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25 avril 2025
Politique
"QU'ON GARDE GORÉE INTACTE AVEC SES RUES"
Maire de Gorée, Augustin Senghor rappelle que si l’île est classée patrimoine mondial, c’est grâce à son histoire. Selon lui, il faut garder intact cet héritage avec les noms de rue hérités de la colonisation
A Gorée, la plupart des rues portent encore le nom des colons…
Je peux dire que toutes les rues de Gorée portent à 90% le nom des colons européens et particulièrement de Français qui sont les derniers occupants de l’île. Il n’y a pas à proprement parlé de noms sénégalais à part les rues comme la rue des Bambara, la rue de Dakar. C’est vraiment des exceptions qui portent le nom de personne ou de communauté.
Quel est le symbole que revêtent ces noms ?
C’est un symbole particulier. Avant les indépendances, Gorée comme beaucoup de localités, notamment comme toutes les quatre communes françaises, était sous occupation française. Ipso facto les rues ont été baptisées aux noms des gouvernants, des Français qui occupaient l’île. C’est aussi simple que cela. C’est la même chose quand on va à Saint-Louis, voire un peu à Dakar dans certaines rues à Rufisque aussi. Il n’y a pas de symbole particulier qui soit attaché à cela, sauf que les habitants de l’époque naturellement étaient tournés vers la France, et donc les décideurs. Les collectivités locales donnaient des noms français aux différentes rues et places.
Dans sillage du mouvement «Black lives matter» qui fait suite à l’assassinat de George Floyd, des statues d’esclavagistes ont été déboulonnées. Il y a un débat partout sur cette question. Est-ce que ce n’est pas le moment de débaptiser ces rues ?
Sous cette question, je vais donner une réponse qui est assez mitigée parce qu’il faut savoir que Gorée est classée patrimoine mondial. Et si Gorée est classée patrimoine mondial, c’est par rapport à son histoire. Est-ce que ce serait cohérent de préserver cette histoire pour les générations futures et débaptiser ces rues et surtout d’effacer cette histoire-là ? Puisque qu’aujourd’hui pour pouvoir se souvenir de ces faits-là vraiment condamnables, on a besoin de laisser des traces aux générations futures pour qu’elles comprennent, qu’elles voient et touchent du doigt, du regard ce qui s’est passé il y a plusieurs siècles en avant. C’est comme si on nous disait puisqu’on veut effacer l’image de la violence sur George Floyd, démolissez la Maison des esclaves. Il faut savoir raison gardée, ne pas faire dans l’émotivité qui nous est toujours attribué par les autres civilisations, notamment les Européens, les Occidentaux et analyser lucidement ce qu’il faut faire. C’est un patrimoine, il se conserve avec ses plus et ses moins, c’est-à-dire avec ses choses positives et ses choses négatives. Et c’est en cela que la conservation du patrimoine historique et culturel nécessite des fois d’y réfléchir deux fois avant d’effacer ses traces. Sinon ça va nous amener vers l’oubli de ce que jamais l’humanité ne devrait oublier. S’il y a oubli, il y a des risques de répétition de l’histoire. C’est important qu’on préserve ça : Quand les touristes viennent, ils auront le droit de savoir ce qui s’est passé et qu’ils puissent créer un sentiment de repenti pour que les gens disent plus jamais ça. Je militerai à ce qu’on garde intacte Gorée en tant que patrimoine avec ses rues. Il y a une quinzaine d’années, une nouvelle politique d’adressage des rues avait été lancée. Le Conseil avait pensé qu’il valait mieux préserver ce patrimoine avec ses rues qui sonnent européennes pour montrer les stigmates et de la traite négrière et de la colonisation.
par Siré Sy
MACKY, LE CŒUR EST-IL TOUJOURS À L'OUVRAGE ? (4/5)
EXCLUSIF SENEPLUS - Le président va-t-il se laisser vaincre par l'adversité ou bien, va-t-il se rebiffer et demeurer ce qu'il n'a jamais cessé d'être : un combattant et un persévérant ? PRÉSIDENT ET GESTION DE CRISE, ‘’QUAND L’HEURE EST GRAVE !’’
L'adage dit que c’est au pied du mur que l'on reconnaît le maître-maçon. Dans la même temporalité, c'est par et dans la gestion de crise(s) de magnitude ‘’secousse du régime’’ sur l'échelle d'une Nation-État, que l'on apprécie les choix, les décisions et le leadership d'un chef d'Etat dans sa fonction de président de la République. Le Think Tank Africa WorldWide Group vous propose une toute nouvelle série du Feuilleton managérial : Président et Gestion de crise, ‘’quand l'heure est grave !’’, de cinq (5) épisodes, entièrement et exclusivement consacré au président Macky Sall. Pour cette quatrième épisode de ''Président et Gestion de crise ‘’quand l'heure est grave’’, Style et Méthode de gestion de crise du président Macky Sall, ''Le coeur est-il toujours à l’ouvrage’’ ?
Entre Macky et une franche des Sénégalais qui grossit de plus en plus, c'est comme qui dirait, la grande incompréhension de part et d'autre. Entre un sentiment de dépit qu’on pourrait dire, traverser le président de la République et une sorte de désamour grandissant de bon nombre de sénégalais envers leur président. Au point qu’à travers un certain mutisme, une prise de parole de moins en moins ferme et une gestion du temps qui prend tout son temps, se pose une question : le cœur de Macky Sall, serait-il toujours à l'ouvrage, comme au premier jour de Mars 2012 ? Est-il permis de lire à travers son style de management de ces derniers mois et que la gestion du Covid-19 a eu à révéler en substance, un certain dépit (au sens de chagrin mêlé de colère, dû à une déception, à un froissement d'amour-propre) du président envers une bonne frange de ses propres partisans d’abord et des Sénégalais en général ? Au laboratoire de l'imaginaire, le symbole le plus fort et le plus illustratif de ce ‘’certain dépit’’ entre le chef de l'Etat et les siens, pourrait se lire à travers cette décision du président de la République lui-même, de quitter la résidence du palais présidentiel pour aller retourner habiter dans sa propre résidence, sa maison à Mermoz. Chez lui. De ne plus habiter au Palais. De ne plus habiter le Palais.
Avant même le Covid-19, l’adversité envers et contre le président était passée d’une adversité politique à une animosité politique, une adversité aux allures cryptos-personnelles. En effet, du président, un ‘’certain moule’’, a toujours estimé que la station qu'il occupe n'est pas ‘’taillé’’ pour lui et que Macky serait surgit de nulle part pour coiffer tout le monde au poteau. Si bien que ce ‘’certain moule’’ se demande toujours, diantre, par où est-il passé pour coiffer tout le monde au poteau ? Quand une personne est dans cette posture et est perçue comme un intrus dans un écosystème, comme un cheveu dans la soupe, rien ne lui sera pardonné et tout sera retenu contre lui.
Macky, un ‘’anti-moule’’
De l’amitié et du rapprochement entre le président Abdou Diouf et le président Macky Sall et dont le président Ablaye Wade ne peut pas se l'expliquer, pourrait être analysé sous le prisme de la tragédie grecque, une sorte de convergence de destins des deux hommes, ‘’Macky ak Abdou’’.
