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22 avril 2025
Culture
LE LEGS DE CEERNO SILEYMAANI BAAL
Cheikh Tidiane Gadio estime qu’il faut «sortir l’œuvre de Ceerno Sileymaani Baal de la clandestinité historique», tandis que, pour Marième Selly Kane, c’est «injuste» de continuer à maintenir dans l’oubli, l’œuvre de ce grand homme
Depuis 2016, l’Association Ceerno Sileymaani Baal (Csb) a entrepris de réhabiliter la vie et l’œuvre de Ceerno Sileymaani Baal, pour mieux faire connaître la révolution du Fouta de 1776, qui est l’une des révolutions marquantes de la sous-région sénégambienne, et qui a aboli l’esclavage de façon pacifique. Cheikh Tidiane Gadio, qui s’exprimait hier à ce colloque, estime qu’il faut «sortir l’œuvre de Ceerno Sileymaani Baal de la clandestinité historique», tandis que, pour Marième Selly Kane, c’est «injuste» de continuer à maintenir dans l’oubli, l’œuvre de ce grand homme qui a tant fait pour l’Afrique.
Ceerno Sileymaani Baal n’appartient plus simplement au Fouta, mais il est une institution. Il nous parle tous les jours, parce que son message est toujours actuel. Ses héritiers, dans la lettre et dans l’esprit, et pas juste héritiers par le sang, se sont réunis au sein d’une association. Depuis le 23 novembre, l’Association Ceerno Sileymaani Baal (Csb) et le département d’histoire de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar organisent un colloque international sur la révolution torodo. Une révolution qui a la spécificité d’avoir conduit à l’instauration du régime de l’Almaamiya, qui est quand même le premier régime démocratique de l’histoire africaine, si l’on conçoit que la révolution américaine de 1776 est venue quelque mois après et la grande révolution française de 1789, ensuite. «C’est une révolution qui a été menée par des hommes de religion qui ont été amenés, à un moment donné, à prendre les armes contre les Maures et pas contre les Satiguis (souverain des Deniyankés)», a expliqué Marième Selly Kane, membre de l’Association Ceerno Si¬leymaani Baal et par ailleurs, représentante du Gouverneur Moustapha Kane, doyen d’âge des petits-fils de CSB.
Selon elle, c’est «injuste» aujourd’hui, qu’à chaque année dans nos universités, les professeurs de Science politique ouvrent les cours sur la «révolution française» et ne «pipent» pas un seul mot sur la «révolution du Fouta». Cependant, l’Asso¬ciation Ceerno Sileymaani Baal a jugé nécessaire d’amener le débat à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, le temple du savoir, tout en privilégiant l’approche scientifique parce que des questionnements se posent. Etait-ce vraiment une Révolution ? Est-ce que tous les critères ont été respectés ?
Marième Selly Kane de répondre : «Oui, d’une certaine manière, il y a un débat d’école là-dessus. Certains vous diront que ce n’était pas vraiment une révolution, du fait que le l’effectif n’était pas énorme, et d’autres vous diront que, par la démarche et la méthodologie, c’était une révolution, et surtout elle a abouti à une Constitution».
Pour Marième Selly Kane, les recommandations de CSB sont parfaitement d’actualité et il faut les remettre au goût du jour. Elle a constaté que la révolution du Fouta est méconnue des Sénégalais et que l’on n’enseignait pas Ceerno Sileymaani Baal. Mais, cela doit changer. «Les sciences sociales nous apprennent l’état de notre démocratie. Et il faut réhabiliter l’oeuvre et les actions de CSB et ces grands hommes qui nous ont laissé un legs fondamental», a-t-elle fait savoir. Sur les principes fondamentaux des modes de gouvernance en Afrique, beaucoup de choses ont changé. «Aujourd’hui, on voudrait que les gens apprennent les idéaux et les chartes de CSB. En ce moment, il est évident que la jeunesse africaine va prendre en charge sa destinée», a-t-elle souligné.
«Il faut sortir l’œuvre de Sileymaani Baal de la clandestinité historique»
Dr Cheikh Tidiane Gadio, qui s’exprimait à l’occasion de ce Colloque international sur Ceerno Sileymaani Baal et la révolution du Fouta de 1776, estime, quant à lui, que ce colloque est extrêmement important. Figure emblématique de l’histoire du Fouta, dans sa vision prophétique, Ceerno Sileymaani Baal avait bâti un système qui inspire encore les démocraties modernes. Et selon Cheikh Tidiane Gadio, l’Afrique commence non seulement à célébrer ses héros, mais également à les reconnaître pour leurs contributions. Il estime, par ailleurs, que c’est bien de chanter les ancêtres, de montrer qu’ils étaient grands, mais cela ne règle pas le problème «si nous n’avons pas les moyens d’apprendre d’eux et voir comment on peut mettre en œuvre leur modèle et leur exemple», souligne-t-il.
Et de poursuivre : «La grande question que je me pose, c’est comment Ceerno Sileymaani Baal a été un homme d’une brillante expertise, non seulement en matière de religion, mais aussi en matière de société et d’institution politique ? Comment il a pu proposer un tel système au Fouta ? Pourquoi on n’arrive pas à faire autant ou à faire mieux ?». Comme tous les visionnaires, Cheikh Tidiane Gadio trouve que Ceerno Sileymaani Baal a dépassé son siècle, il a même dépassé les siècles suivants, et il nous l’a prouvé.
Dans le même sillage, il déclare que : «Il faut sortir l’œuvre de Sileymaani Baal de la clandestinité historique et même essayer de poser la question : pourquoi, il y a une tentative d’étouffer, d’effacer, d’ignorer ou d’isoler son œuvre ?» Toujours selon lui, en répondant à ces questions, ça aidera peut-être d’autres grands innovateurs, d’autres grand héros de la cause africaine au Fouta, dans le reste du Sénégal et peut être en Afrique, qui subissent encore les affres de l’anonymat, de la non-reconnaissance, à régler ce problème. «La pensée politique de Ceerno Sileymaani Baal est incontestable et toujours d’actualité. Il était un homme vertueux, un érudit, un homme compétent.
Et l’Afrique souffre aujourd’hui de tout ce qu’il a dénoncé à l’époque», a-t-il fait savoir. Pour vulgariser davantage l’idéologie de Ceerno Sileymaani Baal dans le monde, Cheikh Tidiane Gadio estime que c’est tout à fait possible, parce qu’il y a, aux Etats-Unis et partout en Afrique, des grands historiens et Afro-Américains, panafricanistes, si on leur donne les actes de ce colloque, ça peut être le début d’un mouvement sur l’œuvre de Ceerno Sileymaani Baal. Il faut noter également, qu’au-delà de ce colloque marquant le 245éme anniversaire de la révolution du Fouta, il y avait un brassage culturel entre l’Association Ceerno Siley¬maani Baal et la Fondation Khaly Amar Fall de Pire, invité d’honneur du colloque. «Les belles relations, que nous sommes en train de tisser ou que nous pourrons tisser à partir de ce moment entre héritiers de Khaly Amar Fall et Ceerno Sileymaani Baal, sont le fruit d’une vie passée ensemble et d’un itinéraire partagé entre leurs ascendances dans leurs quêtes religieuses, mais aussi pour le contrôle de la vie politique de leur communauté d’origine au Fouta», a expliqué Modou Fall, professeur de Chimie a la Faculté des sciences et techniques de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.
