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24 novembre 2024
International
THOMAS BONI YAYI ET NICEPHORE SOGLO A NIAMEY CE LUNDI
Le bras de fer entre le Bénin et le Niger se poursuit, avec peut-être un moyen d'apaisement grâce aux bons offices de deux anciens chefs d’État béninois.
Le bras de fer entre le Bénin et le Niger se poursuit, avec peut-être un moyen d'apaisement grâce aux bons offices de deux anciens chefs d’État béninois. En effet, les services de communication de Nicéphore Soglo et de Boni Yayi annoncent que les deux anciens présidents se rendent à Niamey ce lundi 24 juin pour tenter d’apaiser les choses entre les deux pays.
Ce sont les services de communication des deux anciens présidents qui annoncent ce déplacement à Niamey ce lundi 24 juin. Il s’agit d’une médiation. Selon le communiqué, Thomas Boni Yayi et Nicéphore Soglo s’y rendent pour « contribuer à rétablir les relations cordiales et fraternelles » entre les deux pays.
Aucun détail sur la durée de leur séjour et sur les détails du programme à Niamey n'a cependant fuité. Le communiqué mentionne des échanges avec les responsables nigériens au plus au niveau, certainement avec les autorités de la junte nigérienne.
Qu'en pensent les autorités béninoises ?
C’est le président Nicéphore Soglo qui avait évoqué le premier l’idée d’une médiation, quelques mois après la crise. Il voulait la mener avec le forum des anciens chefs d’État auquel il appartient avec le nigérian Olusegun Obasanjo. Cela ne s’est pas fait. Ce sera maintenant avec Thomas Boni Yayi, ancien chef d’État et président du parti d’opposition Les Démocrates
Le communiqué ne précise pas si les autorités béninoises sont informées officiellement de cette initiative. On attend aussi de connaître les prochaines étapes après Niamey.
Par Madiambal DIAGNE
L’OFNAC SERVI SUR UN PLATEAU… D’ARGENT
La récente opération de levée de 450 milliards interroge sur une possible prise illégale d'intérêts, alors que le Sénégal, à en croire le FMI, n'avait nul besoin d'emprunter autant de manière aussi opaque
L’agence Bloomberg avait révélé, dans une dépêche du 4 juin 2024, que le Sénégal a levé, sur les marchés internationaux de capitaux, la bagatelle de 750 millions de dollars américains, soit 450 milliards de francs Cfa. L’information a été très largement relayée par les médias. Le gouvernement daigne alors, dans un communiqué en date du 6 juin 2024, confirmer l’information, soulignant avoir réalisé l’opération «avec succès». L’organisation Forum civil, qui s’investit pour la transparence dans la gestion des affaires publiques, s’était interrogée, par la voix de son coordonnateur, Birahim Seck, sur les conditions de réalisation de cette opération. «Le ministre des Finances et du budget doit nous édifier sur le choix de JP Morgan Londres. Le problème de la transparence de l’intermédiation demeure», demande-t-il. Le gouvernement n’a encore fourni la moindre réponse à cette interpellation publique. A priori, on pouvait être indulgent à l’endroit de cette opération car, dès l’installation du gouvernement dirigé par le Premier ministre Ousmane Sonko, des voix, les plus autorisées, laissaient entendre que la situation financière héritée du régime de Macky Sall était catastrophique et qu’il fallait parer au plus pressé pour trouver des ressources financières.
Pourtant, le 11 avril 2024, le nouveau régime avait encaissé 324 milliards de francs Cfa, fruits d’un prêt garanti par la Banque africaine de développement (Bad) et autorisé par le Fmi, en décembre 2023, pour permettre de passer le premier trimestre de 2024 marqué par une période électorale.
L’opération cachée, même au Fmi : Un scandale !
Les objections formulées quant à l’opération de levée de 450 milliards de francs Cfa étaient tout bonnement ignorées. Ainsi, le fait que le Sénégal ait cette fois-ci emprunté au taux le plus cher de son historique d’endettement, à savoir 7,75%, adjugé aux investisseurs, sur une maturité aussi courte de sept ans, ne devait pas étonner. Quel est le taux définitif si on intègre les commissions et autres frais d’intermédiation gardés confidentiels ? Le gouvernement avait souligné avoir levé les fonds pour consacrer les deux tiers à «optimiser davantage le service de la dette». Allez savoir la logique d’emprunter à des taux les plus chers, pour racheter des dettes moins coûteuses ! Les brillants économistes sénégalais, qui parlaient souvent de ces questions, se sont subitement tus. Nul ne cherche à insister pour savoir dans quelles conditions la banque intermédiaire JP Morgan a été choisie, sans aucun appel à la concurrence, et que l’opération présentée comme un eurobond ne l’est point et se révèle plutôt être une banale opération de placement d’obligations directes du Sénégal auprès d’investisseurs ciblés. Dans une opération classique d’eurobonds, du style de celles réalisées les dernières semaines par la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Kenya, et par le Sénégal sous les régimes de Abdoulaye Wade et Macky Sall, la transparence est de rigueur sur les modalités du choix de la banque conseil, les frais et commissions d’intermédiation payés. Mieux, «un road show» est organisé à l’intention des potentiels souscripteurs, avec l’assistance des institutions financières internationales publiques. Le modus operandi d’un eurobond voudrait une publicité préalable de l’opération et que les souscripteurs proposent, au cours d’une séance publique, des taux de financements affichés à l’écran, que le pays demandeur apprécie et négocie avant de distribuer le portefeuille selon ses propres critères d’appréciation. Le public est informé, jusqu’à la nomenclature des dettes rachetées à l’occasion ! Il n’en est véritablement rien de la première opération de levée de financements privés que vient de mener le ministre des Finances et du budget, Cheikh Diba, en dehors des marchés financiers régionaux. JP Morgan n’a eu à démarcher que ses clients privilégiés, et des investisseurs traditionnels non consultés ou approchés font une moue frustrée. D’autres curiosités pouvant renforcer la suspicion sont également notées. L’ancien Premier ministre britannique, Tony Blair, présenté comme un Vrp de JP Morgan, a été reçu par le Président Faye, le lendemain de l’opération «fast track» de levée de fonds, alors qu’il était jadis férocement pourfendu par Ousmane Sonko. Simple coïncidence ? En outre, des médias ont pu révéler que des cadres encartés au parti Pastef avaient été, jusqu’à une période récente, des collaborateurs de JP Morgan.
