SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
27 novembre 2024
Culture
LA 15E EDITION DE STLOUIS’DOCS A PARTIR DU 30 AVRIL
Quarante films documentaire figurent au programme de la 15e édition de “Stlouis’Docs”, le festival international du film documentaire de Saint-Louis, qui démarre le mardi 30 avril prochain, a-t-on appris des organisateurs.
Saint-Louis, 22 avr (APS) – Quarante films documentaire figurent au programme de la 15e édition de “Stlouis’Docs”, le festival international du film documentaire de Saint-Louis, qui démarre le mardi 30 avril prochain, a-t-on appris des organisateurs.
La sélection retenue pour cette édition prévue pour se poursuivre jusqu’au 4 mai, comprend tout à la fois de courts, moyens et longs métrages, selon un document reçu des organisateurs.
Une rétrospective sera consacrée cette année à la réalisatrice camerounaise Rosine Mbakam, qui fera le déplacement à Saint-Louis.
Les organisateurs annoncent aussi un focus sur le travail de la réalisatrice québécoise Catherine Hebert, qui sera également de la partie.
Des projections-débats, causeries, des cafés-rencontres, ainsi que des séances scolaires sont au programme de la manifestation, de même qu’un forum de production visant à accompagner “la création émergente”.
L’agenda du festival prévoit également de mettre en lumière “Sénégal en Docs”, une section spéciale dédiée à valoriser la production nationale et la création émergente.
La place “Baya Ndar”, ex place Faidherbe, le centre Jangkom, l’institut français, le centre culturel ”Le Château”, le centre culturel Aminata de Gandiol sont les différents lieux retenus pour abriter les activités de la 15e édition du festival international du film documentaire.
L’ambition du festival Stlouis’Docs est de “valoriser le cinéma documentaire africain et créole, dans toute sa richesse, sa complexité, sa création et sa diversité”, vont valoir les initiateurs de la manifestation.
Stlouis’Docs se veut un espace privilégié de rencontres, d’échanges et de découvertes autour de la création documentaire, selon ses promoteurs, regroupés autour de deux structures que sont ”Suñuy films” (Sénégal) et ”Krysalide diffusion” (France).
LES PROFESSIONNELS DU TOURISME EXPRIMENT LEURS ATTENTES À MOUNTAGA DIAO
Le ministre a reçu en audience les professionnels de ce secteur stratégique de l’économie nationale. Une rencontre qui présage sans doute d’une gestion concertée de ce secteur important pourvoyeur d’emplois massifs et de richesses.
Le nouveau ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Mountaga Diao démarre l’activité sur des chapeaux de roue. Aussitôt installé, il a reçu en audience les professionnels de ce secteur stratégique de l’économie nationale. Une rencontre qui présage sans doute d’une gestion concertée de ce secteur important pourvoyeur d’emplois massifs et de richesses. La délégation des acteurs du tourisme hôtellerie était conduite par le président de la FOPITS, Mamadou Racine Sy accompagné de Mamadou Sow vice-président du FOPITS par ailleurs PDG de Palm Beach Hôtel. Sans oublier Aimé Sène, PDG du groupe hôtelier Fleur de Lys ; Boubacar Sabaly, président du syndicat d’initiative du tourisme-région de Thiès ; Ibrahima Sarr, DG de l’hôtel Filaos ; Issa Barro, président de la Fédération nationale des syndicats d’initiative ; Awa Guèye Sow ainsi que le secrétaire général exécutif de la Fédération des professionnels du tourisme.
Cette visite de prise de contact avec le nouveau ministre duTourisme et de l’Artisanat s’est déroulée dans une ambiance empreinte de cordialité. Les professionnels du tourisme ont tenu à féliciter l’autorité pour sa nomination et en ont fait de même pour le président de la République. Ils ont exposé au ministre, en attendant d’autres rencontres, les diverses contraintes et attentes du secteur. Tout en marquant leur disponibilité à l’accompagner dans la mise en œuvre des orientations que se fixe le gouvernement en matière de politique touristique.
Plusieurs sujets ont été abordés et le ministre a manifesté de bonnes dispositions à travailler en étroite collaboration avec le secteur privé dans le cadre d’une vision partagée. Les deux parties ont convenu de se retrouver prochainement. Les professionnels du tourisme sont sortis très satisfaits de cette rencontre qui augure des lendemains meilleurs pour le secteur.
UNE CONTRIBUTION A L’AMELIORATION DE LA CONFORMITE DE LA LUTTE
Les deux volumes de l’ouvrage de l’enseignante chercheuse Sokhna Maïmounatou Mbacké Fall dédicacés ce weekend, à l’Harmattan Sénégal, portent sur la question du droit de la conformité de la lutte contre le blanchiment de capitaux dans l’espace UEMOA.
Les deux volumes de l’ouvrage de l’enseignante chercheuse Sokhna Maïmounatou Mbacké Fall ont été dédicacés ce weekend, aux éditions l’Harmattan Sénégal. Les volumes qui ont respectivement 593 et 381 pages, portent sur la question du droit de la conformité de la lutte contre le blanchiment de capitaux dans l’espace UEMOA.
L’ouvrage «Lutte contre le blanchiment de capitaux dans l’UEMOA» est une réflexion sur tous les aspects de la question, pour contribuer à l’amélioration de la conformité de la lutte. L’auteur Dr Sokhna Maïmounatou Mbacké Fall indique le «pourquoi du livre» ainsi que les grandes lignes des problématiques abordées dans les deux volumes. Selon l’enseignante chercheuse, la question du pourquoi du livre recouvre deux aspects, la genèse et le but de sa publication... «C’est le Pr Philippe Delvit qui, à l’époque où j'entamais mes recherches, était chargé du partenariat entre l’école de droit de l’ISM et l'université Toulouse Capitole. C’est lui qui m’a suggéré d’écrire une thèse sur la lutte contre le blanchiment de capitaux spécifiquement dans l’UEMOA, étant donné que mon mémoire du second Master 2 (fait à Lyon) avait porté sur le dispositif international de lutte contre le blanchiment de capitaux». Cela fait donc dix ans qu’elle travaille sur cette thématique devenue «une véritable passion», déclare la chercheuse. Elle indique dans la foulée ce qui l'a poussée à publier sa thèse. Cette décision, dit-elle, lui est venue très tôt avant même la rédaction de son ouvrage. «J’avais fait le constat qu’il y a très peu de publications de la doctrine, en particulier sur le dispositif ouest africain de lutte contre le blanchiment de capitaux». Ce, même s’il y a des contributions très pertinentes de par leur qualité, notamment les articles de Pr Ndiaw Diouf, il y a 20 ans, portant sur «le blanchiment de capitaux au sein de l’UEMOA». En 2022, Cheikh Mouhamadou Bamba Niang a aussi publié dans une revue un article sur «la justice pénale financière au Sénégal». Mais l’auteure, elle, s’est dit qu’une réflexion couvrant tous les aspects de la question pourrait être utile. «La dynamique est de contribuer à une meilleure connaissance du droit de la conformité dans la lutte contre le blanchiment et particulièrement dans l’Uemoa», signale Mme Fall. Elle catégorise ainsi le livre comme étant «un ouvrage sur le droit de la conformité». Celui-ci va ouvrir sur plusieurs disciplines. L’auteur trouve, en l’espèce, qu’un travail de vulgarisation autour de la thématique est aujourd’hui très important au regard des proportions énormes qu’a prises le blanchiment de capitaux en Afrique de l’Ouest.
