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28 novembre 2024
Femmes
par Adrienne Diop
QUAND LE COVID MET À NU LES INÉGALITÉS HOMMES-FEMMES
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps - Nos espoirs collectifs post Covid-19 devraient émaner de la prise en charge des impacts de la pandémie sur les femmes au regard du rôle fondamental qu’elles ont joué dans sa gestion
#SilenceDuTemps - Depuis la survenue du Covid-19, notre santé, nos politiques sanitaires, nos économies, nos méthodes de travail, nos relations familiales et amicales, en un mot, nos vies ont été bouleversées de manière profonde et irréversible. Même dans l’espoir que cette pandémie soit maîtrisée et vaincue, nous ne vivrons plus et ne travaillerons plus comme avant. Son étendue géographique, le lourd tribut en vies humaines, l’impact négatif sur les économies de nos États, les bouleversements intervenus dans le système éducatif, les conséquences désastreuses sur certains corps de métier, les répercussions sur la vie en société et la vie privée, font du Covid-19 une pandémie à nulle autre pareille. En effet, le Covid-19 s’est révélé être beaucoup plus qu’un problème sanitaire. La pandémie a non seulement mis à nu la fragilité de nos systèmes sanitaires, mais elle a également déstabilisé nos économies et modifié notre mode de vie.
Le Covid-19 a permis de mettre les projecteurs sur certaines professions essentielles dont le rôle a été fondamental dans la gestion et prise en charge des malades dans les structures sanitaires et sociales. Ces personnels sont pourtant mal rémunérés et rarement appréciés à leur juste valeur.
Ma réflexion sera principalement axée sur un aspect peu évoqué par les gouvernements et les médias durant cette crise sanitaire : son impact différencié selon les genres. En effet, cela a été l’un des enseignements les plus marquants de cette pandémie. Le Covid-19 a impacté de manière inégale les femmes et les hommes. Les femmes, par la centralité de leur rôle dans la communauté et leur position dans la structure de notre économique, ont beaucoup plus souffert que les hommes de la crise sanitaire. Le Covdid-19 a mis en lumière les inégalités et les disparités socio-économiques déjà existantes entre les hommes et les femmes. Avec les plus bas revenus, vivant souvent dans des logements précaires et insalubres et ayant peu d’accès aux soins de santé adéquats, les femmes sont plus exposées aux infections.
Cette pandémie pourrait anéantir les progrès modestes mais importants, acquis en matière d’égalité des genres et des droits des femmes. À cause de la crise sanitaire, les avancées réalisées dans le cadre de l’équité sociale et de l’élimination de la pauvreté sont menacées.
Les conséquences de la crise sanitaire sont nombreuses, mais son impact sur les femmes est considérable et affecte par ricochet tous les autres secteurs. Nos espoirs collectifs post Covid-19 pourraient émaner de leur prise en charge, si l’on considère le rôle fondamental qu’elles ont joué dans sa gestion. Le Covid-19 est une opportunité pour revisiter et redéfinir nos politiques de santé en y renforçant le rôle des femmes et par de-là contribuer à la réduction des inégalités.
Bien qu’ayant été moins affecté que les autres continents si l’on considère le nombre de décès, l’Afrique a le plus souffert des conséquences du Covid-19. Les pays africains ont payé un lourd tribut aux plans sanitaire, économique et sociétal. Le Covid-19 est venu affaiblir des structures sanitaires déjà fragiles, souffrant de politiques de santé souvent inadaptées, de manque d’infrastructures adéquatement équipées, de financement suffisant, de personnels pas toujours bien formés et souvent mal rémunérés. La pandémie a exacerbé les carences de nos systèmes sanitaires.
- Les femmes en première ligne -
L’impact de la majorité des crises (guerre et conflits, climat, économique, chômage) est toujours plus sévère sur les femmes que sur les hommes. Le Covid-19 ne fait pas exception. En raison de leur rôle dans la société et de leur forte présence dans les structures sanitaires et sociales, elles sont sur la ligne de front des intervenants de la lutte contre la pandémie, ce qui qui font d’elles les personnes les plus exposées au Covid-19. En effet, les femmes constituent 75% des infirmières, des aides-soignantes et du personnel de soutien. Il faut ajouter à cela que 86% des assistantes sociales et des aides à domicile sont des femmes.
Au niveau économique également, les femmes ressentent de façon plus prononcée les effets de la pandémie. Elles sont majoritaires dans les secteurs les plus affectés par crise sanitaire comme l’hôtellerie, la coiffure, le commerce et la vente, la restauration et la transformation de produits locaux. Selon les Nations unies, elles constituent également près de 60% des travailleurs qui évoluent dans le secteur informel. L’économie informelle est caractérisée par une certaine précarité, des bas salaires et moins de protection sanitaire. L’OIT informe qu’en 2020 la perte d’emploi des femmes atteint 5% contre 3,9% chez les hommes. Selon ONU Femmes, 75% des Sénégalaises évoluent dans l’économie informelle. Pour atténuer l’impact de la pandémie, le gouvernement sénégalais a soutenu des entreprises. Cependant, seules celles formellement constituées ont le plus bénéficié de cette aide, laissant un grand nombre de femmes livrées à elles-mêmes. Ces dernières sont également désavantagées par l’absence de prise en compte du travail domestique non rémunéré et l’augmentation des soins qu’elles prodiguent à domicile durant la pandémie. En 2020, les femmes représentaient 39% du monde du travail mais ont subi 54% des pertes d’emploi. À cause du Covid-19, près de 50 millions de femmes dans le monde vont basculer dans l’extrême pauvreté.
L’un des effets les plus inattendus et les plus dramatiques de la pandémie est la hausse de la violence domestique. En 2020, une femme sur cinq dans le monde a été victime de comportements violents dans son foyer. Confinement oblige, la situation des victimes de violence conjugale est aggravée par la présence permanente du partenaire en état de stress causé par le Covid-19. Il a été enregistré une hausse de 32% du nombre de plaintes relatives aux violences conjugales. À cette situation, il faut ajouter, les difficultés des services sociaux à répondre à un plus grand nombre de sollicitations dans un contexte de ralentissement économique.
La pandémie est venue nous rappeler que la santé est la chose la plus importante pour un être humain. Le Covid-19 a bouleversé nos vies par la transformation de notre organisation et méthode de travail, l’arrêt des industries, du commerce, des voyages. Nos systèmes d’enseignement ont subi des modifications majeures et la fermeture des hôtels, des restaurants, des lieux de spectacle et de divertissement nous a obligés à changer notre façon de vivre.
Pour faire face à ce défi, il est fondamental de mettre sur pied un système sanitaire performant basé sur des personnels de santé bien formés et bien rémunérés, une infrastructure de dernière génération régulièrement entretenue et des médicaments à suffisance. Ce système repose sur un financement adéquat, de solides politiques sanitaires fondées sur les besoins réels.