Le Fmi, un «lanceur d’alerte» pour l’Ofnac
La mission qu’une équipe du Fmi, a effectuée du 6 au 19 juin 2024, pour une revue du programme en cours avec le Sénégal (2023-2026), s’est conclue par un coup de tonnerre. Edward Gemayel, chef de mission, a révélé, au cours d’une conférence de presse à Dakar, que «le Sénégal traverse une période de surfinancement. Le pays a emprunté plus que nécessaire, conduisant à une liquidité excédentaire». Il souligne que le gouvernement dispose actuellement de plus de liquidités que nécessaire. «Ce surplus de financement résulte principalement de l’émission d’euro-obligations (eurobonds) des 3 et 4 juin 2024.» Ce qui est fait est fait, et le Fmi semble donc se résigner à «discuter avec le gouvernement de l’utilisation de ce surfinancement pour effectuer des opérations de gestion du passif». M. Gemayel ajoute, non sans saveur : «C’est-à-dire racheter des dettes à court terme plus coûteuses avec cette liquidité à plus long terme et moins coûteuse.» Seulement, on remarquera que le taux de 7,75%, déjà souscrit par le Sénégal, ne saurait être moins coûteux que les dettes à racheter ! De toute façon, le principe préconisé par le Fmi pourrait apparaître simple et Mesmin KouletVickot, représentant-résident du Fmi à Dakar, nous l’explique de manière didactique : «Le Sénégal a emprunté plus que nécessaire pour ses besoins actuels, créant ainsi des fonds excédentaires disponibles. La gestion du passif implique de réduire les coûts de la dette et d’améliorer la stabilité financière à long terme. Les fonds excédentaires, ayant des taux d’intérêt plus bas et des échéances plus longues, permettraient de rembourser des dettes plus coûteuses à court terme et de bénéficier de coûts d’emprunt plus bas sur une période plus longue. Cette stratégie permettrait d’optimiser la structure de la dette, de réduire le surfinancement et de renforcer la soutenabilité de la dette.» Question à Mesmin KouletVickot : en langage plus clair, le Sénégal avait-il un besoin vital de faire ce nouvel emprunt ? Réponse plus ou moins embarrassée : «Véritablement pas.» Pourquoi le Fmi, conseiller du gouvernement, a-t-il pu alors laisser faire ? Le représentant résident à Dakar consent à lâcher : «Non, le Fmi n’était pas informé en amont de cette opération.»
Le fait que cette opération ait été réalisée dans le dos du Fmi est de nature cavalière et rajoute à la suspicion. Pourquoi diantre se cacher du Fmi et mettre l’institution financière devant le fait accompli, alors que la transparence dans ces opérations à gros sous doit être totale, pour éviter, à tout le moins, tout soupçon de prise illégale d’intérêts ou de versement de rétro-commissions ? Est-ce de la simple malice que, dans son communiqué numéro 24/226 du 19 juin 2024, le Fmi se félicite du renforcement des pouvoirs et des moyens d’action de l’Office national de lutte contre la corruption (Ofnac) et de la protection des «lanceurs d’alerte» ? Doit-on redouter que cette affaire ne finisse par gêner les relations du Sénégal avec ses partenaires ? Le gouvernement ne semble pas être très à l’aise avec ce dossier. La communication, à l’issue des conseils de ministres du 5 juin 2024 et du 12 juin 2024, donc postérieurement à l’opération de levée de fonds, continue étonnamment de faire l’impasse sur ces fonds. Y’aurait-il anguille sous roche pour que le ministre Diba, dans sa communication du 12 juin 2024 devant le Conseil des ministres, n’ait évoqué, à en croire le communiqué publié par le porte-parole du gouvernement, que le prochain débat d’orientation budgétaire à l’Assemblée nationale ? Cette omerta est de nature à accabler un gouvernement dont la transparence reste le crédo principal clamé. D’ailleurs, le public serait-il jamais informé de cette opération, menée en catimini, si Bloomberg n’avait pas vendu la mèche ? Par exemple, le gouvernement Sonko a levé près de 150 milliards de francs Cfa sur le marché financier de l’Union monétaire ouest-africaine (Umoa), en bons et obligations assimilables du Trésor ; à savoir respectivement 28 milliards le 3 mai 2024, 68 milliards le 31 mai 2024 et 50 milliards le 6 juin 2024. Seul le petit monde de la finance a été informé de ces opérations ; nonobstant d’éventuels prêts directs souscrits avec des banques de la place. Dans une autre époque, les services du Trésor public sortaient systématiquement des communiqués pour en rendre compte.
