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23 avril 2025
International
GUINÉE, L'INCENDIE DU DÉPÔT DE CARBURANT À CONAKRY EST COMPLÈTEMENT ÉTEINT
Le gouvernement guinéen a annoncé que l'incendie du principal dépôt d'hydrocarbures du pays, qui a fait 24 morts et 454 blessés selon un nouveau bilan, était "complètement éteint" neuf jours après son départ
Le gouvernement guinéen a annoncé que l'incendie du principal dépôt d'hydrocarbures du pays, qui a fait 24 morts et 454 blessés selon un nouveau bilan, était "complètement éteint" neuf jours après son départ, selon un communiqué transmis mercredi à l'AFP.
"Les opérations de refroidissement de tous les segments de l'installation pétrolière se poursuivent. Toutefois, la zone du sinistre reste fermée au public pour des fins d'investigations", souligne le gouvernement. L'incendie était jusqu'à présent maîtrisé, mais non éteint.
Le nombre de décès est porté à 24, parmi lesquels 11 corps demeurent non identifiés, dit le communiqué. Les déclarations sur les personnes portées disparues se poursuivent. Sur les 454 blessés accueillis dans les structures de soins depuis le sinistre, 31 sont encore hospitalisées et 423 ont regagné leurs familles.
Au niveau de la qualité de l'air, les relevés à Kaloum montrent une amélioration des indicateurs, mais le port du masque reste recommandé, indique le gouvernement. Il avait rétabli samedi la reprise de la distribution d'essence, en la rationnant à 25 litres par véhicule, 5 litres par moto et tricycle, avec l'interdiction de servir des bidons. Les camions-citernes avaient repris leur circulation sous escorte, notamment en provenance de la Sierra Leone voisine.
Un premier recensement avait dénombré 800 bâtiments endommagés, la plupart dans un rayon de 500 mètres autour de l'épicentre de l'incendie. 460 ménages ont bénéficié des kits de vivres distribués par le gouvernement et la distribution continue afin de couvrir les 2.141 ménages affectés, précise le communiqué. En tout, plus de 11.000 personnes ont été affectées directement par l'incendie.
Par Fadel DIA
BYE BYE, LA FRANCE !
Ce n’est pas nous qui quittons la France, c’est la France qui nous quitte, et nous ferme ses portes, l’une après l’autre, y compris celles que nous croyions les mieux verrouillées
Ce n’est pas nous qui quittons la France, c’est la France qui nous quitte, et nous ferme ses portes, l’une après l’autre, y compris celles que nous croyions les mieux verrouillées. Elle n’a pas seulement quitté le Mali, le Burkina Faso et le Niger, (et encore il ne s’y est agi que de fermer des bases et des ambassades), elle est après l’adoption de la loi Macron sur l’immigration, sur le point de quitter nos consciences.
Adoptée le lendemain de la Journée Internationale des Migrants, issue d’un projet hors contrôle du gouvernement, ficelée en trois heures par une commission parlementaire réduite et sous les directives du pouvoir exécutif, votée dans la panique, sous les acclamations de l’extrême droite qui a salué en elle une « victoire idéologique », c’est une loi dont la légitimité même pourrait être mise en cause. Sa promulgation devrait être l’occasion de tourner définitivement la page de la France célébrée chez nous comme « la patrie des droits de l’Homme », de pays des lumières, celui qui a inscrit la Fraternité sur le fronton de ses édifices. Il est vrai que ce n’est pas seulement elle mais toute l’Europe qui se ferme à nous, avec cet éternel paradoxe qui la caractérise puisqu’en même temps, elle nous reproche d’emprunter les autres portes qui s’ouvrent devant nous !
Nicolas Sarkozy avait démontré son ignorance de l’histoire de l’Afrique, Emmanuel Macron s’illustre par sa méconnaissance de l’histoire de la France. Le jeune homme immature en politique dont l’arrivée au pouvoir reste encore une énigme a, par cette loi, qu’il dit pleinement assumer et qui ne lui inspire ni honte ni regret, provoqué une rupture politique et morale et mis en cause les principes républicains fondamentaux qui ont fait la démocratie française. C’est une loi qui a dû se faire retourner dans leurs tombes tous ces enfants de l’immigration que sont Léon Gambetta, Emile Zola, Marie Curie, Paul Valéry etc. qui ont vécu sous une république à laquelle la France doit la reconnaissance du droit au sol. Comme on n’est jamais trahi que par les siens, ce sont aussi des enfants de l’immigration, qui sans doute ne laisseront pas les mêmes traces dans l’histoire, Gérald Darmanin, Eric Ciotti, Elisabeth Borne, Yaël Braun-Pivet etc. qui sont parmi les principaux artisans de cette déconstruction.
L’immigration a toujours été, en France, le disque dur du FN puis du RN, et avant de devenir le nouveau flambeau des Républicains, elle a fait l’objet d’une incroyable inflation législative (29 lois en quarante ans). C’est pourtant la première fois qu’une loi sur l’immigration cède sur toutes les lignes rouges de l’extrême droite et reprend ses principales revendications, dont la plupart ne figuraient pas dans le document laborieusement élaboré en 18 mois par le gouvernement -restriction des prestations sociales accordées aux immigrés en situation régulière, exclusion des sans papiers à l’hébergement d’urgence, remise en cause de l’aide médicale d’Etat ;
- glissement vers la préférence nationale et remise en cause des principes d’égalité des droits ;
- limitation du droit au sol dont l’automaticité n’est plus reconnue, mesure qui est pourtant sans lien avec une loi sur l’immigration ;
- durcissement du regroupement familial …
Cependant c’est sur une autre des dispositions de cette loi que je préfère m’appesantir, car si elle ne s’applique qu’à une population restreinte, c’est une mesure chargée de symboles parce qu’elle concerne une catégorie que l’on croyait sacralisée, celle des étudiants. Désormais, en France, il y a chez les étudiants aussi, les bons et les mauvais migrants, et parmi ces derniers figurent ceux qui viennent des pays d’Afrique qui sont à la fois les plus pauvres et les seuls à n’avoir que le français comme unique langue d’enseignement. Il leur est désormais exigé, de s’acquitter, au préalable, d’une caution retour qui ne leur sera restituée que lorsqu’ils quitteront le territoire français, car il est hors de question qu’ils y prennent racines. C’est une forme de prime d’otage, une « marchandisation de l’université », dénoncée par les plus prestigieuses structures d’accueil qui jugent qu’elle dégrade un domaine où précisément la France avait conservé une certaine attractivité. Pour nous, c’est un reniement de l’engagement de l’ancienne puissance coloniale à solder ses comptes et à constituer une communauté solidaire avec ceux auxquels elle avait imposé l’usage de sa langue, et par un curieux hasard, le Niger vient de suspendre sa participation à la Francophonie dont il était l’un des trois membres fondateurs! Cette ségrégation qui ne dit pas son nom ne servira qu’à ternir la réputation de la France comme « terre d’excellence d’enseignement supérieur et de recherches », au moment où on annonce qu’elle ne compte que 4 universités dans le top 100 du dernier classement académique (dit de Shanghai) des meilleures universités mondiales. Alors tant qu’à acheter une place, autant la choisir dans les meilleures, et dans celles qui forment dans des langues qui offrent bien plus de possibilités d’emplois que le français !
Bye bye à la langue française, avait lancé le Rwanda en décidant de basculer de la francophonie à l’anglophonie, et moins de vingt ans ont suffi pour opérer le revirement car, on l’oublie trop souvent, la langue française est une langue très minoritaire dans les pays africains communément appelés francophones. Il est peut-être temps, pour ces pays, de s’interroger s’il ne leur faudrait pas passer directement à la phase suivante : bye bye la France !
Pour en revenir à elle justement, on s’y inquiète que la nouvelle loi ait fracturé la majorité, au point de faire naître une fronde de députés et de ministres. C’est un évènement anecdotique car le macronisme ne survivra pas à Emmanuel Macron qui laissera le nom du président qui avait solennellement promis de faire barrage aux idées de l’extrême droite et qui en fin de compte, aura servi de passeur aux idées lepénistes. Ce qui serait plus lourd de conséquences ce serait que cette loi, qui est texte le plus régressif jamais voté en France sur l’immigration et dont le ministre de l’Intérieur lui-même a reconnu qu’il contenait des « mesures contraires à la constitution », s’avère inapplicable, ou improductive, ou sans effet sur les difficultés qu’elle était censée régler. On peut en tout cas noter qu’elle a déjà suscité une levée de boucliers qui fait vaciller ses auteurs et qui est le fait de parties qui comptent dans le pays et qui n’ont pas toujours les mêmes intérêts : universitaires, responsables humanitaires, professionnels de santé, syndicats, chefs de collectivités territoriales, mais aussi chefs d’entreprises dont certains ont estimé que la France allait avoir besoin de près de 4 millions de travailleurs étrangers d’ici au milieu du siècle.
