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4 décembre 2024
Culture
CES RÉJOUISSANCES PUBLIQUES EN PERTE DE RYTHME
Le « xawaare », le « furël », le « simb », la kermesse, les sauts en parachute…sont autant de réjouissances publiques qui disparaissent petit à petit de la palette des « plaisirs partagés »
À chaque époque, ses ardentes passions et ses inclinations. Et il ne restera que des souvenirs à ressasser pour entretenir la flamme d’une époque riche de ses vestiges. Le « xawaare », le « furël », le « simb », la kermesse, les sauts en parachute…sont autant de réjouissances publiques qui disparaissent petit à petit de la palette des « plaisirs partagés ».
Le reflet d’un des points lumineux de l’autoroute à péage éblouit le visage d’Ibrahima Agne. Ventre débordant, le quinquagénaire prend ses aises sur une chaise en bois, savourant les effleurements du vent frais en ces temps de canicule. Avec un demi-siècle de vie, il a vu passer bien des âges et réjouissances publiques. Sa fraîche mémoire revoit défiler les fêtes les plus marquantes d’une époque qu’il a bien aimée. Habitant de la banlieue, à côté du camp militaire de Thiaroye, Ibrahima ne manquait jamais les sauts en parachute. Très présent lors de la fête de Saint Michel, il s’était même fait la réputation « d’ami des militaires ». Avec le temps, cet événement a presque disparu du calendrier. Il l’apprécie, plein de regrets. « C’était la folie, nous courions, nous nous engagions de toutes nos forces pour regarder les parachutistes. C’était de l’art, des instants magiques. C’est durant ces journées que j’ai vu, pour la première fois, le chanteur Omar Pène. C’est dommage que cet événement ait disparu », dit-il, dominant difficilement ses émotions, les mains constamment agitées. « Nous marquions également la graille militaire », se souvient-il.
Ses mots sont empreints de nostalgie. Fatou Diouf, née en 1959, parle des « xawaare » (soirées musicales traditionnelles habituellement organisées la nuit). Thiaroye, Pikine, Yeumbeul, la dame ratait rarement ces festivités. Les envolées lyriques, les danses traditionnelles et les défilés des grandes dames la séduisaient. Fatou aimerait bien remonter le temps et revivre ces moments. « Les choses ont changé. Le monde a évolué. Je dirai dans le mauvais sens. Les réjouissances publiques très classes ont laissé la place à la vulgarité. Nous rivalisions d’élégance, dans la pudeur », lâche Fatou, haussant une tête couverte par un foulard gris. À chacun sa préférence, ses inclinations et passions ardentes.
Quartiers bouillonnants
À la retraite depuis deux ans, Moustapha Samb a la nostalgie des « mbapatt de quartier » (lutte traditionnelle sans frappe). Habitant du quartier Lansar qui abrite l’écurie éponyme, le bonhomme en blouson raconte son attachement à ces joutes sportives à l’intérieur du quartier. « La lutte traditionnelle n’est plus organisée dans nos quartiers. Au début des années 2000, nous vivions cette ferveur tous les week-ends grâce à Max Mbargane qui organisait régulièrement des séances. Ce sont les « mbapatt » de Lansar qui ont d’ailleurs révélé les Bombardier, Baye Mandione et autres », précise-t-il, croquant des cacahuètes. Influencé par l’un des plus grands « simb » (faux lions) de la banlieue du nom de Sadio Ndiaye, Ousmane Tamba, lui, avait fini par mettre sur pied un petit groupe. Sillonnant les quartiers, il offrait ses services, sans répit. « Nous allions partout. C’était beau. C’est dommage que les jeunes d’aujourd’hui ne jouent qu’avec leurs téléphones », chahute-t-il.
Il ne faut pas forcément être d’un autre âge pour connaître ou se rappeler des « furël » (festivités nocturnes organisées dans les quartiers). Mais depuis quelques années, cet événement se raréfie. Il n’est presque plus organisé alors qu’il drainait les foules. Vêtu d’un boubou bleu, Ibou Sèye, « en bon mouride », s’apprête à aller prendre part à une nuit de « Thiant » (procession) à Thiaroye. Dix ans auparavant, le jeune homme, âgé aujourd’hui de 28 ans, n’aurait jamais manqué un « furël ». C’était une occasion pour lui et son groupe de faire la cour aux jeunes filles du coin. Aujourd’hui, c’est une autre époque pour lui, avec de nouvelles priorités. « C’est marrant, nous accordions tellement d’importance à ces événements tels que le « furël » ou le « tannebeer ». Je me souviens qu’à cette époque, on se bousculait derrière le batteur de tam-tam. Les aguichantes silhouettes des filles nous envoyaient dans un autre monde. Nous jubilions. À la fin de l’événement, nous nous précipitions pour aborder ou raccompagner les jeunes filles », se rappelle-t-il d’une voix rauque et tout souriant.
Invitation-soutien
Président de la commission culturelle d’une association sportive et culturelle, Massamba Seck regrette la « mort » de ces événements qui servaient parfois à renflouer les caisses grâce aux invitations-soutiens. « Les commissions féminines organisaient tout le temps des « furël » et « tannebeer » pour financer leurs activités sportives. Aujourd’hui, la donne a changé. Les gens sont de moins en moins passionnés par ces réjouissances. Les soirées organisées par des artistes musiciens sont à la mode », confie Massamba, nostalgique. Les kermesses sont également dans ce lot. Très prisées il y a quelques années, elles sont de moins en moins organisées de nos jours aussi bien dans les écoles que dans les quartiers. Son évocation réveille des souvenirs chez Mor Lèye. Yeux bandés, ciseaux en main, avançant doucement vers les produits mis en jeu, il en a énormément participé et gagné. « Je préférais la série de penalties avec un pneu qui fait office de cage. Très adroit, je gagnais souvent des ballons. J’aimais aussi les jeux de cartes ou ludo. C’est dommage qu’on n’en voie plus. C’était d’excellents moments de distraction et de communion ». De beaux souvenirs menacés par les ravages du temps.
par Damien Glez
HARO SUR L'ÉROTISME DE LA SÉRIE KARMA
Le 29e épisode de la série télévisée sénégalaise « Karma » a provoqué la grogne et conduit son producteur à supprimer la scène incriminée. Trop tard pour empêcher les captures d’écran…
Jeune Afrique |
Damien Glez |
Publication 22/11/2020
Il y a presque 30 ans, en Afrique francophone, ce sont des feuilletons importés comme le sitcom français « Hélène et les garçons » que l’on accusait de faire la promotion des mœurs légères. Si l’on en croit les plus conservateurs des téléspectateurs ou consommateurs de plateformes vidéos, le loup « de l’adultère et de la fornication » est désormais entré dans la bergerie.
