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11 avril 2025
Culture
GOREE PLAIDE POUR LA DIVERSIFICATION DE L’OFFRE TOURISTIQUE
Le maire de la commune de Gorée, Me Augustin Senghor, a appelé, jeudi, à la diversification de l’offre touristique afin de proposer de nouveaux produits aux visiteurs de l’Ile-mémoire.
Dakar, 13 sept (APS) – Le maire de la commune de Gorée, Me Augustin Senghor, a appelé, jeudi, à la diversification de l’offre touristique afin de proposer de nouveaux produits aux visiteurs de l’Ile-mémoire.
‘’Pour développer un tourisme dans un espace aussi réduit, il faut avoir la capacité de se recréer, pouvoir toujours proposer quelque chose de nouveau aux visiteurs’’, a-t-il préconisé.
Il s’exprimait à l’occasion de l’inauguration des ‘’sentiers culturels et naturels du castel’’, une série de dédalles et de marches, située derrière le fort du Castel, le point culminant de l’île qui s’élève à 36 mètres.
Selon le maire de Gorée, si les visiteurs viennent toujours pour la Maison des esclaves ou pour la plage, à un moment donné ils ne viendront plus.
‘’A chaque fois qu’ils voient dans les réseaux sociaux de nouveaux espaces à découvrir, ils viendront et surtout ils feront venir d’autres visiteurs’’, a-t-il déclaré, ajoutant que le viatique de la municipalité est d’‘’améliorer notre environnement et notre espace culturel pour mieux y vivre’’.
Cette inauguration marque une étape majeure du projet d’amélioration des infrastructures locales et de préservation du cadre de vie sur l’île. Elle a été rendue possible grâce au partenariat entre la Commune de l’Île de Gorée, l’Agence Française de Développement (AFD), Small Islands Organisation (SMILO) et le Conservatoire du littoral, selon un document de la municipalité.
LE DOCUMENTAIRE ”20 ANS APRES” DE MOUSSA TOURE PRIME AU FESTIVAL DU FILM DE KAZAN
Le film ‘’20 ans après’’ du réalisateur sénégalais Moussa Touré a été primé à la vingtième édition du festival international du film de Kazan dénommé ‘’Altyn Minbar’’ qui s’est déroulé du 6 au 11 septembre dans la capitale du Tatarstan, en Russie
Le film ‘’20 ans après’’ du réalisateur sénégalais Moussa Touré a été primé à la vingtième édition du festival international du film de Kazan dénommé ‘’Altyn Minbar’’ qui s’est déroulé du 6 au 11 septembre dans la capitale du Tatarstan, en Russie, a appris, jeudi, l’APS des organisateurs.
Le long métrage de Touré, président de l’Association des cinéastes sénégalais et associés (Cinéseas), a reçu le prix du meilleur documentaire.
”Cette année, le débat du jury a porté sur trois œuvres. La commission a réussi à déterminer le gagnant. Il s’agissait du film +20 ans après+ de Moussa Touré du Sénégal’’, a dit le Saoudien Misphera Almusa membre du jury sur le site du festival.
Le documentaire gagnant est une ode à la résilience consacrée à Francine, un ancien enfant soldat de la République démocratique du Congo ex Zaire qui, à l’âge de 12 ans, s’est engagé pendant la guerre de 1997 dans l’armée et démobilisé quelques années plus tard.
Dans une vidéo publiée sur le réseau social Watshapp, Moussa Touré a dédié son prix à sa défunte mère, décédée en 2022, six mois avant la fin de la réalisation du film.
‘’je voudrais remercier aussi le cinéma sénégalais parce que c’est le cinéma sénégalais qui m’a façonné’’, a dit le réalisateur tout en remerciant la direction de la cinématographie.
Pour lui, ‘’le Kazan, le Tatarstan et l’Afrique ont quelque chose de commun’’.
Le cinéaste était accompagné du secrétaire permanent du Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuel (Fopica) Alioune Kéba Badiane.
Le festival connu aussi sous le nom de ‘’Festival international du cinéma musulman de Kazan’’ a reçu la participation de cinéastes de 47 pays avec une sélection de 144 films dont 51 étaient en compétition dans les différentes catégories.
Selon les organisateurs, tous les films présentés reflètent ‘’des valeurs spirituelles et morales universelles et des traditions culturelles qui véhiculent les idées de rétablissement de la paix, de tolérance religieuse et d’humanisme’’.
Avec sa devise ‘’Par le dialogue des cultures – vers une culture du dialogue’’, le festival du film de Kazan créé en 2005 appelle ‘’le monde entier, dans le langage du cinéma, à l’amitié et à la coopération entre les représentants de toutes les nationalités et religions’’.
CELEBRER LA CREATION AFRICAINE ET DECONSTRUIRE LES STEREOTYPES
La troisième édition du festival «Africamía» est prévue du 27 au 29 septembre 2024 à Tenerife dans les îles Canaries (Espagne).
La troisième édition du festival «Africamía» est prévue du 27 au 29 septembre 2024 à Tenerife dans les îles Canaries (Espagne). Cet événement, dirigé par la Franco-Sénégalaise Sara Maurin Kane, filleule de l’artiste Joe Ouakam, a pour but de bâtir un pont culturel entre l’Afrique et les Canaries. A l’occasion de cet événement qui vise également à surmonter les inégalités sociales et culturelles, le rappeur sénégalais Nix et son groupe, ainsi que le film «L’Appel à la danse» de Diane Fardoun, tourné au Sénégal avec notamment Germaine Acogny, seront à l’affiche.