Cette préoccupation, se réjouit-elle, est l’une des préoccupations du nouveau gouvernement. Et à ce propos, elle spécifie y avoir travaillé dans le volume 1, à partir de la page 310 et suivant une étude détaillée sur les menaces et vulnérabilités au blanchiment de capitaux dans les États membres de l’UEMOA. Ce qui lui a permis de constater jusqu’à quel point le risque de blanchiment de capitaux dans ces pays est élevé, mais surtout que « la gangrène touche pratiquement toutes les professions et donc tous les secteurs de l’économie». D’autant plus que «l’informel vient brouiller les pistes au regard de l’intraçabilité des transactions qui y sont effectuées», déplore la spécialiste. Elle dépeint sur cette tribune un tableau sombre. «La situation dans nos pays est grave mais ce n’est pas non plus surprenant puisque la criminalité transfrontalière fonctionne en réseau... L’essentiel réside dans la réponse qu’on apporte à ce problème», soutient l’enseignante à l’ISM. Elle explique que c’est pour cette raison que l’ouvrage est construit autour d’une problématique qui tend vers une recherche de solutions.
Comment améliorer le dispositif de prévention et de répression du blanchiment de capitaux dans les États membres de l’UEMOA, ce, de manière à atteindre la pleine conformité aux recommandations du Groupe d’action financière (Gafi, organisme international chargé de la lutte contre le blanchiment de capitaux à travers le monde) ? Pour ce qui est de la réponse à cette interrogation, les présentateurs de l’ouvrage, Pr Ndiaw Diouf et le magistrat Cheikh Mouhamadou Bamba Niang, indiquent des pistes. Le premier préconise «un projet de loi uniforme permettant de sanctionner le blanchiment de manière uniforme pour éviter la création des paradis de blanchiment au sein de l’UEMOA». M. Niang qualifie cette problématique de « tension permanente entre l’économie criminelle et l’économie réelle...». L’ouvrage présente, à son avis, un intérêt particulier de dialogue des matières et des politiques juridiques internes et internationales et parfois même communautaire.
Quant à l’apport de l’ouvrage, Sokhna M. M. Fall dégage une vue d’ensemble. «Il permettra aux lecteurs même non juristes de savoir : qu’est-ce qui doit être fait pour lutter contre le blanchiment ? C’est-à-dire, quelles sont les obligations de conformité de tous les pays du monde dans la lutte contre le blanchiment de capitaux. Cette partie de l’ouvrage contient notamment une analyse détaillée des critères de conformité à chacune des 40 recommandations du Gafi. Qu’est-ce qui a été fait en Afrique, puis dans l’UEMOA? Autrement dit, quel est le bilan du niveau de conformité des États de l’UEMOA aux normes du Gafi dans la prévention et la répression du blanchiment ? Enfin, qu’est-ce qui reste à faire ? L’auteur a proposé des réponses dans l’ouvrage.
LE COLLECTIF DES ARTISTES INDEPENDANTS EXIGE LE REPORT ET L'AUDIT DE LA BIENNALE DE DAKAR
Pour 2024, si les nouvelles autorités cautionnent le maintien de la période du 16 mai au 16 juin 2024, les dettes qui seront contractées, seront préjudiciables à l’avenir de Dak’Art
Prévue du 16 Mai au 16 Juin prochain, des voix se sont levées pour demander le report et l'audit de la 15e Édition de la Biennale de l' Art Africain contemporain de Dakar, connue sous le nom de Dak'Art. Coordinateur du collectif des artistes indépendants du Sénégal, Amadou Diop, souligne que "dans la phase actuelle, l’audit organisationnel, technique, financier de la Biennale, est une exigence pour le plus grand rendez-vous des arts du continent".
D'après l'artiste Amadou Diop, "la Biennale de 2022 d’un budget d’un milliard n’a pas été l’objet d’une vraie évaluation avec les parties prenantes, sinon une évaluation confidentielle. Pour 2024, si les nouvelles autorités cautionnent le maintien de la période du 16 mai au 16 juin 2024, les dettes qui seront contractées, seront préjudiciables à l’avenir de Dak’Art. La prudence exige le report et l’audit de la Biennale par les nouvelles autorités", fait-il savoir dans un communiqué parvenu à Dakaractu.
Le document révèle que "des dépenses démesurées et inutiles au regard des priorités sont engagées au détriment de l’intérêt collectif. À titre d’exemple en 2024, presque 200 millions seraient dépensés pour la participation de l’artiste Alioune Diagne, appelée pompeusement Pavillon Sénégal alors que l’artiste, originaire de Kaffrine, vivant en France depuis plusieurs années, représente la galerie Templon à la Biennale de Venise. Avec la caution-complice du théoricien Massamba Mbaye, affidé de la galerie parisienne, qui fait office de Commissaire Général de l’artiste au Pavillon Sénégal sans sélection, ni appel à candidature dans le secteur des arts au Sénégal. Or Alioune Diagne n’a jamais gagné le grand Prix de la Biennale de Dakar. Pourtant, il était en compétition en 2022. Cette complicité de Kaffrinois l’artiste Alioune Diagne, Alioune Sow, l’ancien Ministre en charge de la Culture et l’amatrice Secrétaire Générale. Combien l’État du Sénégal a contribué financièrement ? L’audit doit le signifier. Comme rapporté à travers Seneweb, le samedi 20 avril 2024, « Alioune Diagne développe des sujets douloureux de la société sénégalaise comme le racisme, l’émigration clandestine », mais où est le racisme au Sénégal ? C’est comme ça qu’on dénigre son propre pays", s'interroge le coordonnateur du Collectif des artistes indépendants du Sénégal.
En outre, Amadou Diop déplore , "la gestion catastrophique par rapport aux priorités des deux éditions de la Biennale pousse à un diagnostic sérieux pour remettre la Biennale sur les rails. À cela s’ajoutent, depuis deux éditions, les concerts et animations de musique organisés par Abdoulaye Koundoul, Aziz Dieng de la Commission Animation qui grèvent une bonne partie de la Biennale devant l’impuissance de la Secrétaire Générale de la Biennale, Mme Marième Ba Diop".
LES CHANTIERS DE LA RUPTURE
Justice, économie au service des plus démunis, politiques publiques inclusives... Felwine Sarr liste les grands défis sociétaux nécessaires pour transformer la victoire démocratique en une révolution sociale profonde, à la hauteur des attentes populaires
Felwine Sarr est convaincu qu’il y a un ethos de l’universitaire, qui est de faire profession de vérité et celle-ci est due à la société et aux puissants. Depuis les Etats-Unis où il enseigne, l’universitaire sénégalais revient, dans cet entretien, sur la « révolution démocratique » que constitue l’élection de Bassirou Diomaye Faye qui, à son avis, doit aboutir à « une révolution sociale » afin de concrétiser le désir de changement exprimé dans les urnes.
Quelle signification donnez-vous à l’élection de Bassirou Diomaye Faye comme président de la République ?
Le sentiment que j’ai, c’est que le peuple sénégalais a réussi une révolution démocratique. Je pense que les deux termes sont importants. Il y a eu un désir de changement profond dans la société sénégalaise et un refus de basculer dans un régime autocratique. Le précédent régime a tenté de violer nos droits et libertés, a exercé une violence soutenue contre le corps social sénégalais, a piétiné les institutions et nous a entrainé dans une situation inédite ces trois dernières années, jusqu’à ce moment crucial où le président de la République avait décidé d’arrêter le processus électoral. Donc, le fait que l’élection ait eu lieu d’une part, que les institutions et le peuple aient résistés et limité les dérives autocratiques, me donne le sentiment qu’une révolution démocratique s’est opérée. Deuxièmement, je trouve que le PASTEF a su résister aux assauts de l’appareil d’État avec une grande détermination et une forte résilience ; il a convaincu les Sénégalais de son projet de rupture et de sortie du pacte néocolonial ; ceci a fait échos et les gens ont voté pour cela. Tous ces changements me font penser aux prémices d’une révolution. Mais cette révolution démocratique doit aboutir à une révolution sociale, économique et politique. Je pense que la révolution frappe à la porte et celle-ci est entrouverte.