Singulièrement au Sénégal, où la production audiovisuelle est dynamique, et où des séries comme « Karma » font grincer des dents… Ce mardi, la chaîne de télévision TFM et le site marodi.tv diffusaient l’épisode 29 inédit du feuilleton romantico-policier, dont l’accroche est « trahir pour venger ». À la fin d’une séquence, les personnages Amy Léa et Abdoul Majib s’embrassent, suscitant la désapprobation de certains observateurs, jugeant la scène « érotique ».
Sur sa page Facebook, le vice-président de la très réactive ONG islamique Jamra, Mame Mactar Guèye, alimente la polémique. Il décrit un excès d’intimité filmée en supposant que « les acteurs principaux sont visiblement aussi proches à l’écran que dans la vie réelle ». Sans autre forme de procès, le producteur Marodi supprime, dans un premier temps, l’épisode incriminé des réseaux sociaux, avant de le republier, amputé du baiser polémique.
L’exemple de « Maîtresse d’un homme marié »
Rien n’étant définitivement effaçable du Net, les images originales surgissent, dans les forums, d’autant que la polémique attise une curiosité plus ou moins malsaine. Comme le déplore Mame Mactar Guèye, la séquence « a été capturée et largement partagée sur les réseaux sociaux »…
C’est à Mermoz que le groupe français Pathé a choisi d’installer son complexe cinématographique. Sur 5000 mètres carrés, 7 salles de 126 à 396 places avec projection 100% laser sont en construction pour un financement global de 8 milliards de francs Cfa
C’est à Mermoz que le groupe français Pathé a choisi d’installer son complexe cinématographique. Sur 5000 mètres carrés, 7 salles de 126 à 396 places avec projection 100% laser sont en construction pour un financement global de 8 milliards de francs Cfa.
5000 mètres carrés, 7 salles de 126 à 396 places, projection 100% laser, des écrans géants et un son Dolby surround 7.1, bienvenu dans le paradis cinématographique que le Groupe Pathé cinéma compte ouvrir à Dakar au deuxième semestre de 2021. Les travaux de cet espace entièrement dédié au 7e art sont déjà très avancés. Et la visite organisée sur le site ce jeudi pour des officiels et la presse a permis de s’en rendre compte. Pendant que des ouvriers sont occupés à l’installation des sièges dans les futures salles, d’autres s’activent à l’installation du matériel d’isolation.
Selon Moustapha Samba, directeur de Pathé Cinéma Dakar, ce projet est un investissement de 8 milliards de francs Cfa du groupe français. Dans cet univers où les dernières technologies ont été utilisées, le spectateur «sera dans les mêmes conditions techniques que la personne qui sera à New York», assure M. Samb. Déjà, le groupe table sur un retour des Sénégalais dans les salles de cinéma qui avaient pour ainsi dire, fini par disparaître du paysage. «On ne peut pas défendre un cinéma sénégalais ou africain sans avoir un écran. Et ce qui fait marcher les cinémas, ce sont les blockbusters. Avec 7 salles, je pense que toute la cinématographie sénégalaise, africaine, mondiale peut trouver sa place. C’est important pour les films d’avoir une force de diffusion», constate M. Samb. Mais, tempère le directeur des Opérations de Pathé Afrique, Fréderic Godefroid, il faut encore que ça soit des productions de qualité. «Il y aura une place spéciale pour cinéma sénégalais, africain puisqu’avec sept salles, c’est important d’avoir dans la mesure du possible toujours à l’affiche, un ou deux films sénégalais ou africains. Mais ce qu’on demande aussi, ce sont des films de qualité, bien montés, bien mixés et que techniquement, le spectateur s’y retrouve», souligne M. Godefroid.
Le nouveau complexe cinématographique est un multiplexe où les spectateurs pourront réserver directement leurs places et avoir des tickets électroniques directement dans leurs téléphones. Et souligne M. Samb, différentes formules seront proposées sur la tarification. «Ça ne coûtera pas la même chose de voir un film un samedi soir ou un mardi matin. Mais ce qui est sûr, c’est que l’objectif, les prix soient accessibles au plus grand nombre.»
HUGHES DIAZ, DIRECTEUR DE LA CINEMATOGRAPHIE : «IL FAUT DES MECANISMES INNOVANTS»
L’ouverture d’un complexe cinématographique à Mermoz par le groupe français Pathé est de bon augure pour le cinéma sénégalais. Selon le directeur de la Cinématographie, Hughes Diaz, le cinéma sénégalais fait face à un problème d’infrastructure de diffusion. «Ça reste une préoccupation des autorités», a indiqué M. Diaz au terme de la visite organisée ce jeudi sur le site du futur complexe cinématographique de Pathé à Mermoz. «Il faut mailler le pays et le Fonds de promotion de l’industrie cinématographique (Fopica) a déjà financé la réhabilitation d’une salle à Ziguinchor, le cinéma Vox. Aujourd’hui, on se bat pour avoir le patrimoine que l’Etat avait légué à des privés. Certains n’ont pas changé de destination et on est en train de les recenser et travailler avec les détenteurs de ces salles pour que l’Etat accompagne l’investissement et qu’on ait des salles aux standards internationaux». Avec les avancées technologiques, les normes techniques sont devenues primordiales et M. Diaz souligne la nécessité de disposer de salles de cinéma aux standards internationaux qui permettent de sécuriser la projection, la distribution et l’exploitation mais aussi pour maîtriser la billetterie. «Il nous faut des salles normées et il faut des mécanismes innovants pour venir en appoint à l’effort de l’Etat. Et cela passe par le prélèvement sur les tickets, mais pas en mettant une trop forte pression fiscale sur les investisseurs», indique M. Diaz.
LE GRAFFEUR JONONE A L’HONNEUR
Le vernissage de l’exposition solo à Dakar du graffeur JonOne, l’un des artistes les plus cotés dans le domaine du street art, marque la réouverture du Musée des civilisations noires fermé depuis mars dernier pour cause de pandémie du coronavirus.
Le vernissage de l’exposition solo à Dakar du graffeur JonOne, l’un des artistes les plus cotés dans le domaine du street art, marque la réouverture du Musée des civilisations noires fermé depuis mars dernier pour cause de pandémie du coronavirus.
L’exposition, intitulée ‘’Héritage’’ et prévue du 12 au 22 novembre prochains, est une initiative de la galerie ‘’Art time’’, basée à Abidjan.
Selon le graffeur, "Héritage" est un hommage rendu à l’Afrique là où tout a commencé. Elle est composée de 26 œuvres accrochées sur des cimaises, dans une salle du musée, de dix planches de surf taguées et disposées en cercle au milieu de la pièce, et d'une pirogue taguée également pour coller à l'actualité liée à l'émigration clandestine par la mer. "Je suis ici au Sénégal où il y a Gorée, cette île mémoire de l’esclavage, il y a un sens pour moi (…) d’être ici, pour me retrouver ", confie l'artiste lors du point de presse organisé au Musée. ‘’Je n’ai reçu aucune éducation artistique. Quand je taguais les trains à New York, je ne pouvais pas imaginer qu’un jour je m’exprimerais sur la toile. Ce qui m’a vraiment amené au tag a été de voir les autres peindre des graffitis dans toute la ville.