«A NOUS, HOMMES ET FEMMES DE CULTURE DE METTRE NOTRE TOUCHE POUR QU’IL Y AIT LA PAIX, LA CONCORDE ENTRE LA GUINEE ET LE SENEGAL»
Sansy Kaba Diakite, directeur général des éditions l’Harmattan Guinée
Les relations entre la Guinée Conakry et le Sénégal ont souvent été tendues. La fermeture des frontières entre les deux pays pendant l’épidémie d’Ebola et les élections présidentielles guinéennes ont beaucoup impacté sur la libre circulation des personnes et des biens. Face à cette situation, des hommes de culture ont décidé d’apporter leur touche pour que la paix revienne. A travers le projet dénommé Concorde Guinée-Sénégal (C.G.S), l’ancien ministre de la Culture et ancien ambassadeur du Sénégal à Conakry, Makhily Gassama et le directeur général des éditions l’Harmattan Guinée, Sansy Kaba Diakité veulent raffermir les liens entre les deux pays. Dans cet entretien que M. Diakité, de passage à Dakar, nous a accordé, il revient sur l’origine du projet et ses objectifs. Le Commissaire général du Salon du livre de Conakry, communément appelé «les 72 heures du livre» est d’avis que la littérature peut bien réussir là où les politiques ont échoué.
Avec d’autres hommes de culture, vous venez de mettre en place le projet Concorde Guinée-Sénégal. De quoi s’agit-il et d’où est venue l’idée ?
Nous avons été choqués pendant des mois. C’est un peu pour soigner les blessures qui ont été faites pendant la fermeture des frontières. La Guinée et le Sénégal sont unis par la culture et par l’histoire. On ne peut pas séparer ces deux pays ; mais à cause d’une crise politique et diplomatique, on a compris que les deux chefs d’Etat étaient fâchés et ça a impacté les populations des deux côtés des frontières. Ce qui a créé beaucoup de choses catastrophiques aussi bien du côté guinéen que du côté sénégalais. Parce qu’il y a beaucoup de Guinéens qui viennent au Sénégal, beaucoup de Sénégalais qui viennent en Guinée et nous savons qu’au niveau de la CEDEAO, c’est la libre circulation et des biens et des citoyens. Donc, ça a causé beaucoup de difficultés et nous, hommes de culture, professionnels du livre, intellectuels, nous nous sommes dits qu’on ne peut pas rester en marge de cela. Il faut faire bouger les lignes. Il faut parler. Il faut faire des actions pouvant ramener les deux hommes politiques à la raison, pour que les relations historiques et culturelles entre le Sénégal et la Guinée puissent se raffermir. Donc, c’est le but. Il y avait une crise et on souhaite aujourd’hui renforcer les liens d’amitié et de solidarité entre le Sénégal et la Guinée. C’est pourquoi on a souhaité, à travers des hommes et des femmes qui ont marqué les deux nations, faire des tables rondes, des conférences, une activité sportive, une pièce de théâtre et à travers la culture et le sport vraiment permettre les échanges réels entre les deux pays pour que les jeunes puissent mieux connaître l’histoire pour savoir que des Sénégalais ont fait des choses exceptionnelles en Guinée, des Guinéens ont fait des choses exceptionnelles au Sénégal. Donc, pour nous, le couple Sénégal Guinée doit pouvoir maintenir de très bonnes relations culturelles, diplomatiques, historiques pour le bien des deux nations. Il y avait une crise. Pendant l’épidémie d’Ebola, le Sénégal avait fermé ses frontières, à juste raison. Pendant les élections en Guinée, les autorités étaient sur la pointe des pieds. Elles ont fermé les frontières. Il y a eu des frustrations des deux côtés. Maintenant, revenons à la raison. Ces deux pays méritent mieux. Il faut qu’on renforce les liens d’amitié et de solidarité entre le Sénégal et la Guinée.
Comment comptez-vous déroulez votre programme ?
Vous savez, nous sommes unis par le professeur Djibril Tamsir Niane, El Oumar Tall, Camara Laye, Keïta Fodéba, David Diop, Amadou Matar Mbow, par de grandes personnalités qui ont marqué les deux pays. Nous nous disons : «l’acte que le Sénégal a réalisé quand le professeur Djibril Tamsir Niane est décédé, même si c’était de Covid-19, le Sénégal a envoyé un avion spécial avec la dépouille du professeur en Guinée». Ça, c’est un acte salutaire. Je pense qu’il faut saluer les autorités sénégalaises pour la grandeur, vraiment les remercier pour ce travail qu’elles ont fait pour les deux nations parce que Djibril Tamsir Niane appartient aux deux nations. Djibril Tamsir Niane avait fait un travail sur la Charte de Kurukan Fuga. On souhaiterait jouer cette pièce par le Théâtre national de Guinée au Théâtre national Daniel Sorano de Dakar. On souhaite revenir sur le parcours de ces grands hommes qui ont marqué l’histoire entre les deux pays à l’université de Dakar, à travers des tables rondes, des conférences, une exposition. On va exposer les œuvres d’art des deux pays au niveau du Musée des Civilisations Noires. On souhaite faire une activité sportive, une campagne médiatique pour parler de l’histoire entre les deux pays. On souhaite aussi créer une chanson entre des chanteurs sénégalais et guinéens pour vraiment faire passer le message sur l’histoire et la culture entre les deux pays. Donc, aujourd’hui, nous avons une base pour cette chanson. Des artistes sénégalais et guinéens vont poser là-dessus pour le bien des deux communautés. On va terminer par un match de gala entre deux symboles, Naby Keïta et Sadio Mané qui jouent dans le même club, qui étaient aussi frustrés par la fermeture des frontières et puis montrer à la face du monde que le Sénégal et la Guinée s’aiment, entretiennent de bonnes relations. Ce n’est pas les crises au sommet de l’Etat qui vont créer des difficultés entre les deux peuples. Il y a autant de Guinéens au Sénégal que de Sénégalais en Guinée. On doit pouvoir donner l’exemple aux autres pays d’Afrique de l’Ouest. Si on réussit entre le Sénégal et la Guinée, on va faire la même chose pour les autres pays. Je pense que l’Afrique a besoin d’unité pour vraiment renforcer sa capacité et aller vers l’émergence.
