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23 avril 2025
Société
VIOLENCES ÉLECTORALES À SAINT-LOUIS, LE PROCUREUR REQUIERT DE LOURDES PEINES
Le procureur a requis cinq ans de prison ferme contre 23 personnes identifiées comme les auteurs directs des agressions et des actes de violence ayant perturbé l’ordre public à Sor.
Le procès des 80 personnes arrêtées à Saint-Louis pour violences électorales survenues au marché de Sor se poursuit ce lundi 2 décembre, avec un réquisitoire sévère du procureur. Cette affaire, qui a suscité une vive attention nationale, illustre la gravité des tensions qui ont marqué les récentes échéances politiques.
Le procureur a requis cinq ans de prison ferme contre 23 personnes identifiées comme les auteurs directs des agressions et des actes de violence ayant perturbé l’ordre public à Sor. Ces individus, décrits comme des acteurs majeurs des affrontements, sont accusés de multiples infractions, notamment d’agressions physiques et de destructions de biens publics et privés.
Pour un autre groupe de prévenus, poursuivis pour détention illégale d’armes et participation indirecte aux échauffourées, le procureur a demandé des peines de deux ans de prison, dont un an ferme. Ces accusés sont jugés comme ayant joué un rôle moindre dans les événements, mais leur implication reste problématique aux yeux de l’accusation.
Dans un geste de discernement, le procureur a demandé la relaxe pour plusieurs autres prévenus, principalement des communicants digitaux et influenceurs. Ceux-ci, bien qu’impliqués sur le plan médiatique, n’ont pas été identifiés comme ayant participé directement aux actes de violence. Leur libération montre une reconnaissance de leur rôle limité dans les affrontements.
Après ces réquisitoires, c’est au tour des avocats de la défense de plaider. Ces derniers entendent démontrer que les accusés n’ont pas tous eu des responsabilités égales dans les violences et espèrent obtenir des allégements de peines, voire des acquittements pour certains. La délibération est fixée au 06 janvier 2025.
LE MONDE DÉNONCE L'AVEUGLEMENT FRANÇAIS EN AFRIQUE
Dans un éditorial cinglant, le journal souligne l'inadéquation de la réponse française face aux évolutions du continent, critiquant notamment la nomination tardive d'un envoyé spécial dont le rapport vient d'être rendu caduc
(SenePlus) - La France vient d'essuyer un double revers diplomatique majeur en Afrique, révélateur des limites de sa stratégie sur le continent. Comme le rappelle l'éditorial du Monde du 2 décembre 2024, le Tchad et le Sénégal ont simultanément signifié leur volonté de mettre fin à la présence militaire française sur leur territoire, marquant ainsi un tournant historique dans les relations franco-africaines.
D'après le quotidien français, la coïncidence des annonces est particulièrement significative. Le Tchad a rompu son accord de défense avec la France le 28 novembre, tandis que le Sénégal exprimait sa volonté de voir partir les militaires français. Le Monde souligne que les deux pays invoquent des motivations similaires, citant notamment les autorités tchadiennes qui souhaitent "affirmer leur souveraineté pleine et entière", faisant écho aux propos du président sénégalais Bassirou Diomaye Faye qui s'interroge : "Pourquoi faudrait-il des soldats français au Sénégal ? Cela ne correspond pas à notre conception de la souveraineté et de l'indépendance."
L'éditorial du Monde pointe particulièrement les défaillances de la stratégie française. Le journal met en cause "la politique de petits pas peu lisible d'Emmanuel Macron" et son incapacité à "tirer les enseignements de cette mondialisation du continent." Le quotidien du soir souligne que la France "s'est trop longtemps sentie 'chez elle'" dans ses anciennes colonies, négligeant l'émergence de nouvelles influences, qu'elles soient "américaine, russe, chinoise, turque, saoudienne ou israélienne."
La critique du Monde envers l'exécutif français est particulièrement sévère concernant sa gestion récente de la situation. Le journal relève que plutôt que d'opter pour "la perspective claire de retrait négocié qu'impose la situation", le président Macron a choisi de "gagner du temps" en nommant un envoyé personnel, Jean-Marie Bockel, dont le rapport, qualifié de confidentiel, vient d'être "largement balayé par les décisions de Dakar et de N'Djamena."
Le quotidien conclut son analyse en formulant un avertissement clair : l'exécutif français doit désormais "gagner en clairvoyance, en clarté et en cohérence", sous peine de continuer à avoir "un temps de retard sur les réalités africaines" et de voir son influence décliner au profit des nouveaux acteurs qualifiés de "prédateurs du continent."
Ce double revers diplomatique apparaît d'autant plus significatif qu'il concerne deux pays aux profils très différents : le Tchad, décrit par Le Monde comme "un régime militaire autoritaire", et le Sénégal, présenté comme "une démocratie dirigée par un duo panafricaniste 'antisystème'." Cette convergence, malgré des modes de gouvernement distincts, souligne l'ampleur du défi auquel la France doit désormais faire face dans sa politique africaine.
LE SOUDAN POUSSE LE TCHAD À LARGUER PARIS
La rupture des accords militaires entre le Tchad et la France masque des tensions autour de la guerre au Soudan. Les autorités françaises, qui pressaient N'Djamena d'adopter une position neutre dans ce conflit, se sont heurtées au refus de Déby
(SenePlus) - La rupture des accords de coopération militaire entre le Tchad et la France, annoncée le 28 novembre, révèle des tensions diplomatiques profondes, principalement cristallisées autour de la guerre au Soudan. Selon Jeune Afrique (JA), cette décision a pris Paris totalement de court, intervenant quelques heures seulement après la visite du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, à N'Djamena.
D'après les informations rapportées par le média panafricain, cette rupture trouve son origine dans des désaccords concernant la position tchadienne vis-à-vis du conflit soudanais. Une première friction serait apparue lors d'une rencontre à Paris début octobre entre les présidents Emmanuel Macron et Mahamat Idriss Déby Itno. Le chef d'État français aurait alors évoqué "le rôle des Émirats arabes unis dans ce conflit", ces derniers étant "accusés de soutenir Mahamat Hamdan Dagalo, dit Hemetti, notamment via des livraisons d'armes passant par le Tchad", précise JA.
La situation s'est particulièrement tendue lors de la visite de Jean-Noël Barrot au Tchad. Selon le journal, l'échange entre le ministre français et le président tchadien a été "houleux", notamment lorsque le premier a réitéré "l'appel d'Emmanuel Macron pour une neutralité tchadienne dans la guerre au Soudan". Le lendemain, lors de sa visite à Adré, à la frontière soudanaise, le ministre français dénonçait "la main invisible de certaines grandes puissances" dans le conflit soudanais, une référence à peine voilée à la Russie et aux Émirats arabes unis.
