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22 avril 2025
Culture
MBOUGAR GAGNERAIT À CLARIFIER SA POSITION PAR RAPPORT À L’HOMOSEXUALITÉ
Waly Ba, critique littéraire et écrivain , revient dans cette interview accordée à «L’As» sur le talent du jeune lauréat, sa position «mitigée» sur l’homosexualité, analyse les niveaux de lecture d’une œuvre d’art.
Un critique littéraire, c’est une mémoire livresque considérable adossée à une vaste culture, à un esprit de découverte, à un fort pouvoir d’analyse et à un vrai talent d’écrivain. Pour séparer la bonne graine de l’ivraie par rapport à toutes les émotions suscitées par le prix Goncourt 2021 attribué à l’écrivain sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, Waly Ba est comme Bernard Pivot une voix autorisée pour éclairer la lanterne des Sénégalais sur cette consécration littéraire qui a créé un malaise chez certains dans le pays. Professeur de français, éditeur, critique littéraire et écrivain, Waly Ba revient, dans cette interview accordée à «L’As» sur le talent du jeune lauréat, sa position «mitigée» sur l’homosexualité, analyse les niveaux de lecture d’une œuvre d’art. A ses yeux, il est «grossier de «brûler» une œuvre d’art, si l’on n’est pas sûr d’en avoir saisi la quintessence.
Lauréat du prix Goncourt, Mbougar Sarr fait l’objet de virulentes critiques de la part de certains Sénégalais qui l’accusent de faire la promotion de l’homosexualité. Quels commentaire faitesvous de ces attaques?
Dans un match de football, quand un joueur tire un penalty et le rate, les appréciations vont généralement dans deux sens : certains accablent le joueur en question, tandis que d’autres vanteront le talent du gardien. Pourtant, l’on doit aussi se demander si le penalty est bien tiré ou non. Si l’on déplace cette allégorie sur le terrain de la création, on peut rapidement retrouver l’essence même de l’œuvre d’art, qui est fondamentalement esthétique. Malheureusement, pour Mbougar Sarr comme pour autant bien d’autres artistes confrontés circonstanciellement à la clameur publique à cause du contenu de leurs œuvres, on a souvent eu tendance à faire l’économie de l’importance de ce mythe fondateur de l’œuvre d’art. Je ne suis pas d’accord qu’on ramène tout l’art de ce garçon à des considérations purement morales. Tout comme je suis absolument contre le fait que l’œuvre d’art ignore effrontément la Morale ou qu’elle se permette de la sabrer à dessein.
Certains de ses détracteurs soupçonnent des lobbies LGBT d’être derrière lui. Cette hypothèse est-elle compréhensible ?
Personne n’ignore plus aujourd’hui la puissance tentaculaire des lobbies LGBT ; tout le monde sait aussi qu’ils n’hésitent plus à trouver des relais partout, dans tous les domaines d’activités où ils espèrent trouver une oreille attentive, un regard sympathique, un bras armé ou quelque chose de ce genre. Mais objectivement, je n’ose pas penser que notre jeune compatriote puisse se laisser aussi facilement manger à cette sauce. Mbougar Sarr est issu de bonne famille, et je crois que son passage au Prytanée militaire a aussi dû contribuer à consolider son éducation morale. Mieux encore, nous ne devons pas perdre de vue qu’il y a de beaux esprits, des intellectuels très responsables, qui ont pris ce garçon sous leur aile. J’ai nommé Felwine Sarr et Boubacar Boris Diop. Et franchement, je n’ose pas croire que ces deux éminents intellectuels, très attachés aux valeurs profondes du terroir, vont pousser leur poulain dans la gueule du loup. J’ai l’intime conviction que tout ce qu’il a écrit ces dernières années, ils l’ont vu et l’ont lu avec un œil critique avant publication ; et que s’ils ont validé, c’est parce qu’ils ont eu l’intime conviction que ce n’était pas impropre à la consommation. Par ailleurs, je crois quand même que Mbougar Sarr gagnerait à clarifier sa position par rapport à cette triste réalité des temps modernes qu’est l’homosexualité. Ce que je veux dire par là est que, au-delà de Mbougar Sarr l’artiste, le créateur et le romancier, il y a l’autre Mbougar, l’homme social. Celui-là doit se donner la peine et les moyens de rassurer la communauté à laquelle il appartient en lui donnant notamment la preuve que certains délires déviationnistes et transgressifs de certains de ses personnages ne l’engagent pas ; qu’il n’a fait que monter des scènes dérangeantes et tumultueuses pour «saigner» les consciences, pour forcer la réflexion sur des sujets catalogués «tabous». Moi, j’aime bien la belle littérature, la belle écriture, le beau style ; autant de qualités que Mbougar Sarr possède définitivement. Cependant, il cesserait d’emporter ma sympathie si le Sénégalais qu’il est, l’Africain, le Musulman qu’il est, s’était clairement déterminé en faveur de l’homosexualité. Je l’aurais tout bonnement «abandonné» et aurais sans doute cessé de le lire. Mais en l’état actuel des choses, je ne peux pas me permette de jeter l’opprobre sur lui en me fondant sur des extraits coupés de leur relation organique avec l’ensemble de ses œuvres auxquelles ils sont empruntés. Malheureusement, vous avez dû le constater, c’est l’exercice auquel se sont prêtés un certain nombre de maîtres-censeurs, qui ne semblent pas, d’ailleurs, comprendre grand-chose à la littérature et aux impératifs esthétiques qui la sous-tendent. Quand un d’entre eux traite les Sénégalais de complexés en déclarant trouver anormal et insensé qu’ils se bousculent dans les librairies pour s’arracher le livre de Mbougar Sarr, moi je dis qu’il y a danger. C’est vraiment là une «défaite de la pensée», pour reprendre le titre mythique du chef d’œuvre d’Alain Finkielkraut. C’est plutôt le contraire qui devrait étonner, c’est-à-dire le fait que prix lui soit attribué et que ses compatriotes ne fassent pas montre d’une telle bruyante curiosité.
Certains décrient les scènes érotiques qui parsèment son œuvre. Vous, personnellement, qu’est-ce que cela vous fait ?
C’est Sartre, je crois, qui disait que la littérature mène à tout, à condition d’en sortir…Quand on est lecteur, on doit aussi se préparer à affronter des bourrasques. On n’entre pas dans un livre en se disant qu’on ne veut y trouver que ce qu’on aime, que ce que l’on désire voir et entendre. Il est plus sage de se mettre dans les mêmes dispositions qu’Henri Michaux et Michel de Montaigne qui avaient une poitrine assez large pour accueillir tous les souffles de l’univers, même les plus contrariants. Le premier, d’ailleurs, disait ricaner en voyant certains de ses compatriotes «voyager contre un pays». Les scènes érotiques dans un roman, c’est la récréation de l’auteur. Ce sont des espaces de défoulement, les seuls où il peut libérer ces genres de fantasmes. Non, que cela soit chez Mbougar ou chez quelque autre romancier, les scènes érotiques dans un roman ne peuvent pas me choquer outre mesure, parce que je sais qu’une œuvre littéraire n’est pas un film…Vous voyez ce que je veux dire ? L’auteur, faut pas l’oublier, écrit dans la plus grande des solitudes ; tout comme le lecteur lit dans la plus grande des solitudes. Des répercussions fâcheuses peuvent difficilement découler de ces conditions de consommation d’un produit d’art, parce que la transmission immédiate n’est presque jamais garantie. Et puis, je vais vous le dire : la littérature narrative en cours, celle qui se publie ces dernières années dans nos éditions locales, sont remplies de lubricités. Donc, pour respecter un certain parallélisme des formes, nos maîtres débroussailleurs devraient aussi faire irruption dans ces champs-là…
Où s'arrête la liberté de l’écrivain ? A-t-il toujours besoin d'une dose d'imprudence et de folie pour exceller?
