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25 avril 2025
Développement
PAR Felwine Sarr (sur sa page Facebook)
MANIFESTER DOIT DEVENIR BANAL
Ce que l’on constate ces dernières années, c’est une fermeture progressive de l’espace public sénégalais - Il est inacceptable que ces libertés minimales et fondamentales des citoyens soient ainsi bafouées
Cela fait deux semaines que Guy Marius Sagna, notre collègue Babacar Diop de l’UCAD et 6 autres activistes (Malick Biaye, Pape Abdoulaye Touré, Souleymane Diockou, Leuz Def Tekk, Ousmane Sarr, Mamadou Diao Diallo) ont été arrêtés et mis en prison pour avoir manifesté devant les grilles du palais présidentiel du Sénégal contre la hausse annoncée des prix de l’électricité. Hier, ils ont été entendus par le juge d’instruction et on leur reproche une participation à une manifestation interdite, des troubles à l’ordre publique et pour Guy Marius Sagna en plus des deux derniers motifs, s’y ajoute la rébellion. Le collectif Noo Lànk a organisé vendredi 13 décembre 2019 une manifestation pour exiger leur libération, les étudiants de l’UCAD ont été au front, il y a quelques jours pour le même motif et les syndicats enseignants ont également exigé la libération de leur collègue.
Rappelons que la constitution du Sénégal consacre le droit de manifester et que celui-ci est soumis à un régime déclaratif. Toutefois, le préfet par arrêté préfectoral peut interdire une manifestation en estimant qu’il y a un risque de troubles à l’ordre public ou qu’il ne dispose pas d’assez de moyens de police pour encadrer ladite manifestation. La préservation de l’ordre public est aussi un objectif de valeur constitutionnelle. Cette interdiction du préfet peut être contestée en urgence, cependant le seul juge habilité à traiter ce recours est le premier président de la cour suprême, ce qui aboutit dans les fait à une impossibilité de répondre à l’urgence de la contestation de l’arrêté préfectoral. Il peut même arriver que le référé administratif soit livré deux mois après la date de la manifestation. On pourrait invoquer la hiérarchie des normes, entre un droit fondamental garantie par la constitution et un arrêté préfectoral, mais là n’est pas la question. Il y aura toujours pour le pouvoir, matière à interpréter la notion de trouble à l’ordre public de manière large, pour interdire une manifestation.
Plus qu’un débat juridique, Il s’agit plutôt ici d’une question liée à la culture démocratique et à l’intériorisation la pratique démocratique par l’Etat du Sénégal. On ne me fera pas croire que le préfet n’avait pas les moyens d’encadrer la manifestation d’une dizaine d’activistes devant les grilles du Palais et que fondamentalement, celle-ci constituait un trouble à l’ordre public.
Ce que l’on constate ces dernières années, c’est une fermeture progressive de l’espace public sénégalais. Une remise en cause d’acquis fondamentaux de notre démocratie, que sont la liberté d’expression, de manifester, de critiquer s’il le faut les pouvoirs en place, en toute quiétude. Ces acquis faisaient du Sénégal une démocratie ouverte où les opinions s’expriment librement, sans crainte aucune, qualité que nous envient nos voisins du continent. Ces dernières années, Oulèye Mané a été arrêtée et détenue pour avoir fait circuler une caricature du chef de l’Etat sur Whatsaap. Déesse major, parce que l’on avait estimé qu’elle s’était mal habillée. Le jeune Saer Kébé est resté trois ans en prison pour apologie du terrorisme, pour avoir publié un post anti-charlie sur facebook. Il avait 16 ans au moment de son arrestation. Au moment où j’écris ces lignes, Thiaat, Alioune Sané et des activistes de Y’en a marre ont été arrêtés au centre-ville de Dakar par des policiers en civils, ils se rendaient à une manifestation non autorisée de Noo Lànk. Ils devaient faire l’objet d’une sommation à se disperser avant leur interpellation, ce qui ne fut pas le cas.
Le Sénégal est une république qui se targue d’être une démocratie mature, n’ayant jamais connu de coup d’état militaire, et où les élections et les changements de régime se passent en paix. Il est inacceptable que ces libertés minimales et fondamentales des citoyens soient ainsi bafouées. Ce pays doit demeurer un lieu où le droit de manifester et d’exprimer son opinion sont garanties par le droit, la culture et la pratique. Manifester (pacifiquement) doit devenir banal. Ces emprisonnements sont un message d’intimidation destiné à tous ceux estiment devoir faire usage de leur liberté d’opinion, de critique et de contestation. J’apprends au moment où j’écris ces lignes que Babacar Diop, notre collègue, Malick Biaye, Pape Abdoulaye Touré et Souleymane Diocko ont été libérés. Nous nous en réjouissons et ce n’est que justice. Ils n’avaient rien à faire en prison.
Il reste à libérer Guy Marius Sagna, Leuz, Ousmane Sarr. Thiaat, Alioune Sané et les activistes de Y’en A marre. Il y va de la dignité de notre démocratie.
par Damien Glez
LES ÉTATS-UNIS EN GUERRE COMMERCIALE CONTRE LE WAKANDA ?
Le site du département américain de l’Agriculture (USDA) a inscrit le Wakanda sur la liste de ses partenaires commerciaux avant de l’en retirer. Sauf que le pays africain n’existe que dans le film de super-héros « Black Panther »
Jeune Afrique |
Damien Glez |
Publication 20/12/2019
Le paradis de l’Oncle Sam vient-il, ce jeudi, de déclarer la guerre commerciale à un nouveau pays, africain cette fois ? Depuis le début de la présidence de Donald Trump, les États-Unis sont coutumiers des brouilles avec des producteurs chinois d’aluminium ou des yaourtiers français. Mais cette fois, aucun responsable gouvernemental du partenaire sanctionné par le protectionnisme ne montera au créneau. La nation nouvellement rayée de la liste des États qui ont conclu des accords de libre-échange avec les Américains… n’existe pas.
C’est un ingénieur basé à New York, Francis Tseng, qui révéla en premier sur Twitter, avoir découvert le nom « Wakanda » sur un document en ligne du département américain de l’Agriculture (USDA). La patrie imaginaire du super-héros Black Panther, développée dans l’univers Marvel et réputée nation africaine dotée de la technologie la plus puissante de la planète, figurait ainsi dans la liste des tarifs agricoles appropriés à l’international.
Téléchargé par l’ingénieur, un fichier Excel répertorie les codes « Harmonized Schedule » applicables entre le Wakanda et les États-Unis. Plus précisément, la liste évoque le commerce d’animaux vivants, de produits laitiers, de tabac et d’alcool. Rien sur la matière première la plus convoitée du pays made in Marvel : le vibranium.
Mutisme américain
Dans la foulée du tweet de Francis Tseng, l’USDA retire le pays fictif de son site et mise, dans un premier temps, sur le mutisme. Rattrapé par le buzz, un porte-parole déclarera que le Wakanda ne devait originellement être utilisé que dans le cadre d’un test, lors de la conception du fichier.