À votre avis quelle est la marge de manœuvre du nouveau gouvernement sur des sujets comme l’emploi des jeunes, le coût de la vie ou encore la réforme des institutions ?
On peut résumer ces priorités en deux points : la réforme des institutions et la vie économique et sociale. Sur le premier point, la marge de manœuvre est totale. Il revient au gouvernement en place d’examiner là où nos institutions ont été vulnérables. Si elles ont été mises en mal et secouées, c’est parce qu’il y’avait de la vulnérabilité. Le code électoral a été manipulé pour exclure des candidats, la présence du président de la République et du ministre de la Justice dans le Conseil supérieur de la magistrature pose un problème d’indépendance pour cette institution. Nous avons un sérieux chantier de refondation du système judiciaire et des institutions en règle générale. Il ne faut pas que la victoire du peuple sénégalais nous fasse oublier cette vulnérabilité. Il faut rendre la séparation des pouvoirs beaucoup plus effective avant que le temps de l’oubli n’arrive. L’autre question épineuse, c’est la vie économique qui dépend en partie de ce qui se passe en interne, de la manière dont l’économie est pilotée, mais aussi du contexte global international. Le Sénégal est une petite économie ouverte, souvent affectée et vulnérabilisée par les chocs extérieurs. Lorsque ceux-ci vont dans le bon sens, le pays en bénéficie, mais lorsque la conjoncture est moins bonne, le pays en souffre. Il faudra rapidement restaurer des marges de manœuvre budgétaire. Le pays s’est beaucoup endetté ces dernières années avec un ratio dette/Pib qui est passé d’environ 30% en 2012 à presque 80% aujourd’hui soit au-dessus de la norme communautaire qui est de 70%. Il est nécessaire de rationaliser les dépenses budgétaires et élargir la base de l’assiette fiscale afin de maintenir un niveau d’investissement public soutenu. Il faudra également tenter d’atteindre ce que les économistes appellent le niveau de production potentielle de l’économie. Et pour cela, il faut des innovations technologiques, de la formation du capital humain et de l’investissement dans les secteurs où le pays a des avantages comparatifs afin de générer des gains en compétitivité. Un diagnostic de l’économie sénégalaise est nécessaire, voir où sont ses limites, mais aussi ses forces et ses potentialités. Enfin, mettre en place des filets sociaux pour les couches les plus vulnérables. Quel que soit le niveau de notre richesse nationale, il est possible de mettre en œuvre un peu plus de solidarité envers les plus démunis en même temps que l’on travaille à rendre l’économie beaucoup plus productive. Pour cela, une économie politique de la dignité est un chantier important qui devrait engager toute la nation ; le gouvernement, le secteur privé et ainsi que ceux qui œuvre dans l’économie populaire, sociale et relationnelle.
Comment mettre fin à l’Hyperprésidentialisme ?
Sur la question du rééquilibrage du pouvoir présidentiel, il faut rappeler que l’on a connu une crise de bicéphalie au sommet de l’État entre Senghor et Mamadou Dia en 1962. Et depuis, les pouvoirs du Chef de l’État n’ont cessé de se renforcer jusqu’à ce que l’on fasse l’expérience des limites d’un tel fait. On s’est rendu compte qu’il fallait retirer des pouvoirs au président de la République et les disséminer dans d’autres pouvoirs : législatif ou judiciaire. Vue la manière dont les élections présidentielles se sont déroulées et la figure de leader incontesté du PASTEF qu’incarne Ousmane Sonko, il est un premier ministre avec un poids politique important. Je ne trouve cependant pas que cette situation de partage du pouvoir exécutif de fait, née d’une conjoncture politique singulière, soit la réponse à l’hyperprésidentialisme. Celle-ci doit être institutionnelle et s’effectuer dans l’espace de la Constitution par une distribution plus équilibrée des pouvoirs entre les différentes institutions afin d’assurer l’existence de véritables contre-pouvoirs. Nous devons faire en sorte que les institutions acquièrent force et crédibilité et qu’elles soient en capacité de modeler les comportements des individus, qu’elles s’autonomisent et échappent aux tentatives de capture par le pouvoir politique. Le fait que le Conseil constitutionnel ait retoqué par deux fois des décisions du président de la République participe au renforcement de nos institutions, à la construction d’une jurisprudence qui inscrit dans l’histoire politique du pays l’idée que l’institution judiciaire peut limiter les dérives de l’exécutif. Il faut également réfléchir à comment construire des formes de vie qui réinstituent au cœur de l’aventure sociale, la dignité et l’autonomie des individus. On a eu une victoire importante, mais elle ne doit pas nous faire oublier le chantier qui est devant nous. Nous devons renforcer les institutions pour faire en sorte de ne pas nous retrouver à l’avenir dans de pareilles situations.
Une loi d’amnistie a été votée pour « réconcilier le pays », mais certains continuent de réclamer justice. Comment concilier ces deux impératifs ?
En fait, je pense que l’œuvre de justice est fondamentale pour toute société. La loi d’amnistie qui a été votée, si nous la laissons telle quelle, consacre l’impunité. Quand il y a de l’impunité dans un corps social, celle-ci sème les graines d’une violence à venir. L’histoire nous l’a montré. Les exemples sont légion en Afrique et dans le reste du monde. L’amnistie interroge notre rapport à la justice et à l’histoire. Le problème d’une loi d’amnistie, c’est qu’elle rend difficile le travail de mémoire d’une société. Toute communauté humaine génère ses monstres, mais il faut dialoguer avec ceux-ci, leur faire face, les conjurer et les mettre à distance. La loi d’amnistie empêche d’investir le passé, de savoir ce qui s’est passé, qui a fait quoi, qui est responsable de quoi. Les forces de défense et de sécurité ont exercé une violence létale à l’encontre des Sénégalaises et Sénégalais. Comment on comprend cette violence ? D’où est ce qu’elle vient ? Je pense que son origine remonte au fait colonial et que nous avons retourné la violence coloniale contre nous-mêmes. Frantz Fanon avait prévenu, en suggérant un travail de destruction des institutions coloniales, du risque de nous ensauvager. Je pense que le rapport entre les forces de défense et de sécurité et les citoyens reproduit le rapport du colon au colonisé. Nous devons extirper de cette institution ce rapport à la citoyenneté qui est déshumanisant. Comment répare-t-on cette violence ? Comment la reconnaît-on ? Comment mettre une distance entre elle et le corps social si on n’effectue pas le travail de vérité et de justice pour les victimes ? Quelles leçons tirons-nous de la crise ? Et que faisons-nous pour que celle-ci nous aide à approfondir le fait démocratique. Il est absolument fondamental de rendre justice aux familles des victimes, de situer les responsabilités et de mettre des garde-fous. Il ne faut pas qu’on l’on négocie avec ces faits et que l’on vendent à la société l’idée d’une réconciliation sans justice. Si on indemnise seulement, on ne rend pas justice. C’est important de répondre au besoin justice des citoyennes et citoyens qui ont été victimes. Le pays leur doit ça. Et la société se le doit à elle-même.
Il y a un débat sur la faible présence des femmes dans le nouveau gouvernement. La rupture c’est aussi sur cette question de l’égalité et de l’inclusivité des femmes ?
La politique ce sont aussi des actes symboliques. Je crois qu’il y a une vraie sous-représentation des femmes dans le gouvernement (4 sur 30). Elles représentent 49,6% de la population totale et donc il était important que le gouvernement reflète cela. Sur le plan économique, elles représentent 80% de la force de travail dans le monde rural et agricole, mais ne possèdent que 2% des terres. Quand on regarde les statistiques sur la pauvreté au Sénégal, 33% des femmes vivent en dessous du seuil de pauvreté (2,15 dollars par jour) et 94% des femmes travaillent dans le secteur informel et elles ont trois fois plus de chances de ne pas être employées, alors qu’elles représentent 40% de la force de travail dans le pays. Dans les ménages, les travaux démontrent que lorsque l’on accroit le bien-être et la prospérité des femmes, il y a un effet bénéfique pour toute la famille, y compris en éducation et en santé. Le ministère de la femme me semble nécessaire car elles ont des problématiques qui leur sont spécifiques ; mais également une économie féministe, c’est-à-dire qui prend en compte et améliore la condition des femmes, parce qu’on ne peut pas avoir de la prospérité dans le pays si la moitié du corps social est victime d’un certain nombre d’handicaps et d’asymétries. Dans tous les domaines on trouve des femmes qui sont très compétentes et capables de diriger des ministères, c’est une revendication tout à fait normale et légitime.