L’école à laquelle j’allais était très stricte. Et tellement ennuyeuse ! Je me souviens qu’à l’époque, ceux de la rue avaient la liberté", explique-t-il. Pionnier du mouvement graffiti à New-York dans les années 1980, JonOne vit aujourd’hui à Paris, ville dont il est tombé amoureux après son arrivée en 1987. Il collabore aujourd’hui avec des grandes marques et est devenu l’un artistes les plus «côtés» sur le marché de l’art urbain contemporain.
POUR L’INTÉGRATION DU CIVISME FISCAL DANS LE COMPORTEMENT DU CONTRIBUABLE
’’La bonne culture fiscale ne peut se réaliser qu’avec une sensibilisation, une communication avec les contribuables mais également, intégrer le civisme dans le comportement du citoyen’’ a notamment dit Momar Diop
Dakar, 17 nov (APS) – L’instauration d’une culture fiscale doit passer par la sensibilisation des contribuables dans le but de parvenir à une intégration du civisme fiscal dans le comportement du citoyen, a soutenu mardi à Dakar, un responsable de l’Observatoire de la qualité des services financiers (OQSF).
’’La bonne culture fiscale ne peut se réaliser qu’avec une sensibilisation, une communication avec les contribuables mais également, intégrer le civisme dans le comportement du citoyen’’ a notamment dit Momar Diop, président du Conseil d’orientation de l’OQSF.
’’L’impôt est comme une cotisation pour les actions de la communauté’’ a-t-il ainsi fait valoir lors d’une session de formation sur ’’l’éducation financière, le civisme fiscal et l’entrepreneuriat’’ dédiée au collectif des journalistes spécialisés en économie.
Momar Diop a dans ce cadre appelé à l’intégration du civisme fiscal dans le comportement du citoyen, lequel devant être considéré comme un client et non un contribuable, afin que l’impôt soit perçu comme ’’une solidarité nationale’’.
Il a estimé que le défi principal doit reposer sur la formalisation du secteur informel afin d’élargir l’assiette fiscale.
’’La formalisation est une faiblesse par rapport à notre économie. Il faut instaurer un contrat de confiance entre l’administration et le contribuable. Il faut l’établir pour pouvoir inculquer ce civisme’’, a fait noter Diop en assurant au passage qu’il appartenait aux décideurs de promouvoir cette confiance.
Il a rappelé que le bureau de la Stratégie et du suivi de la direction générale des impôts et des domaines (DGID) avait mis en place une typologie de la norme fiscale consistant à regrouper toutes ces contributions fiscales dans des paniers fiscaux.
’’C’est un impôt de synthèse qui consiste à la contribution globale fixe, a expliqué, le président du conseil d’orientation’’, a commenté Momar Diop.
Le président du Conseil d’orientation a ajouté : ‘’L’Etat, à travers la DGID, a déployé des efforts considérables en termes de restructuration, d’ouverture, de simplification des procédures, de visibilité’’.
Selon lui, il s’agit de gagner la confiance du citoyen quant à l’intégrité de l’administration fiscale.
Le président du Conseil d’orientation de l’OQSF a, par ailleurs, évoqué la question de la pression fiscale correspondant au montant total des recettes recouvrées, exprimé en pourcentage, le taux que représente l’impôt dans le produit intérieur brut (PIB).
’’On peut consolider l’impôt en jouant sur l’élargissement de l’assiette fiscale vers d’autres contribuables mais, cela nécessite un effort de sensibilisation par rapport aux administrations fiscales’’ a-t-il expliqué.
PRENDRE UNE PIROGUE N'EST PAS UNE OPTION
Youssou Ndour a adressé un message aux jeunes qui se lancent dans l’émigration clandestine et qui périssent pour la plupart en mer. Il leur demande de se ressaisir car il est bien possible de réussir au Sénégal.
Youssou Ndour a adressé un message aux jeunes qui se lancent dans l’émigration clandestine et qui périssent pour la plupart en mer. Il leur demande de se ressaisir car il est bien possible de réussir au Sénégal.
«Il peut y avoir des difficultés dans la vie. Mais, il n’est jamais dit qu’on ne peut pas se réaliser ici au Sénégal et qu’on va forcément s’en sortir en Europe. Voyager est certes un droit, mais prendre des pirogues, vendanger sa vie, quitter comme ça sa famille n’est pas une chose à faire», soutient Youssou Ndour à l’émission «Fiitey».
Il dit comprendre les motivations des jeunes, mais leur demande de ne pas se laisser abattre. «Il y a trop de pressions sociales au Sénégal. On impose beaucoup de choses aux jeunes, aux familles, aux parents, aux marabouts. Il faut qu’on en parle, qu’on ose le dire. Je m’adresse aux jeunes. Je ne vous dirais pas de ne pas voyager, mais prendre une pirogue n’est pas une option. Dans la vie, il faut trimer pour réussir, mais l’effort n’est jamais vain», ajoute-t-il.
Youssou Ndour demande à l’Etat, au secteur privé et à tous ceux qui en ont les moyens d’aider les jeunes afin d’atténuer la pression sociale qu’ils subissent et qui les pousse à entamer ces voyages périlleux.
EPINES DE LA VIE
Premier roman de Safiétou Ndiaye propose une plongée dans le réalisme social sur fond de réponse à un besoin de partager un point de vue personnel sur des faits de société n’épargnant pas le milieu scolaire et universitaire selon l'auteure
Dakar, 14 nov (APS) – ‘’Epines de la vie’’, premier roman de l’enseignante Safiétou Ndiaye propose une plongée dans le réalisme social sur fond de réponse à un besoin de partager un point de vue personnel sur des faits de société n’épargnant pas le milieu scolaire et universitaire, a expliqué samedi à Dakar son auteure.
‘’C’est un roman de réalisme social visant à répondre à un besoin pressant de partager un point de vue personnel sur les faits de société que l’on peut découvrir dans le milieu scolaire ou universitaire’’, a-t-elle notamment indiqué à la cérémonie de dédicace de l’ouvrage.
Dans le roman de 270 pages paru aux éditions Harmattan Sénégal, la native de Ziguinchor, raconte l’histoire d’une jeune fille qui a connu une mésaventure amoureuse avec son professeur de français, laquelle ne l’a pas empêché de se battre pour parvenir à occuper la fonction d’assistance en Lettres modernes.
Dans cet esprit, la romancière a insisté sur le fait qu’’elle a voulu, à travers l’héroïne, montrer qu’on doit chaque jour se lever avec une volonté d’affronter les aléas de la vie et persévérer pour réaliser son rêve’’.
De son côté, le Doyen honoraire de la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), Mamadou Kandji, a démontré que le récit du roman repose sur des techniques narratives postmodernes, à savoir la subversion de la trame romanesque classique, l’anticipation, les flashbacks, la forme épistolaire, les épiphanies, les confessions etc.’’
