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18 avril 2025
Politique
L’ASSEMBLÉE SE PENCHE SUR UNE PROPOSITION D’INTERPRÉTATION DE LA LOI D’AMNISTIE
Le texte, approuvé sans réserve par le président de l’Assemblée, sera examiné par la commission technique le 21 mars, avant d’être soumis à une plénière le 2 avril pour débat et adoption éventuelle.
Le président de l’Assemblée nationale, El Malick Ndiaye, a annoncé avoir reçu une proposition de loi du député Amadou Ba, membre du parti Pastef, portant sur l’interprétation de la loi d’amnistie.
Cette initiative législative vise à clarifier certains aspects de la loi afin de lever toute ambiguïté sur son application.
Le président a donné un avis favorable à cette proposition, sans émettre d’observation particulière. Cet aval ouvre la voie à l’examen du texte par les instances compétentes de l’Assemblée nationale.
Le calendrier parlementaire prévoit que la commission technique se réunira le 21 mars pour une étude approfondie du texte.
Cette étape sera suivie d’une plénière programmée pour le 2 avril, où les députés devront débattre et statuer sur l’adoption ou non de cette interprétation de la loi d’amnistie.
LE CARIBBEAN PAN AFRICAN NETWORK DÉNONCE LES SANCTIONS AMÉRICAINES CONTRE CUBA
L'organisation s'insurge contre des mesures visant spécifiquement à "intimider les investisseurs étrangers" et à "saper la capacité des entités cubaines à produire des biens et services"
(SenePlus) - Un message ferme a été adressé à l'administration Trump par le Caribbean Pan African Network (CPAN). Dans un communiqué publié le 27 février 2025, l'organisation pancaribéenne, présente dans dix-sept pays de la région, condamne fermement la décision de Washington de réinscrire Cuba sur la liste des États soutenant le terrorisme.
Le CPAN rappelle que l'administration Biden avait fait un pas positif le 14 janvier 2025 en retirant Cuba de cette liste controversée, une décision alors saluée comme "un pas dans la bonne direction" par la CARICOM, principale organisation multilatérale caribéenne. Cependant, moins d'une semaine plus tard, la nouvelle administration Trump a non seulement réintégré Cuba sur cette liste, mais a également rétabli plusieurs mesures punitives.
"Le président Donald Trump a révoqué la suspension des poursuites judiciaires devant les tribunaux américains en vertu du titre III de la loi Helms-Burton, et réinstauré la liste des entités cubaines restreintes avec lesquelles les personnes ou entités américaines ne peuvent effectuer de transactions", précise le communiqué.
L'organisation dénonce également les sanctions imposées par le secrétaire d'État américain Marco Rubio contre toute personne facilitant le travail des brigades médicales cubaines, mondialement reconnues pour leur expertise.
Selon le CPAN, ces mesures ont un objectif clair : "intimider les investisseurs étrangers, fermer les sources possibles de revenus externes pour Cuba, saper la capacité des entités cubaines à produire des biens et services, et ravager le niveau de vie et la qualité de vie du peuple cubain."
Le réseau pancaribéen rappelle que depuis trente ans, une large majorité des nations du monde votent chaque année à l'Assemblée générale des Nations Unies pour condamner l'embargo américain contre Cuba, le qualifiant de violation du droit international.
"Nous affirmons, sans crainte d'être contredits, que le gouvernement des États-Unis a l'obligation légale claire de mettre fin à son embargo financier, économique et commercial contre Cuba et de retirer Cuba de la liste des États soutenant le terrorisme du Département d'État américain", conclut le communiqué signé par le Comité exécutif du Caribbean Pan African Network.
PAR Adama Dieng
UN PAS HISTORIQUE VERS L’UNITÉ DU MONDE MUSULMAN
EXCLUSIF SENEPLUS - Pour la première fois, des érudits sunnites et chiites de premier plan se sont engagés dans un dialogue substantiel, transformant en actes l'appel lancé en 2022 par le Grand Imam d'Al-Azhar
Dans un monde où les divisions ont trop souvent entravé le progrès, le besoin d’unité entre les musulmans n’a jamais été aussi urgent. L’islam, dès sa création, a mis l’accent sur la fraternité, la coopération et la solidarité entre les croyants. Pourtant, l’histoire a été témoin de moments où les différences ont été exploitées, conduisant à la fragmentation et à la discorde entre musulmans. Plutôt que de disperser leur énergie dans des conflits, les musulmans doivent reconnaître l’immense force qui naît de l’unité. En acceptant la diversité au sein de la Oumma et en nous focalisant sur les défis communs, qu’ils soient politiques, économiques ou sociaux, nous pouvons garantir que nos efforts collectifs contribuent à la prospérité et à la dignité de tous.
Fin février 2025, à Bahreïn, nous avons assisté à un moment déterminant dans l’histoire des relations intra-islamiques. L’appel lancé le 3 novembre 2022 lors de la Conférence de dialogue intra-islamique à Manama, au Bahreïn par Son Éminence le professeur Ahmed Al-Tayeb, grand imam d’Al-Azhar et président du Conseil des sages musulmans, en faveur d’un dialogue entre les principaux érudits des écoles de pensée islamique, principalement sunnites, et les érudits chiites, s’est finalement traduit par des actes. La conférence, organisée sous le thème « Une seule oumma… un seul destin commun », a vu des personnalités religieuses de premier plan issues de diverses traditions islamiques s’engager dans des discussions approfondies et significatives, aboutissant à une recommandation concrète : la création d’un groupe d’experts pour poursuivre cette réflexion essentielle et assurer son application pratique.
Cette initiative, rendue possible grâce au patronage du roi, Sa Majesté Hamad Bin Issa Al Khalifa, témoigne du rôle de Bahreïn en tant que pont de réconciliation. Historiquement, Bahreïn a été une terre de coexistence entre les communautés sunnites et chiites, malgré les défis. Sous la direction du roi, Sa Majesté Hamad bin Isa Al Khalifa, des efforts ont été faits pour favoriser davantage l’inclusion et reconnaître la riche diversité des traditions islamiques de la nation. Ce dialogue représente un pas en avant pour assurer une gestion constructive de la diversité dans le monde musulman.
