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27 novembre 2024
Femmes
TROIS AGENTS DE SANTÉ ARRÊTÉS DANS UN NOUVEAU DRAME AUTOUR DE L'ACCOUCHEMENT
Une femme et le bébé qu'elle portait sont décédés dans la nuit de mardi à mercredi lors de l'accouchement dans un centre de santé de Kédougou. La presse a rapporté des circonstances terribles au cours de la prise en charge par l'équipe médicale
Trois professionnels de santé ont été placés en garde à vue cette semaine au Sénégal après le décès d'une femme enceinte et son bébé, dernier drame en date autour de l'accouchement et la maternité dans le pays, a indiqué un représentant syndical.
Ces décès mettent à nouveau en lumière les carences du système de santé au Sénégal après une série d'accidents fatals.
Une femme et le bébé qu'elle portait sont décédés dans la nuit de mardi à mercredi lors de l'accouchement dans un centre de santé de Kédougou (sud-est), a indiqué à l'AFP un représentant syndical s'exprimant sous le couvert de l'anonymat parce que l'affaire est entre les mains de la justice.
La presse a rapporté des circonstances terribles au cours de l'accouchement et de la prise en charge par l'équipe médicale.
Les centres de santé sont des structures intermédiaires entre postes de santé et hôpitaux dans les petites villes.
"Trois personnes ont été arrêtées depuis hier (mercredi). Elles sont en garde à vue à la gendarmerie de Kédougou pour négligence", a dit le représentant syndical. Il s'agit d'un gynécologue, un anesthésiste et un infirmier, a-t-il précisé.
Selon la presse sénégalaise, Dioura Diallo, en état de grossesse très avancée et dont l'âge n'a pas été précisé, s'est présentée mardi soir au centre de santé. Elle est décédée après avoir abondamment saigné et à la suite d'une césarienne ratée lors de laquelle le bébé a subi des blessures avant de décéder, selon la presse.
Cette affaire fait écho à une autre qui a suscité un vif émoi. Astou Sokhna, la trentaine, mariée et enceinte de neuf mois, est décédée le 7 avril à l'hôpital de Louga (nord) après avoir attendu dans de grandes souffrances pendant une vingtaine d'heures la césarienne qu'elle réclamait.
Trois sages-femmes ont été condamnées en mai à Louga à six mois de prison avec sursis pour "non assistance à personne en danger".
Onze bébés ont péri le 25 mai dans un incendie dans l'hôpital de la ville de Tivaouane (ouest). Trois personnes qui étaient en détention préventive dans le cadre de l'enquête ont bénéficié d'une liberté provisoire entre le 23 août et le 30 août, a rapporté la presse.
Quatre nouveau-nés avaient également péri dans l'incendie d'un service de néonatalogie à l'hôpital de Linguère (nord) en avril 2021.
Le président Macky Sall a reconnu "l'obsolescence" du système de santé et ordonné son audit après le drame de Tivaouane.
LES VIOLENCES CONJUGALES EN HAUSSE AU SÉNÉGAL
Les violences conjugales sont passées de 40,6 à 52% en deux ans, selon la directrice de l'Organisation Non Gouvernementale (Ong) Partners West Africa Sénégal, Adjaratou Wara Aïdara
Les violences conjugales sont passées de 40,6 à 52% en deux ans, selon la directrice de l'Organisation Non Gouvernementale (Ong) Partners West Africa Sénégal, Adjaratou Wara Aïdara. Aussi, a-t-elle plaidé pour une police centrée sur les survivants des Violences Basées sur le Genre (VBG).
La lutte contre les Violences basées sur le genre (VBG) est loin d'être gagnée. Malgré l'existence d'un texte de loi criminalisant le viol et la pédophilie, le fléau sévit encore au sein de la société sénégalaise. D’après la Directrice de l'Ong Partners West Africa Sénégal qui cite des chiffres de l'Association des juristes du Sénégal, le taux de violences conjugales a connu une hausse. «Au Sénégal, une loi criminalise le viol et la pédophilie.
"Il est attendu de cette loi une réduction de ces types de violences. Malheureusement, les données montrent qu'il n'y a pas eu d'avancées majeures. D'ailleurs, une hausse des violences faites aux femmes a été observée un peu partout au Sénégal et dans le monde, surtout les violences conjugales. Les chiffres de l'Association des Juristes du Sénégal (Ajs) montrent que ces formes de violences sont passées de 40,6 à 52% en deux ans, malgré toutes les dispositions prises. C'est alarmant ! », s'inquiète Professeur Adjaratou Wara Aïdara qui prenait part hier à un atelier de partage des résultats de recherches sur les violences faites aux femmes et aux enfants.
Sur le même registre, la patronne de Partners West Africa Sénégal s'alarme du faible taux de dénonciation de la part des "survivants" des violences faites aux femmes auprès des services de police. «Seuls 40% des victimes de ces violences vont vers les services de police et les services sociaux. Elles se signalent auprès de leurs familles et de leurs amis. Seule une personne sur dix va vers la police. Ce qui représente moins de 15%. Ce sont plus de 60% de cas qu'on n'arrive pas à identifier à cause de la victimisation, mais également par peur d'aller vers ces structures pour diverses raisons», a regretté Mme Aïdara.
Une police centrée sur les survivants des VBG
Dans son étude réalisée dans 7 régions du Sénégal, Partners- West Africa plaide pour une police centrée sur les personnes victimes de violences baséessur le genre. Sous ce rapport, indique Adjaratou Wara Aïdara, les commissariats de Mbao et de Rebeuss devraient aider à identifier ces cas. Parce que, souligne-t-elle, le silence permet aux auteurs de ces actes de continuer dans la mesure où la plupart de ces victimes ne se signalent pas.
