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3 décembre 2024
Développement
PAR Papa M. Tandian
SÉNÉGAL, ANNÉE ZÉRO
L'exception démocratique n'est pas une fin mais seulement la condition de possibilité de la seule exception qui vaille et qui n'est pas donnée mais est à construire : celle d'un mieux-être pour le plus grand nombre
Les temps politiques sont chamboulés au Sénégal. Les vents tournent. Et les girouettes avec ! Plus sérieusement, le peuple sénégalais vient de manifester à la face du continent et du monde la preuve de sa maturité politique et de la résilience de sa démocratie politique démontrant ainsi que son destin ne se confond ni avec la personnalité d'un homme encore moins avec les machinations machiavéliques d' un président... Ce faisant, il a confirmé la pérennité d'un écosystème politique qui fait l'exception sénégalaise, capable de sanctionner l'exercice du pouvoir et de l'alterner de manière ordonnée envers et contre tout... dans une sous-région aux mœurs démocratiques encore vacillantes et hélas trop souvent sujettes à régression. Il reste donc à présent à la nouvelle équipe entrante du Pastef & compagnie à jouer sa partition et prolonger ce momentum pour un approfondissement de notre vivre-ensemble démocratique encore perfectible à bien des égards. Car à bien des égards, il y a encore matière à faire et à parfaire.
En effet, sous le magistère de Macky nos systèmes de gouvernance politique, économique, sociale ou administrative n'ont hélas opéré que des gains marginaux dans certains domaines si ce n'est régressé lamentablement dans d'autres. Jamais l'État de droit n'a été aussi malmené et nos libertés publiques mises à mal. Le'Projet' (comme disent les Pastefiens) ou sa version plus réaliste de programme de gouvernement devra donc élargir / rectifier ou solidifier les fondements dans certains domaines, voire refonder totalement dans d'autres à un moment charnière de notre histoire. En voici un inventaire non exhaustif.
- En politique, le principe consacré de la séparation des pouvoirs sérieusement chahuté par le pouvoir sortant devra être réhabilité pour davantage renforcer un rééquilibrage nécessaire et une autonomisation accrue entre les pouvoirs de l'exécutif, du législatif et du judiciaire. Y compris la nécessité de sanctuariser les principes d'indépendance des corps de contrôle et du judicaire en consacrant leur autonomie fonctionnelle dans la loi fondamentale qu'est notre constitution.
- L'implication plus vigoureuse d'une presse indépendante et impertinente mais plus professionnelle devra être sauvegardée et consolidée comme
acquis. Sa liberté de blâmer sans entrave ni intimidation rendra plus crédible ses éloges.
- Sur le plan judiciaire, il sera urgent de mettre un terme à une pratique pernicieuse d'instrumentalisation de la justice et des juges comme il en fut le cas hélas trop souvent dans un passé récent ou même lointain. Les décisions de justice devront être exemplaires pour être acceptées du citoyen et le règne de l'impunité ou l'absence de sanctions doivent être proscrits.
- Sur le plan social, la société civile - sous toutes ses formes et dénominations
- devra poursuivre et étendre son rôle de sentinelle et de rempart de nos pratiques démocratiques en renforçant sa mission dans la réédification de l'infrastructure éthique et morale de cette nation qui a beaucoup perdu sous ce chapitre du fait d'un régime qui a cyniquement voulu ' réduire l'opposition a sa plus simple expression' ... Il sera opportun de continuer pour les intellectuels à exercer leur rôle critique, d'agir, d'alerter pour un retour de conscience civique au travers de nouveaux codes d'intégrité applicable à tous ceux qui ont (ou qui aspirent) à la charge de l'autorité publique.
- Sur le plan de la gouvernance économique, il s'imposera l'impérieuse nécessité de refonder les bases d'un cycle vertueux déjà promis mais hélas jamais réalisé. L'économie du Sénégal sous le règne du président sortant (malgré des efforts louables en matière d'infrastructures surtout urbaines) n'a pas seulement souffert d'un taux de croissance (5.3% en moyenne) qui a été insuffisant à faire reculer le niveau de pauvreté ou à créer des emplois nouveaux, elle a aussi subi des pertes énormes liées à la corruption comme en attestent les rapports (pour ceux publies et non 'sous le coude' du PR) des auditeurs publics de la CC ou de l'IGE. Cette gangrène s'était aussi muée en sociodrame avec pour effets néfastes de se substituer au mérite et à l'effort personnels consacrant le culte de l'ostentation et du clinquant ouvrant l'accès de n'importe qui a n'importe quelle sinécure pourvu qu'il soit un affidé loyal et apporteur de voix. Pis la corruption érigée en méthode de prédation a donné cours a bien des dysfonctionnements sous forme de détournements, d'enrichissements illicites, de scandales financiers et d'accaparements fonciers, toutes pratiques qui ont abime et distendu les liens entre l'État et l'intérêt général. Il sera donc primordial de réévaluer notre système d'intégrité national et restructurer sa capacité à prévenir, détecter et sanctionner la corruption et la fraude. La reddition des comptes est une chaîne qui commence par le contrôle, mais qui pour aboutir à des actions concrètes, doit passer par une justice forte, indépendante. De surcroit une approche plus unificatrice des divers organes (CC, IGE, OFNAC etc.) de vérification et de lutte contre la corruption et leur mise sous une tutelle indépendante (constitutionnellement verrouillée) de l'exécutif serait un alignement salutaire aux normes internationales et un gage crédible d'une nouvelle détermination à agir contre la prévarication des comptes publics.
- Au plan des affaires, une transparence restaurée avec des règles claires améliorera l'attractivité du Sénégal pour les flux de capitaux étrangers. Des règles plus aptes à accroitre la prévisibilité de l'interaction dans les pratiques marchandes et à mieux protéger contre les abus de l'autorité administrative ou judiciaire dans les pratiques contractuelles. Ceci n'est pas incompatible avec le désir de mieux protéger nos intérêts nationaux souverains et de revoir certains montages contractuels défavorables à condition que le volontarisme clamé soit informé et assisté par des compétences et une expertise solides afin d'éviter des conséquences fâcheuses et couteuses au trésor public comme par le passé avec A Wade.
