Il y a quatre jours de cela (le jeudi 16 avril 2015 à Kaffrine), répondant aux questions de la Presse nationale pour ainsi clôturer sa visite économique dans la région naturelle du Sine-Saloum, le Président de la République faisait l’éloge de la transhumance politique, semblant oublier la répugnance que les Sénégalais nourrissent à l’encontre de ce phénomène, particulièrement en ce qui concerne les citoyens ayant maille à partir avec le Justice. Aussi, semblait-il faire fi des effets négatifs que la transhumance a produits, par le passé, dans la gouvernance interne du Parti Socialiste en 2000, surtout du Parti Démocratique Sénégalais en 2012, et par conséquent sur l’élection présidentielle de ces deux années-là.
Au même moment, ramenant et circonscrivant à l’actualité une vieille revendication des enseignants – revendication qu’il ignore peut-être de bonne foi, mais que beaucoup de cadres de son camp ou de son entourage, les enseignants en premier, ont encore dans la besace de leur mémoire – le Président de la République souligne l’incapacité du Gouvernement à procéder au relèvement de l’indemnité de logement des enseignants.
Pourtant, il se racontait déjà, depuis les ministères concernés par cette question jusque dans certains grand’places qu’on a fini d’embarquer à dessein, que cette revendication ne pouvait pas être satisfaite pour la simple raison que les enseignants sont nombreux et que le pays n’en a pas les moyens. La revendication n’est donc pas d’aujourd’hui ! Que les enseignants sont nombreux et que le pays n’a pas les moyens de leur augmenter l’indemnité de logement, on pouvait concéder cela au Gouvernement ! Mais que signifient ces augmentations tous azimuts de l’indemnité de logement de certaines franges de la fonction publique qui ne sont pas du tout plus méritantes que les enseignants, avec, comme pour railler ces derniers, une part belle faite ces derniers jours en faveur des Greffiers – peu avant la tournée du Président de la République ou le même jour où il s’adressait à la Presse à Kaffrine – puisque la nouvelle en avait été publiée le lendemain (le vendredi 17 avril 2015) par la Presse écrite ?
N’est-ce pas là verser dans la raillerie ? Déclarer, en dépit de leur grève qui paralyse le système éducatif et hypothèque l’avenir des enfants de ce pays, qu’on ne peut pas régler une telle doléance d’agents qui voient l’argent passer devant eux vers d’autres secteurs (y compris des secteurs non productifs comme les harems diplomatiques) et en même temps tenir le coupe-coupe au-dessus de leur salaire tout en réglant une doléance d’autres agents qui ne paralysent rien du tout à ce jour, n’est-ce pas là faire preuve d’actes qui inspirent de la répulsion, voire la répugnance de l’écrasante majorité des agents de l’Etat vis-à-vis de celui-ci, à l’encontre de l’APR qui est surtout préoccupé par la réélection de Macky SALL pour un second mandat ?
L’APR se dit probablement n’avoir rien à faire avec les enseignants. Ainsi, jette-t-il son dévolu sur les transhumants. Mais mon avis est que les transhumants au Sénégal ne sont pas ces militants de la base qui font la notoriété d’une personnalité politique, qui font que tel ou tel autre responsable politique prenne du galon et soit courtisé par le pouvoir ! Ce ne sont pas cette grande masse de Sénégalais ! Les transhumants, ce sont ces personnalités politiques, ces gros bonnets sous les toits des chapelles politiques, que tout le Sénégal connaît, que tout le peuple voit et entend souvent jeter des flèches au Gouvernement et qui, un bon matin, retournent leur veste pour rejoindre sans la moindre gêne le pouvoir, courtisés qu’ils sont par ce dernier. Le pire est que la plupart du temps, ils ne drainent pas leur monde en rejoignant le parti au pouvoir. Non seulement ils ne drainent pas de monde vers le parti au pouvoir, ils en font malheureusement partir des militants et des responsables de la première heure, de la deuxième et de la troisième, dans la mesure où ils constituent, en raison des appétits qu’ils développent à leur arrivée, les causes principales de dissensions internes fatales au régime en cas d’élections. Macky SALL devrait se garder de tendre la perche à ce type de politiciens, y compris ceux connus déjà pour des dossiers pendants à la Justice. Il doit plutôt la tendre au Sénégalais « lamda », en le séduisant par des politiques hardies qui l’amènent à oublier, économiquement et socialement parlant, ce qu’il avait enduré jusque-là depuis le premier jour de l’occupation coloniale. Parmi ces Sénégalais, les enseignants.
Pourquoi les enseignants ? Chaque famille du Sénégal est représentée dans une institution scolaire par au moins un écolier, un élève ou un étudiant. En d’autres termes, l’école est l’institution la plus représentative de chaque famille sénégalaise, de chaque quartier et de chaque village, de chaque ethnie et de chaque religion. Par l’intermédiaire d’un écolier, d’un élève ou d’un étudiant, c’est plusieurs familles d’un quartier ou d’un village qui sont touchées par un enseignant. Dès que celui-ci s’absente, ce sont des dizaines de familles, voire des centaines de citoyens qui en sont informés ; lorsqu’il observe une grève comme celle qu’observent aujourd’hui le Grand cadre et le CUSEMS, ce sont des dizaines de familles, voire des centaines de citoyens qui s’en offusquent, soi-disant que leurs enfants sont sacrifiés.
Rappelez-vous combien d’enseignants en grève compte ce pays et imaginez alors combien de milliers de citoyens, au total, sont touchés par l’un des effets négatifs de leur grève : le courroux. Lorsque ce courroux contre les enseignants s’amplifie et tire en longueur, il se transforme purement et simplement, en période électorale, en courroux contre le parti au pouvoir. Autrement dit, tous les Sénégalais frappés directement ou indirectement par les grèves ne font qu’en imputer la responsabilité au Gouvernement, lequel reste la cible principale des électeurs le jour du scrutin présidentiel. Certes couper le salaire à des grévistes peut leur faire mal ! Mais tout bras de fer entre enseignants et Gouvernement n’est que publicité contre ce dernier ; et le grand perdant, c’est lui ! En dehors de la grève, l’enseignant mécontent, s’il est animé d’un esprit revanchard, peut user de tout son talent de communicateur pour influencer le peuple au sein duquel il exerce son devoir citoyen. Dans ce cas, il ne peut avoir rien d’autre à faire, dans le quartier ou le village, que de sensibiliser les populations contre ceux qui le diabolisent, ceux-là qui sont autour du gâteau, et cela ne peut être qu’au détriment du pouvoir. Or, il se trouve que l’écrasante majorité des enseignants ne sont d’aucune chapelle politique. Ils sont mieux écoutés que leurs collègues qui polluent les partis politiques !