«La justice et la sécurité sont deux secteurs qui ont un rôle majeur à jouer dans la prévention et dans la lutte contre toutes formes de violences à l'égard des femmes et des couches vulnérables. Nous avons une culture de la non-dénonciation, de la protection des auteurs de ces actes puisqu'étant souvent du cercle le plus restreint et le plus intime de la victime, par peur de représailles à cause de la stigmatisation et de la victimisation. Il faut qu'on puisse briser le plafond de verre pour inverser la tendance afin que la peur change de camp", a plaidé la Directrice Sénégal de Partners West Africa.
Prenant part à l'atelier, la Directrice de la Famille et de la protection des groupes vulnérables au ministère de la Femme, de la Famille et du Genre a noté l'importance de s'appuyer sur le rôle des forces de sécurité et de défense dans la prise en charge des victimes de la violence basée sur le genre. Sous ce rapport, a laissé entendre Fatou Ndiaye, le Sénégal a élaboré un guide en vue de former le maximum d'agents de police et de gendarmerie sur la prise en charge des victimes de violences basées sur le genre.
par l'éditorialiste de seneplus, jean-claude djéréké
MARIE KORÉ, UNE GRANDE FIGURE DE LA LUTTE ANTICOLONIALE EN CÔTE D’IVOIRE
EXCLUSIF SENEPLUS - Les trois mots qui résument bien la trajectoire de cette femme sont : courage, autorité et patriotisme. Elle n'avait pas peur de se mettre en avant pour affronter les épreuves qui jalonnent le chemin de la liberté
Jean-Claude Djéréké de SenePlus |
Publication 27/08/2022
“Mes sœurs bhété, baoulé, dioula et de partout, n’ayez pas peur ! Chez nous aussi nous n’avons pas peur de l'eau, nous avons l’habitude de travailler dans l’eau. Ce n’est pas parce qu’on nous envoie un jet d’eau avec du sable que nous devons nous décourager car une personne qui veut aller au secours de son époux, de son frère, de son fils ne doit pas reculer devant si peu de choses.” Ainsi s’exprimait Marie Koré, le 22 décembre 1949. Elle s’adressait aux femmes qui avaient décidé de marcher d’Abidjan à Grand-Bassam où étaient détenus 8 dirigeants du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), la section ivoirienne du Rassemblement démocratique africain (RDA). Il s’agit de Bernard Dadié, Mathieu Ekra, Jacob Wiliams, Jean Baptiste Mockey, Albert Paraiso, René Séry Koré, Lama Kamara, Phillipe Vieyra (cf. Henriette Diabaté, ‘La marche des femmes sur Grand-Bassam’, Abidjan, Nouvelles Éditions africaines, 1975 ).
On l’appelle Marie Koré, parce qu’elle épousa en secondes noces René Séry Koré, mais son vrai nom est Zogbo Galo Marie. Elle a vu le jour en 1910 ou en 1912 à Gossa, village situé dans la sous-préfecture de Gboguhé (Daloa). On ignore à quel moment elle débarque à Abidjan. Ce qu’on sait, en revanche, c’est qu’elle va y rencontrer et épouser un Français. Le mariage ne dura pas longtemps parce que le Français n’appréciait pas l’engagement politique de sa femme. Celle-ci militait dans le RDA qui luttait pour la fin de la colonisation. En dehors de la politique, Marie vendait de la banane plantain frite ou “aloco” à Treichville, une commune d’Abidjan. C’est là qu’elle fit la connaissance de René Séry Koré qui vivait déjà avec une autre femme appelée Meunde. Koré venait d’être licencié des P.T.T. par l’administration coloniale pour son appartenance au PDCI-RDA.
En 1947, Marie Galo, devenue Marie Séry Koré, est élue présidente des femmes du PDCI. Deux ans plus tard, elle participe aux manifestations qui ont lieu devant le palais du gouverneur socialiste Laurent Péchoux. Arrivé à Abidjan courant 1948, Péchoux avait pour mission de supprimer le RDA qui, entre autres choses, n’acceptait pas l’injustice dont étaient victimes les agriculteurs ivoiriens (par exemple, le kilo de café était acheté 45 francs CFA au producteur et vendu officiellement en France à 420 francs métropolitains). Pour parvenir à ses fins, Péchoux créa le Parti progressiste dirigé par Étienne Djaument. Le 22 décembre 1949, Marie Koré et d’autres femmes décident de rejoindre à pied Grand-Bassam qui fut la capitale du pays entre 1893 et 1900 et que 40 km séparent d’Abidjan. Pour empêcher les femmes d’atteindre Grand-Bassam, l’administration coloniale interdit aux transporteurs de rouler. “Nous ne sommes pas nées avec des voitures. Nous sommes habituées à marcher. Ça ne nous coûte donc rien de faire le voyage à pied”, répliqua Marie Koré. Certaines manifestantes devaient se retrouver au palais de justice, d’autres à la prison civile. Marie faisait partie du second groupe. Le 24 décembre 1949, très tôt, elle et les femmes de son groupe empruntent la rue principale. Les forces de l’ordre, qui avaient dressé un barrage sur le pont construit sur la lagune Ouladine, lancent des jets d’eau mélangée à de la vase et à des tessons de bouteilles. Mais les femmes ne reculent pas. Marie Koré monte sur le pont avec sa fille Denise sur le dos. Les femmes lui emboîtent le pas mais Marie glisse et tombe avec sa fille. Elle est battue avant d’être conduite au commissariat. Elle sera déférée au parquet avec quelques-unes de ses camarades et incarcérée en même temps que sa fille.