La vision du Grand Imam : courage, sagesse et unité
Au cœur de ce dialogue se trouve le Grand Imam d’Al-Azhar, le professeur Ahmed Al-Tayeb, dont la sagesse et le courage d’avoir initié une telle rencontre ne peuvent être exagérés. Il défend depuis longtemps l’idée que les divisions entre musulmans sunnites et chiites et d’autres traditions islamiques sont artificielles, et qu’elles sont plus le résultat de manœuvres historiques et politiques que de divergences théologiques. En effet, comme il l’a souligné dans son discours, rien ne différencie fondamentalement un sunnite d’un chiite aux yeux de l’islam.
Son appel à l’unité n’est pas un appel à effacer les différences mais plutôt à adopter les principes communs qui lient tous les musulmans. Il nous a rappelé que la première constitution proclamée par le Prophète Mahomet (PSL) à Médine réaffirmait le principe de non-discrimination. Ce précédent historique devrait servir de modèle aux sociétés musulmanes contemporaines aux prises avec des tensions sectaires qui ont, dans de nombreux cas, dégénéré en conflits armés.
Au cours de la dernière décennie, les tensions entre sunnites et chiites ont été exploitées pour alimenter la violence dans différentes parties du monde. Ces divisions ont permis à des forces extérieures de manipuler et d’affaiblir la Oumma musulmane, en dressant les frères les uns contre les autres tout en ignorant le principe fondamental d’unité que défend l’Islam. Le dialogue à Bahreïn est un effort courageux pour dépasser ces divisions et œuvrer vers une thérapie collective et au progrès.
De la rhétorique à l’action
Ce qui distingue ce dialogue des discussions passées sur le rapprochement sunnite-chiite, c’est son engagement à agir. La recommandation de créer un groupe d’experts marque un progrès qui va des discussions théoriques aux mesures pratiques visant à assurer une paix et une compréhension durables. Ce groupe d’experts sera chargé d’élaborer des cadres formels pour institutionnaliser le dialogue intra-islamique, favoriser la tolérance religieuse et empêcher que les conflits sectaires ne soient instrumentalisés à des fins politiques.
Outre les chefs religieux, le rôle de la jeunesse musulmane dans la construction de l’avenir de l’unité ne peut être négligé. Les jeunes de tout le monde musulman doivent être impliqués dans ces discussions et initiatives. Ce sont eux qui porteront les principes de fraternité, de tolérance et de collaboration. Les programmes scolaires devraient inclure des exemples historiques de coexistences réussies entre différentes traditions islamiques, en mettant l’accent sur les valeurs communes plutôt que sur les points de discorde.
Il est impératif que cette dynamique se poursuive. Les gouvernements, les chefs religieux et les organisations de la société civile doivent investir dans des initiatives de consolidation de la paix qui favorisent le respect et la compréhension mutuels. En outre, les établissements d’enseignement islamique devraient intégrer des enseignements qui mettent l’accent sur l’héritage commun de toutes les écoles de pensée musulmane plutôt que sur leurs différences.
Un appel à une gestion constructive de la diversité
La diversité au sein de l’islam doit être considérée comme une force plutôt qu’une source de division. Le Coran et la Sunna soulignent l’importance de l’unité, de la coopération et du respect mutuel. Comme l’a judicieusement souligné le Grand Imam, la priorité doit être de protéger notre religion, nos terres et notre peuple, quelle que soit l’identité d’une entité sectaire.
En outre, l’unité intra-musulmane doit s’étendre au-delà des relations entre sunnites et chiites pour englober l’ensemble des communautés musulmanes du monde. Qu’ils soient africains, asiatiques, moyen-orientaux ou occidentaux, tous ont des expériences et des contributions uniques à offrir. Une Oumma unie ne doit pas se limiter aux seules discussions théologiques, mais doit s’étendre à la coopération en matière de développement économique, de progrès scientifique et d’initiatives humanitaires qui élèvent tous les musulmans et l’humanité dans son ensemble.
Le dialogue à Bahreïn est un faisceau d’espoir pour que les musulmans puissent dépasser des divisions vieilles de plusieurs siècles et œuvrer ensemble pour le bien commun. L’histoire, la langue, la foi et l’héritage culturel commun aux musulmans devraient servir de fondement à une Oumma plus forte et plus unie.
Peut-on conclure qu’une nouvelle ère s’annonce pour l’Oumma musulmane ?
Le dialogue intra-islamique de Bahreïn marque le début de ce qui pourrait être un nouveau chapitre de l’histoire de l’Islam. La création d’un groupe d’experts est une étape prometteuse vers l’institutionnalisation des efforts de réconciliation. Cependant, son succès dépend de l’engagement durable des dirigeants de tout le monde musulman. Nous devons tous nous approprier cette vision – gouvernements, institutions religieuses, intellectuels et citoyens ordinaires.
Pour que cette initiative réussisse, elle doit être suivie de politiques concrètes et d’initiatives locales dans les pays à majorité musulmane. Les mosquées, les universités et les organisations communautaires doivent s’engager activement à favoriser le dialogue et à veiller à ce que le message d’unité atteigne toutes les strates de la société. Le dialogue ne doit pas rester un événement confiné aux conférences mais doit devenir un processus continu qui façonne la conscience des générations futures.
Il est temps de laisser derrière nous les divisions du passé et d’embrasser un avenir où tous les musulmans se rassembleront en une seule Oumma, guidée par les principes de justice, d’égalité et de fraternité. Les enseignements du Prophète Mahomet nous exhortent à favoriser l’amour et l’harmonie entre nous. Dans cet esprit, le dialogue à Bahreïn ne doit pas être un événement isolé mais le fondement d’un mouvement durable vers l’unité.
Ce n’est qu’en nous unissant que nous pourrons relever les défis qui menacent nos communautés et que nous pourrons garantir que les générations futures héritent d’un monde défini non pas par le sectarisme mais par la solidarité et le respect mutuel.