Si aucune action n’est prise, la pandémie va creuser l’écart de pauvreté entre les hommes et les femmes d’ici 2030. Les progrès durement acquis pourraient être anéantis par la crise sanitaire si des programmes qui intègrent la dimension genre ne sont pas adoptés. Il est donc important de placer les femmes au centre des mesures sanitaires visant à prévenir et à lutter contre les pandémies.
Le Covid-19 nous donne l’opportunité de revoir et de redéfinir nos politiques de santé à la lumière des enseignements de cette crise en renforçant la contribution des femmes. Elles devraient être impliquées au plus haut niveau lors de la formulation de ces nouvelles politiques de santé et de la prise de décision. La prise en compte de leurs préoccupations et l’identification de mécanismes est indispensable pour atténuer les impacts spécifiques sur les femmes.
- Pour un changement d'approche -
Une nouvelle approche est nécessaire. Elle passe par une volonté individuelle et politique ainsi que par l’implication du secteur privé. Il devrait y avoir des politiques de santé avant et après le Covid-19.
Le volet sanitaire doit être complété par des mesures visant réduire la vulnérabilité financière des femmes. Parmi ces mesures, le soutien des secteurs de l’économie dans lesquelles les femmes évoluent et l’accompagnement de l’économie informelle sont essentiels.
Le renforcement de la résilience économique des femmes passe également par le mentorat des petites et moyennes entreprises dirigées par les femmes, par la facilitation des prêts à taux réduits et par des mesures d’incitation fiscale.
Face à cette pandémie sans précédent, les pays africains ont la formidable opportunité de repenser leurs politiques de développement, de procéder à une redéfinition des objectifs et des moyens pour y parvenir. Nous devons réfléchir sur une politique économique post-Covid qui met l’humain au centre de ses préoccupations. Les hommes, les femmes, les jeunes, le gouvernement, les secteurs privé et informel, les ruraux et les citadins, tous doivent contribuer à l’élaboration de cette nouvelle politique qui devra être solidaire et inclusive
Cette politique passe par le renforcement de notre autonomie pour la satisfaction de certains besoins fondamentaux. Plus que jamais, la nécessité de compter sur nos propres forces pour la production de notre alimentation et pour la maîtrise de notre système sanitaire notamment les médicaments essentiels et le matériel médical. Pour y parvenir, la transformation de nos produits agricoles, halieutiques, d’élevage et miniers est une condition sine qua non. Les nombreux discours et engagements sur cette question ont été, à ce jour, très peu suivis d’actions concrètes.
Au vu des conséquences dramatiques du changement climatique sur nos économies, la protection de notre environnement est l’une des questions qui doit être inscrite au titre des priorités de cette nouvelle vision.
Le numérique s’est imposé comme incontournable durant cette pandémie. Le Covid 19 a eu des répercussions inégales sur les travailleurs et les entreprises. Certains secteurs se prêtent moins au télétravail soit par leur nature soit par manque personnel ayant une bonne maîtrise de l’outil informatique. Seules les sociétés connectées et dotées d’infrastructures et de technologies numériques ont pu continuer à opérer sans trop de dommages. La pandémie a accentué le problème de la fracture numérique. Sans une technologie numérique de pointe, les défis liés au développement et à la croissance économique ne pourront être relevés. Cet élément doit être intégré dans toute nouvelle politique de développement.
Cette pandémie a révélé l’immense potentiel de créativité des Sénégalais, prouvant à suffisance qu’elle ne demande qu’à être stimulée pour éclore. Le potentiel d’innovation des Sénégalais dans les domaines artistique, sanitaire, économique et industriel est immense. L’État a le devoir, par la création d’un environnement favorable à l’innovation et l’esprit d’entreprise, de faire révéler l’ingéniosité, le génie créateur et salvateur présent dans l’imaginaire des citoyens.
Une redéfinition de notre coopération basée un partenariat réellement « gagnant-gagnant » en misant davantage sur nos propres ressources que sur l’assistance étrangère.
L’augmentation des budgets relatifs à la santé, l’éducation, les affaires sociales, l’agriculture et l’infrastructure numérique contribuerait au renforcement de la résilience des populations.
Paradoxalement, cette tragédie que constitue le Covid-19, est une incroyable opportunité à saisir par nos gouvernants pour revisiter notre trajectoire de développement, lui donner une nouvelle direction qui permettrait l’avènement d’une société prospère, solidaire, équitable, inclusive et respectueuse de son environnement.
Adrienne Diop est une journaliste qui a fait ses gammes à la RTS et au magazine Démocratie locale entre autres. Docteure en Sciences de l’information, elle a enseigné au Cesti et à l’IFP Dakar avant d’être nommée ambassadrice du Sénégal en Malaisie entre 2015 et 2018.
par Philippe D'Almaeida
LE VIOL DE TROP
Les Louise se comptent chaque année par milliers au Sénégal : dans la rue, au bureau, dans les champs, sur les routes, dans l’enfer des familles où ce sont les instincts des mâles qui rythment la sexualité des femmes
Le sit-in organisé le samedi 3 juillet sur la place de la Nation, par le Collectif des féministes du Sénégal, a porté un projecteur de plus sur la scène obscure sur laquelle semble, depuis toujours, se jouer la tragédie des violences faites aux femmes au Sénégal, notamment celle du viol.
Certes, il eût fallu un peu plus qu’un sit-in pour éveiller les consciences, volontairement ou inconsciemment, endormies sur le sujet. Une mobilisation de toutes les rues du pays eût été d’un autre effet. Mais ce n’était point gagné d’avance, dans une société qui affiche plus de spontanéité à protéger ses violeurs qu’à les dénoncer.
Alors, la manifestation de samedi était importante à deux titres : elle brise l’omerta de l’hypocrisie qui entoure la question en contraignant victimes et bourreaux à entendre l’obscénité de leur lâcheté et la gravité de leur silence ; elle contraint une société entière à sortir du déni dans lequel elle s’est enfermée et à se contempler dans le miroir, ouvrant aux victimes, la perspective d’un autre choix que celui de l’acceptation et la possibilité de dire ‘’non !’’.
‘’Stop à l’impunité !’’, scandaient la poignée de femmes dans le silence amorphe d’une place qui a su porter d’autres causes avec la ferveur que l’on sait. Car les viols au quotidien sont bien présents dans la société et l’impunité qui les entoure est tout aussi sidérante. Le vote de la loi de décembre 2019 qui criminalise le viol, n’a rien changé à cette pandémie morale qui affecte toutes les couches sociales, qui est souvent suivie de meurtre et qui se joue très souvent à ‘’huis clos’’ dans le silence des arrangements familiaux, derrière les volets de villas cossues ou de chaumières misérables où seul parle le vice, dans le mépris le plus absolu de la femme, déshumanisée, dégradée, insultée et souillée.
