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5 décembre 2024
Economie
INTRODUCTION DE LA TVA SUR LES ACTIVITÉS NUMERIQUES À PARTIR DU 1ER JUILLET
Le Sénégal s’apprête à appliquer une taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) sur les activités numériques dès le 1er juillet prochain, une initiative du ministère des Finances et du Budget visant à élargir l’assiette fiscale ...
Le Sénégal s’apprête à appliquer une taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) sur les activités numériques dès le 1er juillet prochain, une initiative du ministère des Finances et du Budget visant à élargir l’assiette fiscale et à renforcer la mobilisation des ressources internes pour financer les politiques publiques.
Les prestations de services numériques, comprenant la fourniture de biens et services immatériels via des réseaux informatiques et/ou électroniques, seront désormais soumises à la TVA. Cette mesure s’applique aussi bien aux entreprises nationales qu’aux fournisseurs étrangers qui utilisent des technologies propres pour offrir des services numériques.
Principaux domaines concernés : intermédiation numérique, les plateformes et places de marché en ligne facilitant les transactions entre fournisseurs et clients. Téléchargement et diffusion : musique, films, et jeux en ligne. Stockage et traitement des données : services de cloud et gestion de bases de données. Apprentissage et enseignement en ligne : Cours et formations à distance. Hébergement de contenus en ligne : sites web, images, et textes.
Les fournisseurs étrangers seront tenus de collecter et de reverser la TVA applicable à leurs opérations de vente en ligne effectuées sur le territoire sénégalais. Les intermédiaires, tels que les plateformes numériques, percevant des commissions sur ces transactions, seront également soumis à cette obligation fiscale.
La base imposable sera déterminée selon le chiffre d’affaires réel des fournisseurs non-résidents ou des opérateurs de plateformes numériques étrangères, évaluée en fonction de la contrepartie reçue ou à recevoir. Le taux de TVA au Sénégal est fixé à 18 %, avec une réduction spécifique de 10 % pour le secteur de l’hôtellerie et de la restauration depuis la pandémie de Covid-19.
Cette nouvelle réglementation vise non seulement à accroître les recettes fiscales de l’État, mais aussi à créer un environnement commercial plus équitable entre les entreprises locales et les géants du numérique étrangers. En structurant ainsi l’imposition des activités numériques, le Sénégal aspire à moderniser son système fiscal et à s’assurer que toutes les parties prenantes contribuent équitablement au développement économique du pays.
Les autorités sénégalaises espèrent que cette mesure encouragera également une plus grande transparence et une meilleure gouvernance des transactions numériques, tout en offrant aux consommateurs locaux des services numériques de qualité.
LE SENEGAL PEUT-IL ECHAPPER A LA MALEDICTION DU PETROLE ?
Malgré l’enthousiasme suscité par cet événement historique, la malédiction du pétrole reste un phénomène à prendre au sérieux, surtout dans une sous-région déchirée par l’instabilité.
Le Sénégal vient d’extraire son premier baril de pétrole, un événement qui a fait la une de la presse nationale et internationale. Après plusieurs années d’attente, il entre donc dans le cercle fermé des pays producteurs d’or noir. Malgré l’enthousiasme suscité par cet événement historique, la malédiction du pétrole reste un phénomène à prendre au sérieux, surtout dans une sous-région déchirée par l’instabilité.
Ça y est ! L’opérateur Woodside a annoncé la sortie du premier baril de pétrole tiré du champ de Sangomar. Ce puits prometteur devrait permettre à terme à notre pays d’atteindre une production de 100 000 barils par jour, soit à peu près les mêmes volumes que le Ghana. Une bonne nouvelle pour notre pays touché par une crise économique sans précédent. L’inflation y est galopante. Des projets structurants sont à l’arrêt. Les politiques peinent à résoudre l’équation de l’emploi des jeunes. C’est pourquoi la manne financière qui devrait provenir de l’exploitation de ce pétrole suscite beaucoup d’espoirs au niveau de la population. Une population qui, cependant, devrait prendre garde à la malédiction du pétrole. L’histoire a montré que les zones de production d’hydrocarbures sont souvent déchirées par l’instabilité et une répartition inégale des richesses entraînant souvent des guerres civiles. Voire des guerres tout court. Le Sénégal peut-il échapper à la « maladie hollandaise » ?
Conscientes de la réalité de ce risque, les autorités ont, dès 2018, initié un dialogue national sur la gestion des rentes issues de l’exploitation des hydrocarbures. L’ occasion pour l’ancien président de la République Macky Sall de garantir une gestion inclusive, durable et prudente des ressources. « Cette rencontre a permis un consensus autour de la gestion des recettes issues de l’exploitation du pétrole et du gaz, de promouvoir la transparence et de partager toutes les informations sur le secteur pétrolier et gazier du Sénégal », affirme Dr Seydou Kanté, géopoliticien. Il assure que le Sénégal, à l’instar des pays scandinaves, s’est bien préparé à l’exploitation de son pétrole. « Le Sénégal a pris des mesures anticipatives pour ne pas être surpris par les conséquences négatives de la production de l’or noir, ce que beaucoup de pays n’ont pas fait après la découverte de pétrole. C’est le cas de plusieurs pays en Afrique et au Moyen-Orient », ajoute-t-il.
Prendre conscience des erreurs du passé
Le Sénégal a tiré les leçons des erreurs commises ailleurs en Afrique et dans le monde. Plusieurs pays producteurs de pétrole et/ou de gaz ont sombré dans les abysses de l’instabilité chronique. Selon le chercheur Dr Seydou Kanté, l’implication des acteurs politiques, des autorités religieuses et coutumières, des membres de la société civile et du secteur privé dans la gestion des hydrocarbures est déjà une réussite. C’est d’ailleurs ce qui explique l’adhésion du Sénégal à l’ITIE (Initiative pour la transparence dans les industries extractives) depuis 2013. Cette mesure conservatoire visant à promouvoir la transparence constitue un rempart contre les externalités négatives liées au développement de l’industrie pétrolière, notamment la corruption.
Par ailleurs, la situation géographique des gisements découverts est aussi un facteur essentiel. Les blocs de Sangomar et de Cayar sont des gisements « offshore » (se trouvant en haute mer). Cette particularité permet au Sénégal d’échapper à des revendications autochtones qui se soldent souvent par des rébellions. Une bénédiction le fait que ces hydrocarbures soient off-shore, diront certains spécialistes. Pourquoi ? Si nous prenons une carte des pays disposant de ressources pétrolières « onshore » (se trouvant dans l’espace terrestre), les conflits entre le gouvernement central et les populations vivant aux alentours des gisements sont fréquents. L’instabilité dans le Delta du Niger (Nigeria) et l’enclave de Cabinda (Angola) sont des illustrations parfaites des appétits des populations vivant çà côté des gisements d’hydrocarbures. « L’exploitation du pétrole en mer permet d’éviter les risques de conflits. Les plateformes de forage sont souvent situées dans des zones inaccessibles. Il faut des moyens colossaux pour les attaquer », explique un spécialiste en géopolitique.
