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5 avril 2025
Femmes
MISS ALGÉRIE 2019 : MAIS POURQUOI TANT DE HAINE?
Khadidja Benhamou est la nouvelle Miss Algérie. Originaire du sud du pays, elle a une peau plus foncée. Une différence qui lui a valu une déferlante de messages racistes.
Depuis le 4 janvier dernier, une polémique autour de la nouvelle Miss Algérie fait rage sur les réseaux sociaux. La raison : Khadidja Benhamou, 19 ans, élue Miss Algérie 2019, aurait une couleur de peau trop foncée et serait ainsi trop « noire ». Face à la montée des commentaires haineux et racistes, la nouvelle Miss a décidé de réagir. « Je ne regarde pas les réseaux sociaux. Que Dieu montre le chemin à ceux qui me critiquent et préserve ceux qui m'encouragent », a-t-elle ainsi répondu à ses détracteurs, qui se sont acharnés sur la couleur de sa peau.
-QUE S'EST-IL PASSÉ-
C'est la première fois depuis la création de la compétition dans les années 1980 qu'une candidate originaire du sud-ouest du pays remporte l'écharpe. Originaire de la région de l'Adrar, située à quelque 1 400 km d'Alger, la capitale, Khadidja Benhamou travaille comme hôtesse dans un grand restaurant de la capitale. Élue Miss Algérie 2019 face à treize autres candidates lors d'un gala au théâtre national Mahieddine Bachtarzi d'Alger, elle est depuis lors victime de publications et commentaires racistes sur les réseaux sociaux algériens. Sa peau noire dérange des internautes qui se disent « choqués du choix du jury ». Plus virulentes que l'année dernière où les internautes n'avaient pas non plus appréciés le choix de la gagnante, une reine de beauté blonde aux yeux bleus, les critiques de cette année s'attaquent à la couleur de la peau, mais aussi, à la texture des cheveux de la jeune femme jugée pas assez lisse et donc trop crépu. En réalité, Khadidja Benhamou doit affronter deux problématiques majeures : le colorisme et la négrophobie. Dans les messages qu'on lit, Miss Algérie est jugée « pas assez claire » pour être algérienne. Cela correspond au colorisme soit une discrimination entre les peaux de couleur, favorisant les peaux plus pâles . Un legs de la colonisation et de l'esclavage qui a participé à la création du mythe de la beauté blanche et qui explique en grande partie pourquoi de nombreuses populations issues des anciennes colonies (Inde, Afrique surtout) dans le monde utilisent les produits éclaircissants.
-LE RACISME ANTI-NOIR PERSISTE AU MAGREB-
Et dans la suite des messages, elle est en fin de compte comparée à des personnes noires avec des stéréotypes dégradants sur les cheveux crépus par exemple. C'est une manière directe de refuser l'africanité de la jeune femme et de l'Algérie.
Les messages de soutien se sont multipliés à la suite de ces publications haineuses. Et, fait important à souligner, de nombreux internautes subsahariens disent leur colère face à ce racisme lancinant qui les touchent tout autant. « Soutien total pour Khadidja Benhamou, Miss Algérie 2019, face à la critique raciste sur la couleur de sa peau. Il est déplorable qu'en 2019 certains soient encore discriminés à cause de la seule pigmentation de leur peau. C'est aussi inconcevable qu'intolérable », s'exclame Gilchrist Boni sur Twitter.
Plusieurs médias nationaux ont consacré articles et éditoriaux à ce sujet, appelant à dépasser le cadre de l'élection de Miss Algérie. Pour la journaliste Nidal Aloui, qui publie dès dimanche son édito sur le site d'information TSA, « l'indignation ne suffira pas. Ces comportements doivent trouver une réponse des pouvoirs publics qui nous renvoient sans cesse à l'identité nationale. L'Algérie est diverse. Mais cette diversité n'est pas incarnée dans la représentation politique, dans les médias et dans la production audiovisuelle ».
Malheureusement, le cas de Miss Algérie n'est pas un cas isolé, ni en Afrique, et encore moins dans le monde. On se souvient de l'ex-miss France Alicia Aylies. Lors de son élection, la jeune n'avait pas été épargnée par les propos racistes.
PAR OUMOU WANE
SONKO, L'HEURE DE VÉRITÉ
Au-delà d’un livre de grandes intentions, qui au passage ignore parfaitement les femmes, j’attends de Sonko qu’il dévoile enfin son programme - Est-il un avant-gardiste éclairé ou un populiste inexpérimenté ?
Avant d’aborder la campagne présidentielle au Sénégal, qui prend des tournures « abracadabrantesques », je voudrais apporter mon soutien à Jean-François Mbaye, député (LREM) en France, qui a reçu une lettre raciste qui lui promet "une balle dans la tête", un courrier où il lui est reproché d'être un "noir de service". "De quel droit un Africain vient se mêler des problèmes de la France", demande l'auteur lâche et anonyme au député né à Dakar. Voilà, ça ne changera rien de le dire, mais ça fait du bien.
Chez nous, en cette veille d’élection, ce sont les journalistes que l’on insulte à souhait pour peu qu’ils nous donnent un autre éclairage sur tel ou tel candidat ou encore qu’ils demandent à ces candidats des explications. À sept semaines d’élire ou de réélire notre président, c’est le leader du Pastef Ousmane Sonko, qui est sommé de s’expliquer sur un magot de 12 milliards de francs Cfa de commissions escomptées dans une affaire de société « Atlas », créée avec Ismaïla Ba, doublée d’une autre société « Mercalex » créée au pied levé avec le même Ismaila Ba gérant, et hébergée dans les mêmes locaux, avec les mêmes numéros de téléphone etc.
Ici on attend des explications sur ces montages en poupées russes censés potentiellement capturer les indemnisations de l’Etat.
Décrit comme un fonctionnaire peu scrupuleux par le journaliste Madiambal Diagne, qui précise « J’accuse Ousmane Sonko sur des faits précis », c’est aujourd’hui au candidat à la présidentielle qu’il appartient d’édifier le peuple sénégalais sur sa probité et son intégrité, premiers devoirs des fonctionnaires. Et c’est aussi simple que ça !
Monsieur Sonko devrait tout bonnement répondre aux questions soulevées par les accusations « précises » de Madiambal, plutôt, comme le rapporte le journaliste, de : « m’abreuver d’injures et demander à son public de faire de même ».
Messieurs les responsables politiques, car j’exclus ici les dames, d’une manière générale, merci de respecter le choix des sénégalais et d’arrêter d'insulter leur intelligence.
Nous voulons juste savoir et connaître la vérité, afin de se faire une opinion. Monsieur Ousmane Sonko est-il le sauveur comme il se décrit ou au contraire un danger pour la paix sociale et pour la stabilité économique de notre pays ? Un avant-gardiste éclairé ou un populiste inexpérimenté ?
Il dit vouloir sortir le Sénégal du Franc CFA s’il est élu mais comment s’y prendra t-il concrètement, car une chose pareille ne se fait pas en claquant des doigts.
Autre question, soulevée celle-ci par Assane Diop, un journaliste sénégalais de RFI, invité sur le plateau de la chaîne TV5 Monde, et nouvelle volée d’injures et de mensonges sur la toile. Décidément, en matière d’abrutis, nous n’avons besoin d’aucun étranger pour nous insulter ! Assane Diop donc, au moment d’être questionné sur les atouts du « phénomène Sonko », le journaliste lâche une bombe : « Sonko manie le salafisme ». Sur les réseaux sociaux, c’est le déchaînement !
Or, en pleine campagne présidentielle, il est intéressant d’écouter tous ceux qui briguent la magistrature suprême et surtout d’analyser leurs arguments.
Nous sommes dans un pays de droit et de valeurs. Notre conception de la civilisation s’oppose en tous points au pouvoir de la barbarie. Notre vision de la religion musulmane, Dieu merci, nous distingue par ses particularités d’ouverture et de tolérance, aux antipodes de l’idéologie islamiste.
C’est pourquoi quand nous entendons des propos extrémistes dans la bouche de certains candidats, nous sommes en droit de nous demander s’ils sont en adéquation avec les principes élémentaires de notre société, et tout simplement s’ils sont solubles dans notre démocratie.
Nous devons donc savoir les choses essentielles relatives à nos dirigeants, appartenances religieuses, déclarations de patrimoine, vision de la société… Quel rôle pour les jeunes ? Quelle place pour les femmes ? Sont-ils constructifs et rassembleurs ?