Si Abdou Diouf était certes un pur produit de ce ‘’certain moule’’, l'on lui a toujours opposé son parachutage forcé et son manque de légitimité politique, au point que devant l'adversité et les crocs-en jambe, le président s’était finalement résigné et a fini par tomber dans le renoncement.
Pour Macky Sall, il n'est pas un pur produit d'un ‘’certain moule’’ mais il s'est forgé et a acquis une légitimité politique de par sa trajectoire. Mais voilà, parce que férocement combattu et regarder d’en haut, une sorte de dépit, commencerait-elle à gagner petit à petit Macky Sall ? A l’un (Abdou Diouf), on lui avait opposé son manque de légitimité politique quoique faisant partie d’un ‘‘certain moule’’. A l’autre (Macky Sall), on lui oppose sa non-appartenance à ce ‘’moule’’ bien qu’ayant une légitimité politique. Pour ce ‘’moule’”, il faut remplir ces deux conditions et de façon constitutive : être issue du ‘’moule’’ et acquérir une légitimité politique pour présider les plus hautes fonctions de la République. Comme un certain Léopold Senghor ou un certain Ablaye Wade, tous deux étant de purs produits du ‘’moule’’ et ayant acquis une légitimité politique sur le terrain.
Devant les difficultés de toutes sortes, entre dépit et désamour, le président Macky fera-t-il comme le président Abdou Diouf ? Macky Sall va-t-il se résigner et se laisser vaincre par l'adversité et ainsi opérer dans le renoncement de soi, ou bien, va-t-il se rebiffer, rester, continuer et demeurer ce qu'il n'a jamais cessé d'être - un combattant et un persévérant - ? Dieu seul sait.
Le président Macky Sall, de par sa trajectoire et son histoire, est une certaine idée du Sénégal, en rupture de ban avec un ‘’certain système’’…. En est-il conscient lui-même ? Seul lui le sait !
A Rufisque, l’une des quatre communes de plein exercice de la métropole, les séquelles de la colonisation restent encore vivaces. Les édifices de l’époque coloniale demeurent toujours malgré un état de délabrement avancé pour certains
A Rufisque, l’une des quatre communes de plein exercice de la métropole, les séquelles de la colonisation restent encore vivaces. Les édifices de l’époque coloniale demeurent toujours malgré un état de délabrement avancé pour certains. Et les populations continuent à se côtoyer dans des rues qui, pour la plupart, portent encore les noms de personnalités de la période post-indépendance.
Les traces de la colonisation restent présentes dans Rufisque qui fut un centre d’attractivité économique avec des infrastructures de base et usines donnant à la cité la vocation d’un poumon économique avec un port avant même celui de Dakar. Les importantes bâtisses érigées durant cette ère et formant l’essentiel des constructions dans la zone appelée Vieux Rufisque font ressortir, à côté de rues traînant à ce jour les stigmates de la domination française, les traces de ce passé. L’une des trois longues rues allant du centre-ville aux quartiers Mérina et Thiawlène porte encore le nom de Paul Sicamois, un ancien maire du temps de la colonisation. Bouffière est le nom que porte la rue 16, Demoby la 39, André Lebon la 35, Léon Armand la 35, 47 la Péchot. La rue 27 porte le nom Garonne et la liste est loin d’être exhaustive dans la ville érigée en commune en 1880. Des personnes pour l’essentiel mal connues de la majorité des Rufisquois qui quotidiennement arpentent ces rues aux indications sur panneaux bleus parfaitement visibles avec les noms de «ces inconnus». «Les jeunes d’aujourd’hui ne parlent pas de ces rues parce que ne les connaissant pas», a fait savoir Idrissa Ba, un habitant de la ville, approuvant la «rebaptisation» des rues aux noms de personnalités locales.
«C’est Mbaye Jacques Diop (maire entre 1987- 2002) qui a entamé le processus de remplacement des noms des rues. C’est de lui qu’est venue l’appellation du boulevard par le nom de Maurice Guèye. Même chose pour les rues Ousmane Socé Diop et Adama Lô», a noté Amadou Sène Niang, porte-parole du maire Daouda Niang. «De tous les maires lui ayant succédé, seul Daouda Niang a pris le flambeau dans cette démarche», a-t-il expliqué. A la faveur d’un Conseil municipal en date de décembre 2017, plusieurs rues ainsi que la mythique Place Gabard ont eu de nouveaux noms. Alé Gaye Diop s’est en fait substitué à l’ancien maire Gabard, le tronçon entre le canal de l’est et le rond-point Bata (1646 m) porte le nom de Me Mbaye Jacques Diop, le tronçon entre la Sgbs et Rufsac sur la Rn répond de Alioune Badara Mbengue, ancien ministre socialiste. «C’est une volonté d’honorer les fils de Rufisque», a argumenté Sène Niang sur le choix de noms locaux pour les infrastructures de la ville. Pour autant, notre interlocuteur n’est pas sans réserve sur le sujet. «La chose peut être considérée sous l’angle d’un dilemme philosophique. Il s’agit de valoriser un patrimoine culturel et architectural et changer tout peut être discutable», a-t-il émis. «Ce sont des bâtiments construits par les Français et qui demeurent jusqu’à ce jour. Faut-il donc tout débaptiser au profit de personnalités rufisquoises ou raser tout et repartir sur des bases purement locales», s’est-il interrogé avec la conviction que le débat vaut son pesant d’or. Une œuvre d’indigénisation incomplète puisque les nouvelles baptisées se dérivant en Thianar Ndoye, Anta Madjiguène Ndiaye s’entrecoupent avec les vieilles Calvert (rue 12), Savet (rue 18), Thionk (rue 23), renseignant par le fait de la profondeur de l’aliénation dont ont du mal à se départir pour de bon les locaux, 60 ans après l’indépendance.
par Madiambal Diagne
L'EC(H)O D'UN SILENCE BAVARD
Le silence de nos autorités après l’option de Paris laisse dubitatif. Peut-être que la France mérite tout ce dont on l’accuse, mais la situation révèle une impréparation des pays de l’Afrique de l’Ouest à assumer leur souveraineté monétaire
Les pays de l’Afrique de l’Ouest avaient clamé urbi et orbi vouloir mettre fin à la monnaie Cfa et réviser ainsi leurs accords de coopération monétaire avec la France. Les chefs d’Etat membres de la Cedeao, suivant les recommandations de leurs experts, avaient indiqué que 2020 sonnera le glas de la monnaie Cfa qui devra être remplacée par l’eco. Le 21 décembre 2019, les Présidents Emmanuel Macron (France) et Alassane Dramane Ouattara (Côte d’Ivoire) avaient confirmé cette échéance inéluctable pour les pays de l’Afrique de l’Ouest. Il est à remarquer que les pays de l’Afrique centrale, membres de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) et les Comores, tous soumis au même régime, se sont encore gardés de trancher le débat. Le 24 mai 2020, le gouvernement français a initié un projet de loi entérinant la fin du franc Cfa en Afrique de l’Ouest et la restitution à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) de la totalité des réserves de change déposées dans les comptes du Trésor français. Le ministre des Affaires étrangères de la France, Jean-Yves Le Drian, prenant les airs d’un Charles de Gaulle sur la Place Protêt à Dakar en 1958, a déclaré devant l’Assemblée nationale française que son pays répondait ainsi à une demande des huit pays membres de l’Uemoa (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Niger, Mali, Sénégal, Togo).