Le risque de se fâcher avec les marchés financiers formels
Le programme signé entre le Fmi et le Sénégal prévoit un décaissement, en juillet 2024, de 230 milliards de francs Cfa sous forme de prêt concessionnel. Mais on peut s’inquiéter pour un tel décaissement. En effet, il peut apparaître quelque peu incohérent pour l’institution financière de continuer à prêter à un pays dont il a fini de relever, à la face du monde, qu’il se trouve dans la merveilleuse et enviable situation de «surfinancement». Peut-être aussi que le Fmi pourrait faire appliquer son vœu ou préconisation, qui jusqu’ici paraîtrait comme une simple clause de style diplomatique, d’utiliser les ressources empruntées pour racheter des dettes plus chères et à maturité immédiate. Les prêts concessionnels sont en effet à des taux d’intérêts quasiment nuls. Il demeure que le Sénégal aura grand intérêt à éviter de froisser le Fmi car, sans son accompagnement, le pays ne pourra plus recourir aux marchés internationaux formels ou réguliers, et s’exposerait, pour le financement de son budget, à des fonds spéculatifs ou «fonds vautours». En dépit de tous ces fonds déjà empruntés, le gouvernement garde encore un gros reliquat dans l’autorisation parlementaire d’endettement contenue dans la Loi de finances initiale 2024.
Une manne à la Bceao ou une vulgaire fiction comptable
Le commun des Sénégalais constate des difficultés ou des tensions de trésorerie au niveau des administrations publiques. Des projets et programmes sont à l’arrêt faute de financements et de nombreuses entreprises attendent des paiements échus. La fête de la Tabaski a été l’occasion de constater des problèmes de trésorerie, alors qu’on nous dit que le Sénégal disposerait d’une position à la Banque centrale qui devait excéder un solde créditeur de 1000 milliards de francs Cfa dont près de 800 milliards encaissés le 11 avril 2024 (324 milliards) et après le 5 juin 2024 (450 milliards). On veut bien croire que cet argent est réellement disponible, car le Fmi assure qu’il «ne spécule pas». Sa mission n’a certes pas visité la Bceao et s’est suffi des assurances du gouvernement. En tout cas, tout mensonge à ce niveau pourrait avoir des conséquences fatales. Une pareille ambiguïté, pour ne pas dire nébuleuse, doit interpeller au premier chef les députés qui attendent, dans les prochains jours, le Premier ministre Ousmane Sonko pour une Déclaration de politique générale. Le ministre des Finances et du budget est aussi attendu pour l’examen d’une Loi de finances rectificative et un débat d’orientation budgétaire. La majorité parlementaire Benno bokk yaakaar (Bby) doit se sentir bien concernée, elle qui observe des attaques en règle de la part des tenants du nouveau régime qui se défaussent systématiquement sur leur gestion. A l’opposé, le Fmi constate que le pays reste liquide. Qu’est-ce qui cloche ? Comment avoir des difficultés pour fonctionner alors qu’on aurait autant d’argent dans les livres de la Bceao ? Il reste qu’on relèvera quand même que la signature du Sénégal n’est pas si chahutée ou abimée qu’on a voulu le faire croire, si le régime de Bassirou Diomaye Faye a pu lever, en un claquement de doigts, sur une courte période d’un mois, plus de 600 milliards de francs Cfa sur les marchés ! Rares sont les pays africains qui peuvent se targuer d’une telle confiance des investisseurs. Les ratios d’endettement du secteur public, suite aux dernières actualisations, sont hissés à plus de 85% du Pib. Un niveau de pic que le Sénégal n’a jamais atteint auparavant. En décembre 2023, l’évaluation du Fmi portait la dette de l’administration centrale à 73,8% du Pib et la dette totale du secteur public à 81,2% du Pib. Tous les tabous sont tombés et cela place le Sénégal dans une «situation de pays à risque élevé de surendettement», avec ses conséquences sur sa viabilité économique et sociale !
VIDEO
ALIOUNE NDOYE SANS FILTRE
L'ancien ministre défend le bilan de l'ancien régime dont la coalition (BBY) a été plombée, selon lui, par des "egos surdimensionnés". Il qualifie la baisse des prix de "mesurettes" et appelle à une analyse objective du secteur de la pêche
Ce dimanche 23 juin, l'émission "Point de vue" de la RTS a accueilli Alioune Ndoye, ancien ministre et maire de Dakar-Plateau. Dans une interview franche et directe, le responsable socialiste n'a pas mâché ses mots, offrant un regard critique sur la situation politique actuelle du Sénégal.
Revenant sur la défaite de la coalition Benno Bokk Yakaar à la dernière présidentielle, Ndoye a appelé à l'introspection plutôt qu'à la recherche de boucs émissaires. "Il faut avoir l'humilité de voir ce que chacun n'a pas fait", a-t-il déclaré, pointant du doigt les ego surdimensionnés au sein de la coalition.
L'ancien ministre n'a pas épargné le nouveau gouvernement, qualifiant ses récentes mesures de baisse des prix de "mesurettes". Selon lui, ces actions révèlent que les nouvelles autorités sont "rattrapées par la réalité du pouvoir", loin des promesses mirobolantes de campagne.