Je pense aux jeunes en priorité. Ce scrutin leur appartient. Une génération qui a le sentiment d’être ignorée. Même quand elle se mobilise, elle ne se sent pas écoutée, alors forcément la confiance chute. Ils se voient comme les grands oubliés de l‘action politique. Est-ce une raison pour tomber dans les pièges de la démagogie et des fake news ? On l’observe partout dans le monde, les jeunes générations ne sont pas vaccinées contre le populisme.
Dans le doute, il me semble plus sage de comparer ce qui est comparable. C’est pourquoi, au delà d’un livre de grandes intentions, qui au passage ignore parfaitement les femmes, j’attends de Sonko qu’il dévoile enfin son programme. S’il est élu, en tant que polygame, laquelle de ses 2 épouses vivra au palais ? Resteront-elles toujours voilées et quels exemples donneront-elles aux jeunes Sénégalaises ?
Le leader du Pastef a beau jeu de dire sur pressafrik.com : « Si les Sénégalais votent pour lui et disent qu’ils préfèrent Macky Sall, malgré sa mauvaise gestion, en ce moment-là, ils sauront tous à quoi s’en tenir ».
Je sais pour ma part, que je ne veux pas revenir en arrière, que la société sénégalaise doit avancer, et vite... Je vois aussi de quel côté sont les réalisations d’infrastructures de développement, l’éducation et la formation, la santé, la lutte contre le chômage et les inégalités… Et qui plus est, sans aucune insulte à la bouche.
PAR ROKHAYA CISSÉ
COMMENT LA DÉSTRUCTURATION FAMILIALE REND VULNÉRABLE LA FEMME SÉNÉGALAISE
EXCLUSIF SENEPLUS #Enjeux2019 - Les abus sexuels ne sont pas seulement effectifs que dans les espaces publics mais bien plus souvent, au sein des espaces domestiques - Les enfants ne sont pas toujours en sécurité dans la sphère de proximité
#Enjeux2019 - A l’origine, la famille sénégalaise est organisée sur le mode des sociétés rurales. Il en ressort une structure hiérarchique plaçant le pouvoir de décision entre les mains du chef de famille et une subordination de tous les autres membres. Le mode de régulation était fondé sur une vie de groupe. L’espace domestique était intégré au mode de production agraire entrainant un contrôle du patrimoine par l’homme et les ainés. Progressivement, le contexte se transforme du fait de plusieurs déterminants, entre autres, l’urbanisation et les vulnérabilités multidimensionnelles qui ont eu pour effet la dégradation des conditions de vie.
Pour ce qui est de l’urbanisation, les prévisions font état d’une forte poussée des populations urbaines, d’ici 2035. Déjà en 2017, la population urbaine du Sénégal était estimée à 7 089 780 dont 3 529 300 pour Dakar soit 49,8%.[1]. Cependant, une multipolarité urbaine se profile avec le développement de nouveaux pôles urbains dans des régions des foyers de migrations, des capitales religieuses et des grandes zones de production.
Si l’on s’intéresse aux vulnérabilités ainsi que les chocs subis par les individus et les familles, celles-ci entrainent une situation de relégation sociale et un maintien des couches précaires dans leurs conditions d’origine. La mobilité sociale devient particulièrement faible. Les risques naturels liés aux changements climatiques, les risques sur le cycle de vie (décès, maladies chroniques…), les risques sociaux et économiques comme en témoigne la précarisation des couches moyennes, tandis que les classes populaires sur plusieurs générations s’enlisent dans la pauvreté chronique. Les données du baromètre "Jàngandoo" en 2016, montrent que seulement 13% des familles estiment avoir des conditions de vie convenables, contre 43, 8% qui les jugent moyennes et enfin 42,7% qui les qualifient de modestes.
Dans ce contexte de mutations économiques et sociales, les structures familiales évoluent également dans des dynamiques de recomposition : relâchement de l'autorité des aînés, développement de familles réduites, expérimentation de formes d'unions exogamiques, entrée en union retardée, rapports distancés avec la zone d'origine. Les acteurs en reviennent à expérimenter d'autres activités lucratives par les femmes : petit commerce, création des réseaux d'entraide via les voisins, participations à des associations. Les changements des structures familiales ne favorisent pas les pratiques traditionnelles d’entraide et de co-veillance qui permettaient la mobilité sociale.
- Les structures familiales évoluent vers des dynamiques de recomposition -
La configuration des structures familiales a subi des mutations importantes à travers le passage du rural à l’urbain. Le type d’habitation, les modes de résidence où la femme était parfois laissée dans la zone de provenance, les charges diverses (location, scolarité, etc.) ont contraint nombre de ces nouveaux candidats à la ville à une nouvelle vie.
Si la structure familiale traditionnelle était calquée sur le modèle villageois, agricole, elle s’en échappe de plus en plus. Le système du salariat fait que l’accès aux ressources est souvent individualisé. C’est au travailleur que revient son salaire. De ce point de vue, le modèle n’est plus celui de à la soumission à une autorité patriarcale centrale mais, de plus en plus, fait référence à d’autres modèles : émergence d’une famille plus restreinte, citadine, dont l’image est traduite à travers la location de chambres pour couples ou d’appartements. Quant aux jeunes, la ville leur offre souvent l’occasion de ne pas vivre les formes traditionnelles de l’autorité patriarcale. Ils louent des chambres, expérimentant, très tôt, la prise de responsabilités, pour ceux qui ont la chance de trouver un travail.
Globalement, on observe un relâchement de l'autorité des aînés, l’expérimentation de formes d'unions exogamiques, l’entrée en union retardée. Ces mutations s’opèrent dans un contexte de raréfaction des emplois et d’un surenchérissement du coût de la vie qui fait que la famille finit par développer des réflexes d’autoprotection en se repliant sur le noyau «père, mère, enfants »[2].
- Les mutations dans les relations d’alliance -
L’étude des mutations des structures familiales est indissociable de celles des transformations des relations d’alliance. Des changements matrimoniaux et conjugaux sont largement documentés, depuis plusieurs décennies[3]. Ils dénotent une mutation des valeurs, des normes et des aspirations qui président aux unions. On note une accélération de ces transformations profondes, qui ont des incidences très fortes sur les itinéraires individuels tant féminins que masculins et également, par ricochet, sur le quotidien des enfants. La monoparentalié, les nouvelles formes polygamiques, l’augmentation des divorces, la croissance des naissances hors mariages sont autant d’indicateurs forts de ces mutations.
Par ailleurs, un nombre important de femmes (27%)[4], chefs de ménage, de fait (27%),[5] séparées, divorcées, veuves, célibataires…, se retrouvent seules à subvenir aux besoins de leur famille. Dans les zones de migrations importantes des hommes, les femmes et les filles se retrouvent dans des situations de vulnérabilité qui font qu’elles peuvent être davantage exposées à des violences de toutes sortes (sexuelles, physiques, morales et/ou psychologiques, sociales et économiques). Elles peuvent subir des violences intrafamiliales que les conditions de vie précaires au sein des familles viennent exacerber.
En définitive, les femmes qui font face seules à l’éducation des enfants sont de plus en plus nombreuses. Cependant, il est probable que les évolutions sociales particulièrement marquées en milieu urbain telles que l'amélioration de leur scolarisation, l'augmentation de leur nombre sur le marché du travail sont à même de faire évoluer ces modèles familiaux.
- Des individualités ou des noyaux au sein de l’unité familiale -
La famille, qui a été longtemps la principale source de protection, manque maintenant, très souvent, de moyens pour assurer cette fonction, en raison d'une exposition à des vulnérabilités multiples, principalement économiques. Les nouvelles structures familiales laissent transparaître des individualités, ou noyaux face à la pression quotidienne.
Les femmes, au cœur de ces mutations des structures familiales, cumulent plusieurs handicaps : un faible accès aux ressources matérielles, un accès à l’emploi limité, un niveau d’éducation faible et un environnement socio-culturel pas toujours favorable. L’on observe une inadéquation notoire entre la proclamation des principes de l'égalité et leur situation réelle : les emplois, dans le secteur formel étant souvent réservés aux femmes instruites. Ainsi, de nombreuses femmes sénégalaises et plus particulièrement celles non instruites ou faiblement, entreprennent, individuellement ou collectivement, pour se prendre charge et améliorer leur situation économique et sociale.
Les mutations profondes, au sein des structures familiales ainsi que dans une catégorie spécifique que sont les femmes, débouchent sur une diversité de formes d’arrangements sociaux qui se substituent aux institutions sociales. Ceux-ci méritent d’être étudiés pour que leur potentiel transformationnel inspire les politiques.
