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21 avril 2025
Politique
UN DÉLAI ÉLECTORAL IMPOSSIBLE ?
La décision présidentielle de dissoudre l'Assemblée et de convoquer des élections en moins de 70 jours bouscule le processus démocratique. Des voix s'élèvent pour alerter sur l'impossibilité de respecter certaines étapes cruciales du scrutin
Le président de la République a dissous le 11 septembre dernier l’Assemblée nationale avant de fixer des élections législatives anticipées au 17 novembre prochain. Toutefois, des experts électoraux sont sortis de leur réserve pour relever des contraintes de délai ; non sans inviter le chef de l’Etat à appeler à des concertations.
La tenue des élections législatives le 17 novembre 2024 est plus facile à dire qu’à faire. En tout cas, si l’on s’en tient à certaines analyses, cette décision impacte sur la conduite du processus électoral et impose l’adoption d’un nouveau calendrier des opérations préélectorales.
L’expert électoral Ndiaga Sylla renseigne d’ailleurs que la date de dépôt des listes de candidatures, fixée 85 jours avant le scrutin par le code électoral, ne peut plus être respectée. Il fait également état de l’impossibilité de remplir l'obligation liée au parrainage qui risque d'engendrer une centaine de candidatures.
Joint au téléphone par “L’AS”, le coordonnateur du pôle des non-alignés lors des dernières concertations sur le processus électoral, Déthié Faye, a indiqué que compte tenu de la non-conformité du Code électoral aux dispositions de la Constitution relatives aux élections anticipées, il ne sera pas possible de faire respecter le parrainage pour ces élections.
Selon lui, la Constitution impose en cas de dissolution de l’Assemblée nationale que les élections aient lieu au plus tôt en 60 jours et au plus tard en 90 jours. Or, précise-t-il, pour le parrainage, il faut le commencer à 150 jours du scrutin. “Vous comprenez que cela n’est pas conciliable. Nous nous retrouvons donc dans une situation où le parrainage est impossible”, déclare monsieur Faye.
Déthié Faye de marteler en plus qu’il se pose véritablement une question de délai. A l’en croire, il faut regretter que le chef de l’Etat ait fixé les élections à approximativement 65 jours après la dissolution du Parlement. Même s’il n’y a pas le parrainage, dit-il, il faut prendre en compte la constitution des dossiers, leur dépôt, la vérification, les contestations éventuelles, et la campagne électorale. “On peut ainsi dire, sans risque de se tromper, qu’on va vers un scrutin qui va s’organiser sur la base de la contestation. Il sera extrêmement difficile d’avoir un consensus sur les règles d’organisation de ce scrutin. Ce qui, pratiquement, depuis 1992, n’est plus arrivé au Sénégal”, a déclaré Déthié Faye.
Il estime dans la foulée que dès l’instant que la Constitution parle de 90 jours au maximum, c’est le Code électoral qui aurait dû avoir une disposition relative aux élections anticipées pour préciser ce qu’il y a lieu de faire. “Quand vous prenez l’exemple de la caution, le Code électoral prend en compte cette situation parce qu’il dit qu’en cas d’élections anticipées, c’est le montant de la caution précédente qui est reconduit”, a-t-il confié. Malheureusement, en ce qui concerne le parrainage, répète-t-il, le Code électoral est muet.
“C’est justement ce silence qui devrait imposer au gouvernement, avant d’aller plus loin, d’inviter à des concertations pour qu’un consensus soit trouvé sur la loi électorale. Faute de quoi, il est clair que nous allons vers des situations difficilement maîtrisables et ce serait dommage pour la démocratie sénégalaise”, a prévenu Déthié Faye.
Il appelle ainsi le président de la République à se mettre au-dessus de la mêlée pour que des solutions acceptables puissent être trouvées pour l’organisation de ce scrutin. Faute de quoi, dit-il, on pourrait considérer que ce qui est fait va dans le sens d’une remise en cause de la sincérité, de la fiabilité et de l’intégrité du processus électoral. “Le Sénégal ne peut pas se permettre d’opérer un tel recul démocratique”, a-t-il renchéri.
PASTEF APPELLE LES SENEGALAIS A PARTICIPER MASSIVEMENT AUX PROCHAINES LEGISLATIVES
Le parti au pouvoir, PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité) a réagi hier, vendredi 13 septembre, à la dissolution de l’Assemblée nationale actée la veille par le président de la République, Bassirou Diomaye Fay
Le parti au pouvoir, PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité) a réagi hier, vendredi 13 septembre, à la dissolution de l’Assemblée nationale actée la veille par le président de la République, Bassirou Diomaye Faye.
Dans un communiqué rendu public, le bureau politique de Pastef a qualifié cette dissolution de l’unique chambre législative du Sénégal qui incarne également la deuxième institution de la République « de victoire d’étape ». En effet, estimant que « la mère des batailles, c'est d'apporter les solutions durables aux problèmes économiques, sociaux, environnementaux et culturels qui entravent le développement du Sénégal», le bureau politique de Pastef précise que l'Assemblée nationale ne saurait être un servile instrument de jouissance du pouvoir ou un outil d'obstruction et de blocage des aspirations populaires. « La décision présidentielle sonne comme un coup d'arrêt aux tentatives de sabotage institutionnel de la majorité parlementaire. Il revient désormais au peuple souverain de conforter le Président de la République en lui donnant les moyens législatifs pour concrétiser la promesse de transformation systémique du Sénégal » a-t-il martelé dans ce document.