‘’La narration interactive évoque des faits qui rafraîchissent la mémoire du lecteur sur quelques aspects de l’histoire post-coloniale et de la culture sénégalaise, donnant ainsi un réalisme social’’, a-t-il fait valoir le professeur d’anglais à la retraite.
Kandji a ainsi ‘’vivement’’ recommandé ‘’aux humanistes, universitaires et enseignants ainsi qu’à tous les hommes et femmes ‘’amoureux’’ de la lecture de lire ce roman dont les procédés lui confèrent une originalité, amplifiant une approche psychologique, à travers le processus de maturation de l’héroïne’’.
‘’Le récit promène le lecteur dans le système éducatif sénégalais avec une parenthèse dans l’enseignement‘’, a-t-il fait remarquer.
L’ABSENCE DE STATUT JURIDIQUE EST UN OBSTACLE AU BON FONCTIONNEMENT DE LA PLACE DU SOUVENIR AFRICAIN
‘’Il y en a qui ont eu leur statut, mais jusque-là, la Place du souvenir africain n’en a pas. Et c’est un frein à son bon fonctionnement’’, a déclaré Mme Diouf.
Dakar, 13 nov (APS) – La Place du souvenir africain, construite à Dakar et inaugurée en 2009, n’est pas encore dotée d’un statut juridique, malgré un processus entamé en 2015 pour lui en octroyer, ce qui constitue un ‘’frein’’ à son bon fonctionnement, a déclaré vendredi son administratrice générale, Ngakane Gningue Diouf.
‘’L’absence de statut juridique constitue une faiblesse majeure’’ de cet espace culturel dont l’une des missions est de promouvoir le panafricanisme en immortalisant les grandes figures, les héros de la science et de la culture africaine, a souligné Mme Diouf lors d’un atelier d’élaboration d’un plan de développement de cet établissement.
‘’En 2015, un travail a été entamé pour donner un statut à la Place du souvenir africain, mais aussi à d’autres structures du ministère de la Culture et de la Communication. Il s’agit du Monument de la renaissance africaine, du Grand Théâtre de Dakar, etc.‘’ a-t-elle rappelé.
‘’Il y en a qui ont eu leur statut, mais jusque-là, la Place du souvenir africain n’en a pas. Et c’est un frein à son bon fonctionnement’’, a déclaré Mme Diouf.
Elle souhaite qu’il soit donné à l’établissement un statut juridique lui conférant une ‘’autonomie’’ qui lui permette de fonctionner correctement.
Madjiguène Niang Moreaux, ancienne administratrice de la Place du souvenir africain, estime que la structure est confrontée à des ‘’problèmes juridiques’’ et à un ‘’contentieux’’ survenu entre son ‘’concepteur’’, l’ex-président de la République, Abdoulaye Wade, et l’Etat du Sénégal. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’espace culturel n’a jamais été réceptionné officiellement par le ministère de la Culture et de la Communication, qui assure sa tutelle gouvernementale.
A cause de cela, ‘’le statut juridique de cet espace pose encore problème’’, a dit Mme Moreaux, actuelle directrice de la Galerie nationale.
‘’A nous de [décider de] ce que nous voulons faire de ce lieu’’, a-t-elle ajouté lors de l’atelier.
Pour Abdoulaye Wade, ‘’il était question, avec les professeurs d’histoire de l’université Cheikh-Anta-Diop, de concert avec les chercheurs, les documentalistes et les bibliothécaires, d’élaborer un programme de documentation sur les grandes figures et les créateurs africains dont les œuvres ont participé à l’enrichissement du patrimoine mondial’’, a rappelé l’ancienne administratrice générale de la Place du souvenir africain.
Amadou Faye, conseiller technique au ministère de la Culture et de la Communication, affirme qu’il n’existe pas de problème lié au ‘’contenu’’ de l’établissement, mais ‘’un problème de mise en œuvre de ce contenu’’.
Des participants ont lancé un appel à un ‘’recadrage’’ des missions de l’établissement. C’est le cas du professeur Ibrahima Wade, enseignant à la faculté des lettres et sciences humaines de l’université Cheikh-Anta-Diop.
‘’La Place du souvenir africain, c’est une mémoire en créativité (…) Il faut chercher à rendre fécond ce que l’on a, à voir comment le vivifier, avec quel support’’, a-t-il proposé.
D’autres intervenants ont souhaité la collaboration de cet espace culturel avec le Monument de la renaissance africaine et le Musée des civilisations noires. Ils estiment que les trois établissements ont des missions similaires.
‘’Il y a un cloisonnement entre la Place du souvenir africain, le Monument de la renaissance africaine et le Musée des civilisations noires, qui participent tous à la restauration de la mémoire panafricaine. Il faut qu’ils collaborent beaucoup’’, a suggéré Aliou Ndiaye, de la direction du patrimoine culturel.
La Place du souvenir africain, construit depuis une dizaine d’années sur la corniche ouest de Dakar, fut un ‘’grand projet culturel’’ de l’ex-président sénégalais, Abdoulaye Wade.
C’est ‘’un espace érigé pour immortaliser les grandes figures, les héros de la science et de la culture africaine’’.
‘’A l’entrée, un jet d’eau réalisé avec des canaris superposés véhicule le message de bienvenue et ouvre l’accès sur les deux panthéons’’, indique une note de présentation de l’établissement.
‘’L’un des panthéons dédié à la résistance accueille les figures de grands résistants de l’esclavage, de la colonisation et des temps modernes, alors que l’autre, celui de la culture, est en l’honneur des grands intellectuels, penseurs, écrivains, artistes…’’ ajoute la même note.
Le Sénégalais Sembène Ousmane (1923-2007), le père du cinéma africain, a été le premier à occuper l’un des deux panthéons de cet espace.
par Abdoulaye Bathily
JOB BEN SALOMON, MARABOUT NÉGRIER ET ESCLAVE AFFRANCHI (3/6)
EXCLUSIF SENEPLUS - L'animosité avec laquelle Français et Anglais se sont combattus en Sénégambie dans la première moitié du XVIIIe siècle était à la mesure de l'importance économique que représentait cette région
Mais vers la fin du X VIIe siècle, la Hollande était en proie à des difficultés politiques intérieures qui donnèrent aux Français et aux Anglais l'occasion d'acquérir graduellement des positions dans le commerce sénégambien et de raffermir ces derniers au détriment de leur rivale.