Qui donc des transhumants, que le pouvoir séduit, unit et munit, ou des enseignants, s’il cessait de les désunir et démunir, pourraient être les meilleurs alliés du Président en 2017 ou 2019 ? Mon avis est que le Président de la République, pour espérer obtenir un second mandat, doit travailler à avoir deux alliés principaux : des réalisations concrètes et palpables à travers tout le pays et dans les secteurs clés de la vie nationale et la paix définitive et durable entre lui et les enseignants seuls capables de faire, mieux que quiconque, le moment venu, la communication dont il a besoin. Qu’il soit fort en politique, Macky n’a pas intérêt à s’ouvrir plusieurs fronts contre lui. Il fait déjà face, et s’il n’y prend pas garde, fera face de plus en plus :
au Front Patriotique pour la Défense de la République qui n’est pas prête à lâcher du lest, à l’inexpérience de son propre parti, l’APR, où beaucoup de ses lieutenants, habités par la démesure et n’écoutant plus leur chef, ne sont que des « tire-ailleurs », à l’effritement de Bennoo Bokk Yakaar, qui se caractérise déjà par des divisions au sein de l’AFP et s’illustrera par le départ du PS, avec la conséquence que beaucoup d’autres partis qui n’ont rien à y faire, n’y trouvant pas leur compte, les suivront et au front social, dans lequel nul n’ignore que même s’ils sont divisés dans leurs luttes, tous les syndicats ne le sont pas en ce qui concerne la détermination à aller jusqu’au bout cette année, sinon les années prochaines qui sont des années d’élections, puisqu’ils ne renonceront jamais à certaines revendications qu’ils ont entamées.
Que se le tiennent donc pour dit tous les tenants du pouvoir, tous les enseignants devenus des Ministres, des Conseillers du Président ou de Ministres, des Directeurs de sociétés ou d’agences, des Députés ou des Maires, il ne faut jamais sous-estimer la capacité de nuisance des enseignants en période électorale. Ils le savent bien, mais ont oublié qu’ils sont des enseignants ! S’ils veulent que Macky SALL obtienne un second mandat pour qu’eux puissent conserver leurs privilèges – je pense à certains avec qui nous avons tenu plusieurs réunions avant le premier et avant le deuxième tour de la présidentielle de 2102 et qui travaillent aujourd’hui dans le Cabinet du Président de la République, dans les Cabinets ministériels et de l’Assemblée Nationale – qu’ils conseillent le Gouvernement à reconsidérer sa position par rapport à la question du relèvement de l’indemnité de logement, laquelle ne tombera pas que dans le salaire de celles et ceux qui ont toujours la craie en main, mais dans le salaire de tous, y compris eux-mêmes.
Les enseignants ne sont pas ce que certains Sénégalais pensent d’eux. Ce sont des humains ! Et parce qu’ils sont des humains, plutôt que de se réjouir de leurs divisions et de tendre l’oreille à ceux qui ne souhaitent pas un second mandat à Macky, le Gouvernement doit cesser de négliger, par des dilatoires, la mise en œuvre des accords, et le Président de la République devra personnellement discuter avec eux tous et voir comment satisfaire entièrement à la doléance, puisque tous sont convaincus qu’il en a les moyens, sinon lui satisfaire dans la mesure des possibilités du Gouvernement. Sinon, tout le monde est perdant – les élèves, les enseignants eux-mêmes et les autres parents – mais c’est le pouvoir lui-même qui est le grand perdant.
En 2005, Sud Quotidien avait élaboré un dossier très fouillé sur la question de l’émigration clandestine, en mettant à contribution tous ses correspondants régionaux. De tous les coins du pays partaient des jeunes et des moins jeunes qui frustrés par les promesses non tenues par l’Etat avaient choisi de braver les dangers de la mer. Le slogan de « Barça ou Barsax » avait vu le jour. Les immigrants avaient juré de voir l’Espagne (débarquer à Barcelone) ou mourir (dans l’océan).
En effet, à la campagne électorale de 2000, le président Abdoulaye Wade, pour haranguer les foules avait trouvé la formule « Qui n’a pas de boulot lève la main ». Il avait alors promis de donner du travail à tous les chômeurs, une fois élu. Mais c’était simplement une stratégie politique. Car le chômage et la pauvreté continuaient de hanter le sommeil de la majorité des Sénégalais. Quand le président Abdoulaye Wade avait pris les rênes du pouvoir en 2000 la réalité était toute autre. Les jeunes se sentant exclus du nouveau système libéral en place n’avaient qu’une vision, partir… Et ce fut la ruée vers l’océan. Les départs étaient organisés de Rufisque, à Saint-Louis, en passant par Yenn, Ngaparou, Mbour, de Joal, Elinkine, de Niodior et Diogué, etc. Où chaque jour les passeurs faisaient partir des centaines d’hommes et de femmes vers le voyage à risque.
Plusieurs concepts étaient utilisés à l’époque pour désigner la forme d’aventure en vogue. Tantôt on parlait de « Mbeuk mi » (coup de tête en Wolof), ou « Barça ou Barsax » (Barcelone ou l’enfer) pour désigner l’aventure maritime. Une affaire d’hommes. C’est une entreprise dangereuse qu’il fallait tenter pour se tirer d’affaire. On se rappelle le dimanche 21 mai 2005 quand 97 sénégalais dont 3 femmes étaient arrêtés au Maroc par la police. C’est le président de l’Union des pêcheurs de Rufisque qui était venu informer la rédaction de Sud Quotidien. De Saint-Louis, préoccupés par la raréfaction des ressources halieutiques et la réduction du nombre des licences de pêche aux pirogues de la ville, 15.000 départs avaient été enregistrés entre mai 2005 et septembre 2006.
Chaque jour, les pirogues de « Guet Ndar » (quartier traditionnel de Saint-Louis) embarquaient cinquante immigrants clandestins qui avaient comme seule ambition : « voir Barça ou mourir ». L’hémorragie était tellement grave que certains quartiers de Saint-Louis étaient vidés de leur jeunesse. Certains clubs de « navétanes » (tournois de football de l’hivernage) étaient même sevrés de leurs joueurs.