L'enjeu soudanais apparaît d'autant plus crucial que, comme le souligne Jeune Afrique, "plusieurs milliers de combattants tchadiens, entre autres menés par l'opposant à Mahamat Idriss Déby Itno, Ousmane Dillo Djerou, combattent aujourd'hui aux côtés de l'armée soudanaise d'Abdel Fattah al-Burhan contre les hommes du général Hemetti".
Cette rupture intervient dans un contexte de rapprochement entre N'Djamena et Abou Dhabi. Jeune Afrique révèle qu'après sa rencontre tendue avec Emmanuel Macron, le président tchadien s'est rendu aux Émirats arabes unis, où une aide de "300 milliards de francs CFA" lui a été octroyée par le Fonds d'Abou Dhabi pour le développement.
Un ancien conseiller du président tchadien, cité par le journal, analyse cette décision comme "un message" double : "Il dit aux Français que le Tchad n'a pas à être sermonné en ce qui concerne le Soudan. Et il dit aux Tchadiens, à quelques semaines des législatives, qu'il est capable de taper du poing sur la table". Toutefois, cette même source précise que cette rupture pourrait davantage viser à renégocier les accords "pour qu'ils correspondent davantage aux intérêts tchadiens" plutôt qu'à expulser les forces françaises.
Face à cette situation, le Quai d'Orsay s'est pour l'instant contenté de "prendre acte de la décision tchadienne", conclut Jeune Afrique.
UN INCENDIE EMPORTE UNE MÈRE ET SES ENFANTS À MBOUR
C’est un drame qui a eu lieu au quartier du «11 novembre» de Mbour ce lundi. Six personnes ont perdu la vie dans un incendie qui s’est déclenché dans leur domicile.
C’est un drame qui a eu lieu au quartier du «11 novembre» de Mbour ce lundi. Six personnes ont perdu la vie dans un incendie qui s’est déclenché dans leur domicile.
À Mbour, une dame et ses enfants ont perdu la vie dans un incendie dans leur domicile. Le feu s'est déclaré vers 4h 45 minutes. Malheureusement, à l’arrivée des pompiers, il était trop tard.
Ces derniers ont récupéré les corps aux alentours de 6 heures du matin.
Les corps inanimés ont été acheminés à la morgue de l’hôpital Thierno Mouhamadoul Mansour Barro de Mbour. Pour l"instant, le bilan fait état de six morts.
À SAINT-LOUIS, OUVERTURE DU PROCÈS DES 80 PERSONNES ARRÊTÉES LORS DE LA CAMPAGNE ÉLECTORALE
Ces prévenus, des préposés à la sécurité de la caravane de Sam Sa Kaddu, une des coalitions qui étaient en lice pour les élections législatives de 17 novembre dernier, avaient été placés sous mandat de dépôt après avoir été inculpés pour vol avec violence
Le procès de 80 personnes arrêtées à la suite de violences ayant émaillé le passage de la caravane d’une coalition d’opposants à Saint-Louis lors de la campagne électorale des législatives de novembre dernier, s’est ouvert ce lundi, a constaté l’APS.
Cette audience spéciale initialement prévue à la salle d’audience du tribunal de grande instance de Saint-Louis, jugée exiguë, a été délocalisé à la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de la ville.
A l’ouverture du procès, les avocats de la défense ont demandé l’annulation de la procédure. Ils estiment que les prévenus n’avaient pas été informés au moment de leur arrestation de leur droit d’être assistés par un conseil.
Le procureur a rejeté cette demande soulignant que cet acte a été mentionné sur leurs procès-verbaux d’audition.
Ces prévenus, des préposés à la sécurité de la caravane de « Sam Sa Kaddu, une des coalitions qui étaient en lice pour les élections législatives de 17 novembre dernier, avaient été placés sous mandat de dépôt après avoir été inculpés pour vol avec violence, port d’armes sans autorisation et violation de l’arrêté du 22 octobre du ministre de l’Intérieur.
Ils sont suspectés d’avoir attaqué des commerçants qui scandaient le nom d’Ousmane Sonko, la tête de liste du parti au pouvoir, au passage de leur caravane. Des blessures graves avaient été enregistrées dans les rangs des commerçants du marché de Sor, à Saint-Louis.
Par Hamidou ANNE
MOUSTAPHA DIAKHATÉ, RÉPUBLICAIN OMBRAGEUX
J’ai deux nouvelles pour ceux qui veulent lui imposer le diktat de la terreur : Moustapha ne se taira pas, ensuite il ne connaît pas ce sentiment qu’est la peur. Il porte la liberté dans son Adn, qu’il gardera toujours intacte, même au fond d’une geôle
Nous nous retrouvions les jeudis très tôt sur le parking de la Maison d’arrêt et marchions ensemble, sésame rose en main. L’accueil au portail n’était guère joyeux, il était même rude. Des hommes en uniforme passaient et repassaient faire les achats pour le petit déjeuner ; certains chahutaient les habitués de ce lieu qui, à force de venir voir des proches, étaient devenus des visages connus, des détenus laissés libres. Nous étions tous les deux frappés par les hommes et les femmes que l’on côtoyait le matin, dont on voyait qu’ils venaient tous des quartiers lointains, là où vit le petit peuple dont les enfants sont gardés -souvent en attente de procès- derrière ces murs hauts de la citadelle du silence. Moustapha se moquait tous les jours de ma mine grise du matin ; je déteste me lever tôt. A l’intérieur, au fond de la grande allée, trône un bâtiment plutôt neuf. A l’intérieur, nous nous asseyions sur les bancs, dans une salle où chacun gardait le silence, comme si nous étions tous des détenus, attendant que le haut-parleur au son difficilement audible annonce nos noms. Nous allions ensemble voir notre ami au parloir. Moustapha avait toujours des mots tendres et rassurants pour cet ami jugé et condamné, sans jamais verser dans l’optimisme béat ou le maslaa. Je sais en plus qu’il a assuré une présence utile aux côtés de la famille du concerné.
J’étais frappé par son humanité que je connaissais déjà, mais surtout par son dégoût de l’injustice que peuvent vivre les plus précaires frappés par les violences morales et physiques que les logiques de domination imposent. En cela, je peux dire que je n’ai jamais rencontré un homme aussi humaniste que Moustapha. Il me fait penser au mot de Sartre : «Pour aimer les hommes, il faut détester violemment ce qui les opprime.»