"LE PASSAGE DE MACRON À BOUAKÉ RISQUE DE RAVIVER LE SPECTRE D'UNE AMBIGUÏTÉ FRANÇAISE"
Le spécialiste de l’Afrique et grand reporter à l’Express, Vincent Hugeux, décrypte les enjeux de la visite du chef de l'État français en Côte d'Ivoire
Le chef de l'État français s’est envolé ce vendredi 20 décembre pour un voyage de deux jours en Côte d’Ivoire. C’est le deuxième voyage ivoirien depuis le début du quinquennat d'Emmanuel Macron dans une période où la région voisine du Sahel est en proie à une forte dégradation sécuritaire. Le président partagera ce soir un dîner de Noël avec le corps français établi dans le camp de Port-Bouët, près d'Abidjan. Les 21 et 22 décembre, la visite présidentielle sera consacrée à la sécurité régionale et la lutte contre le terrorisme.
Les enjeux de cette visite avec le spécialiste de l’Afrique Vincent Hugeux, grand reporter à l’Express.
par Mamoudou Ibra Kane
VIDEO
DE L’IMPORTANCE D’UN AUDIT DE LA SENELEC
La facture ne peut pas baisser de 10% il y a seulement 2 ans, avec un bénéfice de plusieurs milliards FCFA, si c’est pour revenir un an plus tard avec une hausse du même taux
e-media |
Mamoudou Ibra Kane |
Publication 20/12/2019
La gestion de la Senelec au cœur du débat. Depuis plusieurs jours, avec la hausse du prix de l’électricité, la société nationale est sous le feu des projecteurs. Entre la maitrise de la production à celle de la distribution, il y a des incohérences, note Mamoudou Ibra Kane, dans sa chronique de ce vendredi, 20 décembre 2019.
La facture ne peut pas baisser de 10% il y a seulement 2 ans, avec un bénéfice de plusieurs milliards FCFA, si c’est pour revenir un an plus tard avec une hausse du même taux. Un yoyo qu’il trouve incompréhensible...
par l'éditorialiste de seneplus, serigne saliou guèye
NDÉNÉ, MÉDIOCRE POLITICIEN
EXCLUSIF SENEPLUS - Pour quelqu'un qui, faute d’un avenir prometteur au barreau ou en politique, survit grâce à sa nouvelle planque à Air Sénégal, son conseil va-t-en-guerre à Macky Sall vaut son pesant de voix
Serigne Saliou Guèye de SenePlus |
Publication 20/12/2019
« Un État ne recule pas, il doit rester fort et mater ces rebellions… L'arrêté Ousmane Ngom est en vigueur. Si ces gens-là insistent pour manifester sur la Place de l'Indépendance, cela veut dire qu'ils choisissent d'être hors-la-loi et s'ils sont hors-la-loi, la loi est là pour se faire respecter. L'État ne doit pas faiblir... Une reculade de l’État serait d’une extrême gravité et ouvrirait un boulevard à toutes sortes de dérives qui feraient perdre à l’État sa face ». Voilà le florilège de propos tragi-comiques que l’ex-Premier ministre de Wade, Souleymane Ndéné Ndiaye (SNN), a vomi rageusement dans le canard de Youssou Ndour ce jeudi 19 décembre. Selon le Larousse, « mater » signifie « Soumettre, éventuellement par la violence, un être humain, une collectivité qui manifeste sa volonté d’indépendance ou qui se révolte ». Ainsi, Souleymane Ndéné Ndiaye sort tristement de son état d’hibernation intellectuelle pour recommander haineusement à son ami l’utilisation de la manière forte contre tous les jeunes, vieux et adultes qui auront le toupet de violer l’arrêté anticonstitutionnel d’Ousmane Ngom. Maintenant, est-ce un instinct de se ressusciter à travers les sorties médiatiques puisque la messe de requiem de sa mort politique a été prononcée depuis le jour où son ex-compagnon de la fac, par ailleurs président de la République, l’a placardisé au Conseil d’administration d’Air Sénégal ? Ou une bouffée de rage de n’avoir pas pu mater ce peuple qui les a empêchés, lui et son mentor Wade, de commettre le 23 juin 2011, la pire ignominie de l’histoire politique de notre pays ? Ou la simple preuve d’un mode de pensée désuet qui serait typique d’un homme en déchéance politique et intellectuelle ? En tout cas, Souleymane Ndéné Ndiaye multiplie les inepties abjectes. Pour un politicien débile qui, faute d’un avenir prometteur au barreau ou en politique, survit grâce à sa nouvelle planque à Air Sénégal, ce conseil va-t-en-guerre vaut son pesant de voix.
Il m’est difficile de croire que cet ex-Premier ministre qui a fait un cursus honorum à la faculté juridique où l’on enseigne la pyramide des normes puisse parler de l’arrêté Ousmane Ngom comme d’une tête de linotte évaltonnée. Dans la hiérarchie des normes, un arrêté ne peut pas avoir une préséance sur une loi constitutionnelle même si notre Cour suprême refuse de s’y prononcer sans ambages. Mais en cette période de surenchère politique où chaque transhumant verse concurremment dans l’imbécilité discursive, il n’est pas étonnant que des renégats de la trempe d’un Souleymane Ndéné ou d’un Serigne Mbacké Ndiaye s’adonnent ostensiblement à toutes les immoralités pour rester dans les bonnes grâces du Prince, distributeur de strapontins. Par conséquent, avec les postures radicales de l’ex-Premier ministre de Wade, du ministre-conseiller Seydou Guèye et du préfet Alioune Badara Samb sur l’exercice de la liberté de manifester, l’on se rend compte que, dans la tête de ces égarés, le gouverneur-colon Auguste-Léopold Protêt n’a pas encore quitté cette place centrale de Dakar débaptisée symboliquement «Place de l’Indépendance».
Quand SNN demande au président Sall, son sauveur de la dèche, son nouveau sustenteur, de mater les insurgés de l’électricité, il créer un casus belli pouvant plonger le pays dans une longue période d’instabilité. Comme on hésite à penser qu’un ex-Premier ministre puisse descendre dans les abysses de l’imbécilité discursive, on se contentera de voir à travers sa malencontreuse sortie médiatique, une regrettable perte de nerfs qui, si besoin était, le disqualifie pour les hautes fonctions qu’il a eu à exercer malheureusement sous la gouvernance wadienne. Mais à l’heure des comptes, il n’est pas certain que tous ces hors-la-loi qui s’opposent systématiquement à la volonté populaire dans le seul but de plaire au président, puissent être protégés par leur bellicisme. Abdou Diouf a été perdu par ses courtisans de même qu’Abdoulaye Wade ; aujourd’hui, ils sont passés tous à la trappe. Macky avec ses génuflecteurs est sur le même itinéraire.
par l'éditorialiste de seneplus, Bacary Domingo Mané
CE PYROMANE…
EXCLUSIF SENEPLUS - Il avait demandé que l’on «fusille les transhumants», aujourd’hui, il revient avec ce discours incendiaire invitant le président à «mater» ceux qui veulent exprimer leur opposition à la hausse du prix de l’électricité
Bacary Domingo Mané de SenePlus |
Publication 20/12/2019
Dans un passé récent, il a demandé que l’on «fusille les transhumants», aujourd’hui, le pyromane, la fausse fierté en bandoulière, revient avec ce discours incendiaire invitant le président Sall à «mater» ceux qui veulent exprimer leur opposition à la hausse du prix de l’électricité.