- Quelques incertitudes sur le devenir des familles -
En premier lieu, la faiblesse de la qualité du capital humain reste pendante avec les jeunes générations et les femmes qui continuent d’être exposées à toute une série de risques : des insuffisances dans la qualité des apprentissages, le chômage[6] ou le sous-emploi, les difficultés d’insertion sociale, le déficit de transferts de capital humain, social, culturel et économique. La relégation sociale et l’immobilité sociale restent une menace permanente.
La perte progressive de patrimoine observée dans les trajectoires familiales est aussi à noter. En effet, les parents se retrouvent obligés de prendre en charge les enfants et petits-enfants. Cette pression sur un seul pourvoyeur de ressources de la famille se traduit par la nécessité d’exercer un emploi à un âge avancé ou à vendre des biens pour faire face aux charges du ménage. On observe, dès lors, une dégradation de la qualité de vie (accès aux soins de santé, alimentation de qualité, cohabitation dans des espaces limités ou déménagement dans des zones défavorisées…).
En milieu rural, les effets de la polygamie sur la répartition du patrimoine familial sont importants. Cette segmentation entre plusieurs noyaux familiaux a freiné le développement des grandes entreprises familiales.
Dans le domaine de la protection de l’enfance, le nombre important d’enfants qui expérimentent plusieurs formes de vulnérabilités, notamment dans les rues, appelle des mesures urgentes. De même, les politiques et les pratiques pour mieux soutenir la prise en charge et la protection des enfants, placés dans des familles et dans des cadres de type familial, restent à définir. Par ailleurs, l’éclatement et la reconfiguration de la famille, combinés aux autres facteurs aggravants de la précarité rendent obsolètes les barrières érigées à travers les valeurs morales et sociétales. Dès lors que les valeurs de solidarité et de co-veillance peinent à être opératoires, la porte reste ouverte aux violences et abus, en particulier, les abus sexuels y compris au cœur des familles[7].
Les abus sexuels ne sont pas seulement effectifs que dans les espaces publics mais, bien plus souvent, au sein des espaces domestiques. Les enfants ne sont pas, toujours, en sécurité dans la sphère de proximité. Les espaces domestiques sont aussi des lieux qui abritent une diversité de formes de violence envers les enfants tels que les châtiments corporels, les violences symboliques (insultes…), et autres privations (éducation, nourriture, vêtements…). L’ouvrage sur le confiage des enfants, publié par le Lartes en 2018 a révélé que 8 % des enfants interrogés mentionnent des cas de maltraitance allant de la violence symbolique à la violence verbale ou physique. En effet, contrairement aux transferts d’enfants harmonieux, en tant que pratique culturelle ancrée au sein de la parenté proche, certains transferts se développent sous une certaine contrainte et peuvent placer l’enfant dans un état de grande vulnérabilité.
Les familles issues des couches défavorisées connaissent des dynamiques d’exclusion sociale qui résultent de la sévérité des chocs multiples subis par les structures et leur incapacité à y faire face. Elles savent qu’ils sont déjà dans la survie et ne se remettront pas d’un choc supplémentaire à cause de la faible capacité à se défendre en cas de pertes dommageables (décès, maladie chronique, perte de récoltes, inondations…). Cette incapacité d’action et de mobilisation de l’aide des couches moyennes qui se retrouvent elles-mêmes précarisées, restreint les possibilités de choix dans toutes les sphères de la vie. On peut noter ces restrictions dans l’alimentation, l’habitat, la mobilité, l’accès à l’école la santé… N’ayant donc presque aucune possibilité d’agir et de contrôler leur environnement, les interactions avec les institutions même relevant du service public sont fortement appréhendées et se teintent d’angoisse. Celle-ci est renforcée par le fait que ces pauvres habitent souvent dans des zones en périphérie, conséquence de la relégation sociale et géographique dont ils font l’objet. Ce qui limite les contacts avec l’extérieur, l’accès à l’information, aux services essentiels et opportunités d’emplois. Rester dans le corps social devient un défi car la restriction des relations avec les autres, procède généralement d’une stratégie de protection contre la stigmatisation induite par la situation de pauvreté. L’autolimitation est opérante au point de produire une anticipation des difficultés liées à la vie communautaire. [8]
- Des structures familiales résilientes -
Face à ces mutations et contraintes, les structures familiales se reconfigurent. Elles s’ajustent à travers des stratégies de sécurisation pour maintenir ou améliorer le niveau de vie et prévenir les chocs. De nouveaux arrangements se mettent en place, au sein des structures familiales. Les stratégies résidentielles changent et les générations cohabitent, le plus souvent, sous la forme de noyaux familiaux, avec des règles de réciprocité et de partage bien définies.
La mobilité est également l’une de ces réponses qui a mobilisé un nombre considérable d’actifs, à la fois, dans les zones rurales et au sein des populations socialisées, dans les villes. Les migrations internationales se sont généralisées avec une diversification des profils des candidats au départ. La migration a cessé d’être très sélective car les profils se sont diversifiés.
L’entreprenariat populaire avec le développement des activités menées par les femmes, notamment, dans l’entreprenariat populaire et l’économie sociale. Les femmes mettent en œuvre des stratégies de survie qui vont leur conférer un rôle de premier plan dans la gestion de l’économie domestique. Il n’est pas rare que les femmes se retrouvent à assumer, seules, la responsabilité de trouver les ressources nécessaires à la préparation des repas quotidiens.
Ces efforts de « colmatage » des ressources favorisent, dans le même temps, la revitalisation des liens sociaux, dans la mesure où ils participent de la réhabilitation sociale des familles en leur donnant une opportunité d’affirmer leur statut dans le corps social. La finalité étant le renforcement des solidarités par l’investissement dans le capital familial.
La capacité des femmes à mobiliser des ressources et à favoriser la création de richesses dans l’espace domestique à travers une consommation plus responsable et la valorisation des produits locaux est un des leviers les plus édifiants pour lutter contre la précarité. Les femmes ne sont pas les seules mises à contribution pour mobiliser des ressources, il y a aussi certaines catégories, notamment, les personnes âgées et les enfants dont la contribution s’érige désormais presque en obligation.
De même, l’élan de l’entreprenariat populaire porté par les jeunes et son potentiel de créativité en dehors des circuits normatifs, s’il s’accompagne d’investissements structurants devrait avoir pour effet la création d’emplois décents en milieu urbain comme en milieu rural et briser les chaines de la transmission de la pauvreté.
- Pour des structures familiales solidaires et créatrices de richesses -
Pour restaurer les structures familiales dans leur fonction de protection, de création et mutualisation des richesses, il serait opportun de mutualiser les différents programmes de filets sociaux en cours, afin de permettre l’élaboration de paquets de programmes plus adaptés à la diversité des situations. Faire de l’unité familiale un cadre d’ancrage des différentes interventions sectorielles au niveau des politiques publiques serait un gage de réussite de celles-ci.
Un premier axe serait l’élargissement de la protection sociale aux familles pauvres ou vulnérables de manière à les aider à mieux gérer le risque et à leur fournir un appui ciblé. Pour cela, les aides sociales sous forme d’allocations régulières doivent être renforcées (transferts monétaires, mutuelles de santé, nutrition communautaire, extension de la sécurité sociale).
En somme des mesures d'équité sociale demeurent nécessaires pour protéger les familles contre les risques sociaux et économiques en termes d’accès à la propriété, au crédit, aux biens et services, ainsi que des mesures de discrimination positive pour remédier aux ségrégations.
Une deuxième voie réside dans une meilleure planification de l'arrivée des nouvelles générations qui se trouvent plus importantes que les personnes âgées. De plus, il faut noter que le décalage important entre l'âge des parents et les enfants, induit des situations de décapitalisation et de perte de patrimoine des générations ascendantes pour soutenir les nouvelles générations.
Une troisième voie pourrait être le soutien au potentiel de création de richesses par les familles et les communautés par l’entreprenariat populaire et l’économie sociale. Celles-ci ont démontré leurs capacités à produire, créer des emplois et à mutualiser les ressources selon leurs besoins (surtout dans les services de proximité) à travers plusieurs modalités que sont les associations, les coopératives, les mutuelles et les entreprises sociales.
Le développement de l’entreprenariat populaire et l’économie sociale en tant qu’une « autre manière » de créer de la richesse présente l’avantage de rompre le cercle vicieux des vulnérabilités et de resserrer les liens sociaux en réhabilitant les solidarités horizontales au sein des structures familiales.