Par ailleurs, soulignant que le triomphe du 24 mars 2024 n'est qu'une victoire d'étape et que la mère des batailles, c'est d'apporter les solutions durables aux problèmes économiques, sociaux environnementaux et culturels qui entravent le développement du Sénégal, le bureau politique de Pastef appelle les citoyens sénégalais à participer massivement aux élections législatives pour conférer à la future Assemblée nationale toute la légitimité et la représentativité nécessaires. « La reprise en main par le peuple de son pouvoir législatif qu'il pourra confier, sous son contrôle vigilant, à des représentants dignes de confiance et soucieux de l'intérêt général, est une étape nécessaire pour la réalisation d'un Sénégal souverain, juste et prospère », a-t-il rappelé.
par l'éditorialiste de seneplus, Arona Oumar Kane
MULTIPLE PHOTOS
LE PROJET EST MAL PARTI
EXCLUSIF SENEPLUS - 1 148 agents recrutés en deux mois. Hausse de deux milliards de la masse salariale mensuelle de la fonction publique depuis avril. C’est la continuité, voire l’aggravation, de l'orientation budgétaire du régime précédent
Arona Oumar Kane de SenePlus |
Publication 13/09/2024
Le Document de Programmation Budgétaire et Économique Pluriannuel du Sénégal, pour la période 2025-2027 (DPBEP 2025-2027), a été adopté en Conseil des ministres le 12 Juin 2024, soit deux mois après l’installation du nouveau gouvernement. Ce document, produit et actualisé tous les ans par la Direction Générale du Budget, fixe les orientations budgétaires pour les trois prochaines années et sert de base à l’élaboration des lois de finances, conformément à l’article 51 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Il y est précisé le contexte macroéconomique ainsi que les projections de recettes budgétaires et surtout les dépenses envisagées pour la période triennale concernée. Le tableau ci-dessous en donne un aperçu (voir l'image d’illustration).
Ce qui est frappant sur ces chiffres c’est la continuité, voire l’aggravation, de l'orientation budgétaire du régime de l’ancien président Macky Sall. Cette orientation est caractérisée essentiellement par l’explosion d’une dette qui ne sert, littéralement, pas à grand-chose, comme nous le verrons, et par un déséquilibre persistant entre les dépenses de fonctionnement et les dépenses d’investissement.
Notre conviction, à la lecture de ce document de programmation budgétaire, est que le président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko n’ont pas connaissance des projections de dépenses qui y sont données, ou n'en ont pas pris toute la mesure. Et pour cause, cette programmation apparaît en total déphasage avec les principes qu’ils ont théorisés et les promesses faites de donner la priorité à la satisfaction des besoins des populations. Sinon, comment comprendre qu’ils aient validé la proposition d’augmenter de plus de 650 milliards de FCFA les dépenses de fonctionnement et transferts courants en 2025 et de baisser de 35 milliards les dépenses d’investissement ? Ils se sont engagés à réduire le train de vie de l’Etat de manière substantielle et promis des investissements massifs pour développer le pays. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette ambition ne colle pas avec l’orientation budgétaire annoncée par les services du ministère des Finances et du Budget.
En 1962, l’agronome français René Dumont publiait l’un des ouvrages les plus aboutis sur l’évolution économique de l'Afrique subsaharienne au lendemain des indépendances. Dans ce chef-d'œuvre prémonitoire, il prédisait le destin compromis de nos pays nouvellement indépendants, en raison notamment des mauvais choix de politique agricole de leurs dirigeants. Soixante-deux ans plus tard, force est de constater qu’il avait raison sur toute la ligne. Le titre de cet article paraphrase volontiers celui de ce célèbre ouvrage, l’Afrique noire est mal partie, tant les premiers actes posés par le nouveau régime sénéglais nous semblent porter les germes d’un échec plus que probable. Nous nous employons, dans cette étude, à exposer les facteurs qui, de notre point de vue, pourraient rendre la promesse de redressement et de développement du pays impossible à tenir.
Ce travail s’appuie sur une méthodologie et des outils d’analyse et de détection d'irrégularités statistiques dans les données économiques et financières publiées par les services de l’Etat. Nous espérons que les problèmes soulevés ici seront adressés sérieusement, dans l’intérêt du peuple sénégalais, et cette initiative citoyenne perçue pour ce qu’elle est : une alerte constructive et factuelle à l’attention des autorités du pays, et un effort de vulgarisation pour sensibiliser l’opinion nationale sur les risques encourus.
La navigation à vue d’une équipe dirigeante qui semble improviser
Le Premier ministre Ousmane Sonko annonçait, en Conseil des ministres, que son gouvernement comptait sur l’expertise locale pour définir concrètement le nouveau référentiel des politiques publiques de la République du Sénégal, communément appelé Le Projet. L’absence, au départ, d’un référentiel documentaire structuré de mise en œuvre de la vision portée par les nouvelles autorités a eu pour conséquence immédiate une série d’incohérences dans les actes posés et les annonces sur les intentions. L’impression qui se dégage des décisions prises depuis quatre mois est celle de dirigeants qui ont une vision bien comprise de tous, mais qui n’ont pas de feuille de route et de démarche claire pour la mettre en pratique, semblant improviser en permanence.
Le chef du gouvernement vient d’annoncer, lors d’un conseil interministériel, un investissement de 2 578 milliards de FCFA pour développer les infrastructures maritimes et portuaires - d'ici 2025, selon l’expression de l’Agence de Presse Sénégalaise (APS) qui a relayé l’information. L’idée est à saluer. Notre pays possède des avantages compétitifs non négligeables dans ce domaine, mais nous sommes sous la menace constante d’une concurrence qui pourrait bien profiter de la baisse de performance de nos ports, en raison notamment de la faiblesse des infrastructures. Seulement voilà, le montant annoncé est en porte-à-faux avec les orientations budgétaires définies par ce même gouvernement.
Dans le DPBEP 2025-2027, les projections de dépenses d’investissement pour 2025 sont fixées à 1 811,5 milliards de FCFA, et pour l’ensemble de la période triennale à 6 700,4 milliards. Tous programmes confondus. Cela comprend les investissements prévus dans l'éducation, la santé, l’agriculture et la souveraineté alimentaire, la relance de l’industrie, la construction de logements sociaux, l’appui à la création d’emploi, etc. On peut alors se demander comment il serait possible d’injecter 2 578 milliards dans les seules infrastructures maritimes et portuaires sur la période indiquée.