Malheureusement, le gouvernement sénégalais outré et dépassé par les vagues de départs de milliers de jeunes qui atterrissent pour la plupart sur les côtes espagnoles, était obligé de réagir pour arrêter la saignée. Ainsi, en septembre 2006, le Sénégal avait rejoint le dispositif de la mission de l’Union européenne de lutte contre l’immigration clandestine (Frontex). L’argent avait encore pesé de tout son poids. De jeunes gens qui étaient arrivés par leurs propres moyens en Espagne avaient vu leur rêve brisé par les autorités sénégalaises qui avaient signé des accords pour les faire rapatrier au Sénégal. Des agents de l’Etat (gendarmes ou policiers) étaient chargés d’aller les chercher dans les centres d’accueil pour les faire revenir de force. A l’arrivée, on leur remettait seulement 10.000 FCFA, une bouteille de Coca-cola et un sandwich.
C’était le comble, et le drame dans certaines familles qui avaient tout vendu pour faire partir leurs enfants. La révolte et le mécontentement couvaient à Dakar. C’est cette jeunesse découragée, trompée et blessée qui était massivement sortie le 23 juin pour solder ses comptes avec le système en place.
LE SENEGAL N’ENREGISTRE PLUS DES DEPARTS PAR VOIE MARITIME
Avec plus de 1100 candidats au voyage vers l’Europe, dont des Sénégalais, tous morts ces derniers temps dans les eaux de la Méditerranée, il est bien évident qu’il y a une nette recrudescence de l’immigration clandestine, comme c’était bien le cas en 2006 et en 2007, quand il fallait partir pour arriver à «Barça ou mourir ». Mais le chef de section Environnement de la Gendarmerie nationale, adjudant-chef Nazaire Coly, est formel : au Sénégal, depuis un bon bout de temps, il n’y a plus de départs de clandestins par voie maritime. Les candidats passent désormais par voie terrestre.
Si bien même qu’il y a une nette recrudescence de l’immigration clandestine de l’Afrique vers l’Europe, ces derniers temps, avec plus de 1100 victimes récemment enregistrées dans les eaux de la Méditerranée, il n’y a pratiquement plus de volontaires partant des côtes sénégalaises. Un tour effectué au port de Dakar, à la brigade de l’Environnement de la Gendarmerie sénégalaise, nous a édifiés sur la situation. Adjudant-chef Nazaire Coly, chef de la section Environnement de la gendarmerie nationale, a signalé qu’il n’y a plus de départs de clandestins enregistrés depuis les côtes sénégalaises depuis un certain temps.
« Depuis un bon bout de temps, il n’y a plus de clandestins qui partent des côtes sénégalaises pour rejoindre l’Europe. Avec l’appui de l’Union européenne, dans le cadre du Frontex, on n’a plus constaté des départs du Sénégal, car il y a chaque jour des patrouilles mixtes (gendarmes, police) à bord du bateau espagnol. L’armée de l’air effectue aussi des patrouilles tous les jours », a-t-il signalé. L’adjudant-chef Nazaire Coly nous apprend également qu’il y a un bateau du Frontex qui quitte fréquemment l’Espagne pour rallier Dakar où il séjourne pour une durée de quatre jours à chaque occasion ; et se rend jusqu’en Casamance.
« Il y a chaque jour un briefing au centre de coordination des opérations de la marine nationale dans le cadre du Frontex », poursuit le chef de la section Environnement de la gendarmerie nationale. Et d’ajouter que le « Commandant Moussa Diop, la police avec « Inspecteur Yaffa », et les éléments de la Guardia Civil espagnol sillonnent conjointement les côtes sénégalaises avec l’appui des avions patrouilleurs de l’armée de l’air. Tout un dispositif mis en place pour dissuader les éventuels candidats au voyage vers la mort.
Durant la période de mai au 31 décembre 2006, jusqu’en début 2007, la section Environnement de la gendarmerie sénégalaise a effectué plus de 1000 arrestations de clandestins. « On ne pouvait pas rester 24 h sans localiser une embarcation en partance. Nous avions saisi une cinquantaine de pirogues. Un jour, nous avions même effectué une prise record avec l’arrestation de 196 personnes à bord d’une embarcation », a signalé le gendarme Fall pour appuyer son chef de section.
EN EUROPE, LES PASSEURS SE FROTTENT AUSSI LES MAINS
Réussir à faire passer des clandestins d’une frontière à une autre est un business qui paie bien. En Afrique, comme en Europe, il est très lucratif. Les candidats migrants de l’Afrique vers l’Europe du Nord doivent verser entre 1500 et 2000 dollars Us, soient environ 1.100.000 FCFA, à des cartels très bien organisés. Malgré l’arrestation de 24 membres d’un réseau de passeurs hier, lundi 20 avril, comme annoncé par le journal Le Monde, la pratique est de mise du côté de la méditerranée. Selon la source, les passeurs ont réussi à « organiser au moins 15 voyages depuis 2014 ».
Cette arrestation a porté le nombre de passeurs arrêtés en Italie à 1002. « Matteo Renzi, le président du conseil italien, a confirmé lundi lors d’une conférence de presse que les trafiquants ont été arrêtés le matin même, portant le nombre total des passeurs arrêtés par l’Italie à 1 002 », a indiqué la même source qui a précisé que « les migrants étaient cantonnés dans des hangars près du littoral avant leur départ ». C’est la même méthode qui était utilisée par les passeurs africains entre 2005 et 2007. Ils avaient des intermédiaires qui sillonnaient le Sénégal à la recherche de potentiels candidats qu’ils convoyaient dans les différents sites de départ de Saint-Louis au cap Rosco, en passant par les îles du Saloum et la Casamance.
Des candidats qui ne connaissaient rien à la mer étaient contraints de payer entre 450.000 à 800.000 FCFA pour partir, sans être certains d’arriver à destination. D’aucuns ont vendu des têtes de bœufs, d’autres des lopins de terre, des parures de leurs compagnes ou de leur maman, juste pour voir Barça. Hélas, entassés dans des embarcations de fortune, plusieurs centaines de migrants ont trouvé la mort, car ils étaient contraints par les passeurs à sauter en mer. C’était le prix à payer pour être capable de fouler le sol européen.
