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23 avril 2025
Politique
LE NGOR ET LE JOM DEVAIENT INTERDIRE À L’APR DE PRENDRE LA PAROLE
Le ministre porte-parole de lapPrésidence, Ousseynou Ly, a tenu à apporter une réplique salée et de très haute facture à l’Alliance pour la République suite à sa sortie
Le ministre porte-parole de la Présidence, Ousseynou Ly, a tenu à apporter une réplique salée et de très haute facture à l’Alliance pour la République (APR) suite à sa sortie d’hier. Surfant sur sa casquette de membre du Gouvernement, Ousseynou Ly a déconstruit totalement toutes les accusations des responsables de l’APR qui, selon lui, ne devraient même pas prendre la parole s’ils incarnaient les valeurs de « jom » et de « ngor » pour avoir assassiné plus de 60 personnes, blessé plus de 500 personnes et exilé des milliers de jeunes. Entretien exclusif.
Le Témoin - L’Apr reproche au gouvernement une absence de cap, une absence d’orientation sur les politiques publiques, l’inexistence du Projet, des reniements en cascades, des menaces, des perquisitions fiscales, des pertes d’emplois. Quelles réponses apportez-vous à ces griefs ?
Ousseynou LY - La Constitution du Sénégal consacre la liberté de parole à chaque citoyen, mais les valeurs de « jom » et de « ngor » devraient interdire à certains, plus particulièrement aux membres de l’ancien régime, de prendre la parole. Quand, sous son magistère, on a assassiné plus de 60 personnes, blessé plus de 500 personnes et poussé à l’exil des milliers de jeunes, ce qui a accentué le phénomène du Nicaragua, on doit se faire tout petit et ne pas remuer le couteau dans la plaie. En trois mois, malgré la situation très alarmante des finances du pays, le Président de la République Bassirou Diomaye et son gouvernement sont parvenus à des résultats que le régime sortant n’a jamais pu réaliser en 12 ans. En trois mois, nous avons pu annuler la signature du contrat qui allait augmenter le prix de l’eau, rembourser 41 milliards de dettes(2021, 2022, et 2023) aux agriculteurs et opérateurs, réduire les prix des denrées de consommation courante pour 53 milliards, annuler des marchés surfacturés concernant le secteur de la santé, augmenter à 120 milliards l’enveloppe de la campagne agricole, rembourser 10 milliards aux hôpitaux dans le cadre de la CMU, arrêter la spoliation foncière à Mbour 4 et sur le Littoral pour ne citer que ces actions… Si on parvient à ces actions salutaires malgré la tension financière héritée de l’ancien régime, c’est parce qu’on a une parfaite maitrise des finances du pays et le sens des priorités.
Sur les fonds politiques qui sont transformés en fonds secrets, l’Apr parle d’un manque d’élégance du président Diomaye Faye parce que ses prédécesseurs n’ont jamais parlé de cette question. Or, selon l’ancien parti au pouvoir, tout ce qui se fait avec les fonds est encadré et un rapport déposé à l’Assemblée nationale. L’Apr parle, en s’adressant à vous, d’une absence préoccupante de maîtrise a minima du budget et de ses règles d’exécution. Quelle est votre réponse à ces accusations ?
Le Président de la République Bassirou Diomaye Faye a dû faire preuve de beaucoup de retenue pour décrire la tenue des finances de la Présidence de la République et du pays de façon générale. Son sens de l’Etat l’invite à laisser les corps de contrôle faire leur travail et ne pas les gêner dans leurs missions. La ligne d’action du Président de la République repose sur le triptyque « Jub - Jubal - Jubbanti ». Alors,si dire aux Sénégalaisla situation de leurs finances est un manque d’élégance, que nos « amis » se préparent à en enregistrer d’autres car, s’agissant de la conduite des affaires de ce pays, la transparence sera toujours de mise. Toutefois on les comprend aussi, le régime sortant a toujours été allergique à la transparence et à la reddition des comptes. C’est une chose nouvelle qu’ils viennent de découvrir. Les fonds politiques dits fonds « spéciaux » mis à la disposition du Président ont été consommés par l’ancien régime en flagrant mépris des règles de consommation des crédits qui limitent l’utilisation de 50% des fonds sur les 6 mois d’exercice.
L’Apr dément les propos du chef de l’Etat disant qu’il n’a rien trouvé dans les caisses. Quelle est la situation exacte que vous avez trouvée ?
La situation financière de ce pays est catastrophique : surfacturations, détournements, fuites de capitaux, spoliations, emplois fictifs… tout y est. Qu’ils ne s’impatientent pas. Les résultats des audits et contrôles en cours révéleront qui a fait quoi et comment il l’a fait.
Selon toujours l’Apr, l’anéantissement des contrats annoncé par le président Diomaye ferait courir un risque de poursuites judiciaires et de condamnations à l’Etat du Sénégal. Quels effets vous font ces mises en garde sous forme de menaces de l’Apr ?
Après avoir bradé nos ressources, je pense que les gens de l’ancien régime devraient avoir la sagesse de nous laisser réparer — « Jubbanti » — leurs dégâts. Ils ont été incapables de préserver les intérêts du Sénégal dans l’exploitation des ressources naturelles. Ils n’ont passu faire. Alors, qu’ils observent le silence et nous laissent faire ! Pour la réduction des prix des denrées ils avaient dit que c’était impossible. Nous l’avons fait. Ce sera toujours ainsi car, quand on est incapable, on peut facilement penser que tout le monde est incapable.
La réforme annoncée de la justice et surtout les positions alambiquées du président sur le Conseil supérieur de la magistrature poussent l’Apr à parler d’une volonté de votre part de mettre en place une justice aux ordres. Que lui répondez-vous ?
Ont-ils peur des conséquences de leurs actes posés durant leurs 12 années de gouvernance ? S’il y a des sujets sur lesquels l’ancien régime est interdit de parler, la justice en fait partie. Les morts non-élucidées, le coude sur les dossiers, les convocations tous azimuts, les arrestations intempestives, etc. ça porte bien la signature de l’APR-BBY !
LE GÉNÉRAL BIRAME DIOP ANNONCE LA RESTRUCTURATION DE SON MINISTÈRE
Selon le ministre, le dispositif de défense doit constamment évoluer et s’adapter aux défis changeants du contexte sécuritaire national et international. Cela implique, poursuit-il, une vigilance accrue et un investissement soutenu.
D'après le ministre des Forces armées, pour assurer la stabilité dans la région troublée et faire face à des enjeux particuliers, une vigilance accrue des forces armées est nécessaire. Il les invite à apporter des réponses adaptées aux menaces externes que sont le terrorisme et la criminalité organisée dans le Sahel, entre autres.