Le 15 décembre 1949, commence le boycott des produits français. Partout, les populations sont vent debout contre le système colonial mais les manifestations sont violemment réprimées par la police coloniale. Plusieurs morts et blessés sont enregistrés à Agboville, Bouaflé, Dimbokro, Gohitafla, Séguéla, etc. Que fera le PDCI pour sortir de l’impasse ? “Pour éviter un atroce massacre comme à Madagascar en 1947, le RDA décida de se désapparenter des groupes communistes et d’amener le pouvoir colonial à composer avec lui et à faire des réformes”, écrit l’historien Jean-Noël Loucou en avril 2016. Pour lui, l’indépendance de la Côte d’Ivoire ne fut pas octroyée mais négociée (https://news.abidjan.net/articles/588788/le-pdci-rda-de-1946-a-2016-70-a...). Peut-on souscrire à la thèse de l’indépendance négociée quand on sait que Houphouët était en position de faiblesse ? Pour négocier, il eût fallu que le PDCI disposât d’une force égale ou supérieure à celle de la France coloniale.
En mars 1950, les dignitaires du PDCI, incarcérés depuis février 1949, bénéficient d’une mise en liberté partielle. Marie Koré meurt, trois ans plus tard. Sa fille n’a que sept ans. A-t-elle succombé aux mauvais traitements subis pendant la lutte pour l'indépendance ou bien a-t-elle été tuée par l’éther qu’un médecin français lui aurait injecté en lieu et place de l’anesthésie avant de l’opérer d’un panaris à l’hôpital annexe de Treichville ? Difficile de dire ce qui s’est vraiment passé dans les derniers moments de sa vie. Ce qui est certain, c’est que la République n’a pas oublié le combat de Marie Koré. Elle lui a témoigné sa reconnaissance en créant un timbre postal à son effigie, en érigeant un monument qui représente trois femmes, en donnant son nom à une école primaire dans la commune d’Adjamé. Plusieurs associations féminines portent son nom. Le pont sur la lagune Ouladine, entre Grand-Bassam et Abidijan, a été baptisé “Pont de la Victoire” en souvenir de la résistance des femmes à l’administration coloniale qui avait injustement embastillé les militants du PDCI-RDA. La Banque centrale des États d’Afrique occidentale (BCEAO) a mis la photo de Marie Koré sur un billet de 1 000 francs CFA.
Les trois mots qui, à mon avis, résument bien la trajectoire de Marie Koré sont : courage, autorité et patriotisme. Marie Koré n’avait pas peur de se mettre devant, non pour se faire remarquer, mais pour affronter les épreuves qui jalonnent le chemin de la liberté (gaz lacrymogènes, jets d’eau, prison, etc.). Ses mots d’ordre étaient toujours suivis parce qu’elle était capable de donner l’exemple et de remonter le moral de ses camarades quand il le fallait. Pour elle, la patrie était beaucoup plus importante que l’ethnie et la religion. Elle refusait que son pays soit dominé et exploité par un autre pays. Elle lança l’appel au rassemblement des femmes parce qu’elle avait compris que les militants du PDCI emprisonnés à Grand-Bassam menaient le bon combat. Cette femme, qui avait horreur de l’injustice et de l’oppression, est incontestablement l’une des grandes figures de la lutte pour l’indépendance en Côte d’Ivoire et il ne fait l’ombre d’aucun doute que son engagement, sa détermination et son courage l’ont fait entrer dans l’Histoire.
«IL FAUT QUE LES CHIFFRES DE LA MORTALITÉ MATERNELLE NOUS REVOLTENT»
Engagée dans la lutte contre la mortalité maternelle, la Docteure (elle insiste sur le e) Ndèye Khady Babou, médecin spécialisée en santé publique, est indignée que les chiffres de la mortalité maternelle ne révoltent pas plus que cela les Sénégalais
La cause féministe embrasse de nombreux segments de la vie de la société. La première édition de «Jotaay ji», le festival féministe sénégalais, a installé le débat sur des questions qui touchent spécifiquement les femmes. Engagée dans la lutte contre la mortalité maternelle, la Docteure (elle insiste sur le e) Ndèye Khady Babou, médecin spécialisée en santé publique, est indignée que les chiffres de la mortalité maternelle ne révoltent pas plus que cela les Sénégalais. Un combat légitime dans un pays où, chaque année, ce sont 236 femmes qui meurent pour 100 000 naissances, alors que l’Oms attend un chiffre de 70 décès maternels pour 100 000 naissances.
Vos recherches portent surtout sur la problématique de la mortalité maternelle au Sénégal. Est-ce un engagement féministe pour vous ?
C’est un engagement féministe pour moi parce qu’à travers le monde, les femmes qui sont en état de grossesse et qui accouchent ont les mêmes complications que les femmes du Sénégal ou de l’Afrique. Mais ailleurs, les femmes n’en meurent pas et des solutions pratiques et peu coûteuses sont trouvées. Mais si aujourd’hui, dans nos pays, nous continuons à avoir des mortalités aussi élevées, autant chez la mère que chez l’enfant, c’est problématique. Il faut quand même qu’on se pose des questions par rapport aux politiques mises en place pour lutter contre cette mortalité maternelle, leur application et leur applicabilité et les ressources qui sont mises en place pour lutter contre ce fléau. C’est juste une aberration qu’en 2022, que l’on soit encore à 236 femmes qui meurent pour 100 000 naissances, là où on a promis à l’Oms d’être à 70 décès maternels.
Pour vous, l’Etat ne fait pas ce qu’il faut ?