La France se retire également des organes de gestion de la monnaie, permettant aux pays africains de recouvrer leur souveraineté monétaire pleine et entière. Elle ne s’engage pas moins à continuer à assurer la garantie de la convertibilité de la prochaine monnaie eco. Est-ce de la mansuétude ou juste une pudeur diplomatique ? En tout cas, on peut se demander combien de temps cette offre de garantie de la convertibilité pourra durer, d’autant que le pays garant n’aurait désormais aucune autorité ou emprise sur le cours des choses. Quel pays garantirait une monnaie adossée à des économies de pays dont il ne participe pas à la définition des politiques économiques ? En outre, garantie pour garantie, qu’est-ce qui assure que le successeur de Emmanuel Macron en France adoptera la même position ou que le successeur de Alassane Dramane Ouattara ne voudra pas changer de stratégie quant à la politique monétaire ?
Les polémistes deviennent subitement aphones
Le débat avait pris en haleine les élites africaines autour de la question du franc Cfa. Cette monnaie qualifiée de «coloniale» était présentée comme le mal provoquant les retards économiques des pays africains. Qu’à cela ne tienne ! Seulement, il ne se trouvait pas un économiste africain en mesure de présenter une expérience monétaire africaine plus efficace ou étant plus avantageuse que le franc Cfa. Au contraire, tous les pays qui encourageaient à pourfendre le Cfa comme le Nigeria, la Guinée ou le Ghana faisaient en quelque sorte du Cfa une monnaie refuge pour leurs transactions. Dans certains de ces pays, le Cfa est même accepté dans les transactions quotidiennes domestiques comme l’est aussi le dollar américain dans de nombreux autres pays africains. C’est dire !
Dans une chronique en date du 24 juin 2019, intitulée «Qui voudrait d’une monnaie de singe ?», nous mettions en garde, car «personne ne voudra porter la responsabilité d’être mis au ban de la communauté pour cause de manque de sentiment panafricaniste ou de volonté d’intégration régionale africaine. Personne ne voudra apparaître comme étant le support de supposés intérêts étrangers à l’Afrique. Les chefs d’Etat risquent ainsi de donner leur onction à un projet que tout le monde sait prématuré, tant les conditions préalables et nécessaires à sa réussite ne sont pas encore satisfaites. L’eco risquera en effet de se révéler comme une monnaie de singe, à l’instar de la plupart des monnaies en cours dans bien des pays africains». Nous demandions en conséquence de ne pas lâcher la proie pour l’ombre.
On peut présumer que le contexte de la pandémie du Covid-19 devrait y être pour quelque chose. Les esprits sont tournés à chercher à se sauver, mais on ne peut pas ne pas constater que c’est le silence radio après l’annonce par la France de son retrait des organes de l’Union monétaire. Les chefs d’Etat africains, qui avaient officiellement demandé la fin du franc Cfa, se gardent encore de se féliciter de la décision de la France. Le Nigeria, qui caressait le dessein de prendre la place de la France dans l’espace monétaire, ne montre plus un enthousiasme débordant pour l’eco, dès l’instant que les pays de l’Uemoa ont montré ne pas vouloir être sous le joug du Naira. Le Nigeria, dont les plans sont contrariés, dispute à l’Uemoa le droit d’utiliser le nom eco. Jusqu’où cette querelle de baptême va-t-elle aller ? Va-t-on voir circuler deux monnaies appelées toutes «eco» dans le même espace de la Cedeao ?
Les activistes qui criaient à tue-tête pour la fin immédiate du Cfa ont déserté les plateaux des télés, des radios et les colonnes des journaux. Les rares et assez timides réactions encore enregistrées sont pour accuser la «France de chercher à torpiller l’eco en se retirant de manière aussi précipitée». Peut-être que la France mérite tout ce dont on l’accuse, mais la situation révèle une impréparation des pays de l’Afrique de l’Ouest à assumer leur souveraineté monétaire. Force est de dire que les Chefs d’Etat africains avaient fini par céder à une certaine clameur des réseaux sociaux, aux invectives de quelques grandes bouches d’activistes qui ont investi les nouvelles manufactures d’opinions et donc avaient fini par prendre des décisions pas suffisamment mûries. Ils sont coupables de n’avoir pas assumé toutes leurs responsabilités de Chefs d’Etat, même au prix de passer pour des vilains. Il était de mauvais ton de chercher à défendre la qualité du franc Cfa face aux attaques dont il faisait l’objet. Ainsi, a-t-on laissé prospérer tous les fantasmes sur le Cfa, voulant par exemple que la France profite des réserves de change déposées dans les coffres de la Banque de France pour financer son économie. Or le montant des liquidités déposées par la Bceao sur le compte d’opérations ouvert auprès du Trésor français est de l’ordre de 10 milliards d’euros à la fin de l’année 2019. Un tel montant ne suffirait même pas pour payer la dette du seul Sénégal ou pour financer la phase II de son Plan Sénégal-émergent (Pse). 40% des 10 milliards d’euros appartiennent à la Côte d’Ivoire et les 19% au Sénégal. Les réserves de change étaient rémunérées au taux de 0,75%. La France peut placer cette somme sur les marchés et peut-être récolter un meilleur taux ou l’utiliser dans ses transactions courantes. Qui sait ? La France n’a jamais dit comment elle utilise cette somme, mais on ne peut pas ne pas remarquer qu’elle est dérisoire à l’aune d’une économie d’un pays comme la France. Le Pib de la France est évalué à plus de 2 500 milliards d’euros et les taxes sur les transactions financières rapportent plus de 3 milliards d’euros par jour à la France.
Le Cfa est parti pour rester encore pendant quelques bonnes années
Le vin est tiré, il faut le boire. Il ne semble pas envisageable de demander à la France de revenir sur sa décision. Le cas échéant, le ridicule tuerait. Il n’en demeure pas moins que la circulation du Cfa est partie pour demeurer quelques bonnes années encore. L’appellation de la monnaie pourrait changer dans les livres comptables, mais la monnaie fiduciaire va demeurer. Mettre en circulation une nouvelle monnaie se fait dans le long terme. L’expérience enseigne que même pour changer une série de coupures de billets de banque, les autorités monétaires déroulent l’opération sur une longue période. Il faudrait aussi s’assurer de la fiabilité des nouveaux billets de banque qui seront mis en circulation. On a vu qu’en dépit des nombreux filets de sécurité censés protéger et rendre les billets de banque inviolables, des pays comme les nôtres sont régulièrement victimes de grandes opérations de faux monnayage. Va-t-on aussi pousser le bouchon du nationalisme africain jusqu’à préférer battre monnaie dans nos propres unités industrielles qui n’offrent pas toujours les meilleures garanties de sécurité ? Ou bien voudrait-on éviter de s’approcher de la France et aller faire battre notre monnaie en Chine ou en Russie ?
