SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
2 décembre 2024
Culture
VIDEO
MULTIPLE PHOTOS
SI MON ART VOUS ÉTAIT CONTÉ
Artiste-autodidacte, il cultive le crayonnage depuis son jeune âge et en a fait son métier. Que ce soit Sadio Mané, Morgan Freeman, Youssou Ndour, Lupita tous ces stars dans leurs domaines respectifs n’ont pas échappé à la rigueur du crayon d’Adama Mbow
Artiste-artiste autodidacte, spécialiste du crayonnage, Adama Mbow cultive cet art depuis sa tendre enfance sans avoir été encadré par un tiers. Mais le plus surprenant c’est que dans sa famille frères et sœurs, père et mère ont toujours dessiné par passion. Le temps passant, Adama a, lui, décidé d’en faire son métier. Et pour parfaire son art, il clôture ses études en langue et civilisation ibérique pour intégrer l’école nationale des arts. Un choix qui lui permet d’ajouter de nouvelles cordes à son arc en tant qu’artiste puisqu’il va s’enrichir de nouvelles expressions artistiques.
Spécialiste du crayonnage, Adama Mbow réalise notamment des portraits. Des artistes célèbres, des grands chef religieux en passants par des réalités sociales, rien n’échappe à la rigueur de son crayon. Prétendant n’être pas intéressé par l’argent, Adama Mbow nourrit l’ambition de faire plutôt de la transmission de son bagage en tant qu’artiste. Dans cette entrevue, le jeune artiste saint-Louisien, nous raconte comment tout cela a commencé ainsi que les perspectives qui se dessinent pour lui après sa formation à l’École nationale des arts.
En dédiant un album au regretté Thione Seck qui fut son cousin, Assane Ndiaye rend hommage à celui qui l’avait publiquement désigné comme son successeur naturel. Il a donc repris dix chansons de son mentor. Le Témoin l’a rencontré. Entretien…
Vous venez de sortir un album titré « Thione Seck ». Qu’est-ce qui vous a inspiré ?
C’est très simple ! Thione Seck fut une très grande personnalité. Comme il le disait à propos de Serigne Touba, il s’est adressé à nous par ses paroles, ses actes et ses écrits. Il a vraiment rempli sa mission de très belle manière. Ce qui fait qu’il est éternel et qu’il vivra toujours parmi nous. En ma qualité de jeune frère et disciple à qui il a tout appris, j’ai décidé de choisir sur son répertoire des titres phares. C’est un rappel de mémoire pour les jeunes qui n’ont pas eu l’occasion de découvrir ses titres d’anthologie. Thione est immortel et Inch’Allah, dans quinze ou vingt ans encore, d’autres personnes vont continuer à lui rendre hommage d’une façon ou d’une autre…
Comment s’est déroulé le choix des titres?
Thione avait déjà lui-même interprété toutes les chansons. Il les avait chantées et même reprises plusieurs fois et sous différentes formes. J’ai grandi sous son ombre avec cette belle musique traditionnelle. Comme je le rappelle souvent, c’est moi qui tenais le micro de son joueur de Xalam. J’étais très jeune et je n’avais pas encore commencé à chanter, mais il m’arrivait de me pencher de temps en temps sur le micro pour chantonner. J’ai donc voulu reprendre les morceaux dans leur version originelle. C’est-à dire comme Thione, lui-même, les avait chantés à leur sortie. C’est un répertoire très riche et le choix ne fut pas facile. J’ai opté pour huit morceaux traditionnels et deux morceaux en version moderne. Ce qui donne un concept qui regroupe hier et aujourd’hui.
Wally Seck a participé à l’album. Comment s’est faite la collaboration ?
La collaboration fut simple et naturelle. Quand je lui ai parlé de l’idée, il l’a très bien accueillie. Mieux, il m’a demandé de le faire au studio de son chef d’orchestre Papis Ndiaye. Ce qui m’a vraiment touché. Il m’a également demandé de choisir le titre sur lequel il viendra volontiers donner de la voix. C’est une attitude et des paroles qui m’ont procuré énormément de plaisir. Il aurait pu juste se contenter de me dire oui et de rester dans son coin. Mais il a fait plus et mieux en me montrant qu’il aime plus le projet que moi. Il se l’est approprié et a tout fait pour que cela aboutisse. Il m’a donc mis en rapport avec Papis Ndiaye, son chef d’orchestre, qui a accompli un énorme boulot.
Lors de votre dernier anniversaire, Thione Seck avait déclaré qu’il serait désormais votre invité d’honneur pour de tels évènements
Je vous disais que Thione seck vit en moi. Si vous vous rappelez bien, il avait dit que partout et à chaque occasion que vous allez organiser, je serais de la partie Inch’Allah. Ce qui prouve encore que Seul Dieu est Omniscient. Il est le Seul Maître de l’univers et de nos destins. Mais il faut retenir que sa venue au cours de mon dernier anniversaire m’a marqué à jamais. Je ne pourrai jamais oublier son geste. Je ne parle pas seulement de ma carrière, mais de toute ma vie. C’est un jour historique qui restera dans les annales. Surtout après que le Bon Dieu a décidé de le rappeler à ses côtés. Cela donne une autre dimension et une autre portée à son intervention. Je ferai en sorte qu’il soit fier de moi là où il se trouve à Yoff. Je ferai tout pour ne pas avoir à faire ou dire une chose qu’il n’aurait pas approuvée. J’ai encore la chair de poule en me rappelant cette fameuse soirée. Cette nuit fut source d’un bonheur incommensurable pour moi. Cela dit, cet album n’est pas celui de Assane Ndiaye, c’est plutôt une manière d’authentifier et de confirmer les paroles de Thione Seck.
Certains disent que vous êtes un grand chanteur qui est passé à côté d’une grande carrière à cause de sa discrétion…
Je ne vais pas avoir cette analyse et cette vision d’avoir passé à côté d’une grande carrière musicale. A mon avis, j’ai eu une très belle carrière et un parcours élogieux. Certes, il y a eu des hauts et des bas. C’est Dieu qui façonne les gens et tout dépend de la nature de l’individu. Naturellement, je suis une personne très réservée (Nitou Kersa La). C’est vraiment ma nature.
Comment comptez-vous faire pour fructifier l’héritage de Thione qui vous avait désigné publiquement comme son héritier ?
Effectivement, c’est Thione seck qui m’avait publiquement désigné comme son successeur. Je suis donc obligé de respecter cette volonté. Je ne vais ménager aucun effort pour être à la hauteur de ses attentes. Il faut cependant garder à l’esprit qu’actuellement, au sein de la famille et au niveau musical, c’est Mapenda Seck le doyen. C’est lui l’aîné et le patriarche de la fratrie. Je prie pour que Dieu lui prête longue vie. Je n’ai qu’un seul objectif, ne ménager aucun effort pour que Thione soit fier de Assane Ndiaye à qui il a tout appris.
LES DÉRIVES AUDIOVISUELLES AU MENU DE LA RENCONTRE ENTRE LA DIRECTION DE LA CINÉMATOGRAPHIE ET JAMRA
Le directeur de la cinématographie, Germain Coly, a discuté «des dérives cinématographiques» avec Jamra représentée par Mame Mactar Guèye, le Comité de défense des valeurs morales (Cdvm) et Daaral Qur’an représentés par Adama Mboup
Le directeur de la Cinématographie, Germain Coly, a reçu en audience, mardi dernier, une délégation de l’ONG islamique Jamra et du Comité de défense des valeurs morales (Cdvm). Cette rencontre leur a permis d’échanger sur les productions cinématographiques qui, de l’avis de Jamra, participent à la dépravation des mœurs et autres valeurs sénégalaises.
Le directeur de la cinématographie, Germain Coly, a discuté «des dérives cinématographiques» avec Jamra représentée par Mame Mactar Guèye, le Comité de défense des valeurs morales (Cdvm) et Daaral Qur’an représentés par Adama Mboup.
Au cours des échanges, les sieurs Guèye et Mboup ont exprimé à Monsieur Coly leur préoccupation sur «les dérives audiovisuelles récurrentes, à l’actif de certains producteurs de séries télévisées, dont certaines séquences heurtent régulièrement la sensibilité de l’opinion publique». D’après le communiqué qui a sanctionné la rencontre, cette entrevue fait suite aux plaintes de Jamra contre la série « Infidèles», un film qui, entre autres, «est en déphasage avec nos valeurs culturelles».