Quand on gravite autour de la politique sénégalaise, on connaît forcément Moustapha Diakhaté. Verbe haut, convictions ancrées, constance dans le combat politique et défiance vis-à-vis des dogmes, des appareils politiques, des puissants, et méfiance vis-à-vis des adhésions aveugles et irraisonnées. Je le suis depuis l’initiative «Wacco ak alternance», un groupuscule de militants du Pds, déçus par la tournure du Sopi, qui ont décidé de porter le combat de la rectification de la ligne au sein de leur formation politique. Tout de suite, j’ai été séduit par le courage de ce débatteur hors pair, par sa maîtrise du verbe et par son habileté à défendre ses positions avec hargne. Puis, il y a eu la rupture avec les Wade et l’adhésion à l’Apr. J’avais de temps à autre les récits de ses aventures via mon ami Abdoulaye Fall, membre fondateur du parti. Bien des années après, j’ai enfin rencontré Moustapha, en mars 2021, dans la foulée des événements consécutifs à la sordide histoire que tout le monde connaît. Quand j’ai vu Moustapha, il m’a dit une chose qui m’a plu, glacé et fait frémir en même temps. Il me dit : «Tu sais, je crois en trois choses : la République, la démocratie et la liberté.» Tout de suite, l’estime, le respect, l’affection et l’amitié. Moustapha est mon ami, et cette phrase n’est guère banale. Nous nous sommes vite rapprochés ; entre 2021 et 2023, j’ai presque vu Moustapha tous les jours, au même endroit, pour commenter l’actualité politique africaine et internationale. Nous parlions aussi souvent de nos lectures, car Moustapha est un grand lecteur. Il se lève tôt et lit jusqu’en fin de matinée, avant de commencer ses activités.
Depuis ce premier jour de rencontre, nous nous parlons au téléphone au minimum trois fois par jour ; nous avons la même haine des populismes, des racismes, et le même engagement contre le fascisme. Nous rêvons d’un nouveau printemps de la démocratie et du progrès partout sans jamais nous limiter à l’Afrique, considérant l’universalité du genre humain. A chaque fois que quelqu’un perd espoir devant la défaite des courants progressistes et l’avancée des extrémismes et des nationalismes, Moustapha a toujours le mot juste pour dire que l’histoire n’est jamais finie, qu’il ne faut jamais cesser de croire en la raison et en la capacité par la parole et l’action créatrice de changer la face du monde et surtout la vie des gens. Il est très sisyphéen dans ce sens.
Moustapha est un militant au sens noble du terme, c’est-à-dire un porteur de cause, un homme écorché, vif, engagé et fondamentalement démocrate. C’est l’exemple du républicain affirmé qui considère qu’au-dessus de la République, il n’y a rien ni personne. Celle-ci a été le moteur de son engagement, car chez lui, la République n’est pas chose désincarnée, aérienne, qu’on rappelle dans de grandes envolées lyriques sans matérialité concrète. La République chez Moustapha est une essence, une spiritualité telle qu’elle a été imaginée par les grands penseurs républicains. Mais elle est aussi et surtout pour lui, une exigence à bâtir des sociétés humaines équitables, moulues dans le savoir qui libère l’individu des dogmes qui enferment et de l’obscurantisme qui nuit.
Je me refuse depuis son arrestation, à sortir des phrases toutes faites comme «Moustapha ne mérite pas la prison». Il déteste ce type de phrases de toute façon, car convaincu me dit-il souvent «Gauche -oui, Moustapha ne prononce jamais mon prénom, il m’appelle toujours ainsi- je ne fais que mon devoir. Il faut toujours faire ce qu’on a à faire. Le Sénégal n’appartient à personne, nous qui y habitons aujourd’hui en sommes juste des locataires non permanents, d’autres étaient là avant nous et d’autres générations viendront après nous».
Moustapha savait qu’il allait être arrêté et emprisonné. Il s’y est préparé et avait préparé ses proches. Mais j’ai deux mauvaises nouvelles pour ceux qui veulent lui imposer le diktat de la terreur : Moustapha ne se taira pas, ensuite il ne connaît pas ce sentiment qu’est la peur. Mieux, c’est un homme insensible aux honneurs, car sachant que ceux-ci, pour la plupart, sont fugaces et insincères. De sa première grève en tant qu’élève contre l’attitude d’un directeur d’école dont il était en même temps le… répétiteur des enfants, à ses activités syndicales à la Bceao, qui ont abouti à son licenciement, en passant par son départ du Pds, son exclusion de l’Apr, il est devenu un homme endurci et un militant ayant atteint le degré le plus élevé du militantisme, celui où tu n’agis ni pour les nominations ni pour les élections, mais au nom du tribunal suprême de la conscience.
Abdel Hamid Kichk avait dit un jour : «Le paradis est dans ma poitrine, je le porte partout où je vais.» Je dirais la même chose de Moustapha, qui porte la liberté dans son Adn, et qu’il gardera toujours intacte, même au fond d’une geôle.
Un jour, des livres d’histoire raconteront le rôle de Moustapha Diakhaté pour le retour de la paix civile en mars 2021 et ses efforts manifestes pour la préservation de la République entre mars 2021 et avril 2024. Je ne sais pas tout, mais j’en sais un rayon, entre ce qu’il a bien voulu me confier et ce que j’ai glané d’autres sources crédibles, et que par humilité et pudeur, lui n’a pas voulu me révéler. Moustapha est un patriote sincère, un républicain ombrageux et un démocrate authentique, et c’est un homme profondément bon, généreux et attachant.
Un des matins qui arrivent, j’irai voir Moustapha. Je me réveillerai difficilement le matin, la mine triste, je laisserai ma voiture au parking de la prison. Je ferai le pied de grue devant cet immense portail en fer vert, et à l’ouverture je me hâterai au milieu des gens pour rejoindre la salle des haut-parleurs au son difficilement perceptible. J’entendrai mon nom et j’irai voir Moustapha… s’il daigne bien me recevoir, car je connais mon ami, il ne fait jamais rien comme les autres.
MAMADOU DIOUF PLAIDE POUR UNE RECONNAISSANCE DU STATUT DES TIRAILLEURS
Le massacre des Tirailleurs Sénégalais, longtemps ignoré et minimisé par les autorités françaises, a fait l'objet de nombreuses discussions parmi les historiens, les intellectuels et les politiques
Le massacre des Tirailleurs Sénégalais, longtemps ignoré et minimisé par les autorités françaises, a fait l'objet de nombreuses discussions parmi les historiens, les intellectuels et les politiques. À l'occasion du 80e anniversaire de ce tragique événement, le Sénégal a pris des mesures importantes pour honorer la mémoire de ces tirailleurs, en veillant à ce que leur sacrifice ne soit jamais oublié.