Il y a des politiques mais derrière chaque politique, derrière chaque financement, il faut un suivi. Par exemple, sur plein d’études, on a montré que le fait de résoudre la problématique de la mortalité maternelle dans un pays résolvait presque tous les problèmes de santé. C’est un système tellement bien réfléchi, pensé et applicable que sa résolution améliorerait toutes les autres problématiques de santé. Pour la mortalité maternelle par exemple, il y a l’exemple des banques de sang. Parmi les causes de la mortalité maternelle, il y a les hémorragies de la femme enceinte pendant l’accouchement ou après. Et rien qu’en réglant ce problème de l’hémorragie, on règlerait tous les problèmes de banque de sang au Sénégal. Et là, il y a des politiques qui sont faisables. Pourquoi on ne les applique pas ? En tant que population sénégalaise, en tant qu’homme ou femme du Sénégal, on n’est pas plus exigent que ça par rapport à la mortalité maternelle. On a beau avoir réussi son système de santé, mis des choses en place, comme dans les pays du Nord par exemple, mais des gens vont quand même mourir du cancer. Mais la mortalité maternelle, on n’en meurt plus, c’est ça la différence. On a des morts évitables, des raisons pour lesquelles plus personne ne meurt aujourd’hui et nous, on continue d’en mourir. Des femmes continuent d’en mourir.
On continue encore d’évoquer le péché originel, les croyances culturelles pour expliquer ces morts…
Dans nos représentations populaires, quand une femme tombe enceinte, on commence déjà à formuler des prières pour elle, parce que sa vie serait en jeu. Mais ailleurs, c’est un évènement heureux que d’attendre un enfant. Parce que tu sais que tu ne vas pas en mourir, tu ne t’attends pas à mourir en donnant la vie. C’est dans nos cultures, dans nos sociétés, qu’on te dit : «Daguay mouth !» (Tu vas être sauvée). Du coup, on est tellement imprégné de ces notions de destinée qu’on ne se pose pas de questions. Et dès l’instant où on ne le fait pas, on remet tout entre les mains de Dieu. Et on ne se pose plus de questions sur nos responsabilités personnelles, sur celles de l’Etat, des professionnels de soins pour aujourd’hui oser se plaindre. Il faudrait que l’on puisse en arriver là parce que ça ne ferait qu’améliorer le système de santé.
Vous pensez à une action d’envergure des femmes ?
Pas porter plainte à proprement parler, mais être plus exigent. J’évoquais tantôt les décès liés au manque de sang. Le sang n’est pas produit par l’Etat. Mais ce que peut faire l’Etat, c’est de mettre sur pied des centres de transfusion, les fonds nécessaires pour rendre disponibles les poches de sang et pour que la population à son tour, aille donner du sang de manière régulière et ne pas seulement attendre que les banques soient vides pour le faire. Il faut qu’on ait cette culture et c’est ce qu’on appelle responsabilité partagée. Il y a une part que l’Etat doit faire, il y a une part que la gouvernance sanitaire doit faire et il y a notre responsabilité. Moi, en tant qu’homme dont la femme est en état, qu’est-ce que je fais pour concourir à son bien être ? Est-ce qu’elle fait ses consultations ? Son alimentation, sa prise en charge ? Il faut qu’on apprenne à être exigent et que les chiffres de la mortalité maternelle nous révoltent. Tant qu’on n’en sera pas là, on risque de ne pas changer les choses. On risque de penser que c’est la destinée, que c’est Dieu. C’est prouvé maintenant qu’une femme qui meurt, c’est une grosse perte pour l’économie parce qu’elle pèse très lourd pour tout ce qui concerne la prise en charge de la famille, le développement économique du pays.
Est-ce la même chose pour les violences conjugales ? Vous disiez dans votre intervention qu’il y a un protocole de prise en charge et une autre paneliste disait qu’il n’y en a pas…
Il y a un protocole par rapport à la prise en charge des violences basées sur le genre. C’est un modèle qui a repris ce que l’Oms avait mis en place mais que les autorités ont adapté à nos réalités. Main¬tenant, il faudrait juste démocratiser cela. Ces protocoles doivent pouvoir être fonctionnels pour tout le personnel médical et paramédical. Aujourd’hui, vu le nombre de personnes victimes de violences basées sur le genre, il ne devrait plus seulement s’agir de dire qu’on va former un groupe de personnel et laisser les autres. Cela devrait même être dans les curricula du personnel soignant de manière générale. Et qu’on puisse l’appliquer. Sinon, si une personne n’est pas outillée pour diagnostiquer ou détecter ces violences faites à une victime, celle-ci n’est pas prise en charge à temps ou n’est pas prise en charge du tout. Et c’est ce qui explique parfois les cas de féminicide ou de violences physiques beaucoup plus graves et qu’on aurait peut-être pu éviter.
Une femme victime de violence, il y a moyen de la repérer ? Comment ?
Au niveau du personnel médical par exemple, ce qui est sûr, c’est que quand il y a des victimes qui ont été brutalement abusées, il y a des signes physiques. Pour ces victimes-là, prendre le temps de discuter avec elles et voir les causes de ces blessures pourraient être plus faciles que pour une victime qui est sous le coup de violences verbales, psychologiques ou économiques. Et par rapport à ça, il y a aussi des choses à faire, pas seulement par le personnel médical, mais par tous les relais communautaires comme les badienou gox, etc. Pour le médecin par exemple, ce serait de se dire que cette femme, c’est la 3e ou la 5e fois que je la vois. Et chaque fois, ce sont des céphalées alors qu’au niveau physique, il n’y a rien. Peut-être qu’il y a autre chose. Et il prend le temps de l’écouter et de l’examiner, de chercher des blessures de défense qui sont localisées sur certaines parties du corps quand la personne essaie de se protéger des coups. Ce sont des formations à avoir avec le personnel médical mais surtout les déconstruire. Nous appartenons tous à un système où, plus ou moins, on banalise la violence et le personnel médical n’est pas épargné. Il faut donc faire en sorte que toutes les personnes, qui sont dans le circuit de prise en charge, puissent accéder à ces modules et prendre en charge d’éventuelles victimes. Parce que rien que dans l’écoute, l’information, dire à la victime ses possibilités, c’est un grand pas. Et les victimes de violence n’ont pas cela actuellement.