Une semaine plus tard, un autre conseil interministériel annonçait 1 627 milliards pour l’accès à l’eau potable. Tout cela sans préciser clairement d’où viendraient ces milliards car, comme on le verra, les recettes et l’emprunt projetés ne pourront pas couvrir ces programmes improvisés. A moins d’étaler leurs développements sur 10, 15 ou 20 ans et de revoir complètement les projections budgétaires actuelles, il est matériellement impossible d’exécuter ce niveau d’investissements, considérant l’ensemble des autres besoins.
Les juges des tribunaux de commerce internationaux ne sont pas sensibles à la rhétorique populiste des peuples spoliés par des contrats léonins. Quand ils sont saisis, ils se contentent de dire le droit. Et quand on casse un contrat sans raisons objectives mais juste parce qu’on a fait des promesses électorales, cela a des conséquences. Le gouvernement du Nigéria, qui a vu ses avions présidentiels immobilisés, sur décision d’un juge français, et ses avoirs détenus dans des banques occidentales gelés, en a fait l’amère expérience tout récemment. Nous parlons d'un pays de plus de 210 millions d’habitants avec une économie qui pèse 12 fois celle du Sénégal, et des réserves de pétrole et de gaz qui font de notre pays un nain dans le domaine. Il serait illusoire de penser que nous pourrions réussir face à des multinationales pétrolières et minières là où un pays aussi puissant et influent que le Nigéria a échoué face à une modeste entreprise chinoise.
On peut toutefois se réjouir que, jusque-là, aucun des contrats en question n’est remis en cause unilatéralement par l’Etat du Sénégal. Nous en sommes uniquement à des déclarations d’intention et à une volonté de renégocier. Il est cependant peu probable que nos partenaires sur les gros contrats acceptent une cession substantielle des avantages qu’ils en tirent. Si l'ASER vient de réussir la renégociation du contrat d'électrification rurale avec l’Espagnole AEE Power EPC, il ne s'agit que d'un marché de 92 milliards de FCFA, rien à voir avec les milliers de milliards des contrats sur les hydrocarbures et les mines. Que fera le gouvernement en cas de refus sur les gros dossiers ? La prudence et le bon sens devront guider son action sur ce sujet très sensible et potentiellement coûteux pour le pays.
L’autre risque que ce discours musclé fait peser sur le pays est le découragement des investisseurs étrangers qui pourraient désormais s’orienter vers des pays plus attractifs sur le continent. L’opérateur pétrolier Woodside, qui exploite avec Petrosen le champ de Sangomar, est d’ailleurs en train de réorienter sa stratégie africaine vers la Namibie et la Côte d’Ivoire. Le redressement fiscal lancé contre cette entreprise a de quoi inquiéter en la matière. D’un point de vue symbolique, il est difficile de comprendre l’empressement à lancer un redressement fiscal contre une entreprise qui a investi des milliards de dollars dans notre pays et qui n’a pas encore encaissé le moindre bénéfice sur cet investissement.
Le major australien pourrait bien abandonner la phase 2 de ce projet qui prévoit l’extraction de gaz domestique sur ce gisement. Le développement du projet gazier Yaakaar-Teranga, au large de Cayar, sur lequel on n’a pas encore de FID (Décision Finale d'Investissement) pourrait également être compromis. Nous avons besoin des investisseurs étrangers pour exploiter notre potentiel ; les indisposer avec des discours menaçants ou la promesse de tracasseries fiscales n’est sûrement pas la meilleure approche. Il faut au contraire leur donner envie d’investir dans notre pays.
La Transformation systémique, une ambition tuée dans l’œuf des choix budgétaires
Nous ne le dirons jamais assez, les budgets votés et exécutés par le précédent régime n’avaient pas été conçus dans l’intérêt du peuple sénégalais. Le Budget 2024, dont le nouveau gouvernement poursuit l’exécution, sans loi de finances rectificative, en est un exemple patent avec plus de 3 697 milliards de FCFA consacrés aux dépenses de fonctionnement et transferts courants, contre 1 836 milliards de FCFA pour les charges d’investissement. Le montant faramineux de 1 826,8 milliards de FCFA y est consacré au service de la dette, constitué de l'amortissement de l’encours (1 248,2 milliards) et des intérêts et commissions (578,3 milliards).
Ces intérêts et commissions de la dette sont de plus en plus importants, et le DPBEP 2025-2027 prévoit de les porter à 808,4 milliards en 2025, soit 230 milliards de plus qu’en 2024 ! Ce poste de dépense, tiré par l’endettement effréné auquel nous assistons depuis 2012, est surtout constitué de commissions exorbitantes. Les taux d'intérêt appliqués à la signature souveraine du Sénégal étant généralement inférieurs à 10%, quand les charges de la dette s’approchent du principal ou le dépassent, comme c’est souvent le cas, alors on peut être sûr qu’il s’agit surtout de commissions.
De ces commissions, le grand public ne connaît ni les montants exacts - parce que noyés dans les appellations “Charges de la dette”, “Intérêts de la dette” ou “Intérêts et Commissions” - ni qui les perçoit, ni pour quels services rendus au Sénégal. Tout ce qu’on sait, c’est que ces centaines de milliards de FCFA sont distribués à divers acteurs impliqués dans le montage des dossiers d’emprunt et la levée des fonds. Le profit que ces acteurs inconnus du contribuable lambda tirent de cette manne des commissions pourrait, à lui seul, expliquer le recours abusif à l’emprunt.
Cet endettement qui nous étouffe n’a curieusement plus pour objectif principal de combler le déficit. La part la plus importante de ces fonds, levés majoritairement sur les marchés internationaux hors zone CFA - ce qui a son importance, compte tenu des risques de change - est consacrée au remboursement d’autres dettes, une toute petite portion allant au financement du déficit du budget général. A titre d’exemple, sur l’année 2026, pour un déficit projeté à 765,2 milliards de FCFA, le gouvernement prévoit d’emprunter 3 502,2 milliards ! Le reste servira à financer une obscure rubrique intitulée “Déficit OPEX” qui capte 50 milliards tous les ans et, pire, à rembourser 2 687 milliards pour amortir l’encours de la dette. Pourtant, l’échéancier publié par la Direction de la Dette Publique n’indique que 1 568 milliards à rembourser pour 2026 au titre du principal. Et c’est le même scénario tous les ans : on emprunte des montants faramineux pour les redonner à des créanciers avant échéance, alors qu’ils peuvent être investis immédiatement dans l’économie du pays pour stimuler la croissance.