Au plan macro-économique. Les enjeux du prochain quinquennat et au-delà pour ce pays tournent autour des risques insuffisamment mitiges sous le président Macky de la gestion d'un modèle de croissance sans emploi mais aussi insuffisamment redistributive, de la formation et de l'insertion des jeunes.
- Le modèle économique retenu vers l'émergence qui a été très orienté vers les infrastructures de mobilité dans sa version PSE devra renouer avec les fondamentaux testés non pas par la théorie mais par l'histoire économique des rares pays (en Asie) de notre ère contemporaine qui ont su définitivement rompre les amarres de la pauvreté et accéder durablement au statut de pays émergents à revenus intermédiaires voire supérieurs.
En effet, la trajectoire économique sans exception de ces pays (Japon, Chine, Corée, Malaisie, Taiwan etc.) qui ont réellement émergé du sous-développement témoigne d'une approche volontariste de politiques publiques gérées par une agence centrale (MITI Japon, EPB Corée du Sud, DB Taiwan etc.) qui toutes invariablement ont consisté en des interventions ciblées autour de priorités structurantes qui ont pour noms : réforme agraire, transformation agricole, promotion industrielle, réforme financière / monétaire. En Asie du Sud et du Nord Est c'est en effet un secteur primaire au foncier réformé et bien ressourcé qui a permis l'autosuffisance alimentaire et la création de richesse et d'épargne menant à une industrialisation, le tout soutenu par un secteur financier semi contrôlé et aligné sur les objectifs de développement sectoriels notamment en matière de politique de crédit et de taux d'intérêts. Au Sénégal une économie agricole reformée et financée par des ressources adéquates, encadrée par une recherche et une formation appropriée sera la clé de voûté de notre souveraineté alimentaire et la base de toute stratégie de création massive d'emplois dans un secteur à forte intensité de travail et a faibles barrières d'entrée. Ce secteur a en effet potentiellement les multiplicateurs d'emploi les plus élevés dans les domaines de l'élevage de l'horticulture, des chaînes de valeur de production de riz, du mil etc. de la pèche sans compter celles en amont de l'agro-transformation. Les autres chantiers connexes de l'industrie manufacturière / pétrolière / services et de la réforme financière (y compris celle nécessaire du franc CFA) devront venir compléter cette approche multisectorielle qui s'appuiera sur des secteurs prioritaires limitativement identifiés et dont la création d'opportunités d'emplois productives et durables devra rester au cœur des interventions. L'économie des hydrocarbures et ses revenus additionnels devront obéir à cette même logique d'orientation vers des projets à forte intensité de main d'œuvre et non pas subventionner inconsidérément la consommation.
- Il restera que pour être viable ces politiques devront aussi s'adosser sur une stratégie d'intégration régionale voire continentale pour opérer au-delà de nos marchés domestiques trop exigus. D'où l'impérieuse nécessité de reconsolider la CEDEAO et de promouvoir la ZLEC à l'échelle du continent.
Enfin une gouvernance économique effective est aussi une gouvernance qui se mesure et s'évalue. Une fonction robuste de suivi et d'évaluation de la performance gouvernementale - rattachée à l'autorité directe du président - lui rendra sa crédibilité et son efficacité. La cacophonie d'une action gouvernementale atomisée autour d'un découpage ministériel pléthorique et incohérent devra être bannie. L'exécution de cette action par des ministères techniques ou agences publiques devra être considérée sans à priori guidée par le seul souci de l'efficacité économique et de l'impact recherché.
Cependant à vouloir égrener ces réformes il ne doit échapper à personne l'autre défi qui réside dans la manière de mener et de combiner ces transformations dont certaines sont complexes. Les promoteurs du 'Projet' opteront ils pour une approche gradualiste de séquençage des mesures de changement, conscients de la nécessaire progressivité des reformes dans un environnement sénégalais à maints égards sous contraintes. Ou au contraire souscriront ils à une vision maximaliste que justifieraient la complémentarité des reformes et l'urgence de la demande sociale qui impose d'aller vite et loin.
Voilà une difficile équation d'économie politique et de politique tout court.
Car en définitive une fois dissipée la griserie de ce séisme politique souhaité par une accablante majorité, la réalité têtue d'un pays pauvre (rang IDH / Nations Unies du Sénégal 169 sur 193 pays) - où les causes structurelles des prémices d'incendie social restent entières - ne disparaîtra pas de sitôt comme par enchantement! Le principe de réalité sera bien le premier écueil à l'entame de l'exercice du pouvoir. Oui hélas l'exception démocratique n'est pas une nourriture terrestre, elle ne se mange pas, elle n'est pas une fin mais seulement la condition de possibilité de la seule exception qui vaille et qui n'est pas donnée mais est à construire : celle d'un mieux-être pour le plus grand nombre.
Ainsi le vote du 25 mars aux allures de plébiscite apparait comme un double cri de désenchantement contre les sortants mais aussi d'espérance et de soif de mieux-vivre pour l'avenir qui est ici et maintenant ! Puisse ce cri resonner pour longtemps dans les têtes et les cœurs des vainqueurs du jour à jamais
épargnés du syndrome d'hubris. Pour que triomphe enfin l'avènement d'un État parcimonieux, un État équitable, un État transparent, pour tout dire un État citoyen. Une singulière opportunité pour ce pays d'être enfin sujet souverain de sa propre histoire. Ne la gâchons pas !
MACRON POINTE LA RESPONSABILITÉ DE LA FRANCE DANS LE GÉNOCIDE DES TUTSIS AU RWANDA
Selon le chef de l'État français, "la France aurait pu arrêter les massacres, mais n'en a pas eu la volonté". Cette déclaration marque un nouveau tournant dans le traitement de cette page controversée de l'histoire
(SenePlus) - Dans un message qui sera publié ce dimanche 7 avril à l'occasion du 30e anniversaire du génocide des Tutsi au Rwanda, Emmanuel Macron ira plus loin que par le passé dans la reconnaissance du rôle de la France, selon des informations rapportées par la présidence française à l'Agence France-Presse (AFP).
Le chef de l'Etat français, qui ne pourra se rendre aux commémorations à Kigali en raison d'un agenda chargé, estimera ainsi que "la France, qui aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, n'en a pas eu la volonté", a rapporté l'Elysée à l'AFP.
