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22 novembre 2024
Culture
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"LA NOIRE DE..." : UN CRI CINÉMATOGRAPHIQUE PLUS PUISSANT QUE JAMAIS
Le film qui a brisé le silence imposé au cinéma africain, revient en version restaurée. Cette œuvre pionnière d'Ousmane Sembène n'a rien perdu de sa puissance, cinq décennies après sa création
Dans les salles obscures françaises, un fantôme du passé refait surface, plus vivant et pertinent que jamais. "La Noire de...", chef-d'œuvre d'Ousmane Sembène restauré, s'apprête à secouer une nouvelle génération de spectateurs.
Tourné en 1966, ce film fut une révolution : premier long-métrage d'un réalisateur subsaharien, il a brisé les chaînes du décret Laval, cette loi coloniale qui muselait la créativité africaine depuis 1934.
L'histoire de cette jeune Sénégalaise, prise au piège du rêve français, résonne aujourd'hui avec une force glaçante. Entre les murs d'une villa d'Antibes, c'est toute l'hypocrisie du néocolonialisme qui se dévoile, sans fard ni compromis.
Sembène, visionnaire, brandissait déjà l'étendard de l'afro-féminisme avant même que le terme n'existe. Sa caméra capture la révolte silencieuse d'une femme, symbole de toute une génération prête à s'émanciper.
Cinquante-huit après sa sortie initiale, "La Noire de..." n'a rien perdu de son mordant. Au contraire, il nous tend un miroir dérangeant : les rêves brisés d'hier sont-ils si différents des espoirs déçus d'aujourd'hui ?
Ce film est bien plus qu'une pièce de musée. C'est un cri qui traverse les décennies, rappelant que le combat pour la dignité et l'égalité est loin d'être terminé. À l'heure où l'Afrique cherche encore sa voie, la voix d'Ousmane Sembène résonne comme un appel à l'action.
BOUBACAR BORIS DIOP, LA VOIX DES NAUFRAGÉS DU JOOLA
Avec "Un Tombeau pour Kinne Gaajo", l'écrivain sénégalais exhume les secrets du Joola et rend un vibrant hommage aux disparus à travers le destin fictif de Kinne Gaajo, l'une des passagères du navire
(SenePlus) - Le 26 septembre 2002, le ferry Le Joola, qui reliait Dakar à Ziguinchor dans le sud du Sénégal, a chaviré, faisant effectivement 1 863 morts et seulement 64 survivants. Plus de vingt ans après, ce naufrage reste le deuxième accident maritime non militaire le plus meurtrier de l'histoire récente. Pourtant, il demeure méconnu du reste du monde et même au Sénégal, les victimes et les rescapés n'ont pas bénéficié d'une commémoration digne de ce nom ni d'indemnisations, tandis que peu de responsables ont été sanctionnés.
L'écrivain Boubacar Boris Diop est l'un des rares à avoir écrit sur cette tragédie, d'abord dans son deuxième roman en wolof "Bàmmeelu Kocc Barma", traduit en français par l'auteur lui-même sous le titre "Un Tombeau pour Kinne Gaajo" (éditions Philippe Rey, 2024). Comme l'explique Marame Gueye, professeur de littératures africaines et de la diaspora africaine à l'Université East Carolina, dans une note de lecture, Diop "y alterne entre commentaire journalistique, récits historiques et fiction, souligne l'importance du devoir de mémoire, de la responsabilité, la nécessité pour les Africains de connaître leur histoire, et s'interrogeant sur le langage et les complexités de l'écriture."
À travers l'histoire de Kinne Gaajo, une femme qui vivait en marge des conventions sociales et qui faisait partie des victimes, le livre commémore le naufrage tout en abordant de nombreux problèmes concernant le Sénégal et l'Afrique. Selon Marame Gueye, "Un Tombeau pour Kinne Gaajo a une certaine légèreté même s'il pointe du doigt la conscience collective sénégalaise, coupable pour son insensibilité face à cette tragédie." Elle ajoute que "le spectre du Joola hante la conscience nationale".
Boubacar Boris Diop n'en est pas à son coup d'essai lorsqu'il s'agit d'écrire sur une tragédie. Son roman "Murambi, le livre des ostements", paru en 1997 et traduit en anglais sous le titre "Murambi: The Book of Bones", est un récit de fiction fondateur sur le génocide des tutsis de 1994. Contrairement à "Murambi", où tout est sobre et en phase avec l'ampleur de la tragédie, "Un Tombeau pour Kinne Gaajo" n'hésite pas à prendre des libertés. Marame Gueye souligne que « Diop devient historien et donne vie à des figures comme Phillis Wheatley (1753-1784), la première esclave à publier un recueil de poèmes en 1773, dont les origines remontent à la région de la Sénégambie, ou encore Sidya Léon. Diop (1848-1878), le fils de Ndaté Yalla, la célèbre reine du Waalo."