Sur le plan financier, Ndoye a défendu avec vigueur le bilan de l'ancien régime, notamment concernant la gestion des fonds Covid-19. Il a invité le nouveau gouvernement à se concentrer sur la résolution des problèmes plutôt que sur la "politique politicenne".
Concernant le secteur de la pêche, qu'il connaît bien pour avoir été ministre de l'Économie maritime, Ndoye a contesté l'idée d'une mauvaise gestion généralisée. Tout en reconnaissant l'existence de problèmes comme la surexploitation, il a appelé à une analyse objective de la situation.
Enfin, Alioune Ndoye a souligné l'importance pour le Parti Socialiste de se réorganiser et de redevenir un chef de parti, tout en restant ouvert à d'éventuelles "retrouvailles" avec d'anciens membres.
par Edgard Gnansounou
IL EST TEMPS D’AGIR CONCERNANT LA QUESTION MONÉTAIRE EN AFRIQUE DE L’OUEST
EXCLUSIF SENEPLUS - Le Nigeria fait semblant d’être intéressé à l’unification monétaire et la tiédeur de l’engagement des autres Etats contribue à une farce qui n’a que trop duré. Pour une stratégie graduelle en quatre phases pour contourner les obstacles
Depuis plus de quatre décennies, la volonté de parvenir à une monnaie unique en Afrique de l’Ouest nourrit des débats souvent passionnés dans la région. Elle est portée principalement par deux motivations : stimuler les échanges commerciaux communautaires d’une part, parvenir à une souveraineté monétaire régionale d’autre part. Ces discussions sont amplifiées par le rejet de plus en plus vif du franc CFA utilisé par huit pays ouest-africains et hérité de la période coloniale.
La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avait lancé son projet de monnaie unique selon un processus qui comprenait deux étapes : (1) créer une deuxième zone monétaire, la zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest (ZMAO) avec les sept pays non membres de l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) ; la ZMAO devant parvenir à une unification monétaire de ces Etats en 2015, (2) unir ensuite les deux zones monétaires avec comme monnaie unique l’ECO en 2020. L’objectif de la ZMAO se révélant être inatteignable, la CEDEAO décida d’un processus direct d’unification monétaire des quinze Etats-membres.
Le 21 décembre 2019, les présidents Emmanuel Macron et Alassane Ouattara annonçaient, au nom de l’UEMOA, une réforme dont un des trois points majeurs était l’adoption de l’ECO en remplacement du franc CFA. Cette décision était censée entrer en vigueur en 2020. L’ECO de l’UEMOA resterait arrimé à l’Euro et la France s’engageait à maintenir la garantie de sa convertibilité.
L’annonce du 21 décembre 2019 est mal reçue par l’opinion en Afrique de l’Ouest. Elle est toujours légitimement ressentie comme une récupération par la France et ses partisans du projet de monnaie unique de la CEDEAO et son instrumentalisation pour perpétuer le franc CFA en se contentant de le débaptiser. En juin 2021, le lancement de l’ECO est reporté par la CEDEAO à 2027 pour tenir compte de la crise économique provoquée par la Covid-19 et de ses conséquences sur l’atteinte des critères de convergence, préalable à l’adoption de l’ECO. Ce nouveau report interroge cependant sur la volonté réelle des chefs d’Etat de parvenir à une monnaie unique régionale.
Enfin, au cours de la campagne présidentielle au Sénégal de mars 2024, le parti Pastef prône, dans son projet, la création d’une monnaie nationale. Cette position est ensuite corrigée par les leaders de ce parti qui la conditionnent à l’éventualité d’un échec du processus de création de l’Eco.
Le Pastef ayant gagné l’élection présidentielle, le Sénégal pourrait servir d’aiguillon au projet d’unification monétaire de la CEDEAO. Mais quelles sont les chances de succès de ce projet ? Quelle alternative pour sortir de l’impasse actuelle qui se manifeste par des reports à répétition ? Le Sénégal ne doit pas se faire d’illusions sur les chances d’aboutissement à moyen terme du projet de la CEDEAO dans sa mouture actuelle. Il devrait œuvrer, de manière volontariste, à une alternative graduelle plus réaliste qui s’appuie sur les acquis actuels malgré leurs insuffisances. La Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement prévue le 7 juillet 2024 pourrait fournir une opportunité pour commencer un travail diplomatique dans cette nouvelle voie.
L’impasse du projet Eco
L’échec de la ZMAO vient du fait que le Nigéria n’a pas montré un grand enthousiasme à mutualiser ses réserves de change avec celles plus faibles des six autres Etats de la zone monétaire, contrairement à la pratique dans l’UEMOA. En réalité, ceci montre une difficulté importante du processus du projet Eco. Le comportement du Nigeria résulte moins de l’égoïsme du pays le plus riche de la région que des différences de gestion des monnaies en présence.
En particulier, l’économie du Nigeria reste dépendante des exportations de pétrole brut qui, en 2022, représentaient 78,74% des exportations du pays. La conséquence monétaire de cette situation est que le naira est souvent dévalué quand les cours internationaux du pétrole baissent.
Par ailleurs, l’économie du Nigeria s’industrialise et se diversifie pour moins dépendre du pétrole. Elle a donc un grand besoin de ses réserves de change pour importer des biens d’équipement. Cette situation n’encourage pas leur mutualisation avec d’autres pays, même si ceci pourrait changer à long terme. On pourrait en effet, s’attendre à ce qu’un meilleur équilibre des réserves de change s’établisse à l’avenir entre le Nigeria et les autres pays de la région.
