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21 avril 2025
Culture
DE LANGUE À LANGUE, L’HOSPITALITÉ DE LA TRADUCTION
Langue dominante. Langue dominée. Langues d’égale dignité. Ce sont là un ensemble de thèmes visités par Souleymane Bachir Diagne dans son ouvrage : « De langue à langue »
Langue dominante. Langue dominée. Langues d’égale dignité. Ce sont là un ensemble de thèmes visités par Souleymane Bachir Diagne dans son ouvrage : « De langue à langue ». Selon que l’on adhère à l’une ou l’autre perspective, les conséquences s’avèrent radicalement différentes. Dans le premier cas de figure, pour affirmer sa suprématie, se profile un nationalisme linguistique qui s’organise autour de la conflictualité et du rejet, contrairement au second où il est plutôt question de domestication de la différence, à travers notamment un plurilinguisme fécond.
En convoquant d’emblée la question de la diglossie, si prompte à hiérarchiser la pratique des langues sur la base de statuts opposant un niveau inférieur, de moindre allure, à un autre, supérieur, capable de véhiculer un savoir de dimension internationale , Souleymane Bachir Diagne nous met ainsi en face d’enjeux fondamentaux. Ceux qui agitent l’espace francophone et que l’on retrouve dans la diglossie français-créole, aux Antilles, ou tout simplement, français langues locales, dans moult pays africains. De par cette dichotomie encore persistante, le français y apparaît comme langue impériale voire de domination, réduisant les autres à la réalité infamante de langues périphériques. De telles postures d’adoubement et/ou d’exclusion déroulent forcément une foultitude d’interrogations qui, en arrière fond, posent la question centrale de savoir si la langue promeut le repli identitaire ou au contraire embrasse l’ouverture. C’est précisément sur cet aspect que porte la réflexion de l’auteur. Elle se focalise sur la capacité de la traduction à tisser une relation, à mettre en rapport, et plus précisément à réconcilier des identités plurielles. Au fil de l’argumentaire on comprend toutefois que la traduction n’est pas chose aisée, parce qu’au-delà de l’ « intraduisible », au sens que lui donne la philosophe Barbara Cassin, à savoir « ce qu’on ne cesse pas de (ne pas) traduire », un détournement de sens reste possible.
A l’image de l’interprète colonial qui refuse d’être cantonné au rôle d’élément devant rendre compte avec exactitude de la parole impériale dans une adéquation qui n’en altère aucunement le sens. Aussi, lorsqu’il est capable de saisir la complexité d’une situation et de la gérer, l’interprète s’évertue-t-il à mettre en place un « troisième espace au sein de l’empire colonial, participant à la fois de l’imperium et du monde colonisé ». Par les codes qui régissent son milieu sociétal, il se positionne alors comme médiateur culturel, en émancipant la traduction de la stricte exposition d’une « pure technique de transposition des mots d’une langue dans ceux d’un autre ». Ce qui explique que moult d’entre eux se soient convertis en écrivains qui ont su sauvegarder le « trésor de l’orature », autrement dit la littérature orale, en l’imprimant dans la langue impériale. Une telle coexistence serait-elle alors de l’ordre de « la reddition » et du « paiement de tribut » puisqu’il ne saurait y avoir de littérature africaine qui ne soit pas portée par une langue éponyme ?
« LA LANGUE DES LANGUES »
Tout en concédant cette possibilité, l’auteur soutiendra toutefois qu’une littérature de traduction a fait de l’anglais, du français ou du portugais des langues d’Afrique. Il la retrouve en période coloniale avec des auteurs comme Amadou Hampâthé Bâ, Bernard Dadié et autre Birago Diop. Quitte à y adjoindre Léopold Sédar Sédar, co-auteur avec Abdoulaye Sadji, de « La Belle Histoire de Leuk-le-Lièvre » . Ce livre destiné aux classes de primaire qui a meublé et accompagné l’imaginaire de tant d’enfants est une traduction en français de la geste de cet animal rusé, héros de maints contes ouestafricains. A travers cet ouvrage, tout comme « Le Pagne noir » de Bernard Dadié, ou les « Contes d’Amadou Koumba » de Birago Diop , Souleymane Bachir Diagne découvre « une contre-écriture » telle que définie par Sartre dans la préface d’Orphée noir , consistant à « un décentrement de la langue hypercentrale pour l’engager dans son devenir-africain ». A travers ces exemples, dit-il, on retrouve « ce que veut dire recréer en écriture, dans la fidélité et la trahison assumée », lesquelles sont constitutives de la tâche de traduire. Pour lui, on est face à un travail de déconstruction dans le sens où , profitant de « l’hospitalité réciproque entre les langues », ces différents auteurs « ont fait de la traduction de l’orature tout autre chose que ce que l’appropriation impériale avait construit sous le label « contes ». Parce que dans l’acte de traduire on se retrouve entre deux langues, entre deux cultures, qu’on les habite, Souleymane Bachir Diagne invite à tisser des liens au sens où Ngugi Wa Thiong’o, militant des langues africaines , affirme que « la traduction est la langue des langues ». Ce rôle que joue la traduction se love aussi dans la religion, à travers notamment le Coran dont le message est révélé en arabe. Souleymane Bachir Diagne de convoquer alors l’œuvre du poète mystique Moussa Ka pour qui, « versifier en wolof, en langue arabe et en toute autre langue est la même chose ». Une manière d’affirmer leur égale noblesse car « dès lors qu’elles s’attachent à chanter le prophète de Dieu, toutes voient leur essence ennoblie ». Il s’agit bien sûr, avertit l’auteur, d’une traduction, non point malveillante, plombée par une volonté de discrédit, mais celle qui se donne comme un art de construire des ponts, de mettre en rapport, de sortir des enfermements identitaires mortifères, pour installer dans la rencontre, la pluralité, le partage et la réciprocité. Cette conviction qui structure toute la production intellectuelle de Souleymane Bachir Diagne dit que nous sommes différents, que cette différence ne doit pas nous atomiser en nous enfermant dans des certitudes exclusivistes, mais plutôt nous installer dans le souci et l’ inquiétude pour autrui. Une manière de suggérer, en clin d’oeil à Léopold Sédar Senghor, que « l’orgueil d’être différent ne doit pas empêcher d’être ensemble ». C’est en cela que consiste « l’hospitalité de la traduction ». « De langue à langue ».