Adama Dieng est un diplomate sénégalais, ancien Secrétaire général adjoint de l’ONU et fervent défenseur de la paix, de la justice et de la réconciliation.
par Alioune Dione
COMMENT L’ÉTAT SPECTACLE MET EN SCÈNE LA FABRIQUE SOCIALE
L’inertie sur les réformes de la justice, la réduction du coût de la vie qui est non opérationnelle au niveau bottom-up et le retard dans la renégociation des contrats pétroliers montrent que gouverner c’est aussi se dédire
Le meilleur moyen de gouverner sans être contraint de produire des résultats à court terme est de faire de l'attribution externe une idéologie des masses. Dramatiser le social, jouer sur les peurs, instaurer le désespoir, disqualifier les élites et nul ne sera obligé de vous demander des résultats dans l'immédiat. L'idéologie en question, comme l'affirmait Naomi Klein, est un caméléon qui change sans cesse de nom et d'identité. La stratégie de choc employée par ce nouveau gouvernement, dont l'exclamation et la lamentation constituent les principes directeurs pour édulcorer la ferveur des promesses entrevues, est un aveu d'incapacité.
Le sentier de la gouvernance sobre et vertueuse tant promu semble beaucoup plus long qu'annoncé, beaucoup plus rude que prévu. Les illusions vendues par une prétendue rupture systémique se confrontent aujourd'hui à une réalité qui impose de maîtriser l'optique sociale. L'État, dans sa complexité multiple, met en exergue toute impuissance qui ne peut être palliée par une démagogie politique quelconque. La stratégie de choc peut déresponsabiliser, mais elle ne masque en rien les véritables problèmes auxquels la nation fait face.
L’inertie sur les réformes de la justice, la réduction du coût de la vie qui est non opérationnelle au niveau bottom-up et le retard dans la renégociation des contrats pétroliers montrent que gouverner c’est aussi se dédire. Se dédire des engagements éthiques irréalistes promus, se dédire des gages populistes donnés pour la capture de l’aspiration des masses, se dédire de la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire. Mais, les urgences n’attendent pas le temps de la planification à long terme, elles mettent tout gouvernement face à ses responsabilités politico-sociales.
À présent, la société subit le supplice tantale d’un État suffisant et autiste qui prend toute critique comme une haine viscérale à l’encontre de son fameux projet. Un projet farfelu qui ne se matérialise qu’en slogans, très loin de la réalité sociale vécue. Il faut comprendre qu’une nation ne peut point se construire dans une vision singulière basée sur l’idolâtrie d’un leader. Elle se construit par un ensemble de visions à la fois cohérentes et contradictoires. Harmoniser les contradictions, diagnostiquer les politiques déclinées et critiquer la posture des gouvernants est un principe sine qua non pour faire émerger le pays dans ses dimensions sociales et économiques.
En effet, l'économie sénégalaise sombre et le constat est un truisme, l'insécurité économique nous guette mais nous préférons attribuer les causes sans chercher des mesures urgentes pour redresser le pays. La rupture tant promue se transfigure juste en un nouvel État-système en marche avec des ambitions débordantes pour des moyens limités. Une politique d'intention idyllique qui, dans la pratique, ne se matérialise nulle part. Un contre-système qui est dans un processus de remplacement de personnes et non d'une transformation profonde des institutions étatiques.
Ces dernières perdurent toujours avec leurs rouages et mécanismes qui restent inchangés. Actuellement, le seul changement qui s'opère au sein du système est la présence de nouveaux leaders aux compétences moindres et aux capacités de lamentation incommensurables. De loin, les solutions étaient prédites comme des effets miracles, mais une fois le pouvoir acquis, la stérilité dans l'action pragmatique se voit de manière évidente. Nous sommes face à un État dont les marges de manœuvre sont limitées et qui préfère souvent se donner en spectacle.
La théâtralisation de la gouvernance par les sorties médiatiques des gouvernants, qui ne changent en rien la providence sociale, montre le niveau de relativisation de leur charge à l'égard du pays qu'ils disent trouver en ruine. Une ruine que le bas peuple ressent douloureusement, mais non les nouveaux bourgeois. Les privilèges restent maintenus, le monisme dans la pensée se pérennise aussi par les moyens de contrôle coercitif sur les opinions. Le projet tant annoncé, et dont la réalisation demande un don de soi que les nouveaux bourgeois imposent aux peuples mais s'abstiennent d'opérer, est la preuve qu'il n'y a aucune configuration nouvelle au sein du système de gouvernance étatique.
L'exigence du développement demande des sacrifices collectifs et non partiels. Malheureusement, ce projet initié pour un progrès à la fois endogène et souverainiste exige plus que les mesures mises en place pour accompagner son impulsion. Au niveau macro de l'État, tout paraît bien fait, bien pensé et bien structuré, alors qu'au niveau micro de la société rien n'est encore opérant et tout demeure intact, ou du moins en involution criarde.
La vision du développement se brouille dans une incertitude croissante pour l'avenir du pays qui, en quelques mois, est en décadence libre dans sa diplomatie et son ouverture universelle. Une nation ne se construit pas sur une vision unique esseulée par une orthodoxie sacrée d'un hyper-individualisme jamais réfutable. Elle se conçoit dans sa garantie de débats publics et des contradictions qui mettent en mouvement la marche sociale. Ce mouvement sans achèvement brusque fait le progrès des nations et leur impulsion dans l’histoire universelle.
par l'éditorialiste de seneplus, alymana bathily
VERS UN NOUVEAU DEAL SOCIAL ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Il s’agit pour le gouvernement de ne plus chercher à imposer son hégémonie sur ses partenaires sociaux, de ne plus prendre auprès d’eux des engagements qu’il ne sait ne pas pouvoir tenir
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 11/03/2025
La rencontre au Grand Théâtre de Dakar le 27 février 2025 entre le premier ministre Ousmane Sonko, entouré de l’ensemble de son gouvernement, des syndicats et du patronat, fera date. Le premier ministre a en effet proposé aux partenaires sociaux un « nouveau deal » social.
« Personne ne souhaite une confrontation. On a besoin de stabilité. Aucun pays n’a décollé sans un consensus fort. Les pays qui ont décollé ces dernières années, c’est des pays ou les libertés publiques ont été réduites. Regardez les pays asiatiques, les pays arabes…Nous on est une démocratie et c’est tant mieux… ».
« Il faut mettre de côté pendant un temps les grèves et les manifestations dans la rue » …« Personne ne souhaite la confrontation sociale, parce que personne n’y gagne. Nous devons tous éviter de nous pousser mutuellement vers la radicalisation », a-t-il ajouté.