Cette déclaration marque un tournant par rapport aux précédents discours du président français sur cette question extrêmement sensible. En mai 2021 à Kigali déjà, Emmanuel Macron avait reconnu les "responsabilités" de la France dans le génocide, qui a fait au moins 800.000 morts entre avril et juillet 1994. Mais il n'avait alors pas évoqué explicitement l'hypothèse selon laquelle la France aurait pu stopper le génocide.
Son nouveau message ira donc plus loin dans la reconnaissance du rôle de la France. "Le chef de l'État rappellera notamment que, quand la phase d'extermination totale contre les Tutsi a commencé, la communauté internationale avait les moyens de savoir et d'agir", a précisé la présidence française.
Cette prise de position d'Emmanuel Macron a été saluée par les associations de défense de la mémoire du génocide rwandais. "Le message rapporté jeudi 'va encore plus loin que le rapport Duclert et que la déclaration qu'il a faite à Kigali'", s'est félicité Marcel Kabanda, président de Ibuka France.
Le rapport d'historiens dirigé par Vincent Duclert avait déjà conclu en 2021 à des "responsabilités lourdes et accablantes" de la France dans le génocide. Emmanuel Macron semble donc aller encore plus loin dans la reconnaissance du rôle de Paris, cherchant selon les observateurs à tourner définitivement la page de cette période tragique.
D'après l'Elysée, le chef de l'Etat réaffirmera dimanche le soutien de la France au peuple rwandais, tout en réitérant l'importance du devoir de mémoire, particulièrement auprès des jeunes générations françaises. Ses propos devraient être suivis de près et marquer encore davantage un rapprochement avec Kigali.
POUR SORTIR DE LA TUTELLE MONÉTAIRE
Alors que le Sénégal relance le débat sur le franc CFA, l'économiste Kako Nubukpo préconise quatre mesures d'urgence : mettre fin à sa dénomination coloniale, abandonner la garantie française, réviser la gouvernance de la zone franc...
Lors d'un entretien accordé à Radio France Internationale, Kako Nubukpo, commissaire à l'UEMOA en charge du département de l'agriculture, des ressources en eau et de l'environnement, a plaidé pour une relance du processus de réforme du franc CFA, la monnaie utilisée dans quatorze pays d'Afrique de l'Ouest.
Saluant la décision du nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye de remettre cette question sur la table, Nubukpo a déclaré: "C'est important parce que le débat sur le CFA a longtemps été interdit. Et le retour de ce débat, au fond, c'est un peu comme le retour du refoulé. Et quand c'est porté par les autorités en charge du destin des nations, c'est tout de suite beaucoup plus sérieux et beaucoup plus important."
Selon l'économiste togolais, quatre mesures doivent être prises rapidement. Premièrement, "changer le nom de la monnaie" car "pour les jeunes Africains, CFA, c'est toujours Colonie Française d'Afrique." Deuxièmement, revoir la garantie apportée par la France, qu'il juge inutile. "À mon avis, il faut l'abandonner parce qu'elle n'a jamais vraiment servi," a-t-il affirmé.
Troisièmement, Nubukpo préconise de "revoir la gouvernance au sein de la zone franc" et "fusionner les deux traités" régissant actuellement l'espace économique et monétaire ouest-africain, afin de permettre "une meilleure articulation politique monétaire, politique budgétaire."
Enfin, la question cruciale du régime de change de la future monnaie unique doit être discutée "d'emblée avec la CEDEAO", l'organisation régionale regroupant quinze pays d'Afrique de l'Ouest.
Pour relancer les discussions, l'économiste a appelé à l'organisation de "nouveaux états généraux de l'eco" en mai 2025, à l'occasion du 50e anniversaire de la CEDEAO. "Ce serait très bien qu'on puisse avoir une deuxième édition des états généraux de l'eco," a-t-il lancé, suggérant que le Sénégal pourrait accueillir cet événement majeur.
Bien que perturbés par la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et les coups d'État dans la région, les efforts visant à remplacer le franc CFA par une monnaie commune à l'ensemble de la CEDEAO semblaient au point mort ces dernières années. L'appel renouvelé de Kako Nubukpo pourrait insuffler une nouvelle dynamique à ce processus aux enjeux économiques et politiques considérables pour l'Afrique de l'Ouest.
L'ALTERNANCE AU SÉNÉGAL FAIT RÊVER LES OPPOSITIONS EN AFRIQUE
Avec son accession surprise au pouvoir, Diomaye Faye illustre un contre-modèle en Afrique. Alors que la moyenne d'âge des présidents dépasse les 66 ans, le Sénégalais de 44 ans prouve qu'il existe une autre voie que la perpetuation de vieux dirigeants
(SenePlus) - Le 24 mars dernier, Bassirou Diomaye Faye est élu président du Sénégal à seulement 44 ans, deux semaines après être sorti de prison. Sa victoire suscite l'espoir des oppositions dans d'autres pays d'Afrique où des dirigeants âgés sont au pouvoir depuis des décennies.
Un espoir venu du Sénégal
Selon un reportage de l'AFP, la victoire de M. Faye fait rêver les oppositions et la jeunesse au Tchad, au Cameroun, au Bénin ou au Togo, "lassées des règnes interminables de leurs chefs d'Etat indéboulonnables". Au Cameroun, le slogan "Bassirou Diomaye Faye avait deux ans quand Paul Biya est devenu président" devient viral sur les réseaux sociaux. A 91 ans, ce dernier dirige en effet le pays depuis 41 ans.
Autre dirigeant africain dans sa ligne de mire, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, 81 ans, qui règne sur la Guinée équatoriale depuis 44 ans. À l'inverse, la moyenne d'âge des chefs d'État africains est de 66 ans alors qu'en 2021, la moitié de la population du continent avait moins de 18,6 ans selon l'ONU.
Un espoir mais aussi des mises en garde
Cet espoir se propage sur les réseaux et dans les médias indépendants d'opposition, à l'instar d'Equinoxe Radio au Cameroun. Cependant, certains tempèrent, à l'image de Max Kemkoye, figure de l'opposition tchadienne, qui souligne à l'AFP que "la lutte politique en Afrique francophone nécessite endurance et cohérence" face aux "dictatures appuyées par les ex-puissances coloniales".