Au demeurant, Dans une tribune publiée dans ces colonnes en mars 2017, l’économiste Ndongo Samba Sylla présentait des faits intéressants sur la question du franc Cfa, qui se doivent d’être lucidement analysés pour toute transition vers une nouvelle monnaie. Les limites que le franc Cfa a représentées pour l’intégration économique du continent, le «déficit chronique de crédits bancaires des pays» de l’espace Cfa, ainsi que l’effet néfaste des flux financiers illicites sur les économies des pays de cette zone monétaire sont des arguments abordés par l’économiste sénégalais. Ces pistes bien intéressantes méritent une étude rigoureuse des gouvernants et des acteurs de la transition monétaire dans notre zone. Le silence de nos autorités après l’option faite par la France laisse dubitatif tout observateur. Il est bien de sortir d’une situation préjudiciable, mais encore faudrait-il une prise de responsabilités assez conséquente des élites politiques et économiques pour impulser une démarche nouvelle. Il faudrait de toute force que cette sortie du franc Cfa ne soit pas un «chaos monétaire programmé» comme bien des milieux pourraient être amenés à l’envisager. Une logique dans laquelle nos Etats attendraient un fait accompli, et prôner une navigation à vue sera plus que dommageable aux plans économiques et sociaux.
LES SYMBOLES DU COLONIALISME AU COEUR DE DAKAR
Faidherbe, Jean Jaurès, Carnot, Fleurus, boulevard Général De Gaulle,… Les rues et avenues de la capitale sénégalaise ont un fort accent français qui rappelle le douloureux passé colonial
Faidherbe, Jean Jaurès, Carnot, Fleurus, boulevard Général De Gaulle,… Les rues et avenues de Dakar ont un fort accent français qui rappelle le douloureux passé colonial. Ces plaques apposées au coin des rues de la capitale sont-elles des rappels historiques ? Ou des hommages ? Depuis la mort de George Floyd aux Etats-Unis, les statues et rues qui portent le nom des personnages liés au passé colonial et à l’esclavage sont devenues des symboles à abattre.
Depuis la mort de George Floyd, tué par un policier blanc aux Etats-Unis, un vent de contestation souffle à travers le monde pour un changement de statut des Noirs et la disparition de l’espace public des statues qui sont le visage de l’oppression, de l’esclavage. Des Usa à la Grande Bretagne, en passant par la Belgique, les monuments érigés en la mémoire de Cécile Rhodes, Léopold II, Edward Colston, Robert E. Lee entre autres sont contestés, vandalisés, voire carrément arrachés de leur socle en marge des manifestations liées à la mort George Floyd et aux violences policières. Ces manifestations qui réveillent les vieilles plaies raciales, des souffrances séculaires, comme la traite négrière et la colonisation, relancent aussi le vieux débat sur l’histoire du maintien des hommes ayant écrit les plus sombres pages de l’histoire de l’humanité dans nos villes.
Aujourd’hui, les rues africaines gardent les vestiges de ce lourd passé de l’histoire. Et 60 ans après les indépendances, les noms des hommes qui ont opprimé les Peuples africains et écrit leurs faits d’arme avec le sang noir sont partout à Dakar, qui fut la capitale de l’Afrique occidentale française.
Le Plateau s’est réveillé sous un ciel couvert de poussière. En cette matinée de juin, les rues de ce quartier situé au cœur de Dakar, qui est le centre des activités commerciales, grouille de monde. Un peu partout, les noms des colonisateurs sont marqués sur les plaques au niveau des rues qui leur sont dédiées en hommage. Un acte inqualifiable, selon les activistes qui exigent leur «débaptisation» comme la Rue Jean Jaurès figée dans son effervescence quotidienne.
Ici, tout le monde a le pas pressé. Les magasins de vente de moquettes, tapis, appartenant aux commerçants d’origine libanaise, longent la rue. En remontant vers Sandaga, ce sont les commerces d’habits et autres qui s’offrent aux visiteurs. Sur la chaussée, les petits commerçants ont fini de s’approprier le passage piéton en ne laissant qu’un petit espace où les gens se bousculent. Et les vendeuses de cacahuètes, de sachets d’eau, de fruits n’arrangent pas les choses. Pendant ce temps, véhicules particuliers et transports en commun poursuivent leur rotation sur cette rue très fréquentée de la capitale.
Jean Jaurès, l’une des figures majeures du socialisme français, n’est pas la seule ancienne personnalité du pays colonisateur dont le nom reste toujours gravé sur les murs à Dakar. Il y a aussi Louis Faidherbe qui constitue l’une des grandes figures du colonialisme français. Gouverneur du Sénégal avant indépendance, une statue lui a d’ailleurs été dédiée à Saint-Louis. A Dakar, sur l’avenue qui porte son nom, le lieu est très connu des Sénégalais, en particulier des Dakarois. Des marchands ambulants la squattent à la recherche d’un éventuel acheteur. Le dispositif de lavage de mains installé à certains endroits témoigne de l’engagement contre le coronavirus, contrairement au relâchement constaté dans certains lieux. A l’intersection avec l’avenue Lamine Guèye, un volontaire de la mairie de Dakar régule la circulation pendant qu’un policier procède au contrôle de papiers de chauffeurs stoppés dans leur course. Sur la chaussée, les vendeuses d’eau profitent de la chaleur pour écouler leur marchandise. Idem au boulevard Général de Gaulle où est pourtant tenu le défilé militaire et civil chaque 4 avril qui célèbre l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale. Ce n’est pas tout : Il y a les rues ou avenues Félix Faure, Jules Ferry, Carnot… Quand on marche dans les rues de Dakar, Saint-Louis, Rufisque, Gorée, on revisite le passé colonial glorifié par les honneurs rendus aux administrateurs de colonie et militaires ou de batailles comme Niomré pendant lesquelles des résistants ont été massacrés. Est-ce par devoir de mémoire que ces noms sont conservés ? Ne s’agit-il pas d’un rappel gratuit de l’humiliation et la gloire perpétuée d’une époque peu glorieuse ? Ou les noms donnés aux rues et avenues constituent-ils simplement des actes de mémoire ? Est-ce que le fait de modifier le passé ne sera-t-il pas considéré comme du révisionnisme ?
Si la statue de Faidherbe à Saint-Louis, symbole de l’occupation, est conspuée par des activistes, contrairement à la mairie, les autres plaques commémoratives, emblèmes d’un sombre passé colonial, ne semblent pas émouvoir, contrairement en Occident. Même si personne ne peut mesurer la profondeur et la pérennité de ce combat contre l’oppression raciste. Maire de Plateau, Alioune Ndoye suscite le débat : «Nous allons proposer au Conseil municipal la mise en place d’une grande commission composée de tous les sachants que comptent notre commune, notre région de Dakar et l’Université pour proposer le changement des noms de nos avenues, rues et places publiques.»