La seule raison objective qui pourrait justifier un remboursement anticipé est de pouvoir profiter de taux d’intérêts plus bas pour allonger l’échéance et réduire les charges de la dette sur les dépenses courantes du budget. Au vu de la croissance exponentielle de ces charges et du niveau de plus en plus élevé des amortissements, on peut douter que ce genre de restructuration de la dette soit le principal objectif de ces remboursements prématurés, réalisés avec de nouveaux emprunts. La répétition est pédagogique, nous insistons sur le fait que ces emprunts génèrent des commissions colossales à la charge du contribuable sénégalais.
Globalement, selon la programmation budgétaire 2025-2027, le gouvernement envisage d'emprunter 8 798,1 milliards de FCFA. Sur ce montant, 6 365,7 milliards seront utilisés pour rembourser d’autres dettes. Les 2 432,4 milliards restants seront répartis entre les dépenses courantes et les dépenses d’investissements. Or, sur les dépenses courantes, 2 297,6 milliards serviront à payer des intérêts et verser des commissions. Autrement dit, l'équivalent de 98,5% des fonds que l’Etat envisage d'emprunter sur les trois prochaines années sera versé à des acteurs privés, étrangers pour la plupart. Il ne restera donc que 1,5% de ces fonds à injecter ailleurs dans le Budget Général. Pour faire court, considérant le ratio dépenses courantes / dépenses d’investissement, on peut affirmer que moins de 1%, seulement, de cet emprunt pharaonique servira à financer l’investissement. La preuve irréfutable que cet endettement endémique n’est pas destiné à développer le pays, au contraire, il le maintient dans une pauvreté sans fin. Les chiffres ne mentent pas.
Quand les agents du FMI viennent à Dakar déclarer que le Sénégal est en surfinancement, puisqu’ayant levé sur les marchés des fonds au-delà du besoin de financement du déficit, et d’ajouter qu’il faut utiliser l’excédent “pour des opérations de gestion du passif, dans le but d'améliorer la viabilité de la dette du pays”… ils ne nous apprennent rien. Ce surfinancement était inscrit dans la loi de finances 2024. Avec un déficit à 840,2 milliards, le gouvernement est en effet autorisé, par cette LFI 2024, à emprunter 2 138,4 milliards. Le FMI était juste venu s’assurer que ces crédits supplémentaires seraient utilisés par les nouvelles autorités comme planifié par leurs prédécesseurs et inscrit dans le budget, c’est-à-dire pour être reversés aux créanciers. Ces derniers sont en réalité les véritables bénéficiaires de l’encadrement du FMI qui leur assure des placements à très hauts rendements et la sécurisation de leurs capitaux.
Il est indispensable de faire la lumière sur ce scandale silencieux de la gouvernance de la dette et d’y mettre un terme. Il faut se pencher sérieusement sur ce problème, pour comprendre comment nous en sommes arrivés à cette situation et comment en sortir. Quand on s’endette prioritairement pour rembourser d’autres dettes et verser des commissions, et non pour investir et générer la croissance qui permet d’éteindre cette dette à terme, on se condamne à un endettement indéfini, de plus en plus important, qui stérilise l'économie et compromet nos chances de sortir du sous-développement. Il est urgent d’interrompre ce cycle infernal.
Répétons-le, l’orientation budgétaire validée par ce gouvernement suit, en tous points, la même logique d’endettement exponentiel et de répartition déséquilibrée des ressources en défaveur des populations. Paradoxalement, elle va même largement au-delà de ce que faisaient ses prédécesseurs. Suivre cette orientation est politiquement problématique car contraire aux attentes des 54% d’électeurs qui ont adhéré au Projet. D’un point de vue économique, c’est aussi la garantie qu’il sera impossible de réaliser les objectifs de développement sur lesquels le président de la République et le Premier ministre se sont engagés. Les milliers de milliards qu’on s'apprête à injecter dans le fonctionnement de l’Etat, dans les transferts courants - dont une partie non négligeable est captée par la clientèle politique - et dans les commissions sur les emprunts, manqueront mécaniquement aux investissements nécessaires pour atteindre cet objectif. Il faut absolument inverser cette logique suicidaire.
Le Jub, Jubal, Jubbanti, un slogan mis à mal par les faits
Le principal cheval de bataille de l’opposant Ousmane Sonko fut la lutte contre la corruption et l’accaparement des ressources par une élite corrompue. Cette corruption a une matérialisation concrète dans la gestion des finances publiques, pas uniquement dans l'utilisation des moyens excessifs affectés au fonctionnement de l’Etat, mais aussi dans la réalisation des projets exécutés par ce dernier. Nombre de ces projets sont compromis par des détournements d’objectifs, la non-exécution totale ou partielle de certains d’entre eux et par les pratiques de fausses factures et autres moyens de gruger le contribuable sénégalais. Le ministre de l'Hydraulique et de l’Assainissement a d’ailleurs récemment révélé des surfacturations glaçantes sur l’exécution des marchés de l’ONAS. La preuve, si les faits sont avérés, que ces pratiques persistent encore malgré l’alternance.
La croissance continue des effectifs et le coûteux maintien d’une administration pléthorique et inefficace est l’un des problèmes majeurs sur lesquels le nouveau régime est attendu. Le projet de révision constitutionnelle visant la suppression du Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) et du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT) avait été présenté comme un élément majeur du programme de rationalisation des dépenses de l’Etat. Le président de la République avait même affirmé, lors de son premier entretien avec la presse nationale, que l’absence de majorité qualifiée à l’Assemblée nationale était la raison pour laquelle la rationalisation des dépenses ne pouvait être réalisée. Ces deux institutions réunies - les seules concernées par la révision constitutionnelle - ne captent pourtant que 32 milliards de FCFA sur les 1 283 milliards de transferts courants en 2024 et ne représentent que 0,86% de l’ensemble des dépenses courantes. Il faut certes les supprimer car, objectivement, elles n’ont aucune valeur ajoutée. Mais c’est loin d’être suffisant pour véritablement rationaliser les dépenses à l’échelle du budget global. Il faut regarder ailleurs.