Pourtant, la version française du roman ne rend pas totalement justice à la version originale en wolof selon la professeure : "La version wolof n'avait pas besoin d'une intrigue ou d'un conflit pour satisfaire ses lecteurs. La langue est un personnage audacieux dans le roman, jouant avec les mots et véhiculant les pensées dans un wolof qui rendrait Kocc Barma fier." Marame Gueye cite d'ailleurs Kinne Gaajo dans le roman : "Une œuvre littéraire n'a de saveur que si elle vient de la langue de qui l'écrit."
Malgré ces "défauts" dans la traduction française, Marame Gueye estime que "Boubacar Boris Diop reste l'un des écrivains les plus prolifiques des XXe et XXIe siècles, produisant des œuvres significatives dans tous les genres". Et de conclure : "Il a le droit d'écrire ce qu'il veut et selon ses propres règles."
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FRANCOPHONIE : LE DERNIER TANGO DE PARIS
Le gratin de l'Afrique francophone s'est réuni pour un sommet aux allures de dernière danse. Macron a tenté de maintenir l'illusion de l'influence française. Mais derrière les sourires de façade, c'est le crépuscule d'un empire qui se dessinait
Paris, théâtre d'un spectacle aussi fascinant que déconcertant ce week-end. Le Sommet de la Francophonie, jadis vitrine du rayonnement français, s'est mué en bal des adieux pour une influence en déliquescence.
Emmanuel Macron, maestro d'un orchestre désaccordé, a tenté de diriger une symphonie impossible. Face à lui, un parterre clairsemé de 19 chefs d'État africains, loin de l'affluence d'antan. Les absents ? Nombreux et pesants, du Sénégal au Maroc, signant de leur silence la fin d'une époque.
Dans les coulisses, une valse étrange se jouait. Ici, on réintègre un putschiste guinéen. Là, on courtise un autocrate rwandais. Un pas de deux diplomatiques où les principes semblent avoir perdu le rythme.
Pendant ce temps, certains journalistes, pourtant accrédités auprès du Quai d'Orsay, se sont vus refuser l'entrée. Motif ? "Plus de place". Une explication qui sonne creux face aux rangées de sièges vides lors de la conférence de presse finale.
Ce sommet, miroir d'une francophonie en quête d'identité, pose une question cruciale : dans ce nouveau concert des nations, quelle partition la France compte-t-elle jouer ?
TASSES D’AMOUR ET AROMES D’OUVERTURE LE LONG DE LA ROUTE DE LA SOIE
Autour du thé, on construit une histoire d’amour. A travers cette dernière, on construit le discours d’une humanité qui est rencontres. Amour, rencontres, humanité, le «Black Tea» de Abderrahmane Sissako se boit en pensant «aux douces perspectives»…
Autour du thé, on construit une histoire d’amour. A travers cette dernière, on construit le discours d’une humanité qui est rencontres. Amour, rencontres, humanité, le «Black Tea» de Abderrahmane Sissako se boit en pensant «aux douces perspectives»…
Pathé éteint ses lumières et l’un de ses énormes écrans, diffuse. «Le film que vous allez voir est né sous une bonne étoile.» Signé Arte. Succès garanti ? L’avenir répondra à cette question. Pour aujourd’- hui, 5 octobre 2024, suivons… Premières images, un mariage. Pas d’étoiles dans les yeux de ceux supposés s’unir. Blanche, la robe de mariée. Sombre, l’humeur de la future mariée. «Je ne veux pas vivre mon futur dans le mensonge et dans l’amertume.» Toussaint et Aya ne sont pas Romeo et Juliette. «Je dis non» : Aya s’en alla. La dame en blanc dévale des ruelles. Une musique l’accompagne. Yeux et langues déballent sur elle. Nul n’entend ce qui se dit la concernant. Les équipes de Abderrahmane Sissako ont masqué les commérages par de la musique. Pour marquer la transition. Libérée, Aya. Paroles de la musique de libération : «It’s a new life for me. And I’m feeling good.» Le bonheur à une autre langue, jaillit d’un autre continent. La black Aya est projetée en Asie, dans un pays de thé. Et c’est chez Xi Jinping (cette info est peut-être fausse) que Black Tea, le nouveau film de M. Sissako, se joue.
Black Tea est un filmmonde, un film du Monde, un film où des mondes fusionnent pour enfanter d’un univers singulier. On y commerce en arabe, y dialogue en mandarin. En langue du Cap-Vert on y chante et sur de l’Afrobeat on y danse. Un tailleur de Chine (cette info est peut-être fausse) y travaille du wax. Et dans «ce quartier» de cette Asie lointaine, on mange, Chez Ambroise, aloco et athiéké sur une table garnie de jus de bissap. Bissap, feuilles rouges, thé, feuilles vertes. Thé ? «Le thé et l’art du thé» enseigné à Aya par Wang Cai. Un art soucieux du détail où il faut savoir poser, au millimètre près, sa phalange sur une partie précise de la théière. Un art qui exige d’avoir de la maîtrise sur sa respiration. Un art olfactif et du toucher. Un amour du thé... La black et le thé, explications de M. Sissako : «Je voulais d’abord montrer que Aya s’intéresse à l’autre, à la culture de l’autre. Elle veut construire quelque chose.» Elle rêve même d’un espace de thé dans son pays d’origine. «Je voulais montrer qu’elle était capable d’embrasser la culture de l’autre.» Aller vers l’autre, embrasser sa culture, de la bouche de Abderrahmane Sissako, c’est une force et non une faiblesse.