Il faut qu’on se le tienne pour dit : la grande littérature ne s’est jamais accommodée et ne s’accommodera jamais peut-être d’une politesse à toute épreuve. «Un livre doit remuer des plaies, en provoquer même. Un livre doit être un danger». J’ai cité Cioran. Le vrai écrivain est censé habiter un désir ardent : celui de faire bouger des lignes. Et pour cela, il ne doit pas avoir peur d’assigner aux mots des tâches inhabituelles. Parce que l’écrivain visionnaire, comme le soutient si pertinemment André Gide, c’est celui qui «nage à contre-courant». Moi, je crois qu’il est insensé de vouloir imposer des directions thématiques à des auteurs au nom d’une morale, fut-elle religieuse. Si l’œuvre d’art doit s’entourer de limites, c’est l’artiste lui-même qui doit les fixer ; et c’est justement pourquoi, il doit se forger une éducation à la responsabilité.
Lui-même, dans un entretien accordé à une télévision de la place, dit comprendre ces critiques, mais il a ajouté qu’il faut savoir le lire, et que lire ça s’apprend…
Si je me place du point de vue de ma posture d’homme de lettres, je ne peux qu’être totalement d’accord avec lui. Aimer un livre ou le détester, c’est facile. Mais le comprendre, c’est beaucoup moins évident. Et c’est un peu grossier tout de même de «brûler» une œuvre d’art, si l’on n’est pas sûr d’en avoir saisi la quintessence. Je n’en déduis pas cependant que la lecture doit être la chasse gardée d’une minorité d’experts. Mais, il y a forcément un seuil d’interprétation qu’un profane n’est pas en mesure de franchir.
Selon vous, que représente un Goncourt pour un auteur africain ?
Pour un écrivain qui veut aller à la conquête du monde – et je crois bien que c’est le cas de Mbougar Sarr– le Goncourt représente forcément quelque chose. Car, force est de reconnaître que le Goncourt est une véritable institution, une sorte de voie royale pour se faire entendre quand on a que la plume pour parler à l’univers. Il est indéniable cependant qu’il y a quelque chose de foncièrement cosmétique et mondain dans l’attribution de ce prix. Des auteurs qui ne le méritaient pas tout à fait l’ont remporté, là où d’autres qui le méritaient fort bien l’ont perdu. Et c’est sans doute pour ce genre de disparités qui l’entachent qu’un monstre sacré de la littérature, génie incomparable s’il en est, comme Julien Gracq, pour ne pas le nommer, l’a tout bonnement refusé en 1951. Il ne s’était pas d’ailleurs contenté de le refuser, il avait sorti un pamphlet d’une rare virulence : «La littérature à l’estomac» pour décrier ces ridicules fabriques d’auteurs que sont les prix littéraires et autant d’autres logiques grossières propres au monde de la création. Mais moi, je pense que les retombées du prix serontforcément bien plus importantes pour son pays d’origine le Sénégal que pour lui-même en tant que créateur solitaire. Car, en termes de vitalité et de performance littéraires, le Sénégal, durant ces dernières décennies, s’est fait plutôt discret. Et le fait qu’un Sénégalais (de cet âge ! ce n’est pas inutile de le rappeler) soit «goncourisé» va forcément remettre le pays de Senghor sous les feux de la rampe littéraire, en offrant aussi une belle occasion à d’autres auteurs ambitieux du pays de se surpasser. Est-ce que l’Afrique doittoujours attendre que ses plus brillants créateurs soient consacrés de l’autre côté, à l’étranger ? Question importante, j’allais dire essentielle. Cette situation est pour moi une anormalité qui n’a que trop durer. Il est inadmissible qu’il n’y ait pas en Afrique un prix digne de ce nom. Dans un passé qui va bientôt devenir lointain, on avait le Grand Prix Littéraire de l’Afrique Noire, qui a, pendant quelques décennies, été un beau stimulant pour la créativité dans nos pays. Il a consacré un certain nombre d’auteurs de talent comme BoubouHama, auteur du très bel ouvrage «Kotia Nima». Qu’est-ce qui s’est passé pour que ce prix disparaisse comme ça un jour, comme par enchantement ? Je ne saurai le dire. Quoi qu’il en soit, ce prix doit être restauré. Et mieux, l’on doit rapidement songer à en créer d’autres. Car on a beau dire, mais les prix ont un côté très avantageux, aussi bien pour les auteurs que pour le royaume des écrivains. Leur existence impose par exemple à tous ceux qui rêvent d’intégrer le cercle restreint des grands auteurs le culte de la perfection et du surpassement de soi. Quand vous participez à un prix sérieux et que vous ne le gagnez pas, vous vous dites inévitablement que ce que vous avez proposé n’a pas été sublime. Que vous êtes peut-être en train de boiter, ou tout au mieux de marcher, mais que vous ne courez pas encore. Tant que les auteurs africains chercheront à savoir ce qu’ils valent et ce qu’ils pèsent en acceptant de monter sur des balances situées de l’autre côté de l’Atlantique, les jugements portés de part et d’autre sur leurs créations seront toujours faussés. Si le Goncourt crée en France par des Français s’est ouvert à l’espace francophone, ce n’est pas à vrai dire par philanthropie. Car nous savons tous que de l’autre côté, l’industrie des prix littéraires obéit à des logiques impitoyables auxquelles aucune velléité d’indépendance ne peut résister. Je veux dire par là que pour le cas de Mbougar Sarr par exemple, si le prix lui a été décerné ce n’est pas seulement parce que «La plus secrète mémoire des hommes» est bien écrite ; loin s’en faut.
Le prix Goncourt a été décerné à Mbougar dans un contexte où le l’Etat du Sénégal promeut les matières scientifiques. Est-ce un paradoxe ?
Cette fumisterie d’État est franchement une bonne malheureuse initiative, et nous en vivrons les mortels contrecoups pour longtemps encore. L’homme est une créature cosmopolite par essence et il faut un peu de tout pour lui tirer le meilleur de lui-même. Si on veut faire la promotion des sciences au nom d’un prétendu réalisme pédagogique, tant mieux ; mais qu’on n’essaye pas de mettre dans la tête des enfants l’idée selon laquelle c’est avec une prédominance fabriquée des disciplines scientifiques dans notre système scolaire qu’on arrivera à accélérer le processus de mutation de notre pays en une réalité émergente. Les meilleurs d’entre nous ne sont ni totalement blancs ni totalement noirs, mais gris (Je reprends là une belle formule du poète Samba Ndiaye). Pascal, sans doute le plus bel esprit de l’ère classique, inventeur de la machine à calculer, était à la fois redoutable scientifique et un incomparable littéraire et philosophe. Notre État ne réussira pas sa politique de promotion des sciences auprès de nos apprenants tant qu’il n’aura pas réinstauré en eux le goût de l’imaginaire et la fréquentation du «MOT» comme source d’imagination et de perpétuelle réinvention du monde.