Ainsi, Mame Mactar Guèye et Adama Mboup ont demandé au directeur de la cinématographie de rappeler à l’ordre les producteurs de séries «qui violent les lois et règlements régissant ce secteur». Ils n’ont pas manqué de déplorer le fait que cette nouvelle génération crée des séries qui ne cessent de défrayer la chronique en suscitant de vives indignations des gardiens de la morale publique qui les qualifient de «relativement excessives et à tendance au libertinage attentatoire à nos bonnes mœurs».
Désormais, ils comptent sur la perspicacité des services de la direction pour passer au crible les produits audiovisuels, notamment «les films qui ont eu à faire l’objet de leurs plaintes auprès du Cnra» et qui «font ouvertement la promotion de contre-valeurs : la défiance de l’autorité parentale, l’apologie de la fornication, la promotion de l’adultère, la banalisation de l’homosexualité, le tout sur fond de pornographie verbale».
Convoquant la loi 2004-735 du 21 juin 2004 et la loi 2002-18 du 15 avril 2002, Germain Coly estime qu’«il est fait obligation aux producteurs de soumettre à la direction de la cinématographie une demande d’autorisation préalablement aux tournages de films ou de séries télévisées». Il ajoute que la loi lui permet de s’opposer à un tournage de films ou de séries dont des séquences sont susceptibles de porter atteinte « à l’ordre public, à la sécurité nationale (prises de vues de zones classées “secret défense”), ou aux bonnes mœurs».
Ainsi, il a annoncé qu’il ne sera désormais toléré aucun tournage de film sans autorisation. Le directeur de la cinématographie et ses hôtes ont convenu de tenir des rencontres régulières d’échanges, afin de solutionner en amont les malentendus qui ne peuvent manquer de surgir entre les acteurs de l’industrie cinématographique et audiovisuelle et ceux de la grande famille consumériste sénégalaise.
CONTRE LES DÉRIVES AUDIOVISUELLES
Le directeur de la Cinématographie, Germain Coly, a reçu, hier mardi, une délégation de l’ONG islamique JAMRA et du Comité de défense des valeurs morales (CDVM) venus faire part de "leurs préoccupations relativement aux dérives audiovisuelles récurrentes
Le directeur de la Cinématographie, Germain Coly, a reçu, hier mardi, une délégation de l’ONG islamique JAMRA et du Comité de défense des valeurs morales (CDVM). Mame Mactar Gueye, vice-président de l’ONG JAMRA, et Cie étaient venus faire part de "leurs préoccupations relativement aux dérives audiovisuelles récurrentes, à l’actif de certains producteurs de séries télévisées, dont certaines séquences heurtent régulièrement la sensibilité de l’opinion publique", lit-on dans leur communiqué.
A l’occasion, ils ont déploré "qu’une nouvelle génération de producteurs s’active depuis un certain temps à créer des séries, qui ne cessent de défrayer la chronique, en suscitant de vives indignations dans l’opinion, relativement à leur excessive tendance au libertinage attentatoire à nos bonnes mœurs."
Les plaignants comptent, ainsi, sur la Direction nationale de la Cinématographie, "pour passer au crible les produits audiovisuels, objets de plaintes auprès du CNRA", contre "la promotion de contre-valeurs (défiance de l’autorité parentale, apologie de la fornication, adultère, banalisation de l’homosexualité, pornographie verbale)." Déjà, exigent-ils, "les producteurs de séries, qui violent les lois et règlements qui régissent ce secteur" doivent être "rappelés à l’ordre".
D’autant plus que, "conformément au Décret 2004-735 du 21 juin 2004 et à la loi 2002-18 du 15 avril 2002, il est fait obligation aux producteurs de soumettre à la Direction de la Cinématographie une demande d’autorisation, préalablement aux tournages de films ou de séries télévisées", rappelle le directeur de la Cinématographie. Il ajoute que "si dans le contenu du scénario des séquences sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité nationale (prises de vues de zones classées "secret défense"), ou aux bonnes mœurs", la demande peut être rejetée. Et, en cas de violation de ces dispositions légales, "il sera procédé, en partenariat avec les forces de sécurité publique, à la saisie du matériel de tournage et des négatifs, assortie d’une amende de 3 à 10 millions F CFA, pour le long-métrage ou la série. Et de 1 à 5 millions F CFA pour le court métrage", selon la note circulaire n°352.
Il est exigé, par les organes de diffusion, "un quitus signé par la Direction de la Cinématographie, avant toute diffusion de films ou de séries sur leurs chaînes de télévision, ou en public, conformément à l’arrêté 004003/MC/DCI portant composition et mode de fonctionnement de la Commission nationale de contrôle et de classification de films cinématographiques."
D’autres rencontres sont prévues.
PRODUCTION DE SÉRIES : SUR UN AIR DE CENSURE ?
Les organes de diffusion doivent se conformer à la réglementation et exiger un quitus préalablement à toute diffusion de film ou série, plaident des organisations se prévalant de la défense des valeurs morales
Dakar, 5 août (APS) - Les organes de diffusion doivent se conformer à la réglementation et exiger un quitus préalablement à toute diffusion de film ou série, plaident des organisations se prévalant de la défense des valeurs morales, en accord avec la direction de la cinématographie.
Ce plaidoyer fait suite à une audience accordée mardi par le directeur de la cinématographie Germain Coly à l’ONG Jamra et au Comité de défense des valeurs morales (CDVM), sur demande de ces deux organisations.
Dans un communiqué portant sur cette audience, les parties concernées disent avoir plaidé, lors de cette rencontre, "l’exigence, par les organes de diffusion, d’un quitus signé par la direction de la cinématographie avant d’accepter toute diffusion de films ou de séries sur leurs chaînes de télévision ou en public".
Ils rappellent que cette mesure est conforme à l’arrêté 004003/MC/DCI portant composition et organisation de la Commission nationale de contrôle et de classification de films cinématographiques.
L’ONG Jamra était représentée à cette audience par Mame Mactar Guèye, et ses partenaires du CDVM de l’ONG "Daral Qurane" par Adama Mboup.
Ils étaient venus faire part au directeur de la cinématographique de leurs "préoccupations relativement aux dérives audiovisuelles récurrentes, à l’actif de certains producteurs de séries télévisées, dont certaines séquences heurtent régulièrement la sensibilité de l’opinion publique".
Cette rencontre fait suite à une déposée par ces organismes de défense des valeurs morales auprès de la direction de la cinématographie, suite aux "dérives récentes" qu’elles disent avoir constaté dans la production et la diffusion de films jugés "en déphasage avec nos valeurs culturelles".
Jamra et ses partenaires ont réitéré, à cette occasion, leur confiance à l’endroit de la direction nationale de la cinématographie, dont "l’importance de la mission dans la protection de nos valeurs n’est plus à démontrer".
Ils disent toujours compter sur "la perspicacité des services de cette structure de veille, pour passer au crible les produits audiovisuels qui (…) font ouvertement la promotion de contre-valeurs".
Aussi les organisations concernées ont-elles exprimé à la direction de la cinématographie "leur satisfaction de voir le cinéma sénégalais constituer, dans le département de la culture, le secteur le plus doté en textes législatifs et réglementaires, rehaussé par la performance d’un registre cinématographique national d’identification, à l’image de la base de données de l’état civil".
Elles ont "salué à sa juste valeur la mission avant-gardiste de la direction nationale de la cinématographie dans la sauvegarde, en amont, de nos valeurs socio-culturelles et dans le maintien de la performance de l’industrie cinématographique sénégalaise".
Les organisations concernées déplorent toutefois qu’une "nouvelle génération de producteurs s’active depuis un certain temps à créer des séries qui ne cessent de défrayer la chronique en suscitant de vives indignations dans l’opinion, relativement à leur excessive tendance au libertinage attentatoire à nos bonnes mœurs".
Le directeur de la cinématographie, Germain Coly, rappelant les dispositions législatives et réglementaires en vigueur dans le secteur du cinéma, a invité producteurs et réalisateurs au respect de la loi sur les autorisations de tournage.
"Il ne sera désormais toléré aucun tournage de film sans autorisation", a réaffirmé M. Coly, dans les propos rapportés par le communiqué.
Dans ce sens, il invite les producteurs et réalisateurs à déposer leurs dossiers de demande de tournage à la direction de la cinématographie au moins un mois avant le début du tournage.
La direction de la cinématographie avertit qu’elle peut s’opposer au tournage de tout film ou série dont le contenu du scénario compte des séquences "susceptibles de porter atteinte" à l’ordre public, à la sécurité nationale (prises de vues de zones classées "secret défense") ou aux bonnes mœurs.