Le ministre des Forces armées a présidé, avant-hier, la cérémonie de remise des épaulettes aux élèves officiers de l’École nationale des officiers d’active (Enoa) de Thiès, marquant la fin de leur formation initiale. Lors de cette rencontre, le général Birame Diop a soutenu que l’Enoa peut légitimement se glorifier d'avoir produit des officiers de grande valeur, qui se sont illustrés dans l’exercice de leurs responsabilités dans leurs pays respectifs ainsi que dans les organisations internationales.
La cérémonie de la 42e promotion de l’Enoa, d'après lui, revêt une importance particulière, car elle symbolise les résultats des efforts concertés du commandement pour aligner la défense nationale sénégalaise sur la vision de Bassirou Diomaye Faye, Président de la République et Chef suprême des armées.
Cette vision consiste, d'après lui, à renforcer la sécurité et la protection des citoyens ainsi que de leurs biens, dans un environnement national et international de plus en plus complexe. "En effet, les défis sociaux, politiques et sécuritaires actuels, par leur acuité et leur impact dans la construction de notre destin commun, nous interpellent tous. Assurément, notre pays, reconnu pour sa stabilité dans une région troublée, fait face à des enjeux particuliers nécessitant une vigilance accrue de nos forces armées. Les menaces externes, notamment le terrorisme et la criminalité organisée dans le Sahel, exigent des réponses adaptées’’, souligne le ministre.
À ses yeux, le dispositif de défense doit constamment évoluer et s’adapter aux défis changeants du contexte sécuritaire national et international. ‘’Cela implique, poursuit-il, une vigilance accrue et un investissement soutenu. À cet égard, les forces armées sénégalaises ont entrepris une montée en puissance remarquable, grâce à une vision stratégique claire axée sur le renforcement des capacités opérationnelles, à travers l’acquisition d’équipements modernes et la formation continue de notre personnel. Pour accompagner les dynamiques de montée en puissance opérées récemment, une restructuration du ministère des Forces armées est en cours afin d’accompagner convenablement ses différentes composantes dans l’exécution de leurs missions", annonce le ministre des Forces armées.
Sa présence lors de ladite activité, a-t-il précisé, témoigne de l’engagement indéfectible des autorités politiques, en particulier du chef de l'État, chef suprême des armées, à poursuivre la modernisation de l’outil de défense du Sénégal. Dans cette optique, selon lui, la formation pluridisciplinaire et rigoureuse du capital humain de l'armée est essentielle pour atteindre leurs objectifs ambitieux.
Dans ce domaine, il est impératif, à ses yeux, de maintenir et d’amplifier les investissements déjà entrepris à l’Enoa afin de garantir des installations à la pointe de la technologie et d’offrir une formation de qualité adaptée à leurs besoins. Cette dynamique positive, a-t-il poursuivi, sera intensifiée dans les années à venir, consolidant ainsi la position et l'efficacité des forces armées. Il a promis son soutien indéfectible.
Parlant de cette promotion, il a confié que, par la diversité des nationalités qui y sont représentées, elle met en exergue l'importance de mutualiser les efforts des pays africains en matière de formation de leurs élites, face à des défis qui les interpellent tous. ‘’Il est, en réalité, essentiel de maintenir et de renforcer l'intégration sous-régionale et les partenariats intra-africains pour développer des solutions endogènes susceptibles de renforcer la protection de nos sanctuaires nationaux’’, a-t-il lancé.
L’Enoa, en accueillant des stagiaires venus de pays amis et frères, fortifie les liens de coopération entre nos nations. Elle participe à la construction d'une défense commune, fondée sur des valeurs partagées et une vision collective de la sécurité et de la paix. Les cadres qui y sont formés retournent dans leurs pays avec une expertise avérée dans le domaine professionnel et des liens affectifs et fraternels qui auront un impact positif dans le maintien de la stabilité régionale, souligne le ministre des Forces armées.
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THIERNO BOCOUM DÉMONTE LES ARGUMENTS DE DIOMAYE
A l’instar des responsables de l’Alliance pour la République (Apr), le leader du mouvement Agir a donné son avis sur la conférence de presse du président Bassirou Diomaye Faye.
A l’instar des responsables de l’Alliance pour la République (Apr), Thierno Bocoum le leader du mouvement Agir a donné son avis sur la conférence de presse du Président Bassirou Diomaye Faye. Il a fait une lecture sans complaisance du discours de l’actuel chef de l’exécutif, ponctuée de révélations.
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LES EXPLICATIONS DE L'APR SUR LA SUPPOSÉE CAISSE NOIRE VIDÉE PAR MACKY
Suite à la déclaration de Bassirou Diomaye Faye qui a fait savoir qu'il a trouvé une caisse noire vide à son arrivée au pouvoir, les responsables de l'Alliance Pour la République ont apporté des précisions.
iGFM (Dakar) Suite à la déclaration du Président de la République Bassirou Diomaye Faye qui a fait savoir qu'il a trouvé une caisse noire vide à son arrivée au pouvoir, les responsables de l'APR (Alliance Pour la République) ont apporté des précisions, ce lundi, lors d'un point de presse tenu au siège de leur parti.
LE FORUM CIVIL ANTICIPE LA RÉFLEXION SUR LES ASSISES DU SYSTÈME ÉLECTORAL
Le Sénégal reste un modèle démocratique en Afrique de l’ouest. Malgré cette stabilité politique, le pays a traversé des moments très difficiles entre 2022 et 2024, marqués par une crise sur fond électoral
Le Sénégal s'est retrouvé au bord du précipice lors de la dernière élection présidentielle. Pour éviter que pareille situation ne se reproduise, le Forum Civil, en collaboration avec les acteurs politiques du pouvoir comme de l’opposition et de la société civile, a organisé une rencontre de réflexion à Saly. Les conclusions issues de cet exercice vont entrer dans le paquet des propositions qui seront faites lors des prochaines assises sur le système électoral.
Le Sénégal reste un modèle démocratique en Afrique de l’ouest. Malgré cette stabilité politique, le pays a traversé des moments très difficiles entre 2022 et 2024, marqués par une crise sur fond électoral. Au sortir de cette crise, le nouveau Président Bassirou Diomaye Faye avait annoncé la tenue prochaine d'assises sur le système électoral afin de revoir tout le processus pour que dans l’avenir de pareilles situations ne se reproduisent. Dans cette lancée, le Forum Civil a organisé une rencontre qui a regroupé des experts électoraux, la Société civile, des partis de l’opposition et du pouvoir pour mettre sur la table des propositions en perspective des prochaines assises. Pour Doudou Wade, membre du Parti démocratique Sénégalais (PDS) et ancien parlementaire, «le Sénégal avait connu des difficultés liées au processus électoral. Finalement, cela a abouti au code consensuel de 1993 qui pourtant n’aura pas empêché un mort. En 2024, nous avons traversé l’une des crises les plus inquiétantes, causant une centaine de morts. Pendant le second mandat de Macky, l’opposition a été persécutée et des candidats emprisonnés et certains recalés. C’est pour la première fois qu'on accuse des magistrats du Conseil Constitutionnel de corruption avec une mallette de trois milliards. Tout cela est inquiétant. Il faut mener une enquête et punir les fautifs», a soutenu Doudou Wade, ancien président du groupe parlementaire libéral.