Impacts sur les ressources halieutiques
Pour Amadou Diallo, spécialiste en relations internationales, l’inconvénient des plateformes offshore est la limitation de la pêche dans certaines zones. Or, déplore-t-il, « si les ressources halieutiques sont impactées, cela peut créer des frustrations auprès des pêcheurs ». « La pêche est un secteur important de l’économie sénégalaise. Les pirogues sont souvent interdites de s’approcher des plateformes pétrolières », explique-t-il. Cependant, selon lui, vu la répartition géographique des plateformes et l’inclusion des acteurs de la pêche dans le dialogue sur les hydrocarbures, il est fort probable que des mécontentements soient évités.
Par ailleurs, la cohésion sociale prévalant chez nous serait également un atout. Le Sénégal est l’un des rares pays à ne pas sombrer dans les entrailles du communautarisme, souvent à l’origine des conflits ethniques dans plusieurs pays pétroliers. Dès lors, la stabilité du pays est un gage contre la malédiction de l’or noir. Alors qu’une crise post-électorale se profilait au lendemain de la présidentielle de mars 2024, il a su s’appuyer sur ses ressorts pour résoudre ses querelles internes. « Le Sénégal est un pays dont les piliers sont très solides. À chaque crise, il a su se redresser et apprendre de ses erreurs », indique Seydou Kanté.
Aujourd’hui, le pays de la Téranga est convoité pour ses ressources en hydrocarbures. Les vautours rodent autour ! L’instrumentalisation des acteurs non-étatiques à des fins de chantage devient plus que jamais une inquiétude. Conscientes de cette menace, les décideurs ont pris les devants. Comment ? En renforçant l’armée qui a connu une montée en puissance sans précédents ces dernières années en termes d’équipements de pointe notamment des navires lance-missiles et des aéonefs. Les forces de défense et de sécurité restent un solide rempart face aux menaces. La sécurisation des plateformes est plus que jamais un leitmotiv. L’acquisition de patrouilleurs envoie un fort signal aux menaces venant de la mer. L’érection de plusieurs bases à la frontière avec le Mali permet de se prémunir des menaces terrestres. La ceinture de feu n’est pas loin. Des djihadistes surarmés dictent leurs lois dans le nord du Mali. La mise en place du Groupe d’action rapide de surveillance et d’intervention (GARSI) dans les zones frontalières sensibles constitue un tournant majeur dans la lutte contre les menaces transfrontalières. Ces unités d’élite, légères et mobiles, sont conçues pour être polyvalentes afin de contrer les infiltrations. Bref, qu’importent les menaces, le Sénégal reste un pays outillé pour faire face à la malédiction du pétrole ! Nos compatriotes croisent les doigts.
LA RENÉGOCIATION DES CONTRATS EST POSSIBLE A PLUSIEURS CONDITIONS
Alors que l'extraction du premier baril ouvre de nouvelles perspectives, Patrice Samuel Aristide Badji, agrégé des facultés de droit, revient sur les modalités de partage prévues et souligne la complexité d'une renégociation souhaitée par l'Etat
Propos recueillis par Ndeye Aminata CISSE |
Publication 14/06/2024
L’annonce de la production du premier baril de pétrole au Sénégal, mardi dernier, a fait renaitre le débat sur la renégociation des contrats pétroliers dont le souhait a été émis par les nouvelles autorités du pays. Dans cet entretien accordé à Sud quotidien, Patrice Samuel Aristide Badji, agrégé des facultés de droit, est d’avis que cela est bel et bien possible. Selon lui, elle pourra se faire à condition qu’il ait l’acceptation du principe de renégociation par les compagnies pétrolières et gazières ainsi que l’existence, dans le contrat de partage de production, d’une clause de renégociation.
Le Sénégal a obtenu son premier baril du pétrole, quelle lecture vous en faites ?
Cette extraction du pétrole constitue une excellente nouvelle, tant pour l’Etat que pour le peuple. Concernant l’Etat, ladite extraction contribuera à redorer son image auprès des investisseurs car intégrant désormais, grâce à celle-ci, le cercle restreint des pays producteurs de pétrole et de gaz même si beaucoup d’efforts restent encore à faire pour se hisser au même niveau que des géants pétroliers africains tels que le Nigéria et la Lybie. Sur le plan économique, il faudra faire remarquer l’apport considérable du secteur extractif dans le budget général de l’Etat quand on sait que dans le dernier rapport du Comité national ITIE, il a été mentionné que 242, 30 milliards ont été affectés au budget de l’Etat sur les 275, 33 milliards générés. L’intérêt de l’extraction du pétrole pour le peuple n’est plus à démonter d’autant que l’article 25-1 issu de la loi constitutionnelle de 2016 dispose que les ressources naturelles appartiennent au peuple et qu’elles sont utilisées pour améliorer les conditions de vie de celui-ci.
Comment va se faire réellement le partage de cette production ?
Il faudra d’abord préciser que les contrats pétroliers et gaziers en cours de validité au Sénégal sont tous des contrats de recherche de partage et de production. Ensuite, ils sont soumis au Code pétrolier de 1998 qui donne compétence aux parties, d’un commun accord, de fixer les modalités de partage de la production. Pareille conclusion peut être corroborée au regard de l’article 36 du Code pétrolier de 1998 : « Le contrat de partage de production précise conformément aux dispositions de l’article 34 les droits et obligations du titulaire et de l’Etat ou de la société d’Etat, pendant toute sa durée de validité, notamment les conditions de partage des hydrocarbures produits, aux fins de la récupération des coûts pétroliers supportés par le titulaire et de sa rémunération ».
Les nouvelles autorités ont annoncé leur volonté de renégocier les contrats. A votre avis, cela est-il possible en l’état actuel ?
La renégociation des contrats est possible à plusieurs conditions telles que l’acceptation du principe de renégociation par les compagnies pétrolières et gazières ; l’existence, dans le contrat de partage de production, d’une clause de renégociation. Or, il ne semble pas qu’en l’état actuel des choses, nous soyons dans de pareilles hypothèses. Il faudra donc que les nouvelles autorités éclaircissent la lanterne des Sénégalais sur les raisons, les points à renégocier. Ceci étant précisé, faisons remarquer que l’insertion dans les contrats de clause de stabilisation rend ardue la tâche des autorités précitées.
Quels peuvent être les avantages et les inconvénients de cette option de renégociation ?
On pourrait parler d’avantages si l’Etat du Sénégal, réussissait, après avoir démontré le caractère léonin des contrats, à obtenir leur renégociation. Au cas contraire, les inconvénients de l’option en faveur de la renégociation s’apprécieront par exemple dans le fait que les compagnies pétrolières et gazières n’acceptent pas de renégocier ou qu’une renégociation acceptée à la base n’aboutisse pas. Le risque est d’exposer le Sénégal à un contentieux qui, s’il n’est pas réglé à l’amiable, devra être porté devant le Centre international de règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI).