Dans la matinée du 1er décembre 1944, une répression sanglante s’est abattue sur les Tirailleurs Sénégalais de retour de la France, pour avoir réclamé leurs droits. Des éléments de l’Armée et de la Gendarmerie françaises, soutenues par des véhicules blindés et des chars, ont ouvert le feu sur des hommes qui n'étaient ni armés ni en état de se défendre. Selon le Professeur Mamadou Diouf, qui préside le Comité scientifique mis en place dans le cadre de cette commémoration, le bilan officiel, qui a minimisé l'ampleur du massacre, faisait état de 35 morts ; mais les estimations plus réalistes avancent un chiffre de 300 à 400 victimes. Les archives militaires et administratives françaises ont été largement falsifiées, dissimulant ainsi la vérité et effaçant l'ampleur de la répression.
A en croire l’historien qui milite pour que «le statut de 'morts pour l’Afrique'» soit accordé aux victimes, le massacre de Thiaroye reste une douloureuse cicatrice dans l’histoire des Tirailleurs Sénégalais et de l’histoire coloniale. Les autorités françaises ont longtemps cherché à minimiser l’événement, qualifiant l’incident de «mutinerie» pour justifier la violence. Mais les survivants et les témoins, ainsi que les chercheurs et historiens, ont insisté pour que la vérité éclate sur cet acte brutal.
En 2014, l’ancien président français, François Hollande, a reconnu la responsabilité de la France dans le «massacre» des Tirailleurs, affirmant que «des balles françaises avaient tué les Tirailleurs». Il a qualifié l’acte de commémorer pour l’éclatement de la vérité de «réparation de l’injustice» et a déclaré que l’intervention de l’Armée française avait été «épouvantable et insupportable». Toutefois, cette reconnaissance ne semblait pas aller au-delà d’un acte symbolique, sans offrir de véritable réparation pour les victimes. Le 21 novembre 2024, dans un discours marquant, l’ancien président français a de nouveau évoqué le drame en qualifiant les événements de «massacre à la mitrailleuse», un terme qui a permis de mettre enfin des mots sur la brutalité de l’acte.
Quelques jours après, le 28 novembre 2024, le président français, Emmanuel Macron, a aussi pris la parole pour reconnaître la gravité de ce «massacre», dans une lettre adressée au président sénégalais Bassirou Diomaye Diakhar Faye, marquant un pas important dans la reconnaissance officielle de la répression sanglante de Thiaroye.
Le Professeur Mamadou Diouf, coordonnateur du Comité pour la Commémoration du 80e anniversaire du massacre, a insisté sur l'importance de «lever le voile» sur cette tragédie. Dans ses interventions, il a souligné que cette reconnaissance par la France n’était qu’un premier pas : «Lever le voile sur le massacre, contre les manœuvres de dissimulation de la vérité, est, aujourd’hui, un impératif catégorique». Il a ajouté que le Sénégal et l'Afrique doivent reprendre le contrôle de leur narration historique. «Prendre l’initiative relativement à la production du récit portant sur ce moment de notre histoire, c’est retourner l’évènement à l’Afrique», a-t-il déclaré.
Le gouvernement sénégalais, sous l’impulsion du président Bassirou Diomaye Faye, a pris plusieurs initiatives pour rendre hommage aux Tirailleurs Sénégalais et garantir que leur sacrifice soit honoré. Il y a, entre autres, l’institution du 1er décembre comme la Journée nationale des Tirailleurs, en souvenir de leur contribution et de leur lutte pour la justice, et le projet d’érection d’un mémorial à Thiaroye pour rendre hommage aux victimes et rappeler aux générations futures cette page sombre de l’histoire coloniale.
Le Professeur Diouf, coordonnateur du Comité de commémoration, a exprimé sa satisfaction par rapport à ces mesures prises par le gouvernement sénégalais. «Une vaste entreprise ; une Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de la République française, a pris la parole lors de la cérémonie pour marquer un tournant historique. «C'est la raison pour laquelle le Président de la République (française, ndlr) vous a écrit, Monsieur le Président (du Sénégal, ndlr), pour vous dire que la France se doit de reconnaître que ce jour-là s’est déclenché un enchaînement de faits ayant abouti à un massacre», a-t-il déclaré, soulignant la reconnaissance par la France de cette tragédie. Il a rappelé que la France, en acceptant de reconnaître cette vérité, agissait aussi pour elle-même, pour réparer l’injustice qui a entaché son histoire. «Et si la France reconnaît ce massacre, elle le fait aussi pour elle-même, car elle n'accepte pas qu'une telle injustice puisse entacher son histoire», a fait savoir le diplomate. LIRE SUITE PAGE 7 entreprise difficile mais ô combien passionnante». Selon lui, ces initiatives sont essentielles pour produire un récit historique partagé et pour éduquer les générations futures sur l’importance de l’unité et de la justice sociale en Afrique. Le massacre de Thiaroye a acquis une nouvelle signification avec les commémorations actuelles, devenant un symbole de la lutte pour la dignité des peuples africains. En reconnaissant ce massacre, le Sénégal et l'Afrique affirment leur droit à une histoire partagée, à une mémoire authentique et à un avenir unifié.
Comme l’a écrit le premier président sénégalais, Léopold Sédar Senghor, depuis 1948 déjà, dans son poème «THIAROYE» (1944), cet événement fait partie intégrante de l’histoire d’une Afrique «éternelle», mais aussi d’une Afrique qui aspire à un «monde nouveau». Le Professeur Diouf a conclu en soulignant l’importance de ce moment historique pour l'Afrique : «Thiaroye est, pour nous Sénégalais, l’occasion aussi dramatique que majestueuse d’accorder aux victimes du massacre le statut de 'morts pour l’Afrique' et pour l’esprit panafricain», a plaidé ce dernier.
Ainsi, le 80e anniversaire du massacre des Tirailleurs Sénégalais à Thiaroye n’est pas qu’un acte de mémoire, mais il incarne une revendication pour la reconnaissance du rôle de ces héros oubliés et pour l’unité et la réconciliation africaines.
Par Mansour SECK
THIAROYE 44 : CE QUE J'EN SAIS
C’est en 1962, après l’Ecole de Saint Cyr, alors sous-lieutenant, que j’ai découvert l’histoire des Tirailleurs Sénégalais dont le corps a été créé par Faidherbe en 1957. En retournant au Sénégal, j’ai été choqué d’apprendre la tragédie de Thiaroye
C’est en 1962, après l’Ecole de Saint Cyr, alors sous-lieutenant, que j’ai découvert l’histoire des Tirailleurs Sénégalais dont le corps a été créé par Faidherbe en 1957. En effet, à la fin de mon séjour dans un camp de vacances à Innsbruck, en Autriche, le propriétaire, d’un certain âge, n’a pas voulu que je paie la facture. Il m’a expliqué qu’il a été prisonnier des Allemands avec les Tirailleurs Sénégalais. IL a loué leur courage et leur gentillesse.