Après ce constat, Amadou Bâ, député du groupe parlementaire Yewwi Askan wi, pense qu’il faudra faire le maximum pour trouver une solution à l’équation traumatisante que le Sénégal a traversée. «Quoique ayant réussi à installer beaucoup d’alternance, le système a montré ses limites que nous ne devons pas revivre aux prochaines échéances à venir. Nous espérons que tout le système sera refondu avec suffisamment de garanties, avec un processus électoral interne, seul gage de démocratie», a déclaré le remplaçant de Birame Soulèye Diop à l'hémicycle.
Pourtant, d'autres à l’image de Mamadou Diop Decroix ne sont pas d’avis que le Sénégal rencontre un problème de texte ou d’interprétation des textes. A l’en croire, la loi électorale est claire et limpide et ne souffre d’aucune incompréhension. «Nos textes sont bien clairs, le seul problème que nous avons est un problème de personnes qui les interprètent. Rien ne sert de changer des textes si les interprètes sont de mauvaise foi. Au moment où tous les Sénégalais croyaient que le système judiciaire était à terre, il y a eu des magistrats et des fonctionnaires qui ont pris des décisions en appliquant la règle que l'Exécutif ne voulait pas », a fait savoir le Secrétaire général de And-Jëf/Pads. Pour ce qui est de l’application du bulletin unique, Diop Decroix estime que c’est la meilleure solution. «Si on est dans l’opposition on est d’accord et si on prend le pouvoir, on refuse de l’appliquer pour des raisons politiques. Le bulletin unique est la meilleure solution car on parvient à économiser plus de 70% du budget dépensé et le décompte devient plus rapide», a-t-il suggéré.
Pour sa part, le coordonnateur national du Forum Civil estime qu’il faut garantir l’intégrité du système électoral pour éviter des violences préélectorales et postélectorales «Dans le premier panel sur l’organisation des élections qui a traité les questions du parrainage du système électoral et de la carte électorale, il y a des propositions qui ont été faites. Il y a aussi des recommandations sur le financement des partis politiques, des campagnes et aussi la rationalisation des partis politiques. Du fait que le président de la République a annoncé la révision de l’intégralité du processus électoral, il est donc bon d’en discuter afin de trouver des solutions idoines qui pourront nous éviter des crises», a soutenu Birahime Seck.
Le système électoral est confronté à plusieurs difficultés mais la plupart du temps, elles sont liées à un problème d’interprétation de magistrats et de fonctionnaires en violation de la loi pour satisfaire une demande politique. Ce qui fait déjà croire que même avec les meilleurs textes au monde, si les hommes qui doivent l’appliquer ne sont pas intègres, cela ne servira à rien.
L'ÉDITORIAL DE RENÉ LAKE
DÉCOLONISER LA JUSTICE
EXCLUSIF SENEPLUS - Dans un État démocratique et de droit, la séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire est fondamentale pour assurer le bon fonctionnement et l'indépendance de chaque institution
Aller chercher le savoir jusqu’en…Chine ! Cette recommandation de bon sens est une invite à aller au-delà des frontières de la vieille métropole coloniale pour chercher les meilleures pratiques (best practices), surtout quand, dans un domaine particulier, celle de l’ex-colonisateur n’est pas le meilleur exemple pour la bonne gouvernance à laquelle les Sénégalaises et les Sénégalais aspirent. S’il y a bien un domaine où la France n’est pas une référence à l’échelle mondiale, c’est bien celui de la Justice dans son rapport avec l’Exécutif.
Dans un État démocratique et de droit, la séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire est fondamentale pour assurer le bon fonctionnement et l'indépendance de chaque institution. Au lendemain de la remise au président Diomaye Faye du rapport général des Assises de la justice qui se sont tenues du 15 au 17 juin 2024, ce texte a l’ambition de mettre en lumière l'importance de cette séparation et pourquoi il est critiqué que le président de la République soit également le président du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Prévention de l'abus de pouvoir. La séparation des pouvoirs empêche la concentration excessive de pouvoir entre les mains d'une seule personne ou d'un seul organe. Chaque branche agit comme un contrepoids aux autres, ce qui limite les abus potentiels et favorise la responsabilité.
Indépendance judiciaire. En particulier, l'indépendance du pouvoir judiciaire est essentielle pour garantir des décisions impartiales et justes. Les juges doivent être libres de toute influence politique ou pression externe afin de pouvoir appliquer la loi de manière équitable. En de bien nombreuses occasions, tout le contraire de ce que l’on a connu depuis plus de 60 ans au Sénégal et qui a culminé pendant les années Macky Sall avec une instrumentalisation politique outrancière de la justice.
Fonctionnement efficace du législatif. Le pouvoir législatif doit être libre de proposer, examiner et adopter des lois sans interférence de l'exécutif ou du judiciaire. Cela assure la représentation démocratique des intérêts de la population et la formulation de politiques publiques diverses et équilibrées.
Le président de la République et le Conseil Supérieur de la Magistrature -
Le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) est souvent chargé de la nomination, de la promotion et de la discipline des magistrats. Dans de nombreux pays démocratiques, il est critiqué que le président de la République soit également le président de cet organe pour plusieurs raisons notamment celle du conflit d’intérêt potentiel et de la menace pour la séparation des pouvoirs.
En occupant simultanément ces deux fonctions, le président peut influencer directement les décisions judiciaires et les nominations de magistrats, compromettant ainsi l'indépendance judiciaire. Cette perversion n’a été que trop la réalité de la justice sénégalaise depuis les années 60 avec une accélération sur les deux dernières décennies avec les régimes libéraux arrivés au pouvoir après une alternance politique.
Cette situation a fortement affaibli la séparation des pouvoirs au Sénégal en concentrant trop de pouvoir entre les mains de l'exécutif, ce qui a régulièrement mené à des décisions politiquement motivées plutôt qu'à des décisions basées sur le droit.
La crainte d’une République des juges -
Les acteurs sociaux favorables à la présence du chef de l’État dans le CSM invoquent régulièrement la crainte d’une "République des Juges". Cette idée d'une "République des juges" où le pouvoir judiciaire dominerait les autres branches gouvernementales, n'est pas pertinente dans un système démocratique où il existe de multiples recours et des contrepoids aux potentiels abus des juges. Cette idée relève plus du fantasme jacobin que d’un risque réel dans une démocratie bien structurée, où il existe plusieurs niveaux de recours judiciaires permettant de contester les décisions des juges. Ces recours assurent que les décisions judiciaires peuvent être réexaminées et corrigées si nécessaire.