Ce qui semble avoir été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est le viol d’une mineure par un jeune lycéen de 19 ans dans un lycée français de Saly. Viol audible et visible parce que perpétré dans un lycée chic par le fils chic d’une famille chic. Ce qui a soulevé l’indignation, c’est l’offense à la fille chic d’une famille chic. On n’offense pas les enfants ‘’bien’’ des familles ‘’bien’’ et ces ‘’petits meurtres entre riches’’ ne sont pas du goût d’un microcosme, généralement à l’abri des saletés d’‘’en bas’’ et qui se croit inatteignable par elles. Et la voilà qui se réveille soudain sous la lumière brutale de la réalité : le mal est partout et il prolifère partout où il n’est pas combattu, et c’est le devoir de tous de le combattre sans concession, sans peur, sans circonlocution.
Et voilà donc ce petit monde dans la rue. Le viol de la petite Louise, de surcroit nargué par son violeur, a réveillé les consciences en même temps que les indignations, mais sans réussir à emballer dans sa majorité, une société réputée patriarcale et qui concède donc aux hommes tous les outrages.
Car les Louise se comptent chaque année par milliers au Sénégal : dans la rue, au bureau, dans les champs, sur les routes, dans l’enfer des familles où ce sont les instincts des mâles qui rythment la sexualité des femmes, dans le style le plus abusif et le plus abject, l’omerta est la règle et la dénonciation une trahison.
L’hyper hypocrisie d’une société qui mutilait sexuellement jusqu’à naguère, dans l’impunité la plus convenue, ses femmes pour les priver de toute jouissance, mais dont les hommes avaient le droit de se ruer sur elles pour en tirer un plaisir expéditif et animal ; les tartufferies d’un peuple prompt à toutes les génuflexions religieuses, à tous les actes ‘’sacrés’’ et qui pratique la sexualité la plus débridée, qui a recours à la force et à la violence pour des coïts expédiés au détriment de femmes vulnérables dont il ne demande pas le consentement. Voilà les plaies les plus secrètes du Sénégal.
En 2020, 414 procédures de viol ont été enclenchées dans 12 des 14 tribunaux de grande instance du pays. Si on les compare avec les années précédentes, le viol, malgré la criminalisation, est en hausse. Et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Les féministes qui, aujourd’hui, prennent d’assaut la place de la Nation, ne nous dirons pas qu’elles découvrent le viol avec l’aventure de Louise… Trop d’années de silence ou d’indifférences (parce que la personne violée n’était pas des nôtres) ont renforcé la ‘’culture du viol’’ et alimenté l’indolence, voire la complicité judiciaire en la matière.
Aucune région sénégalaise n’échappe à cette pandémie du viol, à ce prurit de la bestialité qui semble ne se donner aucun répit. De Dakar à Ziguinchor, en passant par Diourbel, Touba, Thiès ou Matam, le mal est bien là d’une société dont les hommes ont du mal à tenir leur braguette et qui violent à tir larigot dans la complicité d’une réponse judiciaire qui rechigne à appliquer une loi acquise de haute lutte.
L’engagement que nous appelons est autant celui des pouvoirs publics que de la société civile. Campagne de prévention, de dénonciation et autres actes pour libérer la parole et dénoncer le mal, accompagnement juridique et protection : voilà le combat ! Engagement des acteurs judiciaires pour faire prévaloir une vraie justice, sans parti-pris, délestée de la loi du plus fort et des petits arrangements qui protègent les fils des puissants et voue à la honte et au désespoir les filles et les femmes des roturiers, de ceux-là qui ploient au quotidien sous le joug des caprices des nantis et de l’hyperpuissance de leurs appétences.
Samedi, les féministes ou celles qui s’en prévalent ont tiré la sonnette d’alarme, dans l’émotion d’un viol qui les blessait. Il faut qu’elles sortent de cet égoïsme pour dénoncer désormais chaque viol et porter plus haut, chaque jour, l’étendard du refus du viol et de la dénonciation d’une société qui s’est vautrée dans l’hypocrisie de ses faux principes en lâchant la bride de ses instincts.
FACE A LA PROBLEMATIQUE DE L’EMPLOYABILITE ET DE L’ENTREPRENEURIAT FEMININ
Le réseau africain des académies des sciences formule une batterie de recommandations
L’Académie Nationale des Sciences et Techniques du Sénégal (Ansts) a procédé hier à l’ouverture du Colloque international sur le conseil scientifique aux gouvernements en Afrique de l’Ouest et du Centre. Cette rencontre a été l’occasion pour les membres de ce conseil de faire le focus sur les défis de l’employabilité des jeunes et l’entrepreneuriat féminin. Ils ont ainsi formulé une batterie de recommandations parmi lesquelles la mise en place d’une politique de migration et de l’employabilité
La problématique de l’employabilité et l’entreprenariat féminin préoccupe les membres du Réseau africain des académies des sciences. Pour cause, ils ont fait un projet d’études à l’issue duquel ont été dégagées des pistes de solutions dont la mise en place des politiques africaines sur la migration et l’employabilité. «Nous avons diagnostiqué dans l’ensemble des pays en Afrique et nous nous sommes rendus compte que les problèmes de l’employabilité et de l’entreprenariat des filles sont pratiquement identiques», a indiqué le chercheur principal du projet, Pr MadiagneDiallo. C’était lors de l’ouverture du colloque international sur le conseil scientifique aux gouvernements en Afrique de l’Ouest et du Centre.Il préconise aussi la mise en place d’un système d’information efficace du travail au niveau sous-régional.
En plus de ces recommandations, le Pr Madiagne Diallo et son équipe proposent également le développement de l’offre de formation professionnelle en renforçant les structures et en investissant les niches de formation. Mais, il s’agira surtout de développer les programmes de formation et de certification dans les niches concrètes de professionnalisation dans les métiers du numérique, les emplois verts, les métiers des industries sportives, culturelles et récréatives. Outre les recommandations sur la problématique de l’employabilité et l’entrepreneuriat, Pr Madiagne Diallo indique que ce projet consiste à réfléchir sur les moyens de développer le conseil technico-scientifique en Afrique de l’Ouest et du Centre en vue de favoriser sa prise en compte dans la formulation et la mise en œuvre des politiques publiques. «En octobre 2019, avec l’appui du Centre de Recherche pour Développement International (Crdi) du Canada, des Fonds de recherche du Québec, de l’Ansts, du Conseil Economique, Social et Environnemental du Sénégal (CESE) et de l’ensemble des académies mondiales, nous avons mis en place ce projet pour travailler sur le rapprochement entre les scientifiques etles décideurs politiques», a expliqué le chercheur principal.
A l’en croire, l’adoption du projet fait suite à un constat des difficultés rencontrées par les pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre dans la mise en œuvre des politiques et programmes. «Il existe des connaissances technico-scientifiques produites localement et dans le monde, et malheureusement auxquelles nos Etats ont difficilement accès. De l’autre côté, nos gouvernants s’efforcent à trouver de bonnes politiques publiques, mais ne savent pas où frapper pour accéder aux données.