D'autres relèvent la répression féroce des opposants, comme au Tchad où Mahamat Idriss Déby Itno a pris le pouvoir à la mort de son père en 2021. "Diomaye et Sonko seraient tchadiens, il y a bien longtemps qu’ils seraient morts", déclare ainsi Avocksouma Djona Atchénémou. Au Bénin, l'opposant Nourou Dine Saka Saley estime également que "Bassirou Faye n’aurait jamais eu sa chance".
Un message d'espoir malgré tout
Malgré ces mises en garde, Faye et Sonko demeurent des figures porteuses d'espoir pour les oppositions qui rêvent d'alternance. "Je suis certaine que le peuple togolais sera libéré un jour comme au Sénégal", espère ainsi une opposante à Lomé. Même son de cloche chez l'Ougandais Bobi Wine, qui appelle à donner leur chance aux "jeunes générations de leaders" plutôt qu'aux "despotes fatigués".
La victoire du jeune président sénégalais démontre que l'alternance est possible en Afrique par des voies pacifiques et politiques. Reste à voir si elle saura inspirer durablement les peuples du continent.
LEVÉE DISCRÈTE DES COULEURS POUR DIOMAYE FAYE
Dans le contexte particulier d'une présidentielle organisée à marche forcée, la traditionnelle parade militaire DE la fête de l'indépendance a été remplacée par une simple cérémonie de levée des couleurs au Palais
Le chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, a présidé ce jeudi, au Palais de la République, la cérémonie de levée des couleurs, à l’occasion du 64e anniversaire de l’accession du Sénégal à l’indépendance.
A son arrivée, il a procédé à une revue des troupes avant de saluer les dirigeants des institutions nationales. Il a ensuite assisté à la cérémonie de levée des couleurs. Un cérémonial marqué par sa sobriété et sa brièveté.
En raison du contexte lié à la tenue de la présidentielle organisée dans un délai très court après avoir été reportée, la fête de l’indépendance a été réduite à une cérémonie de levée de couleurs au Palais de la République. Des cérémonies de levée des couleurs sont également prévues dans les régions et départements du pays.
En temps ordinaire, la fête nationale est souvent célébrée par un temps défilé civilo-militaire sur le boulevard Général de Gaulle, en face de l’obélisque de la place de Nation. Lors des alternances survenues en 2000 et 2012, les présidents élus (Abdoulaye Wade et Macky Sall) avaient assisté à des cérémonies de prise d’armes à la place de l’Indépendance.
Cette année, la cérémonie est une sorte de baptême de feu pour le président de la République, qui a prêté serment mardi avant d’être installé le même jour à l’issue de la passation de pouvoir avec son prédécesseur.
L’édition de cette année est placée sous le thème ‘’Les Forces armées au cœur de la cohésion nationale”. Ce thème “nous interpelle par son actualité et sa pertinence’’, a commenté le chef de l’Etat, dans son adresse à la Nation à la veille de la célébration de la fête de l’indépendance.
‘’Il nous rappelle qu’au-delà du cérémonial, la fête nationale est surtout l’occasion d’une introspection individuelle et collective sur notre commun vouloir de vie commune’’, a dit le président Faye. Selon lui, les forces de défense et de sécurité offrent un bel exemple de ce que doit être le vivre ensemble sénégalais.
‘’Nos Forces de défense et de sécurité, sous le concept Armée-Nation, symbolisant la diversité et la cohésion de leurs composantes socio-culturelles, nous offrent un bel exemple de ce que doit être le vivre ensemble sénégalais’’, a déclaré Bassirou Diomaye Faye.
Il a réaffirmé ‘’la reconnaissance de la Nation’’ aux officiers, sous-officiers et militaires du rang, qui ont ‘’choisi le métier risqué des armes’’.
‘’Je vous exprime ma fierté, mon soutien et mon entière confiance dans vos missions au service de la patrie, de la paix en Afrique et dans le monde. Je salue la mémoire de nos Jambaars tombés au champ d’honneur et souhaite prompt rétablissement aux blessés’’, a-t-il dit. Il a assuré que l’Etat restera toujours solidaire de leurs familles, avec soin et compassion.
Il a annoncé des mesures fortes contre la vie chère, de larges concertations sur le système politico institutionnel et judiciaire et sa volonté de promouvoir une gouvernance vertueuse.
Le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye a été élu président de la République à l’issue du scrutin de la présidentielle du 24 mars, quinze jours après sa sortie de prison.
ELGAS DÉCRYPTE L'ALTERNANCE AU-DELÀ DES DISCOURS CONVENUS
Les ruptures sont incarnées par des pratiques sur le long-terme. Ce qu’on appelle système est souvent un fantasme collectif que la conquête du pouvoir cible. La notion de panafricanisme de gauche est une habile trouvaille - ENTRETIEN
Elgas revient avec recul et nuance dans cet entretien sur l'élection de Diomaye Faye et sur la véritable portée de cette alternance politique. Il interroge notamment l'idée d'une rupture définitive avec l'héritage de Senghor et replace le débat sur l'indépendance du Sénégal dans une perspective historique plus large.
Seneweb : La victoire de Bassirou Diomaye Faye à l’élection présidentielle a été présentée au Sénégal aussi bien qu'ailleurs comme une rupture avec l’ère inaugurée par Léopold Sédar Senghor. Partagez-vous ce point de vue ?