Quel avenir imaginez-vous pour Mbougar Sarr ?
Je ne crois pas que Mbougar Sarr soit entré en littérature pour être ou rester un auteur de seconde zone. Je crois qu’il a très tôt su où il voulait aller et où son art devait le mener. A 31 ans, il est déjà au sommet. Je crois que s’il garde la tête sur les épaules, cette culture littéraire éclectique qu’il possède et qui manque tellement à tant d’auteurs, l’y maintiendra. Mbougar, nous l’avons tôt vu venir. En 2015, à la parution de «Terre ceinte», nous avons longuement parlé au téléphone à son père. C’était pour un entretien que nous souhaitions avoir avec le jeune auteur dans le journal que je venais de fonder, «Expressions Littéraires». Il nous confiait, la mort dans l’âme, que ce roman, il n’y avait pas une des personnalités littéraires de ce pays à qui son fils n’avait pas remis son manuscrit, ne serait-ce que pour avoir un retour. Mais personne n’avait jamais réagi. Et il nous avait beaucoup remercié de nous intéresser déjà à lui. Aujourd’hui, en pensant à cet entretien, je suis triste de voir autant d’agitation et de volonté tacite de récupération autour de ce garçon. Je ne saurai terminer sans m’adresser à l’autorité académique suprême pour lui dire qu’au-delà du tollé qui entoure pour l’instant son œuvre, Mbougar Sarr doit être traité comme une chance pour résoudre trois problèmes majeurs qui commencent à nous peser : la désertion de la lecture, la floraison d’une littérature kleenex et le déclin du culte de l’excellence.
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VIOLENTE CHARGE D'IBOU FALL CONTRE MAME MAKHTAR GUEYE
Le patron du P'tit Railleur s'en prend aux détracteurs de Mbougar Sarr, récent lauréat du Goncourt. À l'en croire, le leader de Jamra serait un rigolo qui n'a jamais rien écris de sa vie
Le journaliste Ibou Fall s’en prend avec véhémence sur itv à Mame Makhtar Gueye qui selon lui n’a aucune idée de ce qu’est la littérature. “Il n’a rien écrit, rien produit”, affirme-t-il, indiquant que le leader de Jamra est “un rigolo”.
Parlant du livre de Mbougar Sarr primé au Goncourt, le patron du P'tit Railleur affirme que c’est de la vraie littérature, contrairement à certains ouvrages africains publiés il y a quelques décennies, dont “L’enfant noir” de Camara Laye. Il considère l'auteur de La plus secrète mémoire des hommes comme un grand écrivain annonciateur de la prochaine “cavalerie” avec un grand nombre de jeunes brillants écrivains au Sénégal, pays de Culture.
« CARABANE ILE MEMOIRE » : DR RAPHAËL LAMBAL RETRACE LE PASSE GLORIEUX D’UN TERROIR « OUBLIE »
Ancienne capitale administrative de la Basse-Casamance, l’île de Carabane, troisième porte de la Sénégambie, a toute une histoire. Mais, celle-ci est peu racontée.
Ancienne capitale administrative de la Basse-Casamance, l’île de Carabane, troisième porte de la Sénégambie, a toute une histoire. Mais, celle-ci est peu racontée. Dans son ouvrage « Carabane île mémoire », Dr Raphaël Lambal, enseignant-chercheur à l’Université Assane Seck de Ziguinchor (Uasz), met le curseur sur le passé glorieux de cette île pour impulser une dynamique de reconnaissance et de sa renaissance.
ZIGUINCHOR – Il était une fois, Carabane ! Une île sentinelle. C’est à partir de ce terroir, en pleine période coloniale, que l’on contrôlait tous ceux qui entraient sur le sol casamançais. Carabane, ancienne capitale de la Basse-Casamance, avec son peuple jadis réfractaire à toute occupation étrangère, a joué un rôle fondamental dans le Sénégal colonial. Cependant, l’histoire de cette île aux multiples facettes économiques et culturelles est peu connue des habitants du département d’Oussouye et du reste du Sénégal.
Dans son livre « Carabane île mémoire », l’auteur Dr Raphaël Lambal explique qu’il fallait se lancer dans ce travail de « fabrique de mémoire » en vue de permettre aux populations, au plan local, national et international, de s’approprier ce patrimoine de Carabane. Dr Lambal propose une promenade et un voyage à ses lecteurs dans cette île « porteuse » d’histoires au destin mitigé. Ses plages, ses monuments, ses maisons des esclaves et comptoirs, ses places publiques, ses rues, son port récemment rénové par l’État, le célèbre tombeau du capitaine Aristide Protêt qui, selon plusieurs témoignages, y avait été enterré debout…
Bref, l’enseignant-chercheur et directeur de la Presse universitaire de l’Université Assane Seck de Ziguinchor embarque son lectorat dans un endroit qui a joué les premiers rôles dans le Sénégal colonial, à l’image de Gorée. Toutefois, le voile de l’oubli s’empare de Carabane.
D’après l’auteur, c’est une nécessité de montrer que Carabane est un foyer où est né le Sénégal moderne au même titre que Saint-Louis et Gorée. « J’ai produit cet ouvrage pour étoffer cette mémoire. Ce qui m’a motivé dans l’écriture de cet ouvrage, je dirai que tout est parti d’une déception. Parce que les gens ne connaissent pas beaucoup cette troisième porte. Vu le statut de Carabane et l’importance de cette île dans l’histoire du Sénégal, il est important qu’il y ait un support imprimé, notamment un livre pour faire connaître l’histoire de cette île aux générations actuelles et futures », a expliqué Dr Raphaël Lambal. Cet ouvrage est à la croisée de plusieurs décennies. Car, il exhume la mémoire de l’esclavage et de la colonisation, symbole du rapprochement du Sénégal avec l’Occident, la France en particulier. Selon l’auteur, l’histoire de Carabane mérite d’être revalorisée afin que cette île soit classée patrimoine mondial de l’humanité. De plus, a-t-il indiqué, il faut réhabiliter Carabane et développer le tourisme dans la zone. Avec le rôle que cette île a eu à jouer, Dr Lambal pense qu’un nouveau jour va se lever dans cette partie de la commune de Diembéring (Oussouye) et que Carabane aura enfin sa place dans le patrimoine mondial de l’humanité.