Le scientifique, pour sa part n’a pas accès aux politiques publiques et ne comprend pas comment elles sont définies, donc le Colloque permet au scientifique de comprendre comment les politiques sectorielles sont définies, comment les institutions fonctionnent, mais surtout comment collaborer avec les ministères et les instituts de conseils pour leur apporter les connaissances produites au niveau local», renseigne Monsieur Diallo qui poursuit que le projet permet aussi aux décideurs de comprendre que dans les universités, il est produit des informations qui peuvent aider les Etats dans les politiques publiques. «C’est pourquoi, nous sommes en train de promouvoir la recherche de la politique publique, car elle rend beaucoup productif le chercheur. D’autant que l’Etat rencontre au quotidien beaucoup de problèmes nouveaux, donc si les chercheurs s’y orientent, ils augmentent leurs capacités en matière de publications», souligne le chercheur. Il invite ainsi ses collègues chercheurs à orienter leurs travaux de recherches sur cette voie et à mettre les résultats à la disposition de leurs Etats afin d’accélérer l’émergence dans les pays en Afrique de l’Ouest et du Centre.
PAR Hamidou Anne
LE FÉMINISME EST UN HUMANISME
Une nouvelle génération de féministes radicales émerge et celle-ci est rafraîchissante pour le courant progressiste sénégalais. Les égéries de cette offensive féministe savent que les libertés s’arrachent
Le sit-in du samedi 3 juillet dernier, à l’initiative d’un collectif de féministes sénégalaises, a été un acte salutaire. Ce type de manifestations est utile dans un contexte où les questions liées aux droits des femmes ne semblent être la priorité de beaucoup de nos élites politiques. A cela s’ajoute une indifférence du ministère en charge des droits des femmes, plus occupé à mobiliser des militantes pour le parti qu’à être à l’avant-garde pour faire bouger les lignes. L’Etat ne soutient pas assez les femmes dans leur combat pour l’égalité et la fin des discriminations dont elles souffrent dans notre pays. En Suède, en 2015, le gouvernement a distribué à chaque élève âgé de seize ans We should all be feminists, essai féministe mondialement connu de l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie. C’est ainsi qu’on éduque toute une jeunesse, qu’on lui fait prendre conscience de la sacralité du principe d’égalité.
C’est à travers la décision politique qu’on fait avancer rapidement les causes progressistes. Mais les pressions des militants, de la société civile et de la presse ont un impact sur les lois qui régissent le fonctionnement des pays. Les manifestations à travers le monde sur le racisme, le climat, les politiques d’austérité, le libre-échange, les violences policières ont reconfiguré la manière de faire la politique dans de nombreux pays et permis des avancées. Chez nous, grâce au travail des années durant de mouvements féministes, l’Assemblée nationale a adopté trois lois majeures. Il y a eu la loi sur la parité de 2010, celle sur la possibilité pour la femme sénégalaise de transmettre sa nationalité à ses enfants ou à son mari en 2013, et celle sur la criminalisation du viol et de la pédophilie en 2020.
Des avancées, par la lutte pour davantage de droits et de libertés, sont possibles ; d’où l’intérêt de poursuivre la pression sur des sujets aussi difficiles que le genre et les questions y afférentes. Les sociétés sont rétives au changement, mais dans le long terme les luttes féministes vont déboucher sur des transformations radicales.
Je suis solidaire de toutes celles qui ont exprimé dans la rue leur colère contre la culture du viol, les violences basées sur le genre et les nombreuses oppressions dont sont victimes les femmes sénégalaises. Une nouvelle génération de féministes radicales émerge, et celle-ci est rafraîchissante pour le courant progressiste sénégalais. Les luttes actuelles pour les droits des femmes incombent à ce féminisme nouveau, qui utilise les codes de son époque malgré les sottes moqueries et les messages haineux qui représentent les spasmes de l’ancien monde et les résistances des hommes pour garder un contrôle sur le corps des femmes. Par une approche inter-sectionnelle des discriminations vis-à-vis des femmes, ces jeunes militantes s’érigent contre l’objectivation et l’infantilisation dans la représentation des femmes par les médias, contre les violences et les oppressions déshumanisantes. Elles ont aussi le rôle de lutter pour que chaque femme dispose librement de son corps et pour une élévation des consciences afin de bâtir une société de l’égalité.
Cette nouvelle génération de féministes est dépositaire d’un héritage issu d’une longue histoire de luttes féministes dans notre pays, avec entre autres Yeewu yewwi, mouvement né à gauche et incubé au sein d’And jef, dans la foulée de l’euphorie provoquée par Mai 68.
Les égéries de cette offensive féministe, Aminata Mbengue, Fatou Warkha Sambe, Maïmouna Yade, Aïcha Awa Ba, Gabrielle Kane, Aïda Niang savent que les libertés s’arrachent, face aux conservatismes et aux discours réactionnaires qui tentent une offensive intellectuelle et militante pour semer une terreur aujourd’hui intellectuelle (demain physique ?) auprès des militants progressistes, voire auprès des républicains.
Samedi, ces jeunes femmes étaient une trentaine, négligées, moquées, insultées par une certaine presse et par des gens biberonnés au patriarcat. Mais demain, ces femmes seront des milliers, des millions et vont bousculer l’ordre patriarcal établi. Elles imposeront une société nouvelle, consacrant la promesse de la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui soutient que les êtres humains naissent libres et égaux. Parce qu’elle défend l’égalité, la justice et la dignité, le féminisme est un humanisme.
Avec toutes les initiatives partout dans le monde pour faire avancer la lutte pour les droits des femmes, plus rien ne sera comme avant, et les hommes assis sur leurs privilèges depuis des siècles ne résisteront pas au vent du changement. Pour une fois, les hommes doivent souffrir de se taire et écouter ces femmes prendre la parole.
par Oumou Wane
VIOLENCES FAITES AUX FEMMES, STOP
Nous devons faire beaucoup plus pour que les femmes se sentent en sécurité au Sénégal et avant tout briser le tabou du viol qui est largement minimisé
Ce qui se passe au Sénégal au sujet des violences faites aux femmes est très inquiétant.
Les femmes sont la cible de harcèlements incessants et quand ce n’est pas de la cyber-violence, c’est directement à leur personne et à leur corps qu’on s’en prend.
Nous devons faire beaucoup plus pour que les femmes se sentent en sécurité au Sénégal et avant tout briser le tabou du viol qui est largement minimisé. Il faut encourager les femmes à parler, c’est la seule façon de lutter.
La violence contre les femmes est un fléau parallèle aux inégalités. Les comportements sexistes et les violences sexuelles sont liés notamment à la persistance dans la société des inégalités entre les femmes et les hommes. Cette violence contre les femmes est perpétuée par des lâches et des criminels, mais quand il est question de viols sur des enfants, là il s’agit de monstres.
Malgré la promulgation en janvier 2020 de la loi criminalisant le viol et la pédophilie, les prédateurs sont en recrudescence et désormais, il ne se passe aucun jour sans que les médias ne parlent de viol, de pédophilie ou d'actes de barbarie à l’encontre des femmes et des enfants.
Pour qu’une société parvienne à protéger ses enfants et à prévenir des violences sexistes et sexuelles à l’école, il faut que son institution ait un discours autoritaire fondé sur le respect et la règle, et soit doté d’outils de prévention et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles à l'école.