Dr Rokhaya Cissé est Titulaire d’un Doctorat d’université de sociologie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Maitre de Conférences assimilé au sein du Laboratoire de Recherche sur les Transformations Economiques et Sociales de l’Institut Fondamental d’Afrique Noire (IFAN/UCAD). Ses domaines de recherche portent sur l’étude des changements sociaux dans les domaines de l’éducation, la famille et l’enfance, la santé, ainsi que sur les questions de pauvreté, inégalités et vulnérabilités.
[2] CISSE Rokhaya., FALL Abdou Salam, ADJAMAGBO Agnès, ATTANE Anne (2017), Thème : Parentalité In : Vidal Laurent (coord.). Renforcement de la recherche en sciences sociales en appui des priorités régionales du bureau Régional Afrique de l'Ouest et centrale de l'Unicef (WCARO) : analyses thématiques. Dakar (SEN), Dakar: IRD, Unicef, p. 34-52 multigr.
[3] Marcoux R., Antoine P, 2014, editors. Le Mariage En Afrique: Pluralité des formes et des modèles matrimoniaux. 1st ed, vol. 1, Québec, Presses De l'Université Du Québec.
[4] Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie, Situation économique et sociale du Sénégal, version définitive, février 2013.
[6] Les jeunes entre 15 et 24 ans sont en chômage dans une proportion de 12,7% (ANSD, 2013).
[7] FALL Abdou Salam , CISSE Rokhaya, 2018, « Le confiage des enfants au Sénégal : Ay yaxam rekk lañu la laaj », Nouvelles Editions Numériques Africaines (NENA), Dakar ISBN : 978-237015-975-5, 210 p.
[8] CISSE Rokhaya (2014), L'héritage de la pauvreté : entre récurrence, rupture et résilience dans les trajectoires des pauvres au Sénégal », l'Harmattan, Collection Populations,. ISBN : 978-2-343-03415-7, 229 p.
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L' AHURISSANT ÉTAT DE L'ÉCOLE SÉNÉGALAISE
EXCLUSIF SENEPLUS #Enjeux2019 - Des élèves qui bravent le vent et les rayons du soleil pour suivre les cours, un tableau mangeur de syllabes et de voyelles, effectif pléthorique dans les classes - Incursion dans un abri provisoire
#Enjeux2019 - C’est jour de classe au Cem 3 de Vélingara. Monsieur Mandiang épelle les mots qu’il vient d'écrire sur le tableau. Une quarantaine d’élèves fixent sans sourciller ce tableau noir mangeur de syllabes et de voyelles. Ils essayent de transcrire correctement les lettres invisibles enfouies dans les centaines de troues qui ornent ce grand rectangle accroché à deux poteaux en bois.
‘’Regardez ce tableau, on ne voit qu’une partie des mots écrits par le professeur’’, confie l'élève Ousmane Baldé. Il regarde autour de lui et lance avec impuissance, ‘’c’est ici notre classe, un abri provisoire’’. Dans cet établissement de la commune de Vélingara, 160 élèves en classe de sixième étudient dans des classes faites essentiellement de ‘’krinting’’ soutenus par des poteaux en bois.
Selon le principal de l’établissement, Kéba Bayo, la situation est très difficile mais c’est la seule alternative qui lui permet d’accueillir tous les élèves recus à l’examen d’entrée en sixième et orientés dans son établissement. "Nous construisons ces abris provisoires. Ils nous permettent de contenir le flux d’élèves qui entrent en sixième. C’est une situation très difficile mais je pense que c’est aussi un mal nécessaire’’, déclare-t-il.
"JE RECOIS UNE FORTE PRESSION DE MARABOUTS POUR REJOINDRE MACKY"
La maire de Podor, Aïssata Tall Sall, a révélé sur le plateau de Jury du dimanche d’iRadio, qu’elle reçoit tous les jours des pressions venant de personnalités maraboutiques lui demandant de rejoindre le camp présidentiel
La maire de Podor, Aïssata Tall Sall, a révélé sur le plateau de Jury du dimanche d’iRadio, ce matin, qu’elle reçoit « tous les jours une forte pression venant de personnalités maraboutiques qui lui demandent de rejoindre le camp présidentiel ». Mais c’est peine perdue. « Cela ne m’a pas empêché de tracer mon chemin », a-t-elle poursuivi.
« Je suis sûr qu’un homme, à ma place, subissant cette pression, aurait cédé, a-t-elle pronostiqué. Mais, je ne cède pas à la pression aujourd’hui que ma candidature est invalidée beaucoup plus qu’auparavant, a martelé le leader d’Osez l’avenir. Je ne fais pas de la politique une affaire familiale, d’ethnie encore moins une affaire de religion. (…) Ce débat-là, on doit le tuer. »
Aujourd’hui que sa candidature est rejetée, Aïssata Tall Sall va apporter son soutien à quel candidat ? « Nous n’excluons aucune hypothèse, mais comme je l’ai dit, ce n’est pas moi qui choisis, dégage-t-elle en touche. C’est plutôt ma base, ces gens avec qui je travaille dans mon parti, qui choisit quel candidat soutenir. »
PAR ELGAS
PEUPLE, L’ABSENT SURREPRÉSENTÉ
EXCLUSIF SENEPLUS #Enjeux2019 - Ce qu’on appelle peuple, c’est une masse disparate, absente des débats, avec des porte-parole illégitimes - Le vote est la perpétuation d’un système. Il n’a pas la portée transformatrice qu’il peut avoir.
#Enjeux2019 - Les ressorts du vote dans les pays africains ont fait l’objet de nombreux articles et travaux. Des journalistes, chercheurs, commentateurs, simples diaristes, ont déjà expliqué les dimensions clientéliste, rationnelle, ethnique, intellectuelle, banalement politique, du choix électoral. La désaffection pour l’engagement en politique (dite politicienne) par les classes moyennes supérieures, plutôt dans le secteur privé, a été elle aussi largement documentée. La relative déconnexion des gouvernants, irrigués par des Etats riches dans des pays pauvres, revient souvent dans l’analyse.
L’inintérêt des classes paupérisées pour la chose politique est une autre donnée largement étudiée. La classe médiane, populaire, constitue le corps politique le plus actif, peut-on toujours apprendre. De nombreuses monographies ont ainsi été faites sur le comportement électoral des africains, pour voir ce qui relève de l’effet contextuel et de l’effet structurel. Si la dimension ethnique parait toujours revenir, comme vieux fond, elle n’est pas plus déterminante dans le vote que les autres motivations. Ces différentes conclusions sont globalement justes et délimitent un périmètre d’hypothèses crédibles.
Comme partout, la politique est une « agitation par les élites sur des masses », pour reprendre la formule de Talleyrand, avec leur consentement et leur refus. Tout appelle à considérer les scènes politiques africaines comme les autres. Eviter ainsi de trop les singulariser, pour leur appliquer des lectures communes, et ne pas les dissoudre, pour saisir leur essence propre. Il ne serait pas de trop de s’arrêter un instant, à la veille des élections au Sénégal, pour comprendre si le peuple, et avec lui ses adhésions spirituelles, sa situation économique, sa démocratie encore fragile, ses soubresauts récents, est plutôt absent ou surreprésenté dans sa pluralité. En clair, cela revient à répondre aux modes de participation politique et aux freins qui rendent le scrutin (presque) inutile.
- Parcours de l’engagement politique -
Contrairement à une idée reçue, largement propagée, la société sénégalaise se défend plutôt bien en termes d’engagement politique. A trop voir l’engagement dans son expression admise (c’est-à-dire dans le cadre des partis et du jeu électoral) tout un pan de l’inscription dans la vie sociale des populations a tendance à être omis. L’intérêt pour la chose politique dans les quartiers, avec les associations de « gox » - justement pour contourner le manque de présence institutionnelle - a été pour beaucoup la première manière, très inclusive du reste, de se familiariser avec la politique. La gestion du quartier, avec l’incitation à s’engager, toutes générations mêlées, dans une organisation sans hiérarchie verticale, est un fait politique majeur. Il s’exprimera avec la même spontanéité et la même vitalité dans des mouvements comme Yen a Marre, qui partagent cette même généalogie par le bas et la proximité.
Entre les quartiers, les tontines, les systèmes de résolution de conflits à l’amiable, le recours aux sages, la responsabilité agricole, et même le schéma familial, communautaire ou ethnique, cela a créé les éléments d’un engagement politique pour les siens, localement et dans la diaspora. Toutes ces aires de socialisation sont un apprentissage du fait public. A cela il faut ajouter la vie politique dans les collèges, les lycées, les foyers scolaires, qui constituent très vite le sas des revendications et le canal des aspirations politiques.