L’un des supports du système de corruption massive, mis en place par les régimes précédents, est la création d’agences et de fonctions sans valeur ajoutée au sein des départements ministériels et des organismes publics et parapublics, voire même jusque dans la présidence de la République. La promesse était faite de supprimer certaines de ces structures, et c’est là où il est possible de réaliser de véritables économies sur le train de vie de l’Etat. Ces agences inutiles et coûteuses ne nécessitent qu’un décret présidentiel pour s’en départir.
On peut citer parmi ces structures, entre autres, l’AEME (Agence pour l’Économie et la Maîtrise de l'Énergie) créée par Wade à six mois de l’élection présidentielle de 2012. L’Agence Nationale pour les Énergies Renouvelables coexiste avec une Direction du même nom au sein de son ministère de tutelle. Nous avons une Direction des Mines et de la Géologie et une Direction Générale de la Société des Mines du Sénégal, toutes deux sous la tutelle du même ministre. Il y a même au sein de ce super ministère de l’Energie, du Pétrole et des Mines, une Direction de l’Électricité !
Les dispositifs d’appui à la création d’emploi sont gérés par une multitude d’agences (ANPEJ, DER/FJ, 3FPT, ONFP) qui auraient pu être rassemblées en une seule structure. Le FONSIS, le FONGIP et la CDC, des fonds souverains qui n'ont aucune raison d’exister de manière indépendante, pourraient être fusionnés, de même que l’ANIDA et le PRODAC. Le découpage de Petrosen en 3 filiales n’a aucun sens.
On pourrait multiplier les exemples de structures inutiles ou redondantes qui captent une bonne partie du budget de la nation en dépenses de fonctionnement, nous privant ainsi des investissements nécessaires pour stimuler l’économie et résoudre des problèmes cruciaux. Avec les centaines de milliards ainsi gaspillés dans le fonctionnement de ces structures, les économies annoncées en Conseil des ministres sur “l’usage des consommables informatiques et des appareils électroniques dans les bâtiments administratifs”, paraissent bien symboliques.
Ces agences et directions n’ont pas été supprimées ou fusionnées, comme promis. On s’est juste contenté de congédier les politiciens de l’ancien régime qui les dirigeaient pour les remplacer par des politiciens du régime actuel, au gré des nominations hebdomadaires en Conseil des ministres. Des responsables du parti Pastef et de la coalition Diomaye Président ont ainsi remplacé leurs homologues de l’APR et de Benno Bokk Yaakaar à la tête des directions et conseils d'administration ou de surveillance des entités publiques et parapubliques.
Rien n’a changé dans les pratiques de gabegie de l'administration publique. Pire, avec l’installation des nouvelles équipes, une augmentation considérable des recrutements est constatée dans la fonction publique sur les mois de mai et juin 2024. En effet, un recrutement de 1 148 nouveaux agents a été opéré par les nouvelles autorités en deux mois. La masse salariale mensuelle de la fonction publique a ainsi bondi de 2 milliards de FCFA depuis le mois d’avril 2024, passant de 114,89 milliards de FCFA à 116,82 milliards de FCFA. Clairement, nous ne sommes pas dans la rationalisation. Au contraire, les dépenses non productives sont en train d’exploser et tout ce qu’on nous avait promis sur la lutte contre le gaspillage s’est avéré inexact dans la réalité.
Autre fait inquiétant, les dépenses d’hospitalisation des agents de l’Etat qui, sous le précédent régime, plafonnaient en moyenne autour d’un milliard de FCFA par mois, sont brusquement passées à 1,5 milliard de FCFA. Soit +50% d’augmentation des frais d’hospitalisation des fonctionnaires depuis mai 2024, sans que le contexte sanitaire ne le justifie. Il faudra d’ailleurs vérifier si nous ne sommes pas en présence d’un cas de détournement de deniers publics, maquillé dans la prise en charge médicale des fonctionnaires. La lumière doit être faite sur ce dérapage des dépenses de santé de la fonction publique et sur d'éventuels autres postes de dépenses sur lesquels une telle augmentation inopinée pourrait être relevée.
En dépit des bonnes intentions, de la vision et des discours volontaristes, l’examen des faits et des chiffres montre que le Projet est parti pour être un échec, si rien n’est fait pour modifier rapidement la trajectoire enclenchée. Non seulement, les tares des anciens régimes, qu’il est censé éradiquer, sont toujours là et encore plus résilientes mais, surtout, ce nouveau gouvernement, par son orientation budgétaire, ne se donne pas les moyens de réussir la transformation de l’économie et des institutions qu’il s’est fixé comme objectif. Le réveil pourrait être brutal à l’heure des comptes et le risque politique non négligeable.
Document de Programmation Budgétaire et Économique Pluriannuel, DPBEP 2025-2027, par la Direction générale du Budget du Sénégal
Loi 2023-18 du 15 Décembre 2023 portant loi de finances pour l’année 2024
Communiqué du Conseil des Ministres du 12 Juin 2024
Communiqué du Conseil des Ministres du 28 Août 2024
Tableaux de Bord de l'Économie Sénégalaise, par la DPEE
Bulletin Statistique de la Dette Publique, par la Direction de la Dette Publique
Communiqué de Presse 24/226 du Fonds Monétaire International
L’Afrique noire est mal partie, par René Dumont, Ed. Seuil.
Calculs et Analyses avec SIADE, Système Intégré d’Analyse de Données Économiques, par Bangath Systems
DISSOLUTION DE L'ASSEMBLÉE, NOUVELLE RESPONSABILITÉ DÉNONCE UNE DÉMARCHE INÉLÉGANTE
Cette entité politique dirigée par Amadou Ba appelle les Sénégalais à voter massivement lors des législatives du 17 novembre, en vue de constituer un Parlement capable de rééquilibrer les pouvoirs.