"Le cas échéant, l’autorisation de tournage pourrait être légalement refusée par la direction de la cinématographie. A moins que le scénario incriminé soit remanié", fait valoir le directeur Germain Coly.
Il rappelle que le non-respect de la loi est passible de sanction pouvant aller de l’amende financière au retrait du produit.
"En cas de violation de ces dispositions légales (…) il sera procédé, en partenariat avec les forces de sécurité publique, à la saisie du matériel de tournage et des négatifs, assortie d’une amende de 3 à 10 millions de F CFA, pour le long-métrage ou la série. Et de 1 à 5 million de F CFA pour le court métrage", précise-t-il.
La direction de la cinématographie, l’ONG Jamra et le Comité de défense des valeurs morales ont convenu de tenir des rencontres régulières en vue de continuer à échanger "sur les problématiques du secteur".
Ils espèrent de cette manière apporter des solutions en amont aux "malentendus qui ne peuvent manquer de surgir entre les acteurs de l’industrie cinématographique et audiovisuelle et ceux de la grande famille consumériste sénégalaise"
PAR Jean-Pierre Karegeye
RDC, IL S'APPELAIT KÄ MANA
Théoricien de la reconstruction, le philosophe congolais a été emporté le 19 juillet par le Covid-19. Retour sur une pensée consacrée aux crises traversées par le continent
Jeune Afrique |
Jean-Pierre Karegeye |
Publication 05/08/2021
Godefroid Kangudie vient de nous quitter. Plus connu sous son nom de plume, Kä Mana, le philosophe, théologien et analyste politique congolais vivait dans l’est de la République démocratique du Congo, où sévissent plusieurs groupes armés. De Goma, il bravait les miliciens autant que le pouvoir de Kinshasa, armé uniquement de son impétueuse plume.
Habiter les incertitudes
Il avait courageusement choisi de s’installer dans cette région dangereuse pour habiter les incertitudes africaines, qu’il ne cessait de penser dans ses œuvres philosophiques et théologiques.
Dans cet environnement violent, même le volcan Nyiragongo ne voulut pas être en reste. Il se mit à menacer et gronder, pour finalement cracher du feu le 22 mai 2021. M’inquiétant pour la vie de Kä Mana, je lui écrivis. Je reçus dès le lendemain, 26 mai, une réponse dont la sérénité donnait la mesure de son courage : « Je suis à Goma et je me porte bien. La colère du volcan se calme, mais la terre tremble de temps en temps. »
Ce ne sont ni les canons, ni le volcan qui nous l’ont finalement arraché, mais le Covid-19, qui a fait voler en éclats les frontières entre la vie et la mort, le visible et l’invisible, le virtuel et le réel, le bruit de la rue et la vie intérieure.
Cet être invisible a surtout rétréci l’entendement de l’essentiel à l’air qu’on respire. Le virus nous a pris Kä Mana ce jeudi 19 juillet. Et la question que le philosophe-théologien se posait sur l’Afrique, dans une de ses œuvres, de résonner en nous : « Kä Mana va-t-il mourir ? »
Profondément africain
Kä Mana a médité les apports et les échecs de courants de pensée qui ont précédé ses propres pratiques discursives de la reconstruction. Il a construit sa pensée à partir des deux piliers que sont les cultures africaines et l’idée de la libération.
Il a de même envisagé un discours sur Dieu ayant un impact sur la vie sociopolitique de l’Africain et qui se laisse informer et éclairer par la raison. Lui, profondément africain, ne manquait pas de stigmatiser « l’image de Dieu dans les religions africaines […] susceptible de dériver vers un imaginaire des conflits et une métaphysique des guerres ».
Bien que pasteur luthérien, il ne manquait pas non plus de souligner les dangers des religions d’origine étrangère dans la vie des Africains. Ainsi mettait-il en garde contre « les dérives guerrières du christianisme et de l’islam ».
ISSA SAMB JOE OUAKAM, RÉVOLUTIONNAIRE AUTHENTIQUE ET INTELLECTUEL ORGANIQUE
L’homme aux célèbres dreadlocks et à la fameuse pipe était un acteur majeur du Mai 68 sénégalais réprimé de manière sanglante par le régime senghorien. Il était à la fois peintre, sculpteur, poète, dramaturge, mais aussi philosophe et écrivain
De son vrai nom Issa Samb, il tire son surnom « Joe Ouakam » de son passé révolutionnaire. Chez les soixante-huitards dont il faisait partie en compagnie de feu Omar Diop Blondin, Sidy Guèye dit Noiraud ou encore…Alioune Sall Paloma et autres, il était de mise à l’époque de porter un surnom pour échapper aux tracasseries policières et à la dure répression qui s’abattait sur les communistes dès qu’ils étaient identifiés. Le régime du président Senghor se caractérisait alors par une chasse impitoyable contre les militants communistes et, à la moindre occasion, ils étaient arrêtés et jetés en prison s’ils n’étaient victimes de mort brutale et mystérieuse. Issa s’est fait appeler « Joe de Ouakam » et ses amis l’ont appelé tout simplement Joe Ouakam. Issa était né dans le village-quartier de Ouakam le 31 décembre 1945.
Dans ce village traditionnel lébou où il faisait partie des dignitaires traditionnels, on l’appelait Issa Souaré car il aurait de lointaines origines guinéennes. Dès ses vingt ans, il s’est engagé dans les mouvements révolutionnaires clandestins et participait nuitamment aux réunions organisées chez l’un ou l’autre des activistes. L’homme aux célèbres dreadlocks et à la fameuse pipe était un acteur majeur du Mai 68 sénégalais qui a été réprimé de manière sanglante par le régime senghorien. Ce que l’on retient moins de lui, c’est ce passé révolutionnaire. Car, les Dakarois connaissaient plus « Joe Ouakam » pour son engagement artistique, sa posture atypique et son caractère iconoclaste. L’homme était à la fois peintre, sculpteur, poète, dramaturge, mais aussi philosophe et écrivain.
Membre du « Comité Idéologique » du journal Le Politicien de feu Mam Less Dia, il est également l’un des fondateurs du laboratoire « Agit’Art » qu’il animait avec le plasticien El Hadj Sy, une autre figure de l’art décalé sénégalais, et dont l’objectif était de « transformer la nature de la pratique artistique pour passer d’une sensibilité formaliste, liée à l’objet, à des pratiques basées sur l’expérimentation et l’agitation, sur le processus plutôt que sur le produit en privilégiant l’éphémère à la permanence ». Il était aussi l’un des cofondateurs de la galerie Tënq au Village des arts de Dakar toujours avec El Hadj Sy dit Elsy. Son originalité, Joe la devait sans doute à son appartenance aux Lébous car, élevé par son grand-père, il avait grandi dans un environnement rempli de symboles, des symboles qu’il scrutait et analysait jusqu’à l’obsession. Il y puisera plus tard la source de son inspiration et de son art. A l’Université de Dakar, il étudie le droit et la philosophie comme auditeur libre. Puis il s’inscrit à l’Ecole nationale des Arts après quoi, jusqu’à sa mort, il s’est illustré dans les arts plastiques et la littérature.
Auteur de plusieurs livres de poésie et pièces de théâtres quelques fois sous le nom de Issa Ramangelissa (qui évoque la grande île de Madagascar), Joe Ouakam était de tous les combats révolutionnaires, artistiques et littéraires. Un de ses biographes le décrit comme « pas formaté » du tout par l’Université. Et d’ajouter : « Toujours méfiant envers les institutions et leur penchant pour la standardisation, l’uniformisation. Car, Joe est du genre iconoclaste. Un artiste à part, difficilement classable aussi bien en raison de son goût de l’interdisciplinarité que de ses inspirations artistiques.
Observateur, contemplatif, il se distingue jusque dans son style : pipe toujours vissée à la bouche, lunettes rondes vissées sur le nez, moustache à la Dali, barbe d’un poivre et sel rassurant, tenues colorées et éternelle écharpe nouée autour du cou. Taciturne souvent, mutique parfois, il n’en était pas moins empathique. Pour toute une génération de jeunes Dakarois, il était aussi – peut-être avant tout – l’un des membres les plus appréciés du jury de l’émission cultissime Oscar des vacances, présentée par Aziz Samb. « Quand son nom était prononcé, il était acclamé et, lui, saluait toujours, en se levant solennellement, son cher public ». Anticonformiste notoire, il n’a exposé ses œuvres que très rarement dans les grandes galeries, préférant les « cultiver » — comme il disait avec un humour flegmatique — dans son jardin, sa cour, comme on cultiverait des choux et des carottes dans son potager.