J’ai également visité, à cette période, les villes de Toulon et de Fréjus, où une mosquée et un Tata (Case Africaine, cimetière) témoignent de la participation importante des Tirailleurs Sénégalais à la libération de la Provence. D’ailleurs, un Sénégalais a été maire de Fréjus.
En retournant au Sénégal, j’ai été choqué d’apprendre la tragédie de Thiaroye, le 1er décembre 1944. J’ai aussi reçu l’information dramatique du massacre en juillet 40 par les Allemands, de près de 200 Tirailleurs Sénégalais, dont 58 à la mitrailleuse et au char, appartenant au 25ème Régiment des Tirailleurs Sénégalais à Chasselay près de Lyon. En ce qui concerne Thiaroye, j’ai consulté une dizaine de livres parlant des Tirailleurs Sénégalais, en particulier, « l’Epopée des Tirailleurs Sénégalais » par Eugène Jean Duval, Contrôleur Général des Armées, «Thiaroye 1944» de Martin Mourre et «Crimes et Réparations» de Bouda Etemad.
Le Professeur Buuba DIOP et Monsieur Mamadou KONE, historiens, m’ont aidé dans mes recherches.
Ce qui me parait le plus important à savoir dans le massacre de Thiaroye, c’est le rapport du Colonel Carbillet, Commandant de l’opération du 1er décembre 1944.
Dans l’épopée des Tirailleurs, l’auteur signale qu’il n’y a pas eu de compte- rendu émanant des Tirailleurs, ce qui démontre que les informations sont unilatérales et sans contradiction.
Après l’opération, le service de santé militaire rapporte qu’il y a eu 24 morts sur place, 47 blessées et 48 survivants qui ont été condamnés par le tribunal militaire à des peines allant de 1 à 10 ans de prison pour mutinerie. Certaines sources parlent de 70 à 300 tués
Une autre information importante qui démontre que ces anciens militaires étaient désarmés, c’est la liste des armes trouvées sur place après la fouille : « de nombreux couteaux et baïonnettes, des grenades F1, un revolver 1892, des coupecoupes, etc. » Ce qui démontre que ces anciens prisonniers appelés «mutins»étaient désarmés car démobilisés. En effet, la dotation classique d’une unité militaire en armement se compose de fusils, de mitrailleuses, etc., et non de couteaux.
Une autre anomalie : Je n’ai pas trouvé les deux tableaux d’effectifs nominatifs avec numéros de matricules avant et après l’opération. Ces tableaux devaient figurer parmi les documents importants traitant de cet évènement.
La juriste Professeur Amsatou Sow Sidibé pose la question de « la qualification des faits de Thiaroye 44 ». Julien Fargettas, Armelle Mabon et Martin Mourre ont traité la sémantique entre tragédie, massacre et crime de masse. Ils ont choisi le terme « massacre ».
Pour parler de la cause de cet évènement, il faut remonter à quelques mois avant l’arrivée des Tirailleurs à Dakar. En effet, après 4 années d’emprisonnement dans les fronstalags allemands sans être payés, ils ont exprimé leur mécontentement à Morlaix, Hyères, Agen, Sète, Mont Marsan, Versailles, etc. D’ailleurs ils étaient nombreux à ne pas vouloir embarquer dans le bateau anglais Circassia pour rentrer en Afrique avant d’être payés.
En effet, la Circulaire 2080 du Ministère de la Guerre précisait « que la solde de captivité des anciens prisonniers de guerre devait être entièrement liquidée avant le départ de la métropole ». Ce qui n’a pas été le cas et qui explique leur mécontentement.
Donc dire que la propagande allemande sur les anciens prisonniers était la cause de leur révolte ne peut pas être retenue. Il faut aussi préciser que le comportement des Tirailleurs Sénégalais vis-à-vis de la « supériorité du blanc » avait changé. Au combat, ils ont vu que les balles allemandes ne faisaient pas la différence entre le blanc et le noir, que les blancs, comme eux, sont des êtres humains qui pouvaient avoir peur et pleurer dans la souffrance. Certains tirailleurs ont même pu marier des Françaises. D’ailleurs, le Professeur Iba Der THIAM a parlé de changement de mentalité des Tirailleurs Sénégalais après la guerre. Ils n’avaient plus le complexe du Blanc.
Dire que les « mutins » ont ouvert le feu les premiers ne peut être qu’une contre-vérité. En effet, entre 6 heures et 7 heures du matin au début de l’opération, ils sortaient tout juste du lit et certains ont même cru que les tirs étaient des cartouches à blanc, jusqu’au moment où ils ont vu leurs camarades tomber. Je n’ai trouvé aucun rapport officiel donnant des informations sur la sépulture des morts. Pourtant, l’Inspecteur Mérat soutient que ce drame de Thiaroye n’est « la faute de personne ». Cependant, en 2014, Le Président Hollande a parlé « de la répression sanglante de Thiaroye » et a reconnu « le non versement de leurs arriérés de solde et d’indemnités, faute fonds suffisants.»
Auparavant, le Président Mitterrand avait, lors d’une visite au Sénégal, parlé d’une « dette de sang » vis-à-vis des tirailleurs. Il faut aussi préciser que les soldes payées aux ex-prisonniers étaient très inférieures à celles payées aux métropolitains. C’est l’équivalent de 230 euros aux Tirailleurs et 690 euros aux métropolitains. En plus, le Président De Gaulle a «cristallisé » ces indemnités en 1959. C’est-à-dire qu’il les a bloquées à cette date, sans tenir compte de l’inflation. Un séjour en France leur était imposé.
A l’occasion de la tragédie de Thiaroye, le Président Senghor, ancien combattant de la 2eme Guerre Mondiale, ancien prisonnier du 3e régiment d’Infanterie Coloniale au frontstalag 230 de Poitiers, académicien français, dont l’attachement à la France est indiscutable, a dit qu’il ne reconnaissait pas la France, patrie des droits de l’homme dans cet évènement.
Pourtant les présidents De Gaulle et Mitterrand ont reconnu que sans la colonisation la France ne serait pas une grande nation. Bouda Etemad, dans « Crimes et Réparations », pose la question suivante : « Pourquoi choisit-on de préférence la Traite Négrière, l’Esclavage ou l’extermination des populations indigènes dans le cadre de la décolonisation à d’autres «crimes», lorsque l’on fait valoir que l’écoulement du temps n’efface pas les responsabilités de ceux qui, dans un passé souvent lointain, ont commis de tels actes ? »
Le réveil des consciences des Tirailleurs Sénégalais décomplexés sur le fait qu’ils étaient égaux des Blancs après leur douloureuse expérience partagée avec eux, peut-être la graine qu’ils ont semée pour que les Africains aspirent à l’indépendance obtenue dans les années 1960.