Au début du XVIIe siècle, le Portugal ne gardait plus que quelques maigres comptoirs dispersés à l'embouchure des « Rivières du Sud ». Les marchands portugais qui étaient établis sur ces comptoirs avaient renoncé à toute expansion commerciale en raison de l'impossibilité pour la métropole en déclin de les soutenir militairement sur le terrain et diplomatiquement en Europe. Au contraire des Portugais, les Français disposaient d'un réseau commercial assez solide dans la région. Dès 1664, ils avaient fondé une compagnie dénommée la « Compagnie du Sénégal » dont le but était d'exercer le monopole du commerce entre le cap Blanc et la rivière de Sierra Leone. La compagnie devait fournir aux îles françaises d'Amérique «2 000 nègres par an pendant huit années et [...] à sa Majesté tel nombre qu'il lui plairoit ordonner par le service de ses galères »16. En contrepartie, elle était exemptée de la moitié des droits d'entrée des marchandises qu'elle importerait d'Afrique et d'Amérique. À partir du fort de l'île Saint-Louis (Sénégal), son siège où résidait le gouverneur de la concession, la compagnie rayonnait sur une dizaine de comptoirs dont les plus importants étaient : Arguin et Portendicke sur la côte mauritanienne : l'île de Gorée et Joal sur la « Petite Côte », Albréda sur la Gambie et, vis-à-vis du fort anglais de James Island, les îles Bissagos, enfin le fort Saint-Joseph dans le royaume de Galam (Gajaaga) sur Haut Fleuve (Sénégal).
Toutefois, jusque dans le premier quart du XVIIIe siècle, le monopole français était plus théorique que réel 17.
La Compagnie du Sénégal était en butte à la concurrence des « interlopes », c'est-à-dire des navires de contrebande hollandais, notamment sur la côte mauritanienne. Les incursions des interlopes dans les possessions que s'étaient arrogées les Français furent à l'origine de conflits répétés entre les forces navales des deux pays au large de la côte sénégambienne.
Par le traité dit de la Haye, conclu le 13 janvier 1727, la Hollande renonçait définitivement à toute prétention sur le commerce de la région. La France devenait la première puissance maritime en Sénégambie.
Mais les Anglais étaient résolus à s'opposer par tous les moyens à l'hégémonie française. À l'instar de leurs rivaux, ils avaient confié le commerce exclusif de leurs possessions sénégambiennes à la Royal africain Company[18].
Cette compagnie exerçait un contrôle très sévère sur la Gambie depuis l'embouchure jusqu'aux chutes de Barakunda, point terminus de la navigation. De plus, elle possédait plusieurs points de traite sur les affluents de ce fleuve et menaçait gravement les positions de la Compagnie du Sénégal sur les rivières du Sin et du Salum, ainsi que sur la « petite côte » aux environs de Joal et Portudal. Sur la côte mauritanienne également, les « interlopes » Anglais opéraient à proximité des comptoirs français. La pression anglaise était devenue si forte sur les Français que ces derniers durent évacuer l'archipel des « Bissagos » (Bissau) et négocier l'abandon du comptoir d'Albréda au profit de leurs rivaux (1728). Même sur le Haut
Fleuve Sénégal (Etats du Galam : Bundu et Xasso - khasso) où la Compagnie du Sénégal était la seule à posséder des établissements fortifiés, les Anglais avaient inauguré au XVIIe siècle une politique de pénétration dont nous avons vu les prolongements avec les activités de Yuba Suleyman Jallo. Dès 1689, une mission anglaise conduite par Cornelius Hodges était parvenue au Bundu et au Galam19. Cette mission, comme celles qui lui succédèrent, visait à briser le monopole exercé par les Français et à assurer la jonction entre les comptoirs de la Gambie et les marchés des Etats du Niger dont le Haut Fleuve constituait la plaque tournante.
Dans le premier quart du XVIIe siècle, nous assistons dans cette partie de la Sénégambie à une véritable guerre commerciale entre la Compagnie du Sénégal et la Royal Africain Company. Chacune de ces compagnies tentait d'attirer vers elle les caravanes de marchands traditionnels. Elles n'hésitaient pas à utiliser le dumping pour tenter de s'éliminer mutuellement. Dans cette lutte, l'Angleterre disposait d'un atout majeur. Le progrès notable accompli par ses manufactures lui permettait de présenter les produits manufacturés à un taux plus avantageux pour les marchands traditionnels. D'où la tendance de ceux- ci à préférer la traite avec les Anglais au détriment des Français, malgré la distance qui séparait la Gambie des marchés de l’intérieur. Les Français essayaient tant bien que mal d'imiter cette stratégie d'expansion des Anglais. Ce qui ne fit qu'accroître les tensions entre les deux puissances.20
Ainsi, partout en Sénégambie, les frictions se multipliaient entre les compagnies commerciales soutenues par leurs gouvernements respectifs qui mettaient à leur disposition des forces navales de protection. Des collisions fréquentes en résultèrent entre les bâtiments de la flotte des deux pays. Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, la Sénégambie demeura l'un des principaux foyers de crise internationale qui joua un rôle considérable sur le cours des guerres coloniales, voire des conflits continentaux qui opposèrent les grandes puissances maritimes de l'Europe au cours de cette période.
Causes profondes des rivalités Franco-anglaises
L'animosité avec laquelle Français et Anglais se sont combattus en Sénégambie dans la première moitié du XVIIIe siècle était à la mesure de l'importance économique que représentait cette région. Trois « produits » principaux constituaient à cette époque la richesse de la Sénégambie : les esclaves, la gomme et l'or.
Le développement de l'économie de plantations dans les îles et le continent américain à partir du milieu du XVIe siècle eut comme conséquence une demande croissante de main-d’œuvre que la population indienne des Amériques ne pouvait satisfaire. Très vite, les Amérindiens furent décimés par l'esclavage, le travail forcé et les épidémies. Les planteurs se tournèrent vers l'Afrique noire pour assurer la relève.
En tant que région la plus proche d’Europe et d’Amérique, la Sénégambie fut le premier foyer où fut inauguré ce qu’on appelle le commerce triangulaire 21. Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, il semble que la majorité des esclaves traités dans cette région provenait des Etats de la bordure côtière. Au début du XVIIIe siècle cependant, la côte fut relayée par les Etats de la boucle du Niger. Deux faits historiquement liés sont à l’origine de cette évolution : d'une part l'invasion marocaine de l'empire Songhay (Gao) à la fin du XVIe siècle avait entraîné une situation d'anarchie qui s'est répandue dans tout le Soudan occidental. En réaction à la fois contre les exactions des troupes d'invasion marocaines et l'oppression de la classe dirigeante de l'empire Songhay, des groupes minoritaires comme les Bambara (ou Banmana) organisaient leur propre défense suivant des principes de démocratie militaire. Ce processus aboutit à la création d'Etats dotés d'une formidable puissance guerrière, comme le royaume de Ségu qui, à partir de la révolution qu'il introduisit dans la tactique militaire, se maintenait et
renforçait son pouvoir d'Etat sur la base de l'asservissement des populations voisines. Le royaume bambara du Karta évoluera dans le même sens.