«SI MACKY SE PRESENTE POUR UN 3E MANDAT, RIEN NE PEUT L’EMPECHER DE L’AVOIR»
Dans cet entretien accordé à «L’As», Pape Samba Mboup, s’est exprimé sans langue de bois sur différentes questions liées à la gestion du pays, la pandémie de Covid-19, ses relations avec Karim Wade, entre autres
Dans cet entretien téléphonique accordé à «L’As», l’ex-chef de cabinet du Président Abdoulaye Wade, Pape Samba Mboup, s’est exprimé sans langue de bois sur différentes questions liées à la gestion du pays, la pandémie de Covid-19, ses relations avec Karim Wade, entre autres. Le membre fondateur de «Mbolom Askanwi» estime que si le Président Macky Sall se présente pour un troisième mandat, rien ne peut l’empêcher de l’avoir. Par ailleurs, il révèle que pour se protéger de la maladie du coronavirus, Me Abdoulaye Wade ne reçoit plus personne et s’est enfermé.
«L’AS» : Vous vous faites rares sur la scène politique. Qu’est-ce qui explique ce long silence ?
Pape Samba MBOUP : Je parle seulement, quand il y a quelque chose à dire. Quand il n’y a rien à dire, on n’a pas besoin de s’épancher dans la presse surtout que depuis le début de l’année, nous avons presque tous rangé la politique pour nous occuper de la pandémie de Covid-19. Actuellement, nous sommes tous préoccupés par le combat pour l’éradication de la Covid-19. C’est pourquoi, je ne parle pas de politique.
En tant qu’acteur politique, quelle est votre participation dans ce combat ?
J’ai acheté des masques que j’ai distribués. Je ne fais pas de bruit, parce que la quantité n’est pas énorme, faute de moyens. Mais avec le peu que j’ai, j’aide les gens qui sont autour de moi à avoir des masques, à avoir aussi de l’eau savonneuse pour se laver les mains et je donne des conseils aux gens que je rencontre. Je trouve d’ailleurs que l’utilisation des masques constitue un problème au Sénégal. Vous voyez quelqu’un qui porte un masque depuis un mois voire deux. Parfois dans la rue, je vois des gens porter des masques très sales. Ce qui veut dire qu’ils le portent depuis plusieurs jours. Je crois que ces masques contribuent un peu à la propagation de la pandémie. On doit les changer d’autant plus que les masques sont les dépotoirs du virus. Au Sénégal, les gens ne peuvent pas chaque jour acheter un masque. Alors, le gars qui fait le tour de la ville et revient avec son masque à la maison peut faire entrer le virus chez lui. Ce qui est grave. Même les habits que l’on porte normalement, quand on rentre à la maison, on doit les enlever. Mais nous sommes un pays sous développé et nous n’avons pas les moyens de nous payer chaque jour un masque. Il faut qu’on trouve une solution. C’est bon de donner des masques, mais je les crains un peu. Les gens les portent pendant des jours ; ils rentrent chez eux avec ces masques, alors qu’on doit les enlever avant d’entrer dans la maison.
Globalement, comment appréciez-vous la manière dont Macky Sall et son régime gèrent cette pandémie sur le plan sanitaire et ses effets socioéconomiques ?
Le Président Macky Sall a fait ce qu’il devait faire. J’ai remarqué que, depuis l’assouplissement des mesures, la maladie se propage davantage. Les morts augmentent, les contaminations aussi. C’est la faute à qui ? Le Président avait pris des mesures drastiques, mais les Sénégalais se sont mis à manifester. S’il était resté sourd, le pays allait être ingouvernable. Alors, puisqu’il est à l’écoute de la population, le Président a allégé en disant aux Sénégalais de respecter les mesures barrières. Que chacun prenne ses responsabilités ! Il leur a dit d’apprendre à vivre avec le virus. Nous vivons avec les moustiques, mais nous mettons des moustiquaires et désinfectons nos chambres ; ce qui a fait reculer paludisme. C’est la même chose avec le coronavirus.
Cette démarche ne s’apparente-t-elle pas à une fuite en avant de la part du président de la République?
Ce n’est pas une fuite en avant. Un chef d’Etat doit être à l’écoute de son peuple parce que c’est le peuple qui l’a mis là où il est. Il a fait cette concession à condition que nous soyons disciplinés, que nous respections les mesures barrières. Mais malgré cet assouplissement, nous sommes indisciplinés. Maintenant, le chef de l’Etat n’a qu’à prendre ses responsabilités. Il a essayé, les gens ne veulent pas. La preuve en est que j’ai été dans un quartier populeux, mais tout le monde était dans la rue avec cette canicule. Les gens ne portent pas de masques, les enfants jouent au football. Les mères et pères de familles sont assis devant leurs maisons en train de regarder les enfants. Nous Sénégalais, nous ne sommes pas disciplinés. Le Président a procédé à l’assouplissement de l’état d’urgence parce qu’il ne voulait pas de l’anarchie dans ce pays. Partout on brûlait des pneus. Il est obligé d’écouter le peuple et d’aller dans le sens de ses désirs. Maintenant à sa place, je prendrais mes responsabilités.
Et vous préconisez quoi ?
Qu’il durcisse l’état d’urgence parce qu’en allégeant, les gens font ce qu’ils veulent. Il n’a qu’à prendre ses responsabilités. Durant la gestion de la crise, a assisté à une polémique autour des marchés d’attribution des denrées et leur transport.
Comment avez-vous vécu cela ?
Il n’y a rien, parce que je ne suis pas là où on donne les marchés. Je ne sais pas à qui on a donné les marchés. J’ai vu des gens se plaindre, mais je n’en sais rien. N’a-t-il pas choisi le chemin compliqué. D’aucuns pensent qu’il aurait dû envoyer l’argent ou des bons aux familles Il aurait pu faire comme les bourses familiales mais n’empêche, il y aurait des queues. Et puis, c’est un travail colossal. Je crois que la méthode employée est bonne.
Vous êtes enseignant, la reprise des cours a été programmée, puis cela échoué. Aujourd’hui, on a encore annoncé une nouvelle date, le 25 juin 2020.Qu’enpensez-vous ?
Je suis un enseignant et tout ce qui touche les enseignants me touche. Si les conditions sont réunies, je ne vois pas pourquoi les élèves ne retourneraient pas en classe. Parce qu’une année blanche est très coûteuse. Maintenant, sur le plan pédagogique, on dit que les classesdeCM2vont être scindées en plusieurs classes, et dans le public, ces classes font jusqu’à 100 élèves. Je prends la moyenne de 60 élèves dans une classe de CM2, on fait trois classes de 20. La première classe va hériter du maître qu’il avait depuis le début de l’année, qui connaît déjà ses 20 élèves, leurs lacunes, leurs faiblesses. Les deux autres groupes vont connaître de nouveaux maîtres à deux mois de l’examen. Alors qu’il faut à ce maître un temps pour connaître les élèves car, on ne peut pas inculquer à quelqu’un le savoir sans le connaître, sans connaître sa psychologie. Alors ces deux maîtres-là perdraient du temps là-bas parce qu’il faut qu’ils apprennent à connaître les élèves pour voir dans quel angle ils vont mener leur enseignement. Donc, le premier groupe sera à l’aise mais les deux autres groupes seront en face de maîtres qu’ils ne connaissent pas. C’est cet aspect pédagogique qui me pose problème.