PRèS DE 53,4 MILLIARDS DE FCFA POUR SOULAGER LES MÉNAGES
L’Etat du Sénégal a annoncé hier, mardi 13 juin, la baisse effective des prix des denrées de grande consommation
L’Etat du Sénégal a annoncé hier, mardi 13 juin, la baisse effective des prix des denrées de grande consommation. Une suspension de taxes d’un montant annuel de 53,4 milliards de F CFA a été faite pour soutenir la baisse.
Le gouvernement a décidé de réduire les prix de plusieurs denrées alimentaires de consommation courante, dont le riz, l’huile et le pain, avec une suspension de taxes d’un montant global annuel de 53,4 milliards de francs CFA.
L’annonce a été faite par Al Aminou Lo, ministre secrétaire général du gouvernement qui s’exprimait hier, jeudi 13 juin, lors d’une conférence de presse. Cette décision va entrer en vigueur à la suite d’une réunion des membres du Conseil national de la consommation, qui aura lieu la semaine prochaine. « Après des échanges avec les importateurs et la Compagnie sucrière sénégalaise, il a été décidé d’homologuer le prix du sucre cristallisé à 600 francs CFA, contre 650 jusque-là, soit une baisse de 50 francs CFA. Une baisse de 40 francs CFA est effectuée sur le prix du kilo de riz brisé non parfumé, une denrée fortement consommée par les ménages », a-t-il fait savoir.
Selon lui, le gouvernement veut faire en sorte que le prix du kilo ne puisse pas dépasser 410 francs CFA, concernant le riz de qualité supérieure. Il a annoncé une baisse de 100 francs CFA du prix de l’huile raffinée, la plus consommée par les ménages et vendue dans des bidons de 20 litres. En ce qui concerne le pain, il a été retenu d’opérer une baisse de 15 francs CFA en attendant de poursuivre les échanges avec les meuniers. Selon lui, le prix de la baguette de pain de 190 grammes, la plus commercialisée, passe de 175 à 160 francs CFA. « Le gouvernement a procédé à une suspension de droits de douane et à une baisse de la TVA sur la farine de blé utilisée pour la fabrication du pain, pour réduire ces prix », a-t-il expliqué.
L’État a décidé aussi de suspendre le paiement de la taxe de 2.000 francs CFA sur la tonne de ciment destiné aux constructions à usage d’habitation. « Les grandes entreprises devront continuer à s’acquitter du paiement de cette taxe. C’est à partir de la semaine prochaine que le Conseil national de la consommation va se réunir […] pour fixer les dates à partir desquelles les nouveaux prix homologués entreront en vigueur », a précisé le secrétaire général du gouvernement.
L’ETAT CHERCHE UNE MAITRISE DU MARCHE
Pour une bonne maîtrise du marché et éviter de revivre les échecs des régimes précédents dans ce sens, le gouvernement prévoit la création et le retour de la Société nationale de distribution (SONADIS).
Le peuple l’attendait depuis l’élection du président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, le 24 mars 2024, qui en a fait une de ses priorités. La mesure de baisse des prix des denrées de grande consommation est désormais effective. La nouvelle structure des prix homologués entrera en vigueur dès la semaine prochaine, à l’issue du Conseil national de la consommation. Mieux, pour une bonne maîtrise du marché et éviter de revivre les échecs des régimes précédents dans ce sens, le gouvernement prévoit la création et le retour de la Société nationale de distribution (SONADIS). Histoire de lutter contre l’inflation des produits alimentaires car, l’Etat, en dépit des nombreuses mesures de baisse décidées par les différents régimes, n’a pas une bonne politique de stabilisation des prix.
«Nous devons revenir à une régularisation et une maîtrise des prix. Ce qui se passe sur les prix ne traduit l’acquisition, mais ily a parfois de la spéculation ou des marges importantes. Le gouvernement a décidé, comme mesure d’accompagnement, de mettre la régulation et la maîtrise des prix au centre de tout, par le renforcement du contrôle économique. Pour assurer cette régulation, le gouvernement va revenir au système des magasins témoins dans toutes les localités. Ils vont être mis en place, en impliquant les jeunes et les femmes. Les moins jeunes s’en rappelleront, la SONADIS qui était une société de l’Etat qui parvenait à réguler les prix. Ce n’est pour aller concurrencer, mais faire de l’affichage claire et nette.» Cette déclaration est du Secrétaire général du gouvernement, Ahmadou Al Aminou Lô, qui était en conférence de presse d’annonce des nouvelles mesures pour une baisse du coût de la vie hier, jeudi 13 juin 2024.
L’annonce marque donc une renaissance d’une politique de contrôle des prix et de lutte contre l’inflation initiée au temps du régime socialiste. En effet, la Société nationale de distribution (SONADIS) était une grande chaîne de distribution sous la responsabilité de l’Etat, qui avait un contrôle total sur les coûts. Cette nouvelle baisse annoncée sur les coûts des denrées de première consommation n’est pas une initiative nouvelle. Elle a été décidée par les anciens régimes, sans que l’effectivité ne soit durable.
QUAND LES COMMERÇANTS TORPILLAIENT LES MESURES DU RÉGIME DE MACKY
En septembre 2022, le président de la République, Macky Sall, a présidé les concertations sur la lutte contre la cherté de la vie. A l’issue de celle-ci, plusieurs mesures, pour renforcer le pouvoir d’achat des Sénégalais, ont été décidées. Il s’agit d’accélérer le paiement des compensations financières évaluées à plus de 15 milliards de FCFA dues aux meuniers à titre de subvention et aussi le paiement de la subvention de 30 FCFA le kilogramme sur le riz paddy. Entre autres directives, il a été aussi décidé la suspension des taxes liées aux droits d’assise sur les corps gras appliquées aux importateurs.
Ensuite, le Chef de l’Etat compte ouvrir des négociations avec le gouvernement indien pour les importations de riz. Il a été aussi question de renforcer le contrôle et les moyens matériels, logistiques et humains des services de contrôle du ministère du Commerce pour une plus grande efficacité de ses actions liées à l’application correcte de la réglementation économique. La mise en place d’un numéro vert et d’un système d’information, d’alerte et de suivi des prix, a été recommandée. Tout cela n’a pu régler le problème.
Le régime de Macky Sall, revenant à la charge, a demandé, en février 2024, un bilan des différentes mesures édictées dans le cadre de la lutte contre la vie chère. Le constat étant que la cherté des produits de consommation plombe le pouvoir d’achat des ménages. Les différentes baisses se sont toujours heurtées au manque de coopération de commerçants qui ne respectent pas les règles établis.