Avez-vous les moyens de vos ambitions ?
Nous avons les moyens de nos ambitions. C’est pourquoi on a commencé par ce qu’on sait faire. Sur le plan culturel, les éditeurs vont se mettre ensemble pour faire sortir des livres. Les écrivains vont écrire ensemble sur l’histoire, la culture entre les deux pays. Ces livres-là seront présentés pendant l’évènement. Les sportifs vont jouer leur partition et nous pensons que les politiques et les diplomates vont nous suivre parce que rien ne vaut la paix. La paix est fondamentale pour la stabilité, le développement et puis nous sommes dans un moment opportun. Il y a de nouvelles autorités en Guinée. Les frontières ont été ouvertes par le président Mamady Doumbouya qui met le rassemblement, l’unité, la paix, la cohésion des peuples au cœur de la transition. Je pense que c’est une opportunité pour nous de relancer toutes ces activités entre la Guinée et le Sénégal. Moi, je sais qu’il y a beaucoup d’étudiants guinéens au Sénégal ; il y a beaucoup d’étudiants sénégalais en Guinée. Ces gens-là ont souffert. Ces deux peuples-là s’aiment. Il faut qu’on arrête. Il faut qu’on se respecte. Il faut qu’on dialogue. Il faut qu’on fasse des choses pour pouvoir vraiment aider nos populations. Donc, ça ne sert à rien de se fâcher, de se créer des difficultés inutiles et pourtant nous sommes liés par la culture et par l’histoire.
Vous avez parlé beaucoup d’écrivains. Aujourd’hui, la littérature peut-elle réussir là où la diplomatie a échoué ?
Je pense que c’est vrai. La littérature est un outil aussi de diplomatie. Là où les politiques n’ont pas pu dialoguer, nous, déjà entre professionnels du livre, on a dialogué. Le Sénégal a été invité d’honneur en Guinée. La Guinée a été invitée d’honneur ici. On a continué, malgré la situation de crise, à communiquer. On a monté le projet Concorde Guinée-Sénégal, ici au Sénégal. On a monté en Guinée. On a continué à échanger, à travailler ensemble, à parler de façon diplomatique, discrète, avec nos hommes politiques, pour apaiser les choses, pour faire en sorte que les choses puissent se calmer et qu’il y ait réouverture. Donc, la littérature peut réussir là où les politiques ont échoué. Je pense que c’est le rôle des hommes de culture souvent de réussir dans des endroits où les autres n’ont pas pu réussir.
L’ex président guinéen, Alpha Condé, avait un peu des relations tendues avec son homologue du Sénégal. Aujourd’hui, son départ contribue-t-il à raffermir les liens entre les deux pays ?
Je pense que le président Alpha Condé aimait beaucoup le Sénégal. Il ne faut pas qu’on se le cache. Ses meilleurs amis étaient des Sénégalais. Il s’est marié au Sénégal. Ce qui s’est passé, c’est possible. Nous sommes des êtres humains, nous comprenons ça. Et, malheureusement, on n’a pas pu résoudre pendant son mandat. Mais, dès qu’il est parti, le président Mamady Doumbouya, conscient du mot clé de la transition qui est le rassemblement, l’unité, la paix, la justice, a toute de suite pris l’engagement de rouvrir les frontières, à résoudre le problème. Je pense qu’aujourd’hui, les choses sont calmes. Il y a la libre circulation des biens et des populations ; mais cela ne veut pas dire que les choses sont complètement résolues. Donc, à nous les hommes et les femmes de culture de mettre notre touche là-dessus pour que ça soit véritablement fait, qu’il y ait la paix, la concorde entre la Guinée et le Sénégal parce que nous ne méritons pas de nous fâcher entre nous.
AFFAIRE MISS SENEGAL, PLUS DE 200 PLAINTES CONTRE AMINA BADIANE
Plusieurs femmes ont fait le déplacement, ce matin, au palais de justice de Dakar, pour déposer leur plainte contre Amina Badiane. Elles reprochent à la présidente du comité d’organisation de Miss Sénégal les faits d’apologie de viol
Emédia |
Cheikh Moussa Fall |
Publication 25/11/2021
Plusieurs femmes ont fait le déplacement, ce matin, au palais de justice de Dakar, pour déposer leur plainte contre Amina Badiane. Elles reprochent à la présidente du comité d’organisation de Miss Sénégal les faits d’apologie de viol suite à ses propos qu’elle avait tenus lors d’une interview. A l’heure où nous mettions cet article en ligne, plus de 200 plaintes ont été déposées dans le bureau du procureur de la République. « Plus de 200 plaintes ont été déposées et pendant toute la journée les femmes passeront au palais de justice de Dakar pour déposer d’autres plaintes. Ce qui est important c’est de savoir que ce jour a été dédié aux dépôts des plaintes des femmes sénégalaises au niveau du bureau du procureur contre Mme Aminata Badiane pour apologie du viol. Et nous sommes confiantes que ce dossier sera bien traité et que nous obtiendrons gain de cause », a indiqué Maïmouna Astou Yade.
S’exprimant après le dépôt de sa plainte, elle a déclaré que la dame a tenu des propos graves dans un Etat de droit et dans un pays où le viol est considéré comme étant un crime depuis 2019. « La mobilisation est spontanée. Nous nous sommes dits qu’il était essentiel pour nous de montrer à tout le Sénégal que les femmes ne peuvent pas accepter qu’on fasse l’apologie du viol et que cette affaire est extrêmement grave. Les femmes sont venues individuellement déposer leurs plaintes », précise-t-elle.
« Nous demandons que la licence soit confiée à d’autres personnes de bonne moralité »
Pour sa part, Nina Penda Faye, journaliste, activiste et féministe a dit clairement qu’on ne peut pas accepter que des gens puissent émettre des propos pareils. « Je ne vais pas les répéter parce que c’est insulter toutes ces femmes qui sont des présumées victimes de viol ou qui sont violées. On se bat tous les jours pour que les filles ne soient pas victimes de viol, pour que les femmes ne soient pas victimes de viol. On ne peut pas concevoir qu’une femme qui est censée être de bonne moralité dirigée un comité qui organise une élection Miss Sénégal qui est une élection qui sublime la femme sénégalaise, la femme africaine, qui montre son intellectualité, qui montre sa culture générale, son savoir-faire et sa beauté nous dire une phrase pareille. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes levées pour dire qu’il est hors de question d’accepter des propos pareils. C’est inacceptable », a-t-elle soutenu.
Les associations de femmes exigent désormais que la licence lui soit retirée : « Il faut confiée Miss Sénégal à d’autres personnes de bonne moralité. Des personnes qui sauront quoi faire et qui sauront encadrer nos sœurs et nos filles qui sont candidates pour ces élections ».