Cet homme qui parle sans mesurer l’impact de son discours dans un climat social tendu, a pourtant assumé des fonctions au sommet de l’Etat, avec Wade aux commandes. Il prétend connaître l’Etat, en étalant ses formules : «Un Etat ne recule pas…il ne faiblit pas…il doit rester fort». Mais comment peux-t-on parler d’une chose que l’on n’a jamais su incarner. Un vrai homme d’Etat – malheureusement le magistère de Me Wade a fait sauter les verrous de l’enquête de moralité – sait au moins une chose : la singularité des situations n’autorise aucun président de la République à appliquer des formules toutes faites, sans une bonne lecture du contexte, structurée autour de ce qu’on pourrait appeler l’intelligence de l’instant.
Haine envers le peuple !
Dans quelle école de sciences politiques a-t-il appris qu’un «Etat ne recule pas» ? Mon Dieu ! D’ailleurs, le transhumant qui s’est fait hara-kiri peut-il nous donner des exemples dans le monde où l’Etat a pris le dessus face à un peuple déterminé ? Croire que la répression est la panacée pour contenir ce vent de contestation légitime, c’est vraiment «taper poteau», pour parler comme mes frères ivoiriens. Preuve que le chef de l’Etat n’est pas toujours entouré de bons conseillers. Gageons que le président Sall n’écoutera pas, sur ce dossier, ces oiseaux de mauvais augure qui prêchent pour leur chapelle. Leur discours a une telle résonnance personnelle et intéressée, qu’il a du mal à s’élever pour titiller les sommets de l’intérêt général.
Mais qu’est-ce qui expliquerait tant de haine envers un peuple qui vous a tout donné ? Pourquoi tant de mépris à son égard au point de le taxer de «... gens» et de «hors-la-loi» ? Pourquoi tant d’impertinence à l’égard des populations qui veulent juste exprimer, de manière pacifique, leur colère contre une hausse qui va gruger le budget familial ?
S’il avait lu Augusto Del Noce …
Lui et l’autre pyromane défenseur des «mandats à perpétuité» ne peuvent comprendre le sens du combat du peuple dont la sueur a permis d’arroser leur jardin d’Eden. S’il avait lu Augusto Del Noce, ce brûleur «fusillé» aurait une autre approche de l’Etat : «La valeur ultime à laquelle le régime démocratique est ordonné n'est pas l'avantage matériel de la nation ou de la classe, mais l'idée de la non-violence (ou de la persuasion)». La force aveugle qu’il souhaite voir répandre sur la place de l’indépendance ne laissera certainement aucune place à l’objection. Mais attention à la métastase …contestataire !
L’éthique : quand la pratique contredit la théorie ?
Sa sortie pourrait poser le problème de l’éthique en politique. Un sujet qu’il a théorisé lors de son discours inaugural face aux étudiants de l’IAM en 2015 autour du binôme «Ethique et Politique», comme l’a rappelé avec brio mon confrère, Serigne Saliou Guèye dans son excellent papier «Leçons non sues d’un vil transhumant». L’ex Premier Ministre s’est-il réellement tracé une ligne rouge dans son positionnement politique ? Tout comme le théoricien des «mandats à perpétuité», la pratique politique semble montrer quelques conflits avec l’éthique qu’il définie comme : «une pratique, un comportement dans des situations réelles, comportement que l’on juge en conformité avec le juste, le légal, le responsable, à l’équitable, l’impartial, le transparent, le démocratique… il me semble cependant que nous continuons de vivre un déficit éthique important et qu’en dépit des déclarations courantes sur les progrès de la bonne gouvernance, en dépit de la création d’organes de surveillance, en dépit des séminaires et rencontres internationaux nombreux sur l’éthique et la transparence, le peuple reste dubitatif, insatisfait. Le peuple est en attente d’une plus grande rigueur dans le comportement éthique de nos politiciens».
Espérons que le président Sall ne tombera pas dans le piège des pyromanes. Il gagnerait à adopter une posture pacifique en établissant le fil du dialogue avec les manifestants. L’Etat doit se donner les moyens d’encadrer le rassemblement à la Place de l’indépendance.
Complot ambiant
Ce n’est pas ce peuple qui a élu Macky Sall à plus de 58% des suffrages qui menacera son pouvoir, mais ces pyromanes qui créent des phobies artificielles autour du chef de l’Etat. Le complot n’est ni rampant ni debout, mais ambiant. Que Dieu protège son Excellence de ces incendiaires.
Huit jours après l’attaque contre la garnison d’Inates au Niger qui a causé la mort de 71 militaires, le président Mahamadou Isssoufou s’exprime pour la première fois
Huit jours après l’attaque contre la garnison d’Inates au Niger qui a causé la mort de 71 militaires, le président Mahamadou Isssoufou s’exprime pour la première fois. Un entretien accordé à Gaëlle Laleix de RFI et Cyril Payen de France 24.
FRANCE 24 : On sort de trois jours de deuil national qui ont beaucoup marqué. On a beaucoup senti cette commotion dans la société, au Niger, après la perte, il y a quelques jours, dans une garnison à quelque 300 kilomètres de la capitale, de 70 de vos soldats. Vous êtes le chef de l’État, vous êtes aussi le chef des armées. On a vu vos armées défiler aujourd’hui en jour de fête nationale. Quelle est la situation sur place ? Est-ce que c’est hors de contrôle ? On en est là, sur place ?
Mahamadou Issoufou : Non, je ne pense pas que l’on puisse dire que la situation est hors de contrôle, mais on peut dire que la situation est grave. Parce que la situation sécuritaire se dégrade de jour en jour depuis quelques temps. La menace devient de plus en plus intense et elle s’étend dans l’espace. Donc, la situation est vraiment préoccupante, non seulement pour le Niger, mais également pour les autres pays du Sahel et de manière générale pour l’ensemble des pays de la Cédéao, y compris d’ailleurs, les pays du bassin du Lac Tchad. Parce qu’il ne faut pas oublier que, dans le bassin du Lac Tchad, nous faisons face à la menace de Boko Haram.
RFI : L’attaque d’Inates est la plus meurtrière depuis 2015 au Niger. Comment expliquez-vous un bilan aussi lourd et dans quel état se trouvent aujourd’hui vos forces de défense et de sécurité ?
C’est ce que je viens de dire, la menace s’est aggravée depuis 2015. Les terroristes se sont renforcés. Ils ont pu disposer d’équipements plus lourds, plus efficaces. Ils ont dû bénéficier de renfort en encadrement pour la formation. Parce qu’on nous parle de transfert de terroristes de Syrie, d’Irak, via la Libye, où malheureusement, il n’y a pas d’État. Et donc, ce qui s’est passé à Inates traduit tout cela. C’est la conséquence de tout cela. Davantage d’encadrement terroriste, davantage de formation, davantage d’équipements et donc des attaques de plus en plus meurtrières.