A de rares occasions cependant, il s’était laissé emporter par le conformisme en exposant en 1981 à Harare, au Zimbabwe, en 1985, au centre culturel français de Dakar, puis, en 2008, à l’occasion de la Biennale de l’art africain contemporain, Dak’Art, en 1995, à Londres dans le cadre de l’exposition « Africa 95, Seven Stories of Modern Art in Africa » à la Whitechapel Gallery. Et en décembre 2010, à l’occasion du 3e Festival mondial des arts nègres, la Galerie nationale d’art de Dakar lui avait consacré une rétrospective. Joe avait aussi une passion pour le cinéma. Son biographe le dépeint comme un « amoureux de l’ombre et la lumière ».
C’est ainsi qu’il apparaît dans de nombreux films : Hyènes de Djibril Diop Mambéty, une figure du cinéma sénégalais, en 1992 – et documentaires – Lumière sur Ndar de Mansour Kébé en 2010. Beaucoup de reportages lui ont également été consacrés. « Cet homme d’images aimait jouer avec sa propre image », confiait l’un de ses proches qui ajoute que Joe Ouakam « était de ces êtres qui attirent les lumières ». Joe ne déambulera plus dans les rues du plateau vêtu de ses « costumes de scène » la pipe visée sur la bouche car il a rejoint ses aïeux « les maam » le 25 avril 2017 à Dakar.
Plusieurs hommages funèbres lui ont été rendus : « Il était un artiste de dimension nationale et internationale. Rarement a-ton côtoyé dans notre pays un homme qui aura organisé sa vie comme une œuvre d’art », a déclaré Macky Sall dans son éloge funèbre, prononcé sous forme d’hommage national lors de l’enterrement de l’artiste. « Joe, c’était le totem de la ville de Dakar », a indiqué Cheikh Tidiane Gadio, l’ex-ministre des Affaires étrangères d’Abdoulaye Wade, avant d’exprimer le souhait que « les générations actuelles et futures s’en inspireront ».
Pour Youssou Ndour, Joe Ouakam était simplement « quelqu’un qui rassemblait tout le monde ».
par Amadou Tidiane Wone
MISTER COVID ET MYSTÈRE CORONA
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps - Miraculé de la première vague, j’ai fini par établir un dialogue avec la pandémie. Cette maladie n’est pas une légende. Les priorités de la Nation doivent changer
#SilenceDuTemps - Je fais partie de la première promotion des patients du Covid-19, il est en vogue de l’appeler désormais « première vague ». En attendant d’épuiser toutes les vagues déferlantes de l’alphabet grec ! Tout autant que les variants de toutes races et de tous les continents … Mondialisation de la détresse humaine oblige.
Ce fut une épreuve difficile. Très difficile ! Lorsque l’on en sort, on a, nécessairement, une autre relation à la vie et au temps qui passe. La profonde solitude des affres indescriptibles de cette maladie, étrange et mal connue, conduit à un face-à-face avec soi qui ne laisse plus de place au mensonge ni à la simulation. Encore moins à la dissimulation. Lorsque l’on s’est retrouvé seul et nu entre des mains étrangères, quoiqu’hospitalières, privé de toute initiative, exsangue de forces physiques, et tenaillé par la peur de lendemains incertains, on doit saisir ce temps pour évaluer le chemin parcouru. Mais surtout, pour prendre la mesure de la fragilité des choses « acquises. » On prend alors conscience que, quant au fond, rien n’est vraiment acquis… Il suffit juste d’un virus, si petit qu’il en est invisible, mais si puissant qu’il a commencé par terrasser, et emporter, parmi les plus forts d’entre nous. Les plus célèbres parfois. Riches ou pauvres sans égards ni distinction de race ou de religion. Comme pour rebattre les cartes et changer le cours des choses. Parfois dramatiquement. Il ne suffit vraiment de… rien pour remettre tous les compteurs à zéro !
Maintenant et à ce qu’il paraît, à l’orée de la troisième vague ou variant delta, le virus s’intéresse aux jeunes ! Pied de nez à ceux qui lui prêtaient des intentions d’euthanasie gériatrique…Sacré virus !
Survivant, voire miraculé de la première vague, j’ai fini par établir un dialogue avec « Mister Covid » ou « Mystère Corona » selon son humeur ! Accommodant ou torturant, nous avons appris à nous parler. Nous nous sommes dits : tant qu’à faire, restons entre gentlemen ! Et nous avons entamé un dialogue… virtuel (!) dans l’intensité de la douleur. Au cœur de la profondeur du tunnel incertain. Celui d’où l’on n’a aucune certitude de revenir... J’ai fini par percevoir un peu, du fond de mon brouillard, le sens de sa mission : tailler en pièces nos vanités et nous rappeler que la force de Dieu, Allah, se trouve dans son omniprésence, son omnipotence, son omniscience tout en restant voilé et invisible à l’œil nu. C’est-à-dire à l’œil non revêtu de l’habit de la foi. La science et ses vanités en question ! Les bras ballants, des sommités mondiales se disputent des hypothèses fausses, du jour au lendemain. Et allez les mesquineries et les coups bas entre collègues, sur fond de détresses individuelles et familiales ! Tout se déroule en live et en prime time sur toutes les télévisions du monde. Alité, en apesanteur entre ciel et terre, on contemple désabusé le cirque de l’humanité. Celui de ceux qui sont censés diriger le monde et l’éclairer. Vanités !
Les poumons assaillis par le virus et ses escadrons de la mort, les rares sommeils sont hantés. Les souvenirs d’enfance remontent à la surface. Je revois même madame Cavigneau, ma maîtresse en 1966 à l’école du Plateau ! Son chignon blond strict et ses robes fleuries. Elle était sévère ! À mes yeux en tous cas. C’est peut-être la peur qu’elle m’inspirait qui la ressuscite dans mes cauchemars sous Covid. C’est dire... Le film de la vie, en mode accéléré se déroule, les séquences joyeuses culbutent les phases difficiles, les moments de peur et de doute. La vie n’est pas ce long fleuve tranquille sur lequel naviguaient nos rêves d’enfant. C’est un combat de tous les jours. De tous les instants…
- Revenons un peu sur terre -
Ne nous laissons plus distraire ! Allons droit au but : cette pandémie doit signer un moment de rupture totale avec un ordre ancien devenu anachronique et, à bien des égards, insultant. Il ne reste guère plus que certains dirigeants africains, et quelques « intellectuels » ou plutôt des intellocrates qui doivent tout à l'Occident, pour se complaire dans l’ordre actuel des choses. L'Afrique a le droit d'avoir l’ambition de devenir un Continent prospère où vivent, dans la dignité et le bien-être, des populations libres et épanouies. Il appartient à ceux qui ont la responsabilité de diriger nos pays de voir grand et de se mettre au travail. Lorsque l'on dispose de 60% des terres arables du monde, de ressources naturelles et minières de toutes sortes, lorsque l’âge moyen de la majorité de la population tourne autour de 20 ans, lorsque l’on a un climat à bien des égards avantageux dans plusieurs régions, il ne reste que les compétences pour faire la différence ! Ayons le courage et la lucidité de mettre les meilleurs d'entre nous aux commandes de leurs secteurs de prédilection, sans autre cahier de charges que celui de livrer des résultats palpables au profit des populations.
En un mot, comme en mille, nous savons désormais qu'il ne faut surtout plus singer les « puissances et superpuissances ». Nous regardons les mêmes journaux télévisés à diffusion planétaire. Nous lisons les mêmes journaux en temps réel. Nous suivons simultanément les débats de niveau plus que moyen dans lesquels pataugent leurs dirigeants. Nous avons observé les tâtonnements, les errances, les mensonges et les approximations de certains de leurs responsables de haut niveau : et les mythes ont fondu. Comme beurre au soleil ! Alors, évidemment que des scénarios sont en cours de préparation pour une rentrée hollywoodienne, d’après confinement, d’élites passablement surmenées. Mais le charme est définitivement rompu. Il s'agit, pour l’Afrique, d'en tirer les conclusions et de faire demi-tour ! Aller vers de nouveaux horizons ! Nous ne sommes pas obligés de confondre développement et occidentalisation. Nous pouvons inventer un modèle de bien-être plus conforme à la nature humaine. Plus respectueux de la nature tout court.