Pour mémoire, cette plainte collective fait suite à un élan de solidarité né sur les réseaux sociaux envers Mamico et Kader Gadji. Ces derniers ont été visés par une plainte d’Amina Badiane pour diffamation. Les avocats de la présidente du comité ont aussi porté plainte contre X.
L’ŒUVRE DE THIERNO SOULEYMANE BAAL DONNEE EN EXEMPLE A LA JEUNESSE
HISTOIRE Colloque sur la révolution du Fouta de 1776
Faire mieux connaître la révolution du Fouta de 1776 : c’est l’un des objectifs du colloque de deux jours, qui se déroule depuis hier à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Les organisateurs veulent ainsi vulgariser ce pan important de la période pré- coloniale.
La révolution du Fouta de 1776 est antérieure à celles française et américaine, mais elle n’est pas bien connue. C’est tout le sens du colloque organisé par le département d’Histoire de l’Ucad, en collaboration avec l’Association Ceerno Sileymaani Baal. Avec cette rencontre de deux jours où sont attendus des experts, les organisateurs veulent vulgariser ce pan important de l’histoire du Sénégal et aussi montrer à la jeunesse, les enseignements et l’œuvre de Thierno Souleymane Baal, leader de cette révolution de 1776.
Insistant sur le fait que cette révolution s’est accomplie «sans violence notable», le président de l’Association Ceerno Sileymaani Baal souligne que «c’est un exemple historique parmi d’autres, qui montre que la réforme progressiste, le consensus social, la démocratie, la bonne gouvernance, le rejet de la dévolution monarchique du pouvoir, l’accaparement des ressources publiques, l’humanisme sont consubstantiels du legs historique endogène de l’Afrique précoloniale». Abondant dans le même sens, le Doyen de la Faculté des lettres et sciences humaines, qui a représenté le Recteur de l’Ucad à l’ouverture de ce colloque, estime que faire connaître cette période «est d’autant plus important, dans un contexte où il est plus que jamais nécessaire de donner à notre jeunesse des modèles africains».
Cela, ajoute Pr Alioune Badara Kandji, «pourrait les inspirer et leur montrer que l’Afrique ne souffre pas de figures importantes, qui constituent des références». C’est aussi l’avis du ministre de la Culture qui a présidé cette rencontre. Pour Abdoulaye Diop, «ce colloque sera l’occasion de revisiter notre passé comme base de notre présent et de notre futur, pour un Sénégal émergent à travers la célébration des figures comme Thierno Souleymane Baal». Parlant de la figure de la révolution de 1776, le ministre le décrit comme «un visionnaire qui incarnait des valeurs, un engagement politique et intellectuel».
Et M. Diop de poursuivre : «Le leader de la révolution du Fouta a symbolisé l’existence, en Afrique, des pouvoirs, qui ne sont ni hiérarchiques ni verticaux, mais horizontaux. Ses valeurs et ses idées démontrent le niveau d’avancement des organisations africaines du 17ème siècle, prônant une société basée sur la justice, la paix, et contre la domination et l’oppression.»
Ainsi, selon le ministre de la Culture, «nous pouvons, à travers la révolution Torodo, démontrer que les Africains se sont battus pour une société égalitaire, loin des prétentions d’une soi-disant ambition civilisatrice coloniale tournée vers l’exploitation, la division, la domination de peuples qui ont eu le malheur de la subir». Dans son allocution, M. Diop a également invité les historiens à aider à mieux faire comprendre «les articulations essentielles de notre patrimoine, notre culture et notre histoire, pour en tirer des leçons.»
LE THÉÂTRE DANIEL SORANO BIENTÔT EN RÉFECTION
Le ministre de la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop, a déclaré, mardi, vouloir refaire de la compagnie du Théâtre national Daniel-Sorano un instrument de promotion de la diplomatie culturelle sénégalaise
Dakar, 23 nov (APS) – Le ministre de la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop, a déclaré, mardi, vouloir refaire de la compagnie du Théâtre national Daniel-Sorano un instrument de promotion de la diplomatie culturelle sénégalaise.
Dans un communiqué, M. Diop a rappelé que cet établissement culturel et artistique était au service de la diplomatie du pays, sous la présidence de Léopold Sédar Senghor (1906-2001), de 1960 à 1980.
Le ministre de la Culture et de la Communication loue ‘’le talent, le savoir-faire et le dynamisme’’ des artistes de la compagnie du Théâtre national Daniel-Sorano, inaugurée le 17 juillet 1965 par le premier président de l’Etat du Sénégal.
‘’Le ministre a promis de plaider pour que ‘Sorano’ puisse reprendre sa place d’antan dans la diplomatie culturelle et le rayonnement de la culture sénégalaise sur le plan international’’, lit-on dans le communiqué.
Abdoulaye Diop a visité le Théâtre national Daniel-Sorano, jeudi dernier, à la suite des travaux de rénovation de l’établissement culturel.
Lors de sa visite, il a assisté à un spectacle animé par l’Ensemble lyrique traditionnel de Daniel-Sorano, avec les voix de plusieurs artistes dont Arame Kamara et Marie Ngoné Ndione.
Le directeur général de la compagnie du Théâtre national Daniel-Sorano, Abdoulaye Koundoul, a présenté au ministre de la Culture et de la Communication tous les compartiments rénovés du bâtiment âgé de 56 ans, selon le communiqué.
M. Koundoul a assuré Abdoulaye Diop de la volonté du ballet ‘’La Linguère’’, de la Troupe nationale dramatique et de l’Ensemble lyrique traditionnel de contribuer au ‘’rayonnement culturel’’ du pays.
Vitrine de la créativité artistique et culturelle du Sénégal, la compagnie du Théâtre national Daniel-Sorano a accueilli les manifestations du premier Festival mondial des arts nègres, en 1966
De nombreux spectacles nationaux et internationaux, dont une présentation des pièces de théâtre ‘’La tragédie du roi Christophe’’, d’Aimé Césaire (1913-2008), et ‘’L’os de Mor Lam’’, de Birago Diop (1906-1989), s’y sont déroulés.
Maurice Sonar Senghor (1926-2007), un neveu de Léopold Sédar Senghor, a été son premier directeur.
KPAMAN, UN METS MÉCONNU DES SÉNÉGALAIS
Au Sénégal, la peau de bœuf rentre dans la transformation du cuir. Avec l’inexistence de tannerie moderne, elle est devenue l’affaire des femmes maures établies à Wakhinane Nimzat, dans le département de Guédiawaye.
Au Sénégal, la peau de bœuf rentre dans la transformation du cuir. Avec l’inexistence de tannerie moderne, elle est devenue l’affaire des femmes maures établies à Wakhinane Nimzat, dans le département de Guédiawaye. Le produit fini est acheté par les cordonniers qui en font divers usages.