MACKY REVOIT A LA HAUSSE LA SUBVENTION DE LA BIENNALE DAK'ART
L’Etat du Sénégal, ‘’principal contributeur’’ du Dak’Art, la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar, a fortement augmenté sa subvention annuelle octroyée à cet événement, de 36 % en 2008 à 75 % depuis 2018
Dakar, 8 avr (APS) – L’Etat du Sénégal, ‘’principal contributeur’’ du Dak’Art, la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar, a fortement augmenté sa subvention annuelle octroyée à cet événement, de 36 % en 2008 à 75 % depuis 2018, a indiqué le ministre de la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop.
‘’L’Etat du Sénégal est le principal contributeur de la Biennale de Dakar, le montant de son apport au budget dédié à chaque édition est passé d’environ 36 % en 2008, par exemple, à 75 % depuis 2018’’, a déclaré M. Diop dans un document de presse consacré à cette manifestation artistique.
‘’L’Etat a maintenu ce rôle prépondérant, avec la planification effective, à partir de 2020, d’une allocation annuelle de 750 millions de francs CFA’’ à l’événement, a-t-il affirmé dans ce document parvenu vendredi à l’APS.
Au total, la Biennale de Dakar reçoit de l’Etat du Sénégal 1,5 milliard de francs CFA pour chaque édition, a précisé le ministre de la Culture et de la Communication.
‘’C’est dire l’importance que le Sénégal accorde à l’organisation de la Biennale de Dakar, qui a fini de s’ériger en vitrine de la créativité, dans ses plus belles expressions’’, a-t-il souligné.
Le Dak’Art, dont la 14e édition est prévue du 19 mai au 21 juin prochain, bénéficie de ressources additionnelles provenant du secteur privé national et des partenaires techniques et financiers de l’Etat, selon Abdoulaye Diop.
La 14e édition, initialement prévue en 2020, a été reportée à cause de la pandémie de Covid-19. Elle maintient toutefois sa sélection officielle composée de 59 artistes qui viendront de nombreux pays, dont 16 d’Afrique.
Le Sénégal aura huit représentants dans l’exposition internationale, le ‘’IN’’, qui se tiendra dans l’ancien palais de justice du cap Manuel, à Dakar. Il s’agit d’Aboubakry Ba, de Caroline Guèye, de Fally Sène Sow, d’Abdoulaye Ka, d’Omar Ba, d’Alioune Diagne, de Modou Dieng Yacine et de Mbaye Diop.
Malgré le report, le Dak’Art a maintenu l’invitation qui avait été faite à ses quatre commissaires internationales, Greer Odile Valley (Afrique du Sud), Lou Mo (Canada), Nana Oforiatta Ayim (Ghana) et Syham Weigant (Maroc).
‘’Ĩ Ndaffa#’’, l’action de forger en sérère, est le thème retenu pour la prochaine édition, pour laquelle le comité d’organisation a prévu une ‘’programmation diversifiée et inclusive’’.
‘’Bien avant la crise engendrée par le Covid-19, le thème de cette biennale nous invitait à réinventer nos modèles. La pandémie a rendu cette démarche impérieuse et urgente, d’où la nécessité de la penser’’, a expliqué la secrétaire générale du Dak’Art, Marième Ba.
Selon elle, dans le programme de la biennale figure une exposition qui rendra hommage au ‘’grand maître’’ des arts plastiques maliens Abdoulaye Konaté, lauréat du Grand Prix Léopold-Sédar-Senghor de l’événement, lors de l’édition de 1996.
Lors du Dak’Art 2022, l’artiste plasticien sénégalais Soly Cissé va exposer à la Galerie nationale d’Art, sur le thème : ‘’Incursion dans un monde de métamorphoses’’.
Les Manufactures sénégalaises des arts décoratifs, implantées à Thiès (ouest) depuis 1966, vont présenter les œuvres de grands tapissiers du Sénégal, à l’occasion de la biennale.
par Fadel Kane
L'AVENTURE AMBIGUË ET LE PREMIER CERCLE CONCENTRIQUE
Je me propose ici, pour ce qui est de l'Aventure ambiguë, de partager comment la parution de l'ouvrage a été vécue dans sa famille, ses parents et amis
Lorsqu'on jette une pierre dans un étang, on voit des cercles se constituer, des cercles concentriques par ricochets, d'autant plus forts et rapprochés que le poids immergé est important. Je me propose ici, pour ce qui est de l'Aventure ambiguë, de partager comment la parution de l'ouvrage a été vécue dans sa famille, ses parents et amis pour autant que j'ai pu recueillir de telles informations.
Cheikh Hamidou Kane avait 33 ans lorsque son livre est publié. « Je crois, me dit-il, que maman a peut-être apprécié plus que les autres membres de la famille le livre parce qu’Alioune Diop est venu de Paris me voir». Alioune Diop était un grand intellectuel sénégalais qui a fondé la revue Présence Africaine. Maman connaissait Alioune Diop depuis leur enfance. Mon grand-père Racine était fonctionnaire à Dagana où vivait le père d’Alioune Diop. Alioune est venu à Thiès la saluer et lui dire sa fierté. Elle a compris que quelque chose de particulier arrivait à son fils. Il poursuit « quand j'ai reçu un montant d'argent qui accompagnait le Grand prix d'Afrique noire, je l'ai offert à papa et maman. Ils ont dû l'utiliser pour faire des aumônes ». On me rapporte que son père aurait dit, pour ce qui est du livre en général que « Baba (ainsi appelait-il son fils) connaît qui il est ; il pourrait donc bien se décrire s'il veut parler de lui ».
Venons en maintenant à ses frères. Le plus grand, de cinq ans son aîné, dit ne pas avoir lu le livre tant qu'on lui dit que le roman raconte la jeunesse de l'auteur. Il évoque, avec un brin de malice qu'il en connaît suffisamment, autant qu’un livre ne pourrait raconter. Par contre, il a tenu à ramener à la maison un disque « vinyle 33 tours » où quelqu'un lisait des passages de l'aventure ambiguë. Il y avait aussi une interview de personnes que nous ne connaissions pas ; le tout avec de la musique…
Quant à mon petit frère Fadel, il était très fier de la parution d'un livre de moi. En tant que journaliste et en tant qu’intellectuel. Il a beaucoup apprécié et nous avons retrouvé des traces de cela.
Binta Racine, la Grande Royale des Diallobe m'a dit « toi le petit fou, j'ai entendu ce que tu as dit de moi dans ton livre ». Apres m'avoir dit ça elle a vaqué à ses occupations du jour. Ce fut tout, pas un autre commentaire sur l'aventure ambiguë en ma présence…
Mamoudou Cheikh, un oncle de l'auteur a commenté avec un air taquin. Je crois que Baba Cheikh n'avait pas tous ses sens en écrivant le chapitre 10 de la deuxième partie du livre. Personne n'y comprend rien.