Au demeurant, il s’est avéré, au cours de cette pandémie, que le développement de la recherche et la valorisation de notre pharmacopée sont une priorité de santé publique. Il va falloir définir une politique hardie dans ce sens. Que nos universitaires et praticiens de l’école occidentale aillent au-devant de nos « tradripratriciens », ainsi dédaigneusement qualifiés par la norme occidentale, avec l’humilité que requiert la quête du savoir. Et « que cent fleurs s’épanouissent, que mille écoles rivalisent » comme le disait Mao Zedong. D’autant plus que la récession économique mondiale, prévue par les spécialistes, va nous obliger à produire de quoi nous nourrir et nous soigner. Une opportunité à saisir pour créer des chaînes de valeur agro-industrielles et pharmaceutiques tournées vers la satisfaction de nos besoins et ceux de nos voisins immédiats. La récession, si elle survient, touchera davantage les pays les plus riches : ils chutent de plus haut ! Les pertes d’emplois et les impacts sociaux seront sans commune mesure avec ce qui pourrait se passer chez nous. Mais il va falloir se préparer aux dégâts collatéraux sur nos familles dont plusieurs dépendent des subsides de la diaspora. Une grande politique de relance économique devra donc intégrer une politique d’aide au retour, dans la dignité, de plusieurs de nos compatriotes dont l’expérience et le savoir-faire pourraient encore profiter au pays. C'est, en fait, autour d'une Nouvelle Ambition Nationale et Panafricaniste (NAMP) qu'il faut rassembler toutes nos forces. C'est une question de vie ou de mort !
Et toujours cette lancinante question de la gestion des ressources de la nation qui doit être exemplaire. La définition des priorités doit être irréprochable et chercher l’efficacité et l'efficience au lieu du spectaculaire à visées électoralistes de proximité. À l’ère des transferts rapides d'argent, des gains de temps et des économies substantielles auraient pu être opérés sur la logistique de la distribution des vivres de secours. Nous attendons encore les comptes rendus détaillés de l’utilisation des moyens financiers et logistiques supposés avoir été consacrés au Covid-19... Alors oui ! Durant cette épreuve difficile, douloureuse pour les familles endeuillées par la perte d'un être cher, il y a des lueurs d'espoir… Et d'abord du côté de notre corps médical qui force le respect ! Avec des bouts de ficelles, ils font preuve de savoir-faire et de sang-froid. En dépit des vents contraires, ils tiennent bon. Le temps de les honorer viendra. Non pas en cérémonies protocolaires ou en discours lénifiants, mais surtout en investissements massifs pour le relèvement significatif du plateau technique des hôpitaux et centres de santé de notre pays. En plus, les conditions de travail de nos personnels de santé et d’éducation devront faire l'objet de réformes profondes dans le sens d'une revalorisation conséquente. Les priorités de la Nation doivent changer ! La clientèle politicienne ne doit plus pomper les ressources nationales au détriment de ceux qui triment pour la collectivité ! Un appel à l'expertise de la diaspora n'aura de sens que dans ce sens : que de médecins, et surtout d'infirmiers, formés au Sénégal servent en France ! Quel gâchis, quelle perte.
Soulignons au passage qu’une des leçons à tirer pour l’après-Covid, c’est l’impérieuse nécessité de diminuer le nombre de missions ministérielles et de hauts fonctionnaires à l’étranger. Elles sont si coûteuses ! Dans bien des cas, les visioconférences pourraient suffire et à l’ambassadeur du Sénégal, dans un pays donné, d’assurer la présence physique du Sénégal et de parapher les documents officiels, s’il en est. Des milliards pourraient ainsi être réaffectés à d’autres priorités.
Il en est de même pour le secteur de l’enseignement supérieur qui gagnerait à développer les cours en ligne, tant entre les universités sénégalaises que dans le sens d’une coopération interafricaine ou internationale. Des pistes passionnantes de solution sont à portée de mains. Covid-19 les aura mises en évidence. En vérité, des ruptures significatives sont possibles dans plusieurs domaines. Rien ne doit plus devenir comme avant !
Je suis et reste un afro-optimiste ! Résolument. Conscient cependant que rien ne nous sera donné. Tout se conquiert et, bien des fois, s'arrache. Il nous faut sortir du ronron de nos dirigeants qui caressent toujours dans le sens du poil, des leaders mondiaux qui ne les respectent même pas. A contrario, je sais que la jeunesse africaine, et plus particulièrement sénégalaise a tourné la page. Aux aînés d'avoir le courage de sacrifier un peu de leur confort, fragile et factice, pour faire bouger les lignes. Il nous faut éviter les pièges de la division de nos forces par… genres. Une des dernières trouvailles des Think tanks occidentaux pour nous enliser dans des problématiques étranges et étrangères. Toutes les questions qui relèvent d'un agenda qui n'est pas à l’ordre du jour chez nous, mais que des ONG lourdement financées viennent dérouler sur notre sol, méritent un débat contradictoire de fond. Ce sont juste des déviations pour épuiser nos forces vives en querelles byzantines ! Nous valons mieux !
À ce prix, il se peut bien que ce soit du Sénégal, pays de Cheikh Anta Diop, que jaillira le cri de ralliement pour l’avènement du temps de réinventer « un destin pour l’Afrique ». (En guise de clin d’œil affectueux au président Abdoulaye Wade...). « Oser lutter, oser vaincre… », disait le père de la Révolution chinoise Mao Zedong. On a vu le résultat. À nous de jouer.
- Mystère Corona -
Au fond de la nuit noire du tunnel incertain, clignote portant une petite lueur… d’espoir. Les sourires avenants du personnel soignant et celui des techniciennes de surface qui, désormais, rythment par leurs allées et venues la routine du patient commencent à faire sens. Les nuits sont plus paisibles, le corps moins torturé. Vidé, lessivé, on sent quand même qu’un avenir est encore possible. Un revenir plausible.
Mystère Corona se présente alors sous les allures d’un visage ami qui transforme les cauchemars en rêves… Et il me parle. Il me demande si j’avais lu et …compris les deux ouvrages de feu Abdou Latif Gueye (militant intransigeant de haut lignage des droits de Dieu sur ses créatures, fondateur de l’ONG Jamra). « La Lumière du tunnel » et « Le tunnel de La Lumière », deux titres, deux ouvrages qui se croisent et restituent l’itinéraire spirituel d’un homme de vérité et de droiture, d’engagement sans compromissions. « Ces deux ouvrages, me dit Mystère Corona, sont des viatiques pour ceux de ta génération errant encore dans le labyrinthe des fausses certitudes temporelles. Relis-le. Et apprends surtout à lire entre les lignes… »
Et il poursuit : « Nous sommes ici pour vous réapprendre la force de l’invisible. Détruire vos nouvelles idoles et préparer l’avènement de l’événement… Retrouvez donc l’humilité due à l’un, majestueux et tout-puissant. Retrouvez le sens de la vie qu’il donne et reprend. Comprenez que votre seul avenir c’est la mort et le retour vers lui. Pensez plus souvent à la mort et à l’autre vie qu’elle engendre... Réveillez-vous ! » Et Mystère Corona de poursuivre : « En attendant, soyez prudents… Masquez-vous, respectez les mesures barrières, certes… Mais aussi, et surtout repentez-vous et priez ! Rouvrir les stades, les boites de nuits et autres lieux d’affluence, mais fermer le mur des lamentations, la Place Saint-Pierre et la Sainte Kaaba n’est pas la meilleure réponse au message dont nous sommes porteurs ! Réveillez-vous ! »
Silence sans appel…
Au bout de la nuit et de ses protagonistes invisibles, le ballet des techniciens de surface et celui des personnels soignants, la voix inespérée du Docteur : « Bonjour monsieur Wone ! Bonne nouvelle : le dernier test est revenu négatif. Vous êtes guéri. Vous allez pouvoir rentrer chez vous et poursuivre la suite des traitements à domicile. Bravo ! »
Cette maladie n’est pas une légende. Mister Covid et Mystère Corona sont des agents spéciaux en mission. Comprenne qui pourra….
Amadou Tidiane Wone est ancien ministre de la Culture, ancien ambassadeur du Sénégal au Canada. Il est auteur de " Lorsque la nuit se déchire " aux Éditions L'harmattan, 1990, "Le crépuscule des vanités " aux Éditions Silex, 2006 et de " Résistance" Essai aux Éditions Madiba, 2006.