Après un franc succès des deux premières éditions, Tenerife, dans les îles Canaries, s’apprête à accueillir la troisième édition du festival Africamía. Ainsi, pendant 3 jours (27, 28 et 29 septembre 2024), cette édition va mettre en lumière des artistes africains, mais aussi renforcer les liens culturels entre l’Afrique et les îles Canaries, une région où les populations migrantes sont de plus en plus nombreuses. Dirigé par la Franco-Sénégalaise Sara Maurin Kane, filleule de l’artiste Joe Ouakam, le festival ambitionne de bâtir un pont culturel entre l’Afrique et les îles Canaries. «Bien qu’elles fassent partie de l’Union européenne, les îles Canaries sont situées dans l’archipel de Macaronésie, qui appartient géographiquement au continent africain. Tenerife a toujours accueilli des migrants du monde entier. Mais ces dernières années, elle a également accueilli une nouvelle catégorie de migrants originaires d’Afrique qui fuient une vie économique et/ou sociale difficile», explique dans un document, Sara Maurin Kane, la directrice artistique du festival. Alors, par ce festival, les organisateurs veulent également déconstruire les stéréotypes et préjugés qui perdurent à propos de la création africaine. «Nous souhaitons créer un moment d’échanges entre les différentes populations de l’île, migrants et locaux, en invitant des artistes de grande qualité, déconstruisant les stéréotypes et préjugés qui perdurent à propos de la création africaine. L’événement Africamía vise aussi à surmonter les inégalités sociales et culturelles, à promouvoir la diversité et à traiter spécifiquement du rôle des femmes dans le monde artistique», précise Sara Maurin Kane.
Avec cette édition 2024, Africamía propose une programmation pluridisciplinaire avec des expositions, des projections de films en Vo, de la gastronomie, des spectacles de danse, des concerts, des Dj set et des ateliers pour le jeune public, a fait savoir la Directrice artistique de l’événement. Evidemment, les activités prévues lors de ce festival de 3 jours vont mettre en valeur le métissage culturel qui existe sur l’île de Tenerife grâce à sa position géographique sur l’axe Afrique-Europe et de dépasser les frontières géographiques et artistiques. Cependant, l’édition précédente, rappelle la médiatrice culturelle Sara Maurin Kane, avait déjà accueilli des artistes tels que la chanteuse congolaise Fanie Fayar, le photographe sénégalais Antoine Tempé, l’artiste Audrey d’Erneville, le commissaire d’exposition Mohamed Cissé, la styliste Adama Paris ou encore la styliste Khadija Ba de l’Artisane. «Cette année, nous programmons le rappeur Nix et son groupe pour une résidence artistique, des ateliers scolaires et un concert, la danseuse Nshoma Nkwabi de la Tanzanie pour un spectacle de danse et des ateliers scolaires, le film L’Appel à la danse de Diane Fardoun tourné au Sénégal avec notamment Germaine Acogny et la Dj Tysha Cee du Congo pour un Dj set», a annoncé Sara Maurin Kane. «En plus du public de Tenerife, il est très important pour nous d’inviter des immigrants d’Afrique à participer à cet événement», a-t-elle précisé, soulignant l’absence notable de racisme dans cette zone cosmopolite. Outre la célébration des arts, Africamía vise également à ouvrir un dialogue sur la situation des migrants. «Nous voulons créer un moment de convivialité et d’échanges autour des cultures du continent africain si proche et pourtant si lointain en connectant les îles Canaries à d’autres territoires», fait-elle savoir.
LE RAP AU SÉNÉGALAIS EN PLEIN EBULLITION
Le rap a gagné du terrain sur la scène musicale sénégalaise, malgré certains manquements. Qu’est-ce qui a permis cette montée en puissance ?
Le rap a gagné du terrain sur la scène musicale sénégalaise, malgré certains manquements. Qu’est-ce qui a permis cette montée en puissance ?
Le rap sénégalais évolue-t-il ? Les artistes s’adaptent à leur époque en mélangeant les styles. Dire que les rappeurs ont attiré un public considérable par rapport à il y a quelques années, relève de l'euphémisme. Cette évolution a été favorisée par un environnement propice. On assiste à un essor des métiers liés aux cultures urbaines, notamment la formation des professionnels de la scénographie (son, lumière, vidéo).
Entrepreneur culturel, directeur du festival du Civisme, manager d'artistes et responsable de la structure Prom'art Compagnie, Christian Tity Mendy juge cette évolution très appréciable, vu la qualité des vidéos, le travail abattu par les beatmakers et le talent des réalisateurs de clips. Il constate également ‘’une évolution à travers les affiches d'albums et tout ce qui tourne autour de l'artiste’’.
Monsieur Mendy soutient que le streaming a joué un grand rôle, car la musique ou le rap sénégalais peut être écouté partout dans le monde dès lors que le son est officiel. Cela permet aujourd'hui à l'artiste de se faire découvrir par un autre public, de gagner de l'argent grâce au streaming, mais aussi via les réseaux sociaux et le numérique.
Dans la même veine, Waly Ba, grand mélomane et éditeur de livres, mentionne qu'il y a ‘’une évolution indiscutable’’, principalement au niveau de la forme.
Selon lui, ‘’en ce qui concerne les arrangements, la composition sonore et l'organisation rythmique, nous avons connu une évolution significative au cours de la dernière décennie’’. Mais, prévient-il, ‘’cela n’est point étonnant, car c’est une tendance naturellement liée à la courbe évolutive du rap mondial, qui tire toutes les pratiques du rap, d’ici comme d’ailleurs, vers le haut. Il faut suivre et s’adapter ou disparaître’’.
