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27 novembre 2024
Femmes
UNE NOUVELLE DE RAMA SALLA DIENG
GOOR YOMBUL, OU UN HOMME VAUT CHER
Dès qu’elle entendit le mot ‘takk’, Buguma, perdit pied. ‘’Takk’’ ainsi que les autres termes wolof relatifs au mariage, la rebutaient. Elle avait toujours trouvé ces mots révélateurs des termes sexistes de l’institution du mariage
Dès qu’elle entendit le mot ‘takk’, Buguma, perdit pied. ‘’Takk’’, littéralement, ‘ligoter’,‘enchainer’, ainsi que les autres termes wolof relatifs au mariage, la rebutaient. Elle avait toujours trouvé ces mots si peu poétiques et révélateurs des termes sexistes de l’institution du mariage par rapport à la jeune mariée, malgré les explications de sa mère.
Serign-Kemtaan-Men-Lep [1]se redressa sur son tapis et se gratta le front comme à chaque fois qu’il était perplexe. Cela faisait une demi-heure que l’homme qui était venu lui rendre visite lui racontait à quel point il avait besoin de son aide pour obtenir l’immunité. L’homme avait réalisé une transaction foncière importante avec Mercenaire, le représentant d’une compagnie originaire de Dëkk-bi-fog-ni-moo-nu-moom, l’ancien colonisateur du Galguisen. Le lamaan-boromsuuf[2]de Figaalgiteene, un village de la Vallée du Fleuvelui reprochait de ne pas l’avoir consulté car il avait autorité sur la terre, toute la terre autour de la vallée du fleuve : Walo et Jeeri[3]. Seulement, l’homme pensait que cette autorité était maintenant entre les mains des communautés rurales avec les lois sur la décentralisation des années 90 et ne lui avait donc pas versé de ndaalu[4]. En réponse, le lamaan-boromsuuf avait juré que l’homme n’obtiendrait jamais la terre et avait menacé de le ‘travailler’ pour qu’il ne soit pas réélu.
En cette période pré-électorale, l’homme avait peur que le contrat aakimoo-suuf[5] qu’il avait conclu avec Mercenaire ne lui coûte son poste et il ne souhaitait pas que le scandale éclate. Le marabout se gratta la tête encore plus nerveusement devant l’exposé de la situation. Puis il cessa son geste quand il réalisa que cela pourrait trahir son trouble. Sa mère lui interdisait ce geste quand il était petit. Puis quand il était devenu un homme : ‘un homme doit faire ceci, il doit éviter cela, etc.’ Et la liste de ce qu’était un homme, ‘un vrai’ selon sa mère, était longue : il fallait avoir un travail décent, pouvoir résoudre les problèmes de sa famille, savoir se faire respecter des femmes, bref, ‘être capable’ de tout, en toutes circonstances. Elle concluait toujours ses longues tirades par :’Goor Yombul’[6].
Pour se calmer, le marabout se mit à penser à la somme rondelette qu’il aller réclamer pour cette opération. Son sourire se fit brusquement carnassier. Sa mère serait fière de lui si elle le voyait aujourd’hui. Il était devenu un homme puissant, écouté, respecté et obéi. La population du Galguisen, religieuse et croyante était grande consommatrice de services maraboutiques. Il jouait alors sur la crainte, l’immatériel, l’inexistant car dans ce monde-là, tout était possible. Serign-Kemtaan-Men-Lepp était devenu plus que capable et il avait tenu à le signifier en choisissant son nom de marabout : ‘le marabout-omnipotent-faiseur de miracles’.
Il ordonna à l’homme une liste de sacrifices à réaliser et lui imprima une facture avec le montant des honoraires pour la consultation. A l’opposé de beaucoup d’autres marabouts, Serign-Kemtaan-Men-Lepp avait fait des études universitaires et possédait un vrai bureau avec un ordinateur portable et une imprimante. Il avait une secrétaire et parlait quatre langues étrangères pour ses affaires. Il disait avoir abandonné son affaire ‘B&B’ pour se consacrer à la noble mission qui lui avait été révélée car un tel pouvoir ne saurait rester caché et il se devait de l’utiliser pour abolir les souffrances des personnes qui l’entouraient.
Serign-Kemtaan-Men-Lepp pour mettre un terme à l’entrevue, s’adressa à l’homme d’un ton qui lui fit lui-même froid dans le dos : ‘melal ni say aajo fajuna’[7].
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Trois mois plus tard, dans le quartier de Patdwa, situé à Ndakaaru, se tenait cet échange :
- Ndayu-Mbilligi, merci de l’accueil chaleureux. Je commence cependant à m’impatienter car Buguma n’est même pas là pour m’accueillir et le mariage n’a toujours pas été célébré. J’espère officialiser l’union avant ma tournée à l’intérieur du pays. Je vais officiellement envoyer mes proches demander sa main avant la fin de ce mois.
- Buursaayna,Na sa xel dall. Yonnel say mbokk ma may la jabar.[8]
En s’entendant faire une telle promesse, Ndayu-Mbilligi sursauta, paniquée. Que ferait-elle si elle perdait ce gendre idéal qui occupait une place importante dans le comité du Nguur de Galguisen ? Elle-même avait mis les bouchées doubles pour son invité : Cuuray[9] à gogo, mets délicieusement cuisinés et dont l’odeur vous accueillaient à la porte, servis dans la vaisselle qu’elle avait ramenée de son voyage àde Dubaay, elle ne laissait rien au hasard. Il fallait que le poisson morde à l’hameçon, mieux s’étrangle avec!
Dès son entrée dans la maison de Ndayu-Mbilligi,Buursaayna, accompagné de son griot et conseiller Kanté, avait étalé ses largesses aux habitants de la maison : un cuub fara-fara[10] commandé spécialement du Mali pour la maitresse des lieux, deux IPad pour Saer et Yunuss, puis s’ensuivit une longue distribution de billets de banque.
Que ferait-elle si elle perdait cette manne financière que lui enviaient ses amies du quartier ? Cela faisait maintenant deux mois que Buursaayna qui avait le même âge qu’elle venait lui rendre visite au sujet de sa fille ainée de 26 ans, Buguma. Il voulait maintenant une réponse ferme car cette dernière allait retourner à Figaalgiteene dans quinze jours pour terminer son enquête de terrain dans le cadre de sa thèse de doctorat. Ndayu-Mbilligi ne comprenait pas Buguma, cette dernière était trop éduquée et elles n’arrivaient jamais à communiquer. Pourquoi Buguma n’était-elle pas comme Maajigeen sa petite sœur qui s’était mariée durant sa deuxième année de licence et qui lui avait donnée depuis un beau petit-enfant, Taawbugoor. Maajigeen ne s’était pas pourtant faite prier car elle voulait plus que tout entrer dans le cercle très « couru » de ses jeunes mariées de copines.
Buguma elle, lui mettait plus de bâtons dans les roues : elle parlait de droits, de révolution et d’équité ! Elle était obsédée par sa recherche et ne l’écoutait jamais quand elle lui disait que la ménopause approchait à grands-pas. Celle-ci ne voulait pas se marier avant la fin de son doctorat.
Récemment revenue à Ndakaaru pour un mois, elle restait chez sa mère deux semaines, et logeait à Kolaudel le reste de son séjour avant de retourner à Figaalgiteene bientôt. Elle lui tenait fermement tête depuis qu’elle lui avait interdit la zone Fann-Point-E-Plateau et surveillait ses moindres déplacements de peur qu’elle ne se remette à fréquenter de nouveau son amoureux d’opposant politique. Ndayu-Mbilligi pensait que « ses lois de l’immigration » si fermes feraient à sa jeune Ndate Yalla se languir de son bon-à-rien de bien-aimé et se laisser mettre la bague au doigt par le révéré Buursaayna!
Le copain de sa fille était un jeune Ngembicain Nadem Nademademdem, idéaliste qui n’avait aucun métier respectable sinon celui d’opposant au régime en place en Ngembique qu’il espérait un jour renverser. Buguma semblait indifférente au chantage de sa mère et pis avait l’air d’avoir tout son temps pour relever le défi que lui avait lancé celle-ci! Elle allait à son wolonteeru-non-remunéré-mais-en-contrepartie-de-laquelle-elle-aurait-une-grande-experience-du-plaidoyer-au-sein-d’une-grande-ONG chaque jour, affronter ses deux superviseurs qui l’exploitaient et l’accablaient de travail. Elle revenait éreintée mais Ndayu-Mbilligi ne se laissait pas berner par cette fatigue feinte car elle savait sa fille excitée par son immersion dans cette organisation qui défendait la liberté d’expression et les droits humains même si elle se plaignait que l’ONG en question avait oublié les droits de ses employé-e-s, ’di digle cangaay te dugnu sanggu’[11].
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Ndayu-Mbilligi soupira en pensant à l’ingratitude de sa fille qui, au lieu de rester à ses côtés pour reprendre son ‘bizness’[12] qu’elle avait commencé quelques années auparavant, ne parlait que de retourner à Figaalgiteene pour faire ses interviews. Ces dernières années déjà, Malamin son cadet avait pris soin de la fratrie mais lui a refilé le fardeau dès son retour en invoquant le droit d’aînesse et s’était enrôlé dans l’armée galguisennaise, fatigué de sa vie de chômeur. Il avait été envoyé en mission au Mali et donnait très peu de nouvelles. S’enrôler dans l’armée ? C’était la faute du Nguur qui n’arrivait pas à créer des emplois pour les diplômés-chômeurs mais les envoyait mourir pour réduire leur nombre! Ndayu-Mbilligi, amère comme à chaque fois qu’elle pensait à Malamin, n’arrivait pas à comprendre que son fils n’ait pas réussi sa vie en suivant le chemin qu’elle lui avait tracé.