On assiste ainsi à ce paradoxe : ce sont les initiateurs de la loi, dont le président de la République et la Première Ministre, qui supplient le Conseil Constitutionnel de servir de « voiture-balai à leur conscience », selon le mot d’un de leurs opposants, et de mettre fin à leur calvaire en sabrant les mesures qui font débat.
Dans le langage diplomatique tout ce jeu ressemblerait à de la real- politique, dans le langage ordinaire il porte le nom d’opportunisme ou plus simplement de lâcheté !
LIBERTÉ D’EXPRESSION BOUSCULÉE, INSTRUMENTALISATION DE LA JUSTICE
RAPPORT SENEPLUS D’ANALYSE PRÉ-ÉLECTORALE – Comme jamais auparavant, une recrudescence d’arrestations, ouverture d’enquêtes ou mises en examen pour diffamation, diffusion de fausses nouvelles, atteinte à la sécurité de l’État... (2/3)
(EXCLUSIF SENEPLUS) - A l’heure actuelle, trois gros points de désaccord obèrent le climat préélectoral au Sénégal. Ils tournent autour de la liberté de manifestation et la liberté d’expression, le traitement judiciaire des opposants et les prérogatives des différents acteurs du processus électoral et la question de leur chevauchement.
Au sujet de la liberté de manifestation, il convient de rappeler, d’abord, que c’est parce que les mesures de police administratives sont potentiellement dangereuses pour les libertés publiques que l’obligation de les motiver est forte[1]. Au Sénégal, le juge a, de son propre chef, élargi le domaine d’application de la motivation obligatoire à propos des décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques. Il l’a clairement signifié dans l’affaire LD/MPT[2] en sanctionnant l’absence de motivation alors qu’aucun texte n’obligeait l’administration à faire connaître les motifs d’une décision d’interdiction d’une manifestation pacifique sur la voie publique. Les mesures de police sont encadrées assez strictement par les textes et sont strictement contrôlées par le juge.
Le juge veille à ce que les autorités de police administrative ne portent pas atteinte à l’exercice d’une liberté publique, au-delà de ce qui est nécessaire au maintien de l’ordre.
Dans bon nombres d’affaires connues dans la passé, (affaires « Alioune Tine (CS 13 octobre 2011) ; « Sidia Bayo » (CS, 13 janvier 2015), « Amnesty international Sénégal » (CS, 09 juin 2016), « Assane Ba » (CS, 23 mai 2019), le juge sénégalais a considéré que, s’il incombe à l’autorité administrative compétente, de prendre les mesures qu’exige le maintien de l’ordre, elle doit concilier l’exercice de ce pouvoir avec le respect des libertés garanties par la Constitution. Le juge rappelle très souvent à l’autorité administrative, que la loi n° 78 – 02 du 29 Janvier 1978 relative aux réunions lui permet en son article 14 d’interdire toute réunion publique, (mais, que) cette interdiction ne peut intervenir que s’il existe une menace réelle de troubles à l’ordre public et si elle ne dispose pas de forces de sécurité nécessaires pour assurer la sécurité des citoyens[3].
En dépit de ce rappel, l’autorité administrative persiste dans l’interdiction des manifestations avec comme motifs « entrave à la circulation », « risque d’infiltration ». Elle semble ignorer que la jurisprudence est une source de la légalité administrative. Elle semble n’avoir pas compris les règles de droit encadrant l’activité de l’administration - que l’on qualifie souvent de sources de la légalité administrative - sont nombreuses et ont des origines variées. Par ordre décroissant dans la hiérarchie des normes, il s’agit des sources à valeur constitutionnelle, des sources internationales, des lois, des principes généraux du droit, des décisions juridictionnelles, des règles jurisprudentielles et des actes édictés unilatéralement par l’administration elle-même.
Or ces derniers temps, l’exercice de la liberté de manifestation, qui figure pourtant dans la Constitution, a été presque systématiquement entravé par l’autorité administrative. Ces entraves sont à la fois une cause et une conséquence : elles s’expliquent par le climat politique tendu, mais leur persistance nourrit également un tel climat. On notera ainsi, s’agissant de la période la plus récente, que :
Le projet de manifestation du 17 juin 2022 par la coalition de l’opposition « Yewi Askan Wi » a été interdite au motif de risque de trouble à l’ordre public ;
Le 6 janvier 2023, une autre manifestation de l’opposition dénonçant la gestion irrégulière des « fonds Covid » a été interdite, au motif que la place de la Nation, qui devait abriter l’événement, était en cours de travaux ;
Le 9 juin 2023, la manifestation du F 24, front de partis et d’organisations d’opposition, a également été interdite ;
Enfin, le 8 septembre 2023, une autre manifestation dédiée à la libération des détenus politiques a également été interdite.
De manière quasi rituelle, les interdictions administratives se fondent sur le risque de trouble à l’ordre public. Plus accessoirement, l’Administration s’est prévalue de la violation de certaines dispositions du code électoral (art L61 interdisant toute propagande durant les trente (30) jours précédant l’ouverture officielle d’une campagne électorale).
Ces interdictions administratives et leur multiplication s’expliquent en réalité par une sorte de climat insurrectionnel latent, deux soulèvements d’ampleur ayant eu lieu : en mars 2021 et en juin 2023, tous liés au traitement judiciaire de l’opposant Ousmane Sonko.
La menace qui pèse sur le droit de manifester est également liée à la persistance c’est-à-dire à la non-abrogation de l’« arrêté Ousmane Ngom » - du nom d’un ancien ministre de l’Intérieur- (arrêté du 20 juillet 2011 interdisant les manifestations « de caractère politique » dans le centre- ville de Dakar).
Il convient pour finir de souligner qu’au cours de la première phase du dialogue national, la question de l’effectivité de la liberté de manifestation a été longuement débattue. Le moins que l’on puisse dire est donc que son acuité demeure.
Des libertés individuelles remises en cause -
S’agissant plus spécifiquement de la liberté d’expression, l’autre droit fondamental fortement remis en cause ces derniers temps, il convient de rappeler, au préalable, qu’en démocratie, la libre communication de ses pensées et de ses opinions est un des droits les plus élémentaires. Ce droit est cependant bien borné. Ce droit s'exerce dans les conditions prévues par la loi. Les journalistes ou chroniqueurs, hommes politiques et simples citoyens l’auront appris depuis les évènements de juin 2021. On aura noté, comme jamais auparavant au Sénégal, une recrudescence d’arrestations, ouverture d’enquêtes ou mises en examen pour diffamation, pour diffusion de fausses nouvelles, pour déclarations de nature à troubler l’ordre public, pour atteinte à la sécurité de l’État. Le problème aujourd’hui au Sénégal, est que le traitement judiciaire discriminatoire des abus de la liberté d’expression. Selon que l’on est dans l’opposition ou du côté du pouvoir, ce traitement sera sévère ou complaisant.
Comment peut-on comprendre, dans un Etat où tous ces droits et toutes ces libertés énumérées à l’article 8 de la loi fondamentale, que tant de violations des droits et libertés puissent se produire ? Il est vrai que ces droits s'exercent dans les conditions prévues par la loi encore que, parfois, c’est la base légale de ces violations qui n’existe pas. En effet, nous avons cherché mais nous n’avons pas trouvé la base légale de cette décision de « barricader » un opposant, de le priver de son droit d’aller et venir.
Que reste- t-il aux partis politiques quand tout appel à la mobilisation des militants est assimilé à un appel à l’insurrection et peut entrainer un emprisonnement, quand les militants et sympathisants sont interdits d’accès aux sièges des partis politiques et quand les demandes de manifestations sont systématiquement interdites ?