Par ailleurs, le pouvoir législatif a le rôle crucial de créer des lois et de superviser l'exécutif. En dernier ressort, le législatif peut modifier des lois pour contrer toute interprétation judiciaire excessive ou inappropriée, assurant ainsi un équilibre des pouvoirs.
Enfin, l'indépendance judiciaire signifie que les juges sont libres de rendre des décisions impartiales, mais cela ne signifie pas qu'ils sont au-dessus des lois ou qu'ils ne sont pas responsables. Les juges doivent toujours interpréter et appliquer les lois dans le cadre des normes constitutionnelles établies par le législatif.
La crainte d’une République des juges est un chiffon rouge agité en France depuis longtemps pour justifier un système judiciaire bien plus attaché à l’Exécutif que dans les autres démocraties occidentales.
Historiquement, le président de la République française a été le président du Conseil Supérieur de la Magistrature. Cette pratique a été critiquée pour son impact potentiel sur l'indépendance judiciaire. Actuellement, la réforme de 2016 a réduit le rôle direct du président dans le CSM, mais des questions persistent sur l'indépendance réelle.
De son côté, le système américain illustre une stricte séparation des pouvoirs, où le président n'a qu’un rôle indirect dans la nomination des juges fédéraux. Dans ce processus le président est chargé uniquement de nommer et seul le Sénat américain détient le pouvoir de rejet ou de confirmation. Cela vise à maintenir une certaine distance entre l'exécutif et le judiciaire.
L'Allemagne pour sa part maintient également une séparation rigoureuse des pouvoirs avec des organes distincts pour l'exécutif, le législatif et le judiciaire, évitant ainsi toute concentration excessive de pouvoir et préservant l'indépendance du pouvoir judiciaire.
Le modèle progressiste sud-africain -
L'Afrique du Sud offre un cas fascinant de respect de la séparation des pouvoirs, essentielle pour la stabilité démocratique et la protection des droits constitutionnels depuis la fin de l'apartheid. Suit une exploration de la manière dont la séparation des pouvoirs est respectée dans le système judiciaire sud-africain.
La Constitution sud-africaine, adoptée en 1996 après la fin de l'apartheid, établit clairement les pouvoirs et les fonctions de chaque institution de l’État : l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Elle garantit également les droits fondamentaux des citoyens et définit les principes de gouvernance démocratique.
La Constitution insiste sur l'indépendance du pouvoir judiciaire, affirmant que les tribunaux sont soumis uniquement à la Constitution et à la loi, et ne doivent pas être influencés par des intérêts politiques ou autres pressions externes. Les juges sont nommés de manière indépendante, et leurs décisions ne peuvent être annulées que par des procédures juridiques appropriées, garantissant ainsi leur autonomie dans l'interprétation et l'application de la loi.
La Cour constitutionnelle est la plus haute autorité judiciaire en matière constitutionnelle en Afrique du Sud. Elle est chargée de vérifier la constitutionnalité des lois et des actions du gouvernement, de protéger les droits fondamentaux des citoyens, et de maintenir l'équilibre entre les pouvoirs. La Cour constitutionnelle a le pouvoir de rendre des décisions contraignantes pour toutes les autres cours, garantissant ainsi l'uniformité et la primauté du droit constitutionnel.
En plus de la Cour constitutionnelle, l'Afrique du Sud dispose d'un système judiciaire complet avec des tribunaux inférieurs qui traitent des affaires civiles, pénales et administratives à différents niveaux. Chaque niveau de tribunal joue un rôle spécifique dans l'administration de la justice selon les lois applicables.
La Cour constitutionnelle a souvent été appelée à vérifier la constitutionnalité des lois adoptées par le Parlement sud-africain. Cela démontre son rôle crucial dans le maintien de la séparation des pouvoirs en s'assurant que les lois respectent les normes constitutionnelles et les droits fondamentaux.
Les juges en Afrique du Sud sont nommés sur la base de leur compétence professionnelle et ne sont pas soumis à des influences politiques directes. Cela garantit que leurs décisions sont prises en fonction du droit et non de considérations partisanes ou externes.
La séparation des pouvoirs renforce la protection des droits fondamentaux des citoyens en permettant au pouvoir judiciaire d'agir comme un contrepoids aux actions potentiellement inconstitutionnelles ou injustes du gouvernement ou du législateur.
En respectant la séparation des pouvoirs, l'Afrique du Sud renforce la confiance du public dans le système judiciaire, crucial pour la stabilité politique, économique et sociale du pays.
Se référer aux bonnes pratiques –
La Fondation Ford a joué un rôle significatif et historique dans le processus d'élaboration de la Constitution sud-africaine de 1996. Franklin Thomas, président de cette institution philanthropique américaine de 1979 à 1996, a été un acteur clé dans ce processus. Avant les négociations constitutionnelles officielles qui ont conduit à la Constitution de 1996, l’institution philanthropique américaine a soutenu financièrement des recherches approfondies et des débats critiques sur les principes et les modèles constitutionnels. Cela a permis de jeter les bases d'une réflexion constructive et informée parmi les diverses parties prenantes en Afrique du Sud.
Des rencontres et des dialogues ont été facilités entre les leaders politiques, les juristes, les universitaires, ainsi que les représentants de la société civile et des communautés marginalisées. Ces forums ont joué un rôle crucial en encourageant la participation démocratique et en favorisant la compréhension mutuelle nécessaire à la construction d'un consensus constitutionnel.
Par ailleurs, plusieurs organisations de la société civile en Afrique du Sud ont joué un rôle actif dans les négociations constitutionnelles. Cela comprenait des groupes de défense des droits humains, des organisations communautaires et des instituts de recherche juridique.
En encourageant des initiatives visant à promouvoir la justice sociale, l'équité raciale et les droits fondamentaux, ces efforts ont contribué à ancrer ces valeurs dans le processus constitutionnel sud-africain. Cela a été essentiel pour contrer les héritages de l'apartheid et pour établir un cadre constitutionnel solide basé sur les principes de l'État de droit et de la démocratie.
Le rôle de ces initiatives dans l'élaboration de la Constitution sud-africaine a laissé un héritage durable de liberté et de justice en Afrique du Sud. La Constitution de 1996 est largement reconnue comme l'une des plus progressistes au monde, protégeant une vaste gamme de droits et établissant des mécanismes forts pour la protection de la démocratie et de l'État de droit.