Elgas : Cela me semble être une lecture paresseuse, facile et rapide. Elle est du reste un récit que font pro domo les dégagistes, en oubliant une donnée majeure : les ruptures sont incarnées par des pratiques sur le long-terme ; les annonces sont souvent des prophéties trahies et c’est bien là quelque chose de factuel. Un Etat, c’est d’abord une continuité institutionnelle. Toute alternance est porteuse de rupture, de nouveauté, de nouveaux horizons, certes l’illusion d’une pureté nouvelle est contraire à ce qui fait la force des administrations, leur capacité à survivre à toutes tempêtes. Attribuer un quelconque magistère presqu’éternel à Senghor, comme substance d’un système inchangé, c’est accréditer l’idée que tout était plus ou moins condamné d’avance et les dés pipés. Une nation, un pays, un Etat évoluent, souvent dans une lenteur institutionnelle imperceptible. Les marqueurs de l’ère Senghor, si jamais on devait arriver à les nommer – bicéphalisme avec Dia, centralité étatique, socialisme – ne sont pas restés structurants pendant les magistères suivants. Et si on reste dans une telle optique, c’est déresponsabiliser les gouvernants. Ce qu’on appelle système est souvent un fantasme collectif que la conquête du pouvoir cible et que son exercice réhabilite immanquablement d’où d’ailleurs le sentiment de statu quo. Bassirou Diomaye Faye a été bien élu, comme le furent avant lui Wade et Sall. Il lui reste de poser les actes d’une rupture avec les pratiques malfaisantes. Ce sont elles plus que le système, le nid des problèmes qui s’endurcissent avec le temps. Cela me paraît résolument plus pertinent que de pourchasser l’héritage de Senghor, c’est s’acharner sur l’ombre et pas la proie, préférer le confort des symboles à l’inconfort des faits.
Certains de ses partisans en commentant son élection ont déclaré : le Sénégal prend enfin son indépendance. Y a-t-il une part de réalité ?
C’est encore là la manifestation des euphories compréhensibles mais ivres et illusionnées. C’est presque nihiliste de supposer que les tous les hommes des régimes successifs, les intellectuels, les universitaires, les religieux, les artistes, les citoyens, n’ont jamais rien fait et se complaisaient dans une position d’allégeance. L’indépendance ne se proclame pas, elle se vit. Dans l’état actuel de notre économie, des flux de capitaux qui soutiennent encore l’édifice économique, d’un informel émietté qui ne donne pas de ressources majeures à l’Etat, les ambitions de souveraineté doivent répondre à un travail méthodique de longue haleine et à une habileté pour créer les conditions locales de la prospérité. Étant entendu qu’aucune autarcie, aucun isolement, aucune rupture avec le monde, et le flux des échanges, n’a jamais créé nulle part au monde, les conditions d’un essor. L’histoire regorge d’exemples de ce genre, les cités-Etats médiévales les plus développées étaient celles ouvertes au commerce du monde. Tout enclavement réduit la portée des échanges. La notion d’indépendance devrait du reste être étudiée dans sa symbolique au Sénégal, avec la notion de « surga », qui montre la prévalence d’une dépendance interne qui, inéluctablement, influe dans les consciences. L’indépendance est un horizon, sans illusion d’enfermement. On ne l’acquiert pas par un vote seul, fût-il démocratique mais par une ingénierie politique.
Le nouveau président s’est présenté dans Le Monde comme un “panafricaniste africain de gauche”. Ce qui fait un peu penser à Cheikh Anta Diop. Parmi les soutiens de M. Faye figure Dialo Diop, membre fondateur du Rassemblement National Démocratique (RND), le dernier parti politique créé par Cheikh Anta Diop. L’élection de ce nouveau président est-elle une forme de revanche de Cheikh Anta Diop sur Senghor?
Il y a bien longtemps que Cheikh Anta Diop a pris sa revanche sur Senghor. Il bénéficie d’une aura bien plus grande et il est plus cité. Mais attention également à ne pas épouser des récits tout faits. Wade comme Macky Sall ont revendiqué un ancrage panafricain, et Senghor davantage avec le FESMAN, les NEAS et il a fait de la capitale Dakar, le refuge et le havre d’un dialogue avec les Haïtiens entre autres. Il ne faut pas toujours dans une dynamique conflictuelle de segmentation du panafricanisme. Senghor est déjà condamné par le tribunal de l’histoire, mais ensevelir tout son héritage serait contre productif et bien injuste. La notion de panafricanisme de gauche est une habile trouvaille, c’est un pléonasme, parce que le panafricanisme est du côté de la justice, de la solidarité et de l’égalité. Mais très souvent, au pouvoir, il a trahi, l’exemple de Sékou Touré étant le plus emblématique des glissements où le pouvoir devient autoritaire, répressif, fermé à l’ouverture et ne gardant plus du panafricanisme comme identité vidée. La vigilance doit être de mise pour que les mots comme l’histoire ne soient pas tronqués.
Y a-t-il nécessité selon vous de réhabiliter Senghor et sa pensée ?
Senghor est présenté ou caricaturé comme le symbole de la soumission à la France ou jugé trop universel. La nouvelle ère qui s’ouvre sera-t-elle synonyme de repli identitaire comme certains le craignent ou plutôt de rééquilibrage ?
Je n’ai aucun catastrophisme avec le régime qui arrive. Je lui souhaite de réussir, tout en étant conscient que cela sera dur au vu des attentes. Je ne crains ni repli, ni racornissement de notre identité. Il serait bien vain de nier que Senghor avait des relations énamourées avec la France et que cela a influé dans sa gouvernance. Tout comme il faut se garder de condamnation définitive, il faut se garder de promettre l’échec au nouveau régime. Senghor ne doit pas être l’obsession du nouveau régime, ce serait une terrible erreur. Il a reçu un plébiscite, avec une plateforme formidable pour construire, il serait mal inspiré de s’assombrir avec l’énergie sombre de la rancœur. La terre espérée de l’homme c’est l’avenir, pas farfouiller dans les tombes.
Enfin, votre dernier essai s’intitulait « Les Bons Ressentiments ». Ces bons ressentiments ont-ils été palpables dans la séquence politique que nous venons de vivre ?
Je ne parlerai pas de bons ressentiments. Tout est prématuré pour l’instant pour statuer. Je parlerai de révolutions conservatrices. C’est ce qui a cours partout sur le globe. La défiance contre des élites, et le retour souhaité à des valeurs anciennes. C’est un bouleversement tant le conservatisme a toujours été populaire avec un État qui osait l’impopularité d’aller à rebours. Ce qui change c'est que le conservatisme est porté par l’Etat qui devient une caisse de résonance et pas de régulation de la foule. Beaucoup s’en réjouissent. J’ai plein de doute, pour dire le moins.