Comment comprendre avec tous ces droits et libertés :
qu’un ministre puisse s’arroger, illégalement, le droit de suspendre le signal d’une TV au point d’amener la Cour suprême à lui rappeler son incompétence, ce pouvoir n’étant reconnu qu’au Conseil National de Régulation de l’Audiovisuelle (CNRA). En effet, l’article 210 du Code de la Presse, accorde une telle compétence à cette autorité. L’incompétence est un moyen que le juge peut soulever d’office, vu que c’est un moyen d’ordre public ;
les « retours de parquet » qui n’ont aucun fondement légal. Dans la pratique judiciaire, on appelle « ordre de mise à disposition » l’acte par lequel, un magistrat (le Procureur par exemple), après réception d’un dossier de déferrement dont le règlement relatif à l’inculpation n’est pas encore définitif, confie à la Police ou à la Gendarmerie la ou les) personnes poursuivies. Elle y sera gardée avant de lui être présentées à nouveau. Le problème, c’est les abus notés qui sont assimilables à une volonté d’humilier, de punir…
cette tendance à amener en instruction des cas évidents de flagrant délit…pour punir ; (sinon comment expliquer des cas manifestes de flagrant délit amenés en instruction ?) ;
cette instrumentalisation politique de l’infraction de « terrorisme ». Les modifications du code pénal et du code de procédure pénal de 2021 permettent désormais de qualifier d’« actes terroristes » des infractions qui existaient déjà dans le corpus juridique sénégalais. On a beau se créer une base légale en créant de nouvelles infractions qualifiées ou assimilées à des actes terroristes et passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à la perpétuité, en y incluant la participation à un mouvement insurrectionnel, la violence, le vol commis contre des personnes et les préjudices causés lors de rassemblements. Mais toute personne de bonne foi sait que ce qui s’est passé au Sénégal ces deux dernières années n’a rien à voir avec ce qui s’est passé aux USA le 11 septembre, ce qui se passe au Soudan, ce qui se passe au Mali, au Burkina…
La dissolution intervenue après une décision de justice aurait fait moins désordre si elle pouvait être justifié par une décision de justice ayant établi la réalité des faits reprochés avec toute la rigueur de l’autorité de la chose jugée. Le cas échéant, l’on n’épiloguerait pas sur le fait que celui qui a la compétence de dissoudre a aussi la casquette d’un chef de parti qui voit l’occasion offerte de sortir du jeu le chef du parti probable empêcheur de gagner à coup sûr la prochaine présidentielle de 2024.
l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques -
Il s’agit d’un point capital de la crise actuelle. Jamais les prisons sénégalaises n’avaient accueilli autant de personnes poursuivies pour des motifs liés à leurs convictions politiques. Le nombre d’un millier de « prisonniers d’opinion » est ainsi régulièrement avancé, les vagues d’arrestations ayant notamment eu lieu au lendemain des émeutes de juin 2023. Parmi les personnes arrêtées, on compte des députés et des élus locaux notamment.
Des images volontiers « spectaculaires » ont jalonné ce processus politico-judiciaire : garde –à-vue d’opposants, bris de la vitre du véhicule de l’opposant Sonko, stationnement de véhicules militaires blindés devant son domicile des semaines durant, arrestations du député Guy Marius Sagna etc.
Des incriminations graves ont pu être articulées contre des hommes politiques, comme l’atteinte à la sûreté de l’Etat, le discrédit des institutions, voire le terrorisme.
Des organisations comme « Amnesty international » ont en conséquence mené la campagne « Ensemble, demandons justice pour les victimes de la répression violente des manifestations au Sénégal ». De même, la Cour pénale internationale a été saisie d’un dossier mettant en cause divers dignitaires du régime.
Dans la foulée, si l’on ose dire, les autorités ont pris une mesure inédite : la dissolution d’un parti politique, le parti « Pastef » dirigé par Ousmane Sonko. Ce dernier, individuellement, fait l’objet d’une série de procédures judiciaires touchant l’infraction de viol – de « corruption de la jeunesse » dira finalement la Justice – et de diffamation – contre un membre du gouvernement -.
Il s’agit de bien comprendre que cette mobilisation de l’appareil judiciaire dans un contexte politique s’inscrit dans une sorte de continuité : deux autres opposants, Karim Wade et Khalifa Sall, emprisonnés dans le passé, ont été empêchés de participer aux élections de 2019 notamment du fait de leur condition judiciaire. A l’heure actuelle, il n’est pas exclu qu’un troisième opposant, Ousmane Sonko, soit victime du même procédé : l’élimination judiciaire d’opposants politiques.
De telles réalités posent certainement la question de la neutralité politique de la justice. Du moins l’implication de l’appareil judiciaire dans des enjeux politiques et électoraux est-elle de nature à poser le problème de l’indépendance de ce troisième pouvoir.
En tout état de cause, le débat ne manquera pas d’être posé au lendemain des élections en vue. En attendant, son acuité ne fait aucun doute, d’autant que dans les semaines à venir, l’intervention de divers acteurs judiciaires (Cour d’appel et Cour suprême au sujet de procès visant des individualités, Conseil constitutionnel au sujet de l’examen des candidatures à l’élection) pourrait de nouveau faire planer le spectre d’une « instrumentalisation de la justice » à des fins politiques.
Rappelons, pour finir, les dispositions du Code électoral susceptibles d’être concernées par l’éligibilité des candidats : L28 à L.31 inclus. Ces articles touchent pour l’essentiel les condamnations pénales qui empêchent l’inscription sur les listes électorales.
[3] Le juge sénégalais semble avoir fait sienne l’affirmation du commissaire du gouvernement Corneille dans l’arrêt Baldy du 10 août 1917 : « en matière de police, la liberté est la règle et la restriction, l’exception ».
RDC, LE GOUVERNEMENT INTERDIT LA MANIFESTATION DE L’OPPOSITION PRÉVUE MERCREDI
En République démocratique du Congo (RDC), le gouvernement interdit la première mobilisation de l’opposition prévue demain. Un rassemblement qui doit exiger l’annulation des scrutins du 20 décembre.
En République démocratique du Congo (RDC), le gouvernement interdit la première mobilisation de l’opposition prévue demain. Un rassemblement qui doit exiger l’annulation des scrutins du 20 décembre. L’opposition pointe des irrégularités massives et exige même la mise en accusation des dirigeants de la commission électorale.
Le gouvernement congolais interdit la première mobilisation de l’opposition prévue demain pour exiger l’annulation des scrutins. Lors d’une conférence de presse ce mardi, le numéro deux du gouvernement, Peter Kazadi, vice-Premier ministre, en charge de l’Intérieur et de la sécurité, a prévenu que les forces de sécurité seront mobilisées pour s’assurer que la marche n’ait pas lieu.
« Je peux vous rassurer, il n’y aura pas cette marche tout simplement parce que cela ne cadre pas avec le contexte. Cela ne cadre pas non plus avec le processus. Cela viole les dispositions légales qui prévoient que la contestation des résultats se fasse devant la Cour constitutionnelle, ou le tribunal compétent », a aussi déclaré Peter Kazadi.
Pour mercredi 27 décembre, le candidat et opposant Martin Fayulu, Denis Mukwege et d’autres candidats ont appelé à une mobilisation massive à Kinshasa. Les opposants affirment qu’ils n’accordent aucun crédit aux opérations électorales dont les résultats partiels sont en train d’être publiés, rapporte notre correspondant à Kinshasa,Patient Ligodi. Ils sont également ouverts à d’autres opposants qui ne sont pas signataires de leur communication. « Nous avons commencé certaines discussions. Si les gens sont d’accord, qu’ils viennent. Nous sommes là. Nous avons les bras ouverts. Ce que nous allons faire le 27 décembre. Nous pouvons le dupliquer partout. Les autres peuvent se dire qu’ils le feront à Lubumbashi ou à Goma », explique Martin Fayulu.
par Sidy Alpha Nidaye
RÉHABILITER LE DROIT ET REPENSER UN ÉTAT DE JUSTICE INDÉPENDANTE
EXCLUSIF SENEPLUS - Priver un candidat de sa candidature alors qu'il peut se prévaloir d'une décision de justice exécutoire constituerait une atteinte aux Lois et aux droits fondamentaux, dont la protection ultime revient au Conseil constitutionnel
Lettre ouverte au Conseil constitutionnel du Sénégal
La temporalité politique au Sénégal est rythmée par la manipulation administrative du droit électoral afin d’annihiler la libre participation à l’élection présidentielle du 25 février 2024. Cette fraude à la démocratie et à l’Etat de droit s’organise par l’installation, dans les représentations populaires, de l’idée selon laquelle la recevabilité des candidatures dépendrait de conditions extérieures à la Loi. En droit électoral, tout électeur est éligible lorsque les prérequis légaux sont remplis (âge, nationalité, parrainages…). Le législateur sénégalais a, en 2018, consacré la liaison entre l’éligibilité et la qualité d’électeur pour toutes les élections. En somme, il faut d’abord être électeur avant d'être éligible. En ce sens, l’article L. 57 al.1 du Code électoral ne laisse place à aucune interprétation prétorienne en disposant très clairement que « tout Sénégalais électeur peut faire acte de candidature et être éligible, sous réserve des conditions d'âge et des cas d’incapacité ou d’inéligibilité prévus par la loi ».
A cette aune, les candidatures de Messieurs Ousmane Sonko et de Bassirou Diomaye Faye remplissent toutes les exigences légales. En validant ces candidatures, le Conseil constitutionnel démontrera, par sa fonction de régulation, qu’il est pleinement investi dans un constitutionnalisme promouvant la démocratie pluraliste et l’Etat de droit.