Les guerres de conquête bambara, qui atteignirent leur point culminant dans la première moitié du XVIIIe siècle, jetèrent sur le marché sénégambien un nombre croissant de captifs que les marchands africains acheminaient sur la côte et les comptoirs français du Haut Sénégal (Galam et Bundu) 22. En même temps, plus à l'est de ces royaumes, dans les Etats de la vallée du fleuve Sénégal, les querelles dynastiques qui minaient les monarchies traditionnelles étaient mises à profit par le roi du Maroc pour mettre à exécution ses prétentions sur ces riches terroirs. Ainsi la période 1700-1740 fut-elle marquée par les déprédations fréquentes des « Ormans », terme sous lequel on désignait alors les troupes marocaines. Les « ormans constituaient une bande de guerriers pillards vivant sur le pays et réduisant la population en esclavage. Même les souverains qui faisaient appel à eux contre leurs voisins n'étaient pas épargnés par leurs méfaits23.
De la sorte, nous assistons dans la première moitié du XVIIIe siècle à un accroissement considérable du système de la captivité en Sénégambie. L'apparition de ce phénomène coïncidait avec un essor parallèle de la demande européenne en esclaves. En effet, c'est à cette époque que les Français donnaient une impulsion nouvelle à leur économie de plantation aux Antilles. Les Anglais par un arrangement dit de l'Asiento conclu avec l'Espagne en 1703 (Traité de Methuen), obtenaient le droit exclusif de fournir aux colonies espagnoles d'Amérique le nombre d'esclaves dont elles
avaient besoin. D'où les efforts des Anglais pour accroître leur approvisionnement en ce « produit ». La demande européenne et l'offre sénégambienne se stimulaient mutuellement.
Ainsi la première moitié du XVIIIe siècle fut la période d'apogée de la traite négrière en Sénégambie. Le fait que Yuba Jallo soit originaire du Bundu, principal centre de transit des caravanes d'esclaves, explique l'importance exceptionnelle revêtue par ce personnage aux yeux des Anglais.
La gomme constituait le second produit qui faisait l'objet des rivalités acharnées franco-anglaises. En fait, ce « produit » ne provenait pas de la Sénégambie elle-même. Elle était cueillie dans les forêts des gommiers (différentes variétés d'acacia) qui se trouvent dans le centre de la Mauritanie actuelle24. La gomme servait à divers usages. Elle était utilisée dans la confiserie et la droguerie. Les médecins du XVIIIe siècle lui attribuaient la vertu de guérir nombre de maladies : « humeur séreuse », rhume, dysenteries, hémorragie, etc. Mais c'est surtout en tant que matière première utilisée dans l'apprêt des tissus que la gomme revêtait une importance économique de premier plan. L'introduction de la gomme dans la manufacture textile constituait une mutation technologique aux conséquences très importantes. Elle permettait à la manufacture européenne de fabriquer des produits textiles de qualité supérieure, donc de concurrencer plus facilement les textiles des autres régions du monde, des Indes en particulier. Car avant de détruire par la force la manufacture textile indienne dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les Anglais avaient commencé à imiter, en les améliorant grâce à la gomme, les modèles de toiles indiennes. C'est sur la base des mutations technologiques intervenues dans le secteur des manufactures textiles et surtout la manufacture du coton d'une part et, d'autres part, l'immense accumulation de capital que l'échange des produits textiles sur le marché mondial a entraînée, que l'Angleterre fut à même d'accomplir dès la première moitié du XVIIIe siècle sa première révolution industrielle.25
A suivre le 17 novembre prochain...
Texte préalablement paru en 1978 dans la collection "Les Africains" de Jeune Afrique qui a autorisé SenePlus à le republier.
16. J. B. Labat, Nouvelle Relation de l’Afrique occidentale, vol. 1 pp. 20-21
17. La meilleure étude faite sur la Compagnie du Sénégal demeure celle d’A. Ly. La compagnie du Sénégal. Paris 1958. Encore que l'enquête de cet auteur porte plus précisément sur le dernier quart du XVIIe siècle.
[1] Sur la Royal Africain Company voir k. G. Davies, The royal africain Company. Londres, 1957.
19. Th. G. Stone, « The journey of Cornelius Hodges in Senegambia”, English Historical Review, 39. 1924. Pp. 89-95
20. Sur les rivalités franco-anglaises dans cette région cf. J. M. Gray A history of the Gambia, Londres, 1940. pp. 33-214, et J. Machat Documents sur les établissements français d’Afrique occidentale au XVIIIe siècle, Paris, 1906, première partie.
21. Le commerce triangulaire peut être décrit comme suit : « Le vaisseau négrier quittait la mère patrie avec une cargaison de produit manufacturés. Sur les côtes d’Afrique, ceux–ci étaient échangés contre des noirs vendus à leur tour aux plantations [d’Amérique] en échange d’une nouvelle cargaison de produits tropicaux destinés à la métropole » E. Williams, Capitalisme et esclavage, Paris, 1968. P. 74.
22. Sur l’histoire des Bambara, voir L. Tauxier Histoire des Bambara, Paris, 1942. Pour une interprétation nouvelle des faits de l’histoire des Bambara, cf. J.F. Ajayi et M. C Rowder, History of West Arica vol. 1, Londres, 1971, pp 452-460.
23. Plusieurs auteurs ont abordé dans leurs travaux, avec plus ou moins de détails, cette question de l’invasion des Ormans qu’on appelle encore Ruma ou Arma. Un article récent d’Oumar Kane analyse l’impact de cette invasion sur les Etats de la moyenne Vallée du Sénégal : « Les Maures et le Futa Toro au XVIIIe siècle », Afrika Zamani, n°2, avril 1974, pp. 81-104.
24. Sur la gomme et le commerce de la gomme, voir G. M. Désiré Vuillemin, Essai sur le gommier et le commerce de la gomme dans les escales du Sénégal, Dakar. Clair-Afrique, 1963.
25. Ainsi, comme Karl Marx l’a montré, le régime colonial joua un rôle de premier plan dans « l’accumulation primitive du capital » : « le régime colonial donna un grand essor à la navigation et au commerce. Il enfanta les sociétés mercantiles, dotées par les gouvernements de monopoles et de privilèges et surtout de puissants leviers à la concentration des capitaux. Il assurait des débouchés aux manufactures naissantes dont la facilité d’accumulation redoubla, grâce au monopole du commerce colonial. De nos jours, la suprématie industrielle implique la suprématie commerciale, mais à l’époque manufacturière proprement dite, c’est la suprématie commerciale qui donnait la suprématie industrielle. De là le rôle prépondérant que joua alors le régime colonial » (souligné par nous). K. Marx, Le Capital, Livre Premier, vol. III, Paris, Editions Sociales, 1969, pp. 195 196. Sur l’impact de la manufacture textile dans la révolution industrielle, voir P. Mantoux. La Révolution industrielle au XIIIe siècle, Paris 1969 (1er Ed. : 1905). E.J. Hobsbawm, Industry and Empire, Londres, 1969, chap. 3.
