes à l’Etat.
LE GIR ACCUSE DES POLITICIENS CHERCHER A SEMER LE CHAOS
Les membres du Groupe d’information Républicain (Gir) ne veulent plus revivre un nouveau 23 juin au Sénégal.
Le Groupe d’Information républicain (Gir) a animé hier un point de presse pour saluer les décisions du chef de l’Etat relatives à la gestion de la pandémie de la Covid-19. A cette occasion, ces apéristes ont alerté les populations sur une éventuelle tentative de réédition des évènements du 23 juin. Ils accusent, par ailleurs, certains acteurs politiques de vouloir instaurer le chaos dans le pays.
Les membres du Groupe d’information Républicain (Gir) ne veulent plus revivre un nouveau 23 juin au Sénégal. En marge d’un point de presse tenu hier, les responsables de l’Alliance pour la République (Apr) regroupés dans le GIR alertent et accusent certains politiciens de manœuvrer pour mettre le pays dans le chaos.
«Malgré la situation actuelle qui nous impose une solidarité sans faille et un sens patriotique mettant l’intérêt supérieur de la nation au-dessus de toute considération personnelle et de tout agenda politique, des politiciens rêvent de voir le pays plonger dans le chaos», affirme Ansour Sané, porte-parole du jour de la rencontre. Il révèle que ces politiciens s’évertuent à installer un débat et des mobilisations dont «l’unique objectif est de reproduire les événements du 23 juin 2011».
Et le sieur Sané de rappeler : «ils ont oublié que quand on mène une guerre, on doit être unis pour la gagner». Il prévient en effet celles et ceux qui cherchent déjà à faire de mauvais procès que la guerre n’est pas encore gagnée, et selon lui, ces derniers affichent une irresponsabilité coupable. Cependant, pour faire face à toutes ces velléités, ils comptent, disent-ils, organiser une campagne de sensibilisation et de distribution de masques de protection dans la journée du 23 Juin sur toute l’étendue pays ». Et cela, d’après lui et ses camarades, est la meilleure manière pour célébrer et magnifier la grande journée historique du 23 juin 2011 dont, rappellent-ils, font partie les principaux acteurs».
Pour ce qui concerne la gestion de la pandémie de Covid-19, les camarades de Ansour Sané se félicitent de l’action du Chef de l’Etat. Ils estiment que le président de la République a pris des mesures qui ont permis de renforcer la capacité de riposte du pays et d’accompagner les secteurs durement affectés.
Mieux, rappellent-ils, « un programme de Résilience économique et sociale (PRES) a été mis en place pour renforcer les capacités du pays à faire face à la situation de crise ». Ainsi, Ansour Sané de préciser que le Sénégal est le seul pays au monde à avoir accordé un important soutien financier de l’ordre de 12,5 milliards à sa diaspora.
A cela, ajoute t-il, le Président a accordé, pour faciliter des vols de rapatriement des Sénégalais d’Italie, une subvention de 200 euros sur les billets d’avion. «Ces rapatriements se passent régulièrement et 6 nouveaux vols Dakar-Rome-Milan sont programmés les 23, 28 et 30 juin », renseigne toujours le porte-parole du jour.
Avant d’inviter la population à s’écarter de ces politiciens qu’il qualifie des «marchands d’illusions». Il invite en outre les citoyens à continuer de respecter les mesures édictées par les autorités pour stopper la propagation du virus. «Ces mesures tiennent de l’interdiction de rassemblement, du port obligatoire de masque, du respect de la distanciation physique, de l’utilisation permanente de gels antiseptiques et du lavage des mains avec du savon», dit-il. Pour ce qui est de la reprise des cours prévue après demain jeudi 25 juin, Ansour Sané et Cie appellent les acteurs politiques, éducatifs, associatifs, sociaux et économiques à la constitution d’un large consensus national pour relever le défi qui nous interpelle tous.
64 NOUVELLES CONTAMINATIONS RAPPORTÉES CE MARDI
Le ministère sénégalais de la Santé a rapporté, ce mardi, 64 nouvelles contaminations à la Covid-19, portant à 6034 les cas d’infection au coronavirus officiellement déclarés dans le pays depuis le 2 mars.
Dakar, 23 juin (APS) - Le ministère sénégalais de la Santé a rapporté, ce mardi, 64 nouvelles contaminations à la Covid-19, portant à 6034 les cas d’infection au coronavirus officiellement déclarés dans le pays depuis le 2 mars.
Sur 1045 tests effectués au cours des dernières 24 heures, 64 sont revenus positifs, a notamment indiqué le directeur de Cabinet du ministre de la Santé.