Pendant la période péri-parution du roman, une rumeur circulait dans la famille demandant de s'attendre à un livre dont certains personnages étaient tirés de nous. Fadel Dia, Ibrahima Niang et Abdoulaye Elimane Kane étaient élèves à Saint Louis. Lorsqu'ils ont reçu le livre, ils devraient le lire à tour de rôle. AEK me dit qu'ils se sont empressés de recouvrir le livre dans un papier journal pour ne pas l’abimer. Ce dernier évoque après avoir lu le livre, ses causeries avec sa propre maman à propos du maître des Diallobe, de sa rigueur et sa dureté. Sa maman lui confirmera qu'il en était ainsi. Un homme redoutable à beaucoup d’égards. En effet, sa maman et Samba Diallo ont tous deux été disciples de Thierno.
Les philosophes et littéraires donnent quelques critères pour qu'une œuvre soit universelle : 1) elle est lue par un large public au plan national et international ; 2) elle est traduite dans différentes langues ; 3) elle est enseignée dans les écoles et universités de différents pays, commentée, utilisée dans des exercices et contrôles de connaissances ; 4) ses personnages deviennent des modèles (Thierno, Grande Royale, le Fou, Samba Diallo) ; 5) des expressions formulées par des personnages ou celles de l'auteur dans son récit et ses descriptions deviennent des aphorismes cités et ayant valeur de maximes ; 6) il peut y avoir une interprétation cinématographique ou théâtrale de l'œuvre . D'autres critères sont possibles mais l'Aventure ambiguë remplit tous ceux-ci. D'où l'intérêt de considérer l'avis du premier lecteur du roman.
Il s'agit du Dr Ibrahima Wone qui mentionne avoir lu le manuscrit déjà avec le premier titre du roman initialement intitulé « les orgues mortes » et MG le premier nom de Samba Diallo. Il dit que ni la première lecture du manuscrit et du livre terminé ne l'avaient édifié. Selon ce cousin de l'auteur médecin, bien qu'écrit par un jeune homme, ce livre était destiné aux gens mûrs et même plus mûrs. C'était d'une profondeur remarquable. Parvenir à rassembler dans un seul roman l'ensemble des aventures que leur génération vivait relevée d'une prouesse. Ce brillant intellectuel a avoué lors d’une émission de télévision avoir lu ce roman vingt quatre fois. Il qualifie l'œuvre de fulgurance d'inspiration divine…
Jeune gouverneur de la région de Thiès, Cheikh Hamidou Kane et ses amis se retrouvaient à la résidence de Popeguine les fins de semaine. A l'époque, Popeguine était une résidence secondaire du gouverneur de Thiès. Et, semble-t-il ce fût le début des compilations des réactions dans le monde intellectuel tant au niveau local qu'à l'extérieur du pays. Des « ami de Baba » venaient rendre visite au père de l'auteur (le Chevalier du roman) à la maison familiale de Thiès assez souvent en cette période pour que nous puissions en identifier comme Vincent Monteil, celui qui a fait la préface du roman en février 1961 et un certain Jacques Chevier.
Une petite anecdote qui implique une fille de l'auteur. Elle était petite et voyageait avec ses parents dans une voiture. Son père conduisait et la police l'a arrêté pour un contrôle de routine. Le policier s'avance, se présente et demande les papiers de la voiture. Alors mademoiselle abaisse la vitre et s'adresse au policier « Vous ne savez pas à qui vous parlez. Mon père a tous ses papiers, il a même écrit un livre ! » Le policier a rigolé et les a laissé continuer leur chemin.
Je voudrais maintenant, pour le ‘Inside history’, relater une conversation entre le père et le fils. Non sur le contenu des échanges mais sur l'attitude que chacun adoptait et sur la fluidité de la conversation. Mame Lamine était couché sur son lit, sur toute sa longueur, les yeux fixant le plafond. Quelques fois il se tournait vers son fils la tête et le buste surélevés. Avec cette attitude d'avoir la main droite qui soutient la tête pour mieux suivre une conversation qui l'intéresse. Le fils lui, Samba Diallo donc, était assis sur la natte à même le sol, un oreiller lui servant à supporter soit les genoux soit la tête.
-Tu sais lui dit le fils, on a traduit mon livre dans beaucoup de langues et les commentaires qui y sont relatifs font plus de dix fois le volume du livre.
-Ce que tu y dis intéresse donc les gens, indéniablement.
-Cela me renvoie à une conférence que j'animais en décembre 1957 en France avant la parution du livre. C'était sur la totalisation du monde. Les discussions étaient passionnées. On sait qu'on va aller vers telle direction mais on a peur de s'y engager de peur de se perdre.
-Les autorités ici me disent qu'ils t'écoutent lorsque tu t'exprimes et c'est très bien ainsi.
Cette conversation je m'en souviens, bien que jeune. Je leur amenais du thé entre tisbar et taxussan. Ils ne finissaient pas de parler… Une image gravée dans le cerveau, ineffaçable.
La fin de ce premier cercle concentrique pourrait être ceci. Elle est rapportée par Samba Diallo qui retrouve le Chevalier dans son lit d'hôpital. Ce dernier avait bien vieilli, presque centenaire loin du pays des Diallobe. Il était aimé et respecté dans la société. Les médecins l'avaient gardé lorsqu'il a consulté. Ses enfants l'avaient presque obligé à les suivre. Samba Diallo entre donc dans la chambre d'hôpital et trouve son père en sueurs, tremblant de tout son corps, assis sur le lit. Il se précipite, le tient et voit que son père s'acquitte de sa prière de Taxussan. Il lui dit, « tu sais papa tu n'es pas obligé de prier si tu ne peux pas, assis sur un lit d'hôpital et à ton âge ». Après un petit silence, il lui répondit d'une voix rendue fluette par l’âge et la maladie « comment tu veux que je sache que je ne peux pas si je n'essaie pas ? » Imparable. Ainsi était le Chevalier.
C'était sa dernière semaine.
LE CORAN TRADUIT DANS LES LANGUES AFRICAINES POUR ÊTRE PLUS ACCESSIBLE AUX FIDÈLES
Pour rendre le Coran accessible au plus grand nombre, il faut le traduire dans les langues des croyants. C'est déjà le cas au Sénégal et désormais aussi en Guinée
Pour rendre le Coran accessible au plus grand nombre, il faut le traduire dans les langues des croyants. C'est déjà le cas au Sénégal et désormais aussi en Guinée. En ce mois de Ramadan, c'est le dossier du matin.