Aujourd’hui, avec le système de transfert d’argent, le mode de paiement ou de versement du titre de voyage du clandestin est devenu très sophistiqué. Les confrères du journal Le Monde nous signalent que « les trafiquants arrêtés avaient recours à des systèmes de paiement sophistiqués, comme les transferts d’argent par Moneygram ou Western Union, a chaque immigré « client » était attribué un numéro, et chaque paiement était consigné dans un dossier ». Organisé comme « une véritable agence de voyages avec des relais en Sicile et en Lombardie », le réseau convoyait ses clients « jusqu’à Rome et Milan, généralement en voiture ou en autocar, puis le voyage vers les destinations finales : Norvège, Suisse, France, Grande-Bretagne ou encore Allemagne ».
CEUTA ET MELILLA, SITES DU SCANDALE POLITIQUE
Selon Médecins sans frontières, 6300 migrants ont trouvé la mort au cours des dix dernières années dans la zone de Ceuta et Melilla, enclaves espagnols situés au Maroc. Les statistiques officielles font état de 1400 morts. L’Observatoire des frontières de migration vers l’Europe nous replonge dans l’ambiance de l’automne 2005 à Ceuta et Melilla. « Dans la nuit du 28 au 29 septembre 2005, 500 migrants, pour la plupart sub-sahariens, ont tenté de pénétrer dans l’enclave espagnole de Ceuta, sur le territoire marocain. Au moins cinq ont été tués, les blessés sont très nombreux. Le gouvernement Zapatero envoie l’armée (au moins 500 hommes), le gouvernement marocain envoie la police, pour faire face à la « violence » des « clandestins », nous rappelle le site de l’observatoire.
Mais l’argent a été déterminant dans la gestion de cette crise humaine et politique. Elle a pesé de tout son poids. « La Commission européenne décide d’envoyer une mission de contrôle à Ceuta et Melilla, 40 millions d’euros sont débloqués pour la protection des frontières », rappelle-t-on. Beaucoup de moyens ont ainsi été investis pour la militarisation et les expulsions. « Les autorités marocaines procèdent à la déportation de centaines de personnes dans le désert du Sahara, autant à la frontière algérienne qu’à la mauritanienne. On estime qu’ont été déportés dans cette zone entre 800 et 1000 africains de diverses nationalités, abandonnés sans eau ni aliments. De la même façon, bien que dans une moindre mesure, on a pu constater des déportations dans la zone d’Oujda, à la frontière algérienne », révèle la même source.
LA MEDITERRANEE, CIMETIERE DES MIGRANTS
La mer Méditerranée au même titre que l’océan Atlantique a englouti des dizaines de centaines de morts immigrants. Le seul naufrage en date du 3 octobre 2013 au large de l’île de Lampedusa avait fait 366 morts. Mais le 12 avril dernier au large de Reggio Calabria, à la pointe sud de la botte italienne, ce sont 400 migrants qui sont emportés par la furie des eaux de la méditerranée. Il n’y aura que 150 survivants qui seront repêchés. Selon les informations fournies par Le Monde, «les gardes-côtes italiens auraient porté secours à 42 bateaux chargés au total de plus de 6 500 migrants entre dimanche 12 et lundi 13 avril».
Le mercredi 15 avril, la nouvelle du chavirement d’un chalutier à environ 110 km des côtes libyennes avec à son bord plus de 700 personnes, selon le récit de 28 survivants récupérés par un navire marchand, a bouleversé le monde entier. Carlotta Sami, porte-parole du HCR en Italie, a déclaré qu’il s’agirait de la «pire hécatombe jamais vue en Méditerranée». Déjà 24 cadavres ont pu être récupérés à chaud, un peu après le drame. La mer Méditerranée est ainsi devenue le cimetière des migrants africains qui ne déchantent pas pour partir.
DEMANDE DE L’APPLICATION DE LA LOI CONTRE LA TRAITE DES PERSONNES
Les organisations Human Rights Watch (Hrw) et la Plateforme pour la promotion et la protection des Droits humains (Ppdh) se sont réunis, hier, lundi 20 avril, à l’occasion de la journée nationale des talibés. Le dernier rapport sur les problèmes des abus et exploitation des talibés a été présenté. Selon ce rapport qui intitulé, « Sénégal une décennie d’abus dans les écoles coraniques », les autorités ont failli à leur responsabilité de poursuivre les auteurs d’abus et de réglementation des écoles». Ainsi, ces deux organisations demandent l’application de la loi 2005 portant sur la traite des personnes.
Le dernier rapport portant sur les problèmes des abus et exploitations des talibés, intitulé: « Sénégal : une décennie d’abus dans les écoles coraniques », souligne que les autorités ont failli à leur responsabilité. Les organisations Human Rights Watch (Hrw) et la Plateforme pour la promotion et la protection des Droits humains (Ppdh), ont présenté hier, jeudi 20 avril, le rapport en question.
D’après Corinne Dufka, directrice régionale pour l’Afrique de l’Ouest à Human Rights Watch et chercheuse experte, «des efforts n’ont pas abouti à une réduction des abus associés à ces écoles. Le nombre augmente comme si les souffrances des talibés étaient devenues un angle mort». Ces organisations rappellent qu’il existe une loi votée en 2005 visant à protéger les enfants contre la traite et pratiques assimilées. Le Sénégal n’a porté devant la justice qu’un petit nombre d’affaires concernant le trafic et la mise à la mendicité forcée d’élèves d’écoles coraniques par des maîtres abusifs», ont fait savoir Human Rights Watch (Hrw) et la Plateforme pour la promotion et la protection des Droits humains (Ppdh). Et d’ajouter : «des dizaines de milliers d’enfants sont exposés de subir des sévices et d’être exploités en dépit de cette loi de 2005».
Plus de 30 000 garçons sont soumis à la pratique de la mendicité forcée dans la seule région de Dakar. Dans leur rapport, «au moins 50 000 enfants se trouvent dans des écoles coraniques abusives et fondées sur l’exploitation dans tout le pays», a estimé Human Rights Watch, en 2010.
Selon Mamadou Wane, coordonateur de la Ppdh, «au cours de la dernière décennie, des dizaines de milliers d’enfants ont été exploités sous couvert de l’éducation, battus par leurs prétendus maîtres coraniques et soumis à des conditions de vie déplorables dans les écoles coraniques qui ne devraient être autorisées à fonctionner ». Et d’ajouter : «le signal que donne le gouvernement, en renonçant à enquêter et à traduire en justice les personnes qui commettent ces abus, est que les vies de ces enfants ne valent pas la peine d’être protégées».