Le nouveau pouvoir place la question de la souveraineté au cœur de ses promesses. Quelle signification donneriez-vous à ce concept et comment s’articule-t-il avec les luttes précédentes ?
On peut dire que la souveraineté, c’est juste la capacité à ne pas se voir imposer la volonté des autres, c’est-à-dire d’être un État qui, sur son territoire, son espace et devant sa population, garde l’exclusivité de ses compétences juridique, exécutive et législative et œuvre pour le bénéfice de ses populations. La souveraineté est une revendication qui date des indépendances. On sortait d’une aliénation de plus d’un siècle avec l’idée de reprendre notre souveraineté politique, économique et sociale et de décider pour nous-mêmes de notre destin, de nos directions et de nos choix sociétaux. Cependant, nous avons certes accédé à la souveraineté dite internationale en 1960, mais nous sommes resté pris dans les rets de relations asymétriques dans plusieurs espaces (économique, politique, épistémologique, symbolique et ainsi que dans celui des futurités, c’est-à-dire des visions du monde). 60 ans après, les jeunesses africaines ont conscience que nous ne sommes pas pleinement maitre chez nous. Les théoriciens des relations internationales soutiennent l’idée d’une fiction de la souveraineté, c’est-à-dire d’un monde sans souveraineté absolue, qui est plutôt interdépendant et ceci du fait de la globalisation. Cependant dans la grande relation d’interdépendance (qui peut être positive ou négative) entre les états-nations, certains sont plus dépendants que d’autres, et nous subissons la dimension négative de l’interdépendance. Dans la demande de souveraineté, il y a le désir d’une relation beaucoup équilibrée avec le reste du monde. Nous savons que nous ne vivons pas dans une autarcie, et que nous sommes reliés au reste du monde, mais nous ne tirons pas de manière équitable les gains d’une relation économique, sociale et culturelle. Nos jeunes ne peuvent pas circuler comme les autres jeunes du reste du monde. Dans le rapport économique, nous ne bénéficions pas prioritairement de nos ressources. Dans les rapports symboliques et politiques, nous avons le sentiment que nous ne décidons pas vraiment de certaines questions qui nous concernent. Cette demande est donc légitime. Pour un peu complexifier la question de la souveraineté, je dirais que c’est un idéal, mais dans la réalité, les États négocient la réalité des interdépendances et essaient de tirer leur épingle du jeu.
Quand on parle de souveraineté il y a une fixation sur la monnaie. En tant qu’économiste monétariste quelle est votre position sur le débat sur le franc Cfa ?
Je suis pour la sortie du franc Cfa. Nos arguments consistent à dire que les accords de coopération monétaire avec la France nous entravent et nous empêchent d’avoir une politique monétaire proactive qui est tournée vers la satisfaction de nos besoins en termes de croissance économique et que celle-ci est trop contrainte par l’arrimage à l’euro. Une monnaie doit refléter les fondamentaux de son économie. Le fait que le franc Cfa soit arrimé à l’euro fait que quand celle-ci s’apprécie (l’euro), le Cfa s’apprécie également ; et cela entrave notre compétitivité externe. Et cette appréciation du franc Cfa vis-à-vis du dollar ou du yen ne dépend pas des dynamiques de nos économies ouest-africaines. Nous perdons donc un degré de liberté. Les études nous ont montré qu’un régime de change plus flexible, dont les marges de fluctuations sont encadrées ; un « currency board » avec un arrimage de la monnaie à un panier de devises au prorata des monnaies des pays avec lesquelles on commerce le plus, était beaucoup plus optimal en termes de bien-être et de croissance économique. Nous avons comparé les différents régimes de change et nous sommes parvenu à la conclusion que pouvoir utiliser le taux de change pour ajuster les chocs, était beaucoup plus bénéfique pour nous. Dans le débat, on a beaucoup mis en avant l’argument de la stabilité, ce qui est vrai, mais cette stabilité-là nous a énormément coûté en termes de croissance économique et de bien-être. En gros, lorsqu’on a fait le travail on a vu que retrouver la souveraineté sur notre politique monétaire pour avoir un « policy-mix » mieux articulé était indéniablement plus préférable en termes de bien-être. Deuxième argument à mettre dans la balance, c’est la dimension symbolique de la monnaie. Le franc Cfa apparaît comme un vestige du fait colonial. Même s’il y a eu des réformes dans le temps et que le nom a changé de signification, dans l’opinion il y a l’idée que c’est une monnaie coloniale, que ce n’est pas notre monnaie. Je pense que la monnaie a une dimension symbolique et imaginaire et qu’il faut répondre à ce besoin. Il ne faut donc pas sous-estimer cette dimension symbolique parce que la monnaie c’est la fiducia, la confiance que les gens ont dans ses fonctions et la complexité c’est d’articuler ces différentes dimensions : économique, symbolique et politique. Dès fois, en tant qu’économiste, j’ai regretté le fait que cette dimension symbolique ait pris le pas sur la réflexion purement économique, mais je comprends que c’est une nécessité d’articuler ces trois dimensions. Et pour toutes ces raisons, nous doit aller vers une réforme et reprendre la souveraineté entière sur la monnaie et l’utiliser au profit de notre prospérité et de notre bien-être économique.
Faut-il faire cette réforme dans le cadre communautaire ou aller vers une monnaie nationale ?
Je pense pour ma part que l’on avait entamé un projet (l’eco) dans le cadre de la Cedeao et que, si on a les moyens d’accélérer ce processus-là et de préserver les gains d’une intégration monétaire et économique, je préférerais qu’on le fasse. Si nous devons aller vers une monnaie nationale, il faudra s’assurer des conditions économiques pour bien le faire, parce que l’on voit bien que c’est à double tranchant : actuellement il y a 23 monnaies africaines qui sont dans la tourmente. Il faut donc réfléchir au bon « trade-off » pour assurer l’effectivité des fonctions de la monnaie ainsi que les avantages de l’indépendance de la politique monétaire. C’est une réflexion à mener avec soin.
Vous venez d’évoquer les difficultés de certaines monnaies africaines, un argument qu’évoquent souvent les tenants du statut quo. Comprenez-vous ceux qui ont peur du changement ?
C’est une inquiétude fondée, du fait que le Cfa nous a apporté une certaine maitrise de l’inflation et une stabilité pendant de longues années et que nous n’avons pas la culture de la fluctuation du taux de change. Donc, c’est une inquiétude que l’on peut comprendre, mais il ne faut pas que cela nous installe dans le confort du statut quo. La vraie question, c’est de savoir la situation vers laquelle nous voulons aller, quels en sont les gains et les limites potentiels. Si l’on gagne plus en termes de prospérité économique à avoir plus de flexibilité et un peu plus d’inflation avec de la fluctuation, il faudrait qu’on l’accepte. Autrement dit, échanger de la stabilité contre de la prospérité. Mais faudrait-il que nous mettions en œuvre les conditions de cette prospérité. Il y a aussi de l’apprentissage. Le jour où l’on sortira du franc Cfa on devra apprendre à raisonner et à travailler autrement. Je pense que la souveraineté c’est aussi accepter d’apprendre à emprunter des chemins inconnus dont on est convaincu qu’au bout, le résultat est préférable. Nous devons mettre en avant le scénario qui, pour nous, va répondre au mieux aux besoins économiques de nos sociétés. Les difficultés qu’éprouvent certains pays comme le Ghana ou le Zimbabwe doivent certes nous faire réfléchir, mais on peut aussi regarder d’autres pays qui ont des monnaies nationales et qui les gèrent plutôt bien et qui ont un niveau de prospérité beaucoup plus élevé que le nôtre et nous inspirer d’eux. Donc, il ne faut pas avoir une peur viscérale du changement, mais regarder où nous mènera ce changement.