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DÉMOCRATISER LES DROITS, AU-DELÀ DES INSTITUTIONS
Fin de l'hyper-présidentialisme, indépendance réelle de la justice, déconcentration des pouvoirs... Les chantiers ne manquent pas. Mais la refondation la plus urgente pourrait bien être celle d'un nouveau du contrat social
A l'orée d'une nouvelle ère politique, à quoi doit ressembler la refondation démocratique au Sénégal ? C'est la question brûlante qui a nourri les échanges de ce cinquième épisode de la série "Où va le Sénégal" animée par Florian Bobin, en compagnie de trois figures intellectuelles de premier plan : Marie-Pierre Sarr, Samba Ndiaye et Ndiabou Touré.
Trois années de violences et de dérives autoritaires ont profondément ébranlé l'État de droit sénégalais. Les droits les plus fondamentaux ont été bafoués, du droit de manifester à la liberté d'expression, en passant par l'indépendance de la justice foulée aux pieds. "Une crise de l'État de droit entraîne une crise de la société, c'est évident", Martèle Marie-Pierre Sarr.
Pourtant, même dans les heures les plus sombres, une lueur d'espoir est née : la naissance d'une conscience citoyenne vis-à-vis du droit. "Le droit s'est installé dans la tête du Sénégalais ordinaire", souligne Ndiabou Touré. Un regain de vigilance salutaire, qui a permis de déjouer la stratégie de normalisation des dérives du pouvoir sortant.
Mais l'heure est désormais à la reconstruction. Pour Samba Ndiaye, les réformes institutionnelles à venir ne doivent pas se limiter à un simple habillage mais insuffler une véritable régénération éthique. "Il ne faut pas céder au fétichisme des institutions, insiste-t-il. C'est en repensant nos valeurs fondatrices que nous rebâtirons un État de droit pérenne."
Fin de l'hyper-présidentialisme, indépendance réelle de la justice, déconcentration des pouvoirs... Les chantiers ne manquent pas. Mais la refondation la plus urgente pourrait bien être celle d'un nouveau du contrat social, un projet rassembleur puisant dans l'âme plurielle de la Nation.
"C'est notre métissage culturel et notre diversité qui font notre force, estime Ndiabou Touré. Nous devons réinvestir ce terreau de paix pour bâtir les fondations d'une démocratie apaisée."
Passé le cap des élections, la route vers une démocratisation effective du droit s'annonce semée d'embûches. Mais la société civile, qui démontre toute sa vitalité, compte bien garder un œil vigilant sur la concrétisation des promesses de changement.
par Ibrahima Gassama
ET SI LE SÉNÉGAL ÉLISAIT 18 MILLIONS DE PRÉSIDENTS
Accomplir ses devoirs et crier ses droits, avec des cahiers sur la tête ou un stylo à la main, lors des grèves estudiantines et scolaires sans casser de biens publics et privés, ne sont-ils pas des actes à la portée des filles et des fils du pays ?
« Ne demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, demande ce que tu peux faire pour ton pays. » John Fitzgerald Kennedy.
Le dimanche 24 mars 2024, les sénégalais ont dans leur écrasante majorité décidé d’élire leur cinquième président dès le premier tour, avec 54,28% des suffrages exprimés. Un président que les amoureux du pari sportif hippique auraient appelé dans leur jargon, un outsider. Un outsider que nul n’a vu venir. Que dis-je ? Un poulain, oui un poulain qu’aucun esprit, grand et averti puisse-t-il être, ne pouvait entrevoir pour le classer parmi les partants. Oui, pas un seul esprit, car les synapses des partants sont toujours embourbées dans des équations insolubles, des équations qui se heurtent toujours au fameux moi ou personne ! L’élection présidentielle sénégalaise de 2019 en est deux preuves : Karim Meïssa Wade et Khalifa Ababacar Sall.
Eh bien, ce poulain, seul un cœur, un grand et pur cœur pouvait le voir et le choisir, cela avec un troisième œil. Cet œil devra-t-il être dénué de tout égo, de toute peur et de toute ma-thématique. Cet œil, il est fait tout œil, il fait corps avec le cœur, loin de l’esprit, inconnu des théorèmes politiciens. Gagner et perdre valent le même prix pour lui. Pour lui, perdre et gagner pèsent le même poids. Oui, pour lui, que représente sa petite silhouette dans cet univers si vaste de 196722 km2 ? Cet univers sénégalais endurant et patient, digne et vertueux, qui depuis 1960 est à la recherche de l’oiseau rare pour veiller sur ses libertés, judiciaire, humanitaire, alimentaire, financière…..
Pour lui accorder ses libertés et affranchir son peuple de la tyrannie des valets d’occident, que de sacrifices sur l’autel de l’injustice, au grand dam de toute sa famille, au sens africain du terme. D’abord au temple fiscal et domanial, pour raison de dénonciation de détournements de deniers publics, ensuite au carrefour des porteurs dévoyés de voix du peuple, encore pour raison de mauvais usage des deniers publics, et enfin au temple de thémis, pour raison d’accusation de viol jamais prouvé.
Qui, pour arrêter la mer avec ses bras ? Qui ? Personne. Qui pour affronter cette grosse et redoutable machine appelée l’Etat ? Qui, si ce n’est Dieu ? Sur Dieu se repose qui voudrait connaître le repos, pourvu qu’il soit dépourvu d’intellect et fasse de son cœur sa boussole. Quelle que soit la puissance de l’adversaire, quels que soient ses plans et ses subterfuges, Dieu nous connait mieux que nous croyons nous connaître. Ainsi, avec une carapace dure, comme un O.S., il a su transcender toutes ces épreuves, au prix de sa vie et de sa carrière professionnelle, pour servir au Sénégal un magnifique cadeau en ce mois doublement béni de carême et de ramadan. Pour sûr, pas d’être parfait en ce monde si bas, cultiver la meilleure graine de soi incombe en revanche à chaque être....humilité, écoute, bienveillance, élevation, pardon, gratitude.
Un peuple déterminé est inarrêtable, un croyant adossé à Dieu sort toujours vainqueur de ses épreuves. L’élection présidentielle sénégalaise de 2024 aura été une belle et instructive leçon de vie pour tous, même pour les esprits les plus sombres.