MOHAMED MBOUGAR SARR FAIT COMMANDEUR DE L’ORDRE NATIONAL DU LION DU SENEGAL
En France depuis mercredi dans le cadre de la 4e édition du Forum de Paris sur la Paix, le président de la République Macky Sall a décoré vendredi cinq personnalités du pays, dont les célèbres écrivains Felwine Sarr et Mohamed Mbougar Sarr
En France depuis mercredi dans le cadre de la 4e édition du Forum de Paris sur la Paix, le président de la République Macky Sall a décoré vendredi cinq personnalités du pays, dont les célèbres écrivains Felwine Sarr et Mohamed Mbougar Sarr, vainqueur, la semaine dernière, du prestigieux Prix littéraire de l’académie Goncourt.
« Monsieur Mohamed Mbougar Sarr, nous vous faisons Commandeur de l’Ordre National du Lion », a notamment déclaré le Président Sall devant la foule, qui a remis la médaille au jeune écrivain. La cérémonie s’est déroulée dans les locaux de l’Ambassade du Sénégal à Paris.
« Je l’accueille avec beaucoup de joie, beaucoup de simplicité et beaucoup d’émotions parce que ma mère était là. Je suis extrêmement touché par cette attention », a réagi, sur la Rts, l’auteur de «La plus secrète mémoire des Hommes ».
Pour Mohamed Mbougar Sarr, au-delà de sa personne, c’est toujours la culture sénégalaise qui est récompensée et honorée par le chef de l’Etat Macky Sall.
«Le Sénégal est un pays de culture, de grande culture et depuis très longtemps c’est à travers la culture qu’on a reconnu et salué ce pays dans le monde entier et en ce sens c’est une tradition qui continue, un geste qui se perpétue », a ajouté le lauréat du Prix Goncourt 2021.
Ce dernier succède à Hervé Le Tellier (L’Anomalie, éd. Gallimard, 2020) et rejoint la liste d’illustres lauréats, parmi lesquels Proust (« A l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919), Malraux ( « La condition humaine », 1933), Modiano (« Rue des boutiques obscures », 1978) ou encore Duras (« L’Amant », 1984).
Pour la liste finale du Goncourt, Mohamed Mbougar Sarr était en lice face à Christine Angot pour « Le Voyage dans l’Est » (éd. Flammarion), Louis-Philippe Dalembert pour « Milwaukee blues » (éd. Sabine Wespieser) et Sorj Chalandon pour « Enfant de salaud » (éd. Grasset).
Ramatoulaye Sisokho est une figure connue du stylisme. Curieuse et ouverte, elle est convaincue que le stylisme ne se limite pas seulement à l’habillement.
Vous êtes très présente sur le réseau culturel dakarois ?
Je suis styliste et j’ai été formée à l’Institut de coupe couture et de mode de Dakar. J’ai pratiqué la couture comme tout le monde en faisant des défilés et en réalisant des modèles pour des clients. En un moment donné, je me suis retirée pour pouvoir m’occuper de ma famille. Mais là, je suis revenue autrement.
Vous venez de lancer la mode « Bàjjan wax ma » qui a été très bien accueillie sur les réseaux sociaux. Comment est né ce concept ?
Avec «Bàjjan wax ma », les réseaux sociaux ont massivement et positivement réagi. Le concept a été très bien accueilli. « Bàjjan wax ma », parce qu’elle est la pièce maîtresse de toute éducation en Afrique et même ailleurs. La bàjjan est d’abord une femme doublée d’un homme. Dans le langage wolof, on dit : « Bàjjan mooy Baay ». Cela veut tout dire. Elle est incontournable dans l’éducation. Elle transmet la tradition. Elle est à la fois régulatrice et bouclier pour toute la famille. Donc, vêtue de son habit de femme, elle est aussi mère. Je pense qu’il y a beaucoup de choses à reprendre de nos jours. Car elles sont toujours d’actualité. La bàjjan nous permet de connaître toutes nos traditions familiales du côté paternel. Donc, elle est à la fois mère et père. Elle est habilitée à nous révéler ce qu’il y a de mieux dans notre tradition et notre culture. C’est un prétexte pour amener les gens à se parler, à se poser les bonnes questions sans pointer du doigt personne. Ce concept parle de toutes les ethnies du Sénégal. Mais aussi de toutes les races qui vivent au Sénégal. « Bàjjan wax ma », c’est aussi le partage, la sensibilisation, sur les comportements relationnels vestimentaires et alimentaires. Il s’agit de vivre en utilisant ce qu’on a pour ne pas dire favoriser le Consommer local.
Vous êtes très active et vous lancez souvent de nouveaux concepts d’où tirez-vous les moyens ?
Je réalise tout avec mes propres fonds. Parce que j’ai l’amour de ce que je fais et c’est ma façon de contribuer au développement de mon pays en apportant ma pierre à l’édifice. Je n’ai pas de subventions qui me soient venues de la Direction des Arts ou du Ministère encore moins ailleurs. Je n’ai pas de mécènes et j’utilise mes fonds propres par amour de ce que je fais. Les subventions seraient bienvenues car tout le monde sait que ce n’est pas facile.
Le secteur est aujourd’hui plus ou moins en léthargie. Il y a une époque où chaque grande styliste avait son événement annuel. Toutes ces manifestations ont pratiquement disparu…. Vous avez une explication ?
Honnêtement, je n’ai pas d’explications. Je salue ces grandes dames de la couture qui continuent de faire la fierté de tout un pays. Même si c’est moins exposé. Peut-être que les choses se passent ailleurs. Cela signifie qu’avant, il n’y avait pas autant de visibilité et les gens étaient obligés de faire recours à ces grands moments pour vendre et montrer au reste du monde ce qu’ils faisaient. Maintenant, avec Internet et les réseaux sociaux, les gens peuvent organiser des défilés de manière virtuelle sans pour autant organiser ces véritables grandes messes. Bien qu’elles étaient très belles et grandioses. Mais actuellement, on peut tout organiser à partir de son salon et toucher le plus grand nombre.
Avec l’avènement des Grands prix du chef de l’État pour les Arts, votre secteur n’a jamais brillé ?
Tout est dans le style. Il ne se lève pas un jour sans qu’une personne ne sorte habillée. Cela fait partie de notre vie et nous ne pouvons pas être laissés en rade. Je reste optimiste et je pense que les choses vont revenir à leur place. On est présent dans la vie de tous les citoyens du monde
par Awa Ngom Diop Telfort
UNE SI LONGUE LETTRE
On constate bien tard et avec tristesse que la lettre de Falla Paye n'est que la suite fatale de celle de Mariama Bâ. Car les profondes mutations génèrent toujours de terribles conséquences. Et au virage des changements de dynamique, ça passe ou ça casse
À l'entame, je m'incline solennellement devant les corps de ces trois merveilleux bouts de chou, assassinés par un géniteur indigne, démentiel, suicidaire. Pour le repos de leur âme je prie, et présente mes condoléances à toutes celles et à tous ceux qui les ont connus et aimés.
Le drame est absolument chargé et insoutenable. Mais tandis que des plumes furieuses se déchaînent à juste raison, et déversent leur bile sur l'acte et son coupable, je voudrais, pour un instant, me détacher du tumulte émotionnel et des prises de parti « basées sur le genre ».