L'expérience sud-africaine a souvent été citée comme un modèle pour d'autres pays en transition ou confrontés à des défis de consolidation démocratique ou de rupture systémique. Elle démontre l'importance du partenariat entre les acteurs nationaux dans la promotion de la bonne gouvernance et des droits humains.
Nécessité d'une transformation systémique au Sénégal –
Avec l'arrivée au pouvoir du mouvement Pastef, il est crucial pour l’administration Faye-Sonko de ne pas tomber dans le piège des petites réformes qui maintiennent intact le système ancien mais d'envisager une réforme judiciaire qui s'inspire des meilleures pratiques internationales, telles que celles observées en Afrique du Sud.
Décoloniser et émanciper la justice au Sénégal implique de repenser et de réformer le système judiciaire de manière à renforcer l'indépendance, la transparence et l'efficacité. S'inspirer des meilleures pratiques internationales tout en adaptant ces modèles au contexte spécifique du Sénégal est essentiel pour promouvoir une gouvernance démocratique solide et durable, répondant aux aspirations des citoyens pour une justice juste et équitable. L’instrumentation politique de la Justice doit devenir une affaire du passé au Sénégal.
Réformer la Justice pour assurer la Rupture au Sénégal ne peut se concevoir que dans un cadre plus général de refondation des institutions. L’éditorial SenePlus publié sous le titre “Pour une théorie du changement“ développe cet aspect de manière explicite. L’ambition pastéfienne de sortir le Sénégal du système néocolonial est partagée par l’écrasante majorité des Sénégalais et des jeunesses africaines. Cette ambition doit cependant être exprimée dans la présentation d’un cadre général clair, discuté et élaboré avec les citoyens. Le processus doit être réfléchi, inclusif et sérieux. Cela aussi, c’est la Rupture exigée par les Sénégalaises et les Sénégalais le 24 mars 2024.
Par Yoro DIA
MONSIEUR LE PRÉSIDENT, MONTREZ-NOUS LA LUNE AU LIEU DE VOUS CACHER DERRIERE VOTRE PETIT DOIGT
Le président de la République, que j’appelle affectueusement Diomaye 1er roi d’Angleterre, parce qu’il règne mais ne gouverne pas, ne nous a pas encore dit ce qu’il ferait des impôts
Commençons par le seul domaine où notre Président semble être compètent : la fiscalité. S’il ne réduit pas la fiscalité à une simple technique de collecte comme il l’a fait en nous récitant ses cours appris par cœur à l’Ena, il doit savoir que ce n’est point un hasard si toutes les grandes révolutions ont une cause fiscale (de la révolte des barons anglais contre le Roi Jean sans Terre en 1215 à la révolution française (injustice fiscale subie par le Tiers Etat), en passant par la révolution américaine (no taxation without representation)). Déjà en 1215, avec la Magna Carta, les barons anglais voulaient bien consentir à payer l’impôt, mais exigeaient de savoir ce que le Roi en ferait.
Le président de la République, que j’appelle affectueusement Diomaye 1er roi d’Angleterre, parce qu’il règne mais ne gouverne pas, ne nous a pas encore dit ce qu’il ferait des impôts. Depuis 100 jours, aucune vision, aucune orientation, confirmant ainsi le projet nakhembaye que la fiscalité devait financer en partie. L’inquisition fiscale qui ne devait être qu’un moyen pour financer une vision, un projet, est devenue une finalité comme le Jub Jubal Jubanti, un credo, une simple méthode devenue aussi une finalité qui comble le vide abyssal de l’absence de vision. La méthode n’est pas la vision. Cette absence de vision a été flagrante lors de l’intervention du Président, et elle est absente depuis le début. C’est pourquoi on a senti que le Président s’ennuie et en est réduit à la banale quotidienneté et aux détails.
Depuis 100 jours, on s’attend à ce que le Président nous montre la lune, mais il préfère se cacher derrière son petit doigt, essayant de créer des polémiques stériles pour masquer l’absence de projet, de vision. Sa déclaration sur les fonds politiques n’est pas digne de son rang, parce que toute personne, un tant soit peu instruite, sait que c’est impossible. Et c’est facile pour les journalistes de le vérifier avec la comptabilité de la Présidence ou au ministère des Finances. Le budget de la Présidence ne relève pas du secret d’Etat, puisque qu’il est voté par l’Assemblée nationale. C’est une nouvelle diversion, une manipulation qui va être déconstruite avec la clarté brutale de la réalité des chiffres. Manipulation aussi sur le souverainisme version Diomaye, qui donne l’exemple du Mali. Nous disons au Président, nous préférons avoir tort avec Dubaï plutôt que d’avoir raison avec Bamako.
J’aime bien comparer Diomaye à un Roi d’Angleterre, comme il règne mais ne gouverne pas. Le Roi d’Angleterre qui ressemble le plus à Diomaye 1er est le Roi Edward VIII. Naturellement, Edward VIII régnait mais ne gouvernait pas, et finira même par renoncer à régner en abdiquant pour les beaux yeux de la dame Wallis Simpson. Avant-hier, Diomaye 1er nous a annoncé son abdication pour prouver sa loyauté absolue, sa soumission à son gourou, le guide suprême Ousmane Sonko son Premier ministre. Avant-hier, le Président Diomaye Faye, nous a dit clairement que son allégeance première ne va pas à la République mais à son gourou et Premier ministre, et que donc ce mandat sert à lui paver la voie vers le fauteuil présidentiel. Nous avons perdu 100 jours et nous perdrons 5 ans, puisque ce mandat est dédié à la réalisation de l’ambition d’un individu. Et pour cet individu, le Président est prêt à tout, y compris des réformes institutionnelles, des modifications constitutionnelles.
Quand Napoléon s’est évadé de l’île d’Elbe pour reprendre le pouvoir en France en 100 jours, Chateaubriand s’exclama face à l’audace de «l’invasion d’un pays par un seul homme». Pour arrêter la banalisation de nos institutions, à commencer par la première d’entre elles, et empêcher la déconstruction de notre République pour le bon plaisir et l’ambition d’un individu, il est grand temps de se réveiller en empêchant cet individu de réussir de l’intérieur ce qu’il n’a pas réussi de l’extérieur : la négation du Sénégal. La candeur de Diomaye devant son gourou est touchante. Elle rappelle le sympathique dentiste du film Mon Voisin le tueur de Bruce Willis. Dans le film, la candeur du dentiste va ramollir son voisin, le redoutable tueur. Celle de Diomaye n’aura pas le même effet sur le gourou de Pastef, qui a l’excès et la violence dans son Adn politique, d’où ses menaces contre les juges et les journalistes. La candeur de Diomaye est si touchante quand il se croit obligé de se justifier sur le choix des journalistes invités, mais un chef d’Etat ne doit pas descendre à ce niveau de détails. Mais cette candeur permet aussi de comprendre l’emprise du gourou sur notre président de la République, qu’il faut sauver comme le soldat Ryan.