Concernant cette nécessité de suivre la tendance, le manager d'artistes souligne également qu'il reste du travail à faire pour que tous les artistes ressentent cette évolution. ‘’C'est seulement une partie qui en bénéficie. Prenons l'exemple des artistes vivant dans des régions reculées qui rencontrent des difficultés de connexion et d'enregistrement. Pour moi, il faut continuer à travailler beaucoup pour que les jeunes soient plus responsables et professionnels’’.
Sonorités locales
Aujourd’hui, les artistes s'inspirent beaucoup des sonorités locales. Christian Tity Mendy déclare : ‘’C'est normal. Vous savez, la musique est un produit et pour vendre ce produit, il faut naturellement une différence, disons une identité de marque. Actuellement, on parle de l'internationalisation du rap sénégalais. Les solutions qui nous permettent d'exporter notre musique passent d'abord par notre identité musicale. De nombreux ingénieurs du son ont compris cela et travaillent avec leurs artistes dans cette direction afin de faciliter l'exportation de leur musique.’’
Waly Ba abonde dans le même sens. Lui aussi trouve cette tendance tout à fait logique et normale. Il encourage une création stylistique ancrée dans la culture locale. ‘’En principe, cela devrait s’accentuer davantage. Pour glaner des Grammys un jour dans ce genre musical, il faudra comprendre qu’on n’y parviendra jamais en imitant, en prenant tout chez les autres. Nous ne pourrons réussir qu’en nous adossant à notre identité propre, à notre patrimoine rythmique, sonore, et tout ce que vous voulez. En un mot, il faut s’approprier davantage cet art en l’enrichissant par une invention stylistique ancrée dans notre culture’’, estime-t-il.
Cependant, il met en garde contre un mélange maladroit des influences locales et étrangères ‘’Il ne s’agit pas de faire du bric-à-brac en combinant de manière gauche l’en-soi et l’ailleurs. Malheureusement, c’est parfois le cas. À ce sujet, le groupe Daara J nous offre une leçon magistrale. Ils le font très, très bien’’, poursuit M. Ba.
Concernant l’utilisation du mbalax par les rappeurs, il l'apprécie positivement. ‘’Le mbalax ne peut pas rester tel qu’il fut ad vitam aeternam. Je ne suis pas pour la disparition définitive du mbalax pur et dur, tel que proposé par exemple par Fallou Dieng il y a quelques décennies ; mais les réalités du marché international de la musique nous imposent des transitions qu’il est difficile d’ignorer’’, estime-t-il.
Samba Peuzzi, par exemple, est un artiste qui n'hésite pas à apporter une bonne dose de mbalax dans son rap, ce qui lui avait valu des critiques de certains rappeurs. Cela ne l'a guère dérangé. Grâce à son talent, il s'est imposé et a su vendre son style musical. Aujourd'hui, il est l'un des artistes les plus écoutés, ayant conquis un large public jeune ainsi que la gent féminine. ‘’Parlez encore de ma façon de rapper. Ce n’est pas la peine de demander. C’est moi qui fais ce genre de son. ‘J'ai gâché le rap’. C’est ce qu’ils ont dit. Mais je m’en moque’’, a raillé Samba Peuzzi dans un titre ‘’Lou Yakou Yawa’’.
Interrogé sur ce phénomène, Christian Tity Mendy déclare : ‘’C'est un artiste qui a très tôt compris ce qu'il fallait faire pour se démarquer. Vu que le mbalax est une musique populaire, en créant des sons qui sonnent mbalax, on obtient forcément plus de visibilité, c'est-à-dire un public plus large qui commence à s'intéresser à ta musique.’’
Selon lui, Samba Peuzzi a utilisé cette stratégie, car c’est un artiste talentueux, proche des jeunes. ‘’La musique n'a pas de barrières et le rap, même s'il a des règles depuis sa création, doit être abordé de manière très professionnelle. S'il est trop basique, on risque de ne pas ressentir l'essence du rap, voire de le dénaturer’’, affirme le manager d’artistes et entrepreneur culturel.
Dip Doundou Guiss
Concernant la particularité de l’artiste Dip, Christian Tity Mendy loue son charisme et son comportement, qu'il juge très profonds : ‘’Il est respecté et incarne même le respect. Pour moi, il est une source de motivation pour les jeunes artistes, au-delà de son talent. Il dit souvent dans ses chansons que son rêve est de devenir milliardaire ou chef d'entreprise. Son style de rap est particulier et sa vision très claire’’, a-t-il indiqué.
Waly Ba souligne que Dip a un talent hors norme. ‘’Hors normes’’ ? Le rappeur a lui-même qualifié sa vie ainsi dans un morceau où il évoque les difficultés de la vie et promet qu'il en sortira. ‘’À tous points de vue, il est au-dessus de la mêlée. J’entends certains le comparer à un grand rappeur de la banlieue, mais franchement, la comparaison n’est pas possible pour moi. Dip, c’est l’invention permanente. Il a initié un style, une manière de rapper ; la foule a suivi. Ses épigones, ses pâles imitateurs ont fini par se rendre compte qu'il était déjà ailleurs, bien loin devant’’, soutient Waly Ba.
Selon lui, Dip possède une plume et une langue incomparables. Sa technique d’écriture est unique, ses paroles sont marquées par un lyrisme qui nous embarque dans une réflexion philosophique sur notre propre ego. Il a aussi un flow irrésistible. ‘’Il ne lui manque rien pour continuer à être le meilleur de sa génération’’, ajoute Waly Ba. Toutefois, certains fans de Keity soutiennent qu'il n'égale pas encore ce dernier.