De quelques observations sur l’éligibilité incontestable de Monsieur Ousmane Sonko
L’annulation de la radiation de Monsieur Ousmane Sonko par le Tribunal d’Instance Hors Classe de Dakar, le 14 décembre 2023, a pour conséquence sa réintégration immédiate dans le fichier électoral. Le Tribunal d’instance a considéré, en vertu de l’article 307 CPC, que l’arrestation de Monsieur Ousmane Sonko anéantit de plein droit le jugement de la Chambre criminelle du Tribunal de Grande Instance de Dakar du 1er juin 2023 condamnant celui-ci pour délit de corruption de la jeunesse. La décision de la Chambre criminelle étant sortie de l’ordonnancement juridique, la situation de contumax, déjà juridiquement absconse, ne peut plus prospérer et, par conséquent, aucune décision de radiation ne pourrait se fonder sur une décision judiciaire devenue inexistante. Il s’ensuit que l’éligibilité de Monsieur Ousmane Sonko ne saurait être discutée tant il est vrai que l’ordonnance rendue par le Tribunal d’Instance en date du 14 décembre 2023 est d’application immédiate par toutes les autorités administratives en charge de la matière électorale, la Direction Générale des Elections et la Direction de l’Autonomisation du Fichier en l’occurrence. L’article L. 47 al. 4 du Code électoral et les articles 36 et 74-2 de la loi organique relative à la Cour suprême prévoient explicitement le caractère non-suspensif d’un éventuel pourvoi en cassation devant ladite Cour. Autrement dit, l’introduction d’un pourvoi n’aurait aucune incidence sur l’obligation pour les autorités administratives de se conformer, sans délai, à l’autorité de la chose jugée. L’urgence et la célérité exigent, en matière électorale, qu’une action contentieuse ne puisse préjudicier au droit fondamental d’un candidat, Monsieur Ousmane Sonko, de se présenter au suffrage des Sénégalais. L’atypisme juridique de la matière électorale, pensée dans une logique de protection et de sauvegarde des droits fondamentaux, celui de concourir au suffrage universel notamment, commande qu’aucune manœuvre dilatoire n’entrave la pleine réalisation des ressources normatives dédiées aux citoyens-électeurs. Pour preuve, cette matière échappe aux hypothèses limitatives dans lesquelles un recours suspensif est prévu.
Toujours est-il que le refus opposé par les services administratifs du ministère de l’Intérieur, la DGE principalement, d’exécuter une décision de justice, deux mois après le premier refus d’exécution de l’ordonnance du Tribunal d’Instance de Ziguinchor rendue le 12 octobre 2023, viole l’article L. 47 al. 4 du Code électoral et les articles 36 et 74-2 de la loi organique susmentionnée. Ces refus répétés, si le Conseil constitutionnel ne remplit pas la plénitude de son office, sont de nature à préjudicier la candidature de Monsieur Ousmane Sonko alors même que les dispositions pertinentes précitées lui restituent l’intégralité de ses droits civils et politiques. Priver un candidat de sa liberté de candidature, alors même qu’il peut se prévaloir d’une décision de justice immédiatement exécutoire, serait une atteinte grave aux Lois de la République ainsi qu’aux droits fondamentaux dont le gardiennage appartient ultimement au Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel serait responsable de cette violation de la loi électorale s’il ne déclarait pas recevable la candidature de Monsieur Ousmane Sonko qui bénéficie d’une ordonnance de réintégration immédiate dans le fichier électoral et qui, par ricochet, retrouve sa qualité d’électeur. Face aux refus persistants de la DGE de remettre au mandataire de Monsieur Ousmane Sonko ses fiches de parrainages, il appartient au Conseil constitutionnel, sous le prisme du droit et de sa propre jurisprudence, de recevoir favorablement le dossier du candidat lésé complété par des exploits d’huissier constatant que les pièces manquantes relèvent de la responsabilité intégrale de l’Administration électorale qui a, de manière caractérisée, violé l’article L. 47 al. 4 du Code électoral et les articles 36 et 74-2 de la loi organique relative à la Cour suprême. Il ne saurait être reproché à Monsieur Ousmane Sonko une faute de l’Administration. La violation de la loi électorale et de la loi organique sur la Cour suprême, par le refus d’appliquer une décision de justice, celle du Tribunal d’Instance de Dakar, ne peut être supportée par un citoyen-électeur dont les droits électoraux sont intacts. Ce fait du prince acterait le primat de l’Administration sur la justice et mettrait définitivement fin à l’idéal de la séparation des pouvoirs et à l’ordre républicain au Sénégal. Le Conseil constitutionnel a pour mission d’empêcher que l’Administration décide impunément de ne pas exécuter des décisions de justice défavorables au pouvoir politique. Cet arbitraire, s’il devait prospérer, anéantirait notre Etat républicain.
Le Conseil constitutionnel doit nécessairement se prononcer sur l’imputabilité du manquement lorsque les dossiers de candidature lui seront adressés. Il ne peut pas se contenter d’un contrôle notarial minimal des pièces du dossier de candidature sans questionner l’imputabilité du manquement et en tirer les conséquences juridiques appropriées. Sa jurisprudence antérieure l’y oblige. Il est utile de rappeler, que dans une décision du 15 avril 1998, le Conseil constitutionnel du Sénégal avait déclaré recevable une liste de candidats aux élections législatives au motif que l’absence dans son dossier du récépissé du trésorier général attestant du dépôt du cautionnement électoral était imputable à l’Administration faute de permanence au trésor public et d’acceptation par le ministère de l’Intérieur de la somme exigible présentée avant la limite de dépôt des candidatures. En l’espèce le requérant excipait « une défaillance de l'administration pour laquelle son parti ne doit pas être pénalisé ». Il argue « avoir fait preuve de diligence en présentant avant l’heure limite de dépôt la somme de trois millions de francs au Ministère de l'Intérieur mais que le dépôt lui en a été refusé ». Le juge constitutionnel, après avoir insisté sur la corroboration par écrit des prétentions du requérant, décide qu’« il y a lieu de constater que la preuve est établie que le cautionnement était disponible et a été présenté au Ministère de l’Intérieur avant l'heure légale de clôture » (Conseil Constitutionnel, Décision n°/E/3/98 du 15 avril 1998, affaire Insa Sangare). Il n’eut d’autre choix que d’accepter la recevabilité de la liste de candidatures. A l’aune de cette jurisprudence sans équivoque, le refus de la DGE de délivrer ses fiches de parrainage au mandataire de Monsieur Ousmane Sonko et celui de la Caisse des dépôts et consignations de fournir une attestation de dépôt, dès lors qu’ils sont corroborés par des écrits, les exploits d’huissier, sont imputables non pas au candidat Ousmane Sonko mais à l’Administration qui engage, seule, sa responsabilité. L’accomplissement de toutes les diligences par le mandataire désigné par Monsieur Ousmane Sonko n’est plus à démontrer. Dans une décision très récente, en date du 14 décembre 2023, le Conseil constitutionnel a rappelé, dans un raisonnement clair, qu’un procès-verbal d’huissier remplace en bonne et due forme un document administratif manquant lorsque le requérant a accompli les diligences utiles : « considérant que, pour justifier cette carence, les requérants ont joint à leur requête un procès-verbal de constat interpellatif d’huissier du 6 décembre 2023, dressé à la requête du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi (…), représenté par son président Birame Souleye Diop, qui déclare qu’il a mandaté Madame Daba Wagnane, député, laquelle « s’est présentée au Secrétaire général de l’institution parlementaire pour obtenir une copie de la loi votée, en vain » ; que le huissier instrumentaire ayant interrogé Madame Daba Wagnane, cette dernière déclare ceci « Secrétaire général m’a répondu : la loi n’est pas encore promulguAe » ; Considérant qu’il ressort de cet acte que le groupe parlementaire Yewwi Askan Wi, représenté par son président Birame Souleye Diop, n’a pas interpellé les personnes habilitées à délivrer les textes de loi et notamment le SG de l’institution parlementaire, mais plutôt Madame Daba Wagnane ; que les seules déclarations de cette dernière, consignées dans le procès-verbal d’huissier, ne peuvent établir que les requérants ont accompli les diligences utiles ». En l’espèce, il a été reproché au groupe parlementaire Yewwi Askan Wi de n’avoir pas interpellé l’autorité administrative compétente, le Secrétaire général parlementaire notamment. Par ricochet, le Conseil constitutionnel estime que si l’autorité habilitée avait été saisie, le procès-verbal d’huissier rendrait nécessairement la requête recevable. Dire le droit, c’est pour le Conseil constitutionnel ne pas se dédire abruptement sur l’imputabilité du manquement. Selon la jurisprudence récurrente du Conseil constitutionnel, les refus peuvent être valablement suppléés par des exploits d’huissier pouvant techniquement intégrés le dossier de candidature dont l’incomplétude relève d’une violation de la loi par l’agissement ultra-vires de la DGE, de la DAF et de la Caisse des dépôts et consignations. La garantie juridictionnelle des droits fondamentaux exercée ultimement par le Conseil constitutionnel exige la recherche minimale de la causalité du manquement. Le Conseil constitutionnel du Sénégal serait inspiré, outre sa propre jurisprudence, de convoquer le droit jurisprudentiel comparé. La Cour constitutionnelle du Bénin a retenu, en 1998, la candidature d’un opposant rejetée par la Commission nationale électorale pour dossier incomplet en soutenant que « pour des raisons indépendantes de sa volonté, le requérant s’est trouvé dans l’impossibilitéde satisfaire aux exigences légales lui imposant d’avoir son dossier de candidature complet à la date du 22 octobre 1998 ». Le droit électoral, adjuvant des droits fondamentaux des citoyens, doit toujours être interprété en faveur de l’individu surtout lorsqu’il n’a pas perdu ses droits civils et politiques ou que ceux-ci les lui soient restitués par une décision judiciaire. Monsieur Ousmane Sonko réintégré dans les listes électorales par décision de justice ne peut aucunement souffrir d’une violation de la loi par l’Administration. Outre cet argumentaire technique, il n’est pas superfétatoire que le Conseil constitutionnel prenne en compte les circonstances très politiques qui caractérisent l’affaire Ousmane Sonko. Cette affaire a donné lieu à des situations inédites dans les annales judiciaires au Sénégal. Pour la première fois, le représentant de l’Etat, l’Agent judiciaire, introduisit un pourvoi en cassation sur une simple question de radiation sans que l’intérêt de la société soit démontré ou même postulé (pourvoi introduit après l’ordonnance de réintégration de Monsieur Ousmane Sonko sur les listes électorales rendue le 12 octobre 2023). En sus, pour la première fois, la DGE refuse obstinément d’appliquer une décision de justice mettant à mal les acquis républicains obtenus au prix d’une intériorisation très longue des linéaments de l’Etat de justice. Il ne s’agit donc pas seulement du cas isolé d’un candidat mais de l’Etat de droit qui est mis à l’épreuve par l’Administration et dont la préservation historique échoit au juge constitutionnel.