SAINT-LOUIS ET SON HÉRITAGE COLONIAL CONTROVERSÉ
Ndar est le théâtre d’une rivalité sur la mémoire liée à la colonisation. Deux visions de l’histoire s’y affrontent dès le milieu du 19ème siècle. Exacerbée ces dernières années, elle est devenue plus vivace avec le mouvement Black Lives Matter
Saint-Louis, Ndar pour d’autres, est le théâtre d’une rivalité sur la mémoire liée à la colonisation. Deux visions de l’histoire s’y affrontent dès le milieu du 19ème siècle. Exacerbée ces dernières années, elle est devenue plus vivace avec le mouvement Black Lives Matter et la mort de l’Afro-américain George Floyd.
Vendredi 25 septembre, à l’heure où certains préfèrent se rassembler afin de se tourner vers la Kaaba, une femme et un homme traversent le Pont Faidherbe, passent devant la gouvernance et se retrouvent au milieu d’un chantier gigantesque. « C’est ici », pointe la jeune femme, avec sa voix fluette. Ici, c’est Place Faidherbe ! C’est l’objet du litige pour Ndèye Coumba Kane, 25 ans, juriste de formation, « activiste et citoyenne », et pour Thierno Dicko, 33 ans, informaticien, activiste et membre fondateur du Réseau des blogueurs de Saint-Louis qui regroupe en son sein le mouvement « Faidherbe doit tomber ». Après avoir soulevé la vigilance de quelques ouvriers, de leur chef, d’une ingénieure à la silhouette et à l’allure de mannequin dont seules les chaussures de sécurité rappellent qu’elle ne foule pas les podiums d’un défilé, le petit groupe est autorisé, après l’aval d’un responsable joint au téléphone depuis Dakar, à entrer dans le chantier, non sans escorte. L’ingénieure aux frêles épaules reste ferme. « Vous n’êtes pas autorisés à prendre des photos du chantier », prévient-elle. À l’intérieur, tout est en chantier. Tout est surtout en retard. Débutés en septembre 2019 pour une durée de 20 mois, les travaux n’ont pas beaucoup avancé. Entre parpaings et trous béants creusés, nous slalomons au milieu des engins et grues pour nous retrouver devant une stèle sans son objet d’ornement. En effet, la statue de Faidherbe ne toise plus les riverains.
« Épitaphe de la dignité »
Après plusieurs dégradations et actes de vandalisme, comme en novembre 2017, « faits par d’autres activistes », elle a été déplacée officiellement pour des « travaux ». « Elle est au Centre de recherches et de documentation du Sénégal (Crds) », précisera, plus tard, Fatima Fall Niang, Directrice et conservatrice du centre. Sur un pan de la stèle : « Né à Lille le 3 juin 1818, élève de l’école Polytechnique, officier du génie, Gouverneur du Sénégal du 16 décembre 1854 au 4 décembre 1861 et du 14 juillet 1863 au 12 juillet 1865 (…) ». Sur un autre côté : « À son gouverneur Faidherbe, le Sénégal reconnaissant – 1886 ». « C’est une épitaphe pour la dignité. Nous devons nous identifier à des références et pas à ceux qui représentent la partie sombre de notre histoire. Ce colonisateur est un auteur de massacres. Je cautionne difficilement l’idée de le célébrer », regrette Ndèye Coumba Kane, la juriste et activiste. Une partie de la rue, bruyante, n’entend plus l’empreinte historique et mémorielle de ces patronymes liés à la colonisation. Brûlante voire bouillante, l’autre s’est lassée de ces sonorités désagréables d’un temps honni et révolu.
Les faïences des otages
Comme pour son nom, Saint-Louis ou Ndar, la ville qui a été capitale de l’Afrique occidentale française (Aof), une fédération de huit colonies françaises de 1895 à 1958, présente deux facettes liées à l’histoire et à la mémoire. Ici, géographes et urbanistes pourraient se pencher sur le phénomène de « conurbation de marchés ». Ils se juxtaposent pour finir par en former un seul sur près d’un kilomètre. Dès la descente du pont Faidherbe, côté continent, les étals clandestins se succèdent. Les flaques d’eau mélangées au bitume cuisiné aux ardents rayons de soleil grattent les bas-fonds des voies olfactives. Besoin d’air ! Au loin, un bâtiment vétuste dont l’architecture se démarque du paysage habituel. Des faïences ! Un objet de décoration marquant le milieu du 19ème siècle comme une césure historique. Ces fameux ornements symbolisent depuis plus d’un siècle et demi l’adresse de la célèbre École des otages créée en 1855 par Faidherbe, le gouverneur de ce qui était la colonie du Sénégal. Elle accueillait, de force, les fils de chefs et de notables locaux afin de les surveiller et de les former pour devenir des auxiliaires du pouvoir colonial. Parmi les recrutés, l’opposition de deux marquèrent l’histoire. Il s’agit de celle entre Yoro Diaw Booli Mbodj qui sortira plus tard comme chef de canton, et Sidya Diop, prince du Waalo, un royaume situé dans le Nord de l’actuel Sénégal, et fils de la reine Ndatté Yalla, pionnière de la résistance à la colonisation et référence de plusieurs générations de féministes locaux. Les deux promotionnaires ont deux idées différentes de la colonisation. Yoro Diaw Booli Mbodj fut un agent zélé de l’administration coloniale qui participa activement à la répression de la résistance armée du prince du Waalo, Sidya Diop, en 1876.
« Continuité historique »
L’opposition des deux est symbolique de ce qui se joue actuellement à Saint-Louis. « C’est une continuité », analyse Fatima Fall Niang, Directrice et conservatrice du Crds qui porte le nom de Yoro Diaw Boly Mbodj, le collabo de la colonisation. L’histoire officielle aurait-elle choisi son camp ? Les secousses qui ont suivi la mort de l’Afro-américain George Floyd et la résurgence du mouvement Black Lives Matter ont renforcé l’antagonisme. « Cela a ravivé les débats sur les symboles coloniaux même si notre combat a débuté depuis 2011 », précise Thierno Dicko. « Pour dénoncer la mort de Floyd, le racisme et, par extension, les symboles coloniaux, nous avions organisé un sit-in le 9 juin dernier à la Pointe Sud de l’Île, informe Ndèye Coumba Kane. Il avait été dispersé par la police qui interdisait les rassemblements avec la mise en place des mesures pour lutter contre la Covid-19 ».