‘Tchiip’, Ndayu-Mbilligi émit ce son qui valait tous les mots lorsqu’elle était dépitée et en colère. Elle repensa de nouveau à Buguma. Elle n’arrivait pas à lui faire comprendre qu’il y avait bien plus important dans la vie d’une jeune femme que les études! Elle-même s’était mariée à seize ans! En plus, Buguma risquait de faire fuir le peu de soupirants qu’elle avait en étant si diplômée. Qu’attendait-elle donc ? N’avait-elle pas appris de sa propre expérience ? Elle, Ndayu-Mbilligi, la femme d’affaires veuve avait eu comme couronnement d’une vie, deux « sœurs » une qui n’est pas allée très loin dans les études et plus âgée qu’elle, et une autre ‘intellectuelle’ qui avait un an de moins que Buguma au moment du mariage ; que son mari, Alaaji Zolikeer de son vivant, allait rejoindre chacune deux nuits sur sept, à tour de rôle. Mais c’est à elle, petite-fille d’AlburyNjaay, Buurba[13] Jolof que son mari accordait trois nuits. Et cela après qu’elle lui ait acheté une voiture au retour du troisième ‘Haj’[14] qu’elle lui avait offert et ajouté un autre étage à leur maison de trois niveaux.
Le nombre d’étages est un signe extérieur de richesse, peu importe si les fondements de la maison le permettaient. Alaji Zolikeer s’en était allé, il y a deux ans, mort d’une crise cardiaque dans les bras d’une jeunette mais cela, elle Ndayu-Mbilligi avait évidemment veillé à ce que personne n’en sache jamais rien. Buguma n’avait-elle donc pas conscience de tous les sacrifices qu’elle avait faits pour leur bien-être car elle était restée avec Alaji Zolikeer pour l’équilibre familial.
Ou était-elle d’ailleurs ? Que lui préparait-elle donc? Elle était la seule à ne pas répondre à l’appel marital : toute la famille était là pour l’occasion et attendait de jouer sa partition, sauf elle. Saer-Bënële feignait de lire en gardant un œil bienveillant sur la table somptueusement dressée, de temps en temps il se tournait vers de son cadet Yunuss Dëgër-Bopp, le petit dernier qui n’arrêtait pas de tomber de son vélo pour y remonter pour retomber. Elle pensa alors à Maajigeen sa fille à elle qui la secondait dans ses affaires. Maajigeen, sa préférée qui était partir s’installer chez sa belle-famille, comme le voulait la coutume. Elle lui avait donnée un beau petit-fils mais Ndayu-Mbiligi attendait plus que tout les petits-enfants que lui donneraient ses fils, à qui il revenait de perpétuer le patronyme familial.
Ndayu-Mbiligi soupira. De toute la journée, Buguma n’était apparue que pour manger, l’avait un peu aidée à faire les comptes de la semaine pour le magasin du marché Achelem et les deux de Sindaga, puis s’était retirée « dans ses appartements ». Résolument, Ndayu-Mbilligi promit d’un ton encore plus ferme à Buursaayna : Alxames bi mujj si weer bi nga yonne ma say mbokkma mayla jabbar[15]martela-t-elle en se levant pour rajouter deux fois plus d’encens dans le « and[16] » comme si cela pouvait conjurer le sort très certainement jeté sur sa fille. Car celle-ci ne pouvait avoir toute sa raison!
Buursaayna la remercia avant de prendre congé. Une fois dans sa voiture, il dansa de soulagement. Il allait unir sa voie à celle de ‘l’élue’. Ses soucis seraient bientôt terminés.
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Dans le bus 23 qui la ramenait chez elle à Patdwa, Buguma repensait à ses activités de ce mois de mai chargé et dont elle avait hâte de voir la fin. Plus que quelques jours se dit-elle. Elle aurait pu prendre le bus 6 ou le P1 qui étaient plus rapides mais préférait le 23 qui lui permettait d’avoir tout le loisir de lire ou de rêvasser. A la radio, Professeur Jallo Joob s’exprimait sur le parti politique qu’il dirigeait et qui avait été créé clandestinement par l’illustre anthropologue, historien et homme politique dont le nom fut donné à l’Université de Ndakaaru. Sa pensée alla alors à un autre frère Blondin Joob, qui était mort au même âge qu’elle, dans sa cellule de prison à Gorée. Elle était fascinée par Omar, ce brillant jeune révolutionnaire dont les circonstances de la mort restait toujours non-élucidée même si l’administration pénitentiaire et les autorités politiques de l’époque avaient avancé l’hypothèse d’une mort par pendaison dans la nuit du 10 au 11 mai 1973.
Pour sa part, après avoir décortiqué tous les articles de presse, le livre blanc du Nguur de l’époque et la lettre de Ndakaaru publiée en 1978, elle était persuadée qu’Omar avait été assassiné. Fort de cette conviction, elle avait proposé un article dans le bulletin d’information de son ONG, sous forme de lettre ouverte au nouveau Nguur galguisennais, lui demandant de rouvrir les dossiers d’Omar Blondin Joob et de Suus Baabakar Sey, une autre personnalité assassinée. Elle attendait toujours le retour de son superviseur pour savoir si l’article serait publié ou non.
Quelques minutes plus tard, Bob Marley fredonnait ‘Redemption Song’. N’était-ce pas ironique, ne put-elle s’empêcher de penser, que Bob Marley et Omar Blondin Joob soient tous les deux morts le même jour et que la jeunesse galguisennaise célèbre plus Marley que leur compatriote. Après tout pensa-t-elle ce qui importe c’est la conclusion de Thomas Sankara, Ancien Buuru Dekku-Gor-yi[17], une autre des figures qui l’inspiraient : ‘les individus peuvent être assassinés, pas les idées’. Cette pensa ne la réconforta que peu.
Le bus qui freinait brusquement à hauteur du Stade Demba Joob la ramena à la réalité. Maintenant, il allait rouler doucement jusqu’à la Sitedeezo à partir d’où il allait commencer à ramer tranquillement jusqu’à la station Mobile Garan-Medin où son trajet s’arrêtait. Et elle terminerait son chemin en prenant un taxi ‘kalando’[18]. Parfois quand elle était plus ‘en forme’, elle s’arrêtait à la police des Parcelles-Yi-Dessee-Set puis marchait le reste du trajet. Pour l’instant, elle pensait davantage à ceux et celles qui étaient à l’avant du véhicule. Comme elle était assise derrière, elle n’étouffait pas autant que ces derniers, confrontés aux ‘humeurs’ et relents de corps actifs au repos cherchant à investir chaque bout d’espace disponible.
Le bus était maintenant arrivé au rond-point Liberté 6 et s’était immobilisé, elle aperçut une affiche d’Ellari Kiris-Koros, Envoyée de Dekk-Bi-Epp-Doole-Yepp, le pays le plus puissant, certainement lors de sa visite à Ndakaaru au début du mois et eut une moue incontrôlée. Elle repensa à son discours plein d’espoir’ sur l’avenir radieux promis à la démocratie galguisennaise et ne put s’empêcher de faire le parallèle avec le discours paternaliste et humiliant tenu par le Buuru Dekk-bi-fog-ni-mo-nu-moom Nitki Sarkastik à Ndakaaru en 2007. Elle en avait marre de ce néo-impérialisme et pensait que seule Nguurgurafet, un mode de gouvernement équitable et endogène, pouvait permettre au Galguisen et aux autres pays africains d’aller de l’avant et non pas les recettes de ‘bonne gouvernance’ toutes faites importées et imposées par les grandes Institutions-Jumelles-Associées basées à Nioko-Yor.
A ce moment, elle entendit à la radio, M. Polotik revenir sur les incidents du dimanche dernier en Ngembique. Trois galguisennais avait était exécutés par le Buur de Ngembique, un petit Etat enclavé voisin du Galguisen. L’ONG pour laquelle elle travaillait avait déjà publié plusieurs dépêches, rapports et fait des communications pour pousser le Nguur Galguisennais à réagir fermement à ce nouvel affront du Buuru Ngembique qui se pensait tout-puissant. Elle-même avait passé sa journée à un sit-in devant l’ambassade de Ngembique et était frustrée par cette affaire.
**** Buguma ferma les yeux et préféra penser au sujet qui la préoccupait : sa recherche sur les contrats aakimoo-suuf qui avaient eu lieu à Figaalgiteene en octobre dernier. Ces contrats aakimoo-suuf portaient sur plus de 18 000 hectares accordés à un investisseur privé pour la production de patates douces et d’éthanol et 4 500 hectares accordés à un autre investisseur dont l’identité restait à déterminer pour qu’il établisse une ferme nommée Saa-baay-a-gën-sa-bosprès de Figaalgiteene. Ces contrats qui avaient dépossédé certaines populations de la terre qu’ils cultivaient ou les avaient contraints à se déplacer avaient poussé les populations locales à se soulever violemment contre les comités ruraux représentant le Nguur au niveau local depuis la décentralisation. Ces soulèvements répétés avec le soutien d’ONG locales avaient fait quatre morts et plusieurs blessés contraignant le Nguur à suspendre provisoirement les activités des investisseurs. Buguma cherchait à documenter les processus, acteurs et résultats des contrats aakimoo-suuf à Figaalgiteene depuis les politiques agricoles qui devaient permettre l’autosuffisance alimentaire à Galguisen.