Lors du point de presse quotidien sur la situation de la pandémie, Aloyse Wally Diouf a précisé qu’il s’agit de 51 cas contacts suivis et 13 cas issus de la transmission communautaire recensés à Dakar (12) et à Touba (01).
93 patients hospitalisés ont été déclarés guéris tandis que 23 cas graves sont pris en charge dans les services de réanimation.
Trois décès supplémentaires ont été enregistrés, ce qui porte à 89 le nombre de malades ayant succombé à la Covid-19.
Depuis l’apparition de la maladie dans le pays, le Sénégal a dénombré 6034 cas de Covid-19 dont 4046 guéris, 89 décès et 1898 patients sous traitement.
Par Calame
DÉBOULONNER L'ALIENATION DE NOS TÊTES
Déboulonner les suppôts de la colonisation, c’est plutôt les extirper de nos têtes et à la place, y réinjecter de la fierté. Celle qui vous étreint à force de voir le continent se construire en comptant sur ses propres forces
«Faudrait-il ou non déboulonner la statue de Faidherbe ?" Comme pour faire écho à ce qu'il se passe en ce moment dans quelques parties du monde où l’on fracasse et met à terre des statues de suppôts du racisme, pour célébrer une humanité autre qu'on conjure d'advenir. L’interrogation revient ainsi de plus belle, même si depuis bientôt 3 ans, tombée de sa stèle, du fait de l’usure du temps et de la négligence des administrateurs, la statue de Faidherbe a disparu du paysage saint-louisien. Mais qu’importe !
S’inscrivant dans la dynamique mémorielle en cours, le débat se décline ici au Sénégal sous l’urgence de se débarrasser de tout ce qui rappelle les moments douloureux du colonialisme. Seulement, en se focalisant sur de tels actes ne serions-nous pas tentés, toutes griffes dehors, de fondre sur l'ombre et d’oublier la proie ? Cette proie qui, comme un virus, se trouve logée dans nos cervelles qu’elle infecte patiemment, méthodiquement, y distillant sournoisement les éléments susceptibles de les tenir sous son contrôle. Et au bout du compte, cela laisse des traces, façonne les imaginaires, sédimente des préjugés mortifères et débouche sur une nouvelle dialectique du colonisateur et du colonisé.
Les chaines matérielles désormais défaites sont ainsi remplacées par celles immatérielles à travers un processus d’aliénation subtile et perverse. Celle qui fait équivaloir et accepter que la pauvreté, la précarité se déclinent en noir ; la richesse et le mieux-être en blanc. Jeunes étudiants en France dans les années 70, il nous revient la sidération d’un compatriote qui voyant pour la première fois un blanc faire la manche dans la rue parisienne, s’était retrouvé complétement bouleversé devant un tel spectacle. Comme si le ciel lui était tombé sur la tête, il prenait soudainement conscience d’avoir intériorisé un complexe d’infériorité qui le faisait s’inscrire dans un double rapport de fascination et de soumission. Ce qu’avait très tôt compris l’ancien champion du monde de boxe, feu Cassius Clay alias Mohammed Ali et qu’il s’employait à déconstruire. Ainsi se remémorait-il, pour le déplorer, qu’enfant on lui faisait croire que « tout ce qui est beau est blanc ». Il se souvenait avoir demandé à sa maman « pourquoi le chat noir est-il de mauvais augure ?».
De même s’était-il offusqué de voir que Tarzan , le roi de la jungle africaine, était blanc. Ahurissant non, ce processus de dépréciation voire d’aliénation qui est loin de connaître son épilogue, ne serait-ce qu’au regard du phénomène de « blanchisation » encouragé par d’énormes panneaux publicitaires. Et puis, qui ne se souvient de la période de protestation sulfureuse de Mobutu Sese Seko, débaptisant son pays le Congo devenu Zaïre, jetant dans les eaux du fleuve les noms aux consonances allogènes pour les remplacer par des sonorités endogènes. Fini les costumes, la cravate et autres tenues occidentales. Vive l‘abacost et la taille basse. Mais il a fallu vite déchanter.
Embarqué dans une quête d’authenticité inessentielle, la gouvernance de Mobutu était dans les faits soumise à la coupe réglée de l’occident , à la déliquescence, la corruption et les abus de pouvoir de sa classe dirigeante, au détriment de la grande majorité des populations privées de liberté et de pitance, confrontées à la précarité et à l’indigence. Parce qu’on ne peut se satisfaire de ces mesures cosmétiques, il importe de s’en départir pour faire face à la réalité.