LA FUSION DES MINISTÈRES DU SPORT, DE LA JEUNESSE ET DE LA CULTURE EST UNE AUBAINE POUR LA LUTTE
La lutte, en tant que sport, possède des dimensions culturelles et touristiques, et attire également la jeunesse.
Bés bi - Le Jour |
Ndèye A. NDIAYE et Adama A. KANTE |
Publication 20/04/2024
Son nom est familier aux Sénégalais qui l’ont découvert à travers le petit écran. Seulement, beaucoup ignorent que l’animateur de l’émission «Arènes sénégalaises» sur iTv, El Hadji Ngagne Diagne, est une mine de savoirs. Une culture et un vécu. Dans cet entretien-portrait, ce féru de la lutte partage ses combats, ses chutes, ses succès. L’homme, très respecté dans cette arène où les coups ne manquent pas, raconte ses premiers pas dans l’audiovisuel, le secret de ses positions tranchées lors de ses émissions, mais surtout les valeurs que doivent incarner la jeunesse. Père Ngagne qui connait aussi la politique et les politiques, s’est également prononcé sur divers sujets de l’actualité.
Qui est réellement El Hadji Ngagne Diagne ?
A l’état civil, je réponds au nom de Ngagne Demba Diagne. Je suis un fils de Dakar, né au quartier «Diecko» qui fait partie des 12 «Penc» de Dakar, sis à la Medina. Mes parents sont nés à l’avenue Gambetta ex-Diecko. Je fais partie de la famille Baye Mor Diagne qui est mon grand-père. Je suis 100% lébou, et je peux même dire que je suis un «bété bété» lébou, car mon père c’est mon oncle, ma mère est ma badiène.
Justement parlez-nous un peu de cette ethnie, les lébous qu’on dit être les premiers à s’installer à Dakar ?
Les lébous sont une ethnie qu’on compare même parfois aux Khouraich, parce qu’ils sont affables, courtois, avenants, très serviables. Mais ils ont du caractère et sont très vertueux. Ils ne sont pas les premiers à s’être installés à Dakar. Les premiers habitants de Dakar, étaient les Capverdiens, après les Socés. Mais quand les lebous sont arrivés ici, Dieu a béni Dakar. Nos maisons étaient des «pey» (concession). Par exemple, chez moi, il y avait 5 portes. C’était une maison de sauvetage pour des personnes qui n’avaient pas où loger à Dakar. Nos parents avaient toujours en réserve de la nourriture pour les imprévus. C’est d’ailleurs de là que vient le fameux «ndioganal» (repas que les enfants mangent vers les coups de 17h). Donc le lébou est quelqu’un de social et très bien éduqué. Et cette éducation civique se faisait autour du bol où se regroupait toute la famille. Et il y a des limites que l’enfant ne devait pas franchir, car quand on mange on ne parle pas, on regarde devant soi, on attrape le bord du bol, on attend qu’on te sert. C’était pour apprendre à l’enfant le sens du partage, la patience…. c’était une école de la vie. Mais hélas tout cela s’est effrité.
Cela a commencé lorsque les jeunes ont commencé à choisir leur propre mari, leur propre femme. Or au temps, les parents savaient où se trouve la bonne graine ou la perle rare. La faute incombe à tout le monde. Auparavant l’éducation de l’enfant était gérée par toute la famille et même par ton voisin de quartier. Mais aujourd’hui personne n’ose poser la main sur l’enfant d’autrui.
Comment avez-vous passé votre enfance, dans ce populeux quartier de la Médina ?
C’est vrai que Médina est un quartier bouillonnant. Mais avant d’aller à l’école française, on passait d’abord par l’école coranique. Moi, j’ai fait le primaire à l’école Clemenceau. J’y suis resté jusqu’en classe de 4e puis, j’ai été transféré à l’école Malick Sy sise à la Rts. Et mon cycle secondaire, je l’ai fait au centre de formation professionnel Assalar, option dessin industriel. J’avais un don dans le domaine du dessin, mais je n’ai pas pu continuer, car après je suis allé chercher du travail. J’ai très tôt titillé le football grâce à père Ass Diack qui a formé beaucoup de jeunes de la Medina. Chaque dimanche matin on était à l’école Médine. Donc, mon enfance, je l’ai faite entre école Médine, le Champ de courses, Soumbédioune et Iba Mar Diop. C’est pourquoi, je suis aussi calligraphe parce que nous avions appris à écrire avec la plume, l’encre et le buvard. Et avec cette méthode d’apprentissage, non seulement tu es ponctuel, propre mais appliqué et c’est cela qui explique notre niveau intellectuel, alors que nous n’avons pas fait des études poussées. Nous avions des enseignants qui avaient l’amour du métier, et les élèves respectaient beaucoup plus leurs maîtres que leurs propres parents. Maintenant, il n’y a plus ces valeurs morales. On confond même les enseignants et les élèves. Les directeurs étaient confondus à des ministres de la République, tellement ils étaient très corrects et respectables.
Qu’est-ce qui, selon vous, a changé entre-temps ?
C’est la politique politicienne qui a gangrené tous les secteurs, notamment l’enseignement. Elle a détruit énormément de choses. A cause de la politique les familles se sont disloquées, les foyers religieux rabaissés. Elle a bafoué nos valeurs.
Etiez-vous un de ces turbulents jeunes qui fréquentaient les boites de nuit à l’époque ?
(Il éclate de rire jusqu’à se redresser de son fauteuil). A notre époque, c’est les clubs qui existaient. On se cotisait pour organiser un bal ou colledara. On fabriquait des cartons d’invitation qu’on donnait à nos petites amies. A cette époque la femme était une perle rare, si tu aimais une fille, c’est à travers une lettre que tu lui exprimais tes sentiments. C’est le jour du bal qu’on saura qui a une copine et qui en n’a pas. La soirée commençait à 21 heures et se terminait à 00 heures. Et le plus marrant à 00 h pile, toutes les mamans venaient devant la porte pour récupérer leur fille. C’est à 20 ans qu’on a commencé à aller dans les boites de nuit. La Star bande d’Ibra Kassé sise à l’avenue Malick Sy était en vogue. Mais la boite de nuit qui nous a le plus marqués c’était «Diender» ex-«Killy night» quand Youssou Ndour venait de quitter «Star band» pour créer «Etoile de Dakar». A part «Diender» c’était le «Balafon». Nous étions ceinturés par des boites de nuit, mais cela n’a rien gâché de notre adolescence.
C’était quoi votre premier boulot ?
A l’âge de 24 ans, je m’étais déjà marié. Pour mon premier boulot, j’avais opté pour le transit. J’étais à Bourgi transit où j’étais embauché. J’officiais dans l’archivage. J’étais aussi passeur de pièces au niveau de la molle 2. Après des années de service, j’ai démissionné en 1989 pour faire mes propres affaires, suivre ma passion, c’est-à-dire la lutte.
Comment êtes-vous entré dans les médias ?
J’ai toujours aimé la lutte. A bas âge, je fréquentais l’arène sénégalaise. J’ai assisté au combat de lutte Mbaye Guèye- Aliou Seye qui était rude, on a fini même par casser l’arène. Bien avant 2022, j’étais un consultant de lutte à la radio Témoin Fm. C’est en 2022 que j’ai intégré Sport Fm grâce à Ndèye Ndom Thiouf. C’était pour donner un souffle nouveau à la lutte, car il y avait beaucoup de griotisme dans les reportages. Je faisais le duo avec Mamadou Mbaye Garmi. Et la lutte m’a presque tout donné. La connaissance, les relations humaines etc. Je ne regrette pas d’avoir intégré la communication de la lutte, car je fais partie des personnes qui ont révolutionné et propulsé la lutte.