DE LA SONADIS A «EASY BOUTIQUE»
Auparavant, son prédécesseur, le président Me Abdoulaye Wade, face à la crise économique mondiale entrainant la rareté des produits et la flambée des prix, en plus de projets importants dans l’agriculture pour nourrir le Sénégal, a lancé l’idée de magasins témoins pour soulager les populations. Il s’appuiera, pour cela, sur le Groupe Comptoir commercial Bara Mboup (CCBM) pour mettre en place ces magasins de référence dénommés «Easy boutique», en août 2008. Faisant alors l’affaire des populations de plusieurs quartiers et alentours où ils étaient implantés, ces magasins de référence n’auront pas résisté au temps. Déjà, après l’indépendance, alors que les grandes compagnies, les comptoirs commerciaux et les maisons de commerce coloniaux cherchaient leur nouvel équilibre en se spécialisant notamment dans le commerce des véhicules, des machines et des appareils, devenant des boutiques de luxe, il sera créé la SONADIS (à la suite de SOSECOD en 1961), à l'initiative de la SCOA, avec un capital de 50 millions, souscrit à concurrence de 23% par la SCOA et 77% des actions étant réservées à environ sept cents (700) commerçants sénégalais. La Société nationale de distribution (SONADIS), en plus des nouveaux quartiers de Dakar, avait des magasins installés un peu partout dans le pays, jusque dans les grands villages polarisant plusieurs autres petits hameaux dans le monde rural. Des denrées alimentaires et de grandes consommations aux fournitures scolaires, etc. les magasins de la SONADIS offrait une multitude de services à des prix défiant toutes concurrences aux populations des zones qu’elles couvraient. Conformément à l’idée qui a motivé la création, après l’indépendance du Sénégal, par l’Etat, de la SONADIS : mettre en place un service de proximité. Cette société faisait la fierté de la population sénégalaise, jusque vers les années 1990. Reste à voir si le retour et l’opérationnalisation du modèle SONADIS, préconisé par les nouvelles autorités, permettra une régulation des prix.
LES JEUNES REPORTERS RÉCLAMENT LA MISE SOUS CONTRÔLE JUDICIAIRE DES ENTREPRISES DE PRESSE PEU SCRUPULEUSES
L'organisation dénonce le non-paiement des salaires des travailleurs à l'approche de la Tabaski. Elle regrette l'utilisation par certains patrons de presse de « leur situation fiscale comme subterfuge pour se dérober de leurs obligations légales »
La Convention des jeunes reporters du Sénégal (CJRS) monte au créneau pour réclamer la mise sous contrôle de la justice des entreprises de presse qui ne respectent pas leurs obligations envers leurs employés. Dans un communiqué cinglant publié ce jeudi 13 juin 2024, l'organisation dénonce le non-paiement des droits des travailleurs des médias à l'approche de la Tabaski et exige l'application des procédures prévues par le droit du travail. Celles-ci prévoient notamment qu'une «quand une entreprise n'arrive plus à honorer ses obligations envers ses créanciers y compris les travailleurs, elle doit être soumise à une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens», rappelle la CJRS dans le texte ci-dessous.
"La Convention des Jeunes Reporters du Sénégal (CJRS) constate avec une très grande désolation l'attitude irrespectueuse des entreprises de presse à l'égard de leurs personnels. Cette situation est d'autant plus désolante et grave qu'elle intervient en cette veille de fête de la Tabaski qui est très importante pour ces pères, mères et soutiens de familles.
La CJRS trouve dommage que certaines entreprises de presse utilisent leur situation fiscale comme subterfuge pour se dérober de leurs obligations légales envers les journalistes et techniciens des médias. Il est temps que les autorités, au-delà de la fiscalité, insistent sur le nécessaire respect des droits des travailleurs. Conformément aux dispositions pertinentes du droit HADA, en particulier de l'acte uniforme portant Code des procédures collectives, quand une entreprise n'arrive plus à honorer ses obligations envers ses créanciers y compris les travailleurs, elle doit être soumise à une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens.
L'Etat n'a pas le droit de laisser ce statuquo perdurer au détriment des travailleurs. Si l'objectif est vraiment de faire respecter la loi, il n'a qu'à aller jusqu'au bout de la logique.
La CJRS demande également à l'autorité de veiller au respect strict du Code de la presse sur les conditions relatives à la gouvernance transparente des entreprises de presse, condition sine qua non pour des entreprises viables et une meilleure administration de l'appui au secteur de la presse.
Enfin, la CJRS appelle les patrons de presse à revenir à la raison en respectant scrupuleusement la législation en matière de droit du travail."
AIBD, GROGNE DES TRAVAILLEURS APRÈS LA RÉDUCTION DES AVANTAGES DES CADRES
Peu après sa prise de fonction, le nouveau DG Cheikh Bamba Dieye a instauré une série de mesures notamment la réduction des avantages des cadres, qui inclut des coupes dans les primes de transport et de nourriture.
La grogne s’installe au sein de l'AIBD. En effet, la récente réduction des avantages notamment des cadres a déclenché une vague de mécontentement parmi les travailleurs de l’entreprise, et les murmures de mécontentement se transforment peu à peu en un grondement sourd.
Peu après sa prise de fonction, le nouveau DG Cheikh Bamba Dieye a instauré une série de mesures notamment la réduction des avantages des cadres, qui inclut des coupes dans les primes de transport et de nourriture. « Nous avons été mis devant le fait accompli. Ces avantages étaient essentiels pour compenser notre charge de travail et les responsabilités que nous assumons », déclare un cadre sous couvert d’anonymat.
Même son de cloche, chez certains syndicalistes. « C’est une attaque frontale contre les droits acquis des travailleurs. Nous demandons à la direction de revenir sur ces décisions et d’engager un dialogue constructif avec les représentants des employés », affirme un leader syndical. Selon lui, les syndicats ont été ignorés dans le processus décisionnel.
La grogne monte également chez les cadres, qui se sentent particulièrement visés par ces réductions. Ils estiment que ces avantages, acquis lors des gestions précédentes, répondaient à une volonté de mettre aux normes les rémunérations au sein de AIBD avec ce qui se fait à l’échelle internationale.
« Certains avantages ont été mis en place afin d’attirer les meilleurs cadres sénégalais spécialistes du domaine aéronautique et éparpillés dans les aéroports du monde. Il est inadmissible depriver de ces bénéfices ces experts sans aucune consultation préalable. C’est un manque total de respect pour leur travail et leur parcours », ajoute un autre cadre. Selon des sources internes à l’entreprise, ces mesures viseraient à rationaliser les coûts de l’entreprise en réponse à un contexte économique tendu.
En attendant, le mécontentement continue de croître dans les couloirs de AIBD SA, et le climat social n’est pour l’instant pas propice à la sérénité gage de performances.
LA COLÈRE GRONDE À EMEDIA
Depuis des mois, les salaires ne sont pas payés, selon les travailleurs. Et l'annonce du non-versement d'une avance Tabaski fait déborder le vase. La grogne est maximale au sein du groupe de presse
(SenePlus) - Les tensions sont vives au sein du groupe de presse Emedia Invest. Dans un communiqué incendiaire, le Syndicat des travailleurs a dénoncé avec véhémence les conditions de travail dégradantes et le non-paiement des salaires depuis des mois.
Citant le secrétaire général du Synpics-Emedia, le texte rappelle que "des travailleurs courent encore et toujours derrière leur salaire des mois d'avril et de mai. On ne parle plus de retard de salaires. Mais plutôt d'arriérés de salaires."