Un amour pudique
Black Tea, c’est l’histoire d’un amour construit autour du thé. Spoiler : vous n’y trouverez de grandes déclarations hollywoodiennes, non plus, de romance extrêmement ritualisée à la française. Pas de publique déclaration. Pas de pompeuse rose. Il y a des feuilles de thé qui drapent un amour, enlevées une à une, à coups d’œillades dans la boutique, de pudiques touchers dans la cave où s’apprend l’art du thé. Ce, avec la complicité d’une quasi constante nuit qui enveloppe cette pudeur dans le secret de son obscurité. On se laisse ainsi tenir la main par Abderrahmane Sissako qui, après une longue phase de nuit, laisse Wang Cai dire que «le thé noir a un goût lumineux», pour faire comprendre à Aya que c’est elle, le plus lumineux des goûts. Décor de déclaration : la verdure d’un champ de thé. Et il y a un papillon comme troisième personnage. Le papillon ne passet-il pas par plusieurs étapes de métamorphoses avant d’être cet être de couleurs et de beauté qu’on connaît. Peut-être là, un symbole de cet amour construit dans la pudeur, avec plusieurs étapes et qui se déclare, enfin, en plein jour. Là, qui veut pourrait entendre que c’est un choix artistique, de construire souterrainement un amour pudique de nuit avant de l’exposer au jour…La cave c’était, dit Abderrahmane Sissako, pour «donner à ces deux personnes une forme d’intimité, pour se connaître, se rapprocher petit à petit et que le toucher arrive parce que ça c’est important. C’est un cinéma qui ne montre pas que les gens s’embrassent et que c’est ça l’amour. Ce n’est pas ça. Il y a le respect de l’autre, il y a une quête de quelque chose avant de se lancer dans une aventure beaucoup plus complexe qui est de se marier».
«La Chine n’a pas voulu de ce film…»
Mais, si Black Tea est à 90% un film nocturne, c’est parce que Abderrahmane et ses équipes ont dû contourner une contrainte. En effet, «la Chine n’a pas voulu de ce film parce qu’elle a estimé sans le dire et le mentionner, que le personnage principal chinois ne représente pas les valeurs chinoises, parce qu’il est avec une Africaine. C’est extrêmement grave, lorsqu’un pays aussi fort va dans ce sens», révèle M. Sissako en conférence de presse. Mais, «on ne peut pas attacher les bras d’un artiste». Solution : «je suis parti à Taïwan, parce que c’est la Chine, c’est la même langue et cetera», même si une différence de dimension est apparue. «Et donc, lorsqu’on fait face à une réalité, c’est ça la force et la magie du cinéma, il faut s’adapter. Pour m’adapter au lieu, à mon repérage, j’ai décidé de faire le film la nuit. C’est ça la raison. Le scénario ne disait pas ça. Le scénario se passait le jour et la nuit m’a permis de créer une intimité, d’être dans l’intime, de ne pas aller dans ce sens-là, où je montrais vraiment le côté presque documentaire avec Guangzhou, une ville d’Africains très chargée».
Li-Ben, génération Bluetooth
La Chine du rejet dans le film, c’est sans doute ce vieux qui compare les noirs de «ce quartier», qu’il veut faire quitter à son petit-fils, à des animaux. Le petit-fils, lui appartient au monde d’aujourd’hui. «Cette route de la soie, pour moi, elle n’a pas de sens si elle ne met pas les gens ensemble», dit Li-Ben au vieux. La phrase est importante aux yeux du réalisateur qui la répète en conférence de presse. Route de la soie dans le film, et dans les questions de la presse à Sissako. «Il ne faut pas que l’Afrique soit un terrain économique pour les autres pour prendre seulement des choses. Nous avons longtemps souffert de ça et nous cherchons à changer ça», challenge-t-il. Avant de faire preuve de cette grande lucidité : «La Chine peut être une chance, elle peut être aussi une malchance. C’est à nous de nous positionner. C’est à nous de transformer cette route de la soie qui est une route économique en une route véritablement de rencontres humaines.» Il doit en être ainsi, «parce que nous avons à donner à l’humanité, nous avons donné, nous donnons à l’humanité». Senghorien, ce Sissako, qui dit que «non seulement nous sommes capables de donner, mais de prendre aussi. Et cette dynamique, cette vision du continent, je pense que c’est très important».