Me concentrer plutôt sur le fait de société. Pour mettre les pieds dans la marmite. Et replacer les dés sur l'échiquier. En m'intéressant froidement à l'outil. Qui n’est autre qu’une correspondance. Pour le parallèle peu banal qu’il évoque. Et analyser son empreinte sociologique. Car tout est là.
Indispensable dès lors de remonter à la source. Pour interroger l'histoire. Et servir la postérité. En revisitant une graine semée antan, sous la plume immense de Mariama Ba, dans son roman épistolaire. Intemporel dilemme de la femme africaine contemporaine.
Ainsi, en 1979, dans "Une si longue lettre", Mariama Bâ écrivait : « Nous étions tous d’accord qu’il fallait bien des craquements pour asseoir la modernité dans les traditions. Écartelés entre le passé et le présent, nous déplorions les « suintements » qui ne manqueraient pas… Nous dénombrions les pertes possibles. Mais nous sentions que plus rien ne serait comme avant. Nous étions pleins de nostalgie, mais résolument progressistes. »
Comme une prémonition, Mariama avait tout consigné dans sa correspondance à Aïssatou. Où elle esquissait les contours d’une société qui réajustait ses atours. Évoquant déjà les signes précurseurs. Qu’aucun patriarche n’avait pris le temps de décoder, ni aucun sociologue la peine de modéliser.
Pourtant quelque part, cette graine allait germer. Car le texte avait fait écho. Dans les têtes et dans les cœurs de ces mères qui, à pas de velours, avaient décidé de changer le sens du vent. Elles se mirent alors à chuchoter aux oreilles de leurs filles. Plaçant en elles le défi de la relève. Leur disant que le premier mari était le diplôme. Guidant leurs pas vers la lumière. Avec comme unique pouvoir leur espérance, et leur foi. Nouées de crainte et d’incertitude. Priant pour qu’un jour, leurs filles puissent faire face. Qu’un jour, ces filles n’aient pas à subir les fils de ceux, qui ne les avaient pas laissé, elles, exprimer leur potentiel. Qu’un jour, comme Aïssatou, elles puissent allègrement tourner le dos, déployer des ailes et prendre l’envol. Exhiber leurs diplômes et leurs fiches de salaire. Loger à leurs propres frais. Endosser les charges familiales, scolaires et domestiques. Conduire des voitures payées à leur solde. Dépenser des sonnantes et des trébuchantes sans affecter la DQ. Un jour, assumer, « prendre leurs responsabilités ».
A l’aune de la réussite, elles se tiendront comme des ananas : droites et la tête haute, ornée d’une couronne. Celle de l’accomplissement. Car elles savent désormais que cela prend autant de mains pour nouer un pantalon que pour attacher un pagne.
Et si tout se passe comme prévu, le mari sera nécessaire, mais pas indispensable. Un accessoire. Pour compléter le tableau et se conformer, parce que « dieukeur sakk leu ». Par contre et surtout, il leur fallait faire des enfants. Pour connaître l’amour. En dépit de celui du bonhomme. Pour avoir la chance d’en donner et d’en recevoir. Comme elles-mêmes en avaient donné et reçu de leur progéniture.
Acté !
La si longue lettre de Mariama devenait ainsi un outil de référence. Même pour celles qui ne savaient pas lire. Pour que l’angoisse et l’incertitude changent enfin de camp. Pour faire de leurs filles des boucliers. Et défier les coups qu’elles n’avaient pas pu esquiver, et ceux qu’elles avaient dû ravaler. Faire de leurs filles des roseaux, une espèce résiliente. De cette trempe déterminée qui plie, mais ne rompt pas, même quand les coups sont épouvantables.
Une si longue lettre pour finalement « oser l'avenir ».
Et tout s'éclaire en lisant la trop longue lettre de Falla Paye. Mince. Ça saute aux yeux, quand on prend conscience. De leur impréparation à la rupture volcanique qui s’opérait sous leur nez. Hélas !
Car personne n’avait pris le temps de les mettre à niveau. Eux. Confortablement installés dans une domination mâle qui filait tout droit à l'obsolescence. Hélas ! Vautrés sur leurs lauriers, ils ne les ont pas vu venir. Celles qui, avec assiduité, apprenaient à leur arriver à la cheville et à l’épaule. Pensant d’elles qu’elles étaient juste le sexe faible. Car on ne leur avait jamais avoué que le sexe fort n’existe pas. On ne leur avait pas non plus enseigné que la complémentarité est le socle viable du tissu social et des questions conjugales. Qu’elle seule [la complémentarité] donne le pouvoir d'enjamber les obstacles, de résister aux secousses, et à l’usure.
On constate alors bien tard et avec tristesse que la lettre de Falla Paye n'est que la suite fatale de celle de Mariama Bâ. Car les profondes mutations génèrent toujours de terribles conséquences. Et au virage des changements de dynamique, ça passe ou ça casse.
Espérons qu'en décryptant ces deux si longues lettres, ils comprendront. Et qu'en s'y attelant avec assiduité, ils réaliseront, qu’ils accepteront. Que désormais les dés ont tourné. Que les « craquements » ont commencé. Et que les « suintements » ne manqueront pas.
Pourvu seulement que cela ne se fasse PLUS JAMAIS au détriment de la vie de nos enfants !
PAR Jean-Paul Brighelli
DU BONHEUR D'AVOIR LU MOHAMED MBOUGAR SARR
La plus secrète mémoire des hommes est aussi la preuve que le système éducatif sénégalais n’a pas été contaminé, contrairement à son lointain modèle français, par les rêveries des pédagogues fous qui tiennent ici le haut du pavé
Les imbéciles étant légion, autant commencer par eux : non, La plus secrète mémoire des hommes n’a pas eu le Goncourt parce que son auteur est sénégalais, mais parce que c’est un grand roman. Et les crétins « éveillés » qui, par racisme inversé, font avec enthousiasme de la reductio ad nigrum étant à peine moins nombreux, autant les prévenir également : non, ce roman n’est pas « une nouvelle voix noire », c’est une magnifique exaltation de la langue et de la culture françaises.
C’est aussi la preuve que le système éducatif sénégalais dont est issu l’auteur n’a pas été contaminé, contrairement à son lointain modèle français, par les rêveries des pédagogues fous qui tiennent ici le haut du pavé. Formé au Prytanée de Saint-Louis du Sénégal, puis en prépas littéraires à Compiègne, Mohamed Mbougar Sarr (autant donner son nom entier, qu’on ne le confonde pas avec un footballeur sénégalais quasi homonyme qui évolue au Standard de Liège) est le produit de l’ambition de l’excellence. Et son livre en atteste.
Commençons par le tout début – par la dédicace à Yambo Ouologuem. Tout le monde ou presque avait oublié cet écrivain sénégalais qui, en 1968, obtint le Renaudot pour Le Devoir de violence – Sade réécrit par Flaubert et Guyotat, un livre insoutenable et brillant. Affront insupportable pour une certaine intelligentsia qui l’accusa de plagiat, de sorte qu’à quelques textes alimentaires près, Ouologuem disparut de la littérature, jusqu’à sa mort en 2017.