Après 64 ans d’indépendance, que de progrès ont pu être réalisés ! Au plan infrastructurel, tous azimut, se vantent-ils souvent. Bravo. Les transports. Bravo. A quel prix ? Surfacturation, corruption, contrats lugubres, des marchés de gré à gré bien graissés à l’insu de toute inquisition sérieuse, tellement le coude posé est lourd.
Quid des libertés individuelles, du niveau de vie dégradant des sénégalais ? Le chômage, la famine, la mort silencieuse, la mort subite, la mendicité sans masque, le prix élevé des soins sanitaires, l’émigration clandestine, la dilapidation du trésor marin, la flambée des prix, l’anarchie, les conditions carcérales inhumaines, le niveau scolaire au rabais, etc., peignent le sombre tableau de bord du Sénégal. Le comble, face à toutes ces misères, les sénégalais cohabitent avec des fonctionnaires milliardaires, hautains et arrogants, toujours prompts à exposer ostentatoirement leur butin à travers leurs palais, leurs apparats leurs bolides illicites.
L’élection du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye est une véritable délivrance pour le peuple sénégalais. Elle le serait davantage si chaque Sénégalais, où qu’il soit, accepte de s’élire président. Elle le serait encore si chaque Sénégalais sait que 5 ans, 10 ans et même 20 ans, ne sauraient suffire pour bâtir un pays et construire le prototype homosenegalensis. Qu’il sache, tel le colibri, que sa pierre, petite puisse-t-elle sembler, demeure utile à l’édification d’un Sénégal meilleur que nous souhaiterions construire et léguer à nos enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants.
La propreté au pluriel doit constituer un viatique pour chaque sénégalais. L’assainissement de soi, des relations humaines, fondé sur le respect et la loyauté, la préservation des biens publics et biens privés, de l’environnement, à travers de petits gestes aux grands effets tels que le reboisement et la salubrité, l'observance de l’éthique et de la déontologie, le respect des horaires de travail, des valeurs de la famille, point de départ du façonnage de l’humain doivent être nos idéaux pour bâtir un Sénégal meilleur.
Afficher autrement sa colère et ses revendications à travers le port de brassards vert-jaune-rouge, bannir les grèves sans travail en entreprise, encadrer des manifestants sans effusion de sang et de pertes en vies humaines, sont-ils possibles ailleurs et non au Sénégal ? Accomplir convenablement ses devoirs et crier haut et très haut ses droits, avec des cahiers sur la tête ou un stylo à la main, lors des grèves estudiantines et scolaires sans casser de biens publics et privés, ne sont-ils pas des actes à la portée des filles et des fils du Sénégal ?
Chers concitoyens, personne, personne hormis le peuple sénégalais dans son entièreté, soutenu par ses frères et sœurs cohabitants étrangers, ne pourrait développer notre cher pays. Le travail, la discipline, l’intégrité, le respect, la solidarité, le partage, la foi, sont autant de leviers dont chaque sénégalais peut user pour élever le Sénégal au plus haut sommet des firmaments du bonheur et de la paix pour tous. A cela, y ajouter la répartition équitable des retombées de l’exploitation des richesses naturelles dont regorge le pays ne saurait qu’être juste et bénéfique à tous. Combien de pays au monde vivent heureux sans même disposer de la moitié des richesses dont dispose le Sénégal ?
Le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye a été élu le dimanche 24 mars 2024 par une écrasante majorité des sénégalais, avec 54,28% des suffrages exprimés. Mais à lui tout seul, avec Ousmane Sonko, avec tous les membres de Pastef, avec les membres de la coalition Pastef, avec la diaspora, ils ne pourront pas tout faire.
Qu’en est-il si le Sénégal élisait 18 millions de présidents ?
par Ibrahima Thioye
FAITS MARQUANTS ET QUELQUES ENSEIGNEMENTS DE L’ÉLECTION
La communication pour accéder au pouvoir ne doit plus être la même que celle qui sera en vigueur lorsqu’on dirige le pays. Dans sa forme, elle doit être plus pondérée, plus suggestive et plus constructive
L’élection présidentielle du 24 mars 2024 s’est globalement déroulée dans de bonnes conditions. Elle s’est soldée par la victoire de Bassirou Diomaye Faye au premier tour. Celle-ci traduit une volonté de sanction d’un régime qui a mis à rude épreuve le corps social et secoué la démocratie, le contrat social ou le vivre-ensemble. Quelques secteurs économiques ont subi des perturbations suite aux différentes crises. On assiste à une ère nouvelle marquée par l’émergence de jeunes leaders et la fin de cycle d’anciens acteurs politiques. Ousmane Sonko a incontestablement joué un rôle de premier plan durant tout le processus électoral. Le peuple sénégalais a réagi magistralement en écrivant de fort belle manière — grâce à ce scrutin — une nouvelle page de notre marche vers unesouveraineté nationale plus complète. Sont décrits ci-après quelques faits marquants et des enseignements qui peuvent être utiles pour la nouvelle équipe dirigeante qui accède au pouvoir.
Faits marquants
1. Victoire de Bassirou Diomaye Faye au premier tour
La coalition Bassirou Diomaye Faye remporte cette élection avec 54,28 % des voix, suivie de la coalition BBY, dirigée par Amadou Ba, qui a obtenu 35,79 % des voix. Ces deux coalitions totalisent 90 % des voix, offrant ainsi une allure de référendum à cette joute électorale. Elles sont suivies par le PUR d’Aliou Dia et Taxawu de Khalifa Sall, qui ont obtenu ensemble 4,36 % des voix ; les quinze autres candidats se partagent 5 % des suffrages.
Ces résultats expriment une volonté du peuple de rompre avec cet état de déliquescence du corps social. La coalition Diomaye a su répondre par un positionnement très clair sous la houlette agissante d’Ousmane Sonko. Amadou Ba s’est positionné comme le candidat de la continuité qui n’a pas bénéficié du soutien complet des membres de son camp. Les autres candidats avaient surtout un problème de notoriété.