En rappelant l’engagement qu’avait pris le Président de la République Macky Sall de fermer les écoles dangereuses et de poursuivre le maître coranique abusif, après l’incendie mortel survenu dans une école coranique à la Médina, en 2013, dans lequel 9 enfants ont péri, n’a pas encore été respecté. En janvier 2015, Human Rights Watch a visité une école coranique située à quelques centaines de mètres du site de l’incendie de 2013, où 30 garçons vivent aujourd’hui dans une petite chambre et dans une situation extrémement précaire», a expliqué Corrine Dufka.
«Les exactions commises par ces prétendus maîtres sont connues par tous»
Les deux organisations ont aussi mis l’accent sur les exactions commises dans les écoles coraniques. Elles ont fait comprendre que les écoles coraniques où sont commis des abus fonctionnent comme « des entreprises à but lucratif». Les hommes qui les dirigent forcent régulièrement leurs élèves à mendier pour rapporter un quota journalier d’argent, ainsi le riz et de sucre qu’ils revendent ensuite, infligeant de sévères châtiments physiques et psychologiques à ceux qui ne parviennent pas à remplir leur quota. En guise de punition les enfants sont souvent enchainés, ligotés et placés de force dans des positions douloureuses». Et de poursuivre : « les conditions de vie et d’hébergement dans les écoles coraniques délinquantes sont exigües et insalubres, et les garçons souffrant de maladies ou de blessures restent souvent sans soins médicaux. Parfois, même les décès ne sont pas signalés. Les garçons soufflent le plus souvent de grave malnutrition, tandis que les longues heures passées dans les rues les exposent aux maladies et aux risques d’être heurté par une voiture ou de subir des exactions physiques et sexuelles ».
« SI VOUS TRAVAILLEZ AVEC LES TRANSHUMANTS, VOUS PERDREZ LE POUVOIR... »
L’avocat et député Me El Hadji Diouf a formellement mis en garde hier, lundi 20 avril, le chef de l’Etat Macky Sall contre les transhumants qui commencent à envahir la galaxie présidentielle. Selon le parlementaire, si le président de la République accepte d’ouvrir ses portes à ces derniers, il risque de perdre le pouvoir au même titre que ces prédécesseurs Abdou Diouf et Abdoulaye Wade qui avaient vécu la même expérience.
Le député Maitre El Hadji Diouf présent hier, lundi 20 avril 2015, à la conférence de presse des professionnels du tourisme et de l’hôtellerie a attiré sans fioritures l’attention du président de la République sur la question de la transhumance qui alimente tous les débats depuis quelques jours. Selon Me Diouf, «le président perdra inévitablement le pouvoir si jamais il travaille avec les transhumants qui rejoignent son camp, petit à petit».
L’avocat estime en effet que «la transhumance n’est pas digne d’un être humain mais plutôt des animaux. Dans le Djolof, il fût un temps où le pâturage n’est pas régulier. Et si tel est le cas, les bergers se déplacent avec leur troupeau à la recherche d’un point plus favorable», a-t-il expliqué. Avant de poursuivre sur la même lancée : «ceux qui transhument n’ont ni la vergogne, ni la dignité, ni la personnalité et d’ailleurs on peut même les assimiler à des mouches. Et je pense que dans la vie, il faut toujours savoir se faire respecter. C’est très important». Loin d’être avare de conseils, le bouillant député dira par suite : «Il faut avoir le courage des fois dans la vie, d’affronter la réalité et d’accepter la défaite. On ne peut pas vouloir rester dans le pouvoir durant toute sa vie : c’est inhumain».
S’adressant alors à l’actuel locataire du Palais présidentiel, Macky Sall en l’occurrence, Me El hadji Diouf l’a invité à prendre une leçon sur ses prédécesseurs. «On a vu Abdou Diouf à son temps lorsqu’il avait récupéré Jean Paul Dias, Ousmane Ngom et tous les cadres du Pds et malheureusement, ça n’a pas eu une bonne finalité. Abdoulaye Wade en avait fait de même dés son arrivée au pouvoir, il avait attiré à ses côtés Abdoulaye Diack, Mbaye Jacques Diop, Djibo Leïty Kâ, Abdourahime Agne, Aida Mbodj… et lui aussi a perdu le pouvoir». Pour autant, l’avocat a suggéré, dans ce contexte, à l’actuel président de la République à faire beaucoup attention et à rester fidele à ses anciens collaborateurs de parti.
Sur la question de la réduction du mandat présidentiel de 07 à 05 ans, l’avocat a tenu à apporter ces clarifications : «Macky Sall n’est pas au dessus de la Constitution et le Sénégal ne lui appartient pas. Il n’a pas le pouvoir de réduire son mandat en cours, sinon il violera la loi et sera poursuivi dans ce cas. Cependant, il a la possibilité de diminuer le mandat mais cela ne pourra s’appliquer que dans l’avenir».
Par Bacary Domingo MANE
NÉS POUR MOURIR !
L’Europe doit préparer d’autres sépultures, car pour ces candidats à l’immigration le désir irrépressible de partir scruter d’autres horizons est au-dessus de la mort
Plus de 700 migrants clandestins ont perdu la vie dans le naufrage d’un chalutier au large des côtes libyennes, le week-end dernier. Un bateau pneumatique se trouvant près des côtes libyennes, à environ 30 milles (55 km) au large, et transportant 100 à 150 personnes, a appelé au secours, hier. Amenant ainsi les garde-côtes italiens à intervenir. Il y a juste deux ans, en octobre 2013, l’embarcation de fortune d’immigrants a coulé près de Lampedusa, avec 366 morts.
Aujourd’hui, on estime entre 20.000 et 25.000 le nombre de migrants ayant perdu la vie au cours de ces vingt dernières années. Nonobstant les nombreuses embarcations qui ont coulé sans laisser de trace. Parfois avec des corps non retrouvés.
Le nombre de personnes attendant de pouvoir traverser la Méditerranée est estimé entre 500 000 et 600 000. Gabriel Sakellaridis, le porte-parole du gouvernement grec, a semblé trouver la bonne formule en assimilant la Méditerranée à un tombeau aquatique pour ces milliers d’âmes qui fuient les flammes de la guerre. Et ce n’est pas prêt de s’arrêter !