Dans ses entretiens avec Françoise Vergès publiés dans l’ouvrage «Nègre je suis, nègre je resterai», l’immense Aimé Césaire fait observer : «la colonisation a une très grande responsabilité : c’est la cause originelle. Mais ce n’est pas la seule, parce que s’il y a eu colonisation, cela signifie que des faiblesses africaines ont permis l’arrivée des Européens, leur établissement». Voilà qui impose un distinguo entre ce qui relève de «faire l’histoire» et «faire de l’histoire». Et cette histoire de la colonisation a été faite par les envahisseurs, les collaborateurs et les résistants».
De même, celle de l’esclavage a été faite par les vendeurs d’esclaves étrangers et locaux et par la farouche résistance. Il reste maintenant à surmonter ce moment dramatique (conserver et dépasser) en assumant ces diverses facettes. Déboulonner les suppôts de la colonisation, c’est plutôt les extirper de nos têtes et à la place, y réinjecter de la fierté. Celle qui vous étreint à force de voir le continent se construire en comptant sur ses propres forces, en mettant l’intérêt des populations les plus fragiles au-dessus de tout. Le déficit de fierté est tellement criant sous nos cieux qu’on s’accroche au moindre frémissement comme un ballon d’oxygène. Tellement on étouffe dans un espace où règne la gabegie , où la politique est perçue comme une opportunité pour se servir et non pour servir.
Et pourtant, la soif d’excellence est plus que jamais présente comme on peut une fois de plus le constater. A travers la gestion de la pandémie du Covid-19, elle s’est ainsi exprimée à travers l’engouement suscité par l’ingéniosité, la créativité de nos compatriotes, pour concevoir des masques, proposer des prototypes de respirateurs. Une soif d’excellence qui est telle qu’on était disposé à «sénégaliser» le Pr Didier Raoult, infectiologue et professeur émérite à Marseille, pour être né à l’hôpital Principal de Dakar. Genre «si vous n’en voulez pas en France, on le prend». Pressant, seul le besoin d’identification compte. L’urgence de se reconnaitre dans des héros, sortes de modèles qui tournent le dos aux multiplicateurs de faux billets, aux spéculateurs fonciers et autres faux dévots. Ce n’est pas pour rien que Thomas Sankara, 33 ans après sa mort, continue de faire l’actualité de nos espérances.
Comme un amour d’Afrique, en donnant l’exemple de l’intégrité, de l’indépendance économique à travers son style de vie spartiate, son refus de l’ostentation, sa volonté d’encourager à produire et à consommer local. Cette nostalgie est encore prégnante parce qu’aujourd’hui plus qu’hier, les élites politiques, dans leur écrasante majorité semblent plus intéressées par la gestion patrimoniale et clanique des ressources collectives.
Et pourtant avait prévenu Camus, «une nation meurt parce que ses élites fondent» car précisément, à l’instar du poisson, «un pays s’effondre lorsqu’il pourrit par la tête». C’est dire l’immensité du combat à mener car, au-delà de déboulonner Faidherbe, il s’agit en définitive de déboulonner de nos têtes le virus qui nous fait privilégier «la natte des autres» au lieu de tresser la nôtre propre. Après tout, prévient l’écrivain guinéen Thierno Monenembo : «Ce n’est pas en haïssant l’Autre que nous allons nous libérer, mais en reprenant conscience de notre valeur historique et culturelle».
par Abdoulaye Bathily
FAIDHERBE, DU POLYTECHNICIEN AU GOUVERNEUR DU SENEGAL
Retour sur le rôle joué par le colonialiste dans la mise en place de la politique de la Métropole avec comme objectif, la connaissance de la "société indigène", sans laquelle ne pouvait se réaliser l’œuvre de domination
Sud Quotidien propose à ses lecteurs une contribution du Professeur Abdoulaye Bathily, publiée en mai 1974, lors d’un colloque organisé par l’Université de Paris 7 Jussieu. Ce texte, parmi d’autres, figure dans la collection «Le Mal de voir». Dans cette première partie, il est passé en revue, le rôle que Faidherbe (ainsi que d’autres «coloniaux»), a joué en sa qualité de gouverneur de la colonie du Sénégal, dans la mise en place de la politique de la Métropole, en publiant et éditant ou collaborant à des revues. L’objectif poursuivi était la connaissance de la “société” et du “milieu indigène”, connaissance sans laquelle ne pouvait se réaliser l’œuvre de domination des peuples et qui constitue la base de tout système colonial. Dans notre édition de demain mercredi 24 juin, nous publierons, dans un deuxième jet, la mise en application de la politique de la France, par le Gouverneur Louis Faidherbe, dans la colonie du Sénégal. Un troisième et dernier jet vous sera proposé jeudi pour boucler cette contribution majeure, sous la signature du Professeur Abdoulaye Bathily, historien, homme politique, ancien ministre d’état de la République du Sénégal.
La vie de Faidherbe, jusqu’à sa nomination comme gouverneur du Sénégal en 1854, présente moins d’intérêt pour l’historien que son œuvre coloniale.