Cette situation perdure depuis plus de trois ans selon le Syndicat, qui s'insurge : "Ces pères, mères et responsables de familles peuvent se passer d'avances s'ils recevaient correctement leur dû à la fin de chaque mois."
Le point de discorde est l'absence d'avance sur salaire pour la fête de Tabaski, annoncée plus tôt dans la journée par la Direction dans un communiqué. Celle-ci a évoqué "les difficultés que traverse l'entreprise en ce moment" avec "la rareté de la ressource, les aléas du recouvrement et l'affaiblissement de nos marges opérationnelles."
Mais pour les délégués syndicaux, c'est une diversion qui occulte le véritable problème : "Qui a demandé cette avance ? Diversion !" Le Syndicat campe sur sa ligne de conduite : "Nous ne cessons de le rappeler : le salaire est avant tout une question de dignité."
L'avenir s'annonce des plus orageux pour la Direction générale d'Emedia Invest, qui dit espérer "une rapide inversion des circonstances". Mais les travailleurs, eux, réclament avec force le paiement des arriérés de salaires accumulés, conformément au droit du travail.
Cette crise met en lumière les défis de la presse privée au Sénégal, souvent confrontée à des tensions de trésorerie malgré son rôle essentiel dans une démocratie viable. Elle intervient dans un contexte de forte tension entre l'État et les organes de presse à propos de la dette fiscale.
par Mohamed Lamine Ly
VERS UN RENOUVEAU DÉMOCRATIQUE ?
Retour sur une crise politique majeure ayant agité le pays, lorsque Macky Sall a tenté d'annuler les élections, défiant ainsi le Conseil constitutionnel. Une situation inédite finalement dénouée par la victoire d'une alliance prônant la rupture
Le 24 mars 2024 s’est tenue au Sénégal une élection présidentielle, dont l’issue présage de bouleversements sociopolitiques majeurs sur la scène politique africaine. En effet, des forces politiques prônant la rupture effective d’avec le système néocolonial françafricain ont réussi à accéder au pouvoir, de manière tout à fait légale et pacifique, en se conformant aux préceptes de la bonne vieille démocratie bourgeoise, qui s’avère, malgré tout, impropre à parachever la libération des classes exploitées et des peuples opprimés.
Le Sénégal, grâce au dynamisme de sa classe politique et à son implication précoce dans la vie institutionnelle de la métropole française, a toujours eu une longueur d’avance dans la pratique de cette démocratie de type occidentale, (abstraction faite de la lugubre parenthèse de la glaciation senghorienne), ce qui lui a même valu, une réputation surfaite de vitrine démocratique au niveau du continent africain.
Un pays aux traditions démocratiques mais inféodé à l’Occident
Il faut, quand même, reconnaître, que les traditions démocratiques au Sénégal et plus généralement, dans notre sous-région, remontent à la période précoloniale, avec une révolution politique[1] anti-esclavagiste, antérieure à la celle française, sans parler de la Charte du Mandé[2], contemporaine, voire antérieure à la Magna Carta (1215), considérée par certains comme la matrice des droits de l’Homme dans le monde, adoptée bien avant le Bill of Rights de 1689 en Angleterre, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Par ailleurs, dès le début du 19ième siècle, des représentants de la colonie du Sénégal seront envoyés dans les institutions parlementaires françaises à l’issue de compétitions électorales très disputées.
Le premier président sénégalais, Léopold Sédar Senghor, poète, chantre de la négritude, voulait faire de son pays, la Grèce de l’Afrique Noire et défendait une thèse plaçant la culture – et non l’économie – au début et à la fin de tout développement.
Sa francophilie débordante l’empêchait de se rendre compte de la pesante tutelle néocoloniale de l’ancienne métropole et allait être à l’origine du premier conflit politique du Sénégal indépendant., en 1962.[3]
Après la mise à l’écart de Mamadou Dia, la voie était ouverte pour la perpétuation de la mainmise de la France, sur l’économie sénégalaise et celles de plusieurs pays de l’ancienne Afrique Occidentale Française, à travers leur système monétaire basé sur le franc CFA. Sur le plan politique, on a également noté une hantise de la France, à vouloir maintenir ses anciennes colonies dans la sphère d’influence du monde occidental.
Pour consolider son pré-carré en Afrique subsaharienne, la France mit en place, dès 1960, un secrétariat général à la présidence de la République pour les affaires africaines et malgaches[4] dirigé par le puissant Jacques Foccart, personnage central d’une politique plus connue sous le vocable de Françafrique, ayant à son actif, outre le sabotage de monnaies nationales[5], des exécutions extra-judiciaires ou des putschs militaires.
Cela va avoir des répercussions sur la vie politique des jeunes nations africaines, surtout, à cette époque de guerre froide entre les puissances occidentales regroupées autour des Etats-Unis et le camp socialiste dirigé par l’Union Soviétique d’alors. Elle était caractérisée par la diabolisation des forces progressistes, selon le modèle du mccarthysme[6] étatsunien, de triste mémoire, avec un ostracisme marqué à l’endroit des partis proches de la mouvance communiste, victimes d’interdiction administrative ou combattus par une répression féroce, pouvant par endroits, aller jusqu’à la lutte armée (Cameroun). De plus, les dirigeants du monde occidental, convaincus que la démocratie représentative pluraliste ou multipartisane était un « luxe pour les pays africains » confrontés aux affres du sous-développement, imposèrent le modèle du parti unique ou unifié.
Ce mode de gouvernance autoritaire allait être à l’origine d’une floraison de coups d’Etat[7], qui devenaient, par la force des choses, la seule voie de résolution des dissensions politiques ou d’accès au pouvoir.
Après la chute du mur de Berlin en 1989, il devenait urgent, pour le camp occidental, revigoré par l’effondrement inattendu du camp socialiste ennemi, de canaliser – à défaut de pouvoir la contrecarrer - l’aspiration universelle des peuples au progrès social et à la liberté.
Le 20 juin 1990 constitue une date repère dans le cadre d’une nouvelle approche stratégique esquissée dans le discours de la Baule du président François Mitterrand[8]. Il y appelait les pays africains à changer de paradigmes, du moment que la menace communiste semblait s’estomper.
Jusque-là, les critères décisifs de soutien aux pays africains étaient la préservation de régimes hostiles au camp socialiste pour faire perdurer la domination économique de l’impérialisme occidental, tout en garantissant la sécurisation des approvisionnements en matières premières. Après le sommet de la Baule, il allait, dorénavant, falloir prendre en compte, le respect des mythes et leurres occidentaux en matière de droits humains et de démocratie, tels que serinés à leurs opinions publiques. Les régimes de parti unique, furent obligés de se plier aux exigences des puissances occidentales, de suivre l’exemple du Sénégal, qui avait pris les devants[9], par l’acclimatation de la démocratie représentative libérale dans leurs pays, dans le souci de préserver la paix civile, tout en laissant intacts les rapports de domination impérialiste.