Comment s’est effectué votre passage de la télé à la radio ?
C’est quand sport Fm s’est arrêté en 2003 et que nous sommes entrés dans le format radio généraliste, dénommée Rfm. Et de fil en aiguille, on a créé la Tfm. Mamadou Garmi et moi, sommes les premiers à animer une émission de lutte intitulée «Roffo».
Quelle lecture faites-vous de l’avènement de Bassirou Diomaye Faye au pouvoir?
Personnellement, c’est avec l’arrivée de Bassirou Diomaye Faye à la tête du Sénégal que j’ai réalisé véritablement que c’est Dieu qui donne le pouvoir à qui il veut. Trois mois auparavant, en passant devant la Mac de Rebeuss, personne ne pouvait imaginer que le prochain Président de la République y est incarcéré. Combien de fois, Diomaye a entendu de l’intérieur de la prison les sirènes du cortège de Macky Sall passant par la corniche ? Mais en aucun moment, il ne se doutait que dans trois mois, ce serait son tour. Qui a travaillé le plus dans le projet Pastef et qui est le plus connu dans ce parti ? C’est incontestablement Ousmane Sonko. Mais c’est Dieu qui en a décidé autrement. Je suis persuadé que le Président Bassirou Diomaye Faye lui-même a tiré une leçon de la façon dont il a été élu. Ce qui fait qu’il ne doit pas accepter qu’on le détourne de sa trajectoire en l’invitant sur le chemin de la vengeance. Moi, je pense qu’il a été mis sur le chemin des Sénégalais par Dieu, car c’est Birame Souléye Diop, le numéro 2 de Pastef, il y a aussi d’autres cadres qui sont dans Pastef, hormis les alliés comme Cheikh Tidiane Dièye et Habib Sy. En fait, c’est parce que justement, Ousmane Sonko sait qu’il est un homme de valeur. Je pense que tous les Sénégalais doivent s’unir derrière le nouveau gouvernement. Qu’on arrête un peu la politique pour retourner au travail. Et sur ce coup là, j’accuse la presse.
Quel est son degré de responsabilité dans tout cela ?
Parce que c’est la presse qui encourage ce débat dans l’espace public. On a l’impression que la presse n’a pas de programme. En tout cas, elle doit revoir les lignes éditoriales. On ne parle que de politique dans ce pays, on a que des débats politiques, matin et soir. Alors que le pays regorge de personnes de valeur, qui peuvent aider le pays à avancer ou donner de bons exemples à la jeunesse. Le nouveau gouvernement a lancé le slogan de «Jub, Jubal, Jubanti».
Quel sens donnez-vous à ces termes ?
«Jub, Jubal, Jubanti» c’est bien mais ils ont oublié d’y ajouter «Joyanti». Et cela les concerne directement. Ils doivent avoir une bonne capacité d’écoute et un esprit d’ouverture. Ils sont devant, mais ils doivent prêter une oreille attentive à la population. Qu’on ne les mette pas en mal avec un tel ou tel groupe de presse au motif qu’ils sont contre eux. Je pense même, qu’ils doivent plus tendre l’oreille à ceux qui les attaquent pour en tirer profit.
Justement, que pensez-vous des lanceurs d’alerte dont on parle ? Je les ai entendus parler de lanceurs d’alerte, mais pour moi c’est une catastrophe. Et je demande solennellement au Président Bassirou Diomaye Faye de bien réfléchir sur cela. Un lanceur d’alerte, c’est ce qu’on appelle en Wolof «thiokoto». C’est quelqu’un qui te fréquente rien que pour tirer des informations sur toi pour finalement te trahir. Le problème qui se pose, c’est si ce dernier doit être protégé ou pas. Et s’ils ne disent pas la vérité ou inventent des choses ? Doit-on toujours les protéger ? C’est une porte ouverte pour le chantage.
Quelle est votre position par rapport à la dernière sortie de Birame Soulèye Diop à propos des ministres qu’on parraine des activités comme la lutte ?
En fait, Birame Souleye a d’abord commencé à mettre en garde sa propre famille et ses proches, en disant qu’on ne compte pas sur eux pour parrainer les baptêmes, les combats de lutte ou matchs de football. S’il s’agit de baptême, il faut avoir une certaine affinité ou liens de parenté avec quelqu’un pour qu’il te parraine. Et puisqu’il n’a pas épargné sa propre famille, moi je lui pardonne son dérapage. Il n’a qu’à cesser d’aller à des cérémonies familiales ou des funérailles. Moi, personnellement, je ne vais plus m’attarder sur cette question. En fait être nommé à un quelconque poste et être un «Kilifeu», c’est diamétralement opposé. Pourtant le Président du Cng de lutte, Bira Sène, a fait une sortie demandant qu’on fasse preuve de compréhension à l’égard de Birame Soulèye. Le président Bira Sène est un «Kilifeu» qui dirige plusieurs personnes. Donc, il ne peut pas avoir une autre position. Pour le moment, il ne sait pas ce qui adviendra de sa relation avec le nouveau gouvernement, donc c’est normal qu’il soit prudent, car c’est un comité national provisoire de lutte. Et je suis tout à fait en phase avec lui.
Que pensez-vous de la fusion des ministères du Sport, de la Jeunesse et de la Culture ?
Cette fusion est une aubaine pour la lutte, car j’ai toujours pensé que ces secteurs ne devraient jamais être dissociés. La lutte par exemple, c’est un sport, mais elle a un aspect culturel et même touristique, et il y a aussi la jeunesse. En réalité, dans la lutte, il n’y a qu’une infime partie de sport, car après le coup de sifflet de l’arbitre, le combat ne dure pas longtemps. Donc presque tout est culturelle (les chants, les chorégraphies, les déguisements, les marabouts...). C’est pourquoi je demande solennellement au ministre de mettre en place un musée pour la lutte afin qu’elle marque son empreinte dans ce ministère. Elle ne peut plus rien faire de spécial pour la lutte, car Matar Ba a posé la première pierre et a inauguré l’arène nationale. La seule chose qui reste à faire, c’est de créer un musée à l’intérieur de l’arène nationale. Ainsi on pourra revisiter l’histoire de la lutte de 1942 à 1968, le drapeau de l’Aof.
Que pouvez-vous nous dire sur l’état actuel de la lutte traditionnelle ?
Est-ce que vous savez que la lutte traditionnelle, c’est du social ? Elle œuvre même plus que l’Etat dans le domaine du social. En réalité, les promoteurs de lutte traditionnelle, ce sont des associations villageoises. Ce sont eux qui achètent les licences et les mettent au nom d’un tel ou tel lutteur. Ensuite, ils organisent des «mbapatt» et utilisent les recettes pour la construction des cases de santé, des mosquées, des églises. Ils utilisent également cet argent pour acheter des médicaments ou soigner les populations. En fait, c’est pourquoi les séances de lutte traditionnelle ont un enjeu important. Puisque c’est tout un village qui mise sur un lutteur. Par exemple, si tu mises 2 millions, tu peux te retrouver facilement avec 7 millions de francs Cfa. Il faut remonter jusqu’à Yékini ou Manga 2, Amadou Diouf… ils ont des troupeaux et ils se sont faits de l’argent, bien avant de venir dans la lutte avec frappe.
On a remarqué que lors de votre émission de lutte sur iTv «Arènes sénégalaises», vous laissez de plus en plus de place à Mamady Diouf et à Salla Bigué. Êtes-vous en train de préparer votre retraite ?