Cependant, son enquête de terrain qu’elle avait commencé il y a plus de 6 mois lui donnait du fil à retordre : si elle avait pu obtenir des informations sur le premier cas de 18 000 hectares, elle se heurtait au silence et au manque de coopération des investisseurs et travailleurs de la ferme Saa-baay-a-gën-sa-bos. Ceux-ci refusaient de répondre à ses coups de fil, ne voulaient pas la recevoir ou participer au groupe de discussion qu’elle avait organisé il y a six mois lorsqu’elle élaborait son questionnaire qu’ils refusaient maintenant de renseigner. Elle ne savait plus quoi faire. Elle redoutait le moment où elle allait rencontrer le délégué du comité rural de Figaalgiteene qui avait signé le contrat. Non pas par peur car Buguma n’avait peur de rien, mais elle souhaitait avoir le tact qui lui faisait tant défaut, pour ce jour-là amener le délégué à répondre à ses nombreuses questions.
Le long râle du bus qui freinait sortit Buguma de sa torpeur, lui faisant remarquer qu’il était temps pour elle de descendre. Buguma fut accueillie par Bajjan, la sœur de son défunt père qui la serra dans ses bras en lui disant que sa mère, Ndayu-Mbilligi l’avait chargée de lui transmettre un message. Buguma opina du chef et se laissa guider par sa tante vers la maison familiale. Elle était surprise que Ndayu-Mbilligi ait chargé Bajjen de quelque chose car les deux femmes se parlaient rarement, Ndayu-Mbilligi disant du mal de Bajjan à chaque fois qu’elle le pouvait, lui reprochant d’avoir poussé son frère Alaji Zolikeer à lui trouver des ‘sœurs’. Bajjan pour sa part reprochait à Ndayu-Mbilligi ses nombreux déplacements à l’étranger et sa richesse subite. Buguma ne comprenait pas comment ces deux femmes qui étaient les meilleures amies du monde étaient devenues si distantes. La dernière fois qu’elle avait vu Bajjan c’était au baptême de Taawbugoor et avant cela le mariage de Maajigeen.
- Buguma, ma fille, mon ainée, j’ai tant attendu ce jour que j’ai cru qu’il n’arriverait pas. Ton oncle Mayekat-bi et moi avons discuté jeudi dernier après que j’ai été informée par ta mère que l’événement aurait lieu aujourd’hui. Il a de son côté contacté le responsable du quartier Kilifë-Kogn-bi et Xaritu-benn-Bakkan, l’ami de ton père pour qu’ils puissent procéder au ‘Takk’, le mariage.
Dès qu’elle entendit le mot ‘takk’, Buguma, perdit pied. ‘’Takk’’, littéralement, ‘ligoter’, ‘enchainer’, ainsi que les autres termes wolof relatifs au mariage : ‘Maye’ : donner en mariage, donner carrément, la rebutaient. Elle avait toujours trouvé ces mots si peu poétiques et révélateurs des termes sexistes de l’institution du mariage par rapport à la jeune mariée, malgré les explications de sa mère. Selon cette dernière, vouloir juger une culture avec des concepts et des réalités étrangers était une initiative vide de sens. Par le passé, le mariage était une manière pour deux familles de raffermir leurs liens et de s’allier. Malgré cela Buguma parlait d’‘objectification’ de la jeune femme et détestaient ces mots. Il y avait aussi l’expression qu’elle venait d’entendre Bajjan prononcer comme à travers un cauchemar : ‘So demee sa ker jekker, bul seyi, seeyil’ : ‘quand tu iras t’installer dans la maison de ton mari, ne sois pas seulement sa femme, mais ne forme plus qu’un avec lui et sa famille’, en écho a ces paroles, elle entendait : ‘Fonds-toi’.
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Durant cet après-midi de novembre, le Délégué du comité rural était pris de panique. Il venait de terminer une réunion de comité avec le Buuru Galguisenn qui venait de lui signifier que s’il n’arrivait pas à justifier qu’il n’y avait aucun contrat aakimoo-suuf dans la semaine suivante pour faire taire les rumeurs, il n’hésiterait pas à se séparer de lui. Le délégué n’avait pas l’immunité malgré son cumul de fonctions et il voulait conserver ses deux positions. Il se dépêcha d’aller chercher Serign-Kemtaan-Men-Lepp pour l’amener à sa réunion de 14 heures. Depuis le début de leur collaboration, Serign-Kemtaan-Men-Lepp s’était montré très imprévisible. Ce dernier lui avait donné l’ordre de réaliser un sacrifice humain puis s’était ravisé pour lui demander d’épouser cette jeune femme qu’il lui avait décrite de manière précise. Cette femme était l’élue, selon Serign-Kemtaan-Men-Lepp, et l’épouser lui permettrait d’avoir l’immunité pour être invincible aux prochaines élections.
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Buguma relisait nerveusement son questionnaire. Elle se forçait à se retenir d’empoigner le Délégué dès qu’il franchirait la porte de ce bureau ou son assistante l’avait installée quelques minutes plus tôt. Elle vérifia une énième fois son apparence dans le miroir en face d’elle et observa ses yeux bouffis à force de cumuler des nuits blanches. Ses gros yeux qu’elle avait hérités de sa mère Ndayu-Mbilligi qui l’avait déshéritée depuis qu’elle lui avait signifié devant les parents de Buursaayna qu’elle ne se marierait jamais avec ce dernier. Qu’elle ne voulait pas d’un mari dont elle ne serait pas l’égale. Un mari qui la couvrait de cadeaux alors qu’il ne pouvait lui faire l’honneur de la considérer, de lui parler, de lui demander ce qu’elle pensait du ‘takk’. Un mari qui ne ferait que la montrer à des réunions politiques ou pour inaugurer des chrysanthèmes comme disait un fameux général. Elle ne voulait pas d’un mari qui l’exhiberait comme un trophée mais qui lui demanderait son opinion sur la campagne électorale.
A la fin de sa longue tirade, sa mère s’était levée et lui avait hurlée :’ Et tu te prends pour une femme ! Une intellectuelle! Tu ne connais rien de la vie ma petite Buguma. Tu penses que tu peux être l’égale des hommes ! N’es-tu plus croyante ? Je me demande comment tu as pu sortir de mes entrailles et me ressembler si peu ! Je ne comprends plus ce monde où les femmes veulent être des hommes et les hommes ne sont plus capables d’être de vrais hommes. Est-ce que tu as oublié l’histoire de Malamin ? Ton propre frère qui préférait fréquenter des hommes qui satisfaisaient ses moindres désirs au lieu de se trouver un travail et une femme !? Malamin, qui a préféré rejoindre l’armée surement pour avoir davantage d’hommes autour de lui ? Tu veux être la deuxième honte de cette famille ? Le Bon Dieu te donne la chance d’avoir un vrai homme, capable de te prendre en charge et de régler définitivement les besoins de notre famille, et tu veux cracher dessus ? Buguma, ne comprends-tu pas que ‘Goor Yombul’[19] ? Tant que tu ne reviendras pas à la raison, je ne veux plus te voir. Je veux que tu dégages de ma maison et surtout ne laisse aucune miette de tes idées de féministe occidentale désorientée dans cette maison.’ Puis elle lui avait craché au visage et était sortie.
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Buguma inspira profondément en pensa en son for intérieur : ‘si être féministe, c’est refuser d’être étrangère à mon propre mariage et à ma vie, si être féministe c’est me battre pour ne pas être une citoyenne de seconde classe, si être féministe, c’est refuser d’être traitée comme de la merde par une société patriarcale qui établit des privilèges pour certains et asservit l’autre moitié de la population, alors je suis féministe maman.’ Buguma se regarda encore dans le miroir, elle avait enveloppé ses longs locks dans un foulard assorti à sa tenue de wax ‘woodin’ que son frère Malamin lui avait offert. Elle pensa à lui nostalgique, Malamin le chômeur à qui sa mère passait tous les caprices. Malamin, son petit frère qui avait le droit de sortir n’importe quand et revenait à des heures indues alors que son couvre-feu à elle était 19h30. Malamin dont elle lavait les habits avant que Ndayu-Mbilligi ne décide de lui trouver une petite bonne comme il grandissait. Buguma et Maajigeen était leur propre bonne, car elles étaient des jeunes filles ‘appelées à être des épouses respectables’, d’ailleurs Buguma était contre le principe d’avoir une bonne chez soi, car ces dernières étaient payées une misère, et traitées de manière très injuste par des patronnes qui cherchaient à maximiser leur budget. Malamin, qui dormait jusqu’à 13h tous les jours et ne se réveillait que pour manger dans la maison familiale qu’il appelait son ‘B&B’, son ‘Bed & Breakfast’[20]. Les larmes lui aveuglaient la vue quand elle pensa à combien son frère lui manquait. Elle pensa au fait qu’elle n’avait plus aucune nouvelle de lui depuis plus de deux ans. Depuis que sa mère l’avait jeté à la rue quand elle avait découvert son secret. C’est ainsi que la société galguisennaise gérait ce qu’elle ne voulait pas comprendre : la fuite, le mépris et le rejet au lieu de promouvoir le dialogue où de chercher à comprendre. Comprendre que certains ‘maux’ de la société n’en sont pas. Que ce sont les mots qui créent les maux.