Résumons les étapes de cette carrière. Louis Léon César Faidherbe naquit en 1818 au sein d’une famille modeste de Lille. Après des études peu brillantes à l’Ecole Polytechnique, il débuta sa carrière comme médiocre officier du Génie. Un premier bref séjour en Algérie, suscita en lui le goût du service colonial. Il demanda et obtint sa mutation à la Guadeloupe où il débarqua le 26 mars 1848. La révolution venait alors de triompher en France et la IIème République était proclamée.
Au même moment le soulèvement des esclaves balayait les Antilles, Faidherbe, ayant manifesté ses convictions républicaines et sa sympathie pour les esclaves insurgés se vit rapatrié par ses supérieurs au bout de deux ans de séjour. Peu après, il fut affecté de nouveau en Algérie comme constructeur du Génie et prit part à plusieurs campagnes de répression contre le gouvernement de résistance kabyle. Ce second séjour algérien exerça une influence décisive sur Faidherbe. Mis au contact de la société musulmane, il en étudia les institutions et s’initia aux méthodes de conquêtes coloniales qui étaient particulièrement brutales dans cette colonie de peuplement.
Récompensé de la Croix de la Légion d’Honneur, il obtenait d’être affecté au Sénégal où il arrivait le 6 novembre 1652, en qualité de sous directeur du Génie. Ses fonctions l’amenaient à faire le tour des possessions françaises en Afrique de l’Ouest, construisant, restaurant des forces ou participant à des campagnes militaires.
Ainsi, il visitait Bakel et Senudebu, postes les plus avancés des Français dans le Haut Fleuve et point de départ de la pénétration vers le Niger et le Futa Jalon. Il construisit le fort de Podor, pièce maîtresse du commerce de la gomme et centre politique du Futa Tooro. Il érigea le Fort de Daabu, important emplacement commercial de la Côte d’Ivoire. En 1853, il se trouvait aux côtés du gouverneur Baudin dans l’expédition contre Grand Bassam et participa aux négociations avec les souverains de la Basse Côte. En mai 1854, il se fait distinguer à la bataille de Jalmat (Dialmath) qui mettait aux prises les Français et les populations du Dimar (Futa Tooro), hostiles à l’érection du fort de Podor. Ses activités attirent sur lui les attentions des milieux d’affaires de la colonie et du grand commerce colonial de Bordeaux et Marseille.
Sous la suggestion de ces derniers, le gouverneur Protet qui venait alors d’être rappelé, intervint auprès .du ministre de la Marine, Ducos, pour la nomination de Faidherbe à la tête de la colonie. Mais comme le préposé, qui n’était que capitaine du Génie, ne pouvait, selon les règlements en vigueur occuper de si hautes charges, il fut demandé au ministre de la Guerre, le maréchal Vaillant, de relever son grade. En novembre 1854, avec l’approbation de Napoléon III, Faidherbe était nommé en même temps, chef de Bataillon et gouverneur du Sénégal. Il exerça le commandement suprême de la colonie jusqu’en décembre 1861. Nommé lieutenant-colonel, puis colonel, il rentra en congé en France et reprit son poste en juillet 1863 avec le grade de général de Brigade. Il ne quitta définitivement le Sénégal qu’en juillet 1865. Lors de la guerre franco prussienne de 1870 1871, ce vétéran des expéditions coloniales se fit distinguer dans les combats du Nord. A la chute du second Empire, il fut élu sénateur puis membre de l’Institut et président de la Société de Géographie de Paris. Il n’en continua pas moins de suivre de près l’évolution des affaires coloniales dont il fut un des plus ardents avocats sous la IIIème République et cela jusqu’à sa mort en 1889. Il mit sa vaste expérience à la disposition d’officiers comme Gallieni, Borgnis Desbordes, Archinard, etc. qui poursuivirent l’œuvre de conquête coloniale.
CONTRIBUTION DE FAIDHERBE ET DE SON RÉGIME À NOS CONNAISSANCES SUR LE SENEGAL ANCIEN
Avant l’époque faidherbienne, une pléiade d’hommes de marchands, d’explorateurs et de gouverneurs ont laissé sur le Sénégal une riche documentation dont les éléments les plus anciens remontent à la seconde moitié du XVIIème siècle. Mais ce fut sous le régime de Faidherbe que fut entrepris un travail d’enquête systématique sur l’histoire, l’ethnologie et le milieu physique des pays qui constituent le Sénégal actuel. Dès son avènement, le gouverneur fonda deux périodiques: L’Annuaire du Sénégal et Dépendances (A.S.D.) et le Moniteur du Sénégal et Dépendances (M.S.D.). L’Annuaire et le Moniteur étaient destinés à la publication des actes officiels et à la relation des évènements à caractère économique, politique et social survenus dans la colonie.