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PANORAMA DE LA DÉPIGMENTATION VOLONTAIRE DE LA PEAU
Les méthodes utilisées sont dangereuses mais le matraquage publicitaire et le diktat de l'esthétique l'emportent sur la peur des conséquences. Hannelore Ver-Ndoye revient sur le phénomène du blanchiment de la peau dans son nouvel ouvrage, "Décolorés"
Les méthodes utilisées sont dangereuses mais le matraquage publicitaire et le diktat de l'esthétique l'emportent sur la peur des conséquences. Hannelore Ver-Ndoye revient sur le phénomène du blanchiment de la peau dans son nouvel ouvrage, "Décolorés".
WEEK-END TRES FEMINISTE AU MUSEE DE LA FEMME
Le Musée de la femme Henriette Bathily de la Place du Souvenir africain de Dakar a accueilli vendredi soir, l’ouverture de la première édition de «Jotaay ji», le festival féministe sénégalais.
Le Musée de la femme Henriette Bathily de la Place du Souvenir africain de Dakar a accueilli vendredi soir, l’ouverture de la première édition de «Jotaay ji», le festival féministe sénégalais. L’évènement, qui avait pour but de remettre l’égalité entre les hommes et les femmes au cœur des préoccupations sociales, a connu son clap de fin hier.
Pendant trois jours, du 19 au 21 août 2022, le Musée de la femme Henriette Bathily a vécu au rythme de la première édition de Jotaay ji, le festival féministe sénégalais. Organisé par le collectif Jama, Jotaay ji, cet évènement «innovant» a rassemblé des sociologues, journalistes, juristes, activistes, féministes et écrivaines, dans le but de remettre la question de l’égalité entre les femmes et les hommes au cœur des préoccupations sociales, mais aussi d’aider à vulgariser les connaissances sur le féminisme. Durant l’ouverture, vendredi dernier, dans une salle remplie, les violences sexistes, la question du consentement, la parité, la santé et la sexualité ainsi que la religion et le féminisme, en somme tout ce qui fait la condition de la femme, ont été abordées. Autre moment fort de cette cérémonie d’ouverture, le vibrant hommage rendu à Co¬dou Bop, sociologue et deuxième génération de journalistes féministes, par ailleurs membre de différents groupes de femmes et consultante pour des organisations internationales.
Pendant trois jours, les membres du collectif et leurs partenaires ont proposé une programmation festive et artistique pour éduquer petit.e.s et grand.e.s au féminisme, au respect de l’égalité ainsi qu’à des sujets qui touchent majoritairement les femmes au Sénégal, mais aussi et surtout déconstruire les stéréotypes sexistes et créer des liens entre féministes. Avec des tables rondes, ateliers, projections… Bref, une programmation pluridisciplinaire et des réflexions fortes ont été proposées pour vivre la révolution féministe. «Tata Henriette Bathily aurait été très fière de vous, si elle était là», a introduit Awa Cheikh Diouf, directrice du Musée de la femme Henriette Bathily, lors de la cérémonie d’ouverture. D’après elle, beaucoup de femmes de médias sont aujourd’hui engagées dans le mouvement féministe. «Je crois que c’est en réalité un métier qui vous ouvre l’esprit et vous permet de comprendre énormément de choses», a-t-elle fait savoir.
Etablir des ponts avec les hommes qui sont des féministes…
En écho, Codou Bop, chercheure et féministe qui croit en la défense des droits des femmes, à l’égalité entre les femmes et les hommes, entre toutes les nations et générations, se dit absolument contre toute forme de discrimination sociale et de rapport social inégalitaire. Codou Bop n’a pas l’habitude de mâcher ses mots. Elle brise les stéréotypes surtout quand elle parle de féminisme. «Vous voyez, nous, dans notre génération de féministes, on n’était pas comme vous. Vous êtes bien habillées, vous avez les rouges à lèvres. Je suis extrêmement impressionnée», a-t-elle lancé à l’endroit de la jeune génération féministe. Tout en les invitant à aller dans les industries minières, à Sabo¬dala, et dans les marchés hebdomadaires communément appelés loumas. «Il faut y aller. Vous vous asseyez devant un puits parce qu’on cherche l’argent et l’or dans les puits. Les conditions de travail de ces femmes-là, personne ne peut vous les raconter», a-t-elle révélé. Elle animait un panel sur le concept de «pouvoir».
Le pouvoir, dit-elle, c’est la possibilité de contrôler sa vie. Aujourd’hui, les contextes ont changé mais les objectifs du féminisme reste les mêmes : c’est d’instaurer une société d’égalité, sans discrimination, sans violence. Et donc pour Codou Bop, «il faut que les femmes, si elles constituent le groupe qui a pris conscience le plus rapidement et le plus profondément, essayent d’établir des ponts, de faire des alliances si c’est possible avec des hommes qui sont des féministes pour changer notre société», a préconisé la sociologue, affirmant qu’elle n’a aucun mérite à être féministe. «Je suis née et j’ai grandi dans un milieu extrêmement ouvert. Donc le terrain était balisé. L’autre chance, j’ai connu Tata Annette. Bien sûr, on n’était pas de la même génération mais elle m’a ouvert l’esprit sur des tas de choses, mais surtout a eu confiance en moi», témoigne Codou Bop.