Il faut reconnaitre que l’impact de la participation des Tirailleurs Sénégalais aux deux Guerres mondiales n’est pas oublié partout en France. En effet, chaque année, les habitants de la ville de Lectoure, dans le Gers, honorent les 73 Tirailleurs appartenant au 84ème Bataillon des Tirailleurs Sénégalais enterrés sur place pendant la Grande Guerre. De même, à Chasselay, les habitants organisent régulièrement une cérémonie honorant la mémoire des Tirailleurs Sénégalais tués en juin 1940 par la Division SS Totenkopf et le régiment Grossdeutschland. Un cimetière Tata y a été également construit en leur mémoire.
Chaque année, le D-Day du 6 juin 1944, date du début de la libération de la Normandie par des troupes alliées commandées par les Américains, est célébré en grande pompe, en 2024, c’est en présence de 25 chefs d’Etat et de gouvernements, dont aucun Africain. C’est comme si on oublie que le Sud de la France a été libéré, en grande partie, par les soldats africains »
NB : J’ai commencé cette recherche bien avant d’apprendre qu’une commission de remémoration présidée par le Professeur Mamadou Diouf a est installée. Je suis sûr que leur travail sera plus complet que le mien.
*Le titre est de la rédaction **
ENTRE MEMOIRE ET JUSTICE, LEÇONS D’UNE PLAIE OCTOGENAIRE
Le ton du discours, poignant et solennel, a oscillé entre une dénonciation ferme des injustices du passé et une volonté de réconciliation. Les mots, empreints de gravité, ont interpellé l’auditoire sur la nécessité de préserver la mémoire historique .
C’est en présence des Chefs d’Etat de Mauritanie, Ould Cheikh EL GHAZOUANI de la République islamique de Mauritanie, Président en exercice de l’Union Africaine, AZALI Ansoumani de l’Union des Comores, Adama BARROW de Gambie, Umaru Sissoko de Guinée-Bissau, Brice Clotaire Oligui NGUEMA de la République gabonaise, du ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, que le président de la République, Bassirou Diomaye Faye a délivré son discours qui est autant un appel qu’une critique des systèmes en place qu’une invitation à l’action. Concluant sur une note d’espoir, il affirme que le changement est possible si nous agissons ensemble avec audace et détermination.
Dans son discours de M. Mamadou Diouf, chargé de coordonner le comité de commémoration du 80ème anniversaire du massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye, a dévoilé avec force, les enjeux mémoriels, historiques et politiques liés à cet épisode sombre de l’histoire coloniale française. Ce massacre, survenu le 1er décembre 1944, a été non seulement analysé comme une tragédie humaine, mais aussi comme un symbole de la dissonance entre la Libération défendue par la France et les pratiques brutales de son administration coloniale
UN CONTEXTE HISTORIQUE LOURD DE SENS
M. Diouf a commencé par un rappel poignant des faits : des soldats africains, enrôlés de force pour combattre sous le drapeau français durant la Seconde Guerre mondiale, furent massacrés à leur retour après avoir osé revendiquer des droits légitimes. Leur crime ? Exiger des compensations pour leur engagement et dénoncer des conditions de vie indignes dans le camp de Thiaroye. Ce contexte de répression illustre une contradiction fondamentale : la célébration de la liberté par la France coïncidait en effet avec la négation des droits des soldats issus des colonies.
L’AMPLEUR DU MASSACRE : UNE VÉRITÉ OCCULTÉE
Le bilan du massacre reste flou et contesté. Les chiffres avancés oscillent entre 35 et 400 morts, une disparité qui souligne la volonté des autorités françaises de minimiser l’événement. M. Diouf a dénoncé les falsifications, la destruction ou l’inaccessibilité des archives, et a appelé à une collaboration franche avec la France pour lever le voile sur cette tragédie. Ce manque de transparence est présenté comme une violence supplémentaire infligée aux victimes et à leurs descendants.
UNE RECONNAISSANCE TARDIVE MAIS INSUFFISANTE
Si des avancées ont été réalisées, notamment avec les déclarations de François Hollande en 2014 et plus récemment d’Emmanuel Macron, ces gestes sont perçus comme tardifs et partiels. M. Diouf a interpellé directement sur la nécessité d’aller au-delà des paroles, pour que la reconnaissance du massacre ne reste pas une simple formalité mais soit accompagnée par des actions concrètes et un travail de mémoire partagée.
UNE COMMÉMORATION TOURNÉE VERS L’AVENIR
Le discours marque une rupture notable : sous la présidence de Bassirou Diomaye Faye et avec le soutien du Premier Ministre Ousmane Sonko, le Sénégal adopte une posture proactive pour reprendre la narration de cette histoire. L’objectif est clair : réinscrire Thiaroye dans une perspective panafricaine, en faisant des victimes des “morts pour l’Afrique”. Cette commémoration dépasse le simple hommage pour devenir un levier d’éducation civique et de construction citoyenne.
VERS UNE NOUVELLE PÉDAGOGIE DE L’HISTOIRE
M. Diouf a également appelé à une approche inclusive et créative : le massacre de Thiaroye doit nourrir des récits historiques, culturels et artistiques, essentiels pour transmettre une mémoire collective. Il fait référence aux œuvres de figures comme Senghor et Keita Fodéba, qui ont utilisé la poésie pour immortaliser cet événement. Cette dimension artistique est perçue comme un moyen puissant de célébrer la diversité et de bâtir une unité panafricaine.
UNE INITIATIVE COURAGEUSE ET ESSENTIELLE
Ce discours, à la fois solennel et militant, reflète un effort sincère pour affronter un passé difficile tout en ouvrant la voie à une réconciliation fondée sur la vérité et la justice. En érigeant les tirailleurs en symboles de la lutte pour la liberté et la dignité, le Sénégal ambitionne de transformer une tragédie en un moteur d’espoir et d’unité pour l’Afrique. Ce tournant mémoriel, initié par le gouvernement actuel, constitue une entreprise délicate mais cruciale, pour garantir que l’histoire des victimes de Thiaroye ne soit plus jamais reléguée au silence.
INITIATIVES, MÉMOIRE ET JUSTICE
Le président de la République a énuméré des initiatives pour la mémoire : Création d’un mémorial et d’un centre de documentation à Thiaroye. Enseignement de cet épisode dans les curriculums scolaires pour sensibiliser les générations futures. Instauration d’une Journée du Tirailleur le 1er décembre de chaque année pour pérenniser cet hommage.