Les idées de Bluetooth, d’une connexion entre ces spécificités qui font un monde seront évoquées par le fils de Wang Cai. Elles traduisent aussi l’idée de Abderrahmane Sissako selon laquelle «l’humanité, de toute façon, n’est que rencontre». Peur, méconnaissance, rejet de l’autre (le réalisateur préfère ne pas parler de racisme) peuvent malheureusement naître de ses rencontres. Et, «l’artiste doit toucher ces sujets-là et les montrer s’il le peut». Boire beaucoup de tasses de Black Tea pourrait aider à cultiver l’idée de Bluetooth de Li-Ben. Boire «aux douces perspectives», comme conseillé par ce personnage français dont on ne connaît l’existence qui via une anecdote contée par l’ex-femme de Wang Cai
UN COUP DE PROJECTEUR SUR TOUTES LES CREATIVITES AFRICAINES
Après le succès de la première édition, Dakar Séries, le festival panafricain des séries revient du 8 au 12 octobre 2024 à l’Institut français de Dakar. Le Comité d’organisation était face à la presse pour le dévoilement de la programmation de l’évènement
Bés Bi le Jour |
Adama Aïdara KANTE |
Publication 08/10/2024
Après le succès de la première édition, Dakar Séries, le festival panafricain des séries revient du 8 au 12 octobre 2024 à l’Institut français de Dakar. Le Comité d’organisation a fait face à la presse pour le dévoilement de la programmation de l’évènement.
La capitale dakaroise va vibrer au rythme du cinéma africain à l’occasion de la 2e édition du Festival panafricain Dakar Séries prévue du 8 au 12 octobre prochains à l’Institut français de Dakar. Un collectif de jeunes professionnels du secteur audiovisuel africain, à l’instar de Issaka Sawadogo du Burkina Faso, Séraphine Angoula du Cameroun, Fatou Kandé Senghor et Rokhaya Niang du Sénégal, a fait face à la presse pour dévoiler la programmation. Pour l’équipe organisationnelle, cet événement se veut un tremplin pour la production audiovisuelle du continent. Cette année, Dakar Séries propose une compétition africaine de 15 séries venant de 10 pays (dont 3 du Sénégal) et une sélection perspective avec 6 séries internationales et des séances spéciales, tout cela sur grand écran. Le festival offre ainsi au public 5 jours de projection, des rencontres, de festivités avec des personnalités parmi les plus renommées du monde de la série africaine et internationale. Parmi les séries phares, on retrouve «Yaay 2.0» de Kalista Sy et «Wassanam» de Pape Abdoulaye Seck, qui représenteront le Sénégal, aux côtés de productions telles que Nazi Bubu (Tanzanie), Jib Darkoum (Maroc), Stout, (Afrique du Sud), Big Girl Small World (Kenya), No Bla-Bla (Burkina Faso) ou encore Cheta’am (Nigeria). «Pour la sélection des séries en compétition africaine longue, on retrouve Or Blanc, une série ivoirienne, Al Mouktafi (le disparu) du Maroc, Niabla de la Côte d’Ivoire, Dmou3 Lawlia de l’Algérie et Lex Africana du Sénégal», détaille le responsable programmation de Dakar Séries, Kana Frank. «Notre objectif était d’avoir des séries venant des quatre continents, et le challenge a été relevé. On dispose tout de même d’une sélection qui représente un bel échantillon de ce qui se fait de mieux actuellement sur le continent. Et on propose également une belle diversité en termes de pays, de genres, qui incarnent notre programmation», a-t-il ajouté.
Dakar Séries au cœur des émergences créatives africaines
En plus des projections, des rencontres professionnelles sont également au menu dans le cadre du Forum avec des ateliers, débats, masterclasses, deux résidences d’écriture, un concours de pitch et la journée de professionnels. Amina Awa Niang, coordinatrice du festival, a annoncé que le ministère de la Culture, à travers le Fopica, propose un prix d’un million de FCFA pour récompenser la meilleure série. «Nous sommes conscients que la production audiovisuelle du continent est riche et foisonnante. Et Dakar Séries voit ainsi l’occasion de mettre un coup de projecteur sur toutes les créativités qui se font sur le continent et en dehors aussi», indique Mme Niang. Avant d’ajouter que ce festival se positionne comme une réponse aux défis majeurs que rencontre l’écosystème audiovisuel africain, notamment en termes de structuration et de mise en réseau. «L’un des objectifs de Dakar Séries, c’est également de regrouper ces écosystèmes isolés et créer des énergies pour réfléchir sur les enjeux de structuration du secteur de l’audiovisuel. C’est un festival qui s’adresse en priorité à la jeunesse», a-t-elle conclu.
LA FRANCOPHONIE EST DANS UN CERCUEIL VERS LE CIMETIERE !
Amadou Lamine Sall approuve la sortie de Yassine Fall
Dans une note décryptant la sortie du ministre des Affaires étrangères, Yassine Fall sur Tv5, en marge du sommet de la Francophonie, Amadou Lamine Sall a corrigé le «jeu politique» de la France en Afrique. En saluant la position de la ministre en charge des Affaires étrangères, le poète distingué par l’Académie française annonce la mort de cette organisation internationale.