FRANCE 24 : Pour faire face à ce que vous appelez cette métastase, vous avez souvent répété ce mot pour ce qui se passe et se répand, non seulement au Niger, mais dans d’autres pays membres du G5 Sahel, vous avez prôné et milité depuis longtemps pour une coalition internationale qui interviendrait de la même manière que des coalitions internationales sont intervenues offensivement et militairement dans d’autres pays. Pourquoi est-ce que la communauté internationale traine-t-elle des pieds sur la question du terrorisme dans le Sahel ?
C’est la question que l’on se pose. On ne comprend pas. Les populations du Sahel ne comprennent pas que la communauté internationale se détourne de la situation dans laquelle se trouve le Sahel. La population du Sahel ne comprend pas cette absence de solidarité vis-à-vis des peuples du Sahel. Surtout que les peuples du Sahel savent que la communauté internationale a une responsabilité par rapport à la situation actuelle. Parce qu’il ne faut jamais l’oublier, c’est quand même la communauté internationale qui a créé le chaos en Libye. Et ce qui se passe dans le Sahel est une des conséquences du chaos libyen ! Par conséquent, la communauté internationale ne peut pas, ne doit pas se défausser. Elle doit faire face à ses responsabilités. C’est un devoir pour elle d’être aux côtés de la population du Sahel dans cette lutte, dans ce combat contre le terrorisme. C’est pour cela qu’à plusieurs reprises, nous avons demandé à ce que la force conjointe du G5 Sahel qu’on a mise en place soit mise sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies. On nous l’a refusé, on ne l’a pas obtenu jusqu’ici. Et c’est pour cela également que nous avons demandé à ce que la Minusma, qui est la mission des Nations unies de stabilisation du Mali, soit placée sous un mandat plus fort, plus robuste que le mandat de maintien de la paix. Là, également, nous ne l’obtenons pas. Voilà des indications qui montrent que la communauté internationale n’est pas suffisamment solidaire des populations du Sahel.
RFI : Vous évoquez très souvent la question libyenne. Mais depuis 2012, quand même, les choses ont beaucoup changé. Et aujourd’hui, on sait que la plupart des armes dont disposent les groupes armés terroristes dans le Sahel ne viennent pas de Libye, qui a ses propres problèmes en ce moment, mais viennent des prises de guerre, souvent dans les attaques comme Inates, récemment. Il y a eu Boulkessi au Mali, Nassoumbou au Burkina. Vous demandez plus d’équipements, plus d’armements. Mais aujourd’hui, est-ce-que vous pouvez garantir à vos partenaires européens que vous pourrez protéger cet arsenal qui ne va pas finir dans quelques semaines, dans quelques mois, dans les mains de l’ennemi ?
Je pense que la Libye continue à être la principale source d’approvisionnement en armes des terroristes. C’est vrai, ce que vous dîtes. Nos armées, cela leur arrive de connaître des revers et ces revers ont pour conséquence l’armement des terroristes sur nous, sur nos armées. Mais ce n’est pas la principale source qui permet aux terroristes de s’équiper. La principale source, je continue à croire que c’est toujours la Libye. Parce qu’en Libye, comme vous savez, il n’y a pas d’État. Il y a un chaos total. Donc dans ce territoire qui n’est pas contrôlé, où il n’y a pas d’autorité, les armes continuent à être répandues dans le Sahel et dans le bassin du Lac Tchad. On le sait, on a des informations précises par rapport à cela. Maintenant, vous dîtes que nous demandons plus d’équipements pour nos armées. Quelles garanties donnons-nous que ces équipements ne vont pas tomber entre les mains des terroristes ? La garantie que l’on a, ce que nous voulons en même temps que les équipements, plus de formation pour nos forces de défense et de sécurité. C’est pour cela que de plus en plus, nous sommes en train de former des forces spéciales. Parce qu’on sait que les armées classiques ne peuvent pas faire face à cette menace asymétrique à laquelle nous sommes exposés. Par exemple, si je prends le cas d’un pays comme le Niger, nous avons tout un programme de formation de forces spéciales. Et je pense qu’avec ces forces spéciales bien équipées on sera plus efficaces.
FRANCE 24 : Précisément, à cet égard, Monsieur le président, l’opération française Barkhane est parfois de plus en plus ouvertement critiquée, contestée. Peut-être qu’on est arrivé aux limites de Barkhane. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Je ne pense pas que l’on soit arrivé à la limite de Barkhane. Nous avons besoin de plus de Barkhane. Nous avons besoin de plus d’alliés. C’est ma conviction. Parce que, ceux qui critiquent la présence française ou la présence des alliés dans le Sahel oublient que, sans l’intervention Serval, le Mali serait aujourd’hui sous le contrôle des terroristes ! Peut-être que le Niger aussi ! Alors, imaginons que Barkhane s’en aille… Cela va affaiblir notre lutte. Cela va affaiblir notre camp. Au profit de qui ? Au profit des terroristes ! Vous savez, on dit souvent qu’en matière de stratégie, une des meilleures stratégies, c’est de s’attaquer aux alliances de l’ennemi. Les terroristes s’attaquent à nos alliances. Les terroristes veulent défaire nos alliances. Il ne faut pas qu’on joue le jeu des terroristes. Les terroristes cherchent des relais au sein des populations pour les aider à défaire ces alliances. Nous, on ne doit pas observer cela les bras croisés. On doit tout faire pour maintenir et renforcer nos alliances. C’est ce que nous sommes en train de faire. C’est ce que nous avons l’intention de continuer à faire.
FRANCE 24 : Mais si on parle de stratégie, précisément, je sais qu’il y a une échéance internationale importante, c’est le mois prochain, votre arrivée au Conseil de sécurité de l’ONU. Qu’est-ce que vous en attendez, qu’est-ce que cela peut changer concrètement ?
Ce que j’attends sur le plan sécuritaire, c’est que la communauté internationale, le Conseil de sécurité écoutent enfin, les appels répétés des populations du Sahel pour un soutien international beaucoup plus ample, beaucoup plus étendu. Il faut que la communauté internationale prenne ses responsabilités. Le Niger sera un avocat pour que la force conjointe, par exemple, comme je l’ai dit tout à l’heure, soit mise sous le chapitre VII. Nous allons faire le plaidoyer également pour que la Minusma ait un mandat plus offensif. Bien sûr, au-delà de la sécurité, nous allons faire un plaidoyer, aussi, pour les questions de développement économique.
RFI : Vous dîtes qu’il faut entendre l’appel des populations, mais il y a aussi, quand même, toute une partie des populations du Sahel, y compris ici au Niger, qui demande moins d’engagement international, moins de présence française, mais également d'autres forces étrangères. Et dimanche au sommet du G5, les cinq chefs d’État, vous avez conjointement demandé l’inverse. Plus de partenariats et plus d’alliances. Est-ce que, d’un point de vue démocratique, ici, il n’y a pas une fracture entre les élites politiques et la base populaire qui s’est exprimée ces dernières semaines dans les rues ?