Yoro Dia est politologue, ancien ministre, porte-parole de la présidence de la République.
Par Madiambal DIAGNE
DIOMAYE, PRÉSIDENT MALGRÉ LUI
Nombreuses sont les personnes qui disent être restées sur leur faim ou même très déçues, après avoir suivi l’entretien que le président Bassirou Diomaye Faye a accordé à des journalistes sénégalais
Nombreuses sont les personnes qui disent être restées sur leur faim ou même très déçues, après avoir suivi l’entretien que le président Bassirou Diomaye Faye a accordé à des journalistes sénégalais. L’exercice était très attendu, dans la mesure où il constituait la première sortie médiatique du nouveau chef de l’Etat. Il a sacrifié à la tradition de s’adresser aux médias pour tirer les enseignements des cent premiers jours de gouvernance et fixer un cap. Mais Bassirou Diomaye Faye n’a pas éclairé davantage la lanterne de ses compatriotes. Sans doute qu’il n’a pas été aidé par l’obséquiosité dont les journalistes n’ont cessé de faire montre durant tout l’entretien. Ils ont même poussé la courtoisie ou la bienséance, jusqu’à remercier Bassirou Diomaye Faye d’avoir préféré s’adresser en primeur aux médias nationaux. Quel est le chef d’Etat au monde qui a eu l’outrecuidance d’accorder sa première interview à des médias étrangers ? Notre consœur de la RTS, Fatou Sakho, qui distribuait la parole à l’occasion, a pu laisser croire que les questions étaient déjà convenues. C’est ce qui expliquerait peut-être qu’aucune question n’a été posée au président Bassirou Diomaye Faye sur sa perception du conflit irrédentiste en Casamance et les solutions qu’il préconiserait pour le régler. Cette question, une épine douloureuse dans le pied du Sénégal, reste le plus durable conflit armé au monde, avec son lot macabre de victimes. Pour autant, elle demeure encore taboue pour le chef de l’Etat du Sénégal (voir notre chronique du 22 avril 2024).
Les silences radio du Président Faye
Cacherait-il son jeu ? On n’a aucune idée du calendrier de réformes institutionnelles que le chef de l’Etat envisagerait de conduire. Pourtant, il n’a pas échappé au public que lors du Conseil des ministres du mercredi 10 juillet 2024, le président de la République a évoqué «un agenda législatif qui doit viser une révision de la Constitution et des codes spécifiques». On ne saura donc pas l’échéance de la dissolution de l’Assemblée nationale et de la tenue, dans la foulée, d’élections législatives anticipées, même si le Président Faye souligne qu’il n’a pas encore pu tenir sa promesse de suppression du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct); parce qu’il ne dispose pas encore d’une majorité parlementaire pour procéder aux réformes constitutionnelles nécessaires. Exit la voie référendaire pour la réforme de la Constitution ? Il est difficile de ne pas croire que le président de la République joue sur le registre de la ruse, qui ne devrait d’ailleurs tromper personne. La dissolution de l’Assemblée nationale est une fatalité, car nul ne saurait envisager qu’un nouveau régime puisse continuer de se coltiner une Assemblée nationale de 165 députés, dans laquelle il ne compte pas plus de 40 d’entre eux qui lui sont affiliés ou favorables. C’est dire que le président Faye attend simplement d’arriver à l’échéance à laquelle la dissolution lui sera autorisée par la Constitution, pour signer le décret pertinent. Il se donnerait ainsi l’avantage de surprendre ses adversaires politiques qui ne seraient pas suffisamment préparés à des élections anticipées. En évitant soigneusement d’évoquer la perspective d’une dissolution, il s’épargne d’en rajouter à la colère des députés contre le Premier ministre Ousmane Sonko, qui a refusé de faire une Déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale. Les députés mécontents avaient, il faut le rappeler, brandi la menace de faire adopter une loi constitutionnelle qui priverait le président de la République de tout pouvoir de dissolution de l’Assemblée nationale. Bassirou Diomaye Faye tiendrait à apaiser la querelle entre son Premier ministre et l’Assemblée nationale. Mais il cherche laborieusement à justifier la posture indélicate de son Premier ministre et a, avec une maladresse sidérante, cautionné l’hérésie qu’il y aurait plus de qualité dans les débats si le Premier ministre Sonko faisait sa Déclaration de politique générale devant un jury populaire, composé d’experts, plutôt que devant les députés. L’autre incongruité aura été que le Président Faye semble s’entêter à ne pas trop daigner s’incliner devant la mémoire des centaines de jeunes migrants clandestins dont les corps ont été engloutis ou rejetés par les océans.
Quand le président se soumet à son Premier ministre
Bassirou Diomaye Faye a laissé son monde pantois, quand il préconise d’équilibrer les pouvoirs constitutionnels en transférant des pouvoirs du président de la République à un Premier ministre qui, du reste, est non élu par le Peuple. Il s’est montré si soumis à Ousmane Sonko qu’on ne pourrait pas trop le croire sincère. Il se déclare prêt à procéder aux réformes nécessaires : «Je lui ai dit que cela se fera quand il voudra.» Expliquant ses discussions pour apaiser la tension entre le Premier ministre et les députés, Bassirou Diomaye Faye a dit : «Le Premier ministre a levé le pied sur sa volonté de faire une déclaration devant une assemblée populaire, le 15 juillet 2024.Maynama ko »en wolof (que l’on peut traduire par : «il me l’a concédé» ou «il l’a accepté pour moi» ou encore «il m’en a fait la faveur»). Chacun appréciera la portée du propos.
Le président Faye est aussi prêt à lui céder son fauteuil ou à l’y installer à la première occasion. « J’encourage Ousmane Sonko à ne pas lorgner le fauteuil, mais à bien le regarder.» Le président Faye s’est employé à plaire à son Premier ministre. Il le dit dans sourciller et, avec désinvolture, ajoute qu’il a toujours travaillé pour que Ousmane Sonko occupe le fauteuil présidentiel et qu’il continuera de le faire. «Il est compétent pour la fonction. Il fait un excellent travail, formidable. Si j’ai pu faire un agenda international pareil, c’est parce qu’il est le meilleur Premier ministre du Sénégal.» Il tient néanmoins à souligner : «Le Premier ministre n’était pas mon ami. Seulement, avant notre sortie de prison, quand on nous a permis de nous asseoir ensemble, je lui ai suggéré qu’on devienne désormais des amis pour éviter d’être divisés par les gens. Nous étions partenaires dans un projet, en toute loyauté, mais nous n’étions pas des amis.» On ne sait plus qui croire entre le président et son Premier ministre, car Ousmane Sonko parlait de leur amitié légendaire au point qu’il lui avait trouvé un petit nom. Pour sa part, Bassirou Diomaye semble forcer les traits de cette relation d’amitié, jusqu’à la caricature, dans le moindre des détails, comme du genre : «Il est venu aujourd’hui chercher mon fils pour qu’il passe la journée chez lui» ; ou encore : «Après la réunion du Conseil des ministres, nous restons pendant plus de deux heures pour nous parler.» Le président français Emmanuel Macron revendiquait l’amitié de son Premier ministre Edouard Philippe, qui a répondu un jour : «Quand vous avez un président et un Premier ministre, leurs relations ne se placent pas sur le registre de l’amitié.» Au Sénégal, Abdou Diouf et Habib Thiam semblaient l’avoir compris de la sorte.