Il est cependant dommage que, pour des raisons qui tiennent au fonctionnement diplomatique de nos Etats, cette impasse ne soit pas officiellement reconnue par la CEDEAO. En réalité, le Nigeria fait semblant d’être intéressé à l’unification monétaire et la tiédeur de l’engagement des autres Etats dans le projet de monnaie unique contribue à installer une farce qui n’a que trop duré.
Ainsi, dans le contexte actuel, le projet Eco de la CEDEAO n’est pas viable du fait de l’asymétrie entre l’économie du Nigéria, exportatrice nette de pétrole brut et celle des autres économies de la région qui sont importatrices nettes. La baisse des cours de pétrole est favorable aux autres économies alors qu’elle est défavorable au Nigeria qui a tendance à dévaluer sa monnaie. La mise en place de l’Eco de la CEDEAO ferait subir le même sort à la nouvelle monnaie, étant donné le poids de l’économie nigériane dans la région.
Ce diagnostic n’implique cependant pas qu’il faille maintenir le statu quo avec les huit monnaies en place ou encore créer de nouvelles monnaies nationales. Ceci ne serait pas favorable à l’intégration économique de la région.
Une solution alternative
L’unification monétaire doit être pensée dans la perspective d’une industrialisation résiliente de l’Afrique de l’Ouest qui nécessite la création d’un espace économique plus fluide. L’expérience de monnaies régionales telles que l’Euro montre que la gouvernance de la monnaie est problématique en l’absence d’une mutualisation de la gouvernance politique.
Par exemple, la montée de l’extrême droite en France et en Allemagne, à l’occasion des élections européennes de 2024, et en particulier, la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le président français en réaction à cette droitisation politique, ouvre l’opportunité d’un gouvernement du Rassemblement National, à l’extrême droite de l’échiquier politique en France.
On assisterait alors à un clivage entre un gouvernement de gauche en Allemagne et d’extrême droite en France, deux des piliers de la zone Euro. Si elle s’avérait, cette situation affaiblirait l’Euro dans sa parité avec le dollar américain. Les conséquences seraient par exemple, le renchérissement en FCFA des dettes des Etats de l’UEMOA libellées en dollar et des dépenses liées aux produits importés en dollar.
On voit là, d’une part pour la zone Euro, la nécessité d’adosser la problématique monétaire sur une gouvernance politique fédérale et, d’autre part pour les pays de l’UEMOA, les implications possibles de l’absence de souveraineté monétaire.
Dans le contexte de l’Afrique de l’Ouest, nous avons proposé une intégration économique et politique selon un processus devant conduire à la création en trois étapes d’une confédération à l’horizon 2045. En conformité avec cette vision, l’unification monétaire pourrait aboutir selon une feuille de route en quatre étapes.
Etape 1 - Remplacer immédiatement (en 2025 par exemple) le FCFA par l’Eco ; renoncer, par dignité, à la garantie par le trésor français de la convertibilité de l’ECO ; traiter directement avec la banque centrale européenne la coordination des politiques monétaires entre les zones Euro et Eco ; considérer la nouvelle devise comme monnaie commune (et non unique) de l’Afrique de l’Ouest ; à cette première étape, l’Eco pourrait rester arrimé à l’Euro avec la même parité que celle du franc CFA ; les conditions de cette étape ont été partiellement réunies par la décision certes contestable de l’UEMOA du 21 décembre 2009 qui a déjà été ratifiée par certains Etats de l’UEMOA ; mais il faudra en plus, par dignité, se passer de la garantie de convertibilité apportée par la France et rendre l’Eco totalement indépendant de ce pays ; assurer le maintien des Etats de l’AES dans l’UEMOA et soutenir leurs efforts militaires en vue de recouvrer l’entièreté de leur souveraineté nationale et obtenir, dans ces conditions, une gouvernance économique de ces pays compatible avec les critères de convergence ; consolider les politiques économiques des autres Etats de l’UEMOA.
Etape 2 - Mettre en œuvre ou consolider les réformes économiques au Ghana, en Gambie, au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée pour parvenir à une convergence macroéconomique avec les pays actuellement membres de l’UEMOA, à l’horizon 2030. Au fur et à mesure, les pays qui auront atteint les objectifs de convergence de manière stable seront accueillis dans l’UEMOA rénovée c’est-à-dire débarrassée de l’influence française. L’Éco serait alors la monnaie unique de l’UEMOA rénovée. Etant donné les effets cycliques de l’environnement international sur les économies africaines, la convergence doit être entendue en termes d’harmonisation de la gouvernance économique et politique et non de la convergence quantitative à court terme d’indicateurs macroéconomiques aux comportements erratiques.
Etape 3 – L’Eco serait reformé pour l’arrimer désormais à un panier de devises incluant l’Euro, le YUAN et le Dollar américain (échéance 2035) selon un régime flottant. Ceci se ferait concomitamment à une amélioration continue de la gouvernance de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) de manière à assurer la crédibilité de l’Eco après le changement de son régime. A cette échéance, il est attendu que les quatorze Etats de la CEDEAO autres que le Nigéria soient membres de l’UEMOA rénovée. Il y aurait désormais deux devises en Afrique de l’Ouest : le NAIRA et l’Eco à la place des huit monnaies actuelles.