Le désengagement politique par conséquent est le fait de ceux qui sont assez peu impactés par la politique et qui s’en passent. Ils ne sont pas nombreux A trop surévaluer cette part minoritaire ou oublie la majorité des classes populaires, elles bien touchées par les décisions et déjà engagées diversement pour faire valoir leurs droits. En politique la colère et l’inaction ne sont pas des désengagements, c’est un langage propre.
- Le schéma traditionnel de la massification et le plafond -
Cependant, ces premiers corps politiques, sans distinction d’appartenances religieuses et ethniques, perdent en pluralité dès leur exploitation par le politique partisan. Le schéma de la « massification » (mobilisation des partisans) dans les régions du Sénégal obéit à une logique imparable : la popularité dans le quartier, la capacité à mobiliser, sont souvent les critères de l’épaisseur pour devenir une autorité de premier plan. Dès la perspective d’un poste, le militantisme tend à être rétribué. D’autres dimensions, autres que les bienfaits pour le quartier, entrent en jeux. Les affinités de premiers ordres, le réseau premier, potentiellement familial ou clanique, devient donc un recours. La chose publique est ainsi percutée par la sphère privée.
Avec l’identification, à l’échelle du pays, des individus à leurs communautés premières, l’engagement politique devient une part dévoyée. Il ne reste des recrues que leur adhésion culturelle étant donné que leur sens critique et leur participation ne sont jamais sollicités. L’engagement stagne donc à ce plafond pour la majorité du corps populaire qui devient la matière première du commerce clientéliste. Les hommes politiques ainsi investis ne sont dépositaires d’aucune légitimité populaire. Ils valident le sentiment répandu que la politique est une lutte âpre pour des postes, et que l’investissement le plus sûr est pour celui qui nous ressemble et avec qui on a des liens primaires. L’élection de son « poulain » pourrait ainsi nous récompenser en subsides.
- Déficit de nation et la rescousse des autorités morales -
Ce qu’on appelle ainsi peuple, c’est une masse disparate.Très absente des débats. Mais avec beaucoup de porte-parole illégitimes, même élus. Un peuple existant physiquement mais fantôme politiquement. Docile et gouvernable. Lui qui n’a pas encore saisi sa force, ses droits, empêché par des représentants dont les privilèges dépendent de cette léthargie générale. Visible lors des colères, mais la plupart du temps, oublié car mal représenté. Sa voix est étouffée. Colorée autrement.
L’assemblée et la classe politique sont les illustrations du dévoiement et de l’usurpation avec consentement des électeurs. Ce sont des blocs très partiels et très partisans qui deviennent des représentations d’une totalité. D’où le malaise, le sentiment que les individus ont : ils votent pour des dirigeants par affinité, contrainte, clientélisme, tout en disqualifiant la politique qu’ils considèrent comme corrompue. Il faut remonter à loin pour comprendre que les panachages ethniques ou régionaux dans la construction des gouvernements par exemple, l’absence de références communes à échelles nationales pour tous les sénégalais, hors des seules appartenances, a créé ce déficit de « nation sénégalaise ». Le peuple est une somme d’intérêts divergents encore plus marqués qu’ailleurs. La cassure entre lettrés et illettrées achève de diviser l’électorat en blocs distants et distincts. La politique se vit comme une compétition, avec de la violence, car la capacité d’analyse des contenus est tellement rare, confinée à une minorité élitaire, que l’option de la confrontation reste la plus accessible à tous.
Autre élément, l’incapacité des populations à lire les institutions, les conduit à se retourner vers les références qu’elles connaissent, en l’occurrence les autorités morales. Ces dernières deviennent des agents de régulation du désordre possible, car elles sont les seules dont les institutions sont respectées et sanctifiées. Cela conduit inexorablement les politiques à déléguer leur pourvoir aux autorités morales. S’il manque un peuple politique, il existe un peuple religieux. La conscience d’appartenance confrérique est plus forte que la conscience de classe sociale. Le disciple plus fort que le citoyen.
L’ensemble des élections sénégalaises, entre espoir et déception, conforte ce constat de dévitalisation collective et de renforcement communautaire. Le vote est la perpétuation d’un système. Il n’a pas la portée transformatrice qu’il peut avoir. Ce qui est représenté du peuple à l’assemblée ce n’est pas le produit de sa pensée, ses idées, ses aspirations, ni même ses doléances, mais son éloignement, ses instincts d’appartenance. Eux ont tendance à chercher la survie coûte que coûte.
Outre la traduction du langage politique en termes concrets pour l’ensemble des populations, la mise à la diète financière des emplois politiques pour les rendre peu attractifs, les enjeux de cette nouvelle élection doivent poser les bases d’une nation, pour que le Sénégalais puisse voir en l’autre d’abord, et surtout, un Sénégalais. Et rien d’autre.
Elgas est journaliste, chercheur et écrivain. Son premier roman, "Un Dieu et des mœurs", a été publié en 2015 par Présence africaine. Né en 1988 à Saint-Louis, et ayant grandi à Ziguinchor, il est diplômé de communication et de science politique et, depuis peu, titulaire d'un doctorat en sociologie. Depuis deux ans, Elgas publie sur SenePlus.com une chronique hebdomadaire : "Inventaire des idoles".
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CES NOMBREUX REVERS JUDICIAIRES DE KHLIFA SALL
"Le Président Amadou Baal, assisté par les magistrats Waly Faye, Adama Ndiaye, Mbacké Fall et Ibrahima Sy, a opposé une décision de rejet aux différents recours présentés par les avocats de la défense contre la décision de la Cour d'appel de Dakar."
"Khalifa Sall a été finalement édifié au terme d'un délibéré, ce jeudi, en cassation. La cour suprême a définitivement statué sur l'affaire de la Caisse d'avance de la mairie de Dakar impliquant l'ancien Maire et Cie. Le Président Amadou Baal, assisté par les magistrats Waly Faye, Adama Ndiaye, Mbacké Fall et Ibrahima Sy, a opposé une décision de rejet aux différents recours présentés par les avocats de la défense contre la décision de la Cour d'appel de Dakar. "
PAR OUMOU WANE
LA VIE N’ATTEND PAS
Quel que le soit le résultat de la prochaine élection présidentielle, il faudra bien rendre hommage aux hommes du président pour le travail qu’ils ont accompli
Chacun retiendra ce qu’il souhaite et ce qu’il désire dans les vœux du chef de l’Etat pour cette nouvelle année 2019. Qui se réjouira de la dynamique de paix retrouvée en Casamance. Qui se félicitera de la création annoncée de plus de 491 000 emplois sur une promesse de 500 000, lors de la campagne électorale en 2012. Qui applaudira en ce début de l’an 2019, l’ouverture de la phase 2 du Plan Sénégal Emergent, pour l’équité territoriale et la justice sociale.
Pour les derniers vœux à la nation de son septennat, Macky Sall a axé son discours sur son bilan économique à quelques semaines de l’élection du 24 février prochain. Nouvelles infrastructures, croissance record, volonté affichée de gérer dans la « transparence » les ressources pétrolières, ou encore développement de l’agriculture, un secteur vital de notre économie et bien sûr la pêche, tout aussi primordiale…
Ce que je retiendrai personnellement, c’est que l’éducation et la formation continue sont au cœur de nos priorités. « Afin que tous nos enfants étudient dans des conditions dignes et rejoignent les chemins du savoir », a-t-il déclaré : « Grâce à nos progrès dans la scolarisation et le maintien des filles à l’école, nous avons atteint la parité filles-garçons du préscolaire au baccalauréat. Je rends hommage, à cette occasion, à tous les enseignants de notre pays. »
En tant que mère, voici des propos dont je suis fière. Au-delà des importants investissements dans le système éducatif, nous devons veiller à l’égalité et à la parité dans l’éducation des jeunes, pilier d’une croissance démographique saine. En tant que parents, nous devons donner la même valeur à l’éducation d’une fille ou d’un garçon. Encore trop souvent dans l’esprit collectif, la fille est destinée à être mariée et entretenue, tandis que le garçon doit assurer la survie de la famille par son travail. L’éducation est un investissement pour l’avenir de chacun de nos enfants.
J’irai plus loin encore ! À l’heure où l’Afrique de l’Ouest redouble de conflits ethniques et représailles intercommunautaires, nous avons le devoir de chercher également à ce que les élèves développent des capacités comme le dialogue, la confiance en soi, l’optimisme ou la générosité. Oui, l’éducation donne de la force et la tolérance est une porte ouverte sur la paix.