OULD EL-GHAZOUANI,
En délivrant son discours, M. Ould ElGhazouani, le chef de l’Etat mauritanien et Président de l’Union africaine, a rendu un vibrant hommage aux tirailleurs sénégalais, soulignant leur courage et leur détermination, malgré les conditions climatiques difficiles et la puissance de l’ennemi en Europe. Ces derniers «ont affronté la mort sur les champs de bataille, contribuant ainsi à la victoire des Alliés et à la libération de la France », a-t-il rappelé, tout en insistant sur l’importance de préserver leur mémoire : « Leur sang versé sur cette terre ne sombrera jamais dans l’oubli. » Il a également salué l’initiative de son homologue français, Emmanuel Macron, pour avoir reconnu officiellement le massacre des tirailleurs africains le 1er décembre 1944 au camp de Thiaroye. Il a souligné que cet acte de reconnaissance est essentiel pour la mémoire collective.
BASSIROU DIOMAYE FAYE
Dans son discours, le président de la République, Bassirou Diomaye Faye a évoqué le massacre de Thiaroye, comme étant un épisode tragique survenu le 1er décembre 1944, où des tirailleurs sénégalais furent exécutés par l’armée coloniale française. Ces soldats, ayant combattu courageusement pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale, réclamaient des droits légitimes : le paiement de leurs indemnités. Ce massacre incarne l’injustice et l’oppression vécues par les Africains sous le joug colonial. Il a souligné l’importance de cette commémoration, 80 ans après, non seulement pour rendre hommage aux victimes, mais aussi pour faire émerger une vérité historique longtemps occultée. Après avoir rappelé les faits (tirailleurs sénégalais, issus de divers territoires africains sous domination française, ayant sacrifié leur vie et leur liberté pour l’effort de guerre et qui, malgré leurs contributions décisives, ils ont subi discrimination et violence), le président Faye a qualifié Thiaroye 44 de « crime de masse prémédité ». Puis, il a appelé à une reconnaissance totale des faits. La récente déclaration du président français Emmanuel Macron reconnaissant le massacre a été saluée, bien qu’incomplète, puisqu’il faudrait reconstituer les événements, identifier les victimes et dévoiler les responsabilités. C’est une condition essentielle pour une réconciliation sincère.
GRAVITÉ ET SOLENNITÉ
Le ton du discours, poignant et solennel, a oscillé entre une dénonciation ferme des injustices du passé et une volonté de réconciliation. Les mots, empreints de gravité, ont interpellé l’auditoire sur la nécessité de préserver la mémoire historique pour éviter les répétitions tragiques. Il témoigne également d’un effort pour articuler une mémoire historique et une revendication politique. Il met en lumière la résilience des Africains face aux récits souvent biaisé et l’importance de la construction d’une histoire commune respectueuse des sacrifices consentis. Cependant, le défi demeure : comment concilier cette reconnaissance avec la complexité des héritages coloniaux ? Le chemin vers une réhabilitation complète exige une collaboration entre les anciennes puissances coloniales et les nations africaines. Ce discours résonne comme un appel à l’action collective pour restaurer la justice et la dignité. En donnant une voix aux victimes oubliées de Thiaroye, il transforme cette tragédie en un levier pour redéfinir les relations entre l’Afrique et l’Europe, tout en inspirant une génération à ne jamais oublier. Quant à la commémoration de Thiaroye , elle ne se limite pas à un hommage aux martyrs. Elle se veut un serment collectif de justice et de vérité, affirmant que le sacrifice des Tirailleurs sénégalais ne sera plus jamais ignoré. Ce discours est une invitation à bâtir un futur où les leçons du passé guideront les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. La cérémonie a réuni de nombreuses personnalités, dont le Premier ministre Ousmane Sonko, des diplomates, des délégations venues du Cameroun, de Djibouti, du Tchad, du Burkina Faso, et des représentants diplomatiques d’institutions internationales.
Par Henriette NIANG KANDÉ
SOUS LE SIGNE DU BAOBAB ET DU LION
Une prière à ces députés : que les échanges ne soient pas seulement des « vous n’avez pas de Projet » auxquels on répond « Et vous, vous avez oublié le vôtre ! ». Épargnons-nous ces spectacles d'acteurs s'affrontant sur un texte mal préparé
Aujourd’hui 2 décembre 2024, sous les armoiries de la République, le lion et le baobab, prendront place 165 femmes et hommes, portant l’écharpe tricolore, posée sur le haut de l’épaule droite et nouée sur la hanche gauche. Ce n’est pas trop de le dire. Y en a qui la mettront à l’envers, c’est certain. Ce qui ne présage rien de bon.
Le baobab, ce colosse si sûr de lui ! Cet arbre majestueux, emblème de l'Afrique et star incontestée des documentaires animaliers. Avec son tronc gonflé comme s'il s'était offert un abonnement illimité dans une dibiterie, le baobab en impose.
Mais derrière son allure de géant sage et immuable, il cache une sacrée personnalité. D’abord, parlons de sa silhouette. Le baobab donne l'impression qu'il a été planté à l'envers par un jardinier un peu distrait. Dénudées, ses branches ressemblent à des racines. Comme si la nature avait confondu le haut et le bas. Mais loin de s'en offusquer, il en a fait sa marque de fabrique. "Moi, je fais les choses différemment", semble-t-il clamer en se pavanant dans la savane. La modestie ? Pas son fort.
Mais ne vous laissez pas duper par son air placide. Sous ses airs d'arbre philosophe se cache une véritable diva. Le baobab vit en moyenne 1000 ans, et certains spécimens atteignent les 2000 ans. Il se vante donc volontiers d'avoir vu passer des générations entières, en semblant dire : "Moi, je prends mon temps, et regardez où ça m'a mené".
Et côté mode, il n'est pas en reste. En saison sèche, il se débarrasse de ses feuilles, affirmant que "le minimalisme, c'est chic". En saison des pluies, il revient en force avec une touffe verte luxuriante, comme s'il avait réservé le coiffeur le plus exclusif de la savane. Le baobab, c'est un peu l'arbre influenceur qui lance les tendances sans en avoir l’air.
Mais attention à ne pas le flatter trop vite : son fruit, le pain de singe, est un concentré de vitamines. Et bien sûr, il en est très fier. Il n'hésite pas à se moquer des autres arbres, détectés : "Moi, je nourris les humains et les animaux. Toi, le manguier, tu fais quoi à part attirer la mouche blanche ?"