L’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République, ce 12 septembre 2024, a provoqué des réactions diverses au sein du paysage politique sénégalais. La "Nouvelle Responsabilité", à travers un communiqué, n’a pas tardé à exprimer ses réserves quant à cette décision, qu'elle juge certes légale, mais démocratiquement contestable.
Selon cette entité politique dirigée par Amadou Ba, la forme de cette dissolution s’apparente à une « ruse » qui affaiblit la parole du président et donne une importance excessive au Premier ministre. Cette critique met en lumière une perception de la décision comme étant une tentative de manipuler l'équilibre institutionnel au profit du pouvoir exécutif.
La ''Nouvelle Responsabilité'' appelle les Sénégalais à saisir cette opportunité pour voter en masse aux législatives du 17 novembre 2024. Leur objectif : une Assemblée nationale renouvelée, capable de jouer pleinement son rôle législatif tout en équilibrant les pouvoirs. Le communiqué souligne l’importance d’un Parlement « soucieux de l’équilibre des pouvoirs » et axé sur les préoccupations des populations.
Engagée dans la course pour les législatives, la "Nouvelle Responsabilité" affiche sa détermination à bâtir des alliances politiques solides, sans exclusive, en vue d’assurer une victoire de l’opposition. L’enjeu, selon eux, est de garantir un climat politique apaisé et propice au développement du pays, tout en réaffirmant leur soutien au Président Amadou Ba.
Ce positionnement marque un tournant dans la dynamique politique actuelle, avec des partis d’opposition cherchant à consolider leurs forces face à un pouvoir exécutif jugé dominateur.
AMADOU MAME DIOP PREND ACTE DE LA DISSOLUTION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Il a exprimé sa gratitude pour avoir pu accomplir ses fonctions durant son mandat, tout en saluant la confiance du président Macky Sall et la loyauté des députés de la coalition Benno Bokk Yaakaar.
Le président de l’Assemblée nationale, Amadou Mame Diop, a déclaré vendredi avoir pris acte de la dissolution de cette institution parlementaire, une mesure relevant d’‘’une prérogative du chef de l’État, qui en a usée’’.
‘’Ce jeudi 12 septembre 2024, le président de la République a prononcé la dissolution de l’Assemblée nationale. C’est une prérogative du chef de l’État, qui en a usée’’, a écrit M. Diop dans une déclaration parvenue à l’APS.
‘’J’en prends acte et rends grâce à Dieu, le Tout-Puissant, de m’avoir permis, durant ces deux années pleines de péripéties, de remplir mes fonctions de président de l’Assemblée nationale avec honneur, engagement et fidélité aux valeurs républicaines, morales et
démocratiques’’, a-t-il ajouté.
Amadou Mame Diop adresse en même ses remerciements au peuple sénégalais.
‘’En cet instant singulier, je rends un hommage appuyé au président Macky Sall que je n’aurai de cesse de remercier pour sa confiance inébranlable, ainsi qu’aux députés de la coalition Benno Bokk Yaakaar pour leur loyauté’’, a-t-il affirmé.
Les députés de la 14e législature ont bien exercé leur mission parlementaire, selon M. Diop. ‘’Ensemble, nous avons formé l’Assemblée nationale. Individuellement et collectivement, nous avons exercé, au nom du peuple, notre part de la souveraineté nationale’’, a-t-il écrit.
Le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, dans un discours adressé jeudi à la nation, a prononcé la dissolution de l’Assemblée nationale et a annoncé l’organisation d’élections législatives prévues le 17 novembre prochain.
Le groupe Benno Bokk Yaakaar, auquel appartenait Amadou Mame Diop, était légèrement majoritaire au sein de cette institution.
par Thierno Alassane Sall
SUICIDES DE JEUNES CONTRE SUICIDE MORAL
À l'heure de sa mise en œuvre, le "Projet" reste des vœux pieux que le Premier ministre refuse de présenter au peuple. Notre pays, ressemble à un navire à la dérive, sans cap
L’équation "émigration clandestine par pirogue = suicide" a été souvent opposée aux aventuriers du désespoir. Qu'elle soit adoptée par le président Diomaye en dit long sur le renouveau attendu du régime qui devait changer la face du Sénégal. Cette condamnation morale n'aura, hélas, que peu d'effets sur ceux qui ont survécu à de terribles épreuves en mer et vu périr leurs compagnons, tout en se disant prêts à repartir.
Le véritable drame, c’est que Sunugaal, notre pays, ressemble à un navire à la dérive, sans cap. À l'heure de sa mise en œuvre, le "Projet" reste des vœux pieux que le Premier ministre refuse de présenter au peuple à travers l'Assemblée nationale, démocratiquement élue.
Ce reniement n'est pas le dernier, au contraire. En trahissant sa parole donnée à l’Assemblée nationale de tenir la DPG le 13, le président de la République ouvre une ère où l'engagement écrit de la plus haute autorité ne vaut rien. Ce suicide moral explique, pour beaucoup, le "suicide" des jeunes en mer.
2024 s’annonce comme une année économiquement perdue, dominée par des affrontements avec des ennemis réels ou imaginaires (presse, opposition, religieux, puissances étrangères). Tandis que les nominations qui récompensent les copains supplantent les fameux appels à candidatures promis. Comme le confirme un certain ministre, il faut être du système pour avoir sa place à la fête.
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LE CRI DES TRÉSORS VOLÉS
Avec « Dahomey », Mati Diop signe un documentaire aussi innovant que nécessaire sur la restitution des œuvres d'art africaines. En donnant la parole aux objets eux-mêmes, elle offre une perspective inédite sur ce chapitre douloureux de l'histoire
La cinéaste franco-sénégalaise Mati Diop frappe fort avec son nouveau documentaire "Dahomey". Dans une interview exclusive, elle lève le voile sur ce film audacieux qui donne littéralement la parole aux 26 trésors royaux du Bénin, récemment restitués par la France.
"J'ai voulu que ces œuvres racontent elles-mêmes l'histoire de leur pillage", explique Diop. Le film capture le voyage de retour de ces artefacts, offrant une perspective inédite sur la restitution du patrimoine africain.