Ce n’est pas la base populaire qui s’exprime sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas la base populaire qui s’exprime dans la rue. Ceux qui s’expriment dans la rue sont très, très minoritaires. Je ne vois pas de foule, en tout cas au Niger, en train de contester les alliances que l’on veut mettre en place pour lutter contre cette menace, qui est une menace planétaire. Et les Nigériens, en tout cas dans leur immense majorité, savent que cette menace est planétaire. Et à menace planétaire, riposte, aussi, planétaire. C’est-à-dire qu’il faut une alliance la plus large possible, la plus forte possible, pour faire face à cette menace. Nos contribuables nigériens ne peuvent pas supporter seuls les dépenses qu’exige cette lutte contre le terrorisme. Vous savez, il y a des années où on investit 19 % des ressources budgétaires dans cette guerre ! On ne peut pas continuer à supporter cela tous seuls. Surtout comme j’ai coutume de le dire, la sécurité est un bien public mondial. Le combat que nous faisons, nous ne le faisons pas pour nous seuls. Nous le faisons pour le monde. Parce que, si la digue que nous sommes en train de mettre en place ici, au Sahel, cède, l’Europe va être concernée. La frontière de l’Europe, aujourd’hui, c’est le Sahel. Ce n’est pas la Libye, parce qu’en Libye, il n’y a plus d’État. La frontière avec l’Europe, avec l’Italie, avec la France, c’est la frontière nigérienne, c’est la frontière tchadienne. Donc, si par malheur, le terrorisme arrive à nous vaincre, il viendra en Europe. Il viendra en France. Et je pense que c’est ce que les autorités françaises ont compris. Et c’est pour cela que ces autorités ont conçu l’opération Barkhane. C’est dommage qu’ils soient seuls. Nous avons besoin que d’autres Européens les rejoignent. Et d’ailleurs, il y a cette proposition qui a été faite par le président Macron que j’approuve, d’une opération Tacouba, qui concernerait aussi des forces spéciales européennes qui viendraient renforcer l’opération Barkhane. Voilà, le sens dans lequel il faut aller. Et je pense que l’immense majorité des populations du Sahel est consciente de la nécessité d’avoir des alliances plus fortes pour faire face à cette menace.
RFI : Vous dîtes qu’il n’y a pas eu des millions de personnes dans les rues. À Niamey, il y avait une manifestation prévue, dimanche. Elle a été interdite par les autorités et puis les organisateurs ont considéré qu’avec le deuil national, autant l’annuler. Mais il y aura quand même une date test ici, au Niger, qui sera le 29 décembre.
Oui, elle a été annulée, parce qu’on était en deuil. Mais je vous dis, les gens qui contestent la présence des alliés à nos côtés sont minoritaires. On les connaît. On connaît le rapport de force.
RFI : Mais les manifestations du 29 décembre seront-elles autorisées ?
On verra le contexte dans lequel elles vont se dérouler. Et n’oubliez pas, Madame, que nous sommes en guerre et je n’accepterai pas que des actions de démoralisation des forces de défense et sécurité se déroulent sur mon territoire, au Niger. La sécurité des populations nigériennes doit être placée au-dessus de tout.
FRANCE 24 : Pour parler du président français Emmanuel Macron que vous évoquiez à l’instant, il a indiqué qu’il allait se rendre ici à Niamey dans quelques jours. On sait qu’il y a eu un petit nuage qui est passé dans les relations avec le G5 Sahel et la France, suite à la proposition de se réunir à Pau, il y a deux semaines. De quoi parlons-nous ? D’un malentendu, de crispations ? C’est dissipé ? Quelle est la nature des relations, aujourd’hui ?
Non, il n’y a pas de nuages, il n’y a pas de crispations. Je sais que vous, les journalistes, vous cherchez toujours les nouvelles à sensation. Ici, il n’y a rien de sensationnel à chercher. Nos relations sont normales, vraiment. Ce sont des relations entre alliés et il est normal que les alliés se retrouvent pour discuter de comment harmoniser leur stratégie, comment harmoniser leur position pour être plus efficaces contre l’ennemi que l’on a que représente le terrorisme. Je pense que c’est cela, le sens de l’invitation du président Macron. On se rendra effectivement à cette invitation, le 13 janvier prochain à Pau, et je pense que tous les chefs d’État sont d’accord là-dessus.
RFI : Justement, le président français a demandé des clarifications. Aujourd’hui, est-ce que tous les chefs d’État ont les idées claires sur ce qu’ils veulent et est-ce qu’ils vont parler d’une seule voix ?
Mais les chefs d’État ont toujours eu des idées claires ! Et, nous et le président Macron, nous avons toujours eu les idées claires. Mais on a toujours besoin de se voir pour affiner la réflexion, pour affiner les stratégies, afin, comme je l’ai dit, d’être plus efficaces. On a besoin de résultats. Comme je le disais tout à l’heure, la menace progresse. La menace s’aggrave. Les terroristes nous infligent des pertes de plus en plus importantes. Cela doit nous amener à nous retrouver pour réviser nos stratégies afin d’être plus efficaces. Je salue, d’ailleurs au passage, le soutien que le président Macron apporte au Sahel, que la France apporte au Sahel à travers l’opération Barkhane. Parce que, je pense que le président Macron voit très loin, voit les conséquences de ce que serait une défaite de nos Etats dans la lutte contre le terrorisme. Imaginons. Fermons les yeux… Imaginons que l’on soit vaincus par les terroristes. Qu’est-ce qui va se passer ? Mais, c’est le Sahel qui va être sous l’emprise du terrorisme et c’est toute l’Afrique qui va être concernée. Or, l’Afrique, aujourd’hui, c’est 7 à 10 millions de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail. L’Afrique, demain, dans les années 2040-2050, c’est 30 millions de jeunes par an qui vont arriver sur le marché du travail ! Si la situation sécuritaire se dégrade, qu’est-ce qui va se passer ? Il n’y aura pas de développement. Il n’y aura pas d’emplois pour tous ces jeunes. Cela va alimenter la migration, cela va concerner la France. Cela va concerner l’Europe…Et je pense que le président Macron voit clair, il voit cela, ce qui va se passer dans vingt ans, dans trente ans… C’est cela qui va se passer, si le terrorisme arrive à triompher ! Cela veut dire plus de migration, cela veut dire, d’abord, plus de chômage, moins de croissance, moins d’emplois. Plus de chômage, plus de migration… Et cela va concerner l’Europe ! Je pense que c’est pour cela que le président est à nos côtés. Et j’espère que, de plus en plus de responsables européens seront conscients de cela et viendront également dans le cadre de l’opération Tacouba nous renforcer et renforcer l’opération Barkhane.
RFI : Il y a des voix qui s’élèvent quand même dans la rue pour dire qu’aujourd’hui une des solutions à l’insécurité serait de dialoguer avec les terroristes. Est-ce que c’est une solution qui vous semble envisageable ?