Par sa plume, l’emblématique écrivain est d’accord avec la ministre de l’Intégration africaine et des affaires étrangères, Yassine Fall, sur les vices de la Francophonie. «J’approuve les propos de Mme le ministre qui souligne des problématiques cruciales qui mettent à nu le jeu politique biaisé et fatiguant et de la France et de l’Oif. La Francophonie n’est plus dans l’ambulance. Elle est dans un cercueil vers le cimetière ! Un dommage pour cette langue française si belle, si unique trahie par sa première patrie !», s’est exclamé hier, Amadou Lamine Sall. Le poète, qui estime que l’organisation internationale de la Francophonie (Oif) «a fini par être discréditée et anéantie», n’a pas eu peur de pointer du doigt la responsabilité de l’Elysée, en l’occurrence l’actuel chef de l’Etat français. «Il est surréaliste que le Président Macron joue de cette manière au croquemort ! Un garçon si brillant et qui déçoit beaucoup, beaucoup, comme possédé par on ne sait quel cruel démon ! Si les ambassadeurs de France en Afrique recevaient et écoutaient les intellectuels, artistes et écrivains africains, la France aurait évité cette fracture si douloureuse et si inutile ! Un gâchis !», regrette l’auteur de Colore d’estasi. Il s’enflamme alors de «cette rupture politique» de la ministre qui «met le doigt sur la plaie» tout en appelant au sauvetage de ce patrimoine partagé par 88 pays. «Il était temps ! Il faut défaire les cravates en soie et oser désigner le mal de mille doigts ! Toute seule, la France se fusille elle-même ! Il faut sauver la Francophonie en ne confondant pas vanité et supercherie politique avec culture et respect des pays majoritaires du Sud qui font vivre et exister sur le terrain la langue française», a écrit le Senghorien.
ABLAYE CISSOKO PROMET L’ENCHANTEMENT
Du 31 octobre au 2 novembre 2024, Saint-Louis va renouer avec son ambiance féerique pour accueillir les instruments à cordes. La quatrième édition du festival «Au tour des cordes», initié par Ablaye Cissoko, promet de grands moments.
Du 31 octobre au 2 novembre 2024, Saint-Louis va renouer avec son ambiance féerique pour accueillir les instruments à cordes. La quatrième édition du festival «Au tour des cordes», initié par Ablaye Cissoko, promet de grands moments.
Le fleuve, le pont Faidherbe, les demeures historiques qui portent, gravée sur leurs murs, l’histoire du Sénégal, font de Saint-Louis le parfait écrin pour recevoir les sublimes notes de Ablaye Cissoko et ses invités. Pour sa 4e édition, le festival «Au tour des Cordes» revient du 31 octobre au 2 novembre. Cette année encore, le virtuose de la kora aura mis les petits plats dans les grands pour proposer une programmation éclectique. Comme pour les trois premières éditions qui ont réuni à Saint-Louis de grands noms de la musique, des maîtres de ces instruments à cordes, cette nouvelle édition sera un moment de rencontre humaine et artistique.
A la genèse de cet évènement, Ablaye Cissoko, le Maître de la kora qui réside à Ndar, autre nom de Saint-Louis, depuis une trentaine d’années, vise à mettre à l’honneur ces instruments comme la kora, le ngoni, le xalam, le riti, creuset d’innombrables rythmes traditionnels. «Au tour des cordes» donne aussi à découvrir un ailleurs baigné d’exotisme et de mystère, à l’image du Oud venu du Moyen-Orient, du Setar d’Iran ou encore du violon et de la viole de Gambe venus d’Occident.
Ces rencontres entre des instruments, des artistes et leurs publics fondent la philosophie de ce festival depuis ses débuts. «Au-delà de l’aspect musical, l’aspect historique et culturel ont une grande importance pour le fondateur résidant dans la ville depuis une trentaine d’années. Il rend aussi hommage à Ndar, et les sites historiques qui font la particularité de la ville. L’événement se déploie dans ces différents sites pour permettre de découvrir leur histoire. Il se déploiera aussi dans les écoles, à la rencontre des élèves, parce que la culture c’est aussi semer des graines, éduquer nos enfants sur notre patrimoine culturel. Il se déploiera dans les résidences artistiques créées pour permettre aux musiciens d’élaborer ensemble des projets qui seront présentés dans le cadre des concerts. Il se déploiera surtout dans vos cœurs, comme il l’a fait pendant les 3 précédentes éditions. Vous serez envahis de belles émotions, de grâce, d’amour, de beauté», écrit Aisha Dème, auteure et actrice culturelle, à propos du festival.
A la suite de ces grands noms de la musique : Fatoumata Diawara, Kiya Tabassian, Majid Bekkas, Rajerry Band, Awa Ly, Bassekou Kouyaté, Constantinople, Adar Halevy, Ghalia Benali, d’autres artistes du vaste monde viendront encore inscrire leurs noms sur les livres du festival. Pendant ces quelques jours où les oreilles pencheront vers la magie et le lyrisme des instruments à cordes, la capitale du Nord va renouer avec la bonne humeur, les parades et les sons. En trois ans, ce sont plus de 9000spectateurs qui ont assisté à 47 concerts de 142 artistes
ABLAYE CISSOKO ET LA KORA, HISTOIRE D’UNE PASSION
L’auteur-compositeur et musicien sénégalais Ablaye Cissoko est devenu au fil des ans un virtuose de la kora (harpe-luth mandingue), un héritage qu’il a su vulgariser à travers le monde grâce à ses nombreuses collaborations.