Mais c’est très normal. Il faut qu’on commence à chercher des relèves pour les émissions. Maintenant, c’est Mamady Diouf ou Salla Bigué qui ouvre l’émission et je ne fais que les accompagner. C’est cela assurer la relève. C’est cela la transmission du savoir.
QUAND LE SÉNÉGAL RACHÈTE SON DÛ
Comment les biens du premier président du Sénégal ont été mis en vente par une gouvernante française anonyme ? Qu’est-ce que les autres présidents du Sénégal ont fait des largesses et gratifications reçues au nom de la République ?
Les cadeaux offerts aux Présidents dans l’exercice de leurs fonctions se sont invités à deux reprises dans l’actualité sénégalaise. D’abord, il y a eu les cadeaux reçus par le Président Bassirou Diomaye Faye à Touba et à Tivaouane. Puis, il y a eu la mise en vente de la bibliothèque de Senghor. Comment les biens du 1er Président du Sénégal ont été mis en vente par une gouvernante française anonyme ? Qu’est-ce que les autres présidents du Sénégal ont fait des largesses et gratifications reçues au nom de la République ? Quels sont les efforts déployés par le Sénégal pour conserver son patrimoine et son intégrité ? Bés bi revient sur ce qu’il advient des cadeaux présidentiels.
Février 1967. Le Président Senghor effectue une visite officielle au Caire où il est reçu par son homologue égyptien Gamal Abdel Nasser. Au cours de cette visite, le Président-poète est amené à prononcer un discours sur «la négritude et l’arabité» à l’Université du Caire. Pour mieux sceller l’amitié entre les deux peuples et honorer son hôte de marque, l’Egypte lui décerne l’une de ses plus prestigieuses distinctions : L’Ordre du Nil. Il s’agit d’un collier en or 18 carats comportant des symboles de l’Egypte antique. Plus de 50 ans plus tard, ce collier s’est retrouvé entre les mains d’une française parente de l’épouse du Président Senghor. Le collier faisait partie d’une collection de 41 objets ayant appartenu à Senghor et qui devaient être vendus aux enchères par la dame dont l’identité n’est pas révélée. Outre le collier du Caire, il y avait aussi un collier de l’Ordre remis par l’Arabie Saoudite, des médailles remises par l’Espagne et la Finlande, une médaille en métal doré du Festival des arts et de la culture, un stylo en or, etc. Autant d’objets qui ne revêtaient pas une valeur particulière pour elle en dehors de leur coût financier. Pour le Sénégal, cette collection est un pan de son patrimoine national qui n’aurait jamais dû se retrouver en Normandie.
Le patrimoine de Senghor revient à son épouse à son décès
Les cadeaux offerts aux présidents dans l’exercice de leurs fonctions sont en effet considérés comme étant une propriété du pays devant être gardée dans ses musées et non bradée sur la place publique. En octobre 2023, le Sénégal a dû débourser 240 000 euros (161 millions de francs CFA) pour s’adjuger un dû. Comment le patrimoine du 1er Président du Sénégal s’est-il retrouvé entre les mains d’une française anonyme ? Après avoir quitté la Présidence en 1980, Senghor s’est installé à Verson en Normandie dans une résidence bourgeoise appartenant à son épouse Collette Senghor. Le couple soudé par un amour fusionnel et le chagrin d’avoir perdu leur unique enfant y mène une existence paisible faite d’études, de poésie et de promenades en campagne. A son décès en 2001, un seul des enfants de Senghor est encore vivant. Il s’agit de son ainé FrancisArfang Senghor, 76 ans, né d’une précédente union et qui serait confronté à des problèmes psychiatriques. Le patrimoine du défunt revient donc à l’épouse.
Un pan du patrimoine du Sénégal légué à la ville de Verson et à des parents de Colette Senghor
Affectée par le deuil et plus tard la maladie, Colette Senghor a de plus en plus de mal à entretenir la demeure et ce qu’elle abrite de mobilier, d’objets de valeurs, d’œuvres d’art, d’archives, de livres, etc. Dès 2004, elle s’engage à léguer ses biens à la commune de Verson à condition que la maison soit accessible au public. Marché conclu. Mais entretemps, les archives se dégradent et il devient urgent d’agir. En 2015, la ville vote un budget de 180 000 euros (117 millions FCFA) destiné à dépoussiérer, restaurer et conserver les archives du Président. Le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne est d’ailleurs impliqué dans ce travail titanesque. Pour le maire de Verson, cette collection a une valeur inestimable : «Nous avons ouvert des caisses et des caisses d’archives ! Certaines comprennent notamment des photos, où M. Senghor pose avec Gandhi, Kennedy, la Reine d’Angleterre, etc… C’est un homme qui a traversé les siècles!», relate-t-il à Normandie Actu. Colette Senghor décède finalement en 2019. Son patrimoine qui inclut aussi celui de Senghor est partagé en deux. Une part considérable dont la maison revient à la ville tandis que l’autre part est reversée à sa sœur. Les 41 objets rachetés par le Sénégal faisaient partie de la collection léguée à la sœur décédée deux ans après. Les biens sont par la suite revenus à la gouvernante de Mme Senghor, nous renseigne Sally Alassane Thiam, Directeur d’Afrique Patrimoine. Les cabinets chargés de la vente ne révèlent cependant pas l’identité de la vendeuse pour préserver son anonymat. A noter qu’auparavant, un tableau d’art acquis par Senghor en 1956 a été légué à la sœur de son épouse qui l’a légué à une amie. Le tableau signé Pierre Soulages a été vendu aux enchères en 2023 pour la somme de 1,5 millions d’euros (près de 1 milliards de FCFA).
Le Sénégal hérite de la dépouille de Senghor en attendant sa bibliothèque
22% de la somme versée par le Sénégal est revenue aux cabinets français de commissaires-priseurs qui ont procédé à la négociation et à la vente. On est face au même schéma avec la vente de la bibliothèque que le Sénégal est en train de négocier. Il s’agit de 340 œuvres comportant des dédicaces à l’honneur de Senghor. Le catalogue de vente consulté par le journal Le Monde renseigne sur le prix des livres estimé entre 10 et 40 euros chacun (entre 5000 et 20 000 FCFA). Les 41 biens acquis en 2023 ont été attribués au Musée Senghor et au Musée des Civilisations noires. La bibliothèque pourrait connaitre le même sort, si le Sénégal parvient à l’acquérir. Il ne s’agit pas dans ce cas-ci de restitution d’œuvres africaines pillées mais de rachat d’un patrimoine culturel délibérément offert par le Président Senghor et son épouse. Dans le testament de Senghor, la part qui revient au Sénégal est sa dépouille inhumée au Cimetière de Bel-Air et rejointe près de 20 ans plus tard par celle de son épouse. Le couple est réuni pour l’éternité au Sénégal. En attendant d’être rejoint par son patrimoine ?
UN TOMBEAU POUR KINNE GAAJO
Porté par la puissance de l’écriture de Boubacar Boris Diop, il jette un regard acerbe sur des pratiques sociales plombées par la légèreté, l’irresponsabilité et dont la tragédie du bateau le Joola est un stigmate, un objet-témoin.
Rempli à presque quatre fois plus que sa capacité normale, le bateau le Joola qui assurait la liaison Dakar/Ziguinchor/Dakar a coulé dans les profondeurs océanes par une nuit d’orage, entre Ziguinchor et Carabane, avant que l’aurore ne s’éveille. Les secours avaient tardé, alors que pris au piège les passagers s’étaient débattus jusqu’à n’en plus pouvoir, pour finir par s’épuiser et s’effondrer dans les entrailles du bateau le joola.
Avec un lourd bilan estimé à 1884 vies fauchées, cette catastrophe pire que celle du navire de croisière réputé insubmersible le Titanic (1500 morts), survenue en 1912, a par la force des choses, transformé le bateau en un tombeau pour ces corps privés de sépulture donc d’humanité. Une possibilité offerte par contre à celles et ceux qui n’avaient pas « été avalés par l’océan » et ont été rejetés sur la plage. Le drame s’est produit le 26 septembre 2002.