L’Europe doit préparer d’autres sépultures, car pour ces candidats à l’immigration le désir irrépressible de partir scruter d’autres horizons est au-dessus de la mort. Ce ne sont pas ces murs érigés le long des frontières européennes, encore moins ces gardes-côtes qui feront frémir ces candidats au départ dont la raison d’agir est plus forte que le silence absolu (la mort).
Vers les années 2006, plusieurs embarcations étaient parties du Sénégal pour répondre à l’appel des sirènes. Le langage performatif des jeunes, avec ces mots qui désignent et agissent, en disent long sur leur désir à faire bouger les lignes. «Mbeuk-mi», «Jihad», «Dor war», «Barça ou barsax»… Voir Barça (diminutif de Barcelone) ou mourir. Partir… quoi qu’il advienne ! Le large devient synonyme de réussite. Pour ces exclus du système, la mort a une senteur du paradis. Ces jeunes ont même parlé de «Jihad » pour décrire l’indicible, l’aventure périlleuse qui permettra d’assurer le bonheur de parents restés au pays. Ce qui les fait mouvoir est hors du temps.
Dans leur désespoir, les candidats à l’immigration clandestine vivent un bonheur intense qui transcende le temps. C’est tout le sens de leurs embarcations de fortune désignées par le mot wolof «Mbeuk-mi » qui fait penser au coup de tête. Les yeux fermés, les candidats à l’appel des sirènes, foncent sur les îles Canaries, l’anti-chambre de Barcelone, de Madrid. De la mer agitée, ils ne retiennent que la musique qui s’échappe des vagues et qui chante le bonheur de Barça. Vue de la Méditerranée ou de Yarakh (quartier dakarois qui donne sur la baie), Barça et Sicile sont les destinations de ces candidats à l’immigration qui veulent cultiver leur champ (dor war) en dehors des frontières de leur pays. Ils ont réalisé que travailler, c’est ex-ister.
Ils vont encore titiller la mort, ces candidats à l’immigration, tant qu’ils continueront à goûter à ce bonheur du désespoir. Pris entre deux feux, celui de la misère et de la guerre, le goût du danger devient alors leur seul horizon. Ils sont nés pour mourir…
‘’QUAND ON A ENVIE D’ÊTRE RÉÉLU, IL FAUT RESPECTER SES PROMESSES’’
MAMADOU ALIOU DIALLO, PROFESSEUR DE DROIT CONSTITUTIONNEL
Pour la réduction du mandat présidentiel, Mamadou Aliou Diallo, professeur de Droit constitutionnel à l’Ecole nationale d’administration (Ena), indique que le référendum est la seule voie qui s’offre à Macky Sall. Dans cet entretien qu’il nous a accordé hier à l’Université de Dakar, ce responsable de l’Apr rectifie les chantres du recours à la voie parlementaire et trouve «insensé» l’argument du coût de l’organisation d’un référendum.
Quelle lecture faites-vous du débat sur la réduction du mandat présidentiel ?
Ma lecture sur cette question est à la fois juridique et politique. A la fin du mandat du Président Wade, il y avait des remous institutionnels. Ils s’analysaient autour du troisième mandat et la dévolution monarchique du pouvoir parce qu’il lui était prêté l’intention de vouloir se faire remplacer par son fils.
Cette situation a fait qu’au moment où nous sommes arrivés aux élections, le thème du mandat présidentiel est devenu d’actualité. C’est de ce fait que le candidat Macky Sall avait fait de cette réduction du mandat un slogan de campagne. Il avait dit : «Quand j’arriverai au pouvoir, je m’engage à réduire le mandat de 7 à 5 ans.»
Sous ce rapport politique, on peut l’appeler des propos de campagne. Donc, il faut les respecter. Quand on a envie d’être réélu, il faut respecter ses promesses.
Selon vous, quelle est la voie à adopter pour réduire ce mandat ?
Justement, c’est ma deuxième lecture qui est juridique, à savoir comment ? Si vous regardez la question du mandat du Président dans l’actuelle Constitution du Sénégal, il est prévu à l’article 27 de 2001 et qui a été revisité en 2008, que «le mandat du président de la République est de 7 ans. Ce mandat est renouvelable une fois. Cette disposition ne peut être modifiée que par le référendum».
C’est-à-dire que tout ce qui concerne la réduction du mandat du président de la République ne peut être modifié que par le biais du référendum. Ce qui signifie que le Président Sall n’a pas le choix sur la méthodologie à utiliser.
Maintenant, comment ce référendum doit-il être organisé ?
Il appartient à Macky Sall de réviser son texte et de le soumettre au Parlement. C’est cela la procédure. Une fois que le Parlement se prononcera, il peut saisir le Peuple qui va donner son opinion par le biais du référendum. Il y a certains qui, dès l’instant qu’on dit que le Parlement doit être saisi, affirment qu’il faut passer par le Parlement. Non, ce n’est pas une autre voie.
D’abord, il faut rédiger le texte que l’on va proposer au Peuple par rapport à la réduction. Cela peut se faire par un comité de professeurs de Droit constitutionnel. Même Macky Sall peut le faire avant de le mettre à la disposition de spécialistes.
Ensuite, le texte doit être soumis à l’approbation et au vote du Parlement. Une fois que le Parlement se prononce, on va saisir le Peuple.
Donc pour cette question, le fait de passer par la voie parlementaire n’est pas juridiquement fondé...
Certains pensent qu’il faut passer par le Parlement parce que l’article 103 de la Constitution du Sénégal, qui parle de la révision, dit que «quand on veut réviser la Constitution, il faut passer soit par le référendum, soit par la voie parlementaire».
Or, il s’agit de la révision ordinaire. Mais pour la question de la réduction, il y a un texte qui en propose la modalité : c’est l’article 27. Les pseudo-juristes qui ruent dans les brancards en disant qu’il est possible de passer par le Parlement pour épargner les deniers publics émettent des avis non éclairés.
Ils disent que le référendum coûte cher...
C’est insensé ! Je rappelle que la démocratie également coûte cher. Elle a un prix et veut qu’on passe par le référendum sur cette question.
Pour définir les modalités de la réduction, le Président Macky Sall a soutenu qu’il laissait la question à l’appréciation des juristes. Cette déclaration, à votre avis, ne sème-t-elle pas le doute ?