Et de proposer aux syndicats un dialogue social « sincère », « transparent », qui se « fera dans la vérité et la justice sociale » afin d’aboutir à un « pacte de dialogue social ».
Puis de proposer la signature dès le 1er mai, d’un Pacte de Solidarité Sociale formulé à travers un dialogue social incluant les différents secteurs, pour rétablir la justice sociale et éviter « la confrontation sociale ». De plaider ensuite pour une suspension des grèves, le temps de redresser la situation financière « catastrophique » du pays, héritée du régime Macky Sall.
« Construisons d’abord une économie, créons les conditions de notre souveraineté. Nous devons travailler à nous réapproprier toutes nos ressources pour développer notre pays dans quelques années ».
Le modèle Sonko d’un tripartisme sénégalais
Le premier ministre Ousmane Sonko a, à n’en pas douter, à l’esprit le modèle de dialogue social, dit tripartite, qui a été mis en place à travers toute l’Europe occidentale, des pays nordiques, à l’Allemagne et à la France, ainsi qu’au Japon et à Singapour après la 2eme Guerre Mondiale. C’était à l’initiative d’hommes d’état comme Olof Palme en Suéde, De Gaulle et Jean Monnet en France, Konrad Adenauer en Allemagne, les premiers ministres japonais Shigeru Yoshida et Eisaku Sato et le premier ministre de Singapour Lee Kwan Yeew notamment.
Ce modèle est généralement considéré comme l’un des principaux facteurs du redressement spectaculaire de l’Europe et du Japon ainsi que du développement fulgurant de Singapour.
Il a permis d’améliorer les conditions de travail, d’augmenter la productivité des travailleurs, de produire de la richesse et d’établir un système de justice et de sécurité sociale pour l’ensemble des travailleurs et leurs familles.
Le tripartisme ne nie pas la lutte des classes mais postule que, au moins pendant une phase historique donnée, les intérêts des uns et des autres, des travailleurs, des patrons et de l’Etat sont conciliables et doivent être conciliés.
Sénégal : du tripartisme en théorie au syndicat unique, de la « participation responsable » au « Comité national du dialogue social » et au Haut Conseil du Dialogue Social
Cette idée de dialogue social, de coopération, gouvernement, patronat et travailleurs est ancienne au Sénégal et a une histoire singulière dont il convient de tirer les enseignements.
Le premier président de la République du Sénégal l’avait théorisée déjà en 1963. "Il ne s'agit plus de défendre les travailleurs contre un étranger ; il s'agit maintenant d'accroître le revenu national, d'assurer la répartition plus équitable de ce revenu par la protection de tous conformément au marxisme "à chacun selon son travail", écrira-t-il.
Cette idée sera cependant rattrapée par « les événements de Mai 1968 » et la logique du parti unique s’est imposée au président de la République, Secrétaire général de l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS), parti unique de fait à l’époque
La « participation responsable » sera alors instituée : pour assurer "l'association du mouvement syndical à l'élaboration, à l'exécution et au contrôle de l'exécution des plans de développement économique et social (ce qui) doit se traduire par la représentation des travailleurs désignés par les organisations syndicales, à la commission nationale du plan, au Conseil économique ainsi qu'aux délibérations des missions ou instances du parti traitant des questions économiques et sociales et aux conseils d'administration des sociétés para étatiques à but économique et social… »
Le syndicat bénéficie dès lors d’un quota de la liste des députés à l’Assemblée nationale, de plusieurs sièges au Conseil Economique et Social, contrôle les institutions de représentations et même détient un ou deux ministères.
Le régime du président Abdoulaye Wade va tenter lui d’asseoir son hégémonie sur le mouvement syndical en suscitant la création d’une dizaine de nouveaux syndicats, souvent issus des flancs d’anciennes organisations, dont certaines sous l’égide de responsables du PDS avant de mettre en place une « Charte nationale sur le dialogue social » puis un « Comité national du dialogue social » censé servir de cadre au dit dialogue.
Pourtant, le « front social » ne se pacifie pas pour autant. Malgré toutes ses tentatives, notamment en proposant le port de brassage par les travailleurs pour signaler leurs revendications au lieu de recourir à la grève et malgré l’institution d’un « Comité national du dialogue social » et ses relais au sein des syndicats, son régime sera confronté à des grèves régulières.
Le régime de Macky Sall quant à lui institue le « Pacte national de stabilité sociale et d’émergence économique » censé permettre la mise en œuvre du « Plan Sénégal émergent » et substitue au « Comité national du dialogue social » le Haut Conseil du Dialogue Social. Il n’empêche : les grèves notamment dans les secteurs de l’éducation et de la santé restent régulières.
Pourquoi le tripartisme n’a pas marché au Sénégal ?
De Senghor à Macky Sall, chaque régime a pris en compte à sa manière le fait syndical dans sa gouvernance, soit en établissant son hégémonie sur les syndicats soit en les combattant frontalement soit en prenant en compte leurs revendications pour ne les satisfaire que parcimonieusement, après avoir subi grèves après grèves.
Aucun n’a réussi à établir une collaboration durable avec « les partenaires sociaux ». De 1960 à nos jours, le « front social », (l’expression est significative) est constamment en « ébullition » : quand ce ne sont pas les écoles primaires qui sont fermées, ce sont les universités qui le sont ou encore les hôpitaux quand ce ne sont pas les transports publics qui sont paralysés.
Quand on considère la longue histoire du syndicalisme sénégalais qui date du début du XXème siècle, quand on sait que la liberté syndicale instaurée depuis l’indépendance du pays (loi 61-34 du 15 juin 1061) n’a jamais été remise en cause et qu’un cadre juridique et institutionnel approprié avec la « Charte nationale sur le dialogue social » et le « Comité national du dialogue social », a été mis en place il y’a près de vingt ans déjà, on peut s’étonner que le tripartisme n’ait pas fonctionné au Sénégal.
Est-ce parce que chaque régime, de Senghor à Macky Sall, a voulu asseoir son hégémonie sur le mouvement syndical ?