L’ancienne génération
Waly Ba a vécu le premier grand tournant du rap sénégalais au début des années 90, marqué par le morceau ‘’Dundu Gu Déé Gun’’ du groupe Rapadio. À leur suite, des ‘’posse’’ (crew) de grand talent ont su élever le rap sénégalais à des hauteurs insoupçonnées. ‘’En termes de lyrics, cette génération où l'on trouve pêle-mêle Fata El Presidente, BMG 44, Daara J est absolument incomparable’’, magnifie l’éditeur passionné.
Selon lui, ces rappeurs avaient vraiment quelque chose à dire et savaient le dire de manière remarquable, malgré les moyens techniques limités de l’époque. Aujourd'hui, il estime que la génération actuelle est bien moins ambitieuse en termes de contenu. ‘’Tout et n'importe quoi sont transformés en message, ce qui ne cadre pas avec l'esprit originel du rap’’.
Jeunes talents
Concernant la génération actuelle, Waly Ba, en dehors de Dip qu'il considère comme le meilleur, estime que ‘’les plus belles expressions du rap sénégalais viennent des régions, particulièrement de Diourbel et de Mbour’’. Christian Tity Mendy, quant à lui, trouve que les jeunes talents sont techniquement forts et rappent très bien. Il cite Gun Mor de Keur Mbaye Fall, qui a déjà sorti des projets et remporté des trophées aux Galsen Hip Hop Awards. ‘’Il est très bon et sa vision est profonde. Je lui souhaite un avenir radieux’’, ajoute Mendy.
Ce dernier a également cité Mist Cash, Tall Bi, le groupe Akatsuki, etc. "Nous avons de jeunes pétris de talent. Avec un peu d'aide, ils peuvent contribuer à promouvoir le rap sénégalais à l'échelle internationale", dit-il.
Carrière internationale
En ce qui concerne la percée internationale, il reste encore beaucoup à faire. Peu d'artistes sénégalais ont acquis une renommée internationale, contrairement à leurs homologues nigérians. C’est pourquoi Christian Tity Mendy souligne l'importance de travailler sur l’identité musicale locale. ‘’Il faut que les producteurs, les promoteurs, les ingénieurs du son, les artistes, etc., organisent des réflexions à ce sujet. Il est également nécessaire que l'État prenne des mesures favorables à l'internationalisation de notre musique. En prenant l'exemple du Nigeria, il est important de noter deux aspects majeurs : la contribution de l'État et la taille de sa population’’, explique-t-il.
Le travail préalable n'est pas mince. Selon M. Mendy, il est essentiel que les diffuseurs de musique et les producteurs soient accessibles partout au Sénégal. Il met également en avant la nécessité de lutter contre la piraterie et de permettre aux artistes de promouvoir le tourisme local. ‘’Nous avons un beau pays. Des artistes comme Didi B, Asake ou Ckay, stars ivoiriennes et nigérianes, viennent ici pour tourner leurs clips. Ces images du pays peuvent attirer l'attention des grands producteurs’’, ajoute Tity, tout en invitant les artistes sénégalais à faire plus de collaborations avec des artistes étrangers pour mieux exporter leur musique.
Participation de Hakill dans ‘’Nouvelle École’’
Interrogé sur la participation de Hakill à l'émission ‘’Nouvelle École’’ en France, Christian Tity Mendy s’est montré encourageant. ‘’Ce n’était pas une évidence, mais Hakill est un grand artiste. Sa participation à cette compétition reflète sa volonté de se faire un nom, puisqu'il souhaite relancer sa carrière en France. Quant à son élimination, je pense que ce jour-là n'était tout simplement pas chanceux pour lui. Hakill a un niveau très élevé et n'avait même pas besoin de participer à ce concours, mais c'était son choix et je le respecte. Je lui souhaite une belle carrière’’, a-t-il affirmé.
Et bien que la langue ne soit pas une barrière dans la musique, l’utilisation d’une langue internationale peut grandement aider un artiste cherchant à se faire un nom à l’échelle mondiale. Hakill semble avoir pris conscience de cela, mais montre encore quelques hésitations. Il a le talent nécessaire pour être un grand artiste, mais semble toujours en quête de sa voie.
Lors de son passage à ‘’Nouvelle École’, il a commencé par rapper en français avant de passer au wolof, affirmant qu'il représentait le Sénégal. Ce choix a pu paraître incohérent pour un public francophone, mais il a reçu le soutien de certains fans sénégalais qui estiment que s'il avait mieux alterné entre le français et le wolof, sa prestation aurait été mieux perçue.
L’importance des cyphers
Cet épisode met en lumière l’importance des Cyphers, qui deviennent de plus en plus rares. Pourtant, Christian Tity Mendy estime que ‘’les cyphers sont des espaces où les artistes peuvent se confronter loyalement. C’est dans les Cyphers que les meilleurs amis peuvent se lancer des défis sans rancune. Cela favorise le développement des artistes et leur permet de s’entraîner et de communiquer’’. Il souligne que Dip et Ngaaka Blindé ont passé beaucoup de temps dans ces exercices. Mendy invite donc les acteurs culturels à en organiser davantage, car selon lui, ‘’bon nombre de jeunes artistes peuvent émerger grâce à ces cyphers et devenir parmi les meilleurs dans le futur’’.
MOHAMED ABDALLAH LY ANNONCE UNE NOUVELLE ÈRE POUR LE MUSÉE DES CIVILISATIONS NOIRES
Lors de la cérémonie de passation de service avec son prédécesseur, le nouveau directeur général a dévoilé sa vision pour l'institution. Il compte axer sa politique sur la démocratie, le dynamisme et la décolonisation.