Le texte sacré de l’Islam est désormais disponible en langue pulaar, encore appelée fulfulde. C'est un projet mené par l'association Islam House (basée en Arabie saoudite) et par le Centre guinéen d'études et de traduction (basé à Conakry). Les traductions du Coran en pulaar sont très rares et peu accessibles. Cette nouvelle version vient enrichir le site officiel de l'Encyclopédie du Coran (www.islamhouse.com) qui à ce jour, est traduite dans 23 langues, dont le Haoussa et le Kiswahili. En traduisant le Coran en pulaar-fulfulde, ce sont près de 60 millions de locuteurs dans le monde qui sont visés.
Il a fallu quatre ans de travail et de vérifications pour traduire les 114 sourates du Coran en pulaar. Un travail délicat, pour coller au plus près de l'esprit du livre saint, tout en adoptant un niveau standard de langue compréhensible par tous et toutes, comme l'explique à Bineta Diagne, de la rédaction Afrique, Mamadou Tafsir Baldé, le directeur du centre Guinéen d'études et de traduction, porteur de ce projet : « Dans la traduction de sens du Coran, il y a toujours des terminologies qui sont parfois conformes, d’autres qui sont différentes. Nous avons une traduction selon un caractère du pulaar standardisé pour avoir une traduction accessible à tous les (locuteurs de) pulaar. »
Ce projet est mis en ligne en ce tout début de ramadan, pour répondre à l'intérêt des fidèles en quêtes informations sur la Révélation du Coran. Mamadou Tafsir Baldé : « Parmi les versets les plus consultés pendant ce mois du ramadan, les versets de la sourate numéro deux "al-baqarah". Elle parle de la révélation du Coran dans le mois du ramadan. Elle explique comment nous pouvons jeûner. Ce sont les les concepts du ramadan... Le ramadan aussi, c’est un moment de la lecture du saint Coran. Il y a des gens qui lisent tout le Coran pendant le ramadan. »
Le projet n'est pas totalement achevé : l'association Islam House compte se lancer dans la traduction des Hadith, les paroles du Prophète. Par ailleurs, une version papier du Coran en pulaar devrait bientôt être disponible.
La magie des Ateliers réside aussi dans sa capacité à décloisonner les savoirs, les formes et les pratiques artistiques et intellectuelles. C'est l’une des plus grandes initiatives politiques en Afrique de ces 30 dernières années
La quatrième édition des Ateliers de la pensée a vécu. Pendant près d’une semaine, des intellectuels, artistes et universitaires du continent et de la diaspora se sont retrouvés à Dakar autour du thème : «Cosmologies du lien et formes de vie.» Co-géniteurs de la manifestation devenue un lieu physique et symbolique phare du monde des idées, Felwine Sarr et Achille Mbembe contribuent au renouveau de la pensée critique en Afrique et explorent les moyens de repositionner le continent au cœur de la géographie mondiale des savoirs. Depuis leur première édition en 2016, sur le thème de la planétarisation de la question africaine, les Ateliers se sont installés comme un rendez-vous phare des idées africaines, sur l’Afrique et à partir d’Afrique.
En 2019, Achille Mbembe soulignait l’importance des Ateliers. En effet, à partir d’un continent longtemps considéré comme «hors monde», se dessinait peut-être l’outil le plus puissant pour repenser notre humanité abîmée par diverses menaces, et fragmentée en multiples communautés qui se font face. Cette année, la manifestation était attendue après notamment la pause mondiale imposée par la pandémie du Covid-19, qui a éprouvé l’Occident, ancien modèle dominant, et mis en exergue ses fragilités et ses vulnérabilités. L’Afrique, elle, malgré les prédictions sombres, a mieux résisté au choc. Le Covid nous impose une nouvelle façon d’habiter la terre et des nouvelles manières de sociabilité afin de faire communauté. Mais après deux ans de pandémie douloureuse, nous nous acheminons vers une sortie de crise, et tous les engagements pris par les pouvoirs politiques et économiques, semblent oubliés afin de reprendre la vie là où elle était arrêtée.
Les résolutions volontaristes au sujet de ce fameux «monde d’après» cèdent sans surprise à la continuation des pratiques qui ont produit ce monde dont tout le monde annonçait la fin nécessaire. Les Ateliers, à travers ses quatorze panels et des communications importantes qui y ont été données, ont l’avantage de nous rappeler à notre devoir de faire monde, en lien avec toutes les espèces locataires de la terre sur laquelle les humains ne doivent plus se comporter en maîtres et possesseurs. Felwine Sarr et Achille Mbembe, à partir de Dakar, ont invité des penseurs afin de proposer un nouveau chemin, de converger vers de nouvelles pratiques afin de panser les plaies provoquées par le capitalisme et la violence qu’il charrie. Il s’agit aussi de penser le vivant par la configuration de nouvelles solutions.
Les deux animateurs des Ateliers nous invitent face à la «déliaison sociale, économique et environnementale du monde contemporain, à repenser les soubassements philosophiques de notre rapport au vivant en reconstruisant des ontologies relationnelles».
Si c’est aussi parce que l’humain, par le productivisme acharné, la destruction de la nature et le bouleversement de notre écosystème, a provoqué cette pandémie, il convient d’inventer de nouvelles formes d’habitabilité de la Terre par le respect dû aux autres locataires, la sobriété dans la fabrication de la richesse et la conception d’un nouveau rapport entre humains, animaux, végétations, etc.
La magie des Ateliers réside aussi dans sa capacité à décloisonner les savoirs, les formes et les pratiques artistiques et intellectuelles. Aux côtés par exemple des philosophes Souleymane Bachir Diagne et Mathieu Potte-Bonneville, figuraient des économistes comme Seydou Ouédraogo, des romanciers comme Mbougar Sarr, des photographes comme Teddy Mazina, des danseurs, des militants, des musiciens, des performers…
Les Ateliers de la pensée constituent l’une des plus grandes initiatives politiques en Afrique de ces 30 dernières années. Sur les cendres des universités dont la vocation de construction, de pérennisation et d’approfondissement du savoir semble essoufflée du fait de nombreuses causes, et à l’heure de la résurgence de la rétractation nationaliste et de la prééminence des obscurantismes, générer un espace de pensée libre et féconde, c’est opérer un choix de mener un combat culturel pour brandir le drapeau de l’humanisme et interroger des notions aussi cruciales que le politique, la culture, la liberté, l’art, l’écologie, etc.