Apogée du modèle démocratique sénégalais
Le Sénégal, un des rares pays africains à n’avoir pas connu de coup d’état militaire, avait amorcé, très tôt, sa mutation démocratique, après la longue décennie d’hibernation démocratique consécutive à la crise politique entre Senghor et Mamadou Dia (voir plus haut).
En 1980, le président Léopold Sédar Senghor démissionnait de sa fonction, ne supportant plus la pression de syndicats et partis de gauche, puis il faisait de son premier ministre, son dauphin, lui cédant le fauteuil présidentiel, par la grâce d’un artifice tordant le cou aux dispositions constitutionnelles[10].
Le président Abdou Diouf allait rester aux commandes de l’Etat sénégalais pendant deux décennies, durant lesquelles, deux tendances contradictoires allaient voir le jour. On assista d’une part à un élargissement relatif des espaces politiques et citoyens (multipartisme intégral, émergence de plusieurs syndicats autonomes, pluralisme médiatique…) et de l’autre à une libéralisation débridée des politiques publiques, à travers les plans d’ajustement structurel, selon le mot d’ordre « moins d’Etat, mieux d’Etat ».
Grâce à la lutte soutenue du mouvement national démocratique, on assista à une fiabilisation progressive du processus électoral (identification de l’électeur, secret du vote, fichier mieux maîtrisé…), permettant la survenue de la première alternance démocratique, le 19 mars 2000. Elle avait pour ambition de résoudre l’épineuse question de la demande sociale exacerbée par les plans d’ajustement structurel, du précédent régime socialiste, mais surtout d’approfondir le processus démocratique, en procédant à un rééquilibrage institutionnel et en mettant fin à l’excès de concentration de pouvoirs entre les mains du président de la République. Malheureusement, le président Wade, au lieu de démanteler le système hyper-présidentialiste, allait plutôt augmenter ses prérogatives dans la nouvelle constitution votée lors du référendum du 7 janvier 2001.
Une deuxième alternance sans véritable rupture
En 2012 survint la deuxième alternance démocratique sénégalaise, grâce à la victoire de Macky Sall au deuxième tour des présidentielles sur le président Wade, sanctionné à cause de ses dérives autocratiques. En effet, non content de violer la disposition constitutionnelle de limitation des mandats à deux, il faisait montre de velléités de dévolution monarchique du pouvoir à son fils Karim Wade. Pour contrebalancer la jeunesse et l’immaturité de sa formation politique, l’Alliance Pour la République, le nouveau président était convaincu, que la condition sine qua non de la survie de son nouveau régime était la mise en place d’une vaste Coalition, selon la devise "gagner ensemble et gouverner ensemble".
De fait, la collusion d’intérêts allait conférer à Benno Bokk Yakaar[11] une longévité aussi démesurée que néfaste et en faire l’une des Coalitions les plus massives et les plus unanimistes de l’histoire politique du Sénégal.
On se rendit très vite compte, que le nouveau pouvoir n’avait aucune intention de procéder aux réformes démocratiques consignées dans les conclusions des Assises nationales[12], dans le projet de nouvelle constitution et dans les autres recommandations de la C.N.R.I[13], visant aussi bien à améliorer la gouvernance sociopolitique qu’à instaurer l’équilibre et la séparation des pouvoirs.
Plongée dans les abysses de l’autoritarisme
La gouvernance de la coalition Benno Bokk Yakaar, sous le leadership du président Macky Sall va être marquée par :
La découverte de gisements de gaz et de pétrole, laissant augurer de rentrées de recettes significatives, à l’horizon 2025-2026,
La judiciarisation de la scène politique, ainsi que la criminalisation des acteurs politiques de l’Opposition, abusivement caractérisés comme terroristes,
L’accentuation de l’instrumentalisation des institutions parlementaire et judiciaire, conduisant à des tripatouillages récurrents des textes de lois, voire de la Constitution et à l’embastillement de milliers de militants politiques et d’activistes…
Ces dérives autoritaires allaient se heurter à la résistance de la jeunesse sénégalaise qui, ces dernières années, a été touchée par une lame fond anti-impérialiste cherchant à rompre les amarres avec les anciennes puissances coloniales, particulièrement la France. Cette aspiration au changement est incarnée par plusieurs entités politiques, dont la plus représentative, actuellement, est le Pastef[14], victime d’une persécution impitoyable et catalogué comme ennemi public numéro 1 du régime de Macky Sall. De fait, cette formation politique, qui cristallise les espoirs de larges secteurs de la jeunesse sénégalaise, avait été interdite, le 31 juillet 2023, trois jours après l’embastillement de son leader Ousmane Sonko, qui avait rejoint en prison des centaines de militants de son parti.
Il faut dire que la mise aux arrêts de M. Ousmane Sonko était l’aboutissement d’un long feuilleton politico-judiciaire ayant débuté en février-mars 2021, en pleine crise de la Covid-19. A l’époque, le leader du Pastef était au centre d’une affaire de mœurs avec des accusations de viol proférées par une jeune masseuse. La tentative des autorités judiciaires de l’envoyer en prison, alors que le dossier donnait tout l’air d’avoir été fabriqué de toutes pièces, (il allait d’ailleurs être acquitté le 1er juin 2023, des chefs d’accusation de viol et de menace de mort), allait déclencher des émeutes meurtrières, qui paradoxalement allaient booster la carrière d’Ousmane Sonko, arrivé troisième à l’élection présidentielle du 24 février 2019 et favori incontestable de celle de 2024. C’est bien pour cela, qu’il sera arbitrairement évincé de la compétition électorale et que le Pastef sera obligé de désigner son camarade de parti, Bassirou Diomaye Faye, comme candidat de substitution.
Le putsch constitutionnel du 3 février 2024
Au début du mois de février 2024, le Sénégal était sous les feux de la rampe, a occupé le devant de la scène médiatique et fait la Une des plus grands journaux internationaux. Le 3 février, le président Macky Sall a pris, quelques heures avant l’ouverture de la campagne électorale, un décret pour annuler la convocation du corps électoral, actant ainsi le report sine die de l’élection présidentielle, une première depuis plus de 60 ans.
Tout est parti de la contestation, par plusieurs candidats à la prochaine présidentielle, du processus de validation des candidatures, qui avait donné lieu à beaucoup de controverses liées essentiellement au flou entourant l’évaluation des résultats du parrainage citoyen[15], mais aussi à l’élimination de la course présidentielle de deux candidats ayant plus d’une nationalité[16], dont le fils de l’ancien président Abdoulaye Wade.
Deux jours plus tard, une majorité de députés va voter une loi pour reporter l’élection présidentielle au 15 décembre 2024. Mais un autre rebondissement spectaculaire allait se produire, le 15 février, quand le Conseil constitutionnel, la plus haute instance judiciaire de notre pays a désavoué le président de la République et les députés de la majorité ainsi que ceux du parti démocratique sénégalais. Le juge électoral suprême avait notamment rejeté, d’une part, le décret présidentiel n°2024-106 du 3 février 2024, portant abrogation du décret convoquant le corps électoral pour l’élection présidentielle du 25 février 2024 et de l’autre, de la loi portant dérogation aux dispositions de l’article 31 de la Constitution, adoptée sous le n° 4/2024 par l’Assemblée nationale, en sa séance du 5 février 2024.