Dakar, 11 sept (APS) – Le nouveau directeur général du Musée des civilisations noires (MCN), Mohamed Abdallah Ly, a exprimé, mercredi, sa volonté de baser sa politique muséale sur la démocratie, le dynamisme et la décolonisation.
‘’ (…) la politique muséale entre le projet et le document de préfiguration dont il a été question se basera sur trois +D+ comme démocratie, dynamisme et décolonisation (…)’’, a-t-il dit.
Il s’exprimait lors de la cérémonie de passation de service avec son prédécesseur, Professeur Hamady Bocoum, qui a dirigé le MCN pendant huit ans.
Concernant le cachet démocratique qu’il compte donner au MCN, le professeur Ly a souligné que les nouvelles autorités comptent multiplier les initiatives créatives pour faciliter l’appropriation du musée par les populations en général et la jeunesse en particulier.
Quant au dynamisme qu’il souhaite impulser dans le cadre de la politique muséale, il a indiqué l’objectif de créer des options plus fortes dans plusieurs domaines, notamment la création, la formation, la culture, tout en ouvrant l’espace des performances.
‘’Je pense que le musée des civilisations est une belle aventure qui a commencé bien avant nous. Il est venu à Dakar en 1966’’, a quant lui rappelé le directeur général sortant, le chercheur archéologue et historien-géographe, Hamady Bocoum.
QUAND LE FOUTA INVENTAIT LA DÉMOCRATIE
Une révolution oubliée refait surface sur les écrans sénégalais. Le docufiction de Moe Sow sur la révolution Toorodo de 1776 ébranle les consciences à Dakar et suscite un vif débat sur l'identité politique du pays
(SenePlus) - Le cinéma sénégalais s'apprête à offrir au public une plongée dans un pan méconnu de son histoire. Comme le rapporte Le Monde, le docufiction "1776, Thierno Souleymane Baal et la révolution du Fouta", réalisé par Moe Sow, a fait l'objet d'une avant-première très remarquée le 3 septembre au cinéma Pathé de Dakar.
Le film, qui doit sortir en salles en octobre au Sénégal et en novembre en Mauritanie, retrace un épisode historique d'une grande portée symbolique : la révolution Toorodo dans le Fouta, région à cheval entre le Sénégal et la Mauritanie. Cette révolution, menée par Thierno Souleymane Baal vers 1776 à la création de l'Almamiyat, est une forme de théocratie islamique dotée de garanties démocratiques avant-gardistes.
Le réalisateur Moe Sow explique sa démarche dans les colonnes du Monde : "Ce que je voulais, c'était rétablir une vérité : nos sociétés n'ont pas attendu une modernité occidentale pour accoucher de systèmes politiques précurseurs de nos démocraties." Cette volonté de réappropriation historique a trouvé un écho favorable auprès de nombreuses personnalités politiques et intellectuelles présentes à l'avant-première.
Parmi les spectateurs de marque, on notait la présence de l'ancienne premier ministre Aminata Touré, du conseiller mémoire du président Dialo Diop, et même du Premier ministre Ousmane Sonko. Le député panafricaniste Guy Marius Sagna a réagi avec enthousiasme, désincarné sur sa boucle WhatsApp : "Nous avons chez nous nos modèles qui n'ont rien à envier à personne", soulignant que cet épisode historique peut "constituer une boussole politique" pour l'avenir.
Le film mêle reconstitutions historiques et entretiens d'intellectuels, offrant différentes perspectives sur cet événement. Certains y voient un fait démocratique inscrivant le Sénégal dans une modernité globale, d'autres l'analysent comme un phénomène islamique et abolitionniste.
Cheikh Tidiane Gadio, député et descendant d'un dirigeant de l'Almamiyat, affirme : « Il y a une fierté qui s'exprime lors de la découverte par le grand public d'un événement comme la révolution Toorodo."
Malgré son importance historique, cette révolution reste peu connue au Sénégal. Absente des manuels scolaires, elle commence elle cependant à susciter l'intérêt, selon Le Monde. Ousmane Kane, président de l'Association Thierno Souleymane Baal, a appelé lors de l'avant-première à "célébrer nos héros" et a proposé l'érection d'une statue à Dakar en l'honneur du leader révolutionnaire.
Le film pourrait bien jouer un rôle éducatif important. Le ministre de l'éducation, Moustapha Mamba Guirassy, s'est engagé à le diffuser dans les écoles du pays, ouvrant ainsi la voie à une meilleure connaissance de cet héritage historique et démocratique.
Par Vieux SAVANE
HERMES T. OU L’ULTIME SECRET D’AKHENATON
Dans son premier roman, Abdoul Edouard Dia nous embarque dans une quête mystique inattendue au cœur du Sénégal. L'auteur transforme le quotidien d'un vendeur de charbon en une porte vers l'extraordinaire, mêlant habilement réalité et mysticisme
Bien des années plus tard, l’enclos de Seck Baraya était toujours là avec son monticule de charbon qui surplombait sa palissade en « crintin ». Aussi, les deux mains calleuses remplies de morceaux de charbon exposés comme une offrande sur un fond sombre troué par un petit éclat lumineux qui font la page de couverture du livre de Abdoul Edouard Dia, ne laissent-elles pas indifférent. Cette couverture accroche d’emblée par sa beauté plastique en même temps qu’elle intrigue. Au-delà de son titre insolite, «Hermès T. ou l’ultime secret d’Akhenaton », on devine qu’il ne saurait s’agir de n’importe quel vendeur de charbon. Que derrière cette présence banale se cacheraient certainement quelques pouvoirs mystérieux voire mystiques dont on dit le continent africain si friand. A l’image de ces gens de peu qui ne payent pas de mine, d’une simplicité émouvante, sans épaisseur matérielle et qui seraient dépositaires de certains dons voire de savoirs ésotériques capables de changer le cours normal des choses.