Mais pour dialoguer, il faut être deux. Les terroristes ne veulent pas de dialogue. Les terroristes veulent détruire les États tels qu’ils existent actuellement pour remettre en place des califats. C’est ça qu’ils veulent les terroristes ! Et nous, on ne veut pas de cela ! Non, nos positions ne sont pas conciliables ! C’est quand il y a des perspectives de conciliation que l’on peut faire le dialogue. Mais il n’y a aucune perspective de conciliation d’accord entre nous et les terroristes. Il faut les vaincre et les vaincre définitivement. C’est l’objectif que l’on s’est fixé.
MENSONGES ET VÉRITÉ AUTOUR DE LA SENELEC
Bientôt un mois que les révélations se suivent sur la gestion de Makhtar Cissé à la Société nationale d’électricité. Arrivé à la tête de cette boite le 26 juin 2015, il y aura passé 4 ans. Mais aussitôt parti, revoilà les problèmes. Décryptage !
Felix Nzalé et Ousmane Laye Diop |
Publication 20/12/2019
Il a fallu une hausse du tarif de l’électricité pour que la situation change radicalement. Pourtant, jusqu’au moment où il rejoint le ministère des Energies, rien dans les indicateurs n’indique un quelconque problème à la Senelec. Les délestages qui ont été à l’origine des émeutes de 2011-2012, font désormais partie des mauvais souvenirs. Révélateur : les groupes électrogènes qui ronronnaient à longueur de nuit dans les quartiers, y compris les plus populaires, disparaissent du commerce, car les performances enregistrées à la Senelec ont enterré le business des groupes électrogènes.
Les états financiers de Société nationale d’électricité, validés par des cabinets dont certains, à l’image de Kpmg, sont des filiales de groupes étrangers, sont bons. Pape Dieng avait déjà amorcé une bonne tendance, en cassant d’avec les pertes. Il annonce, à la cérémonie de passation de service avec Makhtar Cissé, un bénéfice net de 3 milliards. Trois ans plus tard, ce chiffre monte à 30 milliards de francs Cfa. L’ambiance est bonne à la Senelec ; les consommateurs en ressentent les effets et les travailleurs en bénéficient indirectement. Mais l’Etat décide de ne pas communiquer sur ces chiffres, pour éviter que l’opinion ne se braque et indexe la société de bénéfices sur le dos du contribuable.
C’est donc sans surprise que West Africa Rating Agency (Wara), l’une des agences sous-régionales les plus crédibles, a affecté, bien avant que cette polémique n’éclate, précisément le 10 décembre 2018, la notation de long terme de ‘’A-‘’, en grade d’investissement (Investment Grade), tandis que sa notation de court terme est ‘’W-3’’.
Wara : ‘’La perspective ne devrait pas connaître une courbe descendante’’
La perspective attachée à ces notations est stable, précise le communiqué qui ajoute que cette perspective ne devrait pas connaître une courbe descendante, vu ‘’l’équipe de direction très compétente qui a pris la pleine mesure des défis à relever ; une vision stratégique claire appuyée par une très bonne qualité d’exécution ; une amélioration spectaculaire de la rentabilité et des ratios d’endettement’’.
Même le syndicaliste Matar Sarr, Secrétaire général de Syntes affilié à la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal (Cnts) est catégorique sur la question. ‘’La santé financière de la Senelec se porte bien, mais puisque la société est régulée (Ndlr : Commission nationale de la régulation de l’électricité), on lui dit : voilà là où tu dois t’arrêter ; que tu ne dois pas dépasser tel nombre de milliards avec des formules de calcul des revenus. Or, cette formule a été établie en 2017 et s’arrête en 2020. On change donc de formule de calcul après 2020’’.
Pour lui, c’est là que gît l’explication. ‘’La Senelec a fait beaucoup d’investissements et se bat pour aller le plus loin possible à l’intérieur du pays, dans les prochaines années. Dans tous les cas, en tant que syndicaliste et travailleur, quoi qu’on fasse, il faut se débrouiller pour que la machine ne s’arrête pas et qu’on continue à donner satisfaction aux Sénégalais’’, assène-t-il. Dans tous les cas, Abdoulaye Dia, ancien numéro deux de la Senelec et actuel directeur de cabinet du ministre des Energies, a estimé, après Makhtar Cissé, Directeur général de la Senelec, bien avant même cette crise, qu’avec les importantes découvertes de gaz et de pétrole qui vont sortir en 2022, les choses vont changer. ‘’C’est pourquoi j’appelle à la responsabilité de tout le monde. Chacun doit prendre sa part de responsabilité. Tous les acteurs doivent se mobiliser jusqu’au jour où les choses vont s’améliorer de façon substantielle’’.
Le ‘’truquage’’ des états financiers en question
Dans ces conditions, qui donc peut truquer les états financiers de la Senelec, comme on lit à longueur de colonnes de journaux ? Comment la Senelec peut se fabriquer des chiffres sous le nez et la barbe des agences de notation internationales, les bailleurs de fonds, les actionnaires de la société, du conseil d’administration et des contrôleurs de comptes. Fiction !
La distribution et le transport étant améliorés, alors que les centrales électriques (y compris solaires) sont construites à coups de centaines de milliards de francs Cfa, le discours politique suit. Les voyants sont si verts que le président Sall, dans sa campagne électorale pour la dernière Présidentielle, aligne en bonne place les performances du secteur énergétique. C’est ainsi que la coupure d’électricité est passée de plus de 900 heures en 2011 à 66 heures en 2017, avec un taux de disponibilité de l’électricité de 99 % dans les maisons, soit 5,5 heures de coupure/mois, 1 heure/semaine, 19 minutes/jour sur toute l’étendue du territoire national’’, se plait-on à répéter.
Qu’est-ce qui a changé en si peu de temps, hormis la mesure de l’Etat d’augmentation partielle du coût de l’électricité, à travers la Commission nationale de régulation, pour qu’on passe du vert au rouge ? ‘’Où est l’élément nouveau ?’, s’interroge-t-on dans le secteur.
HAUSSE PRIX ELECTRICITE
Fieldstone dans le circuit de Senelec
La banque d’investissement anglo-américaine Fieldstone est annoncée dans le circuit financier de la Senelec, après une audience au palais, ce mardi. Une bonne nouvelle pour la boite. Les constats de l’Agence de notation ouest-africaine (Wara) sont encourageants et, en même temps renseignent sur le chemin qu’il reste à faire.
L’annonce a été générale, pour dire le moins. ‘‘Le président de la République a reçu, en audience, le directeur général de Fieldstone, une société conseillère financière de la Commission économique des Nations Unies. Les échanges ont porté sur le financement d’actifs de la Senelec pour faire baisser le tarif de l'électricité. L’objectif est de concrétiser cette offre au 1er semestre de l'année 2020’’, pouvait-on lire sur la page Facebook de la présidence de la République.