Mais ils ouvrirent leurs colonnes à des essais de monographie d’histoire etc. entrepris par Faidherbe lui même et ses collaborateurs. Par ailleurs, le gouverneur collaborait à diverses publications métropolitaines s’intéressant aux explorations et aux affaires coloniales, en général, comme les bulletins de la Société de Géographie de Paris, de la Société de Géographie commerciale de Bordeaux et de Marseille, la Revue maritime et coloniale, Tour du Monde, etc..
Ainsi, Faidherbe est l’auteur de travaux dont les plus importants sont :
- Populations noires des bassins du Sénégal et du Haut Niger ;
- Notices sur la Colonie du Sénégal ;
- Ouolofs Noms et tribus ;
- Vocabulaire d’environ 1500 mots français avec leurs correspondants en ouolof de Saint-Louis, en Poular (Toucouleur) du Fouta en Soninke, (Sarakhole) de Bakel ;
- Chapitre de Géographie sur le Nord-ouest de l’Afrique à l’usage des écoles de Sénégambie ;
- Notices sur les Sérères ;
- Annales sénégalaises de 1854 à 1885 suivies des traités passés avec les indigènes.
Mais, le Sénégal: la France dans l’Afrique Occidentale, est son œuvre principale.
Cet ouvrage écrit pour la défense du projet de chemin de fer Kayes Bamako, retrace les étapes de la présence française, de la pénétration mercantile du XVIIème siècle à la conquête militaire. Faidherbe y défend avec passion la cause coloniale et présente une vue particulièrement optimiste sur l’avenir économique du Soudan occidental.
A l’instar de Faidherbe, ses subordonnés publient des enquêtes ordonnées par le Gouverneur et firent ainsi paraître tout ou partie de leurs rapports de mission.
Ainsi Pinet Laprade, son adjoint et successeur immédiat, est l’auteur de:
- Origine des Sérères ;
- Notices sur les Sérères, ibid et A.S.O. 1865.
Le Capitaine Louis Alexandre Flize, directeur des Affaires indigènes puis des Affaires politiques nous laissa de remarquables notices sur différents royaumes sénégalais :
- Le Boundu
Le Oualo ;
- Le Gadiaga.
Mage et Quintin, envoyés en mission auprès d’El Haj Umar en 1863 et retenus prisonniers durant deux ans à Segou par le Sultan Ahmadu (fils et successeur du Marabout), consignèrent dans leur ouvrage Voyage au Soudan occidental, un témoignage de première main qui demeure une référence essentielle sur l’Empire Toucouleur.
Aux travaux publiés il faut ajouter d’autres plus nombreux et souvent plus riches qui sont conservés aux archives publiques ou privées de France et au Sénégal. Malgré le caractère inégal de ces documents, la somme d’information qu’ils représentent fait du régime de Faidherbe, le véritable fondateur de l’école africaniste française.
En tant que documents du passé renseignant aussi bien sur leurs auteurs que sur les sujets traités, ces travaux possèdent une valeur intrinsèque dont l’intérêt scientifique est considérable. Cependant ils souffrent d’un double défaut qui provient des conditions même de leur production. En effet, les recherches entreprises durant la période faidherbienne avaient un but fondamentalement fonctionnel. L’objectif poursuivi était la connaissance de la “société” et du “milieu indigène”, connaissance sans laquelle ne pouvait se réaliser l’œuvre de domestication des peuples et qui constitue la base de tout système colonial.
Mus par de telles préoccupations, ces auteurs se sont souvent complus à peindre les sociétés africaines sous les traits les plus défavorables. Les sentiments de sympathie qui transparaissent çà et là sont l’exception d’une règle générale fondée sur les préjugés et des falsifications de la réalité.
Ainsi Faidherbe, chef de file écrivant dans un curieux mélange de rousseauisme et de gobinisme: “ enfin pour en venir au contraste le plus frappant peut-être: au nord du Sahara, l’homme blanc, actif et industrieux, tenace, qui lutte contre la nature et en modifie souvent les lois, au sud du Sahara, l’homme noir, qui dans son apathie, se soumet à elle en esclave et envers qui, les peuples civilisés ont été bien coupables, l’homme noir, naturellement bon, d’une intelligence comparable à celle des races blanches, mais qui, manquant de caractère. c’est à dire de force de volonté et de persévérance sera toujours à la merci des races mieux douées que lui sous ce rapport avec lesquelles il se trouvera en contact”. Parleurs écrits, Faidherbe et ses collègues ont contribué à répandre chez les peuples d’Europe, les préjugés racistes à l’égard des Africains.