Le président Faye a fini par apparaître blasé, presque désintéressé par sa fonction. Il affirme ne courir derrière rien, ne revendique aucune préséance et n’a nullement la prétention de s’imposer, en quoi que ce soit. Une sorte de Roi d’Angleterre qui se passerait même de ce qu’on lui fasse la révérence. Franchement, n’eut été son embonpoint naissant, on aurait pensé que le président Faye commence à en avoir marre de tout ça. Même dans sa vie personnelle, il dit se suffire de presque rien et «vit heureux avec peu». Assurément, un tel paradigme ou principe de vie est aux antipodes de l’ambition de développer un pays et de créer des richesses pour ses populations. C’est ce qui expliquerait certainement que la politique économique et sociale du gouvernement tend à faire baisser les prix, pour faire réaliser quelques petites économies de bouts de chandelle aux ménages, plutôt que de créer une dynamique de faire gagner plus de revenus aux populations. Les personnes qui attendaient ou espéraient que le président de la République fixe un cap, définisse une politique économique et sociale claire, prendront encore leur mal en patience. Bassirou Diomaye Faye a même fait montre d’une circonspection étonnante quant au fameux «Projet», référentiel de politiques économiques, toujours vanté et qui s’est révélé être une chimère. Pour une fois, Bassirou Diomaye Faye n’a pas prononcé ce vocable devenu le générique de Pastef. On retiendra que sa politique économique consistera à lever des ressources intérieures par la fiscalité. C’est sans doute une bonne approche, d’autant que la fiscalité constitue un instrument de politique économique essentiel qu’il faudrait manier avec dextérité et prudence, car en la matière «les taux tuent les totaux».
Lapsus ou mauvaise conscience ?
Le choix porté en la personne d'Abdoulaye Bathily, désigné comme «Envoyé spécial» pour mener une médiation entre la Cedeao et les pays de l’Alliance des Etats du Sahel, en rupture de ban avec l’organisation communautaire, semble être judicieux. Bathily a la réputation, l’entregent et le carnet d’adresses nécessaires pour réussir une telle mission. Mais la question de la déclaration de patrimoine semble constituer une hantise pour le nouveau président de la République. Il a buté sur l’expression de «Déclaration de politique générale», plusieurs fois, en prononçant en lieu et place celle de «déclaration de patrimoine». Un lapsus révélateur dirait-on. Le parterre d’intervieweurs ne pouvait donc plus s’épargner de lui demander la publication de sa déclaration de patrimoine. Dans ces colonnes, on le défiait, ainsi que son Premier ministre, de publier leur déclaration de patrimoine («Diomaye-Sonko, osez montrer vos biens», 8 juillet 2024). Bassirou Diomaye Faye, visiblement embarrassé par l’interpellation, renvoie tout bonnement la responsabilité de la publication au Conseil constitutionnel. Il n’est pas sans savoir que le Conseil constitutionnel n’a jamais pris sur lui de publier les déclarations de patrimoine. L’institution a toujours laissé le soin aux impétrants présidents de la République de le faire, de leur propre gré. Pourquoi devra-t-elle faire avec Bassirou Diomaye Faye ce qu’elle n’avait pas fait avec Macky Sall ou Abdoulaye Wade ? On ne saura donc pas à combien s’évalue le patrimoine de Bassirou Diomaye Faye et sa composition. Ainsi, le chef de l’Etat peut s’autoriser, sans trop de risques, de s’indigner que des hectares de terres aient pu être donnés à Mbour IV à des personnes, feignant d’oublier que dans une publication de son patrimoine (exercice auquel il n’était pas obligé), faite avant l’élection présidentielle, il avait laissé constater qu’il était bénéficiaire d’attributions de plusieurs hectares de terres dans la même région. Nul n’est dupe : si Bassirou Diomaye Faye veut tenir sa promesse, il n’a qu’à prendre sur lui de publier sa déclaration de patrimoine.
En outre, Bassirou Diomaye Faye, sans l’air d’y toucher, n’a pas manqué de se défausser sur son prédécesseur, Macky Sall. Il a notamment indiqué qu’il n’a pas trouvé sur place les attributions budgétaires relatives aux fonds politiques. Voudrait-il parler de la dotation du premier trimestre 2024 ou de la totalité du budget annuel ? La clarification est indispensable, d’autant que dès son installation, le gouvernement s’était félicité du respect scrupuleux par le gouvernement précédent, des taux d’exécution budgétaire au premier trimestre de l’année. Selon le rapport d’exécution budgétaire pour le premier trimestre de l’année 2024, publié par le ministère des Finances et du budget, «les dépenses du Budget de l’Etat (base ordonnancement) sont réalisées à hauteur de 1358, 71 milliards de francs CFA, représentant 24, 30% des crédits ouverts au 31 mars 2024». Le paradoxe restera, qu’après avoir déclaré n’avoir pas trouvé les crédits des fonds politiques sur place, le président Faye a essayé de justifier la pertinence ou la nécessité d’un tel chapitre de dotation financière en invoquant des prises en charge sociales qu’il a déjà consenties. Avec quels crédits alors a-t-il pu réaliser de telles largesses ? On rappellera que Macky Sall avait sorti la même vanne contre son prédécesseur Abdoulaye Wade, affirmant n’avoir pas trouvé de fonds politiques disponibles. C’était le 28 juin 2012 à Ziguinchor, à l’occasion d’une conférence de presse à l’intention des médias nationaux, pour faire le bilan de ses cent premiers jours à la tête du Sénégal. Sans doute que les situations économiques et financières n’étaient pas les mêmes car à la Présidentielle, Abdoulaye Wade disait à qui voulait l’entendre que les caisses de l’Etat étaient vides et que s’il n’était pas réélu, les salaires des fonctionnaires ne seraient pas payés à la fin du mois d’avril 2012. A tous ceux qui se faisaient du mauvais sang, quant au séjour prolongé et coûteux du chef de l’Etat à l’hôtel, depuis son élection, Bassirou Diomaye Faye a précisé qu’il a fini par rejoindre le Palais présidentiel à la fin du mois de juin 2024.Il n’était resté à l’hôtel que parce qu’il avait besoin de faire procéder à certains travaux pour adapter le Palais à sa propre condition de vie sociale et que son domicile privé n’offrait pas les garanties de sécurité suffisantes. Comparaison n’est pas raison, mais Abdoulaye Wade et Macky Sall continuaient de loger dans leurs domiciles privés, le temps nécessaire pour réaliser des travaux au Palais. Ils habitent le même quartier que Bassirou Diomaye Faye. Dites-donc, c’est ce petit coin bourgeois, Fann-Mermoz-Point E, qui nous fournit toujours des chefs d’Etat ?