Ces derniers temps, il y a un vent contestations populaires. Si d’aucuns ne décrient pas les coupures d’eau, ce sont des déclarations de manifestation. Les Sénégalais sont en train de se lasser de la gouvernance de Macky Sall ?
Il y a des gens qui critiquent la gouvernance de Macky Sall. Mais il y en a d’autres qui applaudissent. C’est dans l’ordre normal des choses. Ceux qui sont avec le gouvernement vont dire qu’il fait du bon travail. Et ceux qui lui en veulent vont toujours dépeindre un tableau sombre. C’est toujours comme cela que cela se passe dans le pays.
A la veille des Législatives de 2017, vous aviez créé une coalition dénommée «Mbolom Wade». Qu’est-ce qu’elle est devenue ?
On avait choisi le nom «Mbolom Wade» parce qu’au début, il n’y avait que des anciens militants de Me Abdoulaye Wade. Par la suite, nous avons reçu d’autres militants qui ne sont pas des Wadistes. Et aussi, Abdoulaye Wade, il faut le dire, n’était pas content du fait que nous employions son nom. Qu’à cela ne tienne ! C’est pourquoi, maintenant notre mouvement s’appelle «Mbolom Askanwi/Les libéraux-démocrates» et il est dirigé par Farba Senghor.
Vous êtes actifs politiquement ?
Pour le moment, non. Parce qu’avant de faire la politique, il faut d’abord combattre cette maladie de la Covid-19. J’ai tout laissé en berne, le temps que ce virus disparaisse. Vous savez, la Covid-19 recherche des personnes âgées comme moi. C’est pourquoi, toutes les personnes âgées se sont barricadées. Je m’enferme chez moi du matin au soir. J’écoute de la musique et je regarde des films. Je ne vais nulle part. Donc, je ne pense pas faire de la politique. Il faut se débarrasser de ce virus d’abord et après, on va reprendre le terrain et faire de la politique!
Vous étiez en froid avec Karim Wade qui était à l’origine de votre départ du PDS. Vos relations ont-elles évolué entretemps?
Il n’y a pas longtemps, il y avait une tentative de rapprochement, mais cela a foiré, c‘est vrai. Je n’ai rien contre Karim Wade. Je ne lui en veux pas. Je ne peux pas être contre lui, car son père est un ami. On a travaillé ensemble. On a fait beaucoup de choses ensemble. On a partagé des choses magnifiques, pleuré ensemble, souri ensemble pendant des années. Et son père a beaucoup fait pour moi. Et moi aussi, j’ai beaucoup travaillé pour lui. Donc, je ne peux pas être contre Karim Wade. Je voulais tout simplement à l’époque attirer l’attention des libéraux sur le fait que Karim Wade n’allait pas revenir etla nécessité de trouver un autre candidat. C’est ce qui avait provoqué le froid. Ils ont compris maintenant que j’avais raison. S’ils m’avaient écouté, le Pds aurait présenté un candidat. Et qui sait ce qui allait se passer ? L’histoire m’a donné raison. J’avais dit qu’il n’allait pas se présenter et on me dit : «tu mens !» et on me renvoie du parti. Farba Senghor dit la même chose et on le renvoie du parti. Et maintenant, nous sommes à l’aise, parce que nous avions raison. Nous ne pouvons pas ne pas aimer le Pds qui est aussi notre bébé. Nous avons grandi avec le Pds et tout fait avec le Pds.
Pourquoi la tentative de rapprochement avec Karim Wade a échoué ?
Cela a foiré tout simplement, parce que je ne pouvais pas y aller sans Farba Senghor. Voilà le problème. J’étais d’accord même d’aller à Doha et de le rencontrer et qu’on discute tout en gardant mon indépendance politique. Me réconcilier avec lui ou me réconcilier avec Wade, cela ne veut pas dire que je reviens au Pds d’où j’ai été renvoyé. Entre-temps, j’ai choisi un autre chemin. Mais il était bon que nous se réconcilions vu ce qui nous lie. Donc, j’étais prêt, mais comme j’étais avec Farba Senghor, nous avons été exclus le même jour par le même Comité directeur, pour les mêmes motifs et moi, je viens et je me réconcilie avec lui sans Farba, je ne peux pas le faire. Qu’est-ce que les gens vont penser de moi ? Je ne peux pas ! Il y a des choses que je ne peux pas faire.(…)
Actuellement, quelles sont vos relations avec Abdoulaye Wade ?
Je suis toujours dans les dispositions de me réconcilier avec la famille Wade. Je ne le vois plus. Et j’ai mal actuellement d’être resté des années sans voir Abdoulaye Wade. Cela me fait mal. J’aurais bien voulu être à côté de lui dans ces moments difficiles. (…) Il n’y a pas longtemps, j’ai encore fait des démarches pour le voir et on m’a répondu qu’avec cette pandémie, il ne reçoit plus personne. Il s’est enfermé, il a même libéré ses secrétaires et tous ceux qui étaient chez lui, pour se protéger de la pandémie. Et que ce n’est pas possible. Et si vraiment nous parvenons à vaincre ce virus et que les choses reviennent à la normale, il pourrait me recevoir.
La question du 3e mandat de Macky Sall est souvent au cœur du débat politique. Pensez-vous que ce soit possible qu’il se présente à nouveau?
Je pense que si Macky Sall veut se présenter pour un troisième mandat, rien ne peut l’empêcher de l’avoir. Ce que le Conseil constitutionnel a accepté pour Abdoulaye Wade, il ne peut pas le refuser à Macky Sall. C’est une question de jurisprudence. Le Conseil constitutionnel est impersonnel. Ses décisions sont là. En 2012, le même problème s’était posé et le Conseil constitutionnel a tranché en faveur de Wade pour qu’il se présente. Il ne peut pas, en ce qui concerne Macky Sall, se dédire. C’est une question d’interprétation des textes. Les textes sont faits de sorte que s’il le veut, il l’aura. Mais je ne sais pas s’il le veut ou pas. Mais s’il veut un troisième mandat, je ne sais pas comment le Conseil constitutionnel va le lui refuser après l’avoir accepté pour Abdoulaye Wade.
par Fadel Dia
IL FAUT (AUSSI) DÉBOULONNER LES TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS
Pratiquer la politique de l’autruche ne nous empêchera pas de faire face à ce dilemme : peut-on déboulonner les indéfendables conquérants coloniaux et hisser sur un piédestal ceux qui furent leurs infatigables bras armés ?
J’ai bien conscience que, par ces mots, je touche à un tabou, mais notre pays cultive les tabous comme il cultive l’arachide, sans réaliser que c’est quelque fois un produit désuet, dégradé, improductif, exténué ou invendable. Pratiquer la politique de l’autruche ne nous empêchera cependant pas de faire face à ce dilemme : peut-on déboulonner les indéfendables conquérants coloniaux et hisser sur un piédestal ceux qui furent leurs infatigables bras armés, même si ce fut souvent à leur corps défendant ?