Toutefois, appelée "akpama" par les Béninois et "Kandé" par les Nigérians, la peau de bœuf est une spécialité culinaire de plusieurs pays d’Afrique de l’ouest, comme la Sierra Leone, le Ghana et même la Guinée Conakry.
Depuis son arrivée à Dakar, en 2008, Christopher s’est lancé dans ce commerce. Au marché castors, sa table est bondée d’ignames, de la semoule de manioc, etc. Mais la peau de bœuf, découpée en gros morceaux, est mise au premier plan. Une façon d’attirer l’attention des clients. "C’est une mine d’or à bon marché. Le prix varie entre 1000 et 3000 FCFA selon les morceaux. Vraiment, je m’en sort très bien", avoue le jeune Nigérian.
À quelques mètres de Christopher, une vieille dame de nationalité togolaise somnole derrière son petit commerce. Elle est l’une des clientes préférées du jeune Nigérian. L’art culinaire n’est plus un secret pour cette sexagénaire. " Chez nous, la peau de bœuf va avec tous les plats : la sauce au gombo, accompagnée du foufou, l’adémé, le bouillon, mais également tous les plats à base de feuilles de tubercules", explique-t-elle. Avant de confier dans un ton ironique que les Guinéens apprécient la peau dans "Mborokhé".
FESTIVAL DU FILM, SAINT LOUIS AU COULEUR DU CINEMA
La 12ème édition du Festival international du film documentaire de Saint-Louis (nord) va projeter 30 films provenant de 17 pays, dont 14 seront en compétition officielle, a annoncé Souleymane Kébé
Dakar, 22 nov (APS) – La 12ème édition du Festival international du film documentaire de Saint-Louis (nord) va projeter 30 films provenant de 17 pays, dont 14 seront en compétition officielle, a annoncé Souleymane Kébé, un des organisateurs de cet évènement culturel (14-18 décembre prochain).
’’Les projections se feront en plein air dans les quartiers de la ville tricentenaire et au centre Aminata de Gandiol’’, a-t-il indiqué lors d’une conférence de presse. Selon lui, ces films viennent du Sénégal, de l’Afrique du Sud, du Burkina Faso, du Lesotho, de la Suisse, de la Tunisie, entre autres.
Kébé, de ’’Sunù films’’, l’une des structures organisatrices du festival, précise qu’ils seront projetés dans 15 lieux différents, à Saint-Louis.
Il a ajouté que pour cette édition, le réalisateur, chef opérateur burkinabè, Mickel Zongo, sera honoré ‘’pour l’ensemble de sa carrière’’, riche d’une quinzaine de films. Souleymane Kébé a aussi dit que trois longs métrages, réalisés par Michel Zongo et deux films dont il a participé à la production, seront projetés durant le festival du film documentaire de Saint-Louis.
Il a précisé que le réalisateur burkinabè animera un master class, pour expliquer sa démarche artistique et ses choix cinématographiques.
Kébé a aussi annoncé qu’un ‘’sargal’’ (récompense) sera organisé en son honneur, le 18 décembre prochain.
Lors de ce Festival du film documentaire de Saint-Louis, a-t-il fait savoir, trois ‘’café conférences’’ de cinéastes invités sont aussi inscrits dans le programme, qui prévoit aussi une résidence d’écriture. ‘’La résidence d’écriture va accompagner le développement de six projets de films algériens et sénégalais’’, précise Kébé, qui avait à ces côtés Mounirou Baro de la direction de la cinématographie.
Il était aussi en compagnie de Mélanie Sadio de la délégation Wallonie-Bruxelles à Dakar, qui a doté le prix court métrage de la compétition d’un montant de 2000 euros.
Souleymane Kébé a indiqué que le prix du long métrage, dont le montant n’a pas été divulgué, sera lui soutenu par TV5 Monde.
Le jury de la 12ème édition du festival international du film documentaire de Saint-Louis sera présidé par la réalisatrice et productrice sénégalaise, Angèle Diabang.
Elle aura à ses côtés, les réalisateurs Toumani Sangaré (Mali/ Sénégal/France) et Aïcha Thiam (Sénégal), le critique d’art sénégalais Sylvain Sankalé et son compatriote le photographe, Massow Ka.
Le festival documentaire de Saint-Louis va accueillir pour la première fois, un jury de la critique africaine. Ses membres Théodora Sy Sambou, Massiga Faye et Mamadou Oumar Kamara, journalistes et critiques de cinéma, font partie de l’association sénégalaise de la critique cinématographique (ASCC).
par Felwine Sarr
ÉCRIRE AU MILIEU DES CRIS
EXCLUSIF SENEPLUS ET SUD QUOTIDIEN - La parole nécessaire de Mbougar Sarr face à ceux qui ferment les yeux sur la maltraitance des enfants, sur les violences conjugales et qui se piquent quand quelqu’un ose affirmer l’inaltérable dignité des humains
Il fallait attendre que la clameur s’apaise quelque peu et que les cris stridents qui avaient irrité nos oreilles s’estompent, pour que nous prenions la parole.
De quoi s’agit-il ? Un jeune écrivain sénégalais de 31 ans qui écrit un roman majestueux, La Plus Secrète Mémoire des Hommes, qui est son quatrième opus, qui reçoit le plus prestigieux prix littéraire en langue française, le prix Goncourt, un siècle après le Guyanais René Maran en 1921. Après une première salve de félicitations unanimes, mâtinées de fierté nationale, les cris d’orfraie d’une frange de nos concitoyens qui l’accusent de tous les maux de Nubie, retirent leurs félicitations, le vouent aux gémonies en ressortant des placards son précèdent roman, De purs hommes, qui n’avait pourtant pas fait débat à sa parution en 2018, ainsi qu’une satire de jeunesse qu’il avait écrite, et prétendent qu’il a obtenu ce prix pour s’être fait le chantre de l’homosexualité, de l’aliénation culturelle et je ne sais quelle autre supposée plaie d’Égypte…, bref le charivari habituel. Ces derniers entretiennent savamment une confusion sur le livre primé, par des collages de textes destinés à nourrir les amalgames, mais surtout, par un procédé désormais connu, évacuent son travail littéraire et le sens de celui-ci, pour ramener leurs obsessions complotistes et leurs complexes victimaires au cœur de ce que l’on ne pourrait qualifier de débat tellement la parole qui la porte est indigente, fausse, mensongère et superficielle.