Quoique lapidaire, elle a suffi pour remuer le microcosme médiatique qui n’a bruit que de cette nouvelle toute l’après-midi d’hier. Effet d’annonce pour calmer la pression qui se fait de plus en plus insistante, au point que les mouvements citoyens menacent de rééditer, ce vendredi, à la place de l’Indépendance, leur grand rassemblement qu’ils ont réussi il y a une semaine ?
Si l’engagement n’est pas encore formalisé, cette nouvelle aura l’insigne mérite de desserrer très légèrement l’étau qui étreignait une Senelec et des autorités dont la mesure d’une hausse de 6 à 10 % sur les factures d’électricité, à compter de ce 1er décembre, a provoqué un grand mécontentement populaire.
Fieldstone est une banque d’investissement indépendante, spécialisée dans l’énergie et les infrastructures. ‘‘Nous réalisons des transactions sur certains des marchés les plus difficiles du monde en développement, une compétence qui a fait de nous un leader du marché en Afrique et une présence croissante en Amérique latine. Grâce à notre présence dans les centres financiers des pays développés, nous travaillons avec des investisseurs éminents et en herbe du secteur, reliant le capital à des produits soigneusement structurés’’, se vante la société dans sa note de présentation sur son site web.
Elle a été fondée en 1990 et a déjà pris part à des transactions d’une valeur de 50 milliards de dollars Us.
En fin août 2019, suite à un appel d’offres international, le gouvernement du Sénégal s’est attaché les services de cette banque d’affaires, pour fournir des services de conseil et de cogestion d’un nouveau fonds d’actions quasi-fonds propres, dette subordonnée pour les énergies vertes. Selon le magazine ‘’Confidentiel Afrique’’, cette grosse opération est parrainée par les pouvoirs publics sénégalais, la Banque africaine de développement et l’Institut global de la croissance verte. Cette même année, Fieldstone a été conseil financier pour l’augmentation de capital pour une turbine à gaz à cycle combiné d’une capacité maximale de 660 mégawatts au Ghana, ainsi que pour la vente d’une centrale éolienne suédoise de 750 mégawatts, dans le cadre du projet Aura. La banque a également mobilisé, sur fonds propres, pour une prise de participation de 25 %, dans un projet de développement éolien de 1 650 mégawatts en Afrique de l’Est, d’une valeur de 10 millions de dollars.
Notation Wara
En plus de cette bonne nouvelle, l’Agence de notation ouest-africaine (Wara) a listé cinq points forts, pour expliquer la note ‘‘A-’’ attribué à Senelec. Une note que l’agence dit être trois crans au-dessus de la note acceptée par le Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (Crepmf) pour émettre des titres obligataires sans garantie. Parmi ceux-ci, il y a le monopole de la distribution du courant pour 1,5 million de personnes que même l'ouverture du segment ''distribution'' n'arrive pas à perturber. Une autre remarque qui va sûrement apporter beaucoup de réconfort à Pape Demba Bitèye, Dg de Senelec, est que ''l'équipe de direction est compétente'', estime Wara. ''Elle a pris la pleine mesure des défis que l'entreprise devra relever. La réorganisation managériale qui a été entreprise, depuis 2016, a marqué un tournant en terme de gouvernance et de stratégie. L'arrivée du nouveau DG Papa Demba Bitèye confirme cette bonne dynamique'', fait relever Omar Ndiaye, le concepteur de la note.
Le rapport de décembre 2019 va même jusqu'à dire qu'avec le Plan Yeesal 2016-2020, la ''vision stratégique est claire, et la qualité de son exécution est très bonne''. Les critiques sur la gestion financière précédente sont vives. L'analyse de Wara prend leur contrepied pourtant. ''Senelec a renoué avec la rentabilité à partir de 2014 et semble avoir franchi un cap depuis 2016'', relève l'analyse. La satisfaction du client à 80 % constitue, d'après l'analyse, le dernier point positif de la tenue de Senelec.
Contraintes
Toutefois, les constats de l’Agence de notation ouest-africaine (Wara) sont pondérés par l’identification de trois contraintes. ‘‘Le fait que l’entreprise est encore à la recherche d’une meilleure efficacité opérationnelle. Une flexibilité financière qui, bien qu’en nette amélioration, reste en deçà des performances de ses pairs notés dans la même catégorie. La mobilisation de ressources externes pour financer la hausse de son activité et les investissements dans le cadre du plan Yeesal, risquent de peser encore un peu plus sur sa rentabilité financière et son niveau d’endettement’’, note l’agence dans l’analyse publiée, récemment.
Créée il y a presque quarante ans, la Senelec est entièrement contrôlée et régulée par l’Etat du Sénégal, en raison de sa mission de service public et de sa position stratégique au sein de l’écosystème socio-économique du pays. Les pouvoirs publics déclarent qu’ils ne peuvent plus continuer à injecter 250 milliards de francs Cfa annuels de subvention à cette société qui assure la production, le transport, la distribution et la vente d’électricité au Sénégal. L’agence est d’avis que la ‘‘détérioration de la notation de la Senelec serait la conséquence du reflux de l’Etat du Sénégal quant à sa politique de soutien au secteur de l’électricité’’.
Mais, s’empresse-t-elle d’ajouter, ce cas de figure parait ‘‘très peu probable à moyen terme, eu égard au calibre des projets en cours de réalisation’’. L’affaiblissement de la performance opérationnelle et/ou financière de Senelec et la perte de parts de marché en production sur son marché national peuvent également être des facteurs de dépréciation, d’après Wara.
FCFA : LA RÉFORME, C'EST MAINTENANT ?
Le consensus parait encore lointain entre d'un côté des présidents ivoirien et sénégalais favorables à un toilettage et de l'autre un Patrice Talon ou un Idriss Deby prêt à renverser la table
Le franc CFA, de plus en plus rejeté par les opinions publiques africaines, a vécu. Presque 75 ans après son introduction dans des pays encore sous domination coloniale française, ceux qui l'ont adopté sans le choisir souhaitent le réformer. Le sujet sera abordé ce week-end à Abidjan pendant la visite du président Macron.
L'Élysée se dit ouvert à une réforme, mais considère que c'est aux dirigeants africains de prendre l'initiative. Le président Alassane Ouattara préside l'UEMOA, il a donc la légitimité pour lancer ce chantier qui concerne ses huit pays membres. Les six autres pays utilisateurs du CFA, en Afrique centrale, ont déjà fait savoir en novembre qu'ils voulaient revoir son fonctionnement.
Le nom de la monnaie, le franc, le fait que les billets soient imprimés en France, que les réserves de change soient pour moitié déposées sur un compte au Trésor français, suscitent les critiques les plus virulentes des opposants parce que ce sont les marqueurs de la « servitude monétaire », l'expression consacrée pour dénoncer cet héritage colonial. La monnaie relève de la souveraineté des États, c'est cette souveraineté que la jeunesse africaine est pressée de retrouver.
Modifier ces données suffirait à couper le cordon monétaire ?