« La statue Faidherbe ne me dérange pas »
C’est au quai Bacre Waly Guèye, du nom du père de Lamine Guèye, un des pères de l’indépendance, qui était jadis dénommé Roume, que nous avons rendez-vous avec un symbole de la ville. « Les Saint-Louisiens ne sont pas des collabos », lâche Louis Camara en guise d’introduction. Une prise de position ferme qui contraste avec les traits du personnage faits de subtilité, d’élégance de l’esprit et de sens de la mesure. Dans un cadre idyllique qu’offre ce restaurant sur les berges, la lune luit sur le fleuve Sénégal dont les reflets éclairent les esquifs aux couleurs nationales, mais aussi les couples discrètement attablés sur le ponton du restaurant. Entre une pizza quatre fromages et un cocktail local, les effluves de son plaidoyer pour « sa » Saint-Louis s’échappent. « La statue Faidherbe ne me dérange pas, use-t-il de l’euphémisme. Les noms de rues sont un condensé de ce qui fait Saint-Louis. Remplacer les noms de colons par d’autres locaux qui ne font pas consensus car portant une histoire trouble, je me demande si c’est un réel éclairage au débat ou une solution équilibrée aux problèmes d’identité. Il nous faut une introspection pour savoir ce que nous voulons garder de notre passé. « Enracinement et ouverture » disait Senghor », rappelle Louis Camara, voix de velours toujours posée. Toujours pas de remous. La douceur apparente de la nuit n’a pas de prise sur les positions de cet écrivain, Grand prix du chef de l’État pour les Lettres en 1996 avec son roman « Le Choix de l’Ori ». Il est le maître des mots, mais pas celui des horloges car rattrapé par l’heure de fermeture du restaurant.
Génocidaire
Le lendemain, l’Île de Saint-Louis dévoile le cadre d’une ville aux allures de musée non entretenue pour ne pas dire en ruine. Elle montre son vrai visage, sans fard, sans artifice. « C’est méchant », murmure Louis Camara quand on lui en fait la remarque. « Elle a dépassé l’âge », poursuit-il. Et toc. Saint-Louis est à la modernité ce que le charme est à la beauté. Jeunes ou ridées, le soleil tape sur les faces. Ce qui n’empêche pas les militants du mouvement « Faidherbe doit tomber » de continuer leur activisme en surfant sur la vague de protestations mondiales pour le changement des noms de rues, d’avenues, de places, de boulevards donnés à des colons et à des génocidaires. « Iba Der Thiam (historien sénégalais, Ndlr) dit que Faidherbe aurait tué plus de 20.000 Sénégalais en huit mois lors de la conquête du Waalo », relate Thierno Dicko, le jeune trentenaire à l’âge du Christ. « C’est un génocidaire qui ne mérite pas des dédicaces sur nos rues et places », s’irrite la juriste Ndèye Coumba. Et l’histoire récente commence à lui donner raison.
En effet, quelques heures plus tard, la municipalité a choisi de débaptiser la Place Faidherbe, la principale de la ville. Elle devient « Baya Ndar ». « Un de moins », sourit Thierno Dicko, coordonnateur du collectif « Faidherbe doit tomber ». « Baya Ndar était le nom de la place depuis des générations. C’est juste le retour du nom d’origine », explique Fatima Fall Niang, la conservatrice du Crds. Pourtant, cette annonce fait l’objet d’une déflagration au sein du petit cosmos des activistes qui préfèrent « domou Ndar » (fils de Ndar) à Saint-Louisiens comme appellation des habitants de la ville. « C’est une grande surprise », confie Thierno Dicko. Il fait un lien avec le mouvement mondial de protestation suite à la mort de George Floyd contre le racisme, mais aussi pour la chute des statues rappelant la colonisation et l’esclavage. Avec son acolyte Coumba, le jeune homme analyse les causes de « cette victoire » tout en se projetant sur la suite. « Cela montre que l’autorité prête attention à la demande de la majorité de la population de la ville de Ndar. C’est un bon début, mais nous aimerions que la place porte le nom de l’une des figures héroïques du Sénégal pour empêcher un éventuel retour de la statue. Si l’on donne le nom à une personnalité sénégalaise, cela coupe toute idée d’y remettre la statue », soutient-il.
Moom sa rëw
Le ton des discussions suit la montée du mercure, notamment après l’annonce de la rebaptisation de la Place Faidherbe en Baya Ndar. « Cela me laisse un peu dubitatif sur la manière de procéder aux changements des noms de rues. On ne prend pas suffisamment l’opinion du public. Les Saint-Louisiens doivent avoir leur mot à dire », s’insurge Louis Camara, qui nous a retrouvés à l’entrée de l’ancien Lycée Faidherbe, devenu Oumar Foutouyou Tall depuis 1983. « Baya Ndar ? Cela ne veut rien dire. J’aurais opté pour Place « Moom sa rëw » (souveraineté, en wolof). Dans l’histoire du Sénégal, il y a eu le mouvement politique indépendantiste du Parti africain de l’indépendance (Pai) dont le slogan était « Moom sa rëw ». Ce mouvement est né à Saint-Louis. On enlève la Place Faidherbe ? Je suis d’accord. Saint-Louis n’est plus une ville française, donc c’est normal de changer. Mais changer pour changer, je suis contre. Cela relève de l’histoire. Les spécialistes doivent trancher sur Faidherbe. Saint-Louis doit se tourner vers l’avenir », estime l’écrivain. Pourtant, le tour de l’Île renvoie à un temps figé avec des accents de la colonisation sur les différentes rues et bâtiments dont Faidherbe en est un symbole. Un pont, une place et une statue y portaient son nom jusqu’à cette première rebaptisation. « Un processus de changement des noms de rues est enclenché depuis plusieurs années », éclaire Fatima Fall Niang, également membre de la commission chargée de l’étude pour la mise sur pied des noms de rues.
Croisement d’une Afrique noire et blanche
Connu pour son opposition à Golbert Diagne, disparu en avril dernier, qui a été journaliste, comédien, patron de presse et ardent défenseur de la présence de la statue Faidherbe et l’héritage colonial, Thierno Dicko veut la disparition des références à la colonisation dans toute la ville. « Cela m’a valu des menaces de mort », glisse-t-il. Une idée qui n’est pas totalement partagée par tous ceux qui voient Saint-Louis comme la ville du métissage avec une mosquée où se côtoient un minaret et un clocher. « Délimitée dès 1825 par El Hadji Oumar Tall, la grande mosquée fut édifiée autour d’un des rares puits de l’île par l’administration coloniale. Cela peut expliquer la présence insolite d’un clocher devenu le minaret de gauche », informe une plaque du lieu de culte. « Nous sommes un métissage et la ville est un lieu de rencontres. Ici, se croisent l’Afrique noire et blanche, ainsi que toutes les ethnies du Sénégal. Ce brassage s’est renforcé avec la colonisation. C’est un avant-poste de l’Islam avec les Almoravides. Il y a aussi une présence chrétienne car la première cathédrale du Sénégal est construite à Saint-Louis dans la dernière moitié du 19ème siècle. On ne peut pas parler de Saint-Louis sans évoquer son passé. C’est comme parler de Venise sans évoquer les doges, ou l’eau de cette ville », pense l’auteur de « Au-dessus des dunes », Louis Camara. Débutés depuis plus de 30 ans, le lycée De Gaulle est, par exemple, devenu Oumar Foutouyou Tall en 1983, les changements de patronymes des rues et bâtiments de la vieille ville semblent s’être accélérés. Et les protestations de Black Lives Matter n’en sont certainement pas étrangères.