Une éthique dégradée de la parole semble hélas être le signe de nos temps. Les nouveaux lieux d’une expression censée être ouverte, libre et démocratique, que sont les réseaux dits sociaux, sont devenus dans leur versant obscur, des dépotoirs de la haine ordinaire, des espaces de procès sans appels et des lieux d’exécutions sommaires. Une cohorte de bourreaux en mal d’emploi y organise la vindicte populaire et la lapidation jouissive ; souvent y règle leurs comptes avec la société ou avec le vacuum de leur propre existence.
Faut-il répondre sur le fond, expliquer que le Goncourt ne prime pas une œuvre littéraire ni un parcours, mais un livre, que les jurés dudit prix pour la plupart ignoraient les précédents romans de Mbougar, que leur géopolitique était surtout littéraire. Allons-nous primer un roman classique ? Un texte complexe aux récits enchevêtrés ? Quels imaginaires nouveaux ces textes finalistes véhiculent-ils, sont-ils écrits dans une langue singulière, que disent-ils aux temps qui sont les nôtres ? Tels étaient leurs questionnements.
Faut-il expliquer tout ceci aux oreilles qui n’entendent pas et opposer des arguments rationnels et des faits à ceux dont les motivations profondes se logent hors de la raison et de la réalité nue ?
Il se joue au sein de notre société une bataille culturelle, menée par ceux qui estiment détenir la clef d’une authenticité sénégalaise sinon africaine ; chantres d’un récit, d’une eschatologie, d’un costume, d’une langue, d’un oratorio, d’une vision monochrome et souvent dichotomique du monde avec d’un côté les bons, et les méchants de l’autre. Ceux-là sont rejoints par une horde de nativistes identitaires qui refusent aux autres les inculturations qu’ils ont pourtant eux-mêmes opérées avec les éléments d’une culture venue d’ailleurs. S’y ajoutent, agglutinés et hallucinés, une foule de poujadistes qui réduisent le réel à la surface de leur propre dimension et demandent à tous d’habiter ce monde étriqué qu’ils proposent.
Les peuples du monde pratiquent pourtant depuis l’aube de l’humanité l’assimilation créatrice d’éléments venus d’ailleurs tout en restant eux-mêmes, en se métamorphosant et en se réinventant. Et les gardiens d’un temple longtemps défraîchi voudraient nous empêcher de faire notre miel de tous nos héritages, y compris parfois par une étrange haine de soi, de notre part négro-africaine. Cette même haine de soi rend suspecte toute reconnaissance de l’un des nôtres, venue d’ailleurs. Celle-ci ne peut-être le fait simple du talent du récipiendaire, celui-ci aurait forcement vendu son âme au diable.
Voici une société qui ferme les yeux sur la maltraitance de sa petite enfance, sur ses violences conjugales, ses incestes, sur l’exploitation et le piétinement du plus faible, sa fureur et sa violence quotidienne, et qui se pique quand quelqu’un ose affirmer l’inaltérable dignité des humains.
De tous ces maux, nous avons notre part de responsabilité. Pour avoir laissé pendant des années le champ libre à la propagande furieuse, à la réduction du réel et à la non-pensée. Pour avoir assisté sans rien faire à la dégradation de la parole, notamment plurielle. Pour avoir laissé dépérir les lieux d’éducation, d’édification et de culture de l’âme et de l’esprit. Pour n’avoir rien dit lorsque des censeurs autoproclamés se sont permis de nous dicter que voir, que lire, que comprendre, …. Pour avoir passivement assisté au désarmement moral de la société.
Depuis quelque temps, sous nos cieux, des censeurs prétendent indiquer le partage du visible, du sensible, de l’intelligible, de ce qui de nos vies est montrable ou pas. Du haut de leur monticule, ils tentent d’ériger leurs frayeurs en normes pour le grand nombre. C’est toujours ainsi que les fascismes commencent. Quelques individus terrorisent la foule et on les laisse faire. Sidérés, paresseux, trop occupés, on retarde le moment d’affronter la bête qui deviendra immonde un jour si on ne l’arrête pas à temps. Le désastre qui nous guette et qui déjà projette son ombre, est celui de la démission de la pensée et de la créativité, lorsque celle-ci, intimidée par la violence verbale et symbolique, déserte nos espaces quotidiens. C’est à cette nuit-là qu’il ne faudra pas consentir.
La littérature n’est pas la littéralité ; elle est écart. C’est une cérémonie qui initie les lecteurs aux secrets de l’existence. Un écrivain est quelqu’un qui décide de prendre la parole pour révéler ses mondes intérieurs, la réalité telle qu’elle est et non telle que certains aimeraient qu’elle soit. S’adresser à ses semblables dans l’intimité de leur solitude, révéler les mondes que portent les individus dans leurs contrastes, leurs tensions existentielles, leur casuistique intime, et dire ce qui fait de nous des humains ; ni anges ni démons, mais oscillant entre lucidité et ferveur. Un écrivain n’est pas là pour conforter l’ordre établi ou la moraline dominante, il révèle les infinis possibles de la vie et de l’existence, qu’il fait advenir à notre conscience et ainsi, élargit notre réalité et nous fais habiter un monde plus vaste.
Qu’un écrivain de 31 ans ait eu le courage et la lucidité, dans l’un de ses ouvrages, de tendre un miroir à une société qui se dit pieuse et pétrie de valeurs, mais qui déterre les corps d’individus accusés ou suspectés d’homosexualité, les profane, violente leurs cadavres, les traîne dans la rue et refuse l’ultime dignité d’une sépulture à un être désormais défunt, oubliant qu’enterrer nos morts, c’est ce qui fait de nous des humains, est salutaire pour nous tous. Écrire c’est rendre proche nos semblables, en reconnaissant leur humanité. Écrire, c’est parfois rappeler aux humains leur part lumineuse.
Que répondre aux cris, aux éructations d’individus qui n’ont pas lu, ne savent lire, ne veulent lire et n’ont pas besoin de lire pour clouer au pilori, et qui craignent de se laisser habiter par l’inquiétude de la pensée et le tremblement (vacillement) de leurs certitudes. Que répondre à ceux qui ne savent pas passer du cri à la parole ?
Répondre serait reconnaître la légitimité de leur tribunal auto-institué d’inquisiteurs aux passions tristes. Ne peuvent réellement converser que ceux qui ont creusé dans la solitude de leur antre et y ont trouvé quelques lueurs à partager. Autrement le dialogue est sans poids. Comment alors parler sans affaiblir la parole ?
Nous écrivons pour éviter que par saturation de l’espace, la mauvaise parole ne finisse par définitivement chasser la bonne. Il y a dans ce pays et ce continent des jeunes gens qui rêvent d’écrire, de créer, de penser la vie et le monde, d’en explorer les richesses infinies. C’est à eux que s’adresse ce texte. Que nul n’effraie leur esprit et n’inhibe leur génie créateur.