La porte s’ouvrit soudain. Buguma n’en revenait pas. Malamin était la devant lui, en habits de marabout. Il était accompagné d’une autre personne surement le délégué qui la fixait intensément. Le délégué de Figaalgiteene, Buursaayna n’arrivait pas à détacher son regard de Buguma, la jeune femme que Serign-Kemtaan-Men-Lepp lui avait recommandée d’épouser. ‘L’élue’ qui devait résoudre ses problèmes mais qui avait humilié ses parents le jour où ils se sont présentés chez Ndayu-Mbilligi, sa mère, pour célébrer leur union.
Maajigeen : Prénom féminin, choisi dans ce texte par ce qu’il contient le mot femme en wolof : ‘jigeen’
Ndakaaru : Ville imaginaire, Dakar en wolof
Kolodel : Résidence universitaire pour jeunes filles imaginaire construit sur une wolofisation de l’actuelle résidence Claudel à Dakar
Ndate Yalla (Mboj) : Dernière Lingeer (Reine) du Royaume du Walo, un ancien royaume du Sénégal. Elle fut une combattante, une éducatrice, une mère et une figure emblématique de la résistance coloniale.
Nadem Nademademdem : Refrain wolof scandé en général dans les manifestations politiques ou publiques et signifiant : ‘Qu’il (ou elle) parte! Qu’il (ou elle) parte! Qu’il (ou elle) parte! (Nous n’en voulons plus comme dirigeant (e).
Alaaji Zolikeer : Elhadj est le titre donné à tout homme qui a effectué le pèlerinage à la Mecque,ce terme est wolofisé dans ce texte et de même que ‘Zoliker’ : Joli-cœur en français, séducteur Saer-Bënële : Saer-le-gourmand
Yunuss Dëgër-Bopp : Yunuss-le-têtu
Patdwa : Quartier imaginaire, pouvant être considéré comme une wolofisation de l’actuel quartier de la ‘Patte d’Oie’ à Dakar
Sitedeezo : Quartier imaginaire, pouvant être considéré comme une wolofisation de l’actuel quartier de la ‘Cité des Eaux’ à Dakar
Garan-Medin : Quartier imaginaire, pouvant être considéré comme une wolofisation de l’actuel quartier de ‘Grand-Médine’ à Dakar
Parcelles-Yi-Dessee-Set : Quartier imaginaire, construit par opposition à l’actuel quartier de la banlieue de Dakar, ‘les Parcelles Assainies’ qui ne sont pas aussi propres que leur nom le laisse penser.
Buur : Roi (Reine) ou Président-e
Ellari Kiris-Koros : Nom imaginaire, Kiris-Koros est une wolofisation du groupe de rap américain des années 90, Kriss Kross
Nitki Sarkastik : Nom imaginaire, littéralement :l’homme sarcastique Saa-baay-a-gën-sa-bos : Nom imaginaire, littéralement : ‘Mon père vaut mieux que le tien’
Bajjan : La marraine
Mayekat-bi : le marieur (le donneur en mariage)
Kilifë-Kogn-bi : le responsable du quartier
Xaritu-benn-Bakkan : l’ami de longue date
Goor Yombul : Littéralement : ‘un homme vaut cher’ signifie que tous les hommes ne sont pas considérés comme ‘hommes’, renvoie à la construction de la masculinité en fonction de la ‘capacité’ à être homme. Cette capacité est socialement définie en termes de pouvoir économique et sociale, de la capacité à se faire respecter des femmes et surtout de la sienne. Cette capacité est aussi définie sexuellement à travers la notion de virilité et de sa capacité à ‘avoir’ plusieurs femmes.
Par opposition, la fémininité qui définit la construction sociale des attributs propres aux femmes renvoie à la soumission, l’obéissance, la douceur, etc. Si ces notions de masculinité et de fémininité sont quelques peu relatives car définies spatio-temporellement, quelques attributs sont universellement reconnus comme ‘masculins’ ou comme ‘féminins’. Ce texte illustre ces concepts dans la société ‘wolof’.
[1] Un lexique des noms propres est disponible à la fin du texte.
L’appel à une campagne électorale apaisée dans ces joutes locales se multiplie après les scènes de violences notées dans des localités du Sénégal. Les organisations de femmes, partenaires du projet VLF-Sénégal, lancent un appel en faveur de la libre expression démocratique, de la transparence et de la paix pour ces élections locales du 23 janvier prochain.
Le 23 janvier 2022, les Sénégalais iront aux urnes pour élire les maires des communes, les président(e)s des conseils départementaux et autres représentant(e)s au niveau local. Pour cette campagne qui a démarré depuis le 08 janvier dernier, des scènes de violences sont notées dans plusieurs localités liées aux tensions politiques ou à des rivalités entre militants.
Pour les organisations de femmes partenaires du projet (Voix et Leadership des femmes au Sénégal) : « lorsque ces violences surviennent, les femmes et les jeunes en sont les principales victimes, en dépit de leur faible implication dans la gestion et le règlement des violences politiques ».
Et de poursuivre : « déjà pendant la période pré-électorale assez tendue, plusieurs affrontements entre militant(e)s de partis adverses ont entraîné des blessés, amenant ainsi les Sénégalais à craindre le pire. Cette situation s’est confirmée depuis le démarrage de la campagne électorale, depuis le 8 janvier 2022, avec des discours incitant à la violence et des affrontements ayant causé des blessé(e)s graves dans plusieurs localités du pays ».
Ces violences électorales notées dans l’espace public ont des conséquences fâcheuses. Selon des organisations de femmes qui ont communiqué sur la question, hier, dimanche, elles touchent plus les femmes militantes de partis, électrices et surtout candidates. « Dans la même veine, ces dernières font l’objet de nombreuses attaques caractérisées, à travers l’espace public numérique. Militantes de partis, elles sont aussi stigmatisées, violentées et en tant qu’électrices, elles subissent souvent des pressions sociales quant à leur choix politique et électoral » ont-elles déclaré.
Au regard de ce contexte électoral assez tendu, les organisations partenaires du projet (VLF-Sénégal) invitent tous les acteurs politiques dont le Chef de l’État à mettre en place des voies et moyens pour préserver un environnement électoral apaisé qui permettra à tous les Sénégalais d’exercer leur droit de vote de façon libre, transparente et paisible. Aux leaders politiques, ainsi que les candidats à privilégier et prononcer des discours de rassemblement, de paix et de cohésion sociale pour des élections locales paisibles.
Aux chefs religieux et coutumiers, elles incitent à exercer davantage leur rôle de garants de la stabilité sociale et à participer davantage à l’instauration de la paix en ces périodes assez tendues. Quant aux parents, ils sont invités à jouer un rôle de régulateur au niveau de la famille afin que les enfants puissent être en sécurité, en les incitant à rester chez eux en cas de manifestation hostile pour éviter de participer à l’exacerbation des tensions. Les jeunes et les femmes sont interpellés à prendre leurs responsabilités dans l’édification d’un Sénégal paisible et d’une démocratie mature dans le respect de la citoyenneté et de la chose publique.
Enfin, les organisations de la société civile ont à exercer leur rôle de veille et d’alerte et à mettre l’accent sur la formation, la sensibilisation, le dialogue, au niveau communautaire et national pour des élections locales avec zéro violence, alors que les médias et la presse sont invités à faire preuve de plus de responsabilité dans la diffusion et le traitement équitable des contenus allant dans le sens de l’apaisement.
LE FÉMINISME AFRICAIN N'A PAS ATTENDU L'OCCIDENT
Les femmes africaines luttent depuis des décennies pour construire leur identité et faire reconnaître leurs droits. Pourtant, elles se voient encore parfois dénier le statut de féministe. Une hérésie
«Vous ne pouvez pas proclamer qu’une idée ou un fait a été importé dans une société donnée, à moins donc de conclure aussi qu’à votre connaissance, il n’y a pas et il n’y a jamais eu, de mot ou d’expression qui, dans la langue indigène de cette société, décrit cette idée ou ce fait. » Ces mots de l’autrice et dramaturge féministe ghanéenne Ama Ata Aidoo illustrent parfaitement le procès inlassablement fait au féminisme, dès lors qu’il se rapporte aux filles et femmes subsahariennes ou afropéennes. Le féminisme serait ainsi une importation de l’Occident, une injonction de femmes blanches assénée aux femmes d’ascendance africaine, et allant à l’encontre des « vraies » valeurs – évidemment traditionnelles – de ces dernières.