L’auteur-compositeur et musicien sénégalais Ablaye Cissoko est devenu au fil des ans un virtuose de la kora (harpe-luth mandingue), un héritage qu’il a su vulgariser à travers le monde grâce à ses nombreuses collaborations.
Installé à Saint-Louis depuis 1985, à l’adolescence, Kimitang Mohamadou Cissoko de son vrai nom se distingue par ses sublimes notes de kora. L’ancien pensionnaire du Conservatoire de musique de Dakar est aujourd’hui «fier» de raconter comment est née sa passion pour cet instrument millénaire africain. «Vous savez, on naît griot, mais on ne le devient pas, parce que la passion et le griotisme sont deux choses différents. Il y a des griots qui n’ont pas envie d’exercer du tout leur rôle de transmission. Ils ne veulent même pas qu’on les appelle griots», explique-t-il pour montrer sa fierté pour ses origines. Descendant d’une famille de griots, les Cissoko du mandingue, et fils d’un gendarme, Ablaye Cissoko passe des heures avec la kora, depuis qu’il a appris à jouer de cet instrument auprès de son père, dès l’âge de 8 ans. «Je me suis intéressé très tôt à la kora. Je passais mes heures autour de cet instrument. Mais il n’était pas dit que cela allait être ma profession. Mon papa était un gendarme et un joueur de kora», se remémore Ablaye, soulignant que son père était aussi un chef d’orchestre de la Gendarmerie nationale
La kora, son premier confident
Ablaye Cissoko a noué avec la kora un long compagnonnage, au point que cet instrument de musique à cordes est devenu son «premier confident». «La kora a toujours été mon premier confident, mon premier ami, mon premier conseiller. Si j’ai mal ou je suis content, je me repose toujours sur la kora. Elle m’inspire et me libère de mes tourments. Je suis un passionné, au vrai sens du mot», s’enthousiasme le koriste sénégalais dont la musique est une jonction entre des sonorités africaines et le jazz. Derrière cet amour incommensurable pour cet instrument de musique, se cache pourtant un homme passionné du ballon rond. «Je pratiquais et j’aimais le football. Il y a une année où j’avais même une place pour une sélection dans l’équipe de football de l’Association sportive des forces armées (Asfa), mais mon papa ne voulait pas», révèle-t-il.
Une passion devenue un métier
Natif de Kolda, ville située dans la partie sud du Sénégal, Ablaye Cissoko s’estime heureux que sa passion soit aujourd’hui devenue son métier. Une vie professionnelle pleine d’épanouissement qui lui a permis de faire le tour du monde depuis son Saint-Louis natal : Oslo en Norvège, New York aux Etats Unis, Paris en France, etc. «Si tu as la chance que ta passion devienne ton métier, tu gagnes ta vie et c’est une grande bénédiction. Si je devais choisir un métier, je dirais peut-être que j’aimerais bien être instituteur, mais il faut accepter son destin», dit ce virtuose de la kora. Marié à une SaintLouisienne, le koriste garde toujours dans un coin de la tête les conseils de son tuteur qui lui ont permis de faire carrière dans la musique. «Il m’a dit un jour une chose : avoir le don ne suffit pas, être un griot ne suffit pas, avoir toutes les koras du monde ne suffit pas tant que tu ne travailles pas, et c’est un travail personnel. Et dans ce travail personnel, il faut que tu sois très ouvert pour pouvoir évoluer», se souvient Ablaye Cissoko, qui garde ces mots comme un livre de chevet. Depuis presque deux décennies et suivant les conseils de son père, l’artiste a gagné en expérience et est devenu un maître incontesté dans son art. «Depuis pratiquement une vingtaine d’années, les choses évoluent. On a eu beaucoup de collaborations à SaintLouis qui m’a tout donné, notamment la scène de Saint-Louis Jazz. La kora m’a permis de rencontrer beaucoup d’artistes et j’ai beaucoup gagné en expérience», assure le koriste très à l’aise dans une belle tunique africaine. Le Festival de jazz de Saint-Louis, depuis sa création en 1993, a accueilli de nombreux musiciens et artistes du monde, notamment les Camerounais Manu Dibango et Richard Bona, les Américains Lucky Peterson, Randy Weston, Marcus Miller, etc., les Sénégalais Youssou Ndour, Baba Maal, Cheikh Lô, Hervé Samb, les Maliens Ali Farka Touré, Cheikh Tidiane Seck, etc.
«Kordaba», une école d’initiation à la kora
Maître de la kora en Afrique de l’Ouest depuis bien des années, Ablaye Cissoko a mis en place une école d’initiation et d’apprentissage à la kora. Une école nichée au cœur du quartier Ndioloffène de Saint-Louis. «L’idée derrière cette école, Kordaba, est que j’ai voulu que la kora puisse être accessible aux garçons et filles comme la guitare. Une école de la kora où vraiment on n’est pas dans la transmission, mais on n’est dans l’initiation, surtout l’apprentissage et l’enseignement de la kora», indique-t-il. Selon lui, le Sénégal regorge de beaucoup de talents, de gens extraordinairement doués, mais qui ont besoin d’un contexte ou d’un endroit pour pouvoir faire éclore leur talent. Promoteur du festival «Au tour des cordes» dont la quatrième édition est prévue du 31 octobre au 2 novembre 2024, Ablaye Cissoko, en bon koriste, peut se targuer aujourd’hui d’une consécration internationale, d’où le succès de sa collaboration, en 2009, avec le trompettiste allemand établi à New York, Volker Goetze, avec l’album Sira. Les deux artistes se revoient en 2012 et produisent Amanké Dionti, vendu à près de 10000 exemplaires en France, et en 2014 pour un troisième opus, Djaliya. Ablaye Cissoko dont la philosophie de la musique est d’«apaiser le cœur des hommes», a collaboré en2011 avec le multi-instrumentiste marocain Majid Bekkas.