«Les statues ne sont qu’une mise en récit...»
Le Sénégal est probablement l’un des rares pays au monde qui, soixante ans après son émancipation politique, continue à vouer la plus belle place et l’icône de sa plus vieille ville à un homme élevé pratiquement au rang d’un héros national, un autocrate qui a sabré les défenseurs de son intégrité, méprisé ses cultures et ses peuples, semé les premières graines de la balkanisation de la sous-région.
Si le Général Faidherbe, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’est pas le seul anachronisme de notre paysage urbain, il est la preuve qu’il y a un travail de salubrité mémorielle qui s’impose à nous et qui s’est fait partout dans le monde, et notamment dans les pays africains anglophones. Emmanuel Macron nous la baille belle lorsqu’il affirme, péremptoirement, que la France « n’effacera aucune trace ni aucun nom de l’Histoire (et) n’oubliera aucune de ses œuvres » et il est facile de lui rétorquer qu’il se trompe doublement. Il se trompe parce qu’au cours de sa longue histoire son pays n’a jamais cessé de relifter son panthéon et d’effacer des noms et des symboles.
Après 1789 on y a fait plus que déboulonner des statues, on a brulé des édifices, violé des sépultures et piétiné des restes humains. Après la deuxième guerre mondiale, on y a effacé les traces du Maréchal Pétain, héros de la « défense victorieuse » de 1916, l’homme qui, si l’on en croit Paul Valéry, « avait sauvé l’âme de l’armée française » parce que la bataille de Verdun avait été « une guerre tout entière insérée dans la Grande Guerre ».
Cette remise en cause mémorielle, comme celles qui la suivirent, n’est pas une spécificité française, nulle voix officielle ne s’est élevée dans le monde pour s’offusquer que Leningrad soit redevenu Saint-Pétersbourg ou que Stalingrad ait retrouvé son ancien nom de Volgograd ! Macron se trompe aussi parce qu’il mélange histoire, mémoire et patrimoine comme nous le rappelle l’historien Sébastien Ledoux et que les statues « ne sont pas des traces directes de l’Histoire, mais des traces au second degré ». Elles ne sont qu’une « mise en récit de l’Histoire », et, poursuit-il, lorsqu’une autorité en dresse une pour rendre hommage à un personnage, elle « formule publiquement une dette à son égard pour ce qu’il a apporté à la nation… »
La question est donc de savoir ce que le Général Faidherbe a fait pour le Sénégal pour mériter que sa statue trône encore sur la place de son ancienne capitale ? Devons-nous pour autant, comme en contrepartie, statufier les « Tirailleurs Sénégalais », élever au rang de héros nationaux les membres d’un corps d’armée qui, nous ne pouvons pas l’ignorer, a été créé pour faire face aux besoins de maintien de l’ordre colonial. Ils ont été d’abord des soldats de fortune, recrutés quelquefois au moyen d’un rapt, un peu dépenaillés, à peine mieux nourris que les chevaux de leurs officiers et qui allaient en campagne les pieds nus, en trainant leurs épouses derrière eux. A défaut de leur assurer une solde convenable, leur employeur les autorisait à s’approprier des femmes comme prises de guerre, se réjouissant surtout qu’ils ne lui coutaient pas cher et qu’ils étaient dociles.
Les plus grands floués de l’histoire coloniale
En un siècle d’existence, leur nombre n’a cessé de s’accroitre et leur champ d’action de s’élargir, ils sont devenus une force supplétive, taillable et corvéable à merci, les acteurs de ce qu’on appelait pudiquement la « pacification » des territoires conquis et, à ce titre ils ont laissé de très mauvais souvenirs dans des pays comme l’Algérie ou Madagascar. Ils seront sur tous les fronts de combat pendant les deux guerres mondiales, mais s’ils ont toujours et partout fait preuve de courage et d’endurance, ils ont été rarement au service des bonnes causes, de la liberté et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes comme le montrent ces deux exemples. C’est une troupe dotée d’un armement comme on n’en avait encore jamais vu dans la région, composée à la fois de tirailleurs en exercice et d’anciens tirailleurs rappelés de force après leur démobilisation qui, en 1892, partit à l’assaut de la dernière hégémonie africaine encore en place dans le delta intérieur du Niger.
L’opération fut foudroyante, Amadou Tall est chassé de Ségou en moins de trois mois et parmi le butin distribué aux tirailleurs, il y avait des femmes, les épouses de l’ancien roi ou de ses lieutenants ! Quelques années plus tard, en 1899, ce sont encore des tirailleurs qui seront la charnière de la sanglante expédition menée par deux illuminés, les capitaines Voulet et Chanoine. Cette colonne infernale qui a inspiré, indirectement, le film « Apocalypse Now » de Francis Ford Coppola, est une parfaite illustration des violences liées à la conquête coloniale, avec cette particularité que, pour une fois, les tirailleurs feront preuve d’indocilité et massacreront les deux officiers dont les cruautés inouïes avaient fini par les excéder. Nous ne pouvons pas traiter en héros le tirailleur Fakunda Tounkara qui, au petit matin du 29 septembre 1898, fut le premier à réaliser que l’homme à la taille haute qui portait un turban et lisait le Coran sur le pas de sa porte, sans se douter que ses poursuivants avaient violé sa dernière retraite, n’était autre que l’Almami Samori Touré. Nous ne pouvons pas rendre hommage aux tirailleurs Bandya Tounkara et Filifin Keita qui se lancèrent à la poursuite du vieil homme de soixante-dix ans qui aurait donné son empire pour un cheval, tout étonnés par la puissance de sa foulée. Ils feront le boulot, mais c’est leur commandant qui récoltera la gloire de la capture de Samori et il en sera toujours ainsi car les tirailleurs furent les plus grands floués de l’histoire coloniale de la France.
Notre combat devrait être d’exiger que leur épopée soit enseignée dans les écoles du pays pour lequel ils s’étaient battus et qu’on y sache que c’est l’un d’eux , un certain Hady Ba, qui fut l’une des premières victimes de la résistance française face à l’occupation allemande. Que leurs tombes soient sauvegardées, connues, visitées et fleuries par leurs familles, comme le sont celles des soldats américains ou canadiens en Normandie ou dans l’Aisne. Qu’on reconnaisse que s’ils ont été quelquefois gavés de décorations, souvent clinquantes, y compris à titre posthume, le « gel » de leurs maigres pensions après la proclamation des indépendances de leurs pays d’origine, ce qui ressemble fort à une mesure de rétorsion, est d’une mesquinerie et d’une injustice inqualifiables qu’il convient de solder dans la dignité.
En revanche, nous, Africains, ne pouvons ni glorifier le corps des tirailleurs ni les offrir en exemples à notre jeunesse. Notre musée de l’Armée ne doit pas être une annexe tropicale de celui d’une sous-préfecture française et célébrer les mêmes héros, être un nid de coucou qui reconstruit une histoire que nous avons subie à partir des déboires de notre passé colonial. Ni Wellington ni Bismarck ne sont honorés à Paris et notre musée manque à sa mission en mettant en exergue les manipulateurs des tirailleurs, Faidherbe ou Archinard, plutôt que leurs adversaires, ou en faisant une belle place à Mangin, pourvoyeur de la Force Noire, que Blaise Diagne lui-même accusa de mener les soldats africains au « massacre », plutôt que de vanter la lucidité de Van Vollenhoven qui démissionna de son poste de gouverneur parce qu’il estimait que cette saignée condamnerait les populations africaines à la misère.