Oppression et désirs d’émancipation
Comme si leur appartenance subsaharienne les dispensait de désirs d’émancipation. Qu’il y avait confusion. Et qu’il s’agissait d’une démarche inconnue pour elles. D’ailleurs, de qui pourraient-elles bien prétendre à s’affranchir, leur situation est si enviable ! Personnellement, j’aime à croire que de tout temps, dans toutes les régions – et pas seulement sur le continent –, des femmes africaines ont aspiré à régner sur elles-mêmes, à être libres et à utiliser cette liberté pour en libérer d’autres. Dans une perspective internationaliste panafricaine, c’est d’ailleurs ce que me semblent traduire les rencontres continentales qui suivront les indépendances, et qui verront le rassemblement des divers mouvements de femmes africaines de tout le continent.
Continuer à présenter le féminisme incarné par les femmes africaines comme l’émanation du féminisme des femmes blanches, quand on sait que, historiquement, l’oppression des femmes n’a connu aucune frontière ethnique ou raciale, c’est leur dénier toute singularité. C’est réfuter l’idée qu’elles aient pu être responsables, aspirer à prendre leur destinée en main, penser par elles-mêmes leurs oppressions, leurs problèmes, et envisager d’elles-mêmes les solutions possibles.
Nayé Anna Bathily, la fondatrice de l’association Shine to lead, qui oeuvre pour la promotion de l’éducation des jeunes filles en sciences, émue des résultats et de la brillance de ses protégées
Shine to lead/Jiggen Jang Tekki apporte une plus-value certaine dans l’agenda de l’éducation au Sénégal. Depuis quatre ans, l’association recrute des lycéennes issues de milieux modestes et les accompagnent pour qu’elles terminent leurs études dans la sérénité dans les séries scientifiques. Les lauréates de STL bénéficient d’un appui scolaire, de coaching en développement personnel, en leadership et en prise de parole en public. L’objectif est de faire d’elles «de grandes dames», moteur de l’émergence du Sénégal de demain. Récemment, l’association a organisé un déjeuner-retrouvaille à l’endroit de ses lauréates. Occasion pour qu’anciennes lauréates et nouvelles recrues se retrouvent. En marge de cette rencontre conviviale, SeneNews a interrogé l’inspiratrice du projet Nayé Anna Bathily, celle par qui tout est arrivé. Fière des fleurs produites par les graines qu’elle a semées 4 années plus tôt avec son équipe de bénévoles, elle revient avec émotion sur l’historique de l’initiative, évoque les défis et se projette sur le futur non sans dévoiler quelques secrets de la réussite de cette association. Manifestement, pour la fondatrice de Shine to lead, les résultats dépassent largement les espérances. ENTRETIEN.
Nayé Anna Bathily, vous êtes la fondatrice et présidente de Shine to lead/ Jiggen Jang Tekki qui épaule des jeunes filles des séries scientifiques. Dans quel contexte est née cette initiative ?
Shine to lead est né d’un besoin simple mais d’une évidence et d’une nécessité. C’est celui d’accompagner les jeunes filles défavorisées, à rester dans les séries scientifiques, à se développer, à développer leur leadership, à développer leur capacité à se prendre en charge et vraiment à développer le leadership féminin sénégalais. Notre parti pris vraiment c’est d’accompagner ces jeunes filles qui vivent souvent dans des conditions très difficiles, mais qui ont un potentiel de réussite énorme. Et nous avons choisi les séries scientifiques. Nous souhaitons qu’elles restent dans les séries scientifiques parce qu’il n’y a pas assez de jeunes filles dans les séries scientifiques et nous sommes convaincues qu’en les accompagnant, elles feront de grandes dames qui accompagneront la construction de la société sénégalaise et de l’Afrique bien sûr.
De manière concrète Nayé Bathily, qu’est-ce que Shine to lead apporte à ces jeunes filles et qui les transforme tant ?
Nous leur apportons un accompagnement sur plusieurs volets. Le premier c’est un accompagnement sur le plan émotionnel. Sur ce plan, on a développé un programme de mentorat. Chaque jeune fille a une mentore, c’est-à-dire une femme accomplie qui la suit au quotidien, suit son évolution, qui lui parle et qui l’aide vraiment à s’épanouir. Le deuxième volet, c’est toute une palette de programmes que nous avons mis en place. C’est la prise en charge au début de l’année des fournitures scolaires, en plus bien sûr d’un accompagnement financier qui est indispensable car comme je vous l’ai dit ce sont des jeunes filles défavorisées. Donc on les aide à pouvoir se rendre à l’école. Le troisième volet, c’est qu’on a lancé l’année dernière avec la pandémie un grand programme de cours de renforcement dans certaines matières scientifiques ainsi que dans certaines matières essentielles, (en mathématiques, en sciences physiques, en science de la vie et de la terre, en anglais et en français). Et tout ceci s’est fait en ligne.
Il semble que les filles ont bénéficié également des cours de vacances ….
En effet, on a lancé un programme de cours de vacances en ligne au niveau national dans les 14 régions du Sénégal. De nombreuses jeunes filles ont été sélectionnées pour bénéficier de ces cours. Nous avons reçu plus de 1500 candidatures. Cent vingt (120) jeunes filles ont été retenues. On a fait des partenariats avec des professeurs qui les ont suivies, qui ont administré ces cours. Pendant cette période, les filles retenues se sont connectées tous les jours. On a eu un taux d’assiduité de plus de 90%. C’est dire qu'il y a le désir d’apprendre, le désir d’engagement chez ces jeunes filles . Il leur suffit d’un coup de pouce vraiment pour qu’elles se réalisent et c’est ce que Shine to lead apporte.
Globalement pensez-vous que les filles sont conscientes de la chance qu'elles ont d’avoir Shine to lead comme appoint ?
Je pense que oui. C’est une évidence. Nous, nous les avons vues évoluer parce que quand on les prend en charge au début, elles sont très timides. Plus le temps, passe, plus on voit comment elles se prennent en charge. Elles sont transformées. Nous avons des programmes académiques mais aussi beaucoup de programmes dans le développement du leadership, des ateliers d’art oratoire, des ateliers de théâtres où elles apprennent vraiment à avoir confiance en elles. On voit un vrai changement qui s’opère en elles. Nos lauréates sont littéralement transformées par ces programmes. Donc, bien sûr qu’elles se rendent compte de la chance qu’elles ont et les résultats scolaires le montrent. On a eu cette année de nombreuses bachelières et surtout de beaucoup de mentions et de belles mentions : des mentions « Assez bien », « Bien », «Très bien ». Pour moi, c’est une très grande émotion que de voir ces jeunes filles défavorisées, parvenir à décrocher le BAC avec brio. C’est vraiment une très grande fierté et c’est tout à leur mérite parce que Shine to lead est un coup de pouce. Mais ce sont elles qui sont courageuses et braves.
Shine to lead est une association très jeune mais avec d’excellents résultats. Où est ce que l’association trouve des ressources pour assurer cet appui qualitatif?
Shine to lead existe depuis plus 4 ans maintenant. On s’est fait connaître et il y a beaucoup de partenaires qui nous ont fait confiance. Il y a des entreprises privées, des fondations, des personnes individuelles qui nous contactent et nous proposent leur contribution. On a aussi un grand réseau de bénévoles avec notamment notre programme de mentorat. Nos mentores sont toutes des femmes bénévoles qui travaillent, qui sont très occupées, mais qui prennent de leur temps pour accompagner ces jeunes filles. C’est l’occasion pour moi de les remercier au nom de toute l’équipe de Shine to lead parce que qu’elles le font en plus de toutes leurs activités professionnelles, familiales et personnelles. C’est la solidarité autour de Shine to lead qui fait que cette initiative prend de l’élan, continue de grandir. On n’a que deux salariées. Tout le reste ce sont des bénévoles qui donne de leur temps. Moi j’ai peut-être pensé l’initiative mais maintenant elle appartient à des centaines et des centaines de personnes.
Malgré vos résultats, il y a certainement des difficultés. Comment les surmontez-vous et quels sont vos besoins actuels ?
On peut se réjouir parce que nous n’avons pas beaucoup de déperdition ou de manque d’assiduité, mais il y en a quelquefois qui sont moins assidues pour des raisons indépendantes de leur volonté. Par exemple, on a vu que pendant la pandémie de COVID-19, elles étaient tellement débordées par les tâches ménagères qu’elles avaient un peu du mal à suivre les cours en ligne. C’est un dialogue continu qu’il faut instaurer avec les parents pour qu’ils aident les filles à être plus disponibles et suivent les cours. Il y aussi la question de connectivité parce que la plupart de nos programmes surtout avec la pandémie se font en ligne. Donc il y a l’outil digital qui est mis à la disposition de certaines si c’est nécessaire. Malheureusement quelquefois, il y a des problèmes d’électricité, des problèmes d’accès à la connexion. En somme, ce sont certains des défis auxquels nous faisons face. Toutefois, nous trouvons toujours des solutions et la motivation des filles nous porte pour trouver des solutions.
Qu’en est-il de vos besoins ?
On a effectivement encore des besoins. On a obtenu très récemment un financement d’un partenaire qui veut qu’on trouve plus de 1000 mentors. Maintenant, il faut aller les trouver, il faut dénicher toutes ces femmes qui seront disponibles pour accompagner les jeunes filles surtout avec le fait qu’on a étendu nos programmes au niveau national. Nous avons besoin de plus de relais dans les régions et ça aussi ça demandera un investissement sur le terrain. On est en train de voir comment nous organsiner pour trouver d’autres partenaires pour être plus présents sur le terrain au-delà de Dakar, Saint-Louis parce que nous voulons aller au fin fond du Sénégal, dans les zones rurales où les besoins sont énormes, où il y a beaucoup de mariages précoces. Nous voulons aller toucher ces jeunes filles-là. Ce sont là des difficultés que Shine to lead doit surmonter.