VIDEO
LA GRANDE CONFRÉRIE DES SAPEURS
Dans leur manière d’être, dans leur volonté de paraître ou dans leur désir de présenter une belle apparence, l’élégance côtoie l’extravagance et aucune dépense n’est de trop pour ces «fashion addicts» qui cherchent vaille que vaille à se faire remarquer
Les sapeurs congolais ne cessent de faire parler d’eux. En 2018, la chaine RT France leur a consacré tout un documentaire. Leur concept est devenu une thématique de recherche universitaire. Ainsi, en dehors des médias qui ont contribué à les rendre célèbres, les universitaires à s’intéressent à ce phénomène qu’est la Société des ambiançeurs et des personnes élégantes (SAPE) née au Congo Brazzaville. L’homme d’affaires Jocelyn Amel dit Le Bachelor est l’un des membres de la confrérie. Manitou du milieu, il l’un des sapeurs les plus connus de la place de Paris. Dans l’émission de Le Debrief de RT France, Armel Jocelyn explique l’origine du concept, ses enjeux, ses valeurs, non sans préciser ce que la Sape n’est pas. Il s’exprimait en prélude à la sortie du documentaire « Les dandy du Congo » consacré à leur mouvement.
Ils ne jurent que par l’élégance, le m’as-tu vu. Ils ne veulent pas passer inaperçus. Toujours prêts à en mettre plein la vue aux passants, être toujours distingués même dans une foule compacte. C’est presque insupportable pour eux de ne pas se faire remarquer et de recueillir un compliment comme le dit un des leurs. Ceux dont il est question, ce sont bien les sapeurs congolais, membres de la SAPE.
Dans leur manière d’être, dans leur volonté de paraître ou dans leur désir de présenter une belle apparence, l’élégance côtoie l’extravagance et aucune dépense n’est de trop pour ces «fashion addicts» (addicts à la mode). Ce qui caractérise les sapeurs c’est la «transgression» vestimentaire qui pour eux est synonyme de «liberté». En effet, les sapeurs cassent les codes vestimentaires convenus et veulent porter et marier librement n’importe quelles couleurs à tout en refusant d’assigner des couleurs à des saisons selon une certaine vision de la mode. Ainsi, les sapeurs ne connaissent ni saison ni climat et refusent l’idée que telles couleurs sont féminines ou masculines.
Les sapeurs s’autorisent un mariage inhabituel de couleurs pour sortir quelque chose d’unique. «Un bon sapeur c’est quelqu’un de transgressif. Il n’est pas là à répéter les normes vestimentaires édictées à Paris, à Londres ou à New York. C’est transgression est une liberté que nous assumons», assume Armel, Le Bachelor interrogé par RT France.
Une apparence carnavalesque assumée
La sobriété, la discrétion en termes de couleur n’est pas ‘’sapologique’’. Les sapeurs n’ont aucune gêne dans leur apparence carnavalesque avec leur couleurs vives et frappantes. «La vie est belle en couleurs. Les couleurs c’est la vie. Pourquoi voulez-vous vous arrêter au noir et au bleu marine », s’interroge Le Bachelor qui raille littéralement l’écrasante majorité de la population non ‘’sapologue’’ qui n’explore pas trop de couleurs. Ce qui compte pour tout sapeur, c’est d’être vu, attirer l’attention vers soi et être apprécié. C’est un choix assumé. «J’aime tout sauf n’anonymat vestimentaire. Si vous portez des couleurs discrètes pour ne pas être vu, il ne fallait pas naître», lance d’emblée Le Bachelor qui défend bec et oncle la philosophie des sapeurs.
Pourquoi se limiter à deux discrètes couleurs (noire et bleue marine), alors qu’il y a une myriade de couleurs que l’on peut explorer ? Telle est la question que posent les sapeurs à ceux qui ne sont pas de leur «société» et qui s’imposent une limite dans le choix de leurs couleurs d’habits. La SAPE, ça coûte de l’argent. Mais les sapeurs n’éprouvent aucune honte à s’endetter juste pour le look afin d’être me point de mire vers lequel converge tous les regards.
C’est le cas de ce fonctionnaire sapeur qui exhibe fièrement sa gardent robe qui ressemble plus à une boutique de vêtement qu’à une garde-robe et qui n’hésitent pas à révéler qu’il s’endettent à coup de millions pour satisfaire son désir de de paraître : 8 millions, 6 millions, 7,5 millions. Dieu sauve les Sapeurs ! En revanche, Le Bachelor lui récuse l’idée que l’élégance est synonyme de dépenses somptuaire. Pour lui on peut être élégant sans dépenser des fortunes. On peut bel et bien s’investir dans la sape sans se ruiner.
« La SAPE, c’est l’art de s’aimer au quotidien
Célèbre sapeur, Bachelor est bien connu à Paris pour habiller ses confrères de la SAPE et toutes autres personnes élégantes. Depuis 1998, Le Bachelor tient une marque de vêtement à Château Rouge appelé Connivences qui fournit l’attirail pour leur mouvement. Pour Le Bachelor, «la SAPE c’est l’art de s’aimer au quotidien en arborant les couleurs que le commun des mortels a parfois du mal à porter». A son avis, la SAPE participe à célébrer, à honorer la vie. Ayant vu son père son oncle toujours élégant Le Bachelor dit sapeur depuis le sein de sa mère. Connus en général pour dépenser des montants faramineux juste pour leur apparence, certains s’inscrivent en faux quant à cette vision de la Sape.
Au-delà de l’apparence, de la volonté d’être vu, les sapeurs disent véhiculer quelques belles valeurs comme le vivre ensemble, la tolérance, la non-violence, l’altruisme, selon Armel, Le Bachelor qui se présente comme «un homme caméléon» du fait des couleurs qu’ils arbore. «La sape est un vecteur de communication», dit-il. Arrivé à Paris en 1977 à Paris, Armel Le Bachelor est diplômés en gestion. Il est sorti de l’École supérieure de gestion et de l’institut supérieur de commerce Paris Dauphine. Depuis 98, il s’est lancé dans le business très connu par son port vestimentaire unique. La SAPE chez lui c’est l’expression d’un certains narcissisme assumé et sans complexe aucun.Promoteur de Connivences Boutiques, spécialisé dans la vente de vêtements, Jocelyn ne devrait pas avoir de souci pour approvisionner sa propre garde robe.
Né au Congo Brazzaville, ce sont les anciens combattant congolais du retour des deux Grandes Guerres qui ont inspiré ce mouvement de la SAPE, selon Le Bachelor. Ces anciens combattants congolais, une fois rentré, arboraient une élégance inégalable après avoir côtoyé le monde occidental, explique Jocelyn Armel.
LES DAMNÉS DE LEUR TERRE, par Elgas
AXELLE KABOU, L’EXCOMMUNIÉE
EXCLUSIF SENPLUS - Des années après son retrait du monde, la rancune contre elle reste tenace. Elle occupe le rôle de traître. C’est un mauvais filon que d’essayer dans son œuvre de responsabiliser les Africains sans imputer la responsabilité à l’ailleurs
C’est un drôle de voyage, pratiquement sans destination, peut-être sans but formel, mais qui ne manque pourtant pas d’intérêt. Aller à la recherche d’Axelle Kabou, intellectuelle franco-sénégalaise née au Cameroun, d’une soixantaine d’années aujourd’hui et qui s’est réfugiée dans le silence depuis de longues années, c’est l’espérer furtivement sur la pointe bretonne au détour d’un indice numérique. La perdre ensuite. Finir enfin par ravaler sa frustration, et se soumettre au mystère. Le coffre-fort, semble-t-il, est bien scellé, rien ne s’ébruite même en tambourinant de manière frénétique à la porte du secret. Il y a dans le silence de cette préretraitée forcée, les mêmes reflux amers que ceux de Yambo Ouologuem, autre sublime pestiféré des Lettres africaines, dont le mutisme enclos à Sévaré, est resté incorruptible jusqu’à sa mort en 2016, laissant le mythe entier ; le mystère encore plus enivrant.