2. Fin de cycle pour Idrissa Seck et Khalifa Sall
Les résultats obtenus par Idrissa Seck et Khalifa Sall — respectivement 0,90 % et 1,56 % — ont surpris la plupart des observateurs. Idrissa avait obtenu plus de 20 % des voix lors de l’élection de 2019. Le parti de Kalifa Sall, Taxawu, avait enregistré 14 députés lors des dernières élections législatives. Sont-ils victimes du processus de bipolarisation ou s’agit-il simplement d’un besoin de renouvellement du personnel politique suivant un schéma d’alternance générationnelle ?
3. Résultats très faibles pour les dissidents de BBY
Les quatre candidats dissidents de BBY n’ont pas réalisé des scores significatifs. Idrissa Seck, Boun Abdallah Dionne, Mame Boye Diao et Aly Ngouye Ndiaye ont enregistré respectivement 0,90 %, 0,19 %, 0,33 % et 0,47 %, totalisant moins de 2 % des voix. Ces voix, ajoutées à celles d’Amadou Ba, portent le score de ce dernier à environ 38 % des suffrages.
4. Les gros scores
De gros scores ont été enregistrés pour Bassirou Diomaye Faye à Touba Mbacké, Bignona, Oussouye et Ziguinchor : 79,50 %, 81 %, 79,56 % et 74 %. Amadou Ba a remporté la victoire avec la même tendance dans la région de Matam : 87 % à Kanel, 86 % à Matam et 80,93 % à Ranérou. Le poids électoral de Mbacké étant plus élevé que celui de Matam, le surplus de voix obtenu dans la région de Diourbel — 190 000 — l’emporte sur les voix obtenues par BBY dans la région de Matam.
Quelques enseignements
1. La boucle vertueuse : un bon positionnement, de puissantes marques, une forte coalition
La coalition de Bassirou Diomaye Faye a su capitaliser sur les marques Sonko et Pastef En apportant leur soutien à cette coalition, des leaders, qui ont marqué le landerneau politique, ont inscrit leur action dans une boucle vertueuse. Ousmane Sonko, craignant un rejet de sa candidature, a demandé à plusieurs membres de son parti et même à d’autres alliés de Yewi Askan wi de déposer la leur. En désignant Bassirou Diomaye Faye comme le candidat de repli, porteur de son projet, le Pastef a opéré un transfert d’aura grâce au mot d’ordre : « Diomaye est Sonko et Sonko est Diomaye ». La marque mère Sonko a donné naissance à une marque fille Diomaye qui s’est imposée avec brio sur le marché électoral.
2. Nouveaux rôles pour Sonko afin de réduire la probabilité de frictions
Après avoir contribué à élire des maires et des députés, Sonko a largement joué un rôle dans l’élection de Bassirou Diomaye Faye. Il a su ajuster sa présence ou son absence durant la campagne en laissant à ce dernier la latitude de s’imposer et d’incarner cette posture de candidat de la rupture qu’attendent les Sénégalais. Après son élection, on peut se demander si la meilleure stratégie — celle qui présente une faible probabilité de frictions ou de tensions — ne consisterait pas à offrir plus d’espace à Diomaye. Est-ce que la présidence de l’Assemblée nationale ne serait pas la meilleure station pour Sonko ? Le parti Pastef ayant grandi assez vite et étant appelé à se massifier, Ousmane Sonko pourrait contribuer à parfaire son organisation et en faire un modèle de fonctionnement démocratique capable d’élever le niveau de formation politique de ses membres.
3. Changer les éléments de langage
La communication pour accéder au pouvoir ne doit plus être la même que celle qui sera en vigueur lorsqu’on dirige le pays. Dans sa forme, elle doit être plus pondérée, plus suggestive et plus constructive. Voici quelques éléments de langage utiles, dont certains sont déjà dans le registre de la communication des nouveaux dirigeants :
« Nous n’avons qu’un ennemi, c’est le retard économique du pays. »
« Nous avons besoin de toutes les compétences pour reconstruire le pays. »
« Pas de chasse aux sorcières. Amnistie, et non amnésie ; réconciliation nationale dans la justice et la vérité. »
« Ils ont fourni le maximum de leurs capacités dans le contexte qui était le leur : nous devons pousser plus loin les limites dans ce nouvel environnement plus complexe où tout est urgent et face à des attentes et à des exigences très fortes des populations. »
« Nous ne sommes pas des saints ; nous commettrons certainement des erreurs, mais nous apprendrons très rapidement de celles-ci. »
« Les bonnes intentions ne suffisent pas, nous préférons mettre en place l’organisation, les règles, la discipline qui nous prémunissent contre d’éventuelles dérives. »
4. Dynamique de changement orienté résultat et changement de mentalités
1. Les premiers jours devraient contribuer à bien finaliser la conception des éléments du projet (y compris les conclusions et recommandations issues des rapports des assises et de la CNRI) : déclinaison précise avec des engagements, mise en place des moyens d’évaluation et de suivi, sensibilisation et démarrage.
2. Actions rapides à réaliser pour fixer les esprits et maintenir l’espoir (stabiliser la gouvernance, déploiement des mesures faciles à mettre en œuvre ne requérant pas la validation de l’Assemblée nationale, etc.).
3. Mesures de discipline et d’organisation pour marquer les esprits (attachement viscéral à la ponctualité, déclaration de patrimoine, etc.).
4. Annonce publique de rupture avec les vieilles pratiques d’exhibitionnisme et d’ostentation qui peuvent facilement entraîner des glissements vers le népotisme et la gabegie (griotisme dans sa dimension perverse, patronage de manifestation, « drapeaux », etc.).
5. Lancement, par anticipation, de la campagne de lutte contre les inondations ou actions prioritaires à forte répercussion sociale.
Cette élection marque un tournant décisif dans la vie politique du Sénégal. De nombreux défis économiques et sociaux attendent les nouveaux dirigeants. Des secteurs économiques ont été secoués, le corps social mis à rude épreuve et la démocratie fragilisée. Les nouveaux dirigeants ont obtenu la faveur des populations grâce à leur orientation très claire à propos du patriotisme et de la souveraineté qu’ils s’engagent à parfaire. Le projet autour duquel ils ont mobilisé les Sénégalais est plutôt pertinent, car il répond aux principales questions brûlantes de l’heure. Le plus gros défi est de le mettre en œuvre en faisant face aux obstacles qui ont empêché les deux premières alternances de réaliser leurs promesses de départ.