Par ignorance, inadéquation de l’approche méthodologique ou/et parti pris délibéré, ils ont été incapables de saisir les mécanismes d’évolution des sociétés étudiées. Plus grave, ils n’ont pu situer et évaluer objectivement les effets de leurs propres actions et plus généralement l’influence du mode de production capitaliste sur les formations sociales pré capitalistes sénégalaises. Cependant, si, par leur contenu, ces études ont souvent desservi la cause des Africains, elles ont permis à Faidherbe et à ses collègues d’élaborer une politique efficiente de conquête dont nous allons examiner quelques aspects essentiels.
DIMENSIONS ET NATURE DE LA POLITIQUE DE CONQUETE FAIDHERBIENNE
Dans son ensemble, l’historiographie coloniale a tendance à magnifier Faidherbe et son œuvre. Un manuel qui a façonné la conscience historique de générations d’écoliers de l’ex A.O.F. juge l’ancien gouverneur comme suit : “Faidherbe était un homme honnête et droit. Il aimait protéger les faibles et les pauvres, châtier les oppresseurs. Il lutta de toutes ses forces contre l’esclavage. Partisan de l’égalité des races, il voulait hâter l’évolution des peuples noirs “ Plus récemment les discours de certains membres de la classe dirigeante du Sénégal et des travaux plus ou moins scientifiques allant des brochures de tourisme à la publicité journalistique, présentent Faidherbe comme le fondateur de l’unité de la nation sénégalaise. L’examen critique de l’œuvre de conquête faidherbienne nous permettra de juger de la valeur de telles assertions.
SITUATION DU SÉNÉGAL À L’AVÈNEMENT DEFAIDHERBE
Au moment où Faidherbe prenait en main la direction de la colonie, les affaires de la bourgeoisie coloniale traversaient une période difficile. Les difficultés provenaient d’un contexte général de révolution économique et de vicissitudes politiques qui secouaient les sociétés sénégalaises et les établissements coloniaux.
Au plan économique : Depuis le XVIIème siècle, le Sénégal et son arrière pays (Haut Sénégal et Niger) étaient considérés comme le principal marché de la gomme et un réservoir destiné à fournir annuellement un millier d’esclaves pour les plantations des Antilles. La baisse sensible du trafic des esclaves et sa suppression légale jointe aux aléas de la production et de la vente de la gomme posèrent au commerce français du Sénégal un grave problème de reconversion. Sous l’égide des gouverneurs Schmaltz (1816 1820) et Baron Roger (1822 27) furent tentées dans diverses régions du pays et en particulier dans le delta du Fleuve (royaume du Walo) des entreprises de colonisation agricoles. Mais elles échouèrent lamentablement.
Parallèlement, une compagnie à privilège, la Compagnie de Galam, formée sur le modèle des compagnies commerciales de l’Ancien Régime fut reconstituée par une poignée de gros négociants saint-louisiens. Elle opéra de 1825 à 1848 dans le Haut Fleuve et en Casamance et se consacra essentiellement au commerce de l’or, de l’ivoire, du mil, de la gomme et d’autres produits du cru. Si la compagnie réalisa des taux de profit de l’ordre de 60 à 100% et plus par an, elle ne réussit pas à élargir le champ de ses activités commerciales vers le Soudan nigérien et échoua dans le rôle d’expansion politique que sa charte lui assignait.
Aux lendemains du triomphe du capitalisme libéral accompli par la Révolution de 1848, la Compagnie fut dissoute sous la pression des traitants libres. Mais la liberté du commerce entraina une anarchie dans les échanges qui ruina les affaires les plus vulnérables. Sur le plan politique: La colonisation agricole et le commerce des esclaves accentuèrent les conflits sociaux dans les Etats du Fleuve, également en proie à une crise de réadaptation par suite du déclin de l’économie esclavagiste. Les interventions répétées de l’administration en faveur du commerce soulevèrent une double opposition : celle des marchands traditionnels, victimes de la concurrence des négociants européens et celle des peuples soumis à l’oppression administrative et aux exactions des aris tocraties locales. Ces dernières soucieuses d’assurer des revenus à leur appareil étatique par les taxes sur le commerce européen et les “coutumes”, adoptaient une attitude tantôt de collaboration tantôt de résistance contre les Français. L’Islam fut le stimulant idéologique de la résistance anti française. Presque partout on vit les paysans se regrouper autour des marabouts pour opérer une tentative de restructuration plus large de la société au détriment des ceddo (classe politico guerrière) et du système colonial.