Où ailleurs qu’à Dakar ? Dans cette capitale qui a longtemps eu l’ambition d’être une terre de débats et au cœur des enjeux culturels du monde. Edouard Glissant invitait à agir en son lieu et penser avec le monde. Pendant une semaine, nous avons, de Dakar, convié le Burkina Faso, le Mali, l’Ukraine, terres en turbulences et théâtres des impasses politiques mondiales actuelles, à nos idéations. Dakar, dont la vocation est d’être la capitale de la rencontre, de la création et de l’universel, est dans son rôle quand elle accueille pour la quatrième fois des intellec-tuels parmi les plus grands du monde, afin d’explorer les formes nouvelles d’habitabilité de la terre et de tisser les liens d’une humanité à inventer.
LA BANDE DESSINÉE POSE LES BASES DE SON ENVOL
Faire la promotion de la Bande dessinée (Bd) et du dessin de presse, tel est l’objectif de l’initiateur du festival «Bulle Dakar».
La première édition du festival de Bande dessinée (Bd) intitulé «Bulle Dakar» a baissé ses rideaux samedi. Cette plateforme des professionnels et passionnés de la Bd vise entre autres à hisser le 9e art et le dessin de presse au rang d’œuvre de premier plan dans le quotidien des citoyens de 07 à 77 ans.
Faire la promotion de la Bande dessinée (Bd) et du dessin de presse, tel est l’objectif de l’initiateur du festival «Bulle Dakar».
Pour Oumar Diakité alias Odia, ce festival d’exposition et de panel d’échanges consacré à la Bd va booster le secteur du 9e art au Sénégal. C’est une salle pleine de planches de Bd qui ornaient les murs de l’espace dédié à l’exposition, où trônait le nom de chaque participant. Parmi les parties prenantes, en plus des dessinateurs qui ont étalé leurs œuvres hautes en couleurs, avec des personnages et des décors locaux, il y avait les Maisons d’édition spécialisées notamment en «Bande dessinée, Bd passion et Sis illustration». Il y avait également une bibliothèque consacrée à la distribution des œuvres illustrées. «La Bd est le premier support de communication, de l’antiquité aux temps modernes. Elle permet de passer des messages. Cette initiative vient d’une volonté des dessinateurs sénégalais de nous affirmer en montrant nos capacités, notre savoir-faire. Il était urgent de nous regrouper», renseigne Odia qui précise dans la foulée que ce n’est certes pas le premier festival de bande dessinée, mais plutôt, la première édition du festival Bulle Dakar. «Il y a eu d’autres initiatives du genre. Seulement, il n’y a pas eu de suite. Mais nous avons la volonté de pérenniser ce festival, d’en faire un événement annuel et de l’inscrire sur le calendrier culturel sénégalais», dit-il avec le sourire, casquette vissée sur le chef.
Invité d’honneur, Ben Barry Youssouph dit Oscar estime que ce premier jet de «Bulle Dakar» démontre que les Sénégalais s’intéressent à la Bd. «Il y a un réel engouement autour de la Bande dessinée, cela démontre que si les autorités appuient les acteurs, il y aura un envol de la Bd. Il y a plein de talents. Il faut les détecter pour assurer la transmission à travers des formations et échanges afin de passer le relais à la nouvelle génération. Il y a un concours initié, dans le cadre du festival, qui permettra de découvrir les jeunes talents ; c’est à eux de poursuivre l’œuvre pour éviter qu’il y ait un gap entre les générations», préconise l’initiateur du festival «Bulle D’encre» de Guinée qui est à sa 7e édition.
Illustrateur de Bd, Seydina Issa Sow mise lui, en sus des initiatives telles que les festivals, sur la formation et l’édition des jeunes talents pour assurer la visibilité et la durabilité. «Je lance également un appel au ministère de la Culture pour qu’il accompagne la Bd. Une école spécialisée permettra aussi la professionnalisation des jeunes. Donc, c’est toute une chaîne qui constitue le 9e art. Il faut qu’il y ait les jeunes talents qui dessinent, les maisons d’édition, les bibliothèques pour la distribution et le ministère qui chapeaute tout cela», souligne l’éditeur de Bd, Seydina Issa Sow.
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LES CLÉS D'UN RETOUR À L'ÂGE D'OR CULTUREL AU SÉNÉGAL
EXCLUSIF SENEPLUS - Promouvoir les langues nationales, encourager le potentiel de création et de créativité à la base... L'ancien ministre Abdoulaye Elimane Kane indique comment mieux profiter du puissant potentiel de la culture pour le développement
Senghor était un pédagogue de la culture. Hélas, la période des ajustements structurels entre autres, a été fatal pour la politique culturelle officielle du pays. Ce constat amer est d'Abdoulaye Elimane Kane, un des témoins privilégiés de l'âge d'or de la culture au Sénégal. Le philosophe et ancien ministre de la Culture, intervenant jeudi 31 mars lors de la conversation "Littérature, Culture et Consensus sociétaux", a rappelé qu'il ne saurait y avoir de développement durable sans une place de choix accordée à la culture et à ses composantes. Il a notamment évoqué quelques pistes suscpetibles de redonner à la culture son lustre d'antan au Sénégal.
«MON TRAVAIL DE ROMANCIER EST LA SEULE RÉPONSE QUE JE PEUX LIVRER»
Le romancier Mohamed Mbougar Sarr répond aux accusations d’apologie de l’homosexualité dont il a fait l’objet après sa réception du prestigieux prix littéraire Goncourt pour son roman
Invité à l’Harmattan Sénégal, lors d’une conversation « Littérature, Culture et Consensus sociétaux », le lauréat du prix Goncourt 2021, Mohamed Mbougar Sarr est revenu sur la polémique qui a suivi cette distinction. Accusé de faire l’apologie de l’homosexualité, le romancier estime que la réponse à ses détracteurs se trouve dans ses écrits.
«Je crois qu’un romancier sert fondamentalement à dire ce qui est un roman, ce qui est une fiction, à toujours apporter les nuances nécessaires pour réaffirmer le droit au roman d’exister, à la fiction d’exister et la nécessité toujours de s’intéresser aux œuvres romanesques plutôt aux hommes qui sont périssables. Je me dis que tout ce que j’ai tenté de dire, de faire, se trouve dans mes livres. C’est la raison pour laquelle j’évite de plus en plus de m’exprimer, de donner des explications, de me justifier parce que je crois que je n’ai pas à le faire fondamentalement et que mon travail de romancier est la seule réponse que je peux livrer ». Par ces mots, le romancier Mohamed Mbougar Sarr répond aux accusations d’apologie de l’homosexualité dont il a fait l’objet après sa réception du prestigieux prix littéraire Goncourt pour son roman, « La Plus Secrète Mémoire des hommes » publié en 2021 aux éditions Philippe Rey et Jimsaan.