PLAGIAT ET LITTÉRATURE
Sarr s’inspire de cette violence faite à un texte et à un homme. Son héros-narrateur (il n’est à vrai dire héros que parce qu’il narre – comme si Homère l’emportait sur Achille – et il partage d’ailleurs cette qualité avec d’autres personnages, narrateurs alternatifs) enquête sur la disparition d’un certain T.C. Elimane, qui, après avoir publié le Labyrinthe de l’inhumain en 1938, a disparu de même, accablé par l’accusation de plagiat lancée par un chercheur raciste et relayée par des journalistes trop heureux de renvoyer le « nègre » dans sa case. Est-il mort, est-il vivant ? Pourquoi n’a-t-il plus rien écrit – alors que son seul livre est un chef-d’œuvre ? A-t-il vraiment tué tous les critiques qui ont (mal) parlé de son livre ? Mohamed Mbougar Sarr me poussera-t-il au suicide ?
NOUVEL ALBUM, YOUSSOU NDOUR CHANTE LA MÉMOIRE DE THIONE SECK
Après une longue pause, Youssou Ndour fait son retour sur la scène musicale. La sortie de son nouvel album ’’mbalax" est prévu ce vendredi 12 novembre. Il comprend douze titres dont un qu’il a dédié à feu Thione Seck intitulé ’’Ballago Ndoumbé Yatma’’.
Après une longue pause, Youssou Ndour fait son retour sur la scène musicale. La sortie de son nouvel album ’’mbalax" est prévu ce vendredi 12 novembre. Il comprend douze titres dont un qu’il a dédié à feu Thione Seck intitulé ’’Ballago Ndoumbé Yatma’’.
Pour rappel, c’est après le décès de ce dernier survenu le 14 mars 2021 qu’il avait décidé d’observer une pause musicale. "J’ai dit que je pouvais partir avant lui. Je suis sûr qu’il en aurait fait pareil pour moi. Cela a été un moment très difficile. J’ai voulu rendre hommage à Ballago, à travers lui d’autres personnes disparues, et qui me sont chères (dont) Joseph Koto, qui a mouillé le maillot. J’ai utilisé les mots qu’il (Thione Seck) a fait sonner durant son parcours. J’ai utilisé Faramareen", a-t-il expliqué.
"La musique, c’est ma passion"
L’artiste a convié les journalistes de la presse écrite à une séance d’écoute dans les locaux de Tfm, ce mercredi 10 novembre. Campant le décor avant l’arrivée de l’artiste à la fin de la séance d’écoute, son producteur et jeune frère, Bouba Ndour, a décrit une production "personnelle" de la star planétaire. Non seulement tous les titres sont de Youssou Ndour mais aussi il a écrit, alors qu’il était retranché chez lui, en pleine pandémie de Covid-19. "Je suis sur place, je ne prends pas l’avion, je ne donne pas de concert, cela donne plus de temps… C’est ma passion, c’est la musique, surtout mon expérience", a confié Youssou Ndour.
De huit, l’album est passé à douze titres
Dans le premier titre intitulé ’’Gagganti ko’’, l’auteur invite au "dépassement" pour éviter les drames au sein des couples. Dans ce titre, il est accompagné par Balla Diabaté, jeune frère de Sidiki Diabaté. D’où les sonorités maliennes. D’autres instrumentistes ont participé à l’album, apportant une "fraicheur musicale", a ajouté le producteur.
Autre message de l’auteur : "la solution, c’est de pardonner". Youssou Ndour a fait aussi un clin d’œil à ses inconditionnels dans ’’Tatagal - Fans yi’’. Dans ’’Wax ju bari", il a rendu hommage à feu Ibra Kassé, qui l’a soutenu dans sa carrière. Par ailleurs, l’ambassadeur du Forum de l’eau, prévu à Dakar en mars 2022, s’est également exprimé, à travers ’’Ndox’’, l’eau en wolof.
MBOUGAR EST UN DÉMENTI AU PESSIMISME SUR L'INTELLIGENTSIA AFRICAINE
Souleymane Bachir Diagne réagit au Prix Goncourt décerné à l'auteur sénégalais pour son roman La plus secrète mémoire des hommes
Pour la première fois, un écrivain d'Afrique subsaharienne reçoit le plus prestigieux des prix littéraires français, le prix Goncourt. Le jeune romancier sénégalais Mohamed Mbougar Sarr a été récompensé pour son livre intitulé "La plus secrète des mémoires". L’ouvrage s’inspire de l’histoire de l’écrivain malien des années 60, Yambo Ouologuem, accusé de plagiat et mort dans l’anonymat en 2017.
Le chef de l’Etat sénégalais Macky Sall parle de "magnifique consécration" pour son compatriote de 31 ans, auteur de cinq ouvrages. Autre réaction, celle de l’écrivain et philosophe Souleymane Béchir Diagne pour qui ce prix vient démentir la rhétorique sur le déclin de la littérature africaine. Il est joint à New York par Abdourahmane Dia.
Propos recueillis par Vieux Savané et René Lake
MBOUGAR, LE PLURIVERSEL
EXCLUSIF SENEPLUS ET SUD QUOTIDIEN – Tous mes romans tentent d’interroger la condition humaine, ce qui fait de nous, où que nous soyons, des êtres humains, solidaires dans nos angoisses, nos désirs, nos tragédies - ENTRETIEN AVEC MOHAMED MBOUGAR SARR
Vieux Savané et René Lake |
Publication 10/11/2021
Auréolé du Goncourt 2021, Mohamed Mbougar Sarr s'exprime dans cet entretien accordé à SenePlus et à Sud Quotidien (à retrouver dans l'édition de ce jeudi 11 novembre). L'auteur de La plus secrète mémoire des hommes parle de son écriture, de la symbolique de cette prestigieuse récompense, ainsi que de son entrée dans le monde des écrivains qui compte désormais. Il réagit par ailleurs au débat né d'une chronique signée par ses soins sur SenePlus en 2013 à propos de Bercy.
SenePlus - Sud : Cent ans après René Maran, vous voilà à 31 ans, le 2e noir à recevoir le prix Goncourt, le 2e des plus jeunes, et enfin le 1er noir sub-saharien. Comment avez-vous accueilli cette distinction ? La vivez-vous comme une célébration des « Lettres africaines » ?
Mbougar Sarr : Je suis le premier Africain subsaharien, le troisième noir aux côtés de Maran et il ne faut pas oublier Patrick Chamoiseau pour son merveilleux Texaco en 1992, ni Marie Ndiaye pour Trois femmes puissantes en 2009. Mais au fond, cela a-t-il une réelle importance, d’être le premier Noir à faire ceci ou cela, en littérature particulièrement ? La couleur a-t-elle une quelconque importance pour un écrivain ? Insister sur ce point ne conforte-t-il pas l’idée que tout accomplissement effectué par un Africain ou un Noir est un fait exceptionnel, ce qui, à bien y regarder, n’est pas si éloigné d’une vision raciste et coloniale ? La réponse n’est pas simple, mais je pose la question. J’ai accueilli la nouvelle du prix avec la joie simple et pure d’un écrivain qui voyait son livre recevoir une distinction littéraire très prestigieuse. Que cet écrivain soit un Noir du Sénégal, c’est un hasard de la biologie et de la géographie, même si l’Histoire complique la situation. Ce ne sont pas les lettres africaines qui sont célébrées, mais, j’espère, la littérature, que pratique aussi l’Afrique ; et je le dis sans minorer le signal envoyé symboliquement aux lettres de l’espace francophone, singulièrement africain. Car évidemment, j’ai conscience du symbole et du moment historique. C’est un moment important.