Ainsi les mouvements de Diile au Waalo, d’El Haj Umar dans la moyenne et haute vallée et Ma Ba Jaaxu dans le Rip faisaient courir un sérieux péril aux intérêts de la France et de ses alliés. L’instabilité chronique du gouvernement de la colonie par suite de la valse des gouverneurs dont le séjour ne dépasse presque jamais deux années consécutives rendait la crise d’autant plus grave. Plusieurs rapports rédigés par des négociants ou des militaires avaient pourtant attiré l’attention du ministre de la Marine sur la nécessité de prolonger le séjour des gouverneurs, et surtout sur l’adoption d’une politique de fermeté à l’égard des mouvements de résistance. Dès 1843, le gouverneur Bouet Willaumez, appuyé par le ministre et le directeur des Affaires Extérieures avait énoncé les principes de la nouvelle stratégie de conquête.
En 1847, un négociant de Saint Louis, M. Héricé les reprit et les développa dans un mémoire présenté au ministre de la Marine et des Colonies Dans son rapport en date du 2 janvier 1854, le , gouverneur Protet les formulait sans ambiguïté : “Nous sommes les souverains du fleuve Nous devons nous affranchir au plus tôt de tout ce qui peut avoir l’apparence d’un tribut prélevé sur le gouvernement ou d’une exaction au commerce. C’est dans cet esprit que devaient être conçus taus les nouveaux traités que nous pouvons avoir à passer avec les chefs des tribus riveraines”.
A suivre demain Faidherbe et la mise en application de la diplomatie de la cannonière.
par l'éditorialiste de seneplus, Alymana Bathily
ORANGE TOUT PUISSANT
EXCLUSIF SENEPLUS - L’inclusion financière des populations pauvres est-elle vraiment une préoccupation du gouvernement ? On pourrait en douter au vu de la liquidation apparemment programmée de Wari au profit d’Orange Money
L’Autorité de régulation du secteur des communications du Ghana, la National Communication Authority (NCA) a publié le 8 juin 2020 sur son Site « une déclaration d’intention » classant l’opérateur MTN en « une puissance dominante significative » sur le marché national (Dominant/Significant Market Power ») des télécommunications.
MTN qui est une entreprise d’Afrique du Sud exerce effectivement une domination écrasante du marché dans tous ses segments avec 67.78% pour l’internet et 57.07 % pour la téléphonie contre respectivement 15.49% et 20.94% pour Vodafone et 15.81% et 20.25% pour AirtelTigo. Le quatrième opérateur Glo ne contrôle que 0.92% de l’internet et 1.74% de la téléphonie.
Cependant, selon Quartz Africa, l’autorité de régulation ghanéenne est préoccupée plus par la position dominante significative de MTN sur le « mobile money » que sur l’internet et la téléphonie voix.
Le développement du mobile money au Ghana est en effet le plus rapide de tous les pays d’Afrique : 40% des 58% des adultes bancarisés dans ce pays en 2017 l’ont été par le mobile money, indique Quartz Africa se référant aux statistiques publiées par le Global Findex Database de la Banque Mondiale.
Dès lors, les autorités du Ghana se font un devoir de réguler pour que tout en encourageant l’inclusion financière, empêcher que les flux financiers des plus pauvres ne soient contrôlée par une seule entreprise étrangère comme c’est le cas au Kenya.
Dans ce pays, l’opérateur Safaricom (appartenant aux groupes Vodacom (Afrique du Sud) et Vodafone (Grande Bretagne), grâce à son service de mobile money M-PESA assure des transactions représentant 40% à 50% du PIB du pays !
L’Agence de Régulation des Postes et Télécommunications du Sénégal (ARTP) ne devrait-elle pas émuler la NCA du Ghana et déclarer Orange qui contrôle 67.15% du marché tous segments confondus, en situation de « puissance dominante significative » pour réguler les opérations de mobile money de cet opérateur dont la plateforme revendique déjà 1.800.000 clients ?
D’autant que les responsables de Wari établi depuis 2008 sur le marché du transfert d’argent et du mobile money au Sénégal, unique challenger d’Orange Money font état depuis quelques temps de « problèmes de connexion au réseau » récurrents qui affectent régulièrement le bon fonctionnement de leurs services dans plusieurs parties du pays.
A cela s’ajoutent les exigences de certaines banques partenaires de Wari qui aboutissent « au blocage dans les IBAN des distributeurs qui par ricochet ne peuvent plus payer les retraits des clients Wari », indique le communiqué publié la semaine dernière par le Groupe et repris par Walf Net.
L’inclusion financière des populations pauvres et rurales est-elle vraiment une préoccupation du gouvernement du président Macky Sall ?
On pourrait en douter au vu non seulement de la liquidation apparemment programmée de Wari au profit d’Orange Money, mais aussi de l’occasion qu’on a refusé de saisir pour apporter l’appui aux populations face au Covid-19.