...LE GRAMMY AWARD D’ALI FARKA TOURE RETROUVE
Le Grammy Award remporté par le légendaire Ali Farka Touré a finalement été retrouvé, selon une annonce faite par sa famille ce samedi 5 octobre 2024.
Le Grammy Award remporté par le légendaire Ali Farka Touré a finalement été retrouvé, selon une annonce faite par sa famille ce samedi 5 octobre 2024.
Le trophée d’Ali Farka Touré, qui avait mystérieusement disparu de la résidence familiale, était l’un des trois Grammy Awards que le maître de la musique malienne avait décroché au cours de sa carrière. Son fils, Vieux Farka Touré, avait révélé sa disparition dans une vidéo diffusée en début de semaine, suscitant l’indignation des fans et la mobilisation des autorités locales. Ali Farka Touré a remporté ce prestigieux prix pour l’album « In the Heart of the Moon », une collaboration avec le célèbre musicien Toumani Diabaté, dans la catégorie Meilleur album de musique traditionnelle du monde lors des Grammy Awards 2006. L’album, qui fusionne les sonorités maliennes traditionnelles et le blues, est considéré comme une œuvre charnière dans la carrière du musicien. Le trophée dérobé symbolise une reconnaissance internationale unique du talent d’Ali Farka Touré, une figure de proue de la culture malienne.
Le vol de ce Grammy Award, découvert par Vieux Farka Touré, a été un choc pour la famille. Dans sa vidéo, largement partagée sur les réseaux sociaux, le musicien appelait à l’aide, espérant retrouver ce précieux symbole. L’appel n’a pas tardé à être entendu. Grâce à une intense mobilisation, le trophée a été retrouvé en bon état, bien que les détails sur les circonstances exactes de cette disparition restent flous. Cette disparition n’est pas sans rappeler un autre événement similaire ayant touché une autre figure de la culture malienne à savoir Souleymane Cissé. Le célèbre cinéaste avait remporté le Carrosse d’or au Festival de Cannes en mai 2023, une récompense honorant son œuvre et son immense contribution au cinéma africain. Cependant, son trophée a lui aussi été dérobé, en avril 2024 à son domicile, à Bamako. Les circonstances de cette disparition restent également mystérieuses, mais le Carrosse d’or a été retrouvé en mai 2024. Ces deux événements soulèvent des questions quant à la sécurité des biens culturels de grande valeur.
Ces disparitions répétées de trophées prestigieux au sein de domiciles privés amènent à s’interroger sur la sécurisation des récompenses d’une telle importance. Bien qu’ils symbolisent des réussites individuelles, ces prix représentent aussi une part du patrimoine culturel et artistique national. Leur valeur dépasse celle de simples objets. Selon un opérateur culturels : ils incarnent la fierté collective d’un pays, la reconnaissance internationale de son génie artistique. Raison pour laquelle certains se demandent s’il ne serait-il pas préférable de confier ces récompenses à un musée national dédié à la conservation des prix et trophées des figures emblématiques du Mali et de l’Afrique ? Cela permettrait non seulement de préserver ces objets dans des conditions optimales de sécurité, mais aussi de les rendre accessibles à un public plus large. À travers une telle démarche, le Mali pourrait renforcer son patrimoine culturel tout en honorant ses icônes artistiques.
APA
par Birane Diop
LE DERNIER DES ARTS DE FARY NDAO
Grâce aux pouvoirs de la littérature, notamment du roman, l'auteur soulève une réflexion sur la politique et ses implications, posant des questions philosophiques et existentielles : pourquoi la politique est-elle comparée à un art ?
J’ai lu Le dernier des arts, le premier roman de l’écrivain Fary Ndao. L’auteur du livre est ingénieur et économiste de l’énergie, travaillant au service de l’État sénégalais. Mais il est bien plus que cela : Fary Ndao est un hussard noir de la République, l’un de ces hommes valeureux dont parlait Charles Péguy, l’auteur de l’essai politique Notre jeunesse, car c’est un haut fonctionnaire qui a la mystique républicaine chevillée au corps, à l’ère du populisme omniprésent. De plus, c’est un intellectuel organique engagé pour la cité. Il a offert à son pays, et au-delà, au reste du monde, trois livres majeurs : Politisez-vous !, L’or noir du Sénégal et Le Dernier des arts, son œuvre la plus récente.