Dénouement pacifique de la crise politique
Au lieu de se plier aux injonctions du Conseil constitutionnel, le président allait se lancer dans une fuite en avant, en convoquant un prétendu dialogue national, le 26 février 2024, à Diamniadio[17]. Mais ce dialogue aussi illégal qu’illégitime, cherchait à repousser la date du scrutin de plusieurs mois, au lieu de fixer – dans les meilleurs délais - une nouvelle date pour l’élection présidentielle, seule voie de résolution de la crise politique profonde et inédite, qui mettait à mal le modèle démocratique sénégalais.
C’était sans compter avec la détermination du Conseil constitutionnel à faire respecter les dispositions de la loi électoral en sortant une décision en date du 5 mars 2024 et rendue publique le lendemain. Dans celle-ci, la feuille de route issue des travaux du prétendu dialogue national et qui proposait de remanier la liste des candidats et de reporter l’élection présidentielle au 2 juin 2024, a été rejetée, sans autre forme de procès, car elle aurait eu pour conséquence, de prolonger le mandat du président Sall, au-delà du 2 avril. C’est finalement la date du 24 mars 2024 qui sera retenue. Face à l’inéluctabilité de la victoire du candidat Bassirou Diomaye Faye, attestée par d’innombrables sondages, il ne restait plus au président Macky Sall, inquiet pour son propre devenir et celui de ses proches, qu’à faire voter, le 6 mars 2024, une loi d’amnistie et à faire libérer, la semaine suivante, les centaines de militants Pastef arbitrairement détenus. Parmi ces derniers figuraient le candidat officiel et le président d’un parti en pleine ascension, un parti, qu’on avait fini par dissoudre[18], en invoquant les motifs les plus fallacieux, ce qui ne s’était plus produit depuis le début des années 60.
La réalité des faits démentait formellement cette mesure administrative de dissolution du Pastef, qui pouvait être considéré comme un des partis les plus dynamiques, les mieux structurés, ayant de remarquables capacités en termes de mobilisation de ressources internes. De plus, il a joué les premiers rôles, fait preuve de résilience, de constance et a payé un lourd tribut dans cette confrontation politique épique avec le régime du Benno-APR, dont il a mis à nu les tares que sont la mal-gouvernance illustrée par de multiples scandales à répétition et le soutien à la dépendance néocoloniale.
C’est donc, en toute logique, que le « duo présidentiel » Sonko-Diomaye du Pastef auréolé d’un parcours prestigieux voire héroïque, a remporté l’éclatante victoire électorale du 24 mars 2024 acquise, dès le premier tour, en devançant le candidat de Benno, son adversaire et suivant immédiat de près de 20 points.
[1] La révolution torodo de Thierno Souleymane Baal
[2] La charte charte du Mandé est la transcription du contenu oral, qui remonterait au règne du premier souverain Soundiata Keita qui vécut de 1190 à 1255.
[3] Il s’agissait d’un conflit ouvert entre le président Senghor bénéficiant de milieux d’affaires de la métropole et le président du Conseil, Mamadou Dia, réputé être plus nationaliste. La crise conduisit à l’emprisonnement de Dia, pendant une douzaine d’années
[4] Elle deviendra, plus tard, la cellule africaine de l’Elysée
[5] Dans le cadre de l’opération « Persil », les services secrets français introduisent, en Guinée, une grande quantité de faux billets de banque guinéens dans le but de déséquilibrer l’économie.
[6] Politique de persécution menée aux Etats-Unis, dans les années 1950, à l’encontre de personnalités soupçonnées d’avoir des sympathies communistes.
[7] Le Sénégal faisait figure d’exception, car n’ayant jamais connu de putsch militaire et ayant reconnu en 1974, le premier parti d’opposition
[8] François Mitterrand, président de la France d du 21 mai 1981 au 17 mai 1995
[9] Au Sénégal, Senghor reconnaît le premier parti d’opposition en 1974 et instaure le multipartisme limité en 1976, qui deviendra intégral en 1981, à l’accession d’Abdou Diouf à la magistrature suprême
[10] L’article 35 al2 (loi constitutionnelle n° 76-27 du 6 avril 1976) stipulait, qu’en cas de vacance du pouvoir, le premier ministre –Mr Abdou Diouf, en l’occurrence, termine le mandat présidentiel
[11] Benno Bokk Yakaar, abrégé en BBY (Unis par l'espoir), est une coalition politique sénégalaise fondée en 2012 par le parti de l’Alliance pour la République (APR), en soutien au président Macky Sall.
[12] Les Assises nationales du Sénégal ont rassemblé, entre le 1er juin 2008 et le 24 mai 2009, de nombreux acteurs de la vie publique, représentants de partis politiques, de la société civile et personnalités diverses. Elles avaient pour ambition de « trouver une solution consensuelle, globale, efficace et durable à la grave crise multidimensionnelle qui sévit dans le pays »
[13] Commission nationale de réforme des institutions : structure mise en place par le Président Sall, à la suite des Assises nationales, visant à organiser une large concertation nationale sur les réformes à mettre en œuvre à court, moyen et long terme, pour doter le pays d’une armature institutionnelle moderne, à la mesure de son ambition de devenir et de rester une grande nation de démocratie.
[14] Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (Pastef) est un parti politique sénégalais fondé en 2014 par Ousmane Sonko.
[15] Le parrainage électoral, institué par la loi constitutionnelle n°2018-14 du 11 mai 2018, est un mode de présélection des candidats par des électeurs (dont le nombre est compris entre 0,6% et 0,8% du fichier électoral), qui signent des fiches de parrainage.
[16] Les candidats Karim Wade et Rose Wardini ont été éliminés de la liste des candidats, car selon la Constitution de notre pays, tout candidat à la Présidence de la République doit être exclusivement de nationalité sénégalaise.
[18] Le parti politique dénommé « Patriotes du Sénégal pour le Travail, l'Ethique et la Fraternité » (PASTEF) a été dissous par décret n° 2023-1407 pour manquement à ses obligations en vertu de l'article 4 de la Constitution et de l'article 4 la loi n°81-17 du 06 mai 1981 relative aux partis politiques, modifiée par la loi n° 89-36 du 12 octobre 1989.
par Abdou Gueye
QU’ATTENDRE DE L’ARRIVÉE DU FIRST OIL ?
Une analyse fine des dépenses déclarées comme "coûts pétroliers" s'impose pour éviter tout déséquilibre préjudiciable aux intérêts du Sénégal
En Afrique, les industries extractives (IE) présentent des enjeux et défis particuliers tant pour les Etats fragiles que pour les nations en voie de développement[1]. Selon Augé (2014), un Etat qui fait des découvertes pétrolières ou gazières aura de grandes difficultés de gestion sur le long terme si le même régime politique décide de tout et qu’aucune alternance n’est possible[2]. Aujourd’hui l’alternance est encore offerte au Sénégal, avec l’arrivée d’un nouveau régime dirigé par le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye, âgé de 44 ans.