La réalisatrice met en lumière la jeunesse africaine, dont la voix résonne à travers le film. "Ils sont lucides sur les enjeux diplomatiques", souligne-t-elle, évoquant leur compréhension aiguë des implications de cette restitution.
Diop refuse le didactisme, préférant une approche poétique et fantastique. "C'est politique de s'autoriser à être libre dans la forme", affirme-t-elle, revendiquant le droit à un imaginaire affranchi des contraintes du militantisme traditionnel.
"Dahomey" s'annonce comme une œuvre percutante, mêlant histoire, politique et art pour aborder les stigmates persistants du colonialisme. Un film qui promet de secouer les consciences et de ravir le débat sur la restitution du patrimoine africain.
par Mohamed Gueye
BESOIN URGENT DU NERF DE LA GUERRE
Avec des élections prévues le 17 novembre, le Sénégal s'engage dans une période d'incertitude budgétaire qui pourrait nuire à ses relations avec ses partenaires internationaux
Le président Bassirou Diomaye Faye, contre tout engagement présidentiel et malgré tous les risques, a décidé d’exécuter la commande de son Premier ministre. C’est, en effet, le chef du gouvernement qui, en réplique aux exigences des députés qui l’avaient contraint à une date pour faire sa Déclaration de politique générale (Dpg), avait annoncé que cela n’allait pas se faire. Ousmane Sonko avait même affirmé que «le 12 septembre, ces gens auront bien d’autres préoccupations que d’attendre une Dpg».
Les députés qui auraient eu des doutes sur la question, ont pu se rendre compte hier que le duo au sommet de l’Etat fonctionnait encore en parfaite harmonie. Pour le moment, la volonté du Premier ministre prime sur toute autre volonté, ou même sur les logiques économiques. Or, cela semble mener le pays vers une terrible impasse financière et économique. Le Président, en dissolvant l’Assemblée, a décidé de convoquer le corps électoral le 17 novembre pour l’élection d’une nouvelle chambre.
Il ne nous dit pas d’où il va tirer les moyens pour organiser les prochaines élections. La dernière chronique de Madiambal Diagne mettait déjà en garde : «Le Sénégal a raté ses échéances du mois de juillet dernier avec le Fmi, induisant un non-décaissement de la somme de 230 milliards de francs Cfa. Un autre décaissement en faveur du Sénégal, de 169 milliards, est prévu pour le mois de décembre 2024. Ces sommes sont indispensables pour le budget de l’Etat…» Or, cet argent du Fmi ne pourrait être débloqué, on l’a dit plusieurs fois ici, que sous certaines conditions. Madiambal Diagne l’a expliqué : «Le gouvernement n’a même pas encore adopté en Conseil des ministres, un projet de Loi de finances rectificative. C’est dire que si l’Assemblée nationale se trouve dissoute avant d’avoir fini de voter une Lfr, cette question, pomme de discorde majeure avec nos partenaires, ne sera pas réglée d’ici la fin de l’exercice budgétaire au 31 décembre 2024. En conséquence, la gestion budgétaire souffrira de lacunes, d’anachronismes et de carences qui vont rattraper l’exercice 2025.»
L’ancien directeur de la Solde, M. Charles-Emile Ciss, en a rajouté dans un texte publié en début de semaine, pour rappeler «l’urgence d’élaborer une Loi de finances rectificative permettant au gouvernement, conformément aux dispositions de la nouvelle Loi organique relative aux lois de Finances, de disposer d’une autorisation budgétaire couvrant les actes de dépenses initiés par ses membres (ministres, directeurs généraux, etc.).
Le second risque, non moins majeur en cas de dissolution, c’est que toutes ces opérations budgétaires présentes ou à venir (Budget 2024, Budget 2025) ne seraient pas légalement couvertes et le Sénégal plongerait dans une obscurité budgétaire inédite puisque l’Exécutif, en vertu du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, ne peut s’autoriser à percevoir des impôts et à dépenser.
En effet, la Constitution réserve cette compétence exclusivement au Parlement…»
Le Peuple sénégalais doit donc s’attendre à connaître une longue crise qui, si on n’y prend garde, va se prolonger durant l’année à venir. Et il faudra s’attendre à ce que ce hiatus dans la gestion du budget de l’Etat, et surtout la légèreté avec laquelle cette situation politique aura été conduite, ébranle les relations du Sénégal avec nos partenaires internationaux.
L'ENGAGEMENT PRÉSIDENTIEL EN QUESTION
Sonko n’a jamais eu l’intention de le faire sa DPG. Et Diomaye l’a soutenu à coups de décrets. L'ombre de promesses non tenues planait déjà sur le jeune quinquennat, rappelant étrangement les débuts de celui de Macky Sall
Si certains avaient espéré que la dissolution de l’Assemblée allait être prise après la DPG, la divine surprise ne s’est pas produite : le président a acté la dissolution de l’institution et validé le refus du Premier ministre de se soumettre à cet exercice constitutionnel. Si BDF se défend d’avoir « dupé » le peuple sénégalais, cet engagement non respecté va le poursuivre durant son quinquennat, comme Macky qui n’avait pas réduit son mandat après avoir pris un tel engagement. On lui a toujours rappelé qu’une parole présidentielle est sacrée.
C’est la fin de la tragi-comédie : les députés ne verront pas Sonko, comme il l’avait annoncé lui-même de manière triviale. Il n’est pas devin, mais il est dans les secrets des dieux. Il y a quelques jours, le Premier ministre avait dévoilé les grandes lignes du discours du chef de l’Etat tenu hier : les limogeages de Mme Aminata Mbengue Ndiaye et de M. Abdoulaye Daouda Diallo à la tête du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct) et du Conseil économique, social et environnemental (Cese), après le rejet du projet de loi qui devait supprimer ces deux institutions. Lors de son adresse à la Nation, le président Faye a confirmé le reste des propos de son Premier ministre : la dissolution l’Assemblée et les futures poursuites judiciaires contre les dignitaires de l’ancien régime. Il a « légalisé » ces annonces en signant les différents décrets qui les officialisent.