Le mystère pas si mystérieux d’une retraite
Pour Axelle Kabou, on peut bien gloser, échafauder des plans, avancer des hypothèses, n’empêche, les indices sont maigres, et sauf à faire parler les témoins, les indiscrets, et intermédiaires - dont les propos sont parfois sinon toujours sujets à caution -, il serait imprudent de la ventriloquer de loin. Plus sage sans doute, est-il, d’exploiter les documents ou pièces à convictions disponibles. À l’inventaire, il reste deux livres, une dizaine d’interviews, des recensions dans les travaux universitaires, des critiques, des coupures de presse ; mais surtout, de tout retenir ceci : une réputation qui essaime encore, de colloques en conférences, où des années après son retrait du monde, la rancune contre elle reste tenace. Elle occupe le mauvais rôle : celui de traître. Comme traces d’une vie littéraire, même courte, on aura sans doute vu beaucoup plus fourni et plus bienveillant. Et la question assassine intervient dès lors très vite : pourquoi ? Pour y répondre sans gager d’être convainquant, ni promettre la « vérité », il faut brosser l’image d’un demi-siècle de débats intellectuels couleur afro, où une jeune femme de trente ans, avec insolence, et un talent sûr, probablement une certaine candeur, et sans doute bien des imperfections, a jeté un inconfort inhabituel dans les perceptions africaines de soi ; inconfort dont les traits prophétiques, aujourd’hui encore, défient ses contempteurs et le temps.
Un contexte et un livre, le début de la tourmente
Tout commence par un cri de naissance. 1991. Un livre inattendu par lequel arrive la déflagration. Le contexte africain n’est pas reluisant. Guerres, famines, horizons chaotiques, le tableau est sombre. Les promesses des indépendances s’ensablent dans la réalité d’un devenir ennuagé ; et au chevet du continent s’empressent bailleurs étouffants, institutions libérales carnassières, charognards en quête de pitance cadavérique, énamourés en quête d’exotisme, et vendeurs enivrés de cercueils. La seule vérité pourtant, c’est que les rédactions occidentales et leurs antennes puissantes, de Paris à Londres, peignent un continent à l’agonie, et il se dit même, dans les discrets télégrammes du cabinet de Bill Clinton, que rayer ce continent de la surface du globe ne se ferait ressentir. Mais de ces grandes messes basses, plutôt communes en ce temps, racistes de surcroît, peine à émerger un propos rationnel pour expliquer, sans œillères ni lorgnettes, comment on en est arrivé là. L’image des réfugiés, baluchons sur l’épaule, des enfants malnutris, des crimes politiques, des maladies, des dictateurs découpés dans les rues, est obsédante et peint le continent en tragédie chronique. D’autant plus que ce récit médiatique apocalyptique a cohabité sans heurts majeurs avec le registre élogieux des tiers-mondistes, majoritairement blancs, qui au mépris de toute étude sérieuse, faisaient déjà entendre le refrain un poil paternaliste qui faisait la paire avec le racisme négatif – avec la prévalence toutefois chez eux de la responsabilité occidentale dans le drame africain. Ce propos vire vite en catéchisme et la décolonisation sublime (Fanon, Bandoeng, Algérie…) à la mode aidant, cette idée devient paradigmatique. La faute à la colonisation s’impose très vite comme le paradigme. En somme, la bannière de ralliement, du nord au sud, qui, sur la base du sentimentalisme, plus que sur des bases factuelles, fédère des acteurs pluriels. Publier donc, dans cette période, Et si l’Afrique refusait le développement ? avec ce titre faussement naïf, prenant à rebours les thèses les plus établies, legs des farouches luttes anticoloniales, c’était se livrer à un jeu de massacre. Axelle Kabou en fit (et en fait) les frais.
Un essai à rebours des thèses dominantes
Elle a alors une trentaine d’années. Est totalement méconnue du sérail. Elle ne se démonte pas, et sa thèse est simple : les causes des problèmes africains sont à chercher dans un refus du développement, considéré comme une injonction exogène et que tout dans la structure des sociétés africaines méconnaît. Dans ses mots, cela donne : « L’Afrique doit être invitée à repenser ses choix idéologiques et sociaux, être amenée à comprendre clairement pourquoi le libéralisme économique généralisé ne peut aboutir qu’à une catastrophe. En d’autres termes, au lieu d’inciter les Africains à s’entre-égorger par programmes d’austérité et de privation interposés, il faudrait d’abord chercher à savoir pourquoi l’audace, l’imagination, l’inventivité restent des denrées rares chez eux, au bout de trente années d’indépendance. Il faut, en un mot, se rendre compte que l’Afrique a mis autour d’elle-même un puissant dispositif culturel permettant de déprimer à la base tout désir de créativité. » (Kabou, 1991 : 84). Voici pour le constat sans détour. La devise du livre, des pages avant, annonçait déjà comme promesse : « A ce titre, ce livre est bien celui d’une génération, objectivement privée d’avenir, qui a tout intérêt à travailler à l’effondrement des nationalismes étroits des indépendances, et à l’avènement d’une Afrique large, forte et digne. » (p.14) Ce constat fondateur mène à une analyse documentée, transversale, volontiers bagarreuse, à la langue chatoyante, et déjà à un amour de la formule qui fait mouche. Pour ne rien arranger, l’auteure fait appel, déjà en exergue du texte avec deux citations malicieuses, à Edem Kodjo et à Albert Memmi, incontournables auteurs de la décolonisation sous le mentorat desquels elle s’abrite, et souvent à propos.
Plus loin, le catalogue des références s’étoffe : du Cheikh Anta Diop à foison, qu’elle semble admirer, Julius Nyerere, Fanon... Elle chasse sur les terres de ses détracteurs potentiels et pioche dans l’héritage panafricain qui reste une source commune quand elle ne tombe pas en coupe réglée des sectarismes. En plus, elle a bachoté : des coupures de presse, une bibliographie impressionnante, une hargne dans les références, des citations, viennent prévenir les procès probables en légèreté. C’est un vrai essai, dans la tradition de la colère sublime, avec ses envolées emphatiques comme ses faiblesses répétitives, propres aux épanchements indignés. La manœuvre est habile de sa part et l’ensemble est entraînant. Mais quelques extraits mal dégrossis sont du pain bénit pour ses ennemis. En effet, le langage aux codes racialistes ne passe pas, surtout au vu du passé, du passif, de l’estime de soi mise à rude épreuve par les parenthèses esclavage/colonisation et leurs séquelles ; tout cela venant d’une fille du continent. Un crime de lèse-mélanine ! Impardonnable ! Voilà une accumulation qui rend les réactions épidermiques, car la plume est partie trop loin dans la plaie, jusqu’à l’os, sinon au cœur. Elle charrie des blessures liées au refoulement de cette histoire encore trop fraîche ; ce crime de révélation du sacré que ne pardonnent que très peu les siens.
Bilan : assez de tares pour apparaître comme la figure même de la félonie. Quand on remonte cette période, la réception du livre se fait en deux temps : l’essai est salué, la scène médiatique s’embrase, la nouveauté intrigue, l’originalité est piquante. Qui est cette jeune femme, formule-t-on in petto avec un mélange de curiosité saine et de voyeurisme. Le livre se diffuse et fige chacune des chapelles dans ses certitudes. C’est un objet brûlant que chacun se repasse. Mais très vite arrive la deuxième lame, pour contrer l’enthousiasme qui commence à épaissir. Le crash succède à l’envol. Le livre devient un phénomène malodorant : du soufre brut. Comme toujours, peu importe qu’il soit lu, ses thèses, ramenées à l’os, les découpes malhonnêtes de son propos, les interprétations malveillantes, font flores. Et les critiques abondent. Il est étonnant à les recenser de voir le nombre de textes qui se sont élevés dans les revues contre cet essai rapidement disqualifié pour ses charges qualifiées d’« excessives » ! Jean-François Revel, auteur du pamphlet Pourquoi des philosophes ? (1957) l’annonçait pour se défendre contre les attaques : la meilleure manière de tenter de disqualifier un livre, c’est de le qualifier de pamphlet. Car cela suppose l’excessif donc l’insignifiant. Mais il s’empressait d’ajouter que la vérité est toujours excessive parce qu’insupportable. Axelle Kabou, grande lectrice d’essais, a sans doute lu Revel, mais elle ne déjoue pas pour autant le piège qui se referme sur elle.
Le processus de la quarantaine
Des deux côtés des relations postcoloniales, elle est prise en étau. Récupérée par les paternalistes négrophobes ; vilipendée par les maternalistes négrophiles ! Tous parisiens, ironie du sort. Pas sûr qu’au fond du Cameroun, on eut ainsi la chance de se faire une idée… Mais peu importe. Son discours n’est ni souhaitable ni défendable, il vient faire grincer le récit porteur de la décolonisation, et qu’à ce titre, le bâillon est l’instrument efficace. Vient ensuite le temps des attaques personnelles, sur un texte qu’elle n’aurait pas écrit, sur son ascendance familiale qui entérinerait son statut d’Uncle Tom, sur ses complexes biologiques. On dégaine Frantz Fanon pour lui prêter un masque blanc et la maintenir en distanciation sociale et littéraire. On note alors le nombre impressionnant d’écrivains et d’intellectuels qui mènent le front pour la débusquer en termes peu amènes. Finalement, de débats sur l’essentiel, très peu. Celle qui est fonctionnaire internationale repart dans sa tanière. Elle ne s’épanche que très peu sur les attaques et consent à un silence, sans jamais renier, au fil des années son livre incriminé.