Est-ce la « politisation » des syndicalistes dont toute une génération de dirigeants sont issus de chapelles politiques, du Parti Socialiste, PDS ou de partis de gauche, dont ils ont gardé le « formatage » même quand ils en sont séparés politiquement et idéologiquement depuis longtemps ?
Est-ce le corporatisme exacerbé des dirigeants des syndicats qui les rend insensibles aux considérations autres que les intérêts stricts de leurs corporations ?
Est-ce cette attitude des responsables successifs de l’Etat, de Senghor à Macky Sall, à promettre tout ce que les syndicalistes veulent juste pour qu’ils arrêtent la grève alors que l’Etat n’a pas les moyens de tenir ces promesses ?
Est-ce la nature du patronat, comprador et nationaliste à la fois, éclaté dans de trop nombreuses organisations, qui la rendu jusqu’à présent faible et incapable d’assumer un rôle social significatif ?
Les défis du régime Pastef
Dans ces conditions, l’offre de « new deal » social du premier ministre Ousmane Sonko peut-elle fonctionner ?
Or le pays qui est en proie à une profonde crise économique et financière et doit s’imposer une période d’austérité, n’a pas les moyens de faire face à tous les engagements, souvent inconsidérés que l’ancien régime a pris à l’endroit des syndicats.
Pourtant le premier ministre a donné des instructions pour ‘’la liquidation des points de revendications pouvant faire l’objet de mise en œuvre immédiate, du chantier de l’équité salariale, de la seconde phase des mesures de réduction du coût de la vie sans impact budgétaire’’.
Il s’est engagé d’autre part à épurer la dette intérieure ce qui devrait permettre de relancer financièrement les entreprises locales et leur permettre notamment de sécuriser les emplois.
Côté patronat, la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (CNES) et le Conseil national du patronat (CNP), les deux principales organisations annoncé leur prochaine fusion, ce qui devrait renforcer la voix du patronat dans le dialogue.
Il s’agit pour le gouvernement de ne plus chercher à imposer son hégémonie sur ses partenaires sociaux, de ne plus prendre auprès d’eux des engagements qu’il ne sait ne pas pouvoir tenir
Les uns et les autres doivent se convaincre que l’échec du projet dont le premier ministre propose le lancement le 1er avril 2025, ne sera pas seulement un coup porté à la Vision Sénégal 2050 du président Bassirou Diomaye Faye mais risque d’être fatal à la démocratie et au développement économique rapide promis par le nouveau régime.
Aussi serait il indiqué que le consensus tripartite soit porté solennellement à la connaissance du peuple pour qu’il en soit garant. Sa signature pourrait se faire dans le cadre d’Assises Sociales qui regrouperaient les représentants de toutes les forces vives du pays ainsi que toutes les autorités religieuses et coutumières.
L’ÉTAT ENTAME LA RÉCUPÉRATION DE SON PATRIMOINE IMMOBILIER
Cette initiative concerne plusieurs quartiers stratégiques de Dakar, notamment la cité Fayçal, Mermoz, Point E et Fann Résidence. L’objectif principal est de rationaliser les logements de fonction et de réduire les charges locatives de l’État.
La Société Nationale de Gestion et d’Exploitation du Patrimoine Bâti de l’État (SOGEPA) a annoncé une vaste opération de récupération des biens immobiliers de l’État, cédés sous forme de baux à des particuliers. Cette initiative concerne plusieurs quartiers stratégiques de Dakar, notamment la cité Fayçal, Mermoz, Point E et Fann Résidence. L’objectif principal est de rationaliser les logements de fonction et de réduire les charges locatives de l’État, selon Élimane Pouye, Directeur général de la SOGEPA, invité de la rédaction de Radio Sénégal.
L’État du Sénégal débourse annuellement près de 17 milliards de francs CFA pour le paiement de loyers destinés aux services administratifs et aux logements de fonction des agents de l’État. Cependant, un audit a révélé que plusieurs biens immobiliers appartenant à l’État ont été donnés en location à des particuliers ou à des personnes ne remplissant plus les critères pour bénéficier d’un logement de fonction.
« Cette décision est motivée essentiellement par les besoins de rationalisation des charges publiques. Nous avons constaté que l’État possède des biens qui sont loués à des privés ou encore attribués comme logements de fonction à des personnes qui n’occupent plus les postes justifiant ces attributions. Il est impératif de récupérer ces villas pour y loger soit des agents de l’État en fonction, soit des services administratifs, afin de réduire les charges locatives et de réaliser des économies qui seront réinvesties dans d’autres secteurs prioritaires », a expliqué Elimane Pouye.
La cité Fayçal est au cœur des discussions en raison d’un bail emphytéotique de 99 ans signé sous le régime de l’ancien président Macky Sall. À l’origine, cette cité avait été construite dans le cadre du sommet de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) avant d’être attribuée aux hauts fonctionnaires de l’État.
« Ces villas ont été occupées par des hauts fonctionnaires qui, par la suite, ont sollicité du président Abdoulaye Wade qu’elles leur soient cédées. Bien que l’ancien président ait accepté l’idée, aucune procédure de vente n’a été formellement adoptée. Sous le président Macky Sall, un contrat de bail emphytéotique a été mis en place, mais nous avons constaté qu’il ne respectait pas les normes légales applicables. Après une analyse approfondie des textes en vigueur, nous avons estimé nécessaire de proposer la résiliation de ces baux afin de permettre à l’État de récupérer ses biens », a précisé le DG de la SOGEPA.
Si la cité Fayçal a cristallisé l’attention, Elimane Pouye souligne que cette initiative ne se limite pas à ce quartier. « Les gens ont focalisé leur attention sur la cité Fayçal, mais cette opération s’étend à d’autres quartiers stratégiques de Dakar.» a-t-il déclaré.
YASSINE FALL CLARIFIE LA QUESTION DE L'EXTRADITION DE MACKY SALL
La ministre de l’Intégration Africaine et des Affaires Étrangères a précisé que la convention récemment ratifiée entre le Sénégal et le Maroc porte uniquement sur l’assistance aux détenus et le transfèrement des personnes condamnées.
Le ministre de l’Intégration Africaine et des Affaires Étrangères, Yassine Fall, a tranché sur la polémique entourant une éventuelle extradition de l’ancien président sénégalais Macky Sall, actuellement au Maroc.