Réviser le Code de la famille pour plus d’égalité…
Membre fondatrice du collectif Jama, Jotaay ji, Fatou Kiné Diouf estime que dans les sociétés dites patriarcales, les droits des femmes sont bafoués parce qu’elles sont dans un rôle de soumission. «Tant qu’on est dans des sociétés patriarcales, les femmes ne seront pas mises au même niveau que les hommes», a soutenu Fatou Kiné Diouf. D’après elle, quand il s’agit de féminisme, c’est un combat sur le long terme. «A chaque fois qu’il y a une petite victoire, il y a d’autres combats derrière qui nous attendent», a rappelé la curatrice. Elle enchaîne : «Ces dernières années, on a beaucoup discuté des questions de violences basées sur le genre parce que c’était vraiment ce qui était mis en avant dans la sphère publique. Mais en ce moment, on a beaucoup de discussions sur le Code de la famille, sur la possibilité de le réviser pour plus d’égalité», a-t-elle renchéri dans la foulée.
PAR Farid Bathily
SERENA WILLIAMS OU LA DIFFICULTÉ DE CONCILIER MATERNITÉ ET CARRIÈRE SPORTIVE
La super star mondiale, multiple championne de tennis, a annoncé la fin prochaine de sa carrière professionnelle. Une décision douloureuse, dit-elle, motivée par le désir de donner naissance à un deuxième enfant
En 25 ans dédiés au tennis, Serena Williams a tout gagné. Elle, la native de Compton en Californie, modeste quartier de la banlieue de Los Angeles, a brisé bien des barrières dans ce sport longtemps réservé aux Blancs.
Malgré son expérience couronnée de 73 titres dont 23 du Grand Chelem, soit le deuxième meilleur total de l’histoire du tennis, il y a des défis que ne saurait surmonter cette "briseuse de barrières". Parmi ces derniers figure celui d’être à la fois mère et athlète professionnelle.
À bientôt 41 ans, l’ex-numéro un mondiale du tennis a décidé d’abandonner définitivement la raquette au plan professionnel. Elle a informé l’opinion, via un long texte publié mardi 9 août 2022 dans l‘édition de septembre du magazine américain de mode Vogue, de sa "décision déchirante", motivée par le désir de son couple d’élargir leur famille avec un enfant de plus.
Expérience traumatisante
"Je ne veux absolument pas être enceinte à nouveau en tant qu'athlète", indique-t-elle. Sa première grossesse d’il y a cinq ans, fût une expérience traumatisante et qui a bien failli lui coûter la vie.
Serena Williams avait souffert d’une embolie pulmonaire en 2017, au lendemain de l’accouchement par césarienne de sa fille, Olympia. "La cicatrice de ma césarienne s’est ouverte à cause de l’intense toux provoquée par mon embolie. J’ai dû retourner au bloc pour une nouvelle opération destinée à empêcher que des caillots de sang atteignent mon poumon", racontera-t-elle quelques mois plus tard dans une tribune.
Celle qui se considère comme une miraculée n’a certainement plus envie de revivre un tel épisode. D’autant qu’elle avait joué étant enceinte et avait remporté notamment l’Open d’Australie, son dernier trophée du Grand Chelem, à ce jour. Elle avait huit semaines de grossesse. "J'ai joué pendant l'allaitement. J'ai joué pendant la dépression post-partum", fait-elle savoir.
Contraste masculin
De toutes évidences, il s’agit là de problèmes et de traumatismes qui sont inconnus des hommes dans le monde du sport. Rafael Nadal, le tennisman espagnol dont la femme est actuellement enceinte, a récemment déclaré que cet événement ne devrait "rien changer dans sa vie professionnelle". Son grand rival, Roger Federer, reste sur les courts malgré ses 41 ans.
La situation pour les femmes est bien différente. Elles sont souvent contraintes de mettre leur carrière entre parenthèses pour les besoins de maternité, sans assurance d’un retour à niveau après l’accouchement.
" Je n'ai jamais voulu avoir à choisir entre le tennis et la famille. Je ne pense pas que ce soit juste. Si j'étais un homme, je n'aurais pas écrit cela, car je serais en train de jouer pendant que ma femme s’occuperait du travail physique d’agrandir notre famille ", a-t-elle notamment indiqué dans Vogue.
DJAÏLI AMADOU AMAL, PORTE-VOIX INSOUMISE
Figure incontournable de la littérature camerounaise et lauréate du Goncourt des lycéens 2020, l’autrice publie un nouveau roman courageux, « Cœur du Sahel », dans lequel elle se dresse contre les différences de castes au sein de son pays
Jeune Afrique |
Clarisse Juompan-Yakam |
Publication 13/08/2022
En 2020, avec Les Impatientes, Djaïli Amadou Amal nous conduisait dans l’intimité d’un saaré où de jeunes femmes d’un milieu plutôt privilégié subissaient, du fond de leur prison dorée, les affres du mariage forcé et de la polygamie. Deux ans plus tard, avec Cœur du Sahel, l’autrice multiprimée agrandit l’espace et brosse le tableau d’une région sahélienne marquée par les conséquences désastreuses du terrorisme et du changement climatique.