Il n’y a plus de temps à perdre. Le gouvernement doit adopter de toute urgence une politique ferme pour lutter contre les abus sexuels en milieu scolaire. Ce qui s'est passé dans un CEM de la banlieue avec un professeur d'Anglais qui a engrossé trois de ses élèves en classe de 5ème est juste abject ! Trois vies détruites d’un coup par un éducateur.
Je veux rappeler que le rôle des adultes dans la prévention des violences sexistes et sexuelles est primordial et que si celui qui est censé protéger fait peur, alors qui protégera de la peur ?
La solution est dans l’amélioration de l’accès à la justice pour les femmes victimes de viol et dans la prévention de ce fléau. Le viol et les abus sexuels d’élèves constituent un problème très grave dans le milieu scolaire sénégalais. Il faut beaucoup de courage aux filles et aux familles pour signaler un abus et faire face à la stigmatisation et à l’isolement social consécutif.
La plupart de ces cas ne sont pas signalés et les criminels impunis restent dans la nature. Dans une société conservatrice aux mœurs imprégnées par un machisme ordinaire, il n’est pas rare d’entendre "qu'être un violeur ne définit pas une personne". On vit dans un pays où les femmes sont abusées tous les jours et où elles taisent leurs souffrances. Il faut que cela cesse.
Cette désinvolture est grave. Alors stop ! Brisons le silence et disons non ! La répression doit être exemplaire !
DES FEMMES CRIENT LEUR COLÈRE FACE À LA CULTURE DU VIOL
Des dizaines de manifestantes se revendiquant comme «féministes» ont dénoncé à visage découvert, samedi, à Dakar, le laxisme de la justice et la trop grande tolérance de la société sénégalaise envers les violences faites aux femmes
Des dizaines de manifestantes se revendiquant comme «féministes» ont dénoncé à visage découvert, samedi, à Dakar, le laxisme de la justice et la trop grande tolérance de la société sénégalaise envers les violences faites aux femmes.
Elles étaient une trentaine, réunies sur la place de la Nation, traditionnel lieu des manifestations dans la capitale sénégalaise, à l’appel du tout nouveau Collectif des féministes au Sénégal contre les violences faites aux femmes, créé après une nouvelle retentissante affaire de viol d’une adolescente.
«Justice pour les Louise»
Les manifestantes, assises en cercle, arboraient des pancartes où l’on pouvait lire «Stop à l’impunité», «Brisons la violence, pas les femmes» ou encore «Stop à la culture du viol». Beaucoup d’entre elles portaient un T-shirt barré du slogan «Justice pour toutes les Louise». «Louise» est le pseudonyme d’une jeune fille d’une quinzaine d’années qui a porté plainte, en mai, pour viol contre un de ses condisciples du Lycée français de Saly, station balnéaire située au sud de Dakar.
L’accusé, qui a évoqué une relation consentie, est un jeune homme de 19 ans, fils d’un célèbre journaliste, ce qui a amplifié le retentissement médiatique de l’affaire. Il lui est également reproché d’avoir diffusé une vidéo intime de la jeune fille, mineure.
Arrêté plus d’un mois plus tard
«Malgré la plainte, rien n’a été fait pendant un mois et il a été autorisé à finir son année scolaire. Louise l’a croisé tous les jours à l’école, sous le regard de ceux qui ont vu la vidéo, on en a marre», a déclaré une des manifestantes, Eva Rassour. Ce n’est qu’après la révélation, il y a une dizaine de jours, de la plainte par des médias sénégalais, dont certains ont dévoilé l’identité véritable de Louise où l’ont qualifiée «d’aguicheuse», que l’accusé a été interpellé.
Malgré sa modestie, ce premier rassemblement au Sénégal sous la bannière féministe est un signe encourageant dans une société «très patriarcale», où les affaires de viols restent souvent dans l’intimité des familles, estime Eva Rassour. La porte-parole du nouveau collectif, Aïssatou Sène, a pour sa part réclamé que la loi de 2019 qui a fait du viol un crime, passible de la prison à perpétuité, et non plus un délit, soit appliquée «dans toute sa rigueur», ce qui est loin d’être le cas.
par Jean Pierre Corréa
CE QUE LE SÉNÉGAL DOIT À TATA MARGOT
Pendant presque 20 années, Marguerite Ba Senghor a été proviseure emblématique du Lycée de jeunes filles John Fitzgerald Kennedy, guidant des milliers de jeunes filles sur le chemin de l’excellence
Madame Marguerite Ba Senghor est décédée dimanche dernier à Dakar. En ces temps troubles où l’on ne sait plus quelles valeurs porteuses d’avenir nous devons transmettre à nos enfants, il est bon de se remémorer l’élégance, la bienveillance, la rigueur, la passion d’enseigner qu’incarnait cette dame que toute une génération de jeunes filles et aussi de garçons du temps où elle enseignait l’anglais au Lycée Van Vollenhoven, appelait avec respect et tendresse « Tata Margot ». Pendant presque 20 années, Tata Margot a été proviseure emblématique du Lycée de jeunes filles John Fitzgerald Kennedy, guidant des milliers de jeunes filles sur le chemin de l’excellence, en les mettant sans avoir l’air d’y toucher sur les voies improbables alors de la parité, qu’elle soit entrepreneuriale, politique, ou sociale.
Madame Marguerite Ba Senghor a créé le « label Kennedy », et pour des milliers de jeunes filles, dire qu’on sortait de Kennedy, valait tout de suite attentions, considération et même parfois gage de probable future bonne épouse, tant du haut de son magistère, l’éducation le disputait à l’acquisition de connaissances, faisant comprendre à ces jeunes filles que l’instruction était à coup sûr le premier pas vers leur liberté.
Jeudi, à la Cathédrale Notre Dame des Victoires, il aura manqué au milieu de toutes ces gerbes de fleurs, magnifiant ses obsèques, la prégnance d’une couleur devenue mythique du fait de l’influence de cette proviseure remarquable, celle du rose si singulier qui distinguait les « kennediennes » des autres élèves de Dakar. Même si elles furent nombreuses à se dire en apprenant son décès, que grâce à Tata Margot, elles avaient été merveilleusement préparées à participer à l’éclosion et au développement de notre pays.
Tata Margot, le Sénégal te dit « merci ». Et nous espérons tous que les temps nouveaux permettent aux enseignants d’aujourd’hui de transmettre à leurs élèves, comme elle l’a su si bien le faire, les valeurs qui les disposent à être « dans le temps du monde ».
Un de tes fils.
GÉRALDINE FALADÉ, GARDIENNE DE LA MÉMOIRE DES PIONNIÈRES D'AFRIQUE
La journaliste franco-béninoise consacre un livre aux femmes, trop peu connues, qui ont fait avancer le continent vers l’indépendance et l’unité
Le Monde Afrique |
Gladys Marivat |
Publication 03/07/2021
Ecouter Géraldine Faladé, 86 ans, raconter sa vie, c’est traverser plus d’un demi-siècle de presse et de combats en Afrique. Son parcours remarquable a secoué le public du festival « Atlantide » de Nantes, mi-juin, surpris d’être jusque-là passé à côté de cette journaliste de terrain dont l’aura et l’engagement pour la cause des femmes évoquent à la fois l’écrivaine guadeloupéenne Maryse Condé et l’autrice nigériane Chimamanda Ngozi Adichie.