Et dans ce roman plein de douleur et de tendresse on y voit la mort, dans son appétit insatiable, revêtir le visage de Kinne Gaajo, journaliste et écrivaine talentueuse. Ainsi donc, l’amie de toujours, des jours heureux et malheureux, femme immensément libre, était dans le bateau. Iconoclaste, tordant le cou aux choses convenues , suivant son instinct, elle a su par l’impertinence de sa plume , rayonner un peu partout dans le monde et dans son propre pays, en participant à des colloques et autres conférences.
Pour son alter ego, Njeeme Pay, autre personnage central du roman, « le mot naufrage » n’avait plus « le même sens selon qu’il a emporté des milliers d’inconnus ou une plus-que-sœur telle que l’avait été Kinne Gaajo pour moi-même ». Sortie de l’anonymat, palpable, en chair et en os, la mort avait cessé d’être « un évènement abstrait et lointain ». Comment alors protester contre l’absence sinon en la présentifiant, en faisant revenir à la surface un vécu, des rencontres, des échanges avec l’être cher, désormais disparu.
En se jouant ainsi de l’oubli voire de l’abîme qui avait avalé Kinne Gaajo, il ne restait plus à Njeeme Pay qu’à convoquer les souvenirs pour immortaliser le parcours d’une fille, une autre elle-même, que la pauvreté avait malmenée jusqu’à impliquer son corps dans un commerce de survie.
Du fait de blessures secrètes, cette femme immensément libre s’était retrouvée sans enfant, abîmée par une vie dissolue qui l’incitait à s’abandonner dans des bras de hasard. Là-bas à Thiaroye, dans son quartier de NettiGuy, avec ses rues encombrées de jeunes filles en quête de revenus, proposant des sachets d’eau ou de bissap aux passants. A travers cette figure attachante qui irradie le roman ce sont les visages de toutes les autres victimes qui nous reviennent et emportent notre compassion. Avec Kinne Gajoo qui « irrigue désormais ce chiffre (1884 morts) de son sang » la tragédie du « Joola » acquiert « une véritable signification humaine ».
Traduit du wolof par son auteur, « Bàmmeelu Kocc Barma », devenu en français du fait de la centralité du personnage, « le Tombeau de Kinee Gaajo », est un roman structuré autour de réminiscences agitées dans des flash- back où se revivent des scènes de joie, de douleur. Ses affres, ses déchirures, ses interrogations. Porté par la puissance de l’écriture de Boubacar Boris Diop, il jette un regard acerbe sur des pratiques sociales plombées par la légèreté, l’irresponsabilité et dont la tragédie du bateau le Joola est un stigmate, un objet-témoin.
MYTHES ET RÉALITÉS DES LANGUES AVEC SALIKOKO S. MUFWENE
Les langues sont des virus selon le linguiste congolais. Transmises de personne à personne, leur survie dépend de nos interactions plus que de leur prestige. Retour sur cette vision originale à travers son analyse de l'histoire du français et des créoles
(SenePlus) - Salikoko S. Mufwene, professeur linguistique à l'université de Chicago et invité cette année de la chaire annuelle Mondes francophones du Collège de France, a une vision originale de l'évolution des langues. Dans un entretien accordé au site du Collège de France, il explique que "les langues n'ont pas de vie indépendante de leurs locuteurs. Comme les virus, nous nous les transmettons d’une personne à l’autre, ou surtout nous les apprenons des personnes avec lesquelles nous interagissons. Si nous mourons, les langues que nous parlons meurent." Selon le linguiste, "nos interactions qui assurent une certaine vitalité à ces dernières, comme pour les virus."
Titulaire de la chaire Edward Carson Waller Distinguished Service Professor of Linguistics à l’université de Chicago, S. Mufwene remet également en cause l'idée reçue selon laquelle le prestige d'une langue garantirait sa survie. "L’Allemagne est une importante puissance économique, mais l’allemand reste peu parlé à travers le monde", fait-il remarquer. Pour le chercheur originaire de la République démocratique du Congo, "c’est un ensemble d’étapes historiques qui, les unes suite aux autres, ont contribué à diffuser l’anglais et à en faire la langue dominante", alors que le français a perdu de sa diffusion notamment avec la vente de la Louisiane par Napoléon Bonaparte aux États-Unis en 1803.
S'il reconnaît que le français "conserve ses fonctions vernaculaires" en France, en Belgique et en Suisse, S. Mufwene estime néanmoins que "l’avenir du français comme langue impériale ou mondiale dépend de plusieurs enjeux politiques et économiques, en particulier des réponses de la France à ces enjeux, car elles influencent les attitudes autochtones à sa langue." Pour le linguiste, les langues évoluent en fonction des structures de population dans lesquelles elles s'insèrent et non uniquement de leur prestige. Il prend l'exemple du français au Québec, où la langue "a été revitalisée parce que les Québécois francophones ont exigé que le français fonctionne aussi comme langue de travail".
S. Mufwene a par ailleurs étudié comment les parlers locaux ont été influencés par les colonisations européennes à partir du XVe siècle. S'intéressant aux créoles, ces parlers coloniaux mêlant plusieurs langues, il souligne que "les Européens ont à leur tour aussi appris des langues locales", et que "les langues se sont mutuellement influencées" dans les colonies. Pour le linguiste, "les créoles (...) nous donnent une idée de l’évolution langagière en général" car ils montrent que "les langues modernes sont le résultat des contacts langagiers".
Ainsi, dans cet entretien accordé au Collège de France, dont il est l'invité cette année, Salikoko S. Mufwene propose un éclairage original sur l'évolution des langues, remettant en cause certains mythes et mettant en lumière l'influence décisive des structures de population dans la survie ou la diffusion des langues.
VIDEO
BOUBACAR BORIS DIOP RÉCLAME DES COMPTES AU RÉGIME DÉCHU DE MACKY SALL
Tortures ayant conduit à la mort, scandales financiers, autoritarisme... l'écrivain dresse un réquisitoire sans concession. "On n'a jamais demandé des comptes à Diouf, ni à Wade, mais là il le faudra", insiste l'auteur de renom
L'éminent écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop était l'invité de TV5 Monde cette semaine. Si l'entretien couvrait plusieurs sujets dont son dernier roman et le génocide au Rwanda, c'est son réquisitoire contre l'ex-président Macky Sall et ses proches qui a marqué les esprits.
Diop, figure littéraire respectée, n'a pas mâché ses mots en évoquant la nouvelle ère politique qui s'ouvre au Sénégal après l'adhésion surprise au pouvoir d'une équipe très jeune. "Pour la première fois, on assiste à une alternance qui a un parfum de rupture radicale", at-il estimé.
Mais au-delà de l'espoir suscité, l'écrivain a énoncé les crimes lourds qui auraient été commis ces dernières années par le clan Sall. "Il faut que les responsables rendent compte, on ne peut pas faire l'économie de demander des comptes cette fois-ci", a martelé Diop.
En ligne de mire : les cas de tortures ayant conduit à la mort, les enrichissements personnels « spectaculaires » et injustifiables pour un pays si pauvre. "On n'a jamais demandé des comptes à Diouf, ni à Wade, mais là il le faudra", a insisté l'auteur de renom.
Ses mots ont fait l'effet d'un séisme, relayant un sentiment de ras-le-bol répandu après les 12 années de pouvoir de l'ancien président Macky Sall, entaché par les scandales de mal-gouvernance et la dérive autoritaire.
Diop prévient cependant que "tous les comptes n'ont pas encore été vendus". Un avertissement appuyé pour la nouvelle équipe : la population, qui a tant sacrifié, sera intransigeante et n'accordera "pas de droit à l'erreur".