Au surplus, le contentieux portant sur la diffamation devant la Cour suprême opposant Monsieur Ousmane Sonko au ministre Mame Mbaye Niang, le 4 janvier 2024, interpelle directement la compétence exclusive du Conseil constitutionnel en matière d’exception d’inconstitutionnalité. Le soulèvement de l’inconstitutionnalité de l’article 260 de la loi n° 65-60 du 21 juillet 1965 du Code pénal devant la Cour suprême entraîne une conséquence juridique immédiate. La juridiction suprême doit surseoir à statuer et renvoyer obligatoirement le contrôle de la loi contestée au Conseil constitutionnel. La disposition dont la constitutionnalité est querellée, à charge pour le Conseil constitutionnel d’opérer son contrôle de constitutionnalité, pose un problème de conformité à l’article 8 de la Constitution du Sénégal du 22 janvier 2001, l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’article 19-2 du Pacte international relatif aux Droits civils et politiques, l’article 9-2 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le paragraphe 1 de la Résolution 169 sur l’Abrogation des lois pénalisant la diffamation en Afrique par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples du 24 novembre 2010. Dans tous les Etats acquis à l’exigence démocratique, les dispositions sur la diffamation des autorités gouvernementales sont sorties de l’ordonnancement juridique en raison de la nature même de leurs fonctions. En droit positif sénégalais, la Cour suprême n’a pas le pouvoir d’apprécier du caractère sérieux ou opportun du renvoi. Elle est dans l’obligation de surseoir à statuer et, par conséquent, de ne pas tenir l’audience enrôlée le 4 janvier 2024. En effet, la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique n° 2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour suprême en son article 91 dispose que : « Lorsque la solution d’un litige porté devant la Cour suprême est subordonnée à l’appréciation de la conformité d’une loi ou des stipulations d’un accord international à la Constitution, la Cour saisit obligatoirement le Conseil constitutionnel de l’exception d’inconstitutionnalité ainsi soulevée et sursoit à statuer jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel se soit prononcé.Si le Conseil estime que la disposition dont il a été saisi n’est pas conforme à la Constitution, il ne peut plus en être fait application ». La loi organique n° 2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel, en son article 22, précise que « Le Conseil se prononce dans le délai d’un mois à compter de la date de sa saisine ». Il n’est pas inutile de rappeler que la Cour suprême n’a jamais varié dans sa position principielle de renvoi lorsqu’une exception d’inconstitutionnalité est soulevée devant elle. Elle renvoie systématiquement au Conseil constitutionnel la loi devant être appliquée au justiciable (Cour suprême, 26 juillet 2012, Ndiaga Soumaré c/ État du Sénégal ; Cour suprême, 06 février 2014, Ai Aa Ab, c/ Procureur spécial près la CREI et Procureur général près la Cour d’Appel de Dakar ; Cour suprême, 10 mars 2022, Souleymane Téliko c/ État du Sénégal). Dans une décision du 28 septembre 2022, le Conseil constitutionnel a adopté d’ailleurs une position péremptoire qui ne laisse place à aucune manœuvre prétorienne. Il déclare « la Chambre d’Accusation de la Cour d’Appel de Dakar, saisie d’une exception d’inconstitutionnalité dirigée contre l’article 344 du Code des Douanes, a l’obligation de transmettre au Conseil constitutionnel l’exception ainsi soulevée et de surseoir à statuer jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel se soit prononcé, conformément à l’article 22 de la loi organique relative au Conseil constitutionnel ».
Par rapport à tout ce qui précède, Monsieur Ousmane Sonko, jouissant de tous ses droits civils et politiques, dispose d’un dossier de candidature recevable et le droit exige sa participation à l’élection présidentielle du 25 février 2024.
Le caractère irréfutable de l’éligibilité de Monsieur Bassirou Diomaye Faye
La qualité d’électeur est posée par les articles 26 à 31 du Code électoral. Un individu est frappé d’une incapacité électorale que dans des conditions limitativement prévues par la loi, neutralisant ainsi la marge d’interprétation qu’aurait le juge constitutionnel qui se retrouve dans une situation étroite de compétence judiciaire liée. Il faudrait impérativement que l’individu perde momentanément ou définitivement la jouissance de ses droits civils ou politiques pour ne pas être éligible. Cette incapacité ne peut résulter que d'une décision ayant atteint l’autorité de la chose jugée. Il peut s’agir d'une incapacité intellectuelle ou d'une incapacité morale. Ce faisant, pour qu’un Sénégalais majeur soit privé de la qualité d’électeur, il faut obligatoirement une décision judiciaire définitive. Toute autre situation n’est pas privative de la qualité d’électeur. Le juge constitutionnel sénégalais, conformément à ses attributions textuelles, n’a aucun pouvoir discrétionnaire en matière de privation des droits susmentionnés d’un citoyen-électeur. D’ailleurs, la privation, par le juge ordinaire, de la qualité d’électeur d’un condamné doit résulter d’une peine supplémentaire qui doit être prononcée à la demande du procureur en ce qu’un préjudice est causé à la société. C'est généralement une peine complémentaire, c'est-à-dire qu'elle vient s’ajouter à une peine de prison ou d'amende prononcée à titre principal. En droit, il est de coutume que l’accessoire suive le principal, et non l’inverse ! Lorsqu’il s’agit de déchoir un citoyen de son droit fondamental d’être élu, l’objectif poursuivi doit être légitime et proportionné à la peine. On est très loin en l’espèce de la situation juridique du candidat Bassirou Diomaye Faye qui n’a fait l’objet d’aucune forme de condamnation, même en première instance, alors même que la loi exige une condamnation définitive. En dehors de toute hypothèse de condamnation, inexistante en réalité, Monsieur Bassirou Diomaye Faye n’a même jamais fait l’objet d’un procès. Discuter politiquement de l’éligibilité d’un candidat jamais attrait devant un juge renseigne à suffisance sur le mal-démocratique dont souffre le Sénégal ! La volonté politique ne préempte pas la décision du juge constitutionnel. Dire le droit est une opération technique qui est détachée des contingences d’appareils. Et en l’absence de tout procès, il ne peut naturellement y avoir une condamnation et une privation de droits. Monsieur Bassirou Diomaye Faye garde la totalité de ses droits civils et politiques.
Le Conseil constitutionnel ne peut pas juridiquement invalider la candidature d’un citoyen qui n’est frappé d’aucune condamnation emportant déchéance de ses dits droits. Le juge constitutionnel n’est que la simple bouche de la loi électorale et non l’organe judiciaire de réalisation d’une commande politique d’élimination arbitraire des opposants. Toute autre attitude contra-legem du juge constitutionnel participerait à un arbitraire judiciaire aux relents politiques. Selon la jurisprudence du même Conseil constitutionnel, le principe de la nécessité des peines, posé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, partie intégrante de la Constitution sénégalaise, implique que toute peine, fût-elle complémentaire, doit être expressément prononcée par le juge pour qu'il vérifie qu'elle correspond bien, dans ce cas particulier, à l'exigence de nécessité. C’est bien lorsque la déchéance des droits susvisés est prononcée par le juge que l'administration est autorisée à procéder à la radiation de l’électeur concerné. Une radiation factuelle selon la bonne volonté interprétative du juge constitutionnel n’existe pas dans un Etat de droit ! Le juge constitutionnel ne fait pas la loi électorale, il l’applique dans son entièreté et dans le respect de ses attributions normatives expressément codifiées.