Aussi, Thierno Amadou Hill, personnage central du roman, se trouvait-il à cet endroit, assis dans l’enclos à charbon, alors qu’il était sorti très tôt de chez sa tante Racky, sis le quartier Kasnack à Kaolack, à la recherche d’air frais, abruti par une nuit d’insomnie après un long vol qui l’avait débarqué la veille à l’aéroport Blaise Diagne. Quelques souvenirs lui revenaient, se rappelant enfant, l’avoir vu souventes fois assis au coin de la rue, concentré sur la vente de son charbon, sans lui prêter pour autant une attention particulière. Et aujourd’hui, suite à son invite, il est venu aux aurores s’asseoir à ses côtés pour apprendre à écouler du charbon de bois, soumis toutefois à l’exigence de ne poser aucune question et de se contenter d’observer, l’esprit libéré, en toute décontraction. Lui, le professeur émérite de mathématiques de renommée internationale, se retrouvait désormais à devoir écouter et boire les paroles d’un vieil illettré dépenaillé et tout crasseux. Il y avait de quoi interroger son entourage qui se posait moult questions, d’autant plus que c’était un drôle de gus celui-là. Nul ne savait où il habitait. Nul ne connaissait sa famille, sa femme, ses enfants. Que s’était-il donc passé pour que ce mystérieux personnage se retrouvât tout d’un coup à le convier à une conversation, même si bizarrement, suite à son acceptation, il retrouvera le sommeil d’une nuit calme et reposante. Drôle d’échange mutique tout de même. C’était sans paroles. Son entourage s’inquiétait de le voir ainsi dans l’enclos de Seck Baraya, tout sale, pieds nus, à vendre du charbon. Un esprit malin lui aurait-il jeté un sort ou aurait-il tout simplement perdu la tête à la suite d’éprouvantes et brillantes études de mathématiques ? A moins que ce foutu charbonnier ne soit un suppôt du diable. Au bout de ces trois jours de dialogue improbable, il était à observer son interlocuteur qui n’en finissait pas de raccommoder son boubou. Au quatrième jour, plus de Seck Baraya, en lieu et place un jeune talibé qui demande de l’aumône. Il réapparaitra bien plus tard, complétement métamorphosé, « vêtu d’une djellaba couleur bleu nuit dont le tissu était d’une riche étoffe entre le cachemire et l’astrakan ». Ah si ces couleurs tant chantées, bleu comme l’azur, jaune comme l’or, vert comme l’émeraude n’étaient que des révélateurs de traces ! Qui donc était Seck Baraya ? Mystère et boule de gomme. Il apparaissait alors soudainement à Thierno que tout était signe, en somme des signifiants renvoyant à des signifiés à décrypter. Et au centre, ce fameux geste dessinant un cœur dans l’espace. Rien n’était décidément le fruit du hasard, jusqu’à son nom qui en annonçait le destin exceptionnel. Thierno faisant référence dans l’univers peul à des leaders spirituels ou des personnes de grande sagesse. Amadou ou Ahmad étant le prénom du Prophète. Tout était donc écrit, de sorte que les évènements qui se déroulent ne font que manifester ce qui était caché. L’inéluctable. A l’image d’un désir dont la manifestation passe par une tierce personne qui en accouche le narratif, il apparaissait par petites touches à Thierno Alassane, au fil de ses pérégrinations, qu’il était l’élu choisi pour retrouver et fusionner trois parchemins disséminés à travers le monde en un seul pour le plus grand bonheur de l’humanité.
Par une écriture suggestive et toute en finesse, titillant une imagination pouvant s’en donner à cœur joie, l’auteur arrive à nous entraîner dans les méandres d’une intrigue haletante dont on s’évertue vaille que vaille à démêler l’écheveau. Banquier international, ingénieur diplômé des grandes écoles, Abdoul Edouard Dia signe avec « HERMEST. Ou l’ultime secret d’Akhenaton » un premier roman étonnant de fraîcheur qui sonne comme un évènement, par son originalité et la profondeur de ses réflexions existentielles.
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EL HADJI MALICK SY, L'ÉTOILE DE TIVAOUANE
Érudit visionnaire, il a façonné l'âme du pays en semant les graines de la connaissance et de la spiritualité. Son héritage, plus vivant que jamais, continue d'illuminer les cœurs et les esprits bien au-delà des frontières de Tivaouane
Dans le firmament de l'Islam sénégalais, une étoile brille d'un éclat particulier : El Hadji Malick Sy. Né en 1855, cet homme exceptionnel a transformé le paysage spirituel de l'Afrique de l'Ouest avec la force tranquille de son savoir et la profondeur de sa foi.
Dès sa jeunesse, Malick Sy se distingue par son soif de connaissance. Il sillonne le Sénégal, absorbant la sagesse des maîtres. Mais c'est à Tivaouane qu'il plante les racines de son œuvre monumentale.
Érudit, enseignant, écrivain : Malick Sy endosse tous les rôles avec une grâce qui force l'admiration. Les jambes du fils ? Une armée de disciples, des écoles coraniques essaimées à travers le pays, et des ouvrages qui résonnent encore aujourd'hui dans le cœur des fidèles.