Nous plongeons ainsi dans le quotidien de femmes domestiques, des invisibles qui luttent pour leur survie dans une société nord-camerounaise régie par des clivages fondés sur les appartenances sociale, ethnique et religieuse. L’on suit les parcours de deux d’entre elles, Faydé et Bintou, qui tentent, chacune à sa manière, d’échapper à leur condition pour s’élever dans la hiérarchie sociale. Comme l’on ouvre une boîte de pandore, sans rien éluder, Djaïli Amadou Amal qui, petite fille, rêvait de vivre dans un monde enchanté, s’attaque de manière frontale à des sujets que d’aucuns voudraient maintenir tabous : la xénophobie, le mépris de classe, l’esclavage moderne, le viol érigé en tradition. Des thèmes âpres, qui n’enlèvent rien à la beauté de l’histoire d’amour entre Faydé et Boukar deux êtres que tout semble séparer.
Dans Les Impatientes, vous évoquiez de manière allusive le viol d’une domestique. Dans Cœur du Sahel, vous donnez à cette dernière une identité.
Djaïli Amadou Amal : En terminant la rédaction des Impatientes, je savais déjà quel serait le thème de mon prochain livre. Alors que dans le premier, ce viol était un non-événement, un « simple troussage de domestique » qui n’avait ému personne, dans Cœur du Sahel, j’ai voulu attribuer une identité à la victime, explorer son ressenti, lui rendre la parole. Parce qu’elles sont invisibles, interdites d’éducation et soumises au bon vouloir des hommes qui les violentent, de nombreuses femmes en sont privées. Or ce qu’elles endurent mériterait d’être entendu. Je me fais volontiers leur porte-voix, passant aux yeux de certains pour une rebelle, une insoumise. Et l’insoumission est un tel affront !
Le viol est omniprésent dans votre littérature. Vous faites dire à l’un de vos personnages que c’est une « tradition » dans les sociétés sahéliennes.
Dans Cœur du Sahel, il est question de mariage par le rapt. Suivant une tradition qui perdure dans les montagnes du Nord-Cameroun, un homme qui désire une femme peut s’arroger le droit de l’enlever pour l’épouser. Pour s’assurer que rien ne viendra entraver son projet, il la viole parfois publiquement – ce qui en fait d’emblée son épouse –, en toute impunité, au vu et au su de tout le monde, sans que nul ne songe à s’en indigner. Même l’État apparaît assez permissif : pas plus les rapts que les viols ne sont punis. Le sujet reste tabou. De la même manière, les femmes domestiques sont souvent la proie de leurs employeurs et subissent parfois le viol de différents membres de la famille, sans jamais oser porter plainte. Honteuses d’être des victimes, elles se murent dans le silence, ce qui conforte leurs bourreaux dans l’idée que violer une domestique ne prête pas à conséquence.
IL N'Y A AUCUNE FEMME RURALE A L'ASSEMBLEE NATIONALE OU AU HCCT
Mme Diouck Mbaye, présidente de la Fédération nationale des femmes rurales (FNFR) a réclamé, ce vendredi, une meilleure représentation de ses camarades dans les institutions de la République.
Mme Diouck Mbaye, présidente de la Fédération nationale des femmes rurales (FNFR) a réclamé, ce vendredi, une meilleure représentation de ses camarades dans les institutions de la République. Membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE), elle était dans la localité de Keur Selick dans le département de Kaolack pour présider une cérémonie de remise de récompenses à ses membres.
L’instance faîtière des femmes du monde rural ne veut pas être en reste dans la revendication du succès de la coalition au pouvoir aux dernières législatives. Sa présidente Diouck Mbaye, s’y est employée sans ambages: “ tous les observateurs sont unanimes à faire ressortir la contribution décisive du monde rural dans la victoire du camp présidentiel lors du scrutin du 31 juillet dernier. Et à ce propos, les femmes n’ont pas été en reste. Aujourd’hui il y a une surenchère autour de cette victoire. Nous assistons, amusées, à cette passe d’armes alors que les véritables acteurs sont marginalisés “ soutient la membre du Cese. Une performance non récompensée à ses yeux: “ Comment peut-on mobiliser toutes ses femmes en faveur du président Macky Sall et n’avoir aucun député à l’l'Assemblée nationale, encore moins au sein du Haut conseil des collectivités territoriales? Les femmes doivent avoir une meilleure représentation dans les institutions. Nous espérons que le président de la République nous entendra à ce sujet", lance-telle.
Par ailleurs, la responsible de l’organisation faîtière a réclamé plus d’engrais pour ses membres. “ Nous avons reçu 50 tonnes de semences certifiées; par contre pour l’engrais, la quantité reçue est loin de satiafaire la demande en hausse”, dit-elle.
PAR OULIMATA SARR
L'IMPERATIF D'AGIR
Au rythme actuel, il faudra 98 ans pour mettre fin aux inégalités de genre en Afrique subsaharienne : Les droits, la représentation politique et les ressources sont essentiels pour combler le fossé.
Au rythme actuel, il faudra 98 ans pour mettre fin aux inégalités de genre en Afrique subsaharienne : Les droits, la représentation politique et les ressources sont essentiels pour combler le fossé.
Les femmes ont plus durement subi les ravages économiques causés par le COVID-19. En Afrique, où les femmes représentent 58% de la population des travailleurs indépendants, les entreprises appartenant à des femmes ont été particulièrement vulnérables aux chocs et crises multiples. La pandémie a menacé les fragiles acquis de ces dernières années en matière d’égalité de genre en renforçant et en multipliant les situations de précarité auxquelles les femmes sont confrontées. A cela s’ajoutent les conséquences du changement climatique et de la guerre en Ukraine qui ont encore plus exposé les vulnérabilités des femmes en Afrique. Plus que jamais, notre continent a besoin de renforcer les actions pour mettre fin à la discrimination fondée sur le genre et créer une vague de changement positif. Si les choses continuent d’évoluer au rythme actuel, il faudra encore 98 ans pour mettre fin aux inégalités de genre en Afrique subsaharienne. Nous ne pouvons plus attendre.