Dans son adresse à la Nation du lundi 31 décembre 2018, le chef de l'Etat l’a bien exprimé : « Je veux que notre Nation reste debout, toujours active et enthousiaste pour faire de notre cher Sénégal un endroit où nos enfants trouveront toutes les opportunités pour vivre dignement et décemment ».
Pour réussir dans sa vision et mener à bon port ses rêves d’émergence, notre président s’est entouré des meilleurs. Car, quel que le soit le résultat de la prochaine élection présidentielle, il faudra bien leur rendre hommage pour le travail qu’ils ont accompli. Eux, ce sont les hommes du président ! Bien sûr il y a aussi des femmes et je ne peux pas les nommer tous, mais citons Mahammed Boun Abdallah Dionne, le capitaine courage, une expérience unique dans le champ politique… Amadou Ba, le meilleur ministre des Finances d’Afrique, selon les observateurs et homme de l’année 2018 d’après les rédactions Rewmi. Il aura marqué cette fin d’année par la levée de fonds record au Groupe Consultatif de Paris, faisant souffler un vent nouveau sur l’économie sénégalaise, et ce n’est pas son seul fait d’armes. Je veux citer encore le très honorable ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, que l’opposition sénégalaise continue de récuser pour être un membre actif de l’Alliance pour la République (APR) et être en même temps en charge de l’organisation du scrutin présidentiel de 2019. Ce lundi face à la presse en marge de son discours de nouvel an, le président Macky Sall n’a pas lâché son ministre en répondant à la question du journaliste Cheikh Yérim Seck. Celui-ci, désireux de savoir s’il (Macky Sall), ne pourrait pas choisir un ministre de l’Intérieur « apolitique » comme avaient fait ses prédécesseurs dans le passé, s’est vu répondre de la manière la plus catégorique qu’il soit : « Je ne le ferai pas ».
Je ne sais pas si cette garde rapprochée continuera d’œuvrer après les prochaines échéances de février, car cela dépendra du souhait des Sénégalais pour 2019 et les 5 ans qui suivront. C’est ça la démocratie et ce qui est beau dans notre pays, c’est qu’elle marche.
Pour ma part, je nous souhaite simplement de résister à l’indifférence et aux vertus négatives de notre époque. Je nous souhaite d’abandonner nos colères rentrées et de laisser sortir notre joie. Je nous souhaite de la bonne humeur. Voilà ce qu'il faudrait offrir et recevoir. Voici la vraie politesse qui enrichit tout le monde.
Mais puisque que j’ai commencé avec les vœux de notre président, je lui laisserai le mot de la fin : « J’adresse à chacun de vous mes meilleurs vœux de bonne santé, de bien-être et de réussite, dans un Sénégal en paix, uni et fort, prospère et solidaire ; un Sénégal de tous, un Sénégal pour tous ».
PAR ELHADJI DANIEL SO
L’IMPÉRATIF D’AGIR SUR LE CAPITAL HUMAIN
EXCLUSIF SENEPLUS #Enjeux2019 - Associer la croissance du PNB et une répartition assez équitable du revenu, constitue généralement le moyen le plus efficace de parvenir à un développement humain durable
#Enjeux2019 -“Investir sur une ressource infinie qu’est le capital humain est, sur le long terme, plus rentable que n’importe quel autre investissement.” Cette incitation lancée à l'endroit du gouvernement sénégalais, lors de la première journée du 8ème Groupe Consultatif, organisé les 17 et 18 décembre 2018 à Paris, est du vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique, M. Hafez M. H. Ghanem.
En effet, dans son discours, ce dernier n'avait pas manqué de souligner que, du dernier score de 0,42, sur une échelle allant de 0 à 1 attribué en 2018 à notre pays, était ressorti que : le niveau de productivité dont un enfant qui y est né aujourd'hui peut espérer atteindre à l'âge adulte sera inférieur de 58 % au niveau qu'il aurait pu atteindre s'il avait suivi une scolarité complète et avait vécu en pleine santé. Pour en avoir le cœur net, l'institution de Bretton-Woods a utilisé comme critères de base le questionnement suivant :
Survie : un enfant né aujourd’hui atteindra-t-il l’âge d’aller à l’école ?
Scolarité : quelle sera la durée de sa scolarité et quels seront ses acquis ?
Santé : cet enfant sortira-t-il du système scolaire en bonne santé, prêt à poursuivre ses études ou à entrer sur le marché du travail à l'âge adulte ?
Cela va s'en dire que sa méthodologie de calcul diffère essentiellement de celle du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) qui prend en compte plusieurs données impliquant, entre autres, le savoir ou niveau d’éducation de la population, la santé/longévité (mesurées par l’espérance de vie à la naissance) et le niveau de vie (logarithme du revenu brut par habitant en parité de pouvoir d’achat). Et pour preuve, dans son dernier rapport d’“Indices et indicateurs de Développement Humain (IDH) : Mise à jour statistique 2018”, publié le 14 septembre 2018, le Sénégal est classé 164e au classement mondial (sur 189 pays) et 31e à l’échelle africaine (sur 53 pays, la Somalie n'étant pas prise en compte). Lorsque, près d'un mois après, il s'est vu décerner la 11 ème place en Afrique et la 121ème (sur 157 pays classés au lieu des 189 habituels) sur une échelle entre 0 et 1, par la Banque mondiale.
Au final, quoique, notre pays ait - certes - gagné au classement du PNUD une place sur le plan africain et perdu 2 places au niveau mondial par rapport à l'année précédente (2017), cela n'enlève pas, pour autant, le fait qu'il soit toujours catégorisé parmi les pays dits en voie de développement, affichant un taux « faible » en matière d’IDH.
Ensuite, s'il est bien vrai que d'énormes progrès aient été, cependant, notés dans le cadre de la transformation structurelle de l’économie et de la croissance, premier des 3 axes sur lesquels repose le référentiel de politique économique et sociale du pays - le PSE (Plan Sénégal Émergent) -, il n'en demeure pas moins que les investissements effectués jusqu'ici dans son deuxième axe dénommé “Capital humain, Protection sociale et Développement durable”, notamment dans l'éducation (310 milliards de FCFA en 2011 à 477 milliards de FCFA pour le budget 2019), et la santé (Programme d’Investissements Sectoriels - PIS 2011/2015 : de 38, 945 Milliards de FCFA en 2011 à 69, 047 Milliards de FCFA en 2016, soit une augmentation de 30, 102 Milliards de FCFA en valeur absolue et de 77% en valeur relative), sont loin d'être suffisants pour nous sortir de ce gouffre du sous-développement. Un vrai paradoxe, à l'aune de la tendance haussière du taux de croissance du PIB réel depuis 2012 estimé successivement à 4,3 % en 2014, 6,4 en 2015, puis 6,2 en 2016 et 7,2 en 2017. Comme quoi, croissance économique ne rime pas forcément avec progrès humain. Résultat des courses, d'une part, le panier de la ménagère languit désespérément d’être renfloué comme il se doit, et, d'autre part, les poches de pauvreté et d’exclusion n'en finissent pas de se remplir.
D'où cette foudroyante réplique des opposants à certains membres du régime en place qui se targuent souvent des avancées macroéconomiques en survolant volontairement la non amélioration significative des conditions de vie des populations : “croissance kenn dou ko lekk”, littéralement, “La croissance, ne se mange pas !” Allusion qui n'est pas entièrement fausse, non plus.
Et pourtant, des études économétriques ont suffisamment démontré qu'associer "la croissance du PNB et une répartition assez équitable du revenu, constitue généralement le moyen le plus efficace de parvenir à un développement humain durable. De plus, même en l'absence d'une croissance économique satisfaisante ou d'une répartition relativement égale du revenu, une bonne allocation des dépenses publiques peut permettre d'améliorer de façon significative les résultats en matière de développement humain.” L'important - selon le PNUD - c'est la manière dont la croissance économique est gérée et répartie au bénéfice de la population.
C'est pourquoi, il a tiré la sonnette d'alarme depuis belle lurette à travers son premier rapport mondial sur le développement humain publié en mai 1990 sous l'administration du capitaliste américain William H. Draper III. Il n'empêche que nous constatons, d'année en année, avec stupeur et non sans amertume qu’il n’a toujours pas perdu de son côté sombre.