A mon avis, les choses sont claires. Ce qu’il peut dire, c’est : «Voici ce que j’ai envie de faire. Mais je ne suis pas juriste. Il appartient aux spécialistes de me dire comment faire pour y arriver.» Maintenant, on pourrait analyser en soutenant la thèse qu’il y a plusieurs modalités.
Il n’y a pas mille et une modalités pour réduire le mandat. Il y en a qu’une seule : le référendum.
Encore une fois, ce n’est pas le mandat de Macky Sall, mais celui du président de la République du Sénégal.
Plus de 30 000 talibés répertoriés dans la seule région de Dakar. Des garçons livrés à eux-mêmes, exploités et parfois battus par des «soi-disant maîtres coraniques», dénonce l’Ong Human right watch. L’Organisation, qui fustige l’attitude spectatrice de l’Etat, appelle le gouvernement à adopter une loi pour réglementer les daaras et à veiller à son application.
Une cartographie des écoles coraniques a permis de constater plus de 30 000 garçons soumis à la pratique de la mendicité forcée dans la seule région de Dakar. Un chiffre avancé par l’organisation de défense des droits humains, Human right watch (Hrw), qui cite la Cellule de lutte contre la traite des personnes, logée au ministère de la Justice qui a réalisé en 2014, ce recensement.
Ces dizaines de milliers de garçons sont ainsi exposés au risque de subir des sévices et d’être exploités. «Au cours de la dernière décennie, des dizaines de milliers d’enfants ont été exploités sous couvert d’éducation, battus par leurs prétendus maîtres et soumis à des conditions de vie déplorables dans des écoles qui ne devraient pas être autorisées à fonctionner», a déclaré Mamadou Wane, coordonateur de la Plateforme pour la promotion et la protection des droits de l’Homme (Ppdh).
«Le signal que donne le gouvernement du Sénégal, en renonçant à enquêter et à traduire en justice les personnes qui commettent ces abus, est que les vies de ces enfants ne valent pas la peine d’être protégées», commente le coordonateur de la Ppdh.
Une autre enquête de Hrw, réalisée en janvier 2015, fait aussi état des conditions déplorables que cette frange de la population vit au quotidien. Les garçons ont décrit comment ils étaient régulièrement battus à l’aide de fouets en caoutchouc, de morceaux de bois et de corde effilochée, par leur maître coranique et ses assistants.
«L’un d’eux, âgé seulement de 8 ans, a déclaré à Human Rights Watch qu’il était parmi un groupe de garçons qui avaient été à plusieurs reprises conduits de force dans une pièce, déshabillés, maintenus à terre et longuement frappés au torse avec une lanière de pneu de voiture.
De nombreux autres enfants dans ce daara et dans d’autres souffraient visiblement de blessures infectées et de maladies de peau et ils se plaignaient aussi de problèmes gastrointestinaux. Aucun des élèves interrogés n’avait reçu le moindre soin médical dans leurs écoles coraniques et s’ils en recevaient ailleurs, leurs maîtres coraniques ne finançaient pas leurs traitements», rapporte Human right watch. Cela en dépit de la loi de 2005 qui interdit de telles pratiques.
Il faut dire que cette loi fait face à la longue tradition consistant à envoyer des garçons étudier dans des internats coraniques. Une pratique enracinée dans les valeurs positives de l’enseignement religieux et moral. Pourtant, il existe de nombreuses écoles coraniques qui assurent le bien-être de leurs élèves et leur dispensent une éducation religieuse.
Toutefois, regrette Hrw, des milliers de soi-disant «maîtres coraniques» se servent de l’éducation religieuse comme couverture pour l’exploitation économique des enfants qui leur sont confiés, sans crainte d’être l’objet d’une enquête ou de poursuites judiciaires.
Peu de maîtres fautifs sont poursuivis par la loi
D’ailleurs depuis l’adoption, il y a une décennie, d’une loi visant à protéger les enfants contre la traite et pratiques assimilées, souligne le rapport qui cite la Plateforme pour la promotion et la protection des droits de l’Homme (Ppdh), une coalition de 40 organisations non gouvernementales internationales et sénégalaises, le Sénégal n’a porté devant la justice qu’un petit nombre d’affaires concernant le trafic et la mise à la mendicité forcée d’élèves d’écoles coraniques par des maîtres abusifs.
Alors que, regrette Mamadou Ndiaye Daara, un facilitateur et militant de la Ppdh, «il n’y a pas d’excuse pour le fait que les autorités sénégalaises n’appliquent pas leurs propres lois visant à protéger ces enfants vulnérables, surtout que les abus qu’ils subissent sont commis ouvertement, au vu et au su de tout le monde».
L’Ong internationale, qui déplore cette situation, a demandé au gouvernement d’agir immédiatement pour retirer les enfants des daara «abusifs» et «dangereux.» Aussi, incite-telle l’Etat à faire appliquer les lois qui sont censées protéger les enfants de la mendicité forcée, des violences et du manque de soins.
Elle suggère des consultations significatives et transparentes afin que l’Assemblée nationale puisse adopter un projet de loi visant à réglementer les écoles coraniques, et que l’Etat s’assure de son application pour sauver ces dizaines de milliers d’enfants.
PAR MOHAMED GUEYE
MÉDITERRANÉE, C’EST LOIN D’ÊTRE FINI !
Les dirigeants africains, parmi les premiers responsables de ce qui se passe en Méditerranée, ont depuis longtemps déserté toute volonté de changer ce qui se passe dans leurs pays, se contentant de chercher à faire bloc et se défendre
Hier, Le Quotidien s’indignait des 700 naufragés dénombrés avant- hier par les secouristes italiens. Personne ne s’attendait qu’il y ait juste le lendemain, 400 naufragés, toujours venant d’Afrique, qui viennent s’ajouter au nombre. Pire, avec ce chiffre, c’est plus de 1 500 morts décomptés dans la Méditerranée en moins d’une semaine, en tentant de rejoindre l’Europe depuis les côtes de la Libye.
L’hécatombe est si importante que l’un des secouristes italiens se serait écrié que ce chiffre est plus important que celui produit par n’importe quelle guerre. Et pourtant...