A côté des besoins, vos résultats sont imparables. Quelle a été la clé du succès du Shine to lead ?
La clé du succès de Shine to lead ça a été vraiment de nous concentrer sur les jeunes filles. Je suis peut-être la fondatrice mais il n’y a pas d’individualité (Ndlr : l’équipe de bénévoles). On n’a pas d’agenda politique. Notre seule motivation, c’est vraiment d’avoir un impact sur la vie des jeunes filles. On n’a aucun autre agenda. Et donc on est investi à 100% sur l’épanouissement de ces jeunes filles, sur le développement de leur leadership personnel et académique. C’est l’engagement de chacun, de chacune de nous, de toute l’équipe de manière générale qui produit cet impact. Mais la clé de notre succès aussi a été la confiance des parents, des partenaires et surtout l’engagement des jeunes filles.
Nayé Anna Bathily, si vous aviez plus de possibilités, plus de moyens à Shine to lead qu’est-ce que vous feriez de plus ?
Il y a deux choses. D’abord, ce serait de toucher beaucoup plus de filles. C’est vrai qu’on touche déjà plusieurs centaines, mais ça reste vraiment une échelle réduite. Moi je voudrais qu’on puisse en toucher des millions. Donc l’objectif pour nous, c’est vraiment d’arriver à une masse critique plus importante de jeunes filles qui intègrent nos programmes. On a besoin des jeunes filles qui aient plus confiance en elles, qui croient en elles, s'investissent plus dans les études et surtout dans les séries scientifiques.
Ensuite, j’aimerais aussi qu’on puisse avoir plus de rencontres physiques avec les lauréates et qu’on puisse faire de bootcamp. C’est très bien des rencontres virtuelles que nous a imposées la pandémie, mais comme il y a une décrue et un certain contrôle des autorités sanitaires du pays, je pense que nous pourrons reprendre nos rencontres en présentiel avec les filles, se voir et échanger. Je souhaiterais par exemple qu’on puisse toutes nous retrouver dans une ville du Sénégal pendant l’été dans le cadre de bootcamp. C’est important. L’effet de transformation et l’impact sont encore plus forts quand on peut se voir, se parler, se toucher.
STL a fait une certaine discrimination. La science c’est important certes, mais on peut avoir des filles brillantes en littératures qui ont aussi besoin d’appui pour libérer leur énergie. Qu’est-ce qu’on en fait ?
Il y a tellement de choses à faire et nous on a choisi. On fait ce parti pris comme je vous l’ai dit. Si on pouvait prendre aussi en charge d’autres profils, on le ferait. On nous a même dit pourquoi ne pas toucher les garçons. On aurait aimé le faire mais on ne peut pas tout faire. On sait qu’il y a un besoin dans les séries scientifiques, il y a besoin d’avoir plus de jeunes filles en sciences. Ça a été notre choix. D’autres s’occuperont d’autres jeunes filles, de l’éducation de manière générale. Nous, c’est notre contribution. Il y a beaucoup de contributions et je crois que la somme de ces contributions permettra vraiment de faire avancer l’agenda de l’éducation au Sénégal et en Afrique.
Que vous disent les dirigeants à propos du travail de Shine to lead ?
On a beaucoup d’encouragements et c’est ça aussi qui nous porte. Moi je reçois chaque fois des messages de félicitations de part et d’autre de personnes qui nous suivent et qui voient nos résultats. Partant justement de nos résultats, on a eu par exemple, cette année des bachelières qui ont 13 ans, Aminata et Rama (Ndlr : les sœurs jumelles) sont avec nous à cette rencontre aujourd’hui. Shine to lead les suit depuis 3 ans. Nous avions demandé à leurs parents de les laisser en Seconde S, en Première S et nous avons fait ce qu’il fallait pour qu’elles puissent être connues, pour qu’elles puissent avoir une bourse parce qu’elles étaient tellement jeunes en tant que bachelières. Et finalement, elles ont eu cette bourse des plus hautes autorités. Et c’est parce qu’on les a fait connaître à travers Shine to lead. Donc ce sont vraiment tous ces encouragements que nous recevons des plus hautes autorités, des partenaires et de toutes les bonnes volontés.
Shine to lead est une faiseuse de grandes dames, de futures dirigeantes. Pensez-vous que si on a des femmes présidentes au Sénégal, au Rwanda et en Afrique du Sud quelque chose peut changer pour ce continent ?
Oui, je pense mais je crois qu’il ne faut pas en faire une obsession. Il faut juste être sûr que les femmes jouent un rôle aussi important que les hommes dans la société. Présidente oui ou alors premier ministre, on en a déjà eu au Sénégal. D’ailleurs, on a eu deux femmes premiers ministres (Ndlr : Mame Madior Boye sous le régime d’Abdoulaye Wade -2000-2012- et Aminata Touré sous le régime de Macky Sall). Mais ce qui compte c’est que les femmes aient leur place, jouent leur rôle dans leur société. Présidente pourquoi pas, mais ce qui est important pour nous c’est l’éducation, que chaque femme trouve sa place et apporte sa contribution à la construction de l’édifice sénégalais et africain.
L’affirmation des femmes même professionnelles reste un défi. Par exemple, les journalistes essaient de leur donner la parole sur le terrain, mais c’est difficile de leur faire parler. Comment on sort de cette situation ?
Je suis tout à fait d’accord. C’est justement le travail qu’on fait à Shine to lead. Quand elles arrivent, elles ne veulent même pas ouvrir leurs bouches parce qu’elles n’ont pas l’habitude, on n’a pas l’habitude de les mettre en avant. Mais avec des ateliers de prise de parole en public que STL organise, petit à petit, elles prennent confiance en elles. C’est un travail de longue haleine et je pense qu’il y a de plus en plus de femmes dans, dans le secteur privé, de plus en plus de femmes dans beaucoup d’autres sphères qui prennent la parole, prennent leurs responsabilités et qu’on entend dans l’espace public. Donc petit à petit, ça se fait. Ça n’avance peut-être pas aussi vite qu’on le souhaite, mais il y a des améliorations et ce travail qu’on fait, toutes ces pépites qu’on fait éclore à Shine to lead, ce seront elles demain qui assureront. Je pense que demain vous n’aurez plus du mal à avoir des femmes qui vont prendre le micro, ça je vous le promets.
Interview réalisée par Frédéric ATAYODI
VIDEO
NAYÉ ANNA BATHILY, FONDATRICE DE SHINE TO LEAD : NOS LAURÉATES SONT DES PERLES RARES QUI BRILLENT
STL sort des jeunes filles réservées, pour la plupart, de leur zone de confort. Une zone de confort faite de timidité, de peur de prendre la parole en public, de crainte d'affirmation de soi et de doute à avoir de l’estime de soi.
Depuis quatre (4) ans, l’association Shine to lead/Jiggen Jang Tekki apporte une contribution inestimable, une plus-value certaine dans l’éducation des jeunes lycéennes des séries scientifiques au Sénégal. Grâce à l’octroi des bourses, aux cours renforcement, aux cours de vacances et aux ateliers développement personnel, les énergies de ces jeunes filles de milieux défavorisés sont libérées. Elles n’ont plus aucune peur d’être elles-mêmes. A contrario, elles s’autorisent de rêver grand et de viser loin. Pour elle désormais, « sky si the limit ».
C’est une contribution à échelle réduite certes, mais une contribution qualitative et qui a valeur de modèle réplicable et amplifiable parce que réussi. La présidente de l’association Nayé Anna Bathily, celle par qui tout est arrivé, ne cache pas son émotion quand elle en parle. Invitée d’AfricaGlobe Tv, Nayé Anna Bathily explique le contexte de la création de l’association et dit toute sa fierté des résultats exceptionnels que produisent les lauréates, non sans exposer les défis qui se posent à l’association.
Shine to lead a sorti, in fine, ces jeunes filles réservées, pour la plupart, de leur zone de confort. Une zone de confort faite de timidité et d'introversion, de peur de prendre la parole en public, de crainte d'affirmation de soi et de doute à avoir de l’estime de soi. Les explications de la fondatrice dans la vidéo ci-dessus.
UN CENTRE POUR L'AUTONOMISATION DES FEMMES DANS LE DOMAINE DE L'ÉNERGIE SOLAIRE
Le Centre de formation Barefoot College International de Toubab Dialao fonctionnel depuis juillet, sera inauguré le 2 janvier 2022. Son objectif est d'outiller les femmes contre la précarité grâce aux ressources énergétiques solaires - COMMUNIQUÉ
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué de l’ONG Barefoot annonçant l’inauguration, le 2 janvier 2022, du Centre dédié à la formation des femmes dans le domaine de l’énergie solaire en milieu rural, à Toubab Dialao.
« DP WORLD et l’ONG Barefoot College International procèderont le dimanche 2 janvier 2022 dans l’après-midi à l’inauguration du Centre de formation Barefoot College International de Toubab Dialao mis en place pour la formation dans le domaine de l’énergie solaire des femmes rurales dans les pays en développement.