LES "VÉRITÉS" DE BOUGANE GUEYE
Sur le foncier, le patron de D Media demande au président Diomaye de commencer par rendre d'abord les 4,300 hectares qu'il possède avant de retirer les hectares que d'autres Sénégalais ont pu acquérir à Thiès
Revenant sur la conférence de presse du chef de l'Etat de samedi, Bougane l'assimile à une dictée préparée: "C'est une dictée préparée. C'est décevant que le président parle aux sénégalais, sans parler des marchands ambulants; ils ont contribué au combat pour le départ de Macky Sall. Ces marchands méritent respect et considération, idem pour les Jakatamen".
Sur le fisc, il trouve dommage que les nouvelles autorités pensent que c'est avec seulement les impôts qu'on peut faire développer le pays. Pour Bougane, la façon dont le président Diomaye Faye a présenté le problème des impôts est loin de la réalité. C'est juste une manière le président de manipuler les populations, surtout celles qui ne connaissent rien de cette question.
Avant de poursuivre: " D Média est en règle avec les toutes les institutions sociales et fiscales. Je défie quiconque de démontrer le contraire. Je n'étais pas d'accord avec l'amnistie fiscale de 2021 du président Macky Sall. J'y croyais. Je ne suis pas un délinquant fiscal. J'ai demandé à mes agents d'aller vérifier eux même si leurs cotisations ont été versées ou pas au niveau des institutions sociales". Et de révéler que: " sur les 40 milliards d'impôt de la Presse, l'APS, Le SOLEIL et la RTS se partagent les 30 milliards".
Sur le foncier, Bougane demande au président Diomaye de commencer par rendre d'abord les 4,300 hectares qu'il possède avant de retirer les hectares que d'autres Sénégalais ont pu acquérir au niveau de Mbour 4 à Thiès. Aussi, révèle-t-il: " à chaque fois qu'il y a partage dans le foncier, les Impôts ont eu leur part du gâteau."
Sur les Fonds politiques, le patron de D Média, interpelle le président Diomaye. "Le président a dit qu'il n'a rien trouvé des fonds politiques à son arrivée au pouvoir. Mais le rapport d'éxécution du 1er trimestre 2024 est sur votre table. Sur le budget de la Présidence, on a consommé que 22 milliards FCFA, soit 28%. Où est passé le reste?" demande-t-il. Mieux, soutient-il, "le président Diomaye dit qu'il n'a pas trouvé de fonds politiques, mais il a trouvé des fonds spéciaux. Qu'il dise aux Sénégalais, où sont ces fonds spéciaux?"
Bougane est également revenu sur la saisine de son immeuble par une banque de la place comme annoncée dans la presse pour une dette de 600 millions. "C'est faux. La banque qui a dit, ment" réplique-t-il.
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DIOMAYE-SONKO, BICEPHALISME INFORMEL AU SOMMET?
Qui a dit qu’un PM ne peut pas recevoir un Ambassadeur qui a déjà présenté ses lettres de créances au Président ? Quel péché commet Sonko en recevant des diplomates ? A quelle conditions le duo Sonko-Diomaye va -t-il survivre ? - Explication de Mademba
Le journaliste Mademba Ndiaye plaide pour une bonne campagne de promotion du Pacte national de bonne gouvernance démocratique auprès des différentes composantes de la société comme les médias, les rappeurs et les chefs religieux afin de soutenir l'adoption de cet outil de gouvernance par le président Diomaye Faye, dont le régime est victime d'une certaine perception dû à son caractère bicéphale.
Le Pacte national de bonne gouvernance démocratique (PNBGD) est un bon outil de gouvernance conçu par des organisations de la société civile au plus fort de la dernière campagne électorale et destiné aux gouvernants.
Seulement, cet outil est très peu connu par les Sénégalais alors même que sa mise en œuvre par le nouveau gouvernement de Diomaye Faye se fait encore attendre bien qu’il l’eût bel et bien signé comme 12 autres anciens candidats à la présidentielle du 24 mars 2024. La mise en oeuvre du Pacte et la nouvelle Assemblée changera certianement la perception que les citoyens ont de l'Exécutif actuel.
L’architecture du nouveau gouvernement interpelle bien des observateurs du fait de son caractère bicéphale même si ce n’est pas une première au Sénégal. En effet, quelques décennies plus tôt, les premiers dirigeants du Sénégal indépendant étaient presque dans la même situation.
Toutefois, Senghor et Mamadou Dia étaient dans un bicéphalisme formel donc constitutionnellement organisé, selon Mademba Ndiaye. Les problèmes sont survenus quand l’une des personnalités a voulu passer outre la constitution pour poser des actes.
Le régime Sonko-Diomaye va-t-il échapper à une crise? Rien n’est moins sûr. En tout cas, pour le moment des actes posés par l’un et de l’autre ne sont pas toujours et forcément bien perçus à tort ou à raison puisque contrairement à Senghor et Dia, Diomaye et Sonko sont dans un bicéphalisme informel.
En effet, ce bicéphalisme informel du régime de Diomaye-Sonko pose un problème de perception auprès des citoyens à tel enseigne que certaines actions normales posées par le Premier ministre sont perçues comme anormales par certains observateurs.
Toutefois, les prochaines législatives devraient clarifier cette situation pour que chacune des deux personnalités sache les prérogatives constitutionnelles qui lui sont dévolues constitutionnellement parlant.
Pour que le duo continue de travailler en parfaite harmonie, selon Mademba Ndiaye, il faudrait que le Premier ministre fasse tout faire pour éviter de donner l'impression qu'il grignote les prérogatives du président de la République, montrer tout simplement du respect au chef de l'Etat en dépit de la vieille amitié qui les lie et des fonctions que chacun est amené à occuper du fait de la tournure des événements qui se sont succédé sous le magistère du précédent régime.
Le duo en tout état de cause devrait tout faire pour éviter le clash, car tout premier clash sera pratiquement un crash parce que ce sera très dur pour la suite pour les deux dirigeants qui ont connu l'amère saveur de leur militantisme et qui sont partis du bas niveau au sommet de la tour, de la prison à la présidence pour l'un et de la prison à la Primature pour l'autre.