C’est vrai que c’est l’instabilité en Libye qui est à la base de cet exode massif, et de l’Holocauste qui frappe essentiellement les Africains que leurs pays et leurs dirigeants semblent avoir oublié et délaissés à leur sort. Nous le disions hier encore, ces personnes, qui quittent l’Afrique de plus en plus jeunes, se répètent ce que les Sénégalais se disaient il n’y a pas longtemps : «L’Europe ou la mort ! Barça wala barsakh !»
Quand le flot de pirogues et de frêles embarcations a arrêté de déferler vers l’Espagne, le Sénégal et ses voisins ont considéré que le problème était réglé et l’ont oublié. Ignorant que la mort de Kadhafi a permis de déplacer le site de voyage. Il ne pouvait en être autrement, car les raisons pour lesquelles ces gens ont décidé de quitter la terre de leurs ancêtres, de laisser derrière eux tout ce qui leur est cher, d’affronter une mort presque certaine, n’ont pas changé.
Les nombres de cadavres, qui transforment la Méditerranée en vaste fosse commune liquide, ont fini par révolter les Européens, qui ont fait pression sur leurs dirigeants, pour qu’ils entreprennent une action quelconque.
Et pourtant, les sondages indiquent, tous les jours, que les Européens deviennent de plus en plus xénophobes, pour ne pas dire racistes, et redoutent ces Africains qu’ils voient venir leur arracher leurs emplois et modifier leur mode de vie. Malgré tout, ces gens conservent leur humanité.
Qu’en est-il de nos dirigeants, de ceux des pays qui perdent le plus leur force et leur jeunesse ?
Aucun dirigeant africain ou arabe n’a encore pris la parole pour s’émouvoir de ce qui se passe à nos frontières. Personne n’a élevé la voix pour dénoncer le traitement dont sont l’objet ses concitoyens, ou pour proposer une solution aux malheurs qui frappent ses ressortissants, ou les victimes des passeurs véreux, ou même faire montre d’humanité.
Aussi choquant que soit le constat, il n’est pas particulièrement surprenant. Les dirigeants africains, parmi les premiers responsables de ce qui se passe en Méditerranée, ont depuis longtemps déserté toute volonté de changer ce qui se passe dans leurs pays, se contentant de chercher à faire bloc et se défendre les uns et les autres. On en a eu la preuve la semaine dernière encore.
Des milliers d’émigrés africains se font massacrer en Afrique du Sud, à l’initiative du roi des Zoulous, Goodwill Zwelethini, et du propre fils de Jacob Zuma, le dirigeant d’Afrique du Sud. Aucun cri d’indignation, aucune protestation.
Juste un gros silence gêné. Plus gêné à Pretoria d’ailleurs qu’à Kinshasa, Dakar ou ailleurs. Seul le vieux Mugabe s’est permis une petite critique très timide.
Et l’on sait que les Occidentaux eux, à la différence des Sud-Africains, détiennent la bourse, l’autorité.
Personne ne va oser se les mettre à mal, juste pour le beaux yeux des gueux qui ont eu la bonne idée d’aller se faire tuer loin de chez eux, épargnant de ce fait aux dirigeants de chez eux, le souci de leur trouver du travail ou de leur assurer une éducation.
C’est dire que, tant que nous aurons les dirigeants que nous avons, le cimetière de la Méditerranée ne cessera pas d’accueillir ses cadavres.
L’Useq (Union syndicale pour une éducation de qualité) suspend la grève et invite ses membres à rejoindre sans délai, les salles de classe. Ces syndicalistes, qui évaluent à plus de 50% le taux de satisfaction de leur plateforme, ont décidé de surseoir à la grève pour sauver l’année scolaire. Le Grand cadre et le Cusems poursuivent la grève.
Une lueur d’espoir dans l’horizon assombri de l’éducation. L’Union syndicale pour une éducation de qualité (Useq), qui regroupe le Sneel/Cnts, le Sudes, le Sypros et l’Uden, a décidé de lever son mot d’ordre de grève. L’Useq, par la voix de son coordonateur, Amadou Diaouné, appelle ses militants à la suspension des actions de grève et invitent les enseignants membres à regagner sans délai, les classes.
Appréciant le taux de satisfaction de la plateforme, le coordonnateur a informé que sur des points comme la formation et l’indemnité de logement, le gouvernement s’est engagé fermement avec un échéancier raisonnable.
Concernant la validation, en plus de la loi qui a été validée et promulguée, l’Etat a promis la signature des décrets d’application la semaine prochaine, renseigne Marième Sakho Dansokho, secrétaire générale du Syndicat des professeurs du Sénégal (Sypros). Il en est de même pour les indemnités de rappel, de suggestion et d’avancement qui devraient être payés entre mai et juin.
Quant aux actes administratifs, les 27 000 dossiers devraient être signés et rendus disponibles d’ici la fin du mois d’avril.
Pour l’habitat social, les attestations sont disponibles au niveau de la préfecture de Rufisque. «Les enseignants peuvent s’y rendre pour signer leur titre», indique Mme Dansokho. Quant à la formation des enseignants et instituteurs adjoints, elle se fera en janvier 2016, note la secrétaire générale du Sypros. Le retour dans les classes est surtout motivé, selon les membres, de l’Useq par le péril qui pèse sur l’école publique, notamment sur le droit fondamental à l’éducation de millions de jeunes sénégalais.
«Nous ne devons pas tomber dans le piège de la privatisation de l’école publique à cause des grèves. Les parents ont tendance, quelle que soit leur bourse, à envoyer leurs enfants dans le privé, pour qu’ils aient une bonne éducation», avertit Mme Dansokho. Les syndicalistes, non contents de la gestion de la crise qui secoue l’école par l’Etat, déplorent et dénoncent vigoureusement «la négligence coupable du gouvernement» dans le traitement du protocole d’accord du 17 février 2014.
«Il a plongé le système éducatif dans une crise aiguë», selon Amadou Diaouné, qui note que l’Etat pouvait faire l’économie de cette grève qui n’a que trop duré. Les syndicalistes ont par la suite, constaté, pour le regretter, le déroulement des négociations qui s’est fait sur fond de division syndicale.
Pour Diaouné, les rivalités syndicales constituent un sérieux obstacle au retour de l’apaisement et à la stabilité. Une division qui, selon lui, s’accentue puisque le Cusems et le Grand cadre ont décidé de poursuivre la grève, c’est dire que la question de l’unité des syndicats n’est pas pour demain.