Etape 4 - L’UEMOA rénovée serait transformée politiquement en Fédération Sahélo-Guinéenne à l’horizon 2040. La BCEAO deviendrait la banque centrale de la Fédération Sahélo-Guinéenne.
Il est temps d’agir
Le report incessant de la monnaie unique de l’Afrique de l’Ouest est un symptôme de l’impossibilité de ce projet dans sa mouture actuelle. La stratégie que nous proposons est graduelle et réaliste. Elle permet d’éviter les perturbations économiques que produirait inévitablement une unification totale et rapide et réduirait, dans la période transitoire, des souffrances inutiles qui seraient infligées aux populations démunies.
La volonté de réduire le nombre de monnaies nationales en cours dans la région répond à la nécessité d’un accroissement des échanges économiques régionaux et à celle du développement industriel en Afrique de l’Ouest.
Les perspectives économiques des Etats de la région avec la mise en exploitation de ressources minières telles que les hydrocarbures au Sénégal et au Niger par exemple, favoriseront un accroissement des entrées de devises étrangères du fait d’un accroissement des exportations. Cette perspective doit être mise en balance par les sorties plus importantes de devises en vue d’importer des biens technologiques requis pour l’industrialisation.
La tentation de cultiver les nationalismes hérités des temps coloniaux risque d’être forte particulièrement dans les Etats ouest-africains riches en matières premières. Certains milieux inciteront à la création de monnaies nationales. Il s’agit, en particulier, de milieux favorables à l’émiettement de l’Afrique (diviser pour mieux régner) et d’autres qui empoignent, sans lucidité, le souverainisme et le prétendu patriotisme prônés par la droite radicale dans les pays occidentaux.
Les Etats ouest-africains ainsi visés pour leur dotation en ressources minières, devront résister aux tentations narcissiques de marche solitaire car il est de leurs intérêts et de ceux de tous les peuples de l’Afrique de l’Ouest de créer un espace monétaire robuste. Seuls un tel espace et une gouvernance monétaire rigoureuse et vertueuse seront en mesure d’assurer un environnement stable pour un développement économique soutenu et continu de l’ensemble de la région.
Edgard Gnansounou est président du Mouvement des Fédéralistes Sahélo-Guinéens (MFSG).
LA DIPLOMATIE DU RÉALISME
La visite de Diomaye à Paris tranche avec "la mode, aujourd'hui, d'être sur le ring avec tous ceux que l'on n'aime pas ou que l'on déteste", estime Jean-Baptiste Placca. Selon lui, "les États peuvent faire affaire sans s'aimer d'amour fou !"
(SenePlus) - Dans un monde interconnecté où "aucun peuple ne se suffit à lui-même", comme le souligne Jean-Baptiste Placca dans son éditorial sur RFI samedi, la visite à Paris cette semaine du nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye marque une étape importante pour les relations apaisées et mutuellement bénéfiques entre le Sénégal et l'un de ses partenaires traditionnels.
Lors de ce déplacement, sa première sortie hors d'Afrique depuis son élection, M. Faye a participé au Forum mondial pour l'innovation et la souveraineté vaccinales, un sujet crucial pour son pays et le continent. Mais c'est sa rencontre avec le président français Emmanuel Macron qui a retenu l'attention.
"N'est-ce pas plutôt surprenant ?" s'interrogeait M. Placca, faisant référence aux "petites inimitiés passées" entre les deux hommes lorsque Diomaye Faye était dans l'opposition. Pourtant, rien d'étonnant selon l'éditorialiste à ce que le nouveau chef d'Etat, "élu par son peuple" et non un imposteur, choisisse d'assumer pleinement son rôle en côtoyant ses pairs sur la scène internationale.
"Toute l'Afrique aime contempler les premiers pas, sur la scène internationale, de ces dirigeants auréolés d'une réelle légitimité du suffrage universel", écrit M. Placca, cité ici mot pour mot.
La visite de Diomaye Faye à Paris tranche en effet avec "la mode, aujourd'hui, d'être sur le ring avec tous ceux que l'on n'aime pas ou que l'on déteste", comme le déplore l'éditorialiste. Une posture contre-productive qui transforme "peu à peu certains peuples du continent en parias".
Faut-il pour autant y voir un "ralliement" ou une "capitulation" du Sénégal ? Nullement selon Jean-Baptiste Placca : "Les États peuvent faire affaire sans s'aimer d'amour fou !" Il prend l'exemple des relations économiques complexes mais pragmatiques entre la Chine et les États-Unis, deux puissances aux prises avec de "permanentes tensions".
"Tant de peuples prospèrent, aujourd'hui, en n'ayant que des amis, quitte à doser leur proximité avec tel ou tel, au gré des circonstances", argumente l'éditorialiste. Une voie de la raison et de l'ouverture que semblent emprunter Diomaye Faye et son homologue Ousmane Sonko, eux qui "viennent du corps de l'État" et "savent tout du déséquilibre, depuis des lustres, de la balance des paiements du Sénégal".
Même si "une frange de leurs militants" pourrait s'étonner de cette "soudaine" conciliation, le président sénégalais, à la différence de l'opposant qu'il était, "se doit de garder, en toutes circonstances, le sens de la mesure, l'esprit de responsabilité". Le communiqué conjoint publié à l'issue de sa rencontre avec Emmanuel Macron "montre que leur président a été traité avec respect, et que l'avenir de la relation se concevra dans un respect mutuel".