Jusqu’au bout, certains espéraient pourtant que le Premier ministre allait faire sa Déclaration de politique générale (DPG). Mais, il y a eu des doutes sur la dissolution de l’Assemblée nationale hier, après que le président a convoqué les députés en session extraordinaire pour la ratification de certains traités et aussi la Dpg. Bien sûr, il s’était engagé à travers un décret que son Premier ministre allait se soumettre à cet exercice constitutionnalisé en fixant la date du 13 septembre. Or Sonko n’a jamais eu l’intention de le faire. Et BDF l’y a soutenu à coups de décrets, comme la signature hier de l’acte de décès de la 14ème législature.
Dans ses explications, le président Faye nie une quelconque manœuvre politique. Alors qu’il s’est engagé personnellement dans ce bras de fer institutionnel, il a soutenu qu’il «ne s’est pas agi de duper le peuple sénégalais, mais simplement d’asseoir fermement l’autorité de la loi», tout en rappelant par les actes que «l’ordre politique, sous mon magistère, ne supplantera jamais l’ordre légal». «Il y allait donc de mon devoir juridique, éthique et moral de ne céder la moindre parcelle de tolérance aux contempteurs de la loi. J’en ai donc conclu que le gage d’une collaboration franche avec la majorité parlementaire, dans le seul intérêt du peuple sénégalais, était une illusion. Celle-ci ayant décidé de se détourner du peuple pour promouvoir le culte du blocage, et ainsi entraver la mise en œuvre du Projet sur la base duquel j’ai été élu.» C’est le point final d’un bras de fer entre l’Exécutif et le Législatif dont le personnage central du conflit est le Premier ministre. Sonko est le grand gagnant. Quid de Diomaye ?
LE PARI RISQUÉ DE DIOMAYE
L'espoir d'une accalmie politique post-présidentielle s'envole. Le président, en dissolvant l'Assemblée, relance les tensions plutôt que de les apaiser. Cette décision, visant à protéger son Premier ministre, attise les braises politiques
La dissolution de l'Assemblée nationale était devenue un secret de Polichinelle. Et le président Bassirou Diomaye a acté cette décision hier lors de son adresse à la nation. Mais dans un contexte politico-social peu reluisant, surtout avec la recrudescence de l'émigration irrégulière, le président Bassirou Diomaye Faye ne prend-il pas un risque avec ces prochaines élections législatives prévues le 17 novembre prochain ?
Les querelles politiques sont loin visiblement de connaître leur épilogue au Sénégal. Et ceux qui, lassés par les années de plomb à cause des soubresauts politiques, pensaient tourner la page des polémiques électoralistes avec la dernière élection présidentielle, peuvent déchanter. Il leur reste une autre paire de manches si l'on se fie aux propos du président Bassirou Diomaye Faye qui a annoncé hier la dissolution de l'Assemblée ́nationale tout en fixant la date des élections législatives pour le 17 novembre prochain. Mais en voulant sauver son puissant Premier ministre Ousmane Sonko d'une DPG en queue de poisson voire d'un lynchage parlementaire de la part des députés de BBY, Bassirou Diomaye Faye prend certainement le risque d'organiser des élections législatives qui seront tout sauf une sinécure pour les nouveaux tenants du pouvoir. Loin s'en faut.
Parce que même si la coalition au pouvoir pense surfer sur l'euphorie de la victoire historique et éclatante de la dernière présidentielle, force est de dire que depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. Et à l'épreuve des rigueurs du pouvoir, le Pastef et son ''Projet'' essaient de trouver leur marque de manière plus ou moins poussive. Entre certaines sorties ratées, la dernière en date est celle du ministre de la Santé Ibrahima Sy, et l'affaire Cheikh Omar Diagne qui défraie la chronique, les premiers pas du régime n'ont pas été de tout repos. De même, si la jeunesse a participé fortement à l'élection de Bassirou Diomaye Faye, il faut dire que l'avènement de ce nouveau régime n'a pas calmé leur ardeur concernant l'émigration irrégulière qui connaît une recrudescence dans le pays. Et dans ce dédale, l'opposition ne rate aucune occasion pour tirer avec véhémence sur Diomaye, Sonko et compagnie.
La popularité d'Ousmane Sonko, le seul gage de réussite
Par ailleurs, le Pastef et ses alliés ne doivent leur ascension fulgurante et leurs dernières victoires électorales retentissantes qu'à la seule popularité de leur leader Ousmane Sonko. Un constat d'ailleurs largement partagé par le président Bassirou Diomaye Faye. Lors de son dernier face-à-face avec la presse, le chef de l'Etat a fait savoir à qui voulait l'entendre qu'il devait son élection à son actuel Premier ministre. Tous les analystes sont d'accord que c'est Ousmane Sonko qui a ''élu'' les maires et les députés.
Mais cette popularité suffira-t-elle à persuader les Sénégalais de leur donner la majorité parlementaire en novembre ? L'emblématique homme politique pourra-t-il encore embarquer les jeunes avec la même ferveur ? Les jours et les semaines qui viennent nous édifieront sur la question.
''Déminage'' impossible des bastions de BBY avec les législatives
Mais ce qui est sûr, c'est que les prochaines élections seront âprement disputées. D'autant qu'avec les contraintes des urgences, les nouveaux tenants du pouvoir n'ont pas le temps pour la politique et ne sont pas encore arrivés à ''déminer'' les bastions de l'ancien régime, même si le PM était en déplacement le week-end passé au cœur du ''titre foncier'' de Macky Sall, à Matam. L'ancien chef du gouvernement Amadou Ba, arrivé deuxième lors de la dernière élection présidentielle avec plus de 30%, n'a pas dit son dernier mot. Il compte lancer prochainement sa formation politique. D'autres figures politiques moins représentatives politiquement mais avec une assise médiatique comme Bougane Guèye Dany et Thierno Allassane Sall déclarent déjà la guerre au tandem Diomaye-Sonko. En attendant, la politique dicte toujours sa loi au Sénégal.