Peut-on considérer que ce moment historique met fin à une anomalie ?
Je ne peux ignorer la charge symbolique de ce prix, surtout en ce moment ; mais j’aimerais qu’on parte de la question de la valeur littéraire pour mieux poser celle de la signification et de l’implication politiques. Les deux sont liées, mais l’ordre du discours est important. C’était, en un sens, une anomalie que le livre d’un Africain subsaharien n’ait jamais été récompensé par le prix Goncourt en 120 ans. Cela posait, sur le terrain littéraire, des questions structurelles, des questions de sociologie littéraire liées à la domination coloniale et à ses conséquences, racisme, mépris éditorial, méconnaissance, désintérêt du milieu littéraire et du public français pour la production romanesque de l’espace francophone, singulièrement africain.
Cette anomalie a été « corrigée » avec ce récent prix, mais ce serait une erreur, je crois, de l’inscrire dans un régime d’exceptionnalité, de l’interpréter comme une grâce seigneuriale rare et précieuse. Le voir ainsi voudrait encore dire que c’est une… anomalie historique ; que rien n’a changé ; que ce prix est une simple dérogation et qu’on reviendra bientôt à l’ordre ancien.
Quelle posture adopter alors ?
Il faudrait plutôt affirmer fortement ces trois choses : 1) il y a, depuis plus d’un siècle, de grands textes en français dans tout l’espace francophone africain ; 2) qu’un de ces textes soit reconnu par le Goncourt ne devrait pas, ou plus, étonner ; et enfin, 3), qu’à partir de maintenant, il faudra se battre et rester attentif pour que les romans écrits par des Africains échappent plus aux catégorisations littéraires faciles, aux ghettoïsations éditoriales, politiques et médiatiques, pour circuler pleinement dans l’espace francophone. Jouer dans la bibliothèque et l’espace de l’imaginaire comme y jouent tous les textes littéraires. Prétendre aux plus prestigieux prix littéraires sans que ce soit ahurissant. Et la meilleure manière d’accomplir cela est de mettre en avant la qualité littéraire. C’est pour cela, pour ma part, que j’insiste autant sur la valeur poétique d’abord. Pour le reste, le Prix Goncourt est un formidable encouragement pour moi dans la construction de mon travail, mais aussi pour les écrivains africains, surtout les jeunes. L’avenir est à eux. Ils n’ont plus de complexe à avoir vis-à-vis de la langue ou du milieu français.
Avec ce succès et la notoriété planétaire qui s’en est suivie, vous voilà désormais sorti du confort de l’anonymat. Ne craignez-vous pas que « moi Mbougar Sarr, prix Goncourt » ne vous tétanise, ne soit un poids trop lourd à porter ?
Ce qui est le plus lourd à porter, ce qui a toujours été le plus lourd à supporter, c’est le regard des habitants de la bibliothèque humaine : les grands écrivains et les grandes œuvres. Le Prix Goncourt ne changera rien à cela : devant les œuvres du passé, je me sentirai toujours écrasé, tétanisé. Mais le paradoxe est que c’est aussi cette angoisse qui me fait écrire, jusqu’à présent. Le Prix Goncourt peut stériliser, assécher l’inspiration et la force de travail transformer un écrivain en « agraphe ». Mais il peut aussi libérer, en délivrant son récipiendaire de certaines contingences matérielles, de certaines obsessions. J’espère que j’aurai la force de rester tranquille. J’espère que je continuerai à lire. J’espère que je pourrai encore écrire deux ou trois choses. Mais si ce n’est pas le cas et que je suis tétanisé - ce qui est possible - ce sera mon destin et ce ne sera pas grave. Je retournerais alors chez moi, dans le Sine ; je cultiverais la terre et je mangerais du thiéré et je regarderais les magnifiques crépuscules de mon village.
On pourrait considérer que les thématiques abordées dans vos différents romans se structurent autour de la condition humaine et requièrent par conséquent une dimension universelle, bien loin du « réalisme socialiste », de la littérature de dénonciation, voire de combat. L’universel serait-il une nouvelle forme d’engagement ?
L’engagement est pour la condition humaine, expression que vous avez utilisée, et qui me semble à la fois plus forte et plus intéressante que l’universel. Il est impossible de définir l’universel ; c’est le piège théorique de cette notion, à laquelle, cependant, je veux croire. La définir, c’est déjà l’amputer de l’expérience que l’autre a de l’universel. Il faut que les deux se rencontrent pour faire jaillir un universel, un pluriversel. Tous mes romans tentent d’interroger la condition humaine : ce qui fait de nous, où que nous soyons, dans n’importe quel temps et lieu, des êtres humains, solidaires dans nos angoisses, nos désirs, nos tragédies, nos espoirs, nos cruautés et nos beautés. « Terre ceinte », « Silence du chœur », « De purs hommes », « La Plus secrète mémoire des hommes », tous mes textes posent au fond la même question de perspectives différentes : qu’est-ce qui fait de nous des êtres humains, qu’est-ce qui nous lie dans cette expérience, au-delà des particularités identitaires ou culturelles ? Ce sont des questions philosophiques, mais elles deviennent proprement littéraires à partir du moment où des fictions leur donnent corps dans un drame romanesque. Et pas question pour moi de faire du roman un espace idéologique, d’opinion. C’est un espace ouvert, d’interrogation, de jeu, de liberté, de travail du réel, dont le but est de confronter tout lecteur à lui-même, à sa condition d’homme, à ce qu’il fait pour en être digne ou non.
De vos aînés à vous, que ce soit Boubacar Boris Diop ou Thierno Monenembo pour n’en citer que deux, on reste frappé par la place centrale qu’occupe la grand-mère dans le façonnement de l’imaginaire du futur écrivain que vous êtes devenus. Cette figure à qui vous avez dédié votre prix n’est-elle pas menacée aujourd’hui par les réseaux sociaux tant ils semblent être le lieu de prédilection d’une grande majorité de jeunes qui s’y livrent à toutes sortes d’extravagances. N’est-ce pas là une menace pour la littérature ? Que faire pour qu’ils soient plus en contact avec cette « figure centrale » ou tout au moins avec la lecture, une expérience qui dites-vous, « vous change » ?