En effet, cette distinction est intervenue trois ans après la sortie de son précédent roman, « De purs hommes » dans lequel l’auteur aborde la question de l’homosexualité qui a engagé la polémique. Cependant, Mohamed Mbougar Sarr est d’avis que sa réponse peut être « insatisfaisante » ou insuffisante ». « Mais c’est la seule fondamentalement dont je dispose et c’est à mes livres toujours que je tente de renvoyer. Ce qu’un homme peut dire est tellement faillible, pauvre parfois, incomplet que je ne suis pas certain qu’il vaille important d’accorder une sorte de poids absolue en tout cas lorsqu’il s’agit de romancier », dira-t-il.
Selon lui, toutes ses œuvres vont dans le sens d’essayer d’expliquer ce qu’est un roman. « On peut avoir l’impression qu’en ayant écouté tout ce qui s’est dit depuis quelques mois voire depuis quelques années, j’avance avec certitude que mes romans sont autant de réponses ou de points de vue figés que j’apporte à des questions alors qu’il n’y a rien de plus instable finalement que le travail du roman. Mais je trouve l’impression que la question fondamentale aujourd’hui, c’est est-ce qu’on comprend véritablement ce qu’est une fiction et il me semble que de façon élémentaire aujourd’hui dans la société sénégalaise, tenter de dire ce qui est écrit, c’est toujours tenter un creux plus souterrainement de réaffirmer ce qu’est une fiction, le pouvoir de la fiction, la distinction entre le réel et la fiction qui n’est pas une coupure mais qui est simplement l’inscription d’un rapport dans un autre espace qui n’est factuel mais un espace métaphorique ou poétique », a-t-il expliqué.
Cependant, concernant « La Plus Secrète Mémoire des hommes », Mohamed Mbougar Sarr dit ne pas avoir « mesuré la tension ou la gravité, l’état de la réception de ce livre ». Et c’est parce que, précisera-t-il, « j’ai vraiment la faiblesse de croire que ce n’est que de la littérature et quand je dis ça, ce n’est pas ignorer la littérature mais je le dis aussi que c’est à la fois la chose la plus importante sur terre et en même temps, ce n’est pas grand-chose ».
Et d’ajouter, « c’est ce paradoxe qui m’a toujours tenu, maintenu ». A en croire le lauréat du prix Goncourt 2021, il ne veut pas que ses lecteurs ne soient pas dans la position de recevoir une vérité que je ne détiens pas mais que je cherche et dans la recherche, « c'est-à-dire qu’il n’y a jamais de thèse, de ligne directrice assumée. Il y a une œuvre totalement ouverte dans laquelle un lecteur a sa place et dans laquelle il pense ».
A en croire Mohamed Mbougar Sarr, l’engagement d’un roman n’est jamais « absolu » mais « relatif ». « Ce qu’on appelle un engagement, c’est une rencontre entre la sensibilité de l’écrivain et la sensibilité de lecteur. J’en veux pour preuve : un roman ne sera jamais engagé de la même manière pour les lecteurs. Mon roman qui a créé le scandale ici est considéré par certains comme un roman très engagé, par d’autres un roman sans engagement », a-t-il laissé entendre.
L'HISTOIRE DU 4 AVRIL POUR L'INDEPENDANCE DU SENEGAL
Le Sénégal devient une République le 15 novembre 1958. Le 20 août 1960, le pays accède à l’indépendance sous la direction du Président Léopold Sedar Senghor. Pourquoi donc le choix du 4 avril pour célébrer l’indépendance ? Que représente le 4 avril ?
Le Sénégal devient une République le 15 novembre 1958. Le 20 août 1960, le pays accède à l’indépendance sous la direction du Président Léopold Sedar Senghor. Pourquoi donc le choix du 4 avril pour célébrer l’indépendance ? Que représente le 4 avril ? Retour sur une partie de l’histoire moderne et contemporaine du Sénégal.
L’accession à l’indépendance du Sénégal s’est faite selon un processus moins linéaire que celui de la plupart de ses voisins ouest-africains. De fait, la création d’un État fédéral avec le Soudan voisin avait été mise en chantier à partir de 1958-1959, mais s’était soldée par un échec en août 1960. Le Sénégal proclame son indépendance le 20 août 1960, dissociant désormais son destin de celui du Soudan.
Le 4 avril 1960 a été une journée calme à Dakar. Léopold Sédar Senghor, alors président de l’assemblée fédérale de la Fédération du Mali, accompagné de sa famille, arrive le matin par avion régulier d’Air France à l’aéroport de Dakar. Il revient de Paris où il a assisté aux négociations franco-maliennes sur l’indépendance de la Fédération du Mali, réunissant le Sénégal et le Soudan. À sa descente d’avion, de nombreuses personnalités l’accueillent. Dans la salle de réception de l’aéroport, il annonça l’indépendance de la Fédération du Mali pour le mois de juin suivant. Ensuite il déclara : « Et l’Indépendance ne nous sera pas offerte, c’est nous qui proclamerons l’Indépendance du Mali et la France sera la première à nous reconnaître. »
Au même moment, le Premier ministre français, Michel Debré, Modibo Keïta, chef du gouvernement de la Fédération du Mali et premier ministre du Soudan, ainsi que Mamadou Dia, vice-président de la Fédération et premier ministre du Sénégal, signent les accords de transfert de compétences de la Communauté française à la République du Sénégal et à la République soudanaise, groupée au sein de la Fédération du Mali.
Une année auparavant, le 4 avril 1959, le gouvernement de la Fédération du Mali avait été investi par l’assemblée fédérale à Dakar. Par la suite, la Fédération avait adhéré à la Communauté française, créée par le referendum de septembre 1958 (ROCHE, 2001 : 115). Elle avait déclaré son indépendance le 20 juin 1960, après la ratification des accords du 4 avril. De grandes festivités sont programmées pour le 17 janvier 1961 mais celles-ci n’eurent jamais lieu car la Fédération du Mali ne dura pas.
À la veille du 20 août 1960, la Fédération éclata et le Sénégal proclama son indépendance (ROCHE, 2001 : 229-230). Le gouvernement français reconnut la République du Sénégal peu après. La République indépendante du Mali (ancien Soudan) est proclamée, elle, le 22 septembre et reconnue ensuite par le Sénégal et la France. Le Sénégal prévoit une fête officielle de commémoration de l’indépendance pour le 4 avril 1961, premier anniversaire de la signature des accords sur le transfert des compétences.
C’est dans ce contexte particulier – et selon ce calendrier paradoxal – que sont organisées les réjouissances du 4 avril 1961 à Dakar. Senghor, président de la jeune république, y apparaît comme l’homme fort aux côtés de Mamadou Dia (vis-à-vis de qui, pourtant, il commence à exprimer de premières divergences).