Pour rappel, dans le quatrième point de la “vue d'ensemble” de ce rapport, le Sénégal avait été cité avec Oman, le Gabon, l'Arabie Saoudite, l'Algérie, la Mauritanie, le Cameroun et les Emirats Arabes-Unis comme des pays en voie de développement ayant enregistré des résultats en terme de développement humain nettement inférieurs à leurs compagnons d'infortune d'alors, parmi lesquels, le Sri Lanka, le Chili, le Costa Rica, la Jamaïque, la Tanzanie et la Thaïlande, malgré leur revenu largement supérieur.
D'ailleurs, un saisissant exemple y avait été donné sur le cas du Sri Lanka qui, à l’époque, avec un revenu moyen par habitant de seulement 400 dollars, avait réussi la prouesse d’atteindre une espérance de vie de 71 ans et un taux d'alphabétisation des adultes de 87 %. Là où, dans le monde industrialisé, le niveau de revenu moyen par habitant avoisine les 11 000 dollars. Principal enseignement tiré : la vie ne commence pas avec des milliers de dollars en poche ! Mais, pourquoi Diantre, n'avons-nous pas alors saisi la balle au rebond, depuis ? Ou bien les œillères placées par les organisations internationales ont-ils détourné notre capacité de discernement ? Ou encore existerait-il des intentions inavouées ou peut-être bien dirigées prospectivement pour rendre utiles et nécessaires certaines organisations en cherchant perpétuellement - comme du reste, elles ne cessent de le rappeler - à créer une émulation entre pays en voie de développement ?
- L'éducation de base comme le facteur le plus -
Loin de nous l'idée de vouloir répondre à toutes les questions qui se posent, mais nous pourrons toutefois relever qu’aucune nation ne s'est développée, sans au préalable miser, dans ses instants de décollage, sur son capital humain, seule source de compétitivité intarissable.
De surcroît, il est économiquement permis de réorganiser, à n'importe quel moment d’un mandat électif donné, les priorités de la plupart des budgets nationaux pour y accroître la part destinée aux dépenses axées sur le développement humain. Attention ! investissement humain ne saurait se résumer qu'au social. Encore qu’il soit bon de mener des politiques publiques orientées vers le social, mais, pourvu que les aides, en tant que telles soient bien ciblées et les investissements cohérents. Donc, investissons, mais faisons-le utilement ! La preuve par trois : “À l’heure actuelle (en Afrique), en moyenne 39 % des budgets consacrés à la santé sont utilisés <1>pour l’achat de produits médicaux, alors que les dépenses consacrées <2> au personnel de santé (14 %) et <3> aux infrastructures (7 %) sont faibles. Une analyse des habitudes de dépenses suggère que les pays ayant des systèmes de santé performants consacrent jusqu’à 40 % de leurs investissements au personnel et 33 % aux infrastructures,” lit-on dans le nouveau rapport de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) lancé par sa directrice régionale pour l'Afrique, le Dr Matshidiso Moeti, en marge de la soixante-huitième session du Comité régional de l'OMS pour l'Afrique (RC68) qui s'est déroulée du 27 au 31 août 2018 à l’hôtel King Fahd, à Dakar.
Aussi, la sécurité (et l'insécurité) de tout être humain doit être la priorité dans l'élaboration des grandes orientations économiques et sociales des États ; d'autant plus que l'éducation de base est considérée comme le facteur le plus important dans la contribution au développement humain et à l'éradication de la pauvreté proprement dite. Et qui dit pauvreté, dit impécuniosité, dérivée de l’insolvabilité.
Pour se prémunir ainsi, d'éventuelles mauvaises surprises, la Banque mondiale, en “bon banquier”, soucieux du remboursement périodique de ses créances, a voulu subtilement contourner la situation à travers l’ICH, généralement pris comme une source d’informations fiables pour alimenter d’intenses débats publics sur les priorités nationales, pour pousser le Sénégal à investir davantage dans l’éducation, la santé, les infrastructures matérielles et immatérielles, qui ne répondent pas à des logiques marchandes, en se servant de la mise en œuvre, prévue d'ici des mois, de son deuxième objectif du nouveau Cadre Stratégique de Partenariat (CPF), comme prétexte. Une stratégie structurée autour de trois objectifs majeurs que sont : (i) la stimulation de la compétitivité et la création d’emplois grâce à une croissance basée sur le secteur privé ; (ii) le développement accéléré du capital humain pour améliorer la productivité et déclencher le dividende démographique ; et (iii) l’amélioration de la résilience et de la durabilité dans un contexte de risques importants, et constituant, d'après son vice-président pour l’Afrique , l'unique moyen de pouvoir obtenir une croissance, à la fois, plus forte, durable et inclusive. Avec, en appoint transversal, la transition digitale et la question genre.
L'un dans l'autre, ces débats autour du capital humain, jadis cantonnés dans les cercles des décideurs, sont subitement placés au cœur de leurs objectifs, c'est le moins que l'on puisse dire ! Le troisième sommet annuel sur le capital humain 2018, tenu à Bali, en Indonésie du 9 au 15 octobre 2018, en marge des assemblées générales annuelles du groupe de la Banque mondiale et du FMI, et coïncidant avec la présentation du nouvel Indice du Capital Humain (ICH), initié par la première citée afin, disent-ils, d'accélérer la réalisation d’investissements nombreux et de qualité dans les populations, et de favoriser ainsi l’équité et la croissance économique, en dit long !
- Singapour, modèle du siècle par excellence -
S’il y a un pays qui n'a pas attendu de se faire remonter les bretelles avant de prendre en main son destin, c'est bien le Singapour, officiellement République de Singapour. Petit pays, dépourvu de ressources naturelles et héritier colonial d'importants problèmes socio-économiques – émeutes raciales, chômage massif, difficultés de logement et d'accès à l'eau – Singapour, est devenu, à force d'endurance et de persévérance, moins d'un demi-siècle après son indépendance en 1965, la 3ème économie de la planète par son PIB par habitant et trône présentement à la 1ère place de l'Indice du Capital Humain (ICH) de la Banque mondiale de 2018. Cela, sous la main de fer dans un gant de velours du People's Action Party fondé par Lee Kuan Yew, figure emblématique du pays, jusqu'à sa mort le 23 mars 2015, « minister Mentor » du gouvernement. « Démocratie autoritaire » ou « dictature bienveillante », ce ne sont sûrement pas les populations qui s'en plaindront, car disposant d'un très haut niveau de vie et bénéficiant d'un des meilleurs systèmes de soins au monde pour un coût raisonnable.
Bien qu'elles cotisent pour leur santé, les sommes non dépensées sont automatiquement réinvesties et leur rapportent des intérêts. Ce qui lui a valu d'être souvent surnommé « La Suisse d'Asie ». Tout en maniant bien la carotte et le bâton, le gouvernement fait régner l'ordre, la propreté et la sécurité sur leur machine économique.
Les ministères sont gérés comme des entreprises privées avec des fonctionnaires extrêmement bien payés, mais à tout moment, révocables. En termes de sanctions, le simple fait de mâcher du chewing-gum dans le métro ou de fumer dans la rue, en dehors des endroits spécifiquement désignés à cet effet, ou encore de jeter du papier par terre équivaut respectivement à une amende comprise entre 500 et 1000 dollars. Décidément, on ne fait pas d'omelette sans impérativement casser des œufs !
- Que faire pour que le Sénégal parvienne enfin à sortir la tête de l'eau ? -
Dans un pays comme le nôtre où le capital humain ne participe qu'à 41% de la richesse nationale pendant que 25% de nations qui investissent le plus en éducation et en santé obtiennent chaque année 1,25 point de PIB supplémentaire, s'armer d'ingéniosité et d’efficience devrait être de mise pour satisfaire les besoins de la génération actuelle sans compromettre l'aptitude des générations futures à faire autant des leurs ; tout en optimisant au mieux l'intégration du coût d’opportunité de l’accumulation du capital humain comme nous l'enseigne le lauréat du prix Nobel d’économie de 1992, Gary Becker.
Surtout que le retard est pressant et perceptible de partout : « Une classe du cycle primaire compte en moyenne 39 élèves pour un enseignant en Afrique subsaharienne et 35 en Asie du Sud, mais 16 à 18 dans les pays de l’OCDE, en Asie de l’Est et Pacifique, ainsi qu’en Europe et Asie centrale. D’autre part, tandis que 28 et 27 médecins respectivement soignent 10 000 personnes dans les pays de l’OCDE et d’Europe, et dans les pays d’Asie de l’Est et Pacifique, ces chiffres sont réduits à huit seulement en Asie du Sud et moins de deux en Afrique subsaharienne”, s'alarme Achim Steiner, l’Administrateur actuel du PNUD dans le dernier rapport précité.