Ce Centre financé à hauteur de 250 millions de FCfa, une subvention de DP WORLD, en partenariat avec Barefoot, existe depuis juillet 2021 ; il permet d’assurer la formation des femmes en milieu rural en Afrique de l’Ouest dans le domaine de l’énergie solaire ; elles pourront ainsi devenir elles-mêmes formatrices et micro-entrepreneures.
Le nouveau Centre de Toubab dialao est déjà fonctionnel et des formations s’y déroulent actuellement, menées par des femmes d’un certain âge qui sont restées au village et qui ont été initiées à la fabrication de panneaux solaires. Elles sont appelées « Solar Mamas ».
Cette formation innovante préconise des méthodes d’enseignement alternatives, adaptées pour les femmes ayant peu ou pas de formation académique. Ainsi elles seront en mesure d’installer, d’entretenir et de réparer des infrastructures solaires dans leurs communautés locales ; elles seront à même de créer des micro-entreprises rentables et de former d’autres femmes de la communauté.
Une communauté qui dispose d’énergie solaire peut elle-même devenir l’actrice principale de son émergence. En effet, cela facilitera l’accès à l’éducation, à des revenus additionnels et va contribuer à une amélioration économique durable à long terme pour tous.
Les résultats attendus de cette initiative sont l’atteinte aux objectifs de développement durable tels que : l’éradication de la pauvreté, l’égalité de genre, l’accès facile aux énergies renouvelables et l’indépendance financière des femmes. »
LES FEMMES À L’ASSAUT DES TRAVAUX DE BTP
Les métiers du bâtiment souvent associés à la force physique, par conséquent réservés aux hommes, sont de plus en plus pratiqués par les femmes qui tentent de repousser ces limites et stéréotypes pour s’épanouir pleinement dans ce milieu.
Dakar, 29 déc (APS) - Les métiers du bâtiment souvent associés à la force physique, par conséquent réservés aux hommes, sont de plus en plus pratiqués par les femmes qui tentent de repousser ces limites et stéréotypes pour s’épanouir pleinement dans ce milieu.
Entre les étais qui soutiennent la dalle, Astou Niang, dans son gilet orange, les chaussures de sécurité, un casque de protection blanc sur la tête et un bloc note à la main, ne semble pas une intruse dans ce milieu dominé par les hommes.
Le sourire aux lèvres, elle discute avec un petit groupe d’ouvriers tandis que d’autres, dans un travail à la chaîne, se passent les seaux pleins de béton armé.
La presque trentenaire originaire de Bambey supervise les travaux de la dalle sur le chantier de la mosquée de l’université Cheikh Anta Diop, en reconstruction depuis quelques mois.
’’J’ai de très bonnes relations avec les ouvriers du chantier. Bien que je sois la seule femme, je suis bien traitée. Ils ne me regardent pas en tant que femme, mais en cheffe d’équipe’’, explique celle dont l’amour pour le bâtiment est à rebours des stéréotypes, faisant des BTP un métier réservé aux hommes.
Astou Niang ne participe pratiquement pas aux travaux pénibles, mais elle a cette qualité de détecter toute faille dans les travaux. Le cas échéant, elle n’hésite pas à monter sur la dalle pour donner des instructions.
Après des études secondaires dans sa bourgade natale dans la région de Diourbel, elle dépose ses valises à Dakar pour suivre des études en bâtiments et travaux publiques, sanctionné par un Brevet de technicien supérieur (BTS).
Aucune incompatibilité avec le statut de femme
’’Au début, ma mère était un peu réticente, elle se souciait beaucoup de ma santé physique, parce qu’elle me voyait revenir à la maison avec des habits sales lors de ma formation’’, se souvient Astou Niang.
Certes, les stéréotypes n’ont plus la vie dure, mais les femmes qui décident de se faire une place dans les BTP doivent aussi faire avec les humeurs des ouvriers qui voient mal une femme leur donner des ordres. Ce qui installe par moments un climat de travail ’’très tendu’’ entre ouvriers et cheffes de chantier.
Travailler sur un chantier ne signifie pas ne pas prendre soin de soi. Au contraire. ’’Je prends soin de moi comme toutes les femmes une fois à la maison’’, indique d’emblée Astou Niang quand on lui pose la question sur comment elle allie son travail avec les ’’afterworks’’ pour toute jeune fille de son âge.
Mme Niang affirme ne voir aucune incompatibilité entre son travail et son statut de femme. Elle se dit même ’’suffisamment convaincue’’ que les femmes peuvent apporter de l’innovation et une touche personnelle à ce métier d’hommes.
Dieynaba Mané est topographe. Son métier lui amène à manager des hommes. Et souvent, cela se passe dans des ’’atmosphères tendues’’.
En effet, certains ouvriers n’acceptent pas de recevoir d’ordres venant d’une femme, préférant par moments, ’’s’offusquer et abandonner en plein dressage d’un mur’’, explique-t-elle.
La topographe, originaire de Kolda, comme sa consœur Astou, est tombée sous le charme du métier du bâtiment. Après son certificat d’aptitude professionnel (CAP) en génie civil, à Kolda, elle rejoint le Centre technique professionnel Maurice de Lafosse à Dakar pour l’obtention du brevet de technicienne (BT) en géométrie-topographie.
Séduite par le génie civil, depuis l’école primaire, Dieyna comme l’appellent ses amies a travaillé pendant un an dans une usine de poisson avant son recrutement en 2017 par une entreprise de BTP.
Sur les chantiers du Bus rapid transit (BRT), il est fréquent de rencontrer des filles au niveau des points de déviation.
Trouvée au rond-point ‘’Case ba’’ aux Parcelles Assainies dans la banlieue dakaroise, Bineta Diop, tout en sueur, est à pied d’œuvre pour orienter les chauffeurs.
Dans sa tenue recouverte de poussière, la jeune fille, sifflet à la bouche, se donne à fond pour faciliter la circulation des automobilistes qui ont la priorité.
’’Je suis recrutée depuis le lancement des travaux du BRT et je monte la garde dans ce poste de contrôle pour réguler la circulation des véhicules’’, explique-t-elle.
Contrairement à Astou et à Dieynaba, Bineta, elle n’a pas d’expérience dans les travaux publics. Elle a arrêté ses études en classe de terminale.
’’J’ai travaillé comme marchande ambulante pendant quatre ans. Je suis habituée à marcher sous le chaud soleil. Donc, je peux tenir’’, indique la jeune fille.
Repousser les limites pour plus de responsabilités
Bien que présentes sur plusieurs chantiers de construction et dans les travaux publics, les femmes occupent très souvent les seconds rôles dans ce milieu qui exige l’endurance et la force physique, en dépit de leurs connaissances.
Astou Niang dit avoir très tôt compris que pour se faire une place et mériter le respect dans ce milieu, il lui faudra ’’faire plus que les hommes, sans compter la bonne qualification technique’’.
’’Ce n’était pas facile au début sur ce chantier, car certains ouvriers digéraient mal le fait que je sois là en train de leur donner des tâches à exécuter’’, note-t-elle.
Omar Touré, chef ouvrier du groupe que dirige Astou Niang, joue un peu ’’le trait d’union’’ entre elle et les autres ouvriers.
’’Mon rôle est d’assurer qu’il n’y ait pas de débordement avec les ouvriers. Je reçois des ordres venant d’elle que je fais appliquer par les ouvriers’’, relève le quadragénaire qui dit être dans ce métier depuis une vingtaine d’années.
Il est d’avis également que la touche féminine peut bien être significative dans le métier.
’’S’il n’y avait pas la théorie dans ce métier nous serions très limités’’, reconnait le chef ouvrier en s’essuyant le visage rond.
En cela, ajoute-t-il, ’’on peut reconnaître aux femmes de par leur goût naturel pour le design et la mode, un savoir-faire à part soulever des charges lourdes’’.
’’C’est déplorable de penser que les femmes n’ont pas leur place ici’’, indique le quadragénaire, estimant que leur métier ’’a besoin autant de la théorie que de la pratique’’.
’’Ils (les ouvriers) n’aiment pas que je leur demande de faire ceci ou cela. Si je leur demande une fois et qu’ils refusent, je prends mes propres initiatives avec ma pelle et mes piquets ’’, témoigne pour sa part Dieynaba Mané.
Au-delà de la topographie, qui est son domaine de prédilection, Mané dit avoir beaucoup appris avec son équipe, par exemple en ce qui concerne les techniques de manipulation de la bétonnière.
’’Je n’accepte jamais que les hommes fassent le travail à ma place. Les gens n’en croient pas leurs yeux quand ils me voient sur du béton armé tenir une pelle au même rythme que les hommes sur un chantier. Je compte bien repousser mes limites pour avoir un poste de responsabilité mérité’’, affirme-t-elle avec fierté.
En attendant de vaincre tous ces stéréotypes et voir ce que va donner ce ’’mariage’’ entre épanouissement professionnel et féminité, il demeure évident que le milieu du bâtiment et des travaux publics (BTP) a ses exigences physiques que peut-être la seule formation théorique des femmes diplômées ne pourrait satisfaire.