La controverse est née suite au projet de loi autorisant la ratification d’une convention entre le Sénégal et le Maroc sur l’assistance aux détenus et le transfèrement des personnes condamnées. Ce texte a suscité des interrogations, certains y voyant une possibilité d’extradition de l’ex-chef de l’État.
Lors de son audition par la commission des Affaires étrangères et celle des Lois, Yacine Fall a clarifié la portée de cet accord. Elle a affirmé que « cet accord n’inclut pas l’extradition des individus », précisant qu’il concerne uniquement l’assistance aux Sénégalais arrêtés et condamnés au Maroc.
Selon elle, la ratification de cette convention vise à garantir une meilleure sécurité juridique et judiciaire, tout en renforçant l’assistance consulaire aux citoyens sénégalais détenus au Maroc, conformément aux engagements internationaux du Sénégal.
GUY MARIUS SAGNA EXIGE LA RÉCIPROCITÉ APRÈS L’EXPULSION DE SÉNÉGALAIS EN MAURITANIE
Le député dénonce une atteinte aux droits des migrants et exhorte les autorités sénégalaises à prendre des mesures similaires à l’égard des ressortissants mauritaniens en situation irrégulière au Sénégal.
La problématique de nos concitoyens en Mauritanie, en instance d’expulsion, a occupé les débats ce mardi à l’Assemblée nationale. Au ministre des Affaires étrangères, Guy Marius Sagna a réclamé l’application de la réciprocité.
DIOMAYE FACE AU COUPERET DE LA REALPOLITIK
Sous cette présidence, la loyauté et le respect des codes institutionnels ne sont pas négociables. Cependant, cette succession de départs forcés interroge sur la capacité du président à identifier les profils adéquats
Depuis son accession à la magistrature suprême, le président Bassirou Diomaye Faye affiche une gouvernance marquée par des décisions fermes et parfois inattendues. En moins d'un an, il a procédé à plusieurs limogeages au sein de son administration, les plus récents étant ceux de Pape Mada Ndour, son chef de cabinet, et de Cheikh Oumar Diagne, ci-devant ministre chargé des Services présidentiels. Ces décisions illustrent la volonté du chef de l’État de s’entourer de collaborateurs respectant une stricte discipline gouvernementale. Mais elles soulèvent aussi des interrogations sur les critères de sélection et les attentes fixés par le président.
L’analyse des récents renvois au sein de l’administration du président Bassirou Diomaye Faye révèle une gouvernance marquée par une fermeté sans compromis, mais aussi par des interrogations sur les critères de sélection et de gestion des collaborateurs. Ces décisions, bien que justifiées par des manquements à la discipline gouvernementale ou des prises de position controversées, soulèvent des questions sur la cohérence et la stratégie de l’équipe présidentielle.
Pape Mada Ndour : un diplomate à la parole trop libre ?
Le limogeage de Pape Mada Ndour a suscité une véritable onde de choc dans la sphère politique et diplomatique. Diplômé de l'École nationale d'administration (ENA), Pape Mada Ndour avait été premier secrétaire à l'ambassade du Sénégal au Maroc jusqu'en juin 2023, avant d'être nommé chef de cabinet du président le 30 avril 2024.
Cependant, sa prise de parole publique, considérée comme maladroite, lui aura coûté son poste. Lors d’une apparition médiatique, Pape Mada Ndour a révélé des éléments sur les rencontres discrètes entre Ousmane Sonko, Diomaye Faye et l’ancien président Macky Sall, à seulement deux jours de la première visite des nouveaux dirigeants au palais présidentiel. Ces confidences, jugées inappropriées par l'entourage du président, ont donné l'impression d'une violation de la règle de discrétion inhérente à une telle fonction.
Des comparaisons ont immédiatement été faites avec le regretté Bruno Diatta qui, en plus de 40 ans de service comme chef du protocole présidentiel, n'avait jamais laissé filtrer la moindre information confidentielle. Bruno Diatta, considéré comme un modèle de professionnalisme et de discrétion, avait su maintenir une rigueur exemplaire dans l'exercice de ses fonctions.
Pape Mada Ndour, en revanche, semble ne pas avoir pris toute la mesure de la retenue exigée par son poste.
Face aux spéculations, l’ex-chef de cabinet a tenu à préciser que son limogeage n’avait aucun lien avec cette interview : "Je voudrais juste préciser que cette décision du président de la République n'est en rien liée à ma dernière sortie médiatique. Émission pour laquelle j'avais, avant d'entrer en contact avec le journaliste, reçu l'accord du président et à la suite de laquelle j'ai reçu les félicitations de Monsieur le Premier Ministre qui en avait vu des extraits."
Malgré cette mise au point, son départ est perçu comme une sanction visant à rappeler l'importance du droit de réserve dans la gestion des affaires étatiques.
Cheikh Oumar Diagne : un ministre trop clivant ?
Deux mois auparavant, c’est Cheikh Oumar Diagne qui avait été écarté du gouvernement, marquant ainsi un deuxième limogeage retentissant de la part du président Diomaye Faye.
Ministre de l'Administration et de l'Équipement à la présidence de la République, Cheikh Oumar Diagne a été démis de ses fonctions après avoir tenu des propos polémiques sur les tirailleurs sénégalais. Dans une interview accordée à Fafa TV le 21 décembre, il avait déclaré : "Ceux qui célèbrent les tirailleurs ne savent pas qui étaient les tirailleurs. Ce sont des traîtres qui se sont battus contre leurs frères, dans leur pays, pour de l'argent."
Ces propos ont provoqué une indignation nationale, car ils intervenaient quelques semaines après la commémoration du massacre de Thiaroye, reconnu officiellement par la France comme un crime d’État. Cette commémoration s'inscrivait dans une volonté de réhabilitation historique des tirailleurs, notamment par l'intégration de cet épisode tragique dans les programmes scolaires sénégalais.
Le limogeage de l’ancien pensionnaire de Diomaye à la prison du Cap Manuel a été interprété comme une volonté du président de prendre ses distances avec des discours radicaux qui pourraient ternir l'image du gouvernement. L’homme était déjà perçu comme clivant, notamment en raison de ses différends avec la communauté mouride lors du Magal de Touba. Certains dignitaires religieux et fidèles lui reprochaient une gestion autoritaire des invitations et des hôtes officiels durant l'événement.