Ce décalage entre l’importance de ce qu’accomplit une femme et la place que l’histoire lui réserve se trouve justement au cœur de Turbulentes !, le deuxième livre de Géraldine Faladé, paru en août 2020 aux éditions Présence africaine. Une collection de portraits de pionnières – première maire, première enseignante, première médecin, première ministre, etc. – qui se lit d’une traite, tel un formidable bréviaire de la fabrique tronquée des héros nationaux.
Elles sont mariées ou divorcées, mères de six enfants ou d’aucun, toutes invariablement libres et déterminées. Géraldine Faladé, née en 1935 au Dahomey (l’actuel Bénin), les décrit tandis qu’elles font avancer le continent vers l’indépendance et le rêve d’une Afrique unie.
Des combats méconnus
Parmi elles, des militantes comme la Guinéenne Jeanne Martin Cissé et la Sénégalaise Caroline Faye Diop. « Elles ont participé à la création de l’Organisation panafricaine des femmes, à Bamako en 1962 – un an avant la fondation de l’Organisation de l’unité africaine ! », souligne l’écrivaine. Engagée aux côtés du président guinéen Ahmed Sékou Touré, Jeanne Martin Cissé fut vice-présidente de l’Assemblée révolutionnaire de son pays et son ambassadrice à l’ONU. L’enseignante sera la première femme présidente du Conseil de sécurité des Nations unies, quand la Guinée en occupera la présidence tournante en 1972.
Méconnu aussi, le combat de l’enseignante et militante nigériane Funmilayo Ransome-Kuti (1900-1978). Celle qu’on surnomme « la lionne » d’Abeokuta, sa ville d’origine, distribue des ardoises aux vendeuses du marché et à leurs filles afin qu’elles apprennent à lire, à écrire et à défendre leurs droits. Puis elle sollicite l’aide des jeunes de sa famille pour donner des cours d’alphabétisation. Son neveu accepte, c’est le futur Prix Nobel Wole Soyinka. Plus tard, celle qui est aussi la mère du chanteur Fela Kuti voyage dans le monde entier, rencontre Mao Zedong et Jawaharlal Nehru, et n’hésite pas à quitter son parti politique parce qu’il n’accorde pas assez de place aux femmes.
POURQUOI LES FEMMES NE FONT JAMAIS LES PREMIERS PAS…
Dans la bonne tradition sénégalaise, il est inconcevable qu’une femme drague un homme. Le faire serait considéré une forme de déchéance sociale qui pourrait loger celle qui a osé transgresser cette règle de retenue dans la catégorie des femmes de mœurs lé
Elles sont connues pour leurs bonnes recettes en matière de séduction. Elles connaissent également les artifices qui font fondre les hommes les plus blasés voire les plus indifférents. Mais voilà, bien que l’expertise de nos femmes en matière de séduction et d’envoûtement soit reconnue au moins dans la sous-région, derrière ce paravent, beaucoup d’entre elles ont des blocages. Autrement dit, elles sont réticentes à faire les premiers pas pour inviter leur partenaire légitime au lit. Elles en sont donc réduites à user de plusieurs artifices, voire de circonvolutions, pour faire comprendre à leur Aladji Ass qu’elle ont envie de lui. Confidences de dames… et aussi d’hommes à propos de ce blocage.
Dans la bonne tradition sénégalaise, il est inconcevable qu’une femme drague un homme. Le faire serait considéré une forme de déchéance sociale qui pourrait loger celle qui a osé transgresser cette règle de retenue dans la catégorie des femmes de mœurs légères. La logique sociale voudrait en effet qu’elles attendent que l’homme dévoile ses sentiments à leur endroit avant de se découvrir. Une règle sociale sous forme de chape de plomb qui a tendance à survivre au sein des couples. Et jusque dans leur intimité. De ce fait, même de nos jours, la plupart des femmes pensent que c’est l’homme qui devrait prendre les initiatives au lit et pas elles.
Autrement dit, c’est aux mâles de déclencher les hostilités ! A en croire beaucoup d’hommes mariés, si l’épouse attend toujours que le mari fasse le premier pas — ou les premières caresses ! — pour des relations intimes, la monotonie risque de s’installer dans le couple. Ces hommes pensent qu’il ne suffit pas seulement de porter des habits sexy pour les exciter, mais qu’il faudrait aussi que leurs partenaires soient plus provocantes pour attiser davantage leur plaisir, voire le feu sacré de l’acte sexuel. « Il faudrait que les dames brisent certaines barrières et cessent d’être des complexées, car, en matière d’amour, il est du devoir de toutes les parties d’entreprendre et d’amener l’harmonie. La sensualité et beaucoup d’amour dans la vie de couple ne feraient qu’agrémenter les relations intimes », fait savoir ce chauffeur de Ndiaga Ndiaye qui dit avoir horreur des femmes pudibondes.
L’homme a besoin de se sentir désiré et aimé…
Un autre interlocuteur du nom de Serigne Fallou, taximan âgé de 53 ans, pense qu’il est très difficile à nos femmes de montrer en premier à leur mari qu’elles meurent d’envie d’entretenir des rapports intimes avec lui. C’est très rare de voir des femmes sénégalaises le faire. « En tout cas, si vraiment il y a des femmes qui le font, je peux vous dire que leurs conjoints sont comblés. Car, parfois, l’homme a besoin d’être provoqué. Cela réveille tous ses sens et constitue également une preuve qu’il est désiré et aimé », fait savoir notre interlocuteur. Qui soutient que si la femme provoque en premier son partenaire, celui-ci devient plus entreprenant et alors, place à des partie de jambes en l’air souvent inoubliables ! Quant à Wack Sall, la quarantaine, commerçant, il est d’avis que cette retenue, c’est une question d’orgueil et de complexes chez beaucoup de femmes. « Croiser les bras et attendre que l’homme fasse les premiers gestes, c’est révolu. Avec la modernité, beaucoup de choses ont changé. Par conséquent, la donne au sein du couple doit radicalement changer. Les hommes qui ne reçoivent pas beaucoup d’amour dans leur foyer ont tendance à aller dehors pour trouver des femmes plus « jonge et coquines » et qui n’ont pas peur de manifester leur désir sexuel » confie le commerçant.