Il urge de promouvoir une meilleure répartition mondiale des possibilités de développement en investissant davantage sur le capital humain qui, définit stricto sensus, en 1964 par Gary Becker, dans son ouvrage “Human Capital” comme étant “l’ensemble des capacités productives qu’un individu acquiert par accumulation de connaissances générales ou spécifiques, de savoir-faire, etc."[1], est depuis, fondamental dans la détermination de la croissance économique, de sorte que son défaut de prise en compte en biaiserait totalement l'analyse.
Un grand nombre d’économistes de renom contemporains sont unanimes sur le rôle moteur que joue le capital humain dans la réalisation d'une croissance économique d'un pays, particulièrement celui en voie de développement. Du précurseur Theodore Schultz (Prix Nobel 1979), avec ses fameux travaux sur l'impact de l'éducation des enfants et de la formation des adultes sur l'innovation et la productivité, publiés en article en 1959 et intitulés « Investment in man : an Economist's view » [2] avant d'être parachevés en 1961 dans l’AER sous "Investment in Human Capital"[3] ; où il s’oppose aux modèles de croissance standard dominant (Harrod-Domar et Solow), qui relient le taux de croissance à l’accumulation du capital physique, au formalisateur de la décision d’accumulation du capital humain, Gary Becker, en passant par les théoriciens de la croissance endogène développée, en premiers, par Paul Romer (1986) [4] et Robert Lucas (1988) [5] suivis de Pierre-Yves Hénin et Pierre Ralle (1994) [6], et tout récemment par P. Aghion et E. Cohen [7]. Idem pour notre Doyen Honoraire membre des Académies, le Professeur Moustapha Kasse, qui n’y est pas allé par quatre chemins pour exhorter le Sénégal à “continuer à investir dans le capital humain. Il est essentiel de mettre davantage l'accent sur la formation de capital humain, en s'attachant en particulier à redéployer les dépenses publiques vers le secteur éducatif, les soins de santé primaires et les autres services sociaux.”[8] Plus tranchant que tout, il déclare purement et simplement dans sa très récente tribune de fin d'année 2018 que “l’École et la Santé sont à réformer en profondeur et certainement dans la douleur.”[9] Une approche ultra humaniste, lourde de sens et de conséquences, et qui suppose un arbitrage cynique en faveur de l'éducation et la santé, au détriment des autres secteurs. En des termes on ne peut plus clairs : opérer des jeux d'”économie à somme nulle” [10] comme l’exige la pensée économique du moment. Sommes-nous prêts à assumer cette forme de transparence tendant à “déshabiller Pierre pour habiller Paul” ? Là se trouve l'équation de discorde !
Investir dans le capital humain, n'a jamais été chose aisée encore moins automatique pour beaucoup de pays en voie de développement, qui pourtant, en ont le plus besoin, en raison des contraignantes mesures d'austérité budgétaires en leur encontre instaurées depuis les années 80 ; ce qui a entaché toute possibilité de priorisation nationale dans les politiques publiques, à défaut d'un coup de maître.
- L'investissement sur le capital humain -
Pour ce faire, nous avons trois hypothèses d'investissement sur le capital humain qui se présentent devant nous : - l’investissement au sein de la famille ; - le learning by doing (apprentissage par la pratique - externalité) ; - le learning or doing (apprendre ou faire - secteur éducatif).
Le plus en vue demeure incontestablement “ le learning or doing” qui se fait par le renoncement à du travail pour accumuler du capital humain. Exemples : vous pouvez vous enfermer dans une bibliothèque pour accumuler des connaissances ou vous pouvez passer du temps dans un système éducatif ou encore dans les deux cas, vous renoncez à aller sur le marché du travail. Ce manque à gagner doit être compensé par les gains issus d’un salaire plus élevé le restant de votre vie de travail.
À la lumière de tout ce qui précède, nous proposons modestement à :
Elaborer par nos soins une stratégie nationale de développement du capital humain ;
Persévérer dans la lutte contre les goulots d’étranglement que sont les inégalités sociales en protégeant les plus vulnérables ;
Investir dans le développement des habiletés cognitives et non cognitives (motivation, persévérance, contrôle et estime de soi) dès la petite enfance (0 à 5 ans) ;
Faire de l’éducation une priorité nationale en investissant dès le secondaire dans les créneaux porteurs tels que les métiers, techniques, professionnels ; et en mettant l’accent sur la formation continue et l’intégration des chômeurs, de même que du secteur informel dans le circuit ;
Veiller à ce que les dépenses destinées au secteur de la santé soient consacrées prioritairement au personnel et aux infrastructures.
Dès lors, toute négligence du potentiel humain serait un emprunt aux générations de demain qui n'ont jamais rien demandé de pareil.
Le Sénégal n’est, en vérité, pas le seul pays en voie de développement à subir les désastreuses conséquences des Programmes d'Ajustements Structurels (PAS). Mais force est de reconnaître qu'il fait partie des rares dont les régimes se projettent à revaloriser leur capital humain dans un futur proche. Objectivement, il sied de relever que l’éducation et la formation professionnelle, la santé ainsi que l’économie numérique inclusive occupent des places de choix dans les cinq initiatives majeures de la seconde phase du PSE (2019-2023), car y étant respectivement considérées comme axes de progrès, facteur d’inclusion sociale et pilier dans sa mise en œuvre ; sous réserve d'un second mandat.
Le retard économique n'est point une malédiction encore moins une fatalité. Il suffit juste d’y croire et d’œuvrer exclusivement pour une meilleure amélioration des conditions de vie, sans détournement d’objectifs. D’aucuns l’ont essayé et l’ont réussi, alors pourquoi pas nous ?
Une petite dose de “démocratie autoritaire ou “dictature bienveillante” à la singapourienne ne ferait pas de mal, non plus, dans une société de “Masla” [11] où tout semble être permis et, aucune loi n'est applicable comme il faut.
Elhadji Daniel So est juriste et financier de formation, il est détenteur d'un Diplôme d’Études Supérieures Comptables et Financières) et d'un Master en Droit Privé. Il est le président de “En Mouvement ! Défar Sénégal - Ensemble, Construisons le Sénégal.
[1] Gary Becker, 1964 (première édition), "Human Capital : A Theoretical and Empirical Analysis, with Special Reference to Education" ;
[2] Schultz. T. « Investment in man : an Economist's view », Social Service Review, vol.33, 1959 ;
[3] Schultz. T. Mars 1961, Investment in Human Capital, American Economic Review, Vol 51 ;
[4] Romer, P.M. (1986), « Increasing Returns and Long-Run Growth », Journal of Political Economy, Vol. 94, N°. 5, pp. 1002-1037 ;
[5] Lucas, R. (1988), « On the Mechanisms of Economic Growth », Journal of MonetaryEconomics, Vol. 22, N°. 1, pp. 3-42 ;
[6] Hénin, Pierre-Yves, Ralle, Pierre, « Les nouvelles théories de la croissance : quelques apports pour la politique économique », Revue économique, Vol. 44, n° hors série, 1994 ;
[7] Aghion P., Cohen E., Education et croissance. Conseil d'analyse économique, Janvier 2004 ;
[8] Moustapha K., revue économique “Sénégal un modèle économique et politique : la preuve par les faits” - p. 6 ;
[9] Moustapha K. “Précampagne électorale présidentielle : entre ambition, insuffisance et pratiques ambiguës : les velléités démocratiques mises à mal”, 2ème partie - (§) 8, décembre 2018 ;
[10] Une pensée à somme nulle est une pensée en circuit fermé. Cela signifie que le remplissage d’un côté est un écoulement strictement identique de l’autre côté ;
[11] Selon le Dr Massamba Gueye, docteur ès-Lettres, spécialiste de la littérature orale, le vrai « masla », c’est la capacité à vivre socialement et à faire vivre socialement en harmonie. Mais avec le temps, le terme est tellement galvaudé qu'il fait presque office de synonyme de malhonnêteté, félonie, « nafek » (hypocrisie) en wolof.
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BABA MAAL ILLUMINE LA 20ÈME ÉDITION DU FANAL DE SAINT-LOUIS
Spectacle inédit de Baba MAAL, à l'occasion de la 20ème édition du Fanal de Saint-Louis. Édition qui s'est tenue du 24 décembre 2018 au 1er janvier 2019, une grande fête pleine de lumière et d’animations culturelles.