On ne préserve pas les valeurs d’une société. Il n’y a que les valeurs fragiles (pas assez ancrées en nous) qui réclament qu’on les défende. Les valeurs justes se vivent, s’incarnent, silencieusement se donnent en exemple ; elles inspirent. Et là les humains les imitent et tentent de se les incorporer, éclairés et éblouis par leur sillage lumineux. Parce qu’au fond, si ces thuriféraires étaient assez ancrés dans la part lumineuse de leurs héritages, ils ne craindraient pas les autres cultures, y compris leur part ombrageuse. Leur lumière serait dévoreuse d’ombre. On ne défend que les valeurs que l’on a déjà perdues. Celles-ci ne hurlent pas au cœur de la nuit. Elles parlent délicatement à nos oreilles.
Ici, que l’on ne s’y trompe pas, la vertu se trouve du côté de Mbougar Sarr. Heureusement pour ce pays que demeurent des foyers ardents de production d’éthique et d’excellence. Les valeurs de jom, de fulla et de dëggu du pays profond et l’excellence et la rigueur du Prytanée militaire de Saint-Louis, ont trouvé à s’incarner chez ce jeune homme de 31 ans, droit dans ses bottes, lucide, talentueux et courageux. Il nous rappelle à nos honneurs perdus et à nos rêves longtemps désertés. Il s’agit pour nous de nous déterminer en toute conscience et de choisir le versant de l’humanité que l’on souhaite habiter. Nous n’avons pas besoin d’être nombreux pour cela, il nous faut juste être résolus et peut-être sauverons-nous ce pays de l’obscurité qui le guette. Il s’agit de tenir ferme le front de la liberté de créer, d’imaginer, de penser et de dire.
Qu’il est important pour une jeunesse d’avoir des figures de l’excellence ! Lorsque nous étions adolescents et que nous rêvions de l’esprit, nous avions comme modèles des ainé(e)s qui réussissaient brillamment dans les humanités et les sciences dures partout dans le monde. La rumeur nous faisait parvenir leurs noms et leurs cursus, nous savions qu’untel était major de sa classe préparatoire, un autre de Polytechnique ou de l’EPT de Thiès, d’autres excellaient au MIT, au Japon, à L’École militaire de santé, untel encore avait raflé tous les prix au concours général, un autre était champion de Génies en herbes. Ils venaient de nos villes, de nos campagnes et de nos quartiers, et avaient humé les mêmes saisons que nous et, par analogie et métonymie, nous pouvions donc faire comme eux et rien ne nous était interdit.
Dans la circulation des représentations du monde, l’Afrique a souvent eu la part congrue. Ce roman contribue à la dissémination de nos imaginaires et de nos élans existentiels aux quatre coins du monde. La Plus Secrète Mémoire des Hommes sera traduit en une quarantaine de langues. Aujourd’hui, il est en tête des ventes dans tout l’espace francophone. Pour les lettres sénégalaises et africaines, pour la circulation de nos imaginaires et leur capacité à affecter le monde (pas seulement à être affecté par lui), c’est une bonne nouvelle, qui en augure d’autres.
Dans La Plus Secrète Mémoire des Hommes, TC Élimane après avoir longtemps erré et cherché sa vérité dans l’écriture et dans le monde, revient en pays sérère à la fin de sa vie et y trouve la paix, en y reprenant sa place et y jouant son rôle d’ancien et de Yaal Mbin. Cet épilogue dit tout sur la matrice de sens et de sérénité existentielle que constitue ce lieu pour l’auteur et la place qu’il accorde au pays natal dans le commerce des imaginaires, et comme lieu d’élection. Il faudrait pour cela avoir lu et compris (ou deviné) les 460 pages du roman.
Mbougar n’a ni à se justifier ni à clarifier quoi que ce soit. L’élevé ne défère pas à la barre de l’inférieur. Écrire est une aristocratie de l’esprit et une forge incessante de notre humanité, et ce pays en a grandement besoin.
par Khadim Ndiaye
YAMBO OUOLOGUEM, D'ÉCRIVAIN CÉLÈBRE À VENDEUR DE CHARBON DE BOIS
Les jeunes écrivains Africains francophones devraient beaucoup méditer la trajectoire de ce grand écrivain d’expression française. Il y a beaucoup de leçons à tirer de son expérience de vie hors norme, de la cabale dirigée contre sa personne
SenePlus publie à nouveau ce texte de Khadim Ndiaye originellement publié sur Facebook en octobre 2017 dans le sillage de la mort de l'écrivain Yambo Ouologueme.
La mort de l'écrivain malien, Yambo Amadou Ouologuem, le 14 octobre dernier, à l'âge de 77 ans, est presque passée inaperçue.
J'ai toujours été frappé, depuis que je l'ai connu, par la trajectoire atypique de cet écrivain pas comme les autres. Dandy parisien à la cravate toujours bien nouée, cigarette ou pipe à la main, Ouologuem est l’écrivain africain francophone de la fin des années 60. Il devient célèbre et adulé lors de la parution de son livre phare, Le devoir de violence, Prix Renaudot en France en 1968. Ce livre est considéré comme l'un des plus grands ouvrages de la littérature francophone d’Afrique. Contre toute attente, Ouologuem y relevait qu’en plus de la violence coloniale, il existait une violence précoloniale et postcoloniale.
Il crée un immense tollé tant en Occident qu'en Afrique. La lame acérée de sa critique n'épargne personne. S'il dénonce les tenants du pouvoir traditionnel, il n'épargne pas non plus ceux qui voulaient "s'abreuver de culture blanche afin de mieux s'élever parmi les Noirs", comme il dira plus tard.
Léopold Sédar Senghor juge son livre "affligeant" là où Wole Soyinka trouve qu'il minimise les ravages de la colonisation occidentale. Accusé par la suite d'avoir plagié les écrivains André Schwarz-Bart, Maupassant et Graham Greene, Ouologuem a été "démoli" par la critique littéraire. Son éditeur français (Seuil) retire son livre de la vente et s'excuse auprès de Schwarz-Bart et de Graham Greene sans son consentement. Et, pour ne pas calmer les choses, Ouologuem publie l’année suivante un brûlot, Lettre à la France nègre, qui ne fit qu'accentuer la cabale.
Victime d'un ostracisme sournois, il est cloué au pilori par l'establishment littéraire. On sait pourtant, grâce aux travaux récents, en particulier ceux de l'américain Christopher Wise (Yambo Ouologuem: Postcolonial Writer, Islamic Militant), qu'il faisait un travail de réécriture intertextuelle, largement admis de nos jours.
Se sentant incompris et dégouté par tant de cynisme, Ouologuem se coupe littéralement des mondanités. Il retourne au Mali, se retire dans le village de Sévaré, à Mopti et se mure dans un silence monastique. Il renonce à tout : famille, privilèges, carrière universitaire (il fut titulaire d'un doctorat en sociologie, licencié en lettre, en philosophie, diplômé d'anglais), invitations dans les plus grands cénacles, conférences, droits d'auteur, etc.