Plutôt que les "tensions permanentes" dommageable, M. Placca voit dans ce rapprochement l'opportunité pour le Sénégal de "tirer de nouveaux avantages" de ce partenariat historique, à l'heure où le pays s'ouvre à la "manne pétrolière et gazière". Une diplomatie pragmatique, dans la lignée de ces "peuples [qui] prospèrent" aujourd'hui grâce à des liens apaisés avec leurs partenaires, et non en cédant aux "aventureuses carences de lucidité" qui mèneraient à l'isolement.
LA VALSE INFERNALE DES SAISIES DE COCAÏNE
Le Sénégal n'est plus seulement une plaque tournante du transit de la drogue vers l'Europe, mais voit aussi la consommation locale exploser. Un phénomène inquiétant, révélateur des nouvelles routes empruntées par les narcotrafiquants
(SenePlus) - Au Sénégal, les saisies de cocaïne se multiplient à un rythme effréné ces dernières semaines, révélant l'ampleur du trafic qui transite par ce pays d'Afrique de l'Ouest, rapporte La Croix Afrique. En moins d'une semaine, trois cargaisons représentant des centaines de kilos ont été récupérées par les autorités sénégalaises.
Ce phénomène n'est pas nouveau, mais prend une ampleur inédite. "Les saisies de cocaïne ont explosé ces dernières années au Sénégal. Alors qu'elles étaient quasi nulles entre 2016 et 2019, elles ont augmenté à partir de 2020 avec 120 kg saisis, puis à nouveau en 2021 avec 2 706 kg", indique la base de données de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).
Face à l'intensification des contrôles sur les routes maritimes traditionnelles reliant l'Amérique latine à l'Europe, les trafiquants se tournent de plus en plus vers l'Afrique de l'Ouest comme zone de transit. Comme l'explique La Croix Afrique, "Ils passent notamment par des groupes criminels brésiliens, qui acheminent la drogue vers l'Afrique de l'Ouest. Elle est ensuite récupérée par des organisations criminelles africaines, qui s'occupent de la livrer à la 'Ndrangheta, la mafia calabraise."
L'essor de ce trafic s'explique par plusieurs facteurs selon l'ONUDC : "L'expansion de la culture de la coca, et des progrès dans les méthodes de transformation ont entraîné une augmentation de la consommation mondiale au cours de la dernière décennie." Un marché de la cocaïne en plein boom que note aussi l'Observatoire français des drogues dans un rapport de mars 2023.
Des chiffres éloquents illustrent cette hausse fulgurante de la consommation. L'ONUDC estime qu'en Europe, 0,5% des 15-64 ans consommaient de la cocaïne en 2000, contre 1% en 2020. Sur la même période, le nombre de consommateurs mondiaux est passé de 13,4 à 21,5 millions.
Pour répondre à cette demande croissante, la diversification des routes d'acheminement devient "un enjeu important pour les trafiquants" analysent les experts onusiens. Le rapport mondial sur les drogues 2023 de l'ONUDC décrit ainsi les nouveaux circuits :
"La cocaïne atteint les deux zones d'arrivée : celle de la côte ouest de l'Afrique et le golfe de Guinée. Ensuite, une partie de la cocaïne poursuit sa route vers le nord, le long des côtes de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique du Nord. Une autre partie est envoyée par voie terrestre sur la côte méditerranéenne, via le Sahel, et de là probablement vers l'Europe ou peut-être le Moyen-Orient."
Si le Sénégal constitue une plaque tournante, la consommation locale n'est pas en reste. "Il y a quelques années, seulement 5% à 8% de cette drogue entrant au Sénégal restaient dans le pays. Ce taux se situait entre 10% et 17% en 2022", révèle à La Croix Afrique Amado Philip d'Andrés, responsable de l'ONUDC à Dakar.
Le rapport 2023 de l'ONUDC sur la cocaïne souligne qu'au Sénégal, "des mules seraient utilisées pour importer de petites quantités par voie terrestre pour le marché local, afin de conditionner ou transformer la cocaïne en crack, revendu à une clientèle majoritairement urbaine". Une tendance qui gagnerait désormais l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest et australe.
Face à cette menace multiforme, les défis sécuritaires et sanitaires à relever sont de taille pour les autorités sénégalaises et la communauté internationale.
PAR Patrick Chamoiseau
POUR FAIRE FRONT POÉTIQUE
Il ne s'agit pas d'opposer une contre-économie au tout-économique capitaliste, de la colère à l'arrogance fasciste ou de la véhémence apeurée à sa haine. Il s'agit de se mettre poétiquement du côté de la vie
En cette angoisse où l'extrême droite se rapproche du pouvoir, il est utile que toute conscience progressiste ajoute à l'idée du Faire Front populaire celle d'un Faire Front poétique. La Gauche française, en quête de ferveur unitaire, invoque un passé glorieux : le Front Populaire (1936), et, en filigrane, l'esprit du Conseil National de la Résistance (1943). Ce dernier a su combiner diverses forces politiques pour jeter les bases très humaines d'un État-providence. Le Front Populaire a, quant à lui, imaginé d'inouïes audaces sociales : congés payés, réduction du temps de travail, droits syndicaux...
Ces moments rappellent aux Français que l'intelligence collective transversale peut sublimer un désastre par des élévations humaines. Cependant, notre monde a changé. Les défis actuels exigent de cultiver sinon la nostalgie, du moins le sel de ces périodes : l'effervescence d'une créativité.