LUTTE CONTRE LA CORRUPTION, SEYNABOU NDIAYE DIAKHATÉ NOMMEE À L’IAACA
La présidente de l’Office national de lutte contre la fraude et la Corruption (OFNAC), Seynabou Ndiaye Diakhaté, a été nommée membre du nouveau comité exécutif de l’Association internationale des autorités de lutte contre la corruption
Dakar, 28 déc (APS) - La présidente de l’Office national de lutte contre la fraude et la Corruption (OFNAC), Seynabou Ndiaye Diakhaté, a été nommée membre du nouveau comité exécutif de l’Association internationale des autorités de lutte contre la corruption (IAACA).
’’Cette nomination au sein de l’Association internationale des autorités anti-corruption est intervenue à l’occasion de la dernière réunion du comité exécutif de l’IAACA en date du 7 décembre 2021’’, indique l’OFNAC dans un communiqué transmis à l’APS, mardi.
Dans une correspondance, le Dr Thomas Peran, Secrétaire général de l’IAACA, a déclaré que ‘’la nomination de la présidente de l’OFNAC en tant que membre du nouveau comité exécutif de l’IAACA a été approuvée’’.
Il a, par ailleurs, rappelé que la Commission indépendante contre la corruption (l’ICAC) Hong Kong, assumera la prochaine présidence de l’IAACA et procédera aux dispositions relatives à la prochaine réunion du Comité exécutif.
Les prochaines élections de l’IAACA se tiendront le 5 janvier 2022, lors de l’Assemblée générale qui se déroulera en format virtuel.
Créée en 2006, l’Association internationale des autorités anti-corruption (IAACA) est présentée comme ‘’une organisation indépendante, apolitique et anti-corruption, composée d’institutions chargées d’enquêter, de poursuivre et de prévenir la corruption dans le monde’’, rappelle-t-on dans le communiqué.
Plus de 140 pays et régions participent à l’Association par le biais de l’adhésion organisationnelle et individuelle.
L’objectif de l’Association est ‘’de promouvoir la mise en œuvre effective de la Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC), en encourageant une collaboration constructive entre ses membres dans la prévention et le contrôle de la corruption, ainsi que dans le recouvrement d’avoirs et la coopération internationale’’.
Pour atteindre ces objectifs, l’IAACA s’efforce de ‘’promouvoir la coopération internationale dans la prévention, les enquêtes et le jugement des infractions de corruption, y compris par la coopération en matière de détection et de répression, l’entraide judiciaire et l’extradition ainsi que dans la recherche, la saisie, le gel, la confiscation et la restitution du produit des infractions de corruption’’.
Elle promeut également ‘’des mesures de prévention de la corruption dans les secteurs public et privé, la mise en réseau, les relations informelles et formelles, la coopération et la coordination entre les autorités anti-corruption et entre les autorités anti-corruption et d’autres autorités compétentes, y compris les autorités répressives, judiciaires et administratives tant au niveau national qu’international’’.
L’IAACA entend aussi ‘’faciliter l’échange et la diffusion d’expertise et d’expérience entre les autorités anti-corruption, promouvoir l’examen du droit pénal et de la procédure pénale comparés et des meilleures pratiques et aider les autorités anti-corruption engagées dans des programmes de réforme et des activités connexes ; promouvoir l’examen et la diffusion des mesures préventives’’.
55% DE FILLES RATENT DES COURS EN PÉRIODE DE MENSTRUATION À L’IA DE THIES
8,9% de filles sont déscolarisés dans la région de Thiès à cause de plusieurs facteurs dont la menstruation
Par Ndèye Fatou NIANG(Correspondante) |
Publication 28/12/2021
Lors de l’atelier d’évaluation du projet Gestion de l’hygiène menstruelle (Ghm), piloté par la fédération «Kajoor Jankeen» et l’Inspection d’académie de Thiès sur financement de Child fund, le taux très élevé de déscolarisation des filles à cause de la menstruation a été dénoncé par les acteurs, qui militent pour la promotion de l’éducation des filles à travers une bonne Ghm.
8,9% de filles sont déscolarisés dans la région de Thiès à cause de plusieurs facteurs dont la menstruation. Mieux, selon une étude réalisée par Speak Africa en 2017, 45,1% des filles se sont absentés de l’école à cause des règles. Ce n’est pas tout. Une évaluation réalisée en 2021 par l’Inspection d’académie (Ia) de Thiès montre que 55% des écolières disent avoir peur, honte ou être gênées d’aller à l’école durant leurs menstrues. D’où la mise en œuvre du projet Gestion de l’hygiène menstruelle (Ghm), piloté par la fédération Kajoor Jankeen et l’Ia de Thiès sur financement de Child fund. Ceci pour promouvoir l’éducation des filles et leur maintien à l’école. «Les menstruations sont, en effet, la cause de retard ou d’absence au niveau des écoles chez les filles.
Il s’agissait donc d’améliorer l’environnement scolaire à travers la réhabilitation et l’équipement de blocs sanitaires pour que la fille, qui est en période de menstruation, puisse les utiliser afin qu’elle soit à l’aise et qu’elle n’est pas besoin de sortir pour aller chez elle ou chez le voisinage ou arrêter tout court d’aller à l’école», explique Maïmouna Sow, experte en santé de la reproduction et facilitatrice du projet Ghm en milieu scolaire. Elle prenait part hier à l’atelier d’évaluation du projet Ghm avec leurs partenaires des ministères de l’Education et de la Santé.
Aussi poursuit-elle : «La menstruation est souvent accompagnée de douleurs et la fille n’est pas tellement à l’aise pour suivre les cours, le projet donc a mis à leur disposition des kits d’hygiène ou on a mis des antalgiques et des serviettes hygiéniques pour qu’au moment de la menstruation qu’elle puisse en bénéficier.»
En plus de ces kits, «la communauté scolaire a été également sensibilisée sur les bonnes pratiques en matière de gestion des menstrues». Ceci, «pour permettre aux élèves, non seulement d’avoir un niveau de connaissance assez élevé mais également pour améliorer les pratiques. Et les résultats montrent qu’il y a une
amélioration dans les fréquentations au niveau scolaire».
Sur les 12 établissements scolaires ciblés dans les départements de Thiès, Tivaouane et Mbour, 4887 filles âgées de 9 à 19 ans ont bénéficié du projet.
272 enseignants, administrateurs et 180 membres de la communauté dont des techniciennes de surface ont été également formés et sensibilisés.
Se réjouissant de l’impact «positif» du projet au sein des établissements scolaires ciblés dans la région, Mme Ndèye Nar Bèye Djiba, chargée de la question genre au niveau de l’Ia de Thiès, a sollicité sa pérennisation pour en faire bénéficier le maximum de filles.
3,2 MILLIONS DE FEMMES RISQUENT DE DÉVELOPPER UN CANCER DU COL DE L’UTÉRUS
Dakar, 23 déc (APS) - Quelque 3,2 millions de femmes pourraient développer un cancer du col de l’utérus au Sénégal, a déclaré, jeudi, à Dakar, le professeur Mamadou Diop, cancérologue et directeur de l’institut du cancer Joliot-Curie de l’hôpital Aristide-Le-Dantec.
‘’Quelque 3,2 millions de femmes risquent de développer un cancer du col de l’utérus au Sénégal’’, a dit M. Diop lors d’une conférence de presse du Programme élargi de vaccination (PEV) du ministère de la Santé.
Il a évoqué ‘’l’importance de faire vacciner les jeunes filles âgées de 9 à 14 ans contre ce cancer’’.
‘’C’est un cancer fréquent, avec 379 cas en 2017, 322 cas en 2018, 355 cas en 2019 et 346 cas en 2020. Nous accueillons un cas de cancer du col de l’utérus, presque chaque jour’’, a indiqué Mamadou Diop.
‘’Le cancer du col de l’utérus est l’un des cancers évitables, avec un vaccin efficace’’, a rappelé, lors de la conférence de presse, le gynécologue obstétricien Omar Gassama, de l’hôpital Aristide-Le-Dantec.
Le directeur de l’institut du cancer Joliot-Curie a signalé ‘’une avancée’’ importante de la lutte contre cette maladie en parlant de l’existence d’un logiciel disponible au Sénégal, qui sert à répertorier tous les cancers qu’il y a dans le pays. ‘’Le ministère va déployer les moyens qu’il faut pour le démarrer, cette année’’, a-t-il assuré.
Quelque 11.317 nouveaux cas de cancer sont recensés au Sénégal, chaque année, a indiqué le professeur Mamadou Diop sur la base d’estimations faites par l’Organisation mondiale de la santé.
Sept à huit personnes sur 10 vivant avec un cancer vont en décéder, a-t-il dit.
Le PEV a signalé une forte baisse du taux de vaccination des filles âgées de neuf à 14 ans contre le cancer du col de l’utérus à cause de la pandémie de Covid-19 et a déploré la détérioration de 28.700 doses.
Son coordonnateur national, le docteur Ousseynou Badiane, assure que le programme tente de rattraper le temps perdu en élargissant la cible de cette campagne de vaccination aux filles âgées de 15 ans.
Le rattrapage du temps perdu peut concerner même les filles âgées de 19 ans, selon le professeur Tandakha Dièye, un spécialiste de la vaccination, qui prenait part à la conférence de presse du PEV.