Plus qu'un simple guide religieux, El Hadji Malick Sy incarne l'essence même de l'islam soufi : ouverture, fraternité, générosité. Son amour pour le Prophète Muhammad transpire dans chacun de ses actes, dans chacune de ses paroles.
Parti rejoindre son créateur en 1922, Malick Sy continue pourtant de vivre. Dans les rues de Dakar qui portent son nom, dans les zawiyas où l'on récite ses poèmes, dans les cœurs des Sénégalais qui, chaque année, célèbrent la naissance du Prophète en son honneur.
par Patrick Chamoiseau
KALINAGO ET ARAWAK POUR UNE CITOYENNETÉ TRANSNATIONALE
Ne devrions-nous pas, tous autant que nous sommes, soustraire notre horizon au seul modèle de l’État-nation occidental, à son nationalisme meurtrier, pour y multiplier les rhizomes d’une « nation-relation »
À l’heure où les grandes nations se raidissent dans des levées guerrières, nous pouvons — nous, de la Caraïbe — distinguer un murmure. Celui qui monte de la mer et qui nous invite à une reconnaissance. L’Inde et le Bénin, dans un élan de justice mémorielle, l’ont entendu. Ils offrent une citoyenneté de cœur à ceux que la Traite et la colonisation ont enlevés à leur sol. Une porte inédite s’est ainsi ouverte à ceux d’entre nous qui désirent amplifier leur extension au monde. Que l’on s’en serve ou pas relève d’une stricte éthique individuelle. Mais, nous pouvons globalement en peser l’intention.
Au-delà des choix personnels, ne devrions-nous pas, tous autant que nous sommes, soustraire notre horizon au seul modèle de l’État-nation occidental, à son nationalisme meurtrier, pour y multiplier les rhizomes d’une « nation-relation » ‒ celle que nous avons (Édouard Glissant et moi) évoquée dans bien des manifestes ?
De la source à la ressource
Avec la colonisation, la globalisation capitaliste, les mouvements aléatoires des peuples et des individus, le monde s’est pris de créolisation. Il a réactivé en lui (à haute intensité, à grande échelle et sans frontières) le brassage des diversités humaines et non humaines qui composent le vivant. Ce brassage n’est rien d’autre qu’un principe fondateur, non seulement du vivant lui-même, mais aussi des communautés d’Homo sapiens qui se sont mises en place depuis la nuit des temps. Dès lors, tous les peuples, sociétés et cultures d’aujourd’hui, sont exposés à des mélanges relationnels qui font d’eux des pays culturellement composites… Tous sont, soit nés dans le Divers, soit en devenir imprédictible dans le Divers.
Hélas, les imaginaires humains (dans leurs absolus communautaires antagonistes) ont tendance à oublier ce rapport organique à la diversité. Les multiplicités intérieures (post-coloniales, accélérées, soudainement agissantes) affolent les imaginaires restés monolithiques. Un incertain identitaire ébranle les anciennes illusions, tant du bord des coloniaux attardés que de celui des décoloniaux énervés. Pourtant, la santé mentale de notre époque consiste à simplement accepter la loi diverselle du vivant. Ce qui revient pour chacun à accepter toutes ses origines, sans en omettre une seule. À les envisager une à une, nullement comme cicatrices à conjurer, mais comme des sources vives qui deviennent des ressources, et qui irriguent ainsi la profondeur et l’étendue de nos présences au monde. C’est le défi de notre temps.
Désapparition
Ici, dans notre archipel caribéen, chaque volcan élève une stèle aux peuples premiers génocidés. Avant l’arrivée des Européens, cette zone accueillait près de deux millions de natifs – sociétés Taïnos, sociétés Kalinagos. En quelques décennies, victimes de maladies, de massacres, et de toutes qualités d’asservissements, elles se sont retrouvées gisantes, éparpillées de par les îles, en quelques milliers de survivants. Cet effondrement constitue un impensable conceptuel. Les vagues y font frémir les silences, les cris et les soupirs, de ceux qui sont venus d’eux-mêmes, et de ceux que l’on a charroyés pour le besoin des colonisations. C’est l’écume de ces vagues qui distille un intranquille murmure, habité de mille sources, virtuel de mille ressources.
Hélas, dans ce chaos génésique, les descendants des Arawaks et des Kalinagos, ne sont plus que des sources négligées, et donc, en ce qui concerne notre devenir à nous caribéens, des ressources potentielles abimées. À l’heureuse du bonheur, leurs formidables équations culturelles n’ont pas pris disparaître malgré le génocide ; elles ont seulement désapparu, nourrissant par en-bas, mais nourrissant malement, ce que nous sommes maintenant. Il est temps de les reconnaître. Il est temps de nous ouvrir en eux, de les ouvrir en nous – non en ombres folkloriques, mais en citoyens d’office, sujets trans-nationaux, de notre grande Caraïbe qu’ils savaient, de toute éternité, concevoir dans une continuité de terre, de ciel, de mer, d’aller-virer et de balans du vent.
Blason
Alors, tenons cette poétique : ouvrir nos pays ; permettre à ces filles et ces fils de l’horizon premier, de circuler sans chaînes, de s’enraciner comme bon leur semble dans chacune de nos terres, sans accrocs ni barrières. Offrons-leur (et offrons-nous dans le même temps) un moment de justice historique, un éclat d’élégance mémorielle : le blason d’une vision hospitalière du monde.