Que dire de ce livre édité par la maison d’édition Présence Africaine ? Le dernier des arts est un magnifique ouvrage, d’une grande érudition à tous égards, le tout enveloppé d’un humour percutant. Grâce aux pouvoirs de la littérature, notamment du roman, il soulève une réflexion sur la politique et ses implications, posant des questions philosophiques et existentielles : pourquoi la politique est-elle comparée à un art ? Cet art fait référence aux stratégies de communication déployées lors des campagnes électorales, où les partis présentent leur candidat et partagent sa vision économique, culturelle, sociale, écologique et sanitaire avec les électeurs, qui ont le dernier mot et sur qui repose finalement l’exercice du pouvoir. Ce don de soi, dont le
but ultime est de changer radicalement la vie des gens, requiert-il de la diplomatie, de l’humour — la « meilleure arme » de tout homme politique ? Peut-on réellement faire de la politique et conquérir le pouvoir sans être cynique, démagogue ou populiste ?
Toutes ces questions trouvent leurs réponses à travers les personnages qui peuplent ce roman. Sibi, figure principale et candidat à la présidentielle, fait comprendre à Coulibaly que la politique, c’est d’abord le peuple, c’est-à-dire une entité sociale sur laquelle s’exerce le pouvoir par le biais de ses représentants. Par conséquent, il faut être « proche d’eux », ne pas les prendre de haut, pour espérer gagner l’élection au soir du second tour. Sans leurs voix, ils ne seront jamais aux affaires sérieuses pour conduire les politiques publiques. Leur communication doit avoir deux objectifs principaux : convaincre et plaire, ce dernier étant souvent le plus décisif. C’est cela qui créera la différence entre leur approche et celle de leurs adversaires – le camp de la présidente Aminata Sophie Cissé. Qu’ils soient des populistes tout simplement, pour être dans l’air du temps.
De plus, un politicien aguerri est un diplomate drapé d’un humour exquis, quelqu’un qui a les talents d’un artiste, c’est-à-dire un génie qui inonde de bonheur et d’excitation le corps social par ses discours anti-élite, son rapprochement avec celles et ceux que les privilégiés appellent avec dédain, dans leurs discussions privées ou lors de dîners mondains : les petites gens, les invisibles, les sans-rien. C’est cela aussi la politique, Le dernier des arts.
Dans ce roman intimiste, à certains points, Sibi et Zeynab, après avoir partagé de bons moments de plaisir charnel, interrogent ce métier exigeant, éreintant et parfois ingrat à travers une dispute de haute intensité. L’activité politique doit-elle s’immiscer au cœur de la famille ? Comment faire pour qu’elle ne perturbe pas l’équilibre familial ?
Face à ces questions existentielles, tout homme politique est tiraillé, voire bouleversé, c’est le cas de Sibi. Sa femme Zeynab — la plume — est désormais la seule qui s’occupe de leurs deux enfants, notamment la petite Sarah Victorine Fall, qui voit son père comme un héros, un homme parfait. Mais ce père n’est jamais à la maison pendant les moments importants. Il a dédié sa vie à d’autres enfants qu’il ne connaît pas, pour apporter un peu de douceur à leur quotidien, pour que demain ils deviennent des transfuges de classe. Autrement dit, pour qu’ils n’aient pas des destins broyés par la misère, la souffrance et la douleur. Il veut faire vivre la promesse républicaine, celle de l’égalité des chances dans le cœur de chaque enfant. La politique, ce n’est pas une question esthétique, ce sont des enjeux de vie et de mort pour beaucoup de gens. Peut-être est-ce là le prix de l’engagement politique. Hélas.
Le dernier des arts est un chef-d’œuvre, un roman absolument passionnant par sa sensibilité, sa justesse et sa langue. La belle ode à la kora, cette musique qui envahit tout notre être pour réparer les blessures invisibles, nous perturbe ou nous fait oublier, le temps d’un instant, l’hystérie de nos sociétés, nous faisant voyager dans le royaume de l’enfance — l’époque de l’insouciance.
En lisant Le dernier des arts, on découvre un écrivain fertile, drôle, d’une grande culture. On trouve des références à Nicolas Mathieu, Boubacar Boris Diop, Albert Einstein, Cheikh Anta Diop, Spinoza, Aristote, Krishnamurti, Jack London, Balzac, Rûmî, Luis Sepúlveda Calfucura. Fary Ndao nous a offert un beau roman d’une grande érudition. C’est un livre sur la politique dans toute sa splendeur. Ici, même l’amour est hautement politique.
Bienvenue en littérature, Fary Ndao. Le dernier des arts, disponible dans toutes les bonnes librairies.
Post-scriptum : Ce passage du livre ci-après m’a fait penser à la meute inculte, médiocre et violente qui avait attaqué Mohamed Mbougar Sarr, brillant romancier sénégalais, quand il a reçu le Goncourt : « Notre pays avait changé. On y détestait désormais la culture, les idées nouvelles, la liberté artistique et la nuance, signe universel d’intelligence, sauf, évidemment, aux yeux des cons. Les conservateurs associés aux faux progressistes avaient plastifié notre imaginaire, préparant le terrain à des individus bien plus radicaux qu’eux : les djihadistes. »