Faudrait-il rappeler que c’est après 72 ans de recherche pétrolière que le Sénégal vient de sortir son premier baril de production dans le gisement offshore de Sangomar dirigé par Woodside Energy avec 82% des parts d’investissement et Petrosen 18%. Face à ce contexte, la question principale à poser est la suivante : quels enjeux et défis pour le pays ?
Le Premier ministre actuel ne peut pas être exclu de la réflexion vu son intérêt majeur pour la souveraineté nationale et énergétique. En 2016, nous nous sommes rencontrés à Saly pour discuter sur les contrats pétroliers à l’occasion d’un atelier organisé par Oxfam Sénégal. En 2017, une occasion est offerte par Pape Alé Niang, pour son émission « Décryptage » à l’époque sur 2STV avec la participation du président actuel du Sénégal, monsieur Bassirou Diomaye Diakhar Faye, pour encore aborder les contours des contrats pétroliers avec d’autres groupes d’acteurs. Les propos avancés justifient les enjeux que représentent le développement des projets pétroliers au large du Sénégal.
Ainsi, 10 ans après ces découvertes d’hydrocarbures, le grand public se pose toujours des questions pour comprendre quel serait l’impact de ces projets pétroliers sur la vie des sénégalais notamment les pollutions environnementales, les conflits et l’avenir du secteur de la pêche notamment artisanale.
Le dimanche 9 juin 2024, le chef du gouvernement, monsieur Ousmane Sonko, lors de la conférence politique de son parti est revenu sur la volonté de l’Etat de renégocier les contrats pétroliers. Cette volonté manifeste du leader de Pastef mais aussi du chef du gouvernement est-elle réaliste ? si Oui, quels sont les risques et les avantages ? Ces questions formulées nous poussent à encore à poser d’autres questions pour comprendre davantage à qui profite les projets pétroliers au Sénégal ? Doit-on renégocier les contrats ? Si Oui, qu’est-ce qu’il faut spécifiquement renégocier ?
Selon les termes du contrat de Sangomar, l’Etat bénéficiera de 20% des parts si la production journalière est inférieure ou égale à 100 000 barils/jour. Alors que dans la communication de l’Opérateur principal, une production journalière de 100 000 barils/jour est attendue pour le gisement de Sangomar. Si cette pratique est appliquée sera-t-elle profitable à l’Etat dans le moyen ou le long terme ? La part des 20% sur le profit oil est-elle rentable pour le Sénégal ? La grille de répartition sur la production journalière devrait-elle faire l’objet de renégociation ?
Certes, une correction de cette logique est apportée dans le nouveau code pétrolier de 2019 pour faire appliquer le facteur « R ». Au niveau du profit oil, l’Etat ne peut plus avoir moins de 40%. Ceci sera applicable pour les contrats futurs. Existera-t-il une autre découverte d’hydrocarbure dans le bassin sédimentaire sénégalais ? Cette incertitude devrait amener le nouveau régime à se concentrer davantage sur l’existence marquée par son potentiel de réserves.
Nous rappelons que la renégociation des contrats dans les projets extractifs n’est pas un phénomène nouveau et c’est toujours possible quand un nouveau régime s’installe. En guise d’exemple, le Libéria peut être cité comme un cas d’école. Selon Raja Kaul et Antoine Heuty, le gouvernement de la présidente Ellen Johnson Sirleaf a effectué une régociation des contrats extractifs entre 2006 et 2008. De même, Paul Seagel, souligne que le Liberia disposait de 102 contrats extractifs, avant l’arrivée du nouveau régime. Une fois l’installation du gouvernement les 52 ont été acceptés, les 36 annulés et les 14 renégociés. Et maintenant quelle leçon à tirer pour le Sénégal ?
Par rapport au principe coût-avantage d’un projet, des inquiétudes se posent déjà du côté des projets pétroliers. Dans la négociation des contrats, nous avons l’impression que les externalités négatives ne sont pas bien prises en compte et cela ne sera pas profitable au pays hôte. Le milieu marin offre un cadre approprié pour bénéficier des ressources renouvelables et non renouvelables. Un manque à gagner sera certainement constaté dans le secteur de la pêche maritime. De même, le prêt obtenu par le gouvernement du Sénégal en 2018 dans le cadre de l’Assistance technique sera-t-il déductible dans les coûts pétroliers ? Ce projet a permis de réaliser une évaluation environnementale et sociale stratégique et d’autres études stratégiques mais aussi le renforcement des capacités du personnel de l’administration. A cet effet, la question est la suivante : comment ce prêt sera remboursé et avec quelle ressource et quel moyen ? Par contre, les dépenses effectuées pour réaliser les études d’impact environnemental et social des projets pétroliers sont considérées comme des coûts pétroliers. Je veux juste préciser que la balance sur le « cost oil » et le « profit oil » doit être équilibrée pour permettre aux deux parties (Etat & Contractant-s) de garder les mêmes avantages sur le partage des ressources.
Face aux défis, le président de la République et le Premier ministre devraient inviter le gouvernement à se préparer pour aller vers des modèles de transformation structurelle et durable des secteurs productifs du pays. Mais avant d’y arriver, ils devraient inviter au ministre de l’Energie, du Pétrole et des Mines, Birame Souleye Diop d’effectuer une revue critique sur les dépenses liées au « cosl oil » pour savoir concrètement qu’est-ce qui est considéré dans le « cost oil » afin de pouvoir réduire les risques liés à l’exagération financière dans les dépenses liées aux projets pétroliers. Généralement le « cost oil » est souvent associé à des termes complexes et techniques comme : explo, opex, capex ; abex etc. Mais en réalité qu’est-ce cela représente ?
Le président de la République est attendu pour que la ressource et la rente renforcent davantage les pratiques du secteur primaire (agriculture, élevage et pêche). Il se doit de : veiller rigoureusement sur la protection des intérêts du secteur de la pêche artisanale. De mettre en place des mécanismes pour la prévention et la gestion des conflits. De renforcer la dynamique de recherche pour connaitre davantage le milieu récepteur et surtout de diversifier l’économie pour éviter le syndrome hollandais et la malédiction des ressources extractives.
Dr. Abdou Gueye est Environnementaliste spécialisé en gouvernance des industries extractives.
[1]Groupe interagence des nations unies pour les actions préventives (2012). Guide pratique pour la préservation et la gestion des conflits liés à la terre et aux ressources naturelles : Industrie extractives et conflits. 52p.
[2]Benjamin AUGÉ (2014) Chercheur à l’INSTITUT FRANCAIS DES RELATIONS INTERNATIONALES (IFRI)/Programmes Afrique subsaharienne/ Energie. Cours sur la géopolitique des activités extractives. 90p.