Aujourd’hui, je suis à peu près sûr que mon désir de raconter des histoires et d’en entendre, mon imaginaire poétique, est né dans les contes que me racontaient ma mère et mes grand-mères, mes tantes, mes cousines. Je ne sais pas si les jeunes d’aujourd’hui ont encore ces expériences-là : écouter pendant un temps magique, suspendu, une voix vous introduire dans un autre monde et y donner vie aux choses et aux êtres les plus extraordinaires, qui deviennent pourtant vos amis, vous terrifient, mais en tout cas ouvrent et enrichissent votre imagination. Peut-être que les jeunes ont d’autres sources pour féconder leur imaginaire. Peut-être que les réseaux sociaux contiennent des media qui stimulent différemment leur rapport à la parole, au langage, à l’expérience démocratique ou à l’information. Je ne sais pas. Mais une chose me semble certaine : l’arène féroce que peuvent être ces réseaux, le mélange du tout-venant et du sérieux qu’ils opèrent, la relativisation absolue du savoir, de la culture et même de la vérité qu’ils induisent, le nivellement par le bas qu’ils effectuent, le flux des opinions, une contre-vérité pouvant passer pour une opinion libre et légitime, tout cela me laisse songeur quant à leurs conséquences sur les jeunes esprits, et singulièrement sur leur rapport à la concentration et de la sérénité nécessaires à l’acquisition d’une culture. Je ne dis pas que tout y est affreux et à jeter, bien sûr. Nombre d’études scientifiques ont démontré le caractère chronophage et addictif des écrans et des réseaux sociaux. Cela réduit non seulement le temps dont nous disposons pour lire des livres ou nous consacrer à l’art, même s’il est possible de lire et de se consacrer à l’art en ligne, mais réduit aussi notre capacité à nous concentrer, à nous retirer en nous.
Vous voulez réconcilier vérité et fiction. Vous ne semblez pas les opposer, bien au contraire, vous extirpez la tension entre les deux pour les rapprocher dans un espace partagé qui serait un espace poétique. Au-delà des réseaux sociaux, les populismes qui envahissent la planète de nos jours peuvent se réjouir de cet espace de « réalités alternatives ». N’entrons-nous pas dans un monde où justement la frontière entre vérité et fiction est beaucoup trop ténue ?
L’ère de la post-vérité, portée à son climax par Trump, est en effet tout entière née d’une confusion. Mais cette confusion est celle entre la vérité et le mensonge. En littérature, la confusion, ou le jeu, que je tente d’installer, pour faire advenir l’espace poétique, s’effectue entre la vérité et fiction, qui est autre chose que le mensonge. Il y a une vérité, une vérité existentielle, qui peut jaillir de l’espace poétique créé par le roman. Mais de l’espace flou qui rend interchangeable la vérité et le mensonge, aucune vérité ne peut naître, puisque rien n’a plus de valeur : les faits sont friables, les preuves réversibles ou manipulables ou effaçables, les croyances individuelles érigées en loi, les bases collectives sapées par un doute qu’on ne peut mettre en doute, les procès rapides et instruits par une frange minoritaire mais bruyante et régnant par une terreur qui la fait paraître symboliquement majoritaire : autant d’effets et de causes à quoi on reconnaît un certain fascisme. C’est tout l’inverse du roman.
À quel moment avez-vous rêvé d’être écrivain ?
Je n’en ai jamais vraiment rêvé. Je voulais être footballeur, ou journaliste, ou professeur, ou avocat. J’ai cependant toujours aimé lire, beaucoup lire. C’est par la lecture que je suis arrivé à l’écriture. Cela s’est fait progressivement, au fur et à mesure que se développait ma sensibilité littéraire et que se formait ma voie. Mais ce n’était pas un rêve. J’ai commencé à écrire régulièrement autour de la vingtaine.
Vous avez fait votre scolarité primaire à Diourbel et secondaire au Prytanée militaire de Saint-Louis. Votre réussite en littérature dit-elle quelque chose de la qualité de l’école sénégalaise ou est-ce plutôt le résultat d’un effort personnel et solitaire ?
Je crois que les deux sont liées. J’ai eu la chance d’être bien formé. L’école sénégalaise, malgré toutes ses carences et ses défauts, peut encore former dans l’excellence. L’environnement familial, mon goût et ma passion pour les livres, m’ont toujours poussé à aller plus loin dans ce que j’aimais : la langue, l’écriture, les mots. L’école a développé et mûri ce goût en me donnant des armes nouvelles, en me mettant à l’épreuve, en m’ouvrant à d’autres horizons. Je crois que la passion est toujours personnelle : c’est toujours seul qu’on construit ou découvre ce qui nous passionne. Tout le travail de l’école outre la transmission des compétences techniques et connaissance de base, tout son travail philosophique, j’entends, devrait être de voir chez chaque élève la passion qui l’habite, même à l’état de traces, et de la stimuler, pour pousser l’élève le plus loin possible. L’école sénégalaise le fait encore. Sans doute plus assez. Sans doute pas pour tous. Mais je suis fier d’en être le produit pur.
Depuis l’annonce de votre victoire au Goncourt, il y a eu beaucoup de réactions très diverses sur un article que vous avez signé en 2013 sur SenePlus. Cette chronique ne semble pas avoir été comprise et du coup fait polémique. Êtes-vous surpris par cette polémique ?
Je ne suis pas surpris, pour la simple raison que le texte y prête facilement le flanc, l’appelle presque. La chronique avait déjà fait polémique à sa publication, il y a quelques années. Je ne suis pas du tout étonné que ce texte ressorte maintenant, juste après l’attribution du Goncourt à mon dernier roman ; c’est tout sauf un hasard. C’est un texte de jeunesse, écrit alors que j’avais à peine vingt-deux ans. Mais ce n’est pas une question d’âge, au fond, car je savais très bien ce que j’écrivais. Je ne me cacherai donc pas derrière cette excuse. Cependant, il est clair qu’avec plus de maturité j’aurais écrit autrement, avec moins de provocation. Alors même que j’admire Youssou Ndour, alors même que je suis déjà allé à Bercy, je voulais faire de Bercy une satire teintée de caricature et de dérision, voire d’autodérision, puisque je me moque aussi de moi. Évidemment, ces typologies d’écrits et de registre, satire, caricature, dérision, etc., ne parleront pas à tous.
Est-ce là une naïveté de jeunesse ?
Ma naïveté a été de croire que ce texte, qui n’était pas une thèse ou un éditorial, pouvait faire à la fois rire et réfléchir malgré ses outrances. Ça n’a pas été le cas pour tout le monde. Beaucoup ont lu au premier degré un texte qui en possédait plusieurs. Pris au premier degré, évidemment, il est violent, négrophobe, injurieux, ce que je ne suis pas, mais je n’oblige personne à me croire. Il y a une veine d’humour écrit qui se fonde sur cette provocation cruelle, parfois grossière et toujours insolente, mais dont l’objectif n’est jamais d’agresser ou de heurter. Je peux donc comprendre qu’il soit mal reçu et mal compris, mais son ton fait partie de la palette d’un registre littéraire auquel je me suis essayé librement, comme apprenti-écrivain. Ce n’est manifestement pas le genre pour lequel je suis le plus doué. Je l’ai d’ailleurs abandonné depuis. Avec le temps, je reconnais que c’est un texte maladroit et mal exécuté. Qu’il se prenne un tel retour de flamme est de bonne guerre, je ne m’attendais bien sûr pas à ce qu’on l’applaudisse unanimement.