La candidature à l’élection présidentielle, pour être recevable, doit, aux termes de l’article L 57 al.2, « être portée soit par un parti politique légalement constitué, soit par une coalition de partis politiques, soit par une entité regroupant des personnalités indépendantes ». La loi électorale prévoit ces trois possibilités à l'électeur sénégalais qui remplit les autres conditions (âge, parrainage, obligations fiscales) pour faire acte de candidature. Il en résulte que, même en situation de détention provisoire, la candidature de Monsieur Bassirou Diomaye Faye ne souffre d’aucun obstacle juridique si celle-ci est portée par un parti politique légalement constitué distinct de Pastef ou une coalition de partis politiques. En revanche, il ne peut pas être candidat indépendant. Il ne pourrait l’être qu’un an après la dissolution du parti. Juridiquement, la dissolution du parti Pastef n’a aucun effet sur les droits individuels autonomes des membres dudit parti. Si tel était le cas, tous les membres encartés du parti dissous, y compris naturellement les parlementaires et élus locaux dudit parti, devraient en conséquence perdre automatiquement leur mandat et n’auraient même pas eu le droit de voter aux différentes élections car ils seraient frappés de déchéance de leurs droits. Suivant ce raisonnement tendancieux, les députés du parti frappé de dissolution devraient être tous déchus de leurs droits. L’absurdité du raisonnement suffit à son invalidation ! Faudrait-il rappeler, qu’en droit, les partis politiques sont considérés comme des associations ordinaires, au même titre que tout groupement. C’est un truisme d’affirmer qu’un parti politique est doté d’une personnalité juridique différente de celle de ses membres. Affirmer qu’un parti politique est une entité autonome dont la dissolution n’emporte évidemment pas les droits individuels de ses membres est un lieu commun juridique qu’il appartiendra au Conseil constitutionnel de réaffirmer. L’article L. 57 al. 2 du Code électoral permet très clairement à Monsieur Bassirou Diomaye Faye d’être candidat au titre d’un parti politique légalement constitué ou d’une coalition de partis. En d’autres termes, la dissolution d’un parti n’a aucune incidence, même indirecte, sur la déchéance des droits civils et politiques d’un membre qui est libre d’adhérer à un autre parti politique ou même d’en créer. Il est sans ambiguïté dans la même situation juridique qu’un membre démissionnaire d’un parti politique.
En réalité, l’article L. 57 al. 2 ne donne lieu à aucune interprétation spécieuse en ce qu’il prévoit explicitement que la candidature est portée par un parti légalement constitué, une coalition de partis politiques ou selon qu’il s’agisse d’une candidature indépendante. En 2019, Maître Madické Niang était candidat à l’élection présidentielle alors qu’il venait de démissionner du PDS quelques mois auparavant. En l’espèce, le Conseil constitutionnel décida : « Considérant que le 11 décembre 2018, à quinze heures trente-huit minutes, Ibra Diouf, mandataire de la coalition « MADICKÉ 2019 », a déposé au greffe du Conseil constitutionnel une déclaration aux termes de laquelle Madické Niang, avocat, né le 26 septembre 1953 à Saint-Louis de Mademba et Khady Thioune, est candidat à l’élection présidentielle du 24 février 2019, a reçu l’investiture de la coalition « MADICKÉ 2019 », est de nationalité sénégalaise, jouit de ses droits civiques et politiques, est titulaire de la carte d’électeur n°100432104 (…) ;Considérant que la déclaration de candidature de Madické Niang est accompagnée des pièces énumérées à l’article L.116 du Code électoral, dont une liste de 65 078 électeurs l’ayant parrainé, présentée sur fichier électronique et en support papier ;Considérant qu’il résulte des vérifications auxquelles il a été procédé (…) ;Considérant que la candidature de Madické Niang est recevable ». L’orthodoxie judiciaire serait que le Conseil constitutionnel respecte scrupuleusement sa jurisprudence antérieure fondée sur la stricte application de la loi électorale sans tomber dans une jurisprudence politique. L’actuelle ministre de la justice, Maître Aissata Tall Sall, était elle-même candidate à l’élection présidentielle de 2019 avec la coalition « Oser l’avenir » après son exclusion du PS. Sa candidature était rejetée simplement pour insuffisance de parrainages. Le juge constitutionnel, dans sa décision du 13 janvier 2019, considère « qu’il résulte des vérifications auxquelles il a été procédé (…), qu’elle a obtenu le parrainage validé de 10 129 électeurs domiciliés, à raison de 2000 parrains par région au moins, dans deux régions ; qu’Aïssata Tall Sall n’ayant obtenu ni le nombre minimal de parrainages d’électeurs inscrits au fichier électoral général, ni le nombre minimal de parrains par région dans sept régions, il y a lieu de déclarer sa candidature irrecevable ». Dans toutes ces affaires jugées par le Conseil constitutionnel, il ne s’est agi, à juste titre, d’évoquer le statut d’ancien membre d’un parti politique du candidat déclaré. Dès lors qu’un candidat est investi par un parti politique ou par une coalition de partis politiques, le juge se conforme aux prescriptions du Code électoral. Il n’a, dans ce cas précis, aucune marge de manœuvre judiciaire. Dans sa décision n° 33/98/Affaires n° 1/E/98 et 2/E/98, s’opposant aux conclusions du ministère de l’intérieur déclarant irrecevables les candidatures aux élections législatives de 1998 des coalitions USD JEF JEL et Front pour la Démocratie et le Socialisme, le Conseil constitutionnel a estimé que « les règles relatives aux inéligibilités comme celles qui établissent les limitations à la candidature doivent toujours faire l’objet d’une interprétation restrictive, et ne doivent être étendues à des cas non expressément prévus »(Considérant 7 de la décision n° 33/98 du 8 avril 1998).
Lors des élections locales de 2022, Monsieur Mame Boye Diao, membre de l’APR, était candidat sous la bannière d’un autre parti. Sa candidature avait même été soutenue par le président de la République. Il en est ainsi de plusieurs membres de l’APR qui avaient présenté des listes parallèles, notamment Mame Mbaye Niang. A ce titre, il n’est pas superfétatoire de rappeler que l’article L. 57 ne fait aucune distinction selon qu’il s’agisse d’élections législatives, territoriales ou qu’il s’agisse d’une élection présidentielle. Il englobe toutes les élections politiques
La candidature de Monsieur Bassirou Diomaye Faye ne peut non plus être rejetée sur le fondement de l’article L. 125 du Code électoral. Les pouvoirs d’investigation que l’article L. 125 reconnait au Conseil constitutionnel pour s’assurer de la validité des candidatures lui permettent simplement de demander des compléments d’informations. Le pouvoir de vérification ne signifie nullement un pouvoir de création normative ex-nihilo. Le Conseil constitutionnel ne peut pas se substituer au juge pénal. La privation des droits civils et politiques est de la compétence du juge judiciaire qui ne s’est pas encore prononcé sur les chefs d’accusation à l’encontre de Monsieur Bassirou Diomaye Faye. En l’absence de décision judiciaire définitive, rien en droit ne peut empêcher sa candidature. S’il était condamné, le juge constitutionnel aurait pu, au titre de son pouvoir de vérification, demander son casier judiciaire même si son nom figure encore sur les listes comme ce fut le cas dans l’affaire Khalifa Sall. Le Conseil constitutionnel avait demandé la communication de la décision de condamnation de Monsieur Khalifa Sall malgré l’existence d’un casier judiciaire dans le dossier de candidature qui lui a été présenté. Toujours dans sa décision du 13 janvier 2019, le Conseil constitutionnel estima : « Considérant qu’il résulte de l’article L.57, alinéa 1er du Code électoral que, pour faire acte de candidature, il faut être électeur ; Considérant que la qualité d’électeur s’apprécie au regard de l’article L.27 du Code électoral (…) ; que lorsqu’un citoyen est condamné à une peine impliquant sa radiation des listes, il est frappé d’une incapacité électorale qui a pour effet de le priver de son droit de vote (…) ; Considérant que Khalifa Ababacar Sall ne peut plus se prévaloir de la qualité d’électeur au sens des articles L.27 et L.31 du Code électoral ; que, par suite, ne remplissant pas la condition prévue par l’alinéa 1er de l’article L.57 du Code électoral, il ne peut faire acte de candidature à l’élection présidentielle ». A rebours de ce cas d’espèce, Monsieur Bassirou Diomaye Faye n’a fait l’objet d’aucune condamnation et n’a jamais cessé d’être électeur.