« Je ne fais jamais les premiers pas de peur d’être traitée de pute »
Khadija Faye, la trentaine, mère de famille divorcée pense que certains hommes sont capables de te traiter de ‘’Tiaga’’ si tu oses faire les premiers pas en matière de sexe. « C’est la raison pour laquelle ça n’a jamais été dans mes habitudes de provoquer mon ex-mari. Cela ne veut pas dire que je n’assume pas pleinement ma vie de couple. Au contraire, à chaque qu’il venait vers moi, je me donnais intensément. Beaucoup d’hommes ont des idées très arrêtées. Si la femme leur manifeste son désir intime, ils peuvent la traiter de dévergondée », confie Khadija Faye. Sokhna T, âgé de 32 ans, abonde dans le même sens. « Il est hors de question que je provoque mon mari. D’abord, je n’ai pas été éduquée comme ça », indique- t-elle tout en faisant un rapport sur ce qu’elle a appelé la lâcheté masculine. A 19 ans, Diadja, prenant le contrepied de ces dames, estime que la femme doit montrer ses désirs et ses sentiments à l’homme qu’elle aime. « Je ne cacherai jamais mes sentiments à mon bien aimé. Quand je me marierai, je n’attendrai jamais que mon mari me provoque pour avoir des relations intimes. A chaque fois que l’occasion se présentera et que je le désirerai, je sauterai sur lui. ‘’Djiguene dayy djongué », martèle la demoiselle avec malice.
« On est en 2021, osez les filles et prenez les devants ! »
Pour Aminata, les histoires de femmes bien éduquées et pudiques sont révolues. Il faut que les femmes osent et prennent l’initiative des opérations au lit. « C’est très important en matière d’amour. Les hommes ont besoin de ça pour mieux étaler leur sensualité. Même si la femme est timide, elle peut parvenir à séduire l’homme sans pour autant passer pour être une dévergondée ». Notre interlocutrice pense que rien que par le regard, le sourire et les gestes, on peut faire comprendre à l’homme qu’il est désiré. Et alors s’envoyer en l’air avec lui pour des parties particulièrement torrides…
FATOUMATA NDIAYE, L'AMAZONE DU FOUTA
Son slogan, ‘’Fouta Tampi’’ fait le tour du Sénégal depuis des semaines. L'ancienne militante de l'APR entend croiser le fer avec les pontes du régime coupables, à ses yeux, d’avoir trahi les promesses faites aux habitants de cette contrée
Son slogan, ‘’Fouta Tampi’’ (le Fouta est fatigué) a fait le tour du Sénégal, depuis des semaines. Mais Fatoumata Ndiaye, Coordonnatrice du mouvement, garde toujours la tête sur les épaules. D’un tempérament fougueux et ne reculant devant aucun obstacle, cette Ouakamoise de naissance, du haut de ses 39 ans, entend porter le combat des populations du Fouta en proie au sous-développement et à l’enclavement de leur terroir. Cette ancienne militante de l’Alliance pour la République (APR), qui a multiplié les petits boulots, entend croiser le fer avec les pontes du régime coupables, à ses yeux, d’avoir trahi les promesses faites aux habitants de cette contrée.
Elle parait un peu fragile, cette femme de taille moyenne et de teint clair, qui s’avance timidement vers la forêt de micros, dans cette rue étroite de l’Unité 16 des Parcelles-Assainies où se tient la conférence de presse du mouvement Y en a marre, ce 21 juin.
Fatoumata Ndiaye, Coordonnatrice du mouvement Fouta Tampi (le Fouta est fatigué !) qui revient d’une visite un peu mouvementée dans la ville de Ourossogui, s’avance lentement, mais sûrement vers les journalistes. Vêtue d’une robe traditionnelle de couleur bleue, les traits de son visage trahissent une certaine fatigue. Les soins du maquillage ont du mal à cacher ses traits tirés. Son menton bien prononcé, ses joues un peu creuses qui délimitent un timide sourire et ses yeux un peu bridés s’enfonçant un peu plus dans son visage, notre héroïne du jour semble encore porter les stigmates de la rude bataille qui l’a opposée aux nervis du maire de Ourossogui, Moussa Bocar Thiam, quelques jours auparavant.
D’une voix faible, cette native de Ouakam revient sur ses multiples péripéties de Ouroussogui, la dernière grande étape de la tournée présidentielle dans le Fouta.
Très vite, la nature reprend le dessus et d’une voix beaucoup plus ferme, elle se lance dans une vraie diatribe contre le régime de Macky Sall et les forces de défense et de sécurité coupables, à ses yeux, d’avoir trahi les aspirations du Fouta et d’avoir laissé le champ libre aux nervis qui se sont attaqués aux membres du mouvement Fouta Tampi.
Le ton est ainsi donné. Déclarée persona non grata par le maire de Ourossogui Moussa Bocar Thiam, elle ne démord pas. Elle compte continuer son combat pour le Fouta. Elle rembobine le film de la journée de manifestations contre le régime de Macky Sall qu’elle accuse d’avoir trahi les aspirations de son ‘’Fouta bien-aimé’’.
L’attitude menaçante des nervis, juchés sur des pick-up, l’indifférence des forces de l’ordre face aux assauts de ‘’boules de muscles’’ qui voient rouge aux moindres protestations contre le régime de Macky Sall. Rien n’échappe au réquisitoire acerbe de la coordonnatrice de Fouta Tampi.
Si les tee-shirts estampillés ‘’Fouta Tampi’’ et les brassards rouges ont déchainé la colère des nervis, la générosité des habitants de la localité lui a aussi rappelé la valeur de son combat pour la résurgence et le rayonnement du Fouta, chers à son idole Thierno Souleymane Baal, leader la révolution torodo en 1776, indique-t-elle avec le sourire.
‘’Des nervis du maire de Ourossogui (NDLR : Moussa Bocar Thiam) ont aussi attaqué une maison où je m’étais réfugiée, après les premières échauffourées. J’ai dû fuir vers la forêt de Kanel, pour échapper aux attaques des nervis, avant de rejoindre Dakar. Je suis déterminée, car on se bat pour une cause juste. Il faut aller jusqu’au bout’’.
Même si la peur, les angoisses et les menaces physiques et verbales semblent avoir un peu émoussé sa combativité, elle n’en demeure pas moins décidée. ‘’Je suis déterminée dans cette quête, car on se bat pour une cause juste et noble. Il ne faut pas avoir peur d’aller jusqu’au bout. Je suis prête à me sacrifier pour le Fouta’’, déclare-t-elle avec force.
Femme de ménage, puis vendeuse de maïs au marché à Ouakam
Mais il faut dire que cette fille d’un vétéran de l’armée sénégalaise porte en elle les cicatrices de la vie. Issue d’une famille polygame et comptant une dizaine de frères et de sœurs, elle a fréquenté, dès l’âge de 7 ans, l’école Camp de Ouakam jusqu’à la classe de CM2. Mais les fins du mois difficiles dans la famille l’ont poussée à abandonner les études. ‘’J’avais un amour incommensurable pour mes parents qui ont divorcé quand j’étais enfant. Je vivais avec ma mère, mais j’allais en vacances chez mon père, à Kanel. J’avais de bonnes notes à l’école, mais devant les difficultés de la vie, j’ai dû arrêter mes études pour aider financièrement ma mère. Ainsi, je suis devenue femme de ménage à la cité Mamelles et j’étais payée 17 500 F par mois’’, souffle-t-elle avec force.