Dans la mécanique de sa mise à l’écart, il y a tout ou presque du rituel de l’excommunication : le blasphème originel, le rejet fanatique et fatalement le silence. C’est un mauvais filon que d’essayer dans son œuvre de responsabiliser les Africains en termes crus et sans imputer la responsabilité à l’ailleurs. Ceux qui s’y risquent ont souvent des fusils à une munition. Même habile, un tir esseulé dans la cible et c’est plus ou moins la fin de partie. Jean-Paul Ngoupande et Moussa Konaté en sont d’autres exemples avec des fortunes plus ou moins similaires. Cette ligne de crête est à risque, et tomber du mauvais côté de la barrière, celui où le reniement de soi (thèse offensive d’un essai de Bourahima Ouattara paru en 2017 chez Présence africaine) condamne à la solitude. Même Ayi Kwei Armah, auteur du merveilleux et sombre The Beautyful Ones Are Not Yet Born (1968), lui qu’on ne suspecte d’être un renégat, a dû endurer que le pape Chinua Achebe attaque son livre comme prêt de flanc à l’ennemi. De René Dumont à Stephen Smith, de L’Afrique noire est mal partie (1962) à Négrologie (2003), il s’est écoulé un douloureux temps, trois décennies, où tout ce qui s’apparente à une critique des dispositions endogènes africaines, vous faisait remonter à l’ascendance du comte Arthur de Gobineau et à ses tristes délires raciaux. Comment faire la part des choses ? Entre un racisme évident, condescendant, et la parole intellectuelle libre, critique, radicale, comme contribution à la controverse continentale et au-delà ? Peut-on sacrifier un esprit, un talent, pour la simple et bonne raison, d’un blasphème premier contre un ordre, qui plus est relatif ? Quid du débat, comme fondement académique, manière presqu’unique de tester la vérité, de la confronter, d’éprouver sa solidité et sa résistance ? Quid de l’exigence de scènes ouvertes représentatives de la diversité des opinions pour ne pas nourrir des marges déjà acquises aux marchands d’espoir qui conchient la culture ? Des questions sans doute vaines, idéalistes, mais essentielles. Aujourd’hui, Axelle Kabou ne parle plus. On s’empressera pour objecter que rien ne l’empêche de parler. Objection sans doute recevable, mais c’est oublier, la violence d’une séquence et le refuge que peut être la volonté de la tabula rasa. Malgré tout l’hygiénisme qui javellise les propos estimés inconvenants, les problèmes sont restés les mêmes et comme un pied de nez, il n’est pas sûr qu’elle eut franchement tort.
Le bref retour avant la retraite définitive ?
20 ans après Et si l’Afrique refusait le développement ? Axelle Kabou est revenue sur la scène, avec un livre historique ambitieux, Comment on en est arrivé là, publié en 2010. Fresque impressionnante qui redresse l’histoire du continent. Moins polémique, tout en gardant son rythme, son érudition, sa densité, le livre est passé relativement inaperçu. Comme si le mal était fait et que la réputation sulfureuse avait glacé les intérêts, ce volume, essentielle contribution à la discussion, est marginalisé, frappé par la malédiction. Les structures hiérarchiques, qu’elles soient religieuses ou traditionnelles et leur aura dans le continent, ont figé, de concert ou à la suite du temps colonial, les scènes africaines dans des postures immobiles. Le monde intellectuel, au lieu d’y faire entendre une note dissonante, y a apporté une certaine caution, dont le développement tardif est préoccupant. Il fut un temps, pas si vieux, par revues interposées, Senghor et Mongo Béti pour ne citer qu’eux, pouvaient s’invectiver en termes très verts, sans pour autant que la disqualification ne vienne jeter l’opprobre sur l’un des protagonistes. Il semble que ce souffle d’échanges contradictoires et vifs, qui a été actif dans une certaine mesure chez les aînés, n’infuse pas assez dans les temples actuels, où le nettoyage numérique des réseaux sociaux - et pas qu’eux - n’aidant pas, le désaccord finit toujours dans l’hostilité. Peut-être est-ce, pour le travail de l’esprit et l’univers littéraire, dont l’échange épique est l’énergie principale, la plus mauvaise des nouvelles : une apathie doucereuse, signe le plus clinique de l’extinction prochaine. Un calme relatif où la qualité des textes ne fait plus les hommes, mais les qualités morales des hommes, font les textes.
Ceci ne fait bien sûr nullement d’Axelle Kabou une sainte. Le statut d’exclue ne garantit pas le martyre, et fort heureusement. Une victime n’est pas une immaculée. Le statut de victime n’ouvre qu’un droit : celui à la justice. Il n’est pas un privilège. Inutile par conséquent de demander sa canonisation - elle s’y opposerait du reste -, mais seulement souhaiter qu’une culture de la controverse saine vienne lui rendre hommage pour éviter d’autres gâchis. L’histoire littéraire du monde regorge d’exemples d’auteurs crucifiés, d’étoiles filantes, d’œuvres monolivresques, d’injustices, mais cela fait partie du deal ; il faut consentir aux lois d’un monde marchand où la caducité peut frapper jusqu’au talent, car rien n’est acquis, pour un lectorat qui change, et un commerce qui s’adapte à la cruelle loi de la mode. À ce titre, il n’est nullement besoin de se pâmer ou d’être béat, face à Axelle Kabou. Ni d’entretenir l’image de l’écrivain maudit, déchu, contre une caste dorée. Ce serait bêtement renverser l’accusation et barboter dans les passions tristes. On se souviendra de l’enquête fouillée [i]et inestimable de Jean-Pierre Orban, sur Yambo Ouologuem et de son manuscrit « Le devoir de violence ». Où on apprend qu’il est souvent bien cavalier d’ériger rapidement des héros en martyrs, victimes pures d’injustices, car les péripéties sont souvent bien plus complexes et on y est toujours, même pour peu, dans son malheur. Ses livres sont discutables. Il faut les discuter donc et non les brûler dans ces autodafés chics qui caractérisent notre époque. Voilà la seule requête. L’échange comme filtre, pour ne pas nourrir les marges et leur appétence à la conspiration. Cette logique académique de la contradiction est la perte originelle du continent, où l’absence de scène locale, de fait momifiée ou interdite, déporte les discussions ailleurs, pour rejoindre la terrible extraversion des ressources : humaines, économiques et idéologiques. Et Axelle Kabou le note si bien, dans sans doute le flair le plus inspiré de son livre.
Boniface Mongo-Mboussa qui fut l’un des derniers à recueillir son propos à la sortie de son dernier livre, dans un remarquable entretien [ii], fleuve, mais riche, se souvient d’une femme obsédée par le travail et blessée. La défendre, c’est prendre le risque de porter une part de son opprobre sur soi. Et c’est lourd. Elle qui ne se considère pas comme « écrivain », y donne les clefs de son travail d’essayiste scrupuleuse et bosseuse. Le propos est vaste, vertigineux et tire à grands traits le portrait de ce mystère, sur lequel chaque partie, à coups de ragots, émet des hypothèses sans jamais percer à jour les vérités. Victime zéro de la nouvelle ère des excommuniées, Axelle Kabou peut s’honorer d’avoir semé une graine. Celle dont ni l’excommunication, ni les brimades ne peuvent empêcher la lente et inexorable floraison. Dans l’histoire, les censeurs ont toujours perdu en bout de course. Des victoires – et encore – immédiates, pour des défaites au long cours.
Ce texte fait partie des "Damnés de leur terre", une série proposée par Elgas, publiée une première fois sur le site béninois Biscottes littéraires, en décembre 2020. Elle revient sur des parcours, des destins, vies, de cinq auteurs africains qui ont marqué leur temps et qui restent au cœur de controverses encore vives. Axelle Kabou, Williams Sassine, Bolya Baenga, Mongo Béti, Léopold Sédar Senghor. La série est une manière de rendre hommage à ces auteurs singuliers et de promouvoir une idée chère à Elgas : le désaccord sans l’hostilité, comme le fondement même de la démocratie intellectuelle et littéraire.
Le prochain épisode est à lire sur SenePlus le 9 août.