Fermeté ou erreur de casting ?
Ces deux licenciements révèlent la fermeté du président Diomaye Faye, mais ils posent également la question de l’adéquation entre les profils nommés et les attentes du pouvoir. Le président semble opérer des corrections en cours de route, ajustant son équipe en fonction des erreurs commises.
Si cette manière de gouverner peut être perçue comme une marque d'exigence, elle peut aussi traduire une certaine improvisation dans la sélection des collaborateurs. Une chose est certaine : sous Diomaye Faye, la discrétion et la loyauté ne sont pas des options, mais des obligations. Et tout manquement à ces principes se paie au prix fort.
Dans de nombreux pays, il existe des accords tacites ou explicites au sein des gouvernements visant à encadrer la communication publique des membres de l’Exécutif. Ces accords imposent une certaine réserve sur des sujets sensibles afin d’éviter des déclarations susceptibles de fragiliser l’autorité de l’État, d’exposer des divergences internes ou d’alimenter des polémiques inutiles. Cette discipline gouvernementale permet de maintenir une cohésion et d’éviter que des prises de position individuelles ne viennent parasiter l’action collective.
Cependant, cette pratique soulève aussi des interrogations sur la liberté d’expression des ministres et hauts fonctionnaires. Jusqu’où peut aller cette obligation de réserve sans empiéter sur le droit à l’opinion ? Ailleurs, elle est perçue comme une nécessité stratégique pour préserver la stabilité. Elle aussi peut être critiquée comme une entrave à la transparence et au débat démocratique.
Dr Cheikh Dieng : gestion controversée et tensions internes
L’ancien maire de Thiaroye a été la première victime du sabre de Diomaye. Quatre mois après l’accession au pouvoir de ce dernier, il a été démis de ses fonctions. Son limogeage est intervenu dans un climat de controverses, marqué par des accusations de "gestion clanique", avec des recrutements présumés de ses proches et des tensions ouvertes avec son ministre de tutelle, Cheikh Tidiane Dièye, chargé de l’Hydraulique et de l’Assainissement.
Le point de rupture a été atteint lorsqu’une lettre au ton virulent, rédigée par Cheikh Dieng, a fuité dans la presse. Adressée au ministre et datée du 31 juillet – jour même du Conseil des ministres ayant acté son départ – cette missive constituait une réponse à une interpellation ministérielle sur des soupçons de surfacturations et de favoritisme. La correspondance en question faisait suite à une demande d’explication envoyée deux jours auparavant.
L’affaire portait sur l’attribution de marchés de curage des canaux d’évacuation des eaux pluviales à Dakar (lot 1) et dans d’autres régions (lot 2) aux entreprises Tawfekh Taysir et Delgas. Selon l’ex-directeur général de l’Onas, les travaux réalisés à Dakar, notamment au bassin de la Zone de captage et au canal 6, représentaient 55 % de la valeur totale du marché. Il soutenait que ces chantiers avaient été exécutés à 100 % pour les premiers et à 97 % pour les seconds, entre le 27 juin et le 28 juillet, malgré une durée contractuelle initialement prévue pour quatre mois.
Cette affaire, qui a fait couler beaucoup d’encre, reste encore en suspens. L’opinion publique continue d’exiger des clarifications, des explications officielles et, surtout, une reddition des comptes sur ces marchés aux contours opaques.
LE GARDIEN CONTROVERSÉ DU PORT DE DAKAR
"Sauveur" ou "protecteur" par l'étymologie de son prénom, Waly Diouf Bodian s'est imposé comme l'une des figures les plus clivantes du nouveau régime. L'inspecteur des impôts peu loquace gouverne d'une main de fer l'une des mamelles de l'économie
Waly Diouf Bodian, une figure à la fois énigmatique et controversée, incarne aujourd’hui l’archétype de l’homme de confiance devenu homme de pouvoir. Militant de la première heure de Pastef, l’inspecteur des impôts et des domaines est passé du statut de syndicaliste à celui de directeur général du Port autonome de Dakar (PAD), l’une des institutions les plus stratégiques du pays. Mais derrière cette ascension se cache un parcours semé d’embûches, de polémiques et de conflits, qui révèlent un personnage complexe, souvent critiqué pour ses méthodes autoritaires et son style peu orthodoxe.
Le prénom Waly, d'origine arabe, signifie ‘’sauveur’’ ou ‘’protecteur’’, une étymologie qui renvoie à une figure bienveillante, guidée par l'intérêt collectif. Il est également parfois un diminutif de Walid, qui signifie ‘’nouveau-né’’, symbolisant ainsi l’innocence et la pureté. Pourtant, lorsqu’on se penche sur le parcours et les méthodes de Waly Diouf Bodian, d'autres images s'imposent immédiatement à l'esprit.
Homme au teint noir, à la silhouette élancée et au regard perçant, presque immobile. Son visage impassible trahit une réserve naturelle, accentuée par son rire rare et son économie de mots. Toujours soigné dans son apparence, il oscille entre le costume strict et la chemise-cravate, affichant une sobriété calculée qui renforce son aura d’autorité discrète. Peu loquace, il préfère les silences aux discours, laissant souvent planer une impression de distance et de mystère.
Un militant aguerri, marqué par le bracelet électronique
Waly Diouf Bodian n’est pas un novice dans l’arène politique et syndicale. Ancien secrétaire général du Syndicat autonome des agents des impôts et des domaines (SAID), il a longtemps été un acteur clé des luttes syndicales au sein de l’administration fiscale sénégalaise. Mais c’est son engagement au sein de Pastef, le parti d’Ousmane Sonko, qui l’a propulsé sur le devant de la scène. Il a payé le prix de son militantisme : en mars 2023, il a été arrêté et placé sous contrôle judiciaire avec assignation à résidence et surveillance électronique, plus communément appelée "bracelet électronique".
Cette mesure, perçue comme une tentative d’intimidation par le régime de Macky Sall, a fait de lui un symbole de la résistance contre ce que Pastef qualifiait de "dérive autoritaire".