Pour inverser cette tendance, nous devons nous concentrer sur trois domaines clés de coordination. Il s’agit de la représentation : les voix des femmes doivent être entendues dans les échanges politiques, les processus de maintien de la paix et la prise de décision ; le droit, ce qui signifie avoir des lois égalitaires qui protègent les femmes et les filles et enfin, l’allocation de ressources adéquates, y compris de mesures financières, pour traduire les engagements des États en actions et assurer l’autonomisation économique des femmes. ONU Femmes et la Fondation Bill & Melinda Gates s’engagent depuis de nombreuses années à soutenir ces progrès en partenariat avec les femmes et les hommes africains pour construire une société plus égalitaire, pacifique et économiquement dynamique.
Dans de nombreux pays africains, les femmes continuent d’être exclues des sphères de décision. Si la représentation des femmes dans les parlements a globalement augmenté et constitue une évolution positive, il existe encore des pays d’Afrique de l’Ouest et centrale où les femmes représentent moins de 5 % des parlementaires. En janvier 2021, la représentation globale des femmes africaines était loin d’atteindre la parité et les progrès réalisés restaient inégaux. Nous devons faire en sorte qu’aujourd’hui, à l’occasion de la Journée de la Femme Panafricaine, les voix des femmes africaines soient entendues et qu’elles puissent participer pleinement aux processus décisionnels en Afrique.
Les quotas se sont révélés être un moyen efficace d’accroître la participation des femmes à la vie politique. Dix pays sur douze d’Afrique de l’Ouest et centrale disposent désormais de telles lois. Par exemple, le Cap-Vert a adopté une loi sur la parité en 2019 et le nombre de femmes élues aux élections locales est passé à 41,5 % en 2020, contre 26 % en 2016. C’est un exemple de réussite qu’il est urgent de reproduire sur le continent car la représentation politique des femmes dans de grands pays comme le Nigéria et la RDC reste faible. Il est impératif de poursuivre sur la voie des réformes juridiques et politiques pour entériner ces pratiques dont nous connaissons l’efficacité.
Le Protocole de Maputo, adopté en 2017, fournit un cadre juridique pour la protection des droits des femmes en Afrique. Les États africains ont fait des progrès significatifs pour atteindre les objectifs du Protocole de Maputo, notamment en créant des ministères et des mécanismes institutionnels dédiés pour promouvoir ces droits. Cependant, l’accès limité des femmes africaines à l’éducation et à l’emploi réduit la croissance annuelle par habitant de 0,8 %. Ce niveau de croissance aurait permis de doubler la taille des économies africaines en 30 ans. Au Niger, par exemple, la Banque mondiale estime que le PIB par habitant serait supérieur de plus de 25 % si l’inégalité entre les genres était réduite. Les efforts visant à améliorer l’accès à l’éducation et à maintenir les filles dans les écoles secondaires, à mettre fin aux mutilations génitales féminines, à garantir l’accès des femmes à la propriété foncière, à mettre fin aux mariages précoces et à garantir l’accès aux droits sexuels et reproductifs ne trouveront leur aboutissement que si les opinions et les intérêts des femmes africaines sont pris en compte dans les politiques gouvernementales.
Trente ans après les engagements pris par la communauté internationale à Beijing et le Protocole de Maputo pour l’égalité des genres et la promotion des droits des femmes, il est urgent que nos pays africains prennent des mesures audacieuses pour allouer les ressources adéquates afin de stimuler l’autonomie et l’autodétermination des femmes. L’Afrique du Sud montre la voie en mettant en œuvre des politiques et des programmes visant à encourager et à soutenir l’autonomisation des femmes. Lors de la 66e session de la Commission de la Condition de la Femme, Mme Mmamoloko Kubayi-Ngubane, ministre sud-africaine des établissements humains, a souligné trois exemples concrets de politiques: premièrement, une stratégie axée sur l’autonomisation des femmes dans le secteur de l’énergie, lancée le 31 août 2021, ensuite, le lancement du programme « Women Diggers » pour augmenter le nombre de femmes dans le secteur minier et enfin, le programme « Techno girl » pour soutenir les filles qui souhaitent poursuivre des carrières scientifiques ou technologiques. Il y a encore trop peu de femmes dans le secteur des STEM (Science, Technologie, Ingénierie et Mathématiques) alors que nous savons que lorsque les femmes sont impliquées dans la prise de décision, elles obtiennent de meilleurs résultats pour tous en matière de science et de recherche. Dans des pays comme le Nigeria et le Kenya, seule une femme sur quatre travaille dans ce domaine.
Il est temps d’agir si nous voulons réaliser les aspirations de l’Agenda 2063, le cadre stratégique du continent pour atteindre son objectif de développement inclusif et durable, et ainsi construire l’Afrique que nous voulons : un continent en paix, uni, démocratique, prospère, doté d’une identité culturelle forte et égalitaire. Alors que la pandémie recule, il est impératif que les femmes et les filles soient placées au premier plan de tous les efforts de redressement. Les femmes doivent être incluses dans les plans de relance économique et leur santé doit être une priorité. L’égalité des genres revêt une importance économique, politique et sociale pour chacun d’entre nous. Sans elle, les disparités de genre continueront de contribuer à la pauvreté et freineront le développement nécessaire et si longtemps attendu par notre peuple. Tant que les femmes et les filles ne prendront part aux processus décisionnels, leur avenir, et celui de tous les Africains, continuera d’être hypothéqué.