Les dignitaires français se sont pressés à Dakar pour honorer le poète-président : on aperçoit ainsi dans la tribune officielle André Malraux, ministre de la Culture, et Gaston Monnerville, président du Sénat français, aux côtés de divers chefs d’État ouest-africains, à l’exemple de Félix Houphouët-Boigny. Le vice-président américain Lyndon Johnson fait également partie des hôtes de marque. Au total, 82 délégations venues de 72 pays ont été reçues en grande pompe.
La place de l’Indépendance est officiellement baptisée à cette occasion. Offices religieux, manifestations sportives et populaires se succèdent, ainsi que des réceptions officielles. On assiste toute la journée à des défilés des troupes, des saint-cyriens, des enfants des écoles, des mères de famille, des anciens combattants, des dignitaires musulmans, des employés municipaux, des ouvriers métallurgistes, des athlètes, des agriculteurs, etc. C’est toute la société sénégalaise qui est mise en scène dans une chorégraphie bien rodée. Le parti du président, l’UPS (Union Progressiste sénégalaise), a œuvré pour que la mobilisation populaire se fasse à grande échelle.
Très réussie, la fête de l’indépendance sénégalaise se caractérise donc par un faste tout particulier et par la dimension internationale que les autorités, Léopold Sedar Senghor en tête, ont voulu lui donner « dans un décor global pensé par le pouvoir » (cf. Susan Baller, « Fêtes célébrées, fêtes supprimées [...] », in Odile Goerg, J.-Luc Martineau et Didier Nativel (dir.), Les indépendances en Afrique. L’événement et ses mémoires, Rennes, PUR, 2013, p. 293-316).
A cet égard, et malgré le caractère paradoxal de la date retenue, la fête du 4 avril 1961 constitue un moment de cristallisation nationale de première importance.
Durant son magistère, le Président Senghor avait d’organiser une fête tournante entre Dakar et les capitales régionales. Abdou Diouf, arrivé au pouvoir dans une conjoncture moins favorable marquée par l’ajustement structurel, a mis fin à cette politique. Tout en permettant aux capitales régionales d’organiser la fête sous la présidence du Gouverneur, lui reste à Dakar pour célébrer la fête. Son successeur, Abdoulaye Wade a voulu adopter la démarche de Senghor, avec Thiès 2004. Un choix qui a fait long feu. Toutefois, jusqu’à Macky Sall, la fête du 4 avril s‘est organisée selon les contextes, soit sous la fortme d’un défilé civil et militaire ou tout simplement, comme cette année 2022, sous la forme d’une prise d’arme réservée aux militaires.
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L'ARMÉE ENGAGÉE À EN FINIR AVEC LA GUERRE EN CASAMANCE
Macky Sall a indiqué dimanche, dans son adresse à la nation en marge du 4 avril également marquée par le rappel de la nécessité d'une autosuffisance alimentaire, sa détermination à voir les opérations militaires en cours dans le sud aller à leur terme
SenePlus publie ci-dessous, le message à la nation du président Macky Sall à l'occasion de la célébration du 62e anniversaire de l’indépendance du Sénégal.
"Mes chers compatriotes,
Demain, 4 avril 2022, nous célébrons à l’unisson le 62e anniversaire de l’indépendance de notre pays.
A toutes et à tous, chers compatriotes d’ici et de la diaspora, j’adresse mes chaleureuses félicitations.
Je rends un vibrant hommage à nos vaillants Lions, qui nous ont offert la première CAN de notre histoire, et la 2e qualification consécutive de notre pays à la Coupe du monde de football.
Merci à vous, chers Lions, à votre coach et votre encadrement d’avoir porté si haut les couleurs nationales.
Nos prières et vœux ardents de succès vous accompagnent sur la route du Mondial 2022. Comme toujours, l’Etat sera à vos côtés pour vous apporter tout le soutien nécessaire.
Au nom de l’Union Africaine, que notre pays a l’honneur de présider cette année, je salue nos frères et sœurs d’Afrique, et leur exprime mon engagement sans faille au service des intérêts de notre continent.
Par la grâce de Dieu, notre fête nationale se tient en période d’intense ferveur spirituelle, avec le ramadan et le carême.
Puisse l’esprit de foi et de concorde que porte ce temps béni raffermir notre vivre ensemble dans la paix, la stabilité et l’harmonie nationales.
En raison des travaux sur le chantier du BRT, le défilé marquant cette édition aura lieu à la place de l’Indépendance, en format réduit ; mais avec toute la solennité qui exalte notre commun vouloir de vie commune et la symbiose Armée-Nation.
En votre nom et au mien propre, je redis à nos chers anciens combattants nos sentiments de respect, d’affection et de gratitude.
Le souvenir impérissable de leurs sacrifices pour la défense de la liberté restera toujours gravé dans nos cœurs et nos esprits.
A vous, officiers, sous-officiers et militaires du rang, je réitère ma confiance et la fierté de la nation.
Je salue la mémoire de nos soldats tombés au champ d’honneur. Aux blessés, j’adresse mes vœux de prompt rétablissement.
Je renouvelle mon soutien à ceux et celles parmi vous qui sont déployés au service de la paix dans le monde, et en opérations pour la défense de l’intégrité territoriale, et la lutte contre la criminalité transfrontalière et le pillage de nos ressources naturelles.
J’ai donné ordre à nos Forces de défense et de sécurité de poursuivre sans répit ces opérations jusqu’à ce que tous les objectifs assignés soient atteints.
Les hommes et femmes qui ont choisi le métier des armes pour défendre les intérêts vitaux de la nation, au péril de leur vie, méritent notre soutien et notre gratitude.
C’est pourquoi je tiens à l’amélioration constante des conditions d’existence de nos soldats, l’efficacité opérationnelle de leurs missions et la quiétude de leurs familles.
Cette année, le thème de la fête de l’indépendance porte sur Forces de défense et de sécurité et résilience nationale.
Dans un contexte mondial agité et incertain, qui s’ajoute à la profonde crise sanitaire et économique née de la pandémie COVID-19, ce thème nous invite à persévérer dans nos efforts individuels et collectifs face aux épreuves de notre temps.
Nos Forces de défense et de sécurité, faisant corps et âme avec la nation, ont contribué de façon remarquable à la mise en œuvre de notre stratégie de riposte sanitaire et socio-économique, en plus de l’exécution des mesures régaliennes.
Dans le même esprit, devant la montée des périls et la complexité des menaces, le programme de renforcement des capacités opérationnelles de notre armée se poursuit, afin que nos Forces de défense et de sécurité soient prêtes, en tout temps et en tout lieu, à assurer leur mission de défense du territoire national.