Bref, le baobab, c'est l'arbre qui a tout vu, tout vécu et qui, à chaque rafale de vent, semble murmurer : "Je suis la star ici, ne l'oublie pas." Et franchement, avec un ego pareil, on comprend pourquoi il est encore debout après tout ce temps.
Quid du « lion rouge [qui] a rugi, le dompteur de la brousse ? », c'est-à-dire un désert géant avec trois buissons et un arbre solitaire. Pourquoi ? Parce qu'il aime se poser sur une colline en mode « surveillant général ». Pas de forêt touffue pour monsieur : il veut que son public le voit. Et que font les lionnes pendant ce temps ? Elles sont occupées à leur rôle : subvenir aux besoins de la troupe en chassant des proies pour les membres qui la composent.
Star des documentaires animaliers, le lion est un symbole universel de force, de noblesse et de virilité. Avec sa crinière imposante qui ferait trembler un hémicycle, il est considéré comme le roi incontesté de la savane, bien que ce sont les lionnes qui chassent, traquent, courent, bondissent, tuent et ramènent la pitance, élevant l’expression « gérer la logique familiale » à un tout autre niveau. Le lion a un talent unique : il sait très bien rugir. Un rugissement qui s'entend à huit kilomètres, parfait pour faire peur aux hyènes, impressionner ses potes et réveiller tout le quartier à 4h du matin. Ce son terrifiant équivalent d’un mégaphone branché sur un ampli à fond, dont le lion se sert pour éviter un rival ou rassurer ses troupes. Imaginez-le crier « c'est mon territoire » à pleins poumons. Dans la brousse, c’est tout à fait normal. Là-bas, on ne tweet pas. On rugit. Mais soyons honnêtes : en dehors de sa carrière de chanteur à la voix rauque, quand il chasse (rarement), c'est plutôt en mode « pas de stress ». Sauf quand il sent que l’harmattan, ce vent de la savane, très chaud le jour, plus frais la nuit et toujours chargé de poussière, souffle dans la broussaille et que le risque d’une remise en question existentielle est présent. Parce que, s’il est délogé, le rival ne se gênerait pas pour effacer toute trace de la lignée précédente, petits lionceaux compris. Être roi, ce n'est pas qu'une question de crinière, mais de muscles et de charisme. Faut savoir tenir son rang !
Mais voilà que le Pastef, majoritaire de cette 15ème législature, arrive à l’Assemblée nationale avec un léopard visible dans le creux du P du logo qui identifie ce parti. Dans le monde animal, il y a des duels légendaires : chat contre chien, poisson contre requin, hyène contre... charogne, et bien sûr, lion contre léopard. Plongeons dans ce débat. Le léopard, avec son allure incroyable, une agilité impressionnante (il se hisse pour protéger sa nourriture pour qu’elle soit inaccessible) et un pelage à faire pâlir un tapis iranien fait main, a refusé, de se faire passer pour un mannequin. Sa première tentative à des législatives a donné l’impression qu’il s’est infiltré dans une séance photo pour une marque de vêtement de luxe, se glissant sur le plateau parlementaire, se pavanant fièrement. Les premières images, ont attiré des followers. Finalement, il a trouvé sa vraie vocation : guide éclairé. Qui mieux qu’un guide peut emmener les touristes au plus près de la faune ? S’il y en a beaucoup qui l’adorent, certains paniquent quand il leur propose un "colléserré" et d’autres fuient en prenant leurs pattes à leur coup. Ce n’est pas une affaire de tâche. C’est une affaire de chasse.
Aujourd’hui donc, l’hémicycle, toujours aussi majestueux, avec ses dorures et son air de sérieux, accueillera les élus qui prendront place sur des sièges rouges. Le rouge, cette couleur flamboyante et insolente. Que ce soit pour symboliser la pas sion, le danger, ou une tomate trop mûre oubliée dans le fond du frigo, le rouge ne laisse personne indifférent. Pourtant, avez-vous déjà réfléchi à l’incroyable pression qu’endure cette couleur au quotidien ? N’est-il pas temps de lui rendre justice.
Prenons, par exemple, les feux de signalisation. Pourquoi est-ce au rouge qu’on a confié le rôle ingrat d’arrêter tout le monde ? Personne ne s’extasie devant un feu rouge. Non, au contraire, on soupire, on peste, on klaxonne (parce que klaxonner est une thérapie nationale). Pendant ce temps, le vert, tranquille, fait la fête : "Vas-y, c'est bon, fonce !" Et le jaune, lui, hésite, comme un ado qui ne sait pas s'il doit participer ou non à une soirée.
Le rouge est également la couleur des erreurs, des problèmes, des alertes. Un petit "X" rouge dans un document Word, et c’est la grande question : "Mais qu’est-ce que j’ai encore cassé ?" Mais il n’y a pas que dans le code de la route ou sur les écrans que le rouge se démarque. Parlons un peu de la mode. Une robe rouge, et hop, vous êtes la reine de la soirée. Mais attention, c’est un art de vivre, pas un hasard. La robe rouge incarne la confiance, l’assurance et un peu de désinvolture. Portée avec la posture d’une dinde enrhumée, le risque est de passer pour un panneau stop ambulant.
Et que dire du vin rouge ? Le seul qui peut à la fois être un élixir de convivialité et un grand criminel de chemises blanches. Un verre renversé et, tout d’un coup, vous avez une œuvre d’art abstrait sur votre poitrine.
Bref, le rouge, c’est tout un paradoxe. Une couleur qui crie "Attention !" tout en murmurant "Admire-moi". Alors, la prochaine fois que vous apercevrez un feu rouge, une tomate ou une chemise tachée, prenez une seconde pour apprécier cette teinte si mal-aimée mais si essentielle. Parce qu’après tout, sans le rouge, la vie manquerait sacrément de piquant… et de ketchup.
Une prière « quinquennale » adressée à ces députés. Merci de nous épargner ces spectacles où des acteurs chevronnés s’affrontent dans une pièce de théâtre dont le texte semble avoir été écrit à la dernière minute. Et où des députés, en pleine « joute verbale » (traduisez : chamailleries ou insanités de cour de récréation), rivalisent d'indignation feinte et de petites piques acides, houspillant un ministre perdu dans ses fiches ou un opposant qui lance des regards meurtriers, pendant que le public conquis donne de la voix ou couvre celle d’un autre du bord opposé.
Que les échanges ne soient pas seulement des « vous n’avez pas de Projet » auxquels on répond « Et vous, vous avez oublié le vôtre ! », alors qu’un nouveau ou une nouvelle élu (e), dont personne ne convient au tempo, tente une intervention sérieuse, sous les ricanements de ceux qui étaient là avant, devant une majorité fanatique et une opposition qui hésite entre une position institutionnelle et une perspective fonctionnelle.