Sous ce prisme, il appartiendra au Conseil constitutionnel du Sénégal de tirer toutes les conclusions juridiques qui s’imposent à la situation du candidat Bassirou Diomaye Faye. Non seulement le candidat Bassirou Diomaye Faye ne se présente pas sous la bannière de Pastef mais, mieux, il n’est frappé d’aucune peine d’inéligibilité et n’a fait l’objet d’aucune condamnation même en première instance. Le candidat Bassirou Diomaye Faye ne saurait pâtir d’une conception abusive du pouvoir de vérification fondamentalement restreint à la recherche de toute information visant la complétude des pièces du dossier de candidature qui lui sera soumis.
Dans toutes les communautés véritablement démocratiques, les juridictions constitutionnelles partagent des ressources dogmatiques communes : s’ériger en ultime rempart contre l’arbitraire, préserver le modèle social et, en définitive, la cohésion nationale. En appliquant simplement le droit, le juge constitutionnel au Sénégal se convertirait, en même temps, à l’utilitarisme et au conséquentialisme pour restaurer l’État de droit. Dire la pureté du droit électoral l’y incite et repenser un Etat de justice indépendante le contraint à lire sa société. Juger, c’est assurer la rencontre entre la normativité sociale et la normativité juridique pour recréer les fondations d’une nation.
Par conséquent, les sept sages sont invités, cultivant leur « devoir d’ingratitude » à l’égard de l’autorité politique de nomination, à raffermir le serment d’allégeance nationale remis en cause par un environnement politique et social anxiogène.
Pour l’histoire, le Conseil constitutionnel juge certes par le Droit mais surtout pour le peuple et la nation.
Pour le peuple et la nation, le Conseil constitutionnel doit réhabiliter le Droit.
LES QUESTIONS ÉLECTORALES RÉSOLUES À COURT TERME
RAPPORT SENEPLUS D’ANALYSE PRE-ÉLECTORALE – Un document destiné à repérer des germes de tension préélectorale tout en relevant les acquis en matière de paix sociale et de démocratie. Un diagnostic institutionnel et démocratique du pays (1/3)
Le présent rapport d’analyse a pour objet de présenter cette situation générale, et de formuler des recommandations en vue de prévenir les crises qui pourraient naître de la situation que le pays vit au moment où ces lignes sont écrites.
Mais il n’est pas seulement question de repérer des éléments de tension ou de conflit préélectoral ; l’analyse doit également faire état d’éléments positifs, d’acquis en termes de paix sociale et de démocratie puisqu’il s’agit de poser un diagnostic sur le système institutionnel, démocratique et électoral du pays.
Au terme de cet exercice composé d’une série de rapports d’analyse d’ici février 2024, des pistes de réflexion seront dégagées pour quelques transformations structurelles du système, l’objectif étant, en dernière analyse, de renforcer le système démocratique sénégalais.
Il s’agit en somme de traiter le relèvement des défis qui se posent au Sénégal aujourd’hui dans une double perspective : conjoncturelle – comment organiser une élection apaisée dans trois mois – et structurelle – sur quels points agir pour que le système démocratique et électoral du pays soit amélioré et ne soit plus soumis aux aléas et risques qu’il traverse actuellement.
Pour parvenir aux objectifs que voilà, l’approche méthodologique est la suivante :
Identifier les acquis, les questions résolues ou dépassées dans la perspective de l’élection de février 2024 :
Recenser les points qui posent problème, c’est-à-dire les sujets de désaccords entre les parties prenantes à l’élection (compétiteurs électoraux, administration électorale, organes de régulation, instances juridictionnelles) ;
Esquisser les scénarios possibles et proposer des solutions de sortie de crise.
– Les acquis : questions résolues à court terme -
L’élection de février 2023 est une élection capitale, pour la raison qu’il s’agit de choisir le président de la République, qui est l’organe constitutionnel le plus puissant dans le régime politique sénégalais. Le système institutionnel est en effet marqué par son caractère clairement présidentialiste, le choix du chef de l’État est l’élection-mère, celle qui polarise les attentions et influe assez fortement sur les autres scrutins.
A cette donnée qui touche l’essence même du système politique, et qui est donc permanente, il faut ajouter une donnée conjoncturelle, aujourd’hui au Sénégal : c’est la possibilité qu’à la suite de l’élection présidentielle, soient organisées des élections législatives dont l’enjeu serait de clarifier le jeu politique et de donner à un président nouvellement élu une majorité nette et confortable. L’organe législatif sénégalais – l’Assemblée nationale- est en effet caractérisée, aujourd’hui, par un équilibre presque parfait des forces, l’écart du nombre de sièges entre la majorité et l’opposition ne dépassant pas un ou deux. Tout président élu dans un tel contexte, soucieux de mettre en œuvre son programme, aurait probablement à cœur de solliciter du peuple une majorité moins aléatoire. S’agissant de l’actuelle opposition, une clarification par de nouvelles élections serait également nécessaire puisqu’elle a, depuis, perdu son unité. Cela signifie que dans tous les cas de figure, une dissolution de l’Assemblée pourrait avoir lieu.
Pour ces deux séries de raison, le prochain scrutin a très tôt suscité des débats.
Un premier point de débat a été la possibilité pour le président sortant de se représenter. C’est donc la fameuse question du « troisième mandat » qui s’est de nouveau posée. On rappelle qu’elle s’était déjà posée en 2011-2012 au Sénégal, sous la présidence d’Abdoulaye Wade. Ce débat a passablement dégradé l’atmosphère politique, jusqu’au 3 juillet 2023, date à laquelle le président Macky Sall a exclu de prétendre à un troisième mandat. Dans l’immédiat, la question est donc réglée, et il s’agit, à court terme, d’un acquis. Il ne faut cependant pas considérer que le débat autour de cette question est définitivement clos, le président sortant ayant lui-même déclaré qu’il a bien « le droit » de briguer un troisième mandat, et que sa renonciation ne tient absolument pas à une impossibilité juridique. Cela signifie que la controverse existe à l’état endémique et qu’il faut, dans la perspective de réformes ou d’ajustements ultérieurs, traiter cette question pour éviter qu’elle soit à nouveau source de problèmes ou de tensions.
Un consensus au moins provisoire semble également acquis relativement au parrainage. Il convient de rappeler qu’immédiatement après son instauration par la loi constitutionnelle du 11 mai 2018, cette règle a pu être perçue, par certaines formations d’opposition, comme entravant délibérément la liberté de candidature, et son abrogation a été en conséquence suggérée. Aujourd’hui, et cinq ans après son instauration, il semble que plus personne n’en conteste le principe même. Tous les prétendants à l’élection sont, au moment où ces lignes sont écrites, en campagne de moisson de « parrainages » dans le pays. On rappelle qu’il s’agit là d’une condition de recevabilité des candidatures à l’élection : obtenir le « parrainage », c’est-à-dire la signature d’électeurs représentant au minimum 0,8% et au maximum 1% du nombre des personnes inscrites sur le fichier électoral et répartis dans au moins sept régions à raison de deux mille au moins par région (art 29 de la constitution).
Au cours de la seconde phase (juin 2023) du dialogue politique national initié depuis 2019 par les autorités, et qui a vu la participation de diverses formations politiques (à l’exception notable de certains partis d’opposition, s’agissant de cette seconde phase), le parrainage a effectivement fait l’objet d’un large consensus puisque le rapport final mentionne au moins quatre (4) points d’accord sur le « parrainage citoyen » et deux (2) pour le « parrainage des élus »[1]. En tout état de cause, comme on l’a mentionné plus haut, le principe même de cette modalité d’écrémage des candidatures ne semble plus remis en question aujourd’hui.
Sur ces deux points qui ont cristallisé des tensions ou controverses, il convient donc de considérer que le débat est clos, au moins dans l’immédiat. Deux hypothèques qui étaient susceptibles de grever l’élection présidentielle sont donc écartées.
En dehors de ces points d’accord, il existe des points de désaccord. A l’heure actuelle, trois (3) gros points de désaccord obèrent le climat préélectoral au Sénégal.
[1]Rapport final de la Commission politique du Dialogue national, du 9 juin 2023 au 23 juin 2023, p. 7.
TIDJANE THIAM PLÉBISCITÉ À LA TÊTE DU PRINCIPAL PARTI IVOIRIEN D'OPPOSITION
L'ancien patron du Crédit Suisse, Tidjane Thiam, a été plébiscité vendredi à Yamoussoukro lors du congrès du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), principale formation d'opposition, dont il prend la tête.
L'ancien patron du Crédit Suisse, Tidjane Thiam, a été plébiscité vendredi à Yamoussoukro lors du congrès du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), principale formation d'opposition, dont il prend la tête avec la présidentielle de 2025 en ligne de mire.
M. Thiam a recueilli 96,5% des voix contre 3,2% pour son adversaire, le maire de la commune abidjanaise de Cocody Jean-Marc Yacé.
Il devient le troisième président élu de l'histoire du PDCI, fondé en 1946, après le père de la nation ivoirienne Félix Houphouët Boigny et un autre ancien chef de l'Etat, Henri Konan Bédié, décédé en août.