En outre, 12 nouveaux escadrons de gendarmerie, 11 commissariats de sécurité publique et 3 postes avancés aux frontières ont été créés, en plus de l’acquisition de nouveaux moyens de lutte contre la grande délinquance et la criminalité organisée.
Ces efforts, parmi d’autres, seront maintenus et renforcés.
Mes chers compatriotes,
Dans mon message à la nation à l’occasion du nouvel an, je vous ai entretenu de nos politiques de développement économique et social, y compris la mise en œuvre des projets d’infrastructures indispensables à l’objectif d’émergence.
Depuis lors, nous avons :
inauguré le Stade Abdoulaye Wade de Diamniadio et le pont Nelson Mandela de Foundiougne ;
mis en service l’autopont de Cambérène ;
et lancé les travaux de la 2e phase du TER ; pendant que l’exécution des projets du BRT et de l’autoroute Mbour-Fatick-Kaolack progresse à un rythme satisfaisant.
En même temps, la formation aux métiers, l’emploi et l’insertion socio-économique des jeunes restent au cœur de mes priorités.
La mise en œuvre du Programme d’urgence Xëyu ndaw ñi, financé à hauteur de 450 milliards de FCFA sur trois ans, se poursuit au sein des Pôles-Emploi et Entrepreneuriat pour les Jeunes et les Femmes, et de la DER/FJ, de l’ANPEJ, de l’ADPME, du FONGIP, du FERA, du PROMOVILLES, de l’AGETIP, du 3FPTE et de la Convention nationale Etat-Employeurs privés.
Au total, dans différents secteurs différents secteurs tels que l’environnement et le cadre de vie, la santé, le tourisme, la sécurité, le service civique national et l’animation socio-éducative, le Programme d’urgence a généré 46 334 emplois, 12 200 bons de formation et financé 86023 bénéficiaires.
Des Centres de formation dans les filières de l’horticulture, de l’aviculture, de l’hôtellerie et de la restauration ont été réceptionnés à Diama, Thiepp, Diamniadio, Gandon et Ziguinchor ; et 12 Centres de proximité ouverts dans différentes localités des régions de Saint-Louis, Matam, Louga, Diourbel et Fatick.
Ce soir, mes chers compatriotes, considérant le risque élevé de pénurie et de flambée des prix en raison de la crise mondiale, j’appelle à une mobilisation générale pour accroitre et valoriser davantage nos produits agricoles, d’élevage et de pêche.
Afin de soulager les ménages, j’ai fait baisser les prix des denrées de première nécessité, notamment le riz, le sucre et l’huile ; et augmenté la subvention du riz local.
Mais pour être à l’abri des aléas de la conjoncture internationale, nous devons, par un effort individuel et collectif sur nous-mêmes, faire preuve de résilience en gagnant au plus vite la bataille de la souveraineté alimentaire.
Car, à vrai dire, l’indépendance n’est pas l’acte isolé d’un jour, mais un combat permanent, qui se gagne également sur le front de la sécurité alimentaire. C’est ce qui ajoute à la souveraineté nationale un surcroit de liberté.
Il nous faut produire ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons.
C’est le sens des investissements massifs que l’Etat continue de consacrer à la modernisation et à la diversification des secteurs de l’élevage, de la pêche et de l’agriculture.
De plus, pour la deuxième fois consécutive, le budget de la campagne agricole est revu à la hausse, et passe cette année de 60 à 70 milliards de FCFA.
Dans cette quête de l’autosuffisance alimentaire, j’engage les forces vives de la nation, en particulier les jeunes, les femmes et le secteur privé, à s’investir davantage dans les chaines de valeurs de l’élevage, de la pêche et de l’agriculture.
L’expérience des Domaines agricoles communautaires (DAC) montre que nous pouvons relever ce défi, à l’image des belles moissons du DAC de Keur Momar Sarr, sept mois seulement après son lancement en juillet dernier.
Il en est de même du projet pilote d’Incubateur de Mboro, lancé par le Programme Sénégalais pour l’Entrepreneuriat des Jeunes, en partenariat avec le secteur privé, dans le cadre de l’initiative Xëyu ndaw ñi.
En moins d’un an, ce complexe multifonctionnel moderne, financé à plus de 5 milliards de FCFA, a réalisé d’excellentes performances en mettant sur le marché des produits de qualité.
En outre, l’incubateur a formé 1053 jeunes, plus de 22 000 membres de GIE, et assisté 500 jeunes entrepreneurs à accomplir les formalités administratives nécessaires à leurs activités.
Relever le défi de l’autosuffisance alimentaire, c’est aussi faciliter les échanges entre les zones de production et les marchés.
C’est l’objet du Programme spécial de désenclavement, portant sur plus de 2500 Km de routes en cours d’exécution.
S’y ajoute le lancement prochain du Programme d’amélioration de la connectivité des zones agricoles du nord et du centre, financé par l’Etat et soutenu par la Banque mondiale.
D’un coût global de 130 milliards de FCFA, ce nouveau programme mettra en place des infrastructures routières et de renforcement des capacités en matière de formation et de production.
Il permettra, entre autres, de faciliter l’accès aux zones de production agricole, de pêche et d’élevage, afin d’améliorer les conditions de transport et renforcer les échanges intérieurs et avec les pays voisins.
De plus, le volet rural du Programme d’Appui aux Communes et Agglomérations du Sénégal, (PACASEN-rural) financé à hauteur de 352 milliards de FCFA démarrera cette année, pour améliorer l’accès aux services sociaux de base dans 435 communes.
Je rappelle que la composante urbaine du PACASEN est déjà en cours d’activité.
Les politiques d’équité territoriale et de justice sociale resteront toujours au centre de mes préoccupations ; car du fond de mon cœur, je veux que chaque sénégalaise et chaque sénégalais ait sa part de bien-être, de dignité et de décence qu’une nation qui se veut solidaire, unie et indivisible peut offrir à tous ses citoyens.
Telle est la vocation de la nation sénégalaise. C’est le legs que nous ont laissé les anciens, et c’est l’héritage que nous devons aux générations futures.
Pour ma part, je resterai sans relâche le gardien vigilant de ce patrimoine national et des exigences attachées à nos valeurs de culture et de civilisation.
Ensemble, mes chers compatriotes, sur la voie tracée par nos anciens, continuons de bâtir cette nation riche de sa diversité ; cette nation chaleureuse et accueillante, qui nous couve et fait battre notre cœur à chaque instant de notre vie, pour donner vie et force à notre destin commun.