Très débrouillarde, cette mère de quatre enfants s’engage dans la vente de maïs chez elle et au marché. ‘’Je me rendais le plus souvent possible au marché de Thiaroye pour acheter du maïs. Après les avoir grillés, je les revendais au détail près de chez moi et au marché 7/7. Je me rendais sur mon lieu de travail à 16 h pour vendre mes produits. Il m’arrivait de rester là-bas jusqu’à 21 h, quand je n’arrivais pas à écouler mes produits’’, affirme-t-elle.
Toutefois, son premier divorce, au bout de cinq ans de mariage dans le village de Yoff, plus précisément au quartier de Yoff Ndennate, et le décès de son père en 2006 ont ouvert une brèche dans cette carapace qui se veut impénétrable. ‘’Cette période de ma vie a été très douloureuse pour moi, car j’étais très attachée à mon père. Après mon divorce, je me suis rendue au Fouta pour être plus proche de ma mère. Elle avait décidé, en 2000, de retourner vivre au Fouta. On allait cultiver le mil, des haricots et le riz dans notre village de Wodoberé, à 42 km de Matam. Car une grande partie de notre famille est restée au Fouta’’, raconte-t-elle.
Du passage à la section APR de Ouakam à Fouta Tampi
Les balades près des rives du fleuve Sénégal, les couchers de soleil dignes de cartes postales, son amour pour les gens simples au Fouta la poussent à s’engager davantage pour le rayonnement de ce Fouta des terroirs. D’un tempérament fougueux, cette amazone s’engage corps et âme en politique en 2009, pour le candidat Macky Sall, en qui elle fonde tous ses espoirs pour redorer le blason de son terroir.
‘’A mon retour à Dakar, plus précisément dans la maison de mon grand-père à Pikine, j’ai repris mes activités commerciales comme vendeuse de jus et de bananes. Je me suis alors engagée dans les rangs de l’APR que venait de fonder Macky Sall, en 2009. Je me rendais souvent au Fouta pour la campagne d’enregistrement sur la liste électorale pour les personnes âgées. Je militais dans la section APR de Ouakam, avec comme responsable Momar Guèye. Je croyais vraiment qu’on allait changer les choses avec Macky Sall, à cette époque’’, déplore-t-elle.
Un second mariage ne freine pas son ardeur pour la défense des intérêts du Fouta. En effet, elle adhère aussi au mouvement apolitique Président Yedio Fouta (Président souviens-toi du Fouta) fondé par Tilène Ndiaye en 2009 et qui, selon elle, vise à soutenir les initiatives dans beaucoup de domaines comme l’éducation et la santé de base. Attachée à sa liberté sans être libertaire, elle s’engage aussi pour la défense des droits des femmes (mouvement Akhou Yelef Djiguène) dont elle reste toujours membre de cette association. Dotée d’une gouaille sans pareille, au service de son mentor de l’époque Macky Sall, elle se bat sans faille pour le triomphe de l’APR au Fouta et à Dakar, au détriment de son second mariage.
‘’J’ai divorcé à nouveau en 2019 de mon second mari, après 13 ans d’union. On a eu trois enfants. Je crois que mon engagement politique m’a, d’une certaine manière, coûté mon couple. Mon mari, ingénieur en génie civil, n’était pas favorable à cet engagement politique’’, souligne-t-elle, la voix un peu teintée de tristesse.
Naissance de Fouta Tampi
Se présentant comme la voix des sans-voix du Fouta, sa passion pour sa contrée de cœur n’a d’égal, désormais, qu’aversion pour le régime de Macky Sall qui n’a pas respecté ses promesses faites aux Foutankés. Révolutionnaire sans vraiment être réactionnaire, elle lance, en compagnie de Seydou Thiam alias ‘’Baye Niasse’’ et Adama Sy alias ‘’Double cerveau’’, le mouvement Fouta Tampi, le 5 avril dernier. ‘’On s’est connu à travers les réseaux sociaux. On a ensuite échangé par téléphone. A la base, notre mouvement devait s’appeler Fouta Tampi, Fouta Mayi (le Fouta est mort). Mais c’est le premier mot qui accrochait le mieux avec les médias. On est donc resté avec Fouta Tampi. Nous avons lancé le mouvement pour montrer aux Sénégalais les vrais problèmes auxquels font face les habitants du Fouta, loin du saupoudrage et des déclarations du régime’’, confesse-t-elle.
Pour sa grande sœur Diami Sow, cette implication dans le bien-être du Fouta est en droite ligne de son caractère généreux et son amour irréductible pour l’éclatement de la vérité. ‘’Fatou est une personne dévouée à sa mère et ses frères et sœurs. Elle serait capable de faire n’importe quoi pour leur bonheur. En outre, elle est franche et véridique, n’hésitant pas à dire ce qu’elle pense, dans n’importe quelle situation’’, souligne-t-elle.
De son côté, Seydou Thiam, un des membres fondateurs de Fouta Tampi, évoque une femme honnête et à l’écoute de ses amis. ‘’J’ai connu Fatou cette année, dans le cadre de la création de Fouta Tampi. J’ai trouvé une personne engagée, qui ne recule devant aucune difficulté. Elle déteste tout ce qui est lié à la médisance et les commérages, et a un profond respect pour les gens engagés dans la lutte pour le Fouta’’, affirme-t-il.
Exil forcé à Touba pour échapper aux nervis
Les avant-gardistes prennent souvent les coups les durs. Et des coups, Fatoumata Ndiaye avoue en prendre régulièrement. Des coups de fil anonymes, des menaces verbales et physiques ont eu souvent raison de sa témérité et de son courage. ‘’Je dois avouer que, parfois, j’ai peur pour ma sécurité. J’ai dû laisser les enfants à leur père, pour plus de sécurité. Des gens s’incrustent chez moi régulièrement pour me menacer. A un moment donné, je me suis même refugiée à Touba, après la Korité, pour échapper aux intimidations’’, révèle-t-elle.
Indépendante dans l’âme et dans l’esprit, cette disciple tidiane attachée à la philosophie de Serigne Ababacar Sy vit sous une intense pression qui la pousse régulièrement à changer de lieu de résidence à Dakar. ‘’Une fois, des nervis sont venus chez moi à Ouakam pour m’attaquer. Heureusement, des pensionnaires d’une salle de sport sont venus à mon secours et les ont forcés à rebrousser chemin. J’ai même été blessée à la main, avant la Korité, à la cité Comico de Ouakam, après cette attaque par des nervis’’, raconte-t-elle.
Qu’en est-il des plaintes déposées à la police et à la gendarmerie ? Elle lâche un petit soupir : ‘’J’ai porté plainte à plusieurs reprises contre X, mais ça n’a servi à rien, jusqu’à présent. Je pense même trouver une arme pour assurer ma propre sécurité’’, souligne-t-elle.
De nature curieuse sans vainement être une Geek, Fatoumata Ndiaye vit désormais du commerce en ligne via sa page Facebook. ‘’J’expose des produits sur ma page Facebook. Depuis cette plateforme, je peux ainsi discuter avec des clients qui passent leurs commandes’’, renseigne-t-elle.