Au lieu d’acheter des denrées alimentaires à travers une procédure compliquées, de mettre en place une logistique, on aurait pu simplement envoyer de l’argent aux ayants droit par transfert d’argent via Wari et Orange Money.
C’est ce que le Togo a fait en créant de toutes pièces une plateforme numérique à laquelle 450 000 personnes (sur une population totale de 5 million) ont reçu leur aide à la mi-avril.
Le président du Togo, successeur de son père, dictateur s’il en fut, qui n’a pas hésité à couper les connections internet du pays lors des manifestions de 2017 contre son troisième mandant présidentiel successif, n’est donc ni un dirigeant éclairé ni un adepte des technologies numériques.
Il a seulement compris qu’il était indispensable pour la survie de son régime que les populations les plus pauvres reçoivent de l’argent dans les meilleurs délais.
Si on avait fait parvenir l’aide Covid-19 aux populations concernées par une des plateformes de transfert d’argent qui fonctionnent déjà dans ce pays depuis plusieurs années, on aurait non seulement permis aux bénéficiaires de recevoir une aide financière rapidement, on les aurait inclus dans le système financier et on aurait ce faisant, consolidé une base de données nationale indispensable à la planification nationale.
Maire de Gorée, Augustin Senghor rappelle que si l’île est classée patrimoine mondial, c’est grâce à son histoire. Selon lui, il faut garder intact cet héritage avec les noms de rue hérités de la colonisation
A Gorée, la plupart des rues portent encore le nom des colons…
Je peux dire que toutes les rues de Gorée portent à 90% le nom des colons européens et particulièrement de Français qui sont les derniers occupants de l’île. Il n’y a pas à proprement parlé de noms sénégalais à part les rues comme la rue des Bambara, la rue de Dakar. C’est vraiment des exceptions qui portent le nom de personne ou de communauté.
Quel est le symbole que revêtent ces noms ?
C’est un symbole particulier. Avant les indépendances, Gorée comme beaucoup de localités, notamment comme toutes les quatre communes françaises, était sous occupation française. Ipso facto les rues ont été baptisées aux noms des gouvernants, des Français qui occupaient l’île. C’est aussi simple que cela. C’est la même chose quand on va à Saint-Louis, voire un peu à Dakar dans certaines rues à Rufisque aussi. Il n’y a pas de symbole particulier qui soit attaché à cela, sauf que les habitants de l’époque naturellement étaient tournés vers la France, et donc les décideurs. Les collectivités locales donnaient des noms français aux différentes rues et places.
Dans sillage du mouvement «Black lives matter» qui fait suite à l’assassinat de George Floyd, des statues d’esclavagistes ont été déboulonnées. Il y a un débat partout sur cette question. Est-ce que ce n’est pas le moment de débaptiser ces rues ?
Sous cette question, je vais donner une réponse qui est assez mitigée parce qu’il faut savoir que Gorée est classée patrimoine mondial. Et si Gorée est classée patrimoine mondial, c’est par rapport à son histoire. Est-ce que ce serait cohérent de préserver cette histoire pour les générations futures et débaptiser ces rues et surtout d’effacer cette histoire-là ? Puisque qu’aujourd’hui pour pouvoir se souvenir de ces faits-là vraiment condamnables, on a besoin de laisser des traces aux générations futures pour qu’elles comprennent, qu’elles voient et touchent du doigt, du regard ce qui s’est passé il y a plusieurs siècles en avant. C’est comme si on nous disait puisqu’on veut effacer l’image de la violence sur George Floyd, démolissez la Maison des esclaves. Il faut savoir raison gardée, ne pas faire dans l’émotivité qui nous est toujours attribué par les autres civilisations, notamment les Européens, les Occidentaux et analyser lucidement ce qu’il faut faire. C’est un patrimoine, il se conserve avec ses plus et ses moins, c’est-à-dire avec ses choses positives et ses choses négatives. Et c’est en cela que la conservation du patrimoine historique et culturel nécessite des fois d’y réfléchir deux fois avant d’effacer ses traces. Sinon ça va nous amener vers l’oubli de ce que jamais l’humanité ne devrait oublier. S’il y a oubli, il y a des risques de répétition de l’histoire. C’est important qu’on préserve ça : Quand les touristes viennent, ils auront le droit de savoir ce qui s’est passé et qu’ils puissent créer un sentiment de repenti pour que les gens disent plus jamais ça. Je militerai à ce qu’on garde intacte Gorée en tant que patrimoine avec ses rues. Il y a une quinzaine d’années, une nouvelle politique d’adressage des rues avait été lancée. Le Conseil avait pensé qu’il valait mieux préserver ce patrimoine avec ses rues qui sonnent européennes pour montrer les stigmates et de la traite négrière et de la colonisation.