Les premiers signes d’une révolte
Mais ne pas tresser des couronnes aux tirailleurs ne signifie pas les ignorer, nous devons, bien au contraire, enseigner leur histoire, pas seulement parce que la nation qu’ils avaient servie ne le fait pas, mais surtout pour rétablir la vérité. Le déboulonnement évoqué ici ne peut être qu’allégorique car très peu d’entre eux sont honorés chez nous par des statues, sinon de façon symbolique. En revanche, nous pouvons les grandir en démontrant, pièces en mains, que leur épopée est la meilleure preuve que la colonisation fut une affaire de violence et de duperie. Le massacre de Thiaroye en offre une tragique illustration. C’est d’abord l’histoire de la rupture unilatérale d’un contrat. Les Tirailleurs qui avaient payé chèrement leur participation à la guerre et vécu le calvaire des camps nazis, devinrent, dès que l’horizon commença à s’éclaircir, indésirables sur le sol de leur « mère patrie » qui n’avait plus qu’un objectif : « blanchir » les défilés qu’elle préparait pour célébrer la victoire. C’est l’histoire d’une mesquinerie ordinaire, le refus de payer des droits chèrement acquis (rappel de solde, primes de démobilisation, etc.) ou pour le moins, de rogner sur leur montant. C’est l’histoire d’une opération préméditée destinée à servir d’exemple à tous ceux qui étaient tentés de contester l’autorité de la métropole et de manifester des sentiments anticoloniaux.
C’est l’histoire d’un acharnement, celui qui a fait que le procès des mutins a été conduit uniquement à charge, que les condamnations ont été très lourdes, que tout pardon et tous les recours ont été rejetés, au point que la mention «mort pour la France » a été refusée à tous les soldats impliqués. C’est l’histoire d’un mensonge d’Etat, puisqu’on n’a jamais livré le nombre exact des victimes, ni la nature des armes utilisées pour les tuer. C’est enfin, et c’est cela qui nous intéresse le plus ici, l’histoire des tout premiers débuts d’un mouvement irrépressible et légitime, d’une révolte qui allait conduire aux indépendances. En cela, et en cela seulement, nous pouvons célébrer les mutins de Thiaroye comme les initiateurs de notre émancipation !
LES CONDITIONS SONT "RÉUNIES" POUR LA REPRISE DES COURS
Le ministre de l’Education nationale, Mamadou Talla, a assuré dimanche à Kolda (sud) que toutes les conditions sont réunies pour la reprise des enseignements dans les classes d’examen jeudi prochain.
Kolda, 22 juin (APS) - Le ministre de l’Education nationale, Mamadou Talla, a assuré dimanche à Kolda (sud) que toutes les conditions sont réunies pour la reprise des enseignements dans les classes d’examen jeudi prochain.
"Aujourd’hui, je peux dire ici que tout est réuni pour la reprise des cours", a-t-il notamment dit lors du comité régional de développement (CRD) consacré à la réouverture des classes d’examen.
Le ministre a rendu hommage aux enseignants, inspecteurs, parents d’élèves, partenaires sociaux etc., qui se sont tous mobilisés pour la cause de l’éducation.
Mamadou Talla a estimé que l’année scolaire peut être terminée avec le bouclage du 3e semestre, exhortant l’ensemble des acteurs à œuvrer pour la réussite de la reprise des cours.
"Nous pouvons atteindre les résultats notamment pour boucler le 3e semestre et j’invite chacun de nous à intégrer et voir les réalités afin de les adapter pour une bonne reprise des cours car nos jeunes, nos élèves ont le droit à une formation et à une éducation", a dit M. Talla.
Il a par ailleurs appelé les acteurs de l’académie de Kolda au respect strict du protocole sanitaire, notamment l’usage de masques, le respect de la distanciation physique, etc.
L’inspecteur de l’académie de Kolda, Mamadou Goudiaby, a fait une présentation sur la situation de la carte scolaire de la région.
L’IA a ainsi évoqué quelques difficultés liées aux abris provisoires, le manque d’eau dans certains établissements scolaires de la région devant accueillir les élèves en classes d’examen.
M. Goudiaby a toutefois rassuré pour une bonne reprise des cours malgré des facteurs bloquant dont l’hivernage avec des fortes pluies souvent enregistrées dans la région de Kolda.
82 NOUVELLES CONTAMINATIONS ET DEUX DÉCÈS RAPPORTÉS CE LUNDI
Le ministère sénégalais de la Santé a rapporté, ce lundi, 82 nouvelles contaminations à la Covid-19, portant à 5970 les cas d’infection au coronavirus officiellement déclarés dans le pays depuis le 2 mars.
Dakar, 22 juin (APS) - Le ministère sénégalais de la Santé a rapporté, ce lundi, 82 nouvelles contaminations à la Covid-19, portant à 5970 les cas d’infection au coronavirus officiellement déclarés dans le pays depuis le 2 mars.
Sur 1040 tests effectués au cours des dernières 24heures, 82 sont revenus positifs, a notamment indiqué le directeur de Cabinet du ministre de la Santé.
Lors du point de presse quotidien sur la situation de la pandémie, Aloyse Wally Diouf a précisé qu’il s’agit de 65 cas contacts suivis, 4 cas importés via l’Aéroport international Blaise Diagne et 13 cas issus de la transmission communautaire recensés à Dakar (09) et à Kaolack (04).
34 patients hospitalisés ont été déclarés guéris tandis que 21 cas graves sont pris en charge dans les services de réanimation.
Deux décès supplémentaires ont été enregistrés, ce qui porte à 86 le nombre de malades ayant succombé à la Covid-19.
Depuis l’apparition de la maladie dans le pays, le Sénégal a dénombré 5970 cas de Covid-19 dont 3953 guéris, 86 décès et 1930 patients sous traitement.
LE COMMISSAIRE SADIO AUTORISÉ A RENTRER CHEZ LUI
L’ex commissaire de police, Boubacar Sadio, va finalement passer la nuit chez lui. Après audition à la Division des investigations criminelles, (Dic), il a été autorisé à rejoindre son domicile.
L’ex commissaire de police, Boubacar Sadio, va finalement passer la nuit chez lui. Après audition à la Division des investigations criminelles, (Dic), il a été autorisé à rejoindre son domicile.
Cependant, il a été convoqué à nouveau pour demain, dans l’après-midi. Et les limier lui ont signifié ce qui lui est reproché, à savoir : diffusion de fausses nouvelles, offense au chef de l’Etat et l’article 80.
Pour rappel, ce dimanche, dans l’après-midi, des éléments de la Division des investigations criminelles avaient cueilli le commissaire Sadio chez lui. Une interpellation qui fait suite à sa tribune acerbe contre le régime en place.