Cette citoyenneté-en-étendue serait une réparation symbolique du génocide inaugural. Elle leur rétablirait une présence plénière parmi nous, laquelle deviendrait la trame incontestable de notre espace commun. La Caraïbe pourrait ainsi déserter sa chimère d’insularités éclatées, sans mouvement d’ensemble autre que celui, absurdement capitaliste, d’une liturgie économique. Elle pourrait ouvrir la ronde d’une rythmique de jazz où chaque île-pays s’amplifierait des échos et des richesses des autres ; où chaque citoyen improviserait en lui toutes les histoires, toutes les mémoires, toutes les souffrances, mais aussi toutes les beautés de ce qui constitue la gamme géographique la plus créole et la plus musicale du monde.
Nations-relation
Nous, du pays-Martinique, avons encore à nous débarrasser des vyé zombis mentaux qui nous lient aux abrutissements de l’outremer français. Riches d’une souveraineté optimale, maîtrisant nos interdépendances avec la France, avec l’Europe, nous pourrions enfin assumer nos en-communs de destin avec la Caraïbe. Et kisa de plus beau, de plus juste, de plus vrai, que d’amorcer cette utopie refondatrice en reconnaissant Kalinagos et Arawaks comme fils ainés — inaliénables, légaux et légitimes ! — de notre bel archipel ? Kisa de plus exaltant que de les retrouver libres de le parcourir, de l’habiter au vent, de l’enchanter des sillons de leurs chants, de leurs récits, des kanawas pacifiques de leurs vies ?
Voici une des beautés que cette citoyenneté va engendrer : la Caraïbe s’élèvera en une belle offrande de complexité historique, patrimoniale, mémorielle, de géopolitique démiurge, de solidarité généreuse, et pour tout dire : de Relation. La référence à cette poétique de la Relation d’Édouard Glissant est ici obidjoule. Le poète proposait une gourmandise du monde où les rapports entre les peuples, les cultures, les territoires et les individus, ne seraient plus de dominations ou d’exclusives souveraines. Elles s’agenceraient dans l’interaction horizontale des différences, et de ces surgissements qui naissent sans fin de leurs rencontres. Cette vision récuse les cadres usés des vieux États-nations, le plus souvent moisis sur des verticales du pouvoir et de l’identité. Elle nous offre une partition polyrythmique pour improviser ensemble une mélodie d’alliances plus fluides, plus inclusives de nos appartenances. Danser ça ! auraient admis les répondeurs.
Donc : ni outremer, ni empire, ni fédération, ni confédération, ni zone de libre-échange…, mais l’inouï d’une catégorie juridique nouvelle : l’ouvert d’un archipel-relationnel qu’il nous revient d’imaginer. Chaque descendant des Arawaks et des Kalinagos pourra y retrouver sa terre-mer-archipel, sa voix originelle, sa voie caribéenne, y libérer son devenir dans tous nos devenirs. Il ne s’agit plus de seulement réparer les crimes du passé, mais ‒ sans pathos, sans haine, et sans rien oublier ‒ d’agencer une présence caribéenne où chaque source s’étincelle dans les autres, où les jouvences de l’un viennent compenser les vieillissements de l’autre, où chaque célébration relationnelle acquise, exalte le diversel fondal-natal de nos humanités. C’est un Faire-caraïbe ! auraient crié les répondeurs.
Une nouvelle cheffe des Kalinago de la Dominique vient d’être élue. Il s’agit de Mme Anette-Thomas Sandford. S’il nous fallait lui formuler un hommage, ce serait cette adresse ouverte, destinée à toutes les organisations officielles et entités civiles qui envisagent une autre Caraïbe 1 . Y souscrire sublimerait nos solidarités. La mettre en œuvre désignerait au monde une manière de transcender l’héritage terrifiant des méfaits coloniaux et des folies de la Traite. La proclamer esquisserait surtout un joli pas de tango vers l’idée des « nations-relation » — celles qui sont à venir, celles qui se verront tissées de souverainetés intimes poussées à l’optimal ; celles qui augureront d’une citoyenneté neuve, joyeuse, post-capitaliste, planétaire, poétique et nomade. C’est l’horizon de notre Faire-pays ! auraient hélé les répondeurs.
1 – Association des États de la Caraïbes (A.E.C.), Organisation des États de la Caraïbe orientale (O.E.C.O.), Communauté des Caraïbes (CARICOM), Système d’intégration Centraméricain (SICA), Alliance Bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA), à l’Union des Nations Sud-Américaines (UNASUR)…etc.
par El Hadji Gorgui Wade Ndoye
UN GRAND MONSIEUR S'EN VA
Son dernier combat fut le parachèvement de la paix en Casamance. Le combat d’une vie d’un grand intellectuel. Repose en Paix grand frère et cher ami Ndukur Kacc Essiluwa Ndao
El Hadji Gorgui Wade Ndoye |
Publication 07/09/2024
Repose en Paix grand frère et cher ami Ndukur Kacc Essiluwa Ndao. En début de cette semaine, le 02 septembre, nous avons échangé par whatsapp.
L’éminent ethno-anthropologue et spécialiste de la Casamance est mort ! En décembre 2020, pour la deuxième Edition du Gingembre Littéraire du Sénégal sur le vivre ensemble consacré à la Casamance, Abdou Ndao qui est mon ancien de l’Université Gaston Berger et avec qui j'ai partagé le même pavillon universitaire le G4/D avec d’autres personnalités comme son plus que frère le magistrat Cheikh Bamba Niang etc, n'avait ménagé aucun effort pour la réussite de cet évènement fort bien accueilli. Il s’était mis totalement à notre disposition tant au niveau intellectuel et humain en organisant la logistique sur place avec notre autre aîné Moustapha Tambadou.
Son dernier combat fut le parachèvement de la paix en Casamance. Le combat d’une vie d’un grand intellectuel.