Lui, le fils de notables dogons, qui s'en prenait à la tradition, se replie dans un milieu traditionnel austère et devint même vendeur de charbon de bois ("jaaykatu këriñ", comme on dit au Sénégal). Lui qui dénonce l’esclavage pratiqué par les Arabes, critiquant même l'attitude d'un Cassius Clay devenu Mohamed Ali, se refugie dans la mystique musulmane et devient même imam.
À l'instar de Ghazâlî qui, en pleine renommée, quitta sa célèbre chaire d'enseignement de la Nizamiyya de Bagdad pour se réfugier dans le silence mystique, Ouologuem tourne le dos au clinquant de la vie et préfère la discrétion. Il renvoie toutes les délégations qui viennent à sa rencontre. Pour l'homme blessé dans sa chair qu'il est devenu, seuls l'isolement et la foi mystique comptent. Sa vérité est désormais ancrée dans le mutisme. Ne dit-on pas que la sagesse va de pair avec le silence ?
En réalité, Ouologuem avait regagné son statut de "sous-développé", celui dans lequel beaucoup auraient toujours voulu le voir. Il en a eu l'intuition. Répondant à la question : "Que feriez-vous si vous aviez le Goncourt ?" Il affirme : "Je respecterais ma réputation de sous-développé".
Les jeunes écrivains Africains francophones devraient beaucoup méditer la trajectoire de ce grand écrivain d’expression française. Il y a en effet beaucoup de leçons à tirer de son expérience de vie hors norme, de la cabale dirigée contre sa personne, de son silence et de son reclus à Sévaré. Si cet écrivain devenu mystique avait écrit un livre avant sa mort, il serait riche en enseignements sur l'existence, le cynisme, la condition humaine, etc.
Pour son talent, sa sagesse, Ouologuem devrait être réhabilité, sa vie et son œuvre enseignées aux jeunes écoliers d’Afrique. Ce qui serait une bonne façon de lui dire : Yambo "ñoo la gëm" (nous t'aimons).
Immense consolation : du ciel, il veillera sur nous, comme il le dit si savoureusement dans le poème suivant :
"Quand à ma mort Dieu m’a demandé un siècle après
Ce que je voulais faire pour passer le tempsJe lui ai demandé la permission de veiller la nuit
Je suis le nègre veilleur de nuit
Et à l’heure des sciures noirâtres qui gèrent les parages
Lentement je lève ma lanterne et agite une cathédrale de Lumières
Mais l’occident se défie du travail noir de mes heures supplémentaires et dort et ferme l’oreille
A mes discours que le silence colporte
Selon l’usage comme vous savez
La nuit vous autres dormez mes frères
Mais moi j’égrène sur vos songes
La raie enrubannée de la ténèbres laiteuse qui chante
Bonne nuit les petits
Et je prie cependant au nom de l’égalité des droits
Devenue droit à l’égalité
Et je pleure la soif de mon sang sel de larmes
Et vous cependant dormez
Et vous dormez mes frères mais aussi
Le sommeil vous chasse de la terre
Et vous partez pour des minutes de songes
Amplifiés au gonflement de votre haleine ronronnante
Je vous vends gratis des alcools
Que sans savoir vous achetez par pintes quotidiennes
Et retrouvez la nuit transfigurée dans les myriades de feux
Qui rêvent pour vous
Bonne nuit les petits
Je suis le nègre veilleur de nuit
Qui combat des nichées de peurs
Juchées dans vos cauchemars de jeunes enfants que je rassure
Quand s’achève mon labeur sur des milliards de créatures
Mais le monde au réveil va à la librairie du coin
Consulter la clé des songes."
LE JOUR OÙ EUGÈNE ÉBODÉ A RENCONTRÉ YAMBO OUOLOGUEM
Le succès du roman de Mbougar Sarr, « La plus secrète mémoire des hommes », a remis au goût du jour « Le Devoir de violence », de Yambo Ouologuem. L’écrivain camerounais est l’un des rares à avoir été reçu par celui qui s’était isolé à Sévaré
Le succès du roman de Mohamed Mbougar Sarr, « La plus secrète mémoire des hommes », a remis au goût du jour « Le Devoir de violence », texte controversé de Yambo Ouologuem. L’écrivain camerounais Eugène Ébodé est l’un des rares à avoir été reçu par celui qui s’était isolé à Sévaré au début des années 1970. Il raconte.
Les connaisseurs de l’histoire littéraire se souviennent : prix Renaudot en 1968 pour Le Devoir de violence, Ouologuem fut cloué au pilori quelques années plus tard, après que de nombreux emprunts à d’autres auteurs furent relevés dans son texte. André Schwarz-Bart (Le Dernier des Justes), Graham Greene (It’s a Battlefield), mais aussi Guy de Maupassant et quelques autres comptent au nombre des auteurs « plagiés » par le jeune homme à la culture titanesque.
Blessés de n’avoir rien décelé – l’habile supercherie avait été découverte dans le monde universitaire anglo-saxon –, la presse et le monde littéraire francophone lynchèrent sans pitié celui qu’ils avaient couronné d’un des prix les plus prestigieux, sans jamais se donner la peine d’écouter vraiment ce qu’il avait à dire ou d’essayer de comprendre ses explications, parfois alambiquées.
Principal auteur plagié, André Schwarz-Bart se montra pourtant plus que conciliant, intervenant auprès du rédacteur en chef de La gazette littéraire, en Suisse, qui s’apprêtait à publier un texte à charge. « À la suite de la lettre que je lui avais adressée aux éditions du Seuil, M. André Schwarz-Bart m’a demandé de ne pas publier l’enquête que j’avais entreprise au sujet des ressemblances entre Le Devoir de violence et Le Dernier des Justes, écrit le journaliste. J’estime trop cet auteur et ses livres pour ne pas tenir compte de ses désirs. Il craint en effet qu’un débat ne suscite des réactions anti-africaines et ne nuise à la carrière d’un écrivain qu’il estime beaucoup. Pour la première fois, m’écrit-il, on voit naître une littérature africaine francophone, débarrassée des complexes blancs, il ne faut rien faire pour la décourager. »
Aura magnétique
Las ! Ouologuem, plus que découragé, ne trouvera son salut que dans le retour au pays natal et, presque du jour au lendemain, disparaîtra du paysage médiatique et littéraire pour se réfugier chez lui, à Sévaré, au Mali, où il cessera d’écrire. Demeurera néanmoins autour de ses rares textes – Le Devoir de violence,Lettre à la France nègre, Les Mille et une bibles du sexe – une aura magnétique intense, suscitant l’admiration de ses pairs.