Cet épisode du bracelet électronique, bien que douloureux, a paradoxalement renforcé sa stature au sein du parti et une partie de l’opinion publique. Il est devenu l’un des piliers de la sécurité de Sonko, filtrant les entrées et sorties lors des meetings et déplacements du leader charismatique. Toujours aux côtés de Pros, Bodian a gagné la réputation d’un homme loyal, prêt à tout pour protéger son mentor. Cette loyauté sans faille lui a valu d’être nommé, un mois seulement après l’arrivée au pouvoir du nouveau régime, à la tête du Port autonome de Dakar, un poste stratégique et hautement convoité.
Sa nomination à la tête du PAD est le signe d’une récompense pour ses années de loyauté envers Sonko. Le Port autonome de Dakar, souvent qualifié de "mamelle de l’économie sénégalaise", est un joyau national, un carrefour commercial essentiel pour le pays et la région ouest-africaine. Confier cette institution à Waly, un homme sans expérience avérée dans le domaine portuaire, a suscité des interrogations et des critiques. Pour ses détracteurs, cette nomination est avant tout politique, un moyen de récompenser un fidèle plutôt que de choisir un expert du secteur.
Depuis son arrivée, le PAD est régulièrement sous les feux de l’actualité, mais pas toujours pour les bonnes raisons. Les conflits syndicaux, les problèmes de recrutement et les accusations de gestion autoritaire ont éclipsé les avancées que le nouveau boss et son équipe tentent de mettre en avant. Les syndicats dénoncent une gestion "monarchique", accusant le directeur général de licencier des centaines de travailleurs précaires tout en recrutant des proches en CDI.
Ces accusations, bien que réfutées par la direction du port, ont alimenté une polémique qui ne semble pas près de s’éteindre.
Un style direct et provocateur
Waly Diouf Bodian est connu pour son style direct, voire provocateur. Très actif sur les réseaux sociaux, il n’hésite pas à entrer en guerre ouverte avec ses détracteurs, qu’ils soient citoyens, syndicalistes ou opposants politiques. Ses posts, souvent teintés d’ironie et de sarcasme, révèlent un homme qui ne mâche pas ses mots.
Par exemple, à la journée sans presse en aout 2024, il ironise ouvertement sur cette initiative journalistique : ‘’Le but de la journée ‘sans presse’ ? C'est d'accéder à une journée sans impôts. Ce combat est perdu d'avance.’’ Une déclaration qui en dit long sur son rapport tumultueux avec les médias.
Waly ne se contente pas de répondre aux critiques ; il les anticipe, les provoque et parfois les amplifie. Récemment, il a accusé une partie de cette presse de manipulation. Lorsque cette dernière évoque les données de l’ANSD sur la baisse de performance du PAD en 2024, en variation annuelle par rapport à 2023, il contre-attaque : ‘’Le port de Dakar se porte bien et a progressé en termes de trafic, de chiffre d’affaires et de bénéfice réalisé. N’en déplaise aux journaux dont les conventions de complaisance ont été résiliées.’’
Cette attitude, bien que défendue par certains comme une marque de franchise, est souvent perçue comme contre-productive, noyant le travail de la cellule de communication du port et alimentant les polémiques plutôt que de les apaiser.
En effet, pour beaucoup d’observateurs, cette approche ne fait pas l’unanimité. Certains estiment qu’un directeur général ne devrait pas se livrer à de telles joutes verbales, au risque de décrédibiliser l’institution qu’il dirige. D’autres, en revanche, louent sa transparence et son franc-parler.
Conflits syndicaux et gestion controversée
Parallèlement, les relations de Waly Diouf Bodian avec les syndicats du port sont tendues, pour ne pas dire conflictuelles. Les syndicalistes dénoncent une gestion autoritaire et opaque, marquée par des licenciements massifs et des recrutements obscurs. En novembre 2024, trois membres du syndicat ont été limogés, après avoir partagé sur WhatsApp une photo de Bodian accompagnée d’une accusation selon laquelle il aurait octroyé un marché de 24 millions de francs CFA à son frère. Mais pour les travailleurs concernés, ces explications ne suffisent pas à justifier ce qu’ils considèrent comme une injustice.
Pour certains, ces conflits syndicaux révèlent une gestion jugée brutale et peu soucieuse du dialogue social. Pour Abdou Ndiaye, représentant du Syndicat des travailleurs du port, Bodian se comporte "comme un monarque", imposant ses décisions sans consulter les parties prenantes. Cette image d’un dirigeant autoritaire et peu enclin au compromis colle désormais à la peau du DG du PAD, malgré les efforts de son équipe pour défendre sa gestion.
La direction générale du port réfute toutefois tout acte de licenciement abusif, arguant que ces travailleurs étaient sous contrat à durée déterminée arrivé à expiration.
Un stratège politique redoutable
Sur le plan politique, Waly Diouf Bodian est un stratège redoutable. Militant dans le département de Keur Massar, un bastion de Pastef, il a su s’imposer comme une figure incontournable, même s’il ne fait pas l’unanimité. Lors des dernières Législatives, il s’est opposé au Dr Seydou Diallo pour le poste de coordinateur, sans parvenir à un consensus. Ses méthodes, jugées parfois brutales, lui valent des critiques au sein même de son parti.
C’est un homme qui sait éliminer ou écarter ses adversaires, quitte à susciter des rancœurs, renseigne un militant de Keur Massar-Sud.
Sa proximité avec Ousmane Sonko lui confère une influence considérable, mais elle est aussi une source de tensions. Certains militants lui reprochent d’utiliser cette proximité pour asseoir son pouvoir, au détriment d’une gestion plus collégiale. Son désaccord avec certaines décisions, comme la nomination de Samba Ndiaye, montre qu’il n’hésite pas à exprimer ses divergences, même au sein de son propre camp.
Il incarne à la fois les espoirs et les imperfections du nouveau régime. Homme de confiance, loyal et déterminé, il a su s’imposer comme une figure clé de l’Administration sénégalaise. Mais son style autoritaire, ses conflits avec les syndicats et la presse, et ses méthodes souvent critiquées révèlent un homme à double tranchant.
Reste à savoir si son style de gouvernance lui permettra de maintenir son influence ou s’il finira par s’attirer trop d’ennemis, aussi bien au sein du PAD que dans son propre camp politique. Une chose est sûre : il ne laisse personne indifférent.