Ces options, y compris le transfert des réserves vers les deux Banques centrales africaines qui gèrent le CFA, sont envisageables, mais elles ne changeraient pas fondamentalement le principe fondateur de la monnaie. Le fait que la France garantisse sa convertibilité avec un régime de change fixe entre le franc CFA et l'euro. Les usagers doivent donc décider s'ils renoncent à cette garantie française, et dans ce cas par quoi ils la remplacent. Les partisans d'un régime flottant proposent un panier de monnaies mêlant le dollar, le yuan et l'euro.
Comment pondérer ce panier ? Doit-il prendre en compte les intérêts des pays très dépendants des importations comme c'est le cas en Afrique de l'Ouest ou plutôt ceux des États avec les revenus d'exportation du pétrole ? Quel sera le degré de convergence des politiques budgétaires exigé pour assoir la crédibilité de cette nouvelle monnaie commune ? Toutes ces questions nécessitent des réponses techniques complexes, mais d'abord des choix politiques. Or, le consensus parait encore lointain entre d'un côté des présidents ivoirien et sénégalais favorables à un toilettage et de l'autre un Patrice Talon ou un Idriss Deby prêt à renverser la table.
Sur le plan économique, quel est l'objectif de la réforme ?
Même s'il n'y a pas de consensus parmi les économistes sur les méfaits réels du CFA, il y a avec cette réforme la volonté de redonner des marges de manœuvre aux Banques centrales africaines dans la gestion des flux monétaires en fonction de l'évolution de leur zone économique. On reproche au CFA et à son arrimage à l'euro de brider la compétitivité des économies.
Les Banques centrales africaines, disent les économistes, sont tenues aujourd'hui de veiller à la convertibilité du CFA, alors qu'elles pourraient avoir d'autres objectifs plus en phase avec les besoins des pays de la zone, comme de lutter contre le chômage, sur le modèle de ce que fait la Banque centrale des États-Unis. Quelle que soit la direction choisie, attention aux mirages promis par la fin du franc CFA. Adopter une nouvelle monnaie est d'abord un processus ardu, comme l'expérimentent encore aujourd'hui les membres de la zone euro, et douloureux, comme les victimes de la crise de la dette en ont fait les frais. Ce serait se mentir que d'en faire la baguette magique pour résoudre les failles des économies africaines.
par Ousseynou Nar Gueye
LE CAMEROUN, PAYS SPÉCIAL D'ÉQUILIBRES TECTONIQUES
N'y a-t-il pas un brassage, même timide, entre tribus camerounaises ? Les gènes doivent-ils être des chaines ?", pour paraphraser la romancière Fatou Diome ?
"Repli ethnico-tribal identitaire". C'est fort. Entendu ce matin, dans la bouche d'un analyste politique, sur une antenne de radio internationale, à propos du Cameroun qui veut réserver les mairies de villes aux "autochtones" de celles-ci. Les mairies de villes à distinguer des mairies d'arrondissements, qui composent les grandes villes.
En effet, la nouvelle loi de décentralisation votée hier, mardi 18 décembre, à Yaoundé par les députés camerounais institue, dans un de ses articles, que tout le monde pourra être élu maire d'arrondissement, mais seul les personnes "autochtones" des villes pourront être élues et donc être candidates pour le poste d'édile, à choisir par les futurs conseillers municipaux. Les prochaines élections municipales au Cameroun se tiendront le 9 février 2020.
Alors qu'en est-t-il ? Loi tribaliste ? La situation est plus complexe que cela. La loi entérine d'abord un état de fait. Qui est que seuls les originaires, dans les grandes villes, étaient nommés délégués du gouvernement (Douala et à Yaoundé). Un ressortissant du Centre (généralement d'ethnie béti) pour Yaoundé et un ressortissant du Littoral (le plus souvent de la tribu sawa) pour Douala. Ces délégués du gouvernement, super maires nommés par décret présidentiel, seront désormais remplacés par des maires élus. Ce qui est déjà une avancée démocratique. Mais le régime de Biya a voulu préserver la situation ante.
Car le Cameroun est un pays d'équilibres telluriques qui pourraient virer à des éruptions sismiques, si tout n'est pas fait pour maintenir le savant dosage qui préside aux nominations ministérielles, aux admissions aux concours des grands corps de la Fonction publique et des écoles nationales ; et désormais aux élections locales. Tectonique des plaques dans laquelle, en 38 ans de pouvoir, le locataire du Palais d'Etoudi Paul Biya, est passé maître.
"Toutes les ethnies, à part les Bamilékés, seraient contentes de cette loi", estime un de mes contacts. Les Bamilékés, osons le dire, que les autres Camerounais considèrent "envahissants", "car ayant parfois 3 femmes et 10 enfants" (jugement qui se discute), possesseurs de la "puissance financière et économique" du pays (ce qui est vrai, même s'il y a des milliardaires venant d'autres tribus) et "parmi les plus travailleurs" des Camerounais (ce qui est incontestable).
Les Bamilékés seraient aussi majoritaires dans des régions comme le Littoral. Dans la cosmopolite ville de Douala, capitale du Littoral, des Bamilékés ont souvent été maires d'arrondissements, depuis les années 90, où cette fonction est ouverte à la compétition, d'abord entre apparatchiks du RDPC (Rassemblement du Peuple Camerounais, parti au pouvoir) ; puis avec le multipartisme, ouvert à tous les partis : Fampou, Foning, pour n'en citer que les plus emblématiques...
Mais ce que les Bamilékés considèrent comme une "une ville", les autochtones le considèrent comme "leurs villages". Et ils aimeraient que cette vision prévale : ils en veulent pour preuve que tout Camerounais, quand il décède, se fait enterrer par sa famille "dans son village". Il faut donc que "les minorités soient protégées". Un candidat autochtone aux prochaines municipales pointe ainsi qu'à Douaal 4 (Bonabéri), sur la liste d'un parti, sur 40 candidats au poste de conseillers municipaux, il y a plus de 30 Bamilékés.
Bien. Qu'en penser en définitive ? La loi doit, il est vrai, souvent entériner des situations de fait. Mais le progrès et le progressisme, c'est que la loi prévoit et dispose pour l'avenir. N'y a-t-il pas un brassage, même timide, entre tribus camerounaises ? Les gènes doivent-ils être des chaines ?", pour paraphraser la romancière Fatou Diome ?
En tous les cas, cette disposition "autochtonique", pour cause de risque tectonique, a soulevé beaucoup de débats passionnés au Cameroun. C'est une bonne chose pour l'avenir, que seuls vivront peut-être des générations non encore nées. Mais, la volonté de changement (des mentalités et des lois) commence par la discussion et la confrontation d'argumentations.
Une autre disposition de la nouvelle loi sur la décentralisation, dont les Camerounais s'accordent, cette fois-ci unanimement, à penser qu'elle est bonne ? C'est celle qui accorde aux deux régions anglophones du pays (Sud-Ouest et Nord - Ouest) le droit de désormais voter les lois eux-mêmes les lois qui les gouverneront en matière de justice et d'éducation.
Alors, "un pas en avant, un pas en arrière" ? Au Cameroun, cela s'appelle "la danse bafia". Qui se trouve être une ethnie du Centre.
Ousseynou Nar Gueye est éditorialiste, fondateur de Tract.sn