Après avoir rendu un "hommage appuyé à ses prédécesseurs", M. Thiam a estimé que "le déroulement et l’issue du congrès ont honoré" le parti.
"C’est avec beaucoup d'humilité que j’accepte la responsabilité que vous avez décidé de me confier", a-t-il ajouté.
Plus de 6.000 congressistes étaient appelés à voter vendredi dans la capitale Yamoussoukro pour élire un nouveau président pour le PDCI.
Le vote s'est tenu sans incident en fin de journée et les résultats proclamés autour de minuit. La participation a atteint 64%.
Tidjane Thiam, ancien patron du Crédit Suisse, faisait figure de favori, fort de sa notoriété internationale mais aussi du soutien d'une large majorité de députés du parti.
Ovationné à son arrivée à Yamoussoukro, il a multiplié les selfies tout au long de la journée.
Avec l'élection de Tidjane Thiam, 61 ans, un âge considéré comme jeune pour exercer de hautes fonctions politiques en Côte d'Ivoire, le PDCI va rajeunir son image.
"Notre nouveau président devra nous remettre en état de marche. Il devra donner plus de responsabilités aux jeunes du parti", avait déclaré le président par intérim du parti, Philippe Cowppli-Bony, âgé de 91 ans.
"On nous a trop traité de parti de vieux. C'est positif de voir deux candidats jeunes, ça fait plaisir", s'est de son côté réjoui Ohoueu Assi, un congressiste venu de Guiglo dans l'ouest.
- Présidentielle de 2025 en vue -
L'ancien dirigeant du PDCI, Henri Konan Bédié, président de la Côte d'Ivoire de 1993 à 1999, est mort en août à 89 ans et n'excluait pas de se présenter à la présidentielle de 2025.
Le parti qui vise le retour au pouvoir dans deux ans, a également proposé vendredi soir de soutenir M. Thiam en vue d'une investiture pour 2025.
"2025 sera une année électorale cruciale pour notre parti nous nous devons d’être prêts. Nous devons préparer cette échéance dès demain matin", a lancé vendredi soir, M. Thiam sous les acclamations de l'audience.
A la tête de la Côte d'Ivoire sans discontinuer de 1960 à 1999, l'ancien parti unique n'a plus accédé à la magistrature suprême depuis 24 ans lorsqu'un coup d'Etat avait chassé M. Bédié du pouvoir, un soir de Noël 1999.
"Si c'est Thiam notre candidat, ce que j'espère, on aura les capacités de revenir au pouvoir. Il peut insuffler une nouvelle dynamique", estime Cyprien Koffi, un délégué de San Pedro (sud-ouest).
Un temps allié d'Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2011, le PDCI a repris sa place dans l'opposition en 2018 et a boycotté la dernière présidentielle.
La tenue de ce congrès a été incertaine tout au long de la semaine, après un report samedi dernier par la justice ivoirienne, saisie par deux militants qui dénonçaient des irrégularités dans la liste des congressistes.
La décision pointait notamment des risques de "troubles à l'ordre public" pour justifier ce report et la police s'était déployée samedi matin pour empêcher d'accéder au lieu du congrès.
Alors que le PDCI avait reprogrammé le congrès à vendredi à Yamoussoukro, les deux mêmes militants avaient à nouveau saisi la justice, avant de finalement retirer leur plainte, jeudi soir.
NIGÉRIA, LE BILAN DE L'ATTAQUE SANGLANTE S'ALOURDIT À PLUS DE 100 MORTS
Au moins 113 personnes ont été tuées dans des attaques menées par des groupes armés samedi et dimanche 24 décembre dans plusieurs villages de l'État du Plateau, dans le centre du Nigeria
Au moins 113 personnes ont été tuées dans des attaques menées par des groupes armés samedi et dimanche 24 décembre dans plusieurs villages de l'État du Plateau, dans le centre du Nigeria, a annoncé lundi le gouvernement local.
« Au moins 113 corps ont été retrouvés alors que les hostilités démarrées samedi se poursuivaient lundi matin », a déclaré à l'AFP Monday Kassah, président du conseil du gouvernement local de Bokkos, dans l'État du Plateau. Le bilan donné samedi soir par l'armée donnant 16 morts est considérablement alourdi.
L'INCONNU OUSMANE SONKO
Principal adversaire du président Sall, le leader de Pastef crie au complot depuis sa cellule. Alors que le délai de dépôt des dossiers arrive à échéance, son équipe bataille pour obtenir les formulaires de candidature
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 25/12/2023
À trois jours de la fin du dépôt des dossiers de candidature à l'élection présidentielle du 25 février 2024, l'incertitude plane quant à la participation d'Ousmane Sonko, principal opposant au président Macky Sall. Incarcéré depuis août dernier, le leader du parti Pastef accuse le pouvoir de tout faire pour l'empêcher de se présenter, selon les informations rapportées par le site d'information La Tribune.
Alors que le délai approche à grands pas, la population sénégalaise s'impatiente, à l'image de Mustafa Fall, chauffeur de taxi dans la capitale Dakar. « Tout cela dure depuis trop longtemps, il est temps que nous sachions vers où nous allons », déplore-t-il auprès du média, faisant référence aux multiples affaires judiciaires visant M. Sonko depuis deux ans et qui paralysent la vie politique.
Car l'opposant de 49 ans, arrivé troisième du scrutin de 2019, a été radié des listes électorales en août dernier. Quelques semaines après son incarcération pour « appel à l'insurrection » et « atteinte à la sûreté de l'Etat », il avait déjà été condamné par contumace à deux ans de prison pour « corruption de la jeunesse » dans le cadre d'une accusation de viol, qu'il dénonce comme un « complot » ourdi par le chef de l'Etat Macky Sall pour l'écarter du jeu électoral.
Pourtant, deux juges ont récemment ordonné sa réintégration sur les listes. Mais son mandataire Ayib Daffé, député, affirme à La Tribune que les administrations concernées, sous la tutelle du ministère de l'Intérieur, bloquent l'accès aux dossiers de candidature. Mardi dernier, la Direction générale des élections (DGE) leur a même refusé les formulaires de parrainage, selon des propos rapportés.
Dans ces conditions, l'équipe de campagne compte sur un éventuel recours devant le Conseil constitutionnel, seul habilité à valider les candidatures au 20 janvier. « Si le Conseil accepte d'examiner sa demande, ce sera déjà une victoire », estime Babacar Ndiaye, directeur de recherche au think tank Wathi, cité par le média en ligne. Le verdict définitif ne tombera donc que dans moins d'un mois. D'ici là, tous les scénarios semblent possibles, y compris celui d'une campagne menée depuis la cellule pour Ousmane Sonko.
POUR QUI SONNE LE GLAS ?
Dans son éditorial, Jean-Baptiste Placca alerte sur les signes annonciateurs d'une possible "décadence inéluctable" de la Cédéao et appelle à une profonde réforme de la Communauté pour éviter une perte définitive de sa crédibilité
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 25/12/2023
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) traverse une zone de turbulences, alors que sa cohésion et son autorité sont de plus en plus remises en cause. C'est ce que relève Jean-Baptiste Placca, éditorialiste sur le site de RFI, dans son éditorial hebdomadaire publié le 17 décembre 2023.
Selon M. Placca, "les nations, des peuples et des dirigeants qui ne partagent pas les mêmes valeurs peuvent-ils vivre et évoluer dans une même organisation ? La question, de plus en plus, se pose au sein de la Cédéao, désertée par certains de ses membres".
Concernant la situation au Niger, où un coup d'État militaire a eu lieu en février 2022, l'éditorialiste note que "la Cédéao a fini par accepter, dimanche 10 décembre, le fait accompli". Autrement dit, "les chefs d’État reconnaissent la réalité du nouveau pouvoir". Pire, ils sont même "en étaient, presque, à quémander quelques concessions de la part des dirigeants actuels du Niger" en échange d'une levée des sanctions, signe selon lui que "les dirigeants ouest-africains ont perdu la partie, face aux militaires de Niamey".
M. Placca va plus loin en affirmant sans détour que "la Cédéao, virtuellement finie, peine tant à faire valoir son autorité". Les signes d'une "décadence inéluctable" seraient là, avec des dirigeants refusant toute remise en cause. Il souligne également que certains États membres arrivent désormais à remettre en cause le rôle politique et démocratique de la Cédéao, alors qu'elle fut jadis le symbole des "aspirations les plus nobles des peuples ouest-africains".
Toutefois, l'éditorialiste relève aussi le geste de George Weah, président du Liberia, qui a reconnu sa défaite électorale, prouvant selon lui que certaines valeurs demeurent. Mais il pointe du doigt le "manque de courage" face à ceux qui "s'incrustent" au pouvoir contre la volonté des électeurs.
En conclusion, Jean-Baptiste Placca estime que la Cédéao devra "impérativement se réinventer", face à la disparité grandissante entre États membres qui "ne se valent pas" en termes de respect des principes démocratiques et constitutionnels.