La réponse économique
La Gauche française semble répondre à la montée de l'extrême droite en s'entourant d'économistes. L'économie demeure pour elle solaire. La domination capitaliste (avec son dogme du profit économique maximal) est à l'origine des précarités structurelles, pauvretés et misères, qui nourrissent l'anxiété populaire. Il est urgent d'y répondre par des mesures telles que l'augmentation immédiate du SMIC, la taxation des superprofits, le retour des services publics, l'annulation de la loi sur la retraite... toutes provendes capables d'oxygéner une justice sociale. Cependant, organiser la lutte de fond contre l'extrême droite autour de cette seule dimension matérielle serait une folie. Le néo-libéralisme et l'extrême droite peuvent eux aussi faire preuve de compassion sociale stratégique.
Le capitalisme protéiforme a réduit l'humain à son pouvoir d'achat. Partis, syndicats, comités, médias libres, instances de médiations ou de service public, ont été dégradés. La chaîne d'autorité vertueuse qui animait les vieux tissus sociaux (depuis les institutions jusqu'au cadre familial) s'est vue invalidée sous les priorités du Marché. Le travail, autrefois source d'accomplissement individuel par un arc-en-ciel d'activités, a été réduit à un "emploi" monolithique, besogne maintenant précaire, dépourvue de signifiances, qui avale sans ouvrage les exaltations de la vie. Dès lors, cet affaiblissement de l'imaginaire (noué aux précarités existentielles) abîme les individuations en individualismes. Il entretient une peur constante de la déchéance sociale. Il cherche des boucs émissaires, et nourrit des réflexes du rejet de l'Autre, du repli sur soi, de crispations inamicales dessous les vents du globe, avec des hystéries racistes, sexistes, antisémites ou islamophobes, habitant de grands désirs devenus tristes... A cela s'ajoute une raréfaction de la rencontre avec de puissantes stimulations culturelles qui ne relèveraient pas de la simple consommation. Ces involutions néo-libérales génèrent un obscurantisme diffus, sans rêves, sans combats, sans idéaux. Les prépotences moyenâgeuses, les trumpismes démocratiques et les boursouflures de l'extrême droite, y fleurissent. Ce maelstrom hallucinant ne saurait se conjurer sur le long terme par des mesures d'économistes, ni être minoré face aux immanences écologiques.
La nouvelle gauche
Edgar Morin a perçu la complexité de ce défi et appelle à une Gauche plus exaltante1 . Celle-ci embrasse les dimensions éco-sociales, mais enveloppe, de manière tout aussi intense, les aspirations culturelles, symboliques, spirituelles. Elle est laïque et déserte l'écueil du rationalisme, du technocratisme ou de l'économisme, pour une humanisation continue de l'Humain. Elle œuvre aux solidarités des "Nous" qui se rejoignent dans du commun, aux reliances mutualistes de la diversité acceptée, à l'écologie intégrale, à la justice sociale sans frontières, et à la quête de sens ontologique... Elle propose une métacivilisation, riche de toutes les civilisations, où la qualité de la vie prime les entassements consuméristes ; où l'épanouissement humain devient le cœur du Politique ; où la Terre s'exalte en "Patrie fragile et partagée" d'un tragique sublimé. Le capitalisme ne dispose que de valeurs sommaires. Il n'a rien à opposer à celles tout aussi sommaires de l'extrême droite. Cette Gauche nouvelle (post communautés, post colonialiste, post capitaliste, post hégémonie occidentale) disposerait, elle, d'une éthique complexe, vaste, permettant à chacun de s'accomplir dans l'en-commun d'un monde ouvert qui ne serait plus à craindre. Elle porterait bien mieux qu'un souffle. Une poétique de la Relation.
Le poétique humain
Depuis nos terres antillaises, encore échouées sous des vestiges coloniaux2 , nous entendons cet appel. Une telle Gauche ne saurait tolérer que des peuples-nations soient encore déresponsabilisés dans un sigle "Outremer". Le passé de nos pays, marqué par le génocide Kalinago, les plantations esclavagistes, la réification du vivant, nous offre l'archive glorieuse de nos ancêtres. Tombés de l'Afrique, tombés du monde, ils ont opposé à cette domination existentielle (aussi totale que celle du capitalisme d'aujourd'hui), le couperet sans concession du marronnage, mais ils l'ont soutenu par une effervescence poétique, créative et joyeuse... Dessous la mort symbolique de la négation, ils ont projeté l'enthousiasme du vivre, la danse, la musique, la joie, l'amitié, le manger, le boire, la parole individuelle et collective dans de longues veillées nocturnes et des rondes ingénieuses. Ils ont ainsi donné naissance à Césaire, à Fanon, à Glissant... et largement ouvert la voie aux esthétiques contemporaines.
Les plus créateurs d'entre eux auraient auréolé tous les moments de la démocratie d'une couronne poétique. Ils en auraient fait des lieux politiques vivants, où le Boléro de Ravel pourrait côtoyer le So What de Miles Davis ; où les glossolalies des slameurs viendraient se nouer aux lectures des poètes ; où les banquets républicains (appelés de nos vœux) rassembleraient toutes les humanités envisageables. Les moments de vote, les lieux de réunions, ne seraient plus des espaces sévères, mais l'occasion d'une fête multiculturelle sacralisante. Le temps du geste démocratique deviendrait (à l'instar de la Fête de la musique), un moment d'enthousiasme créateur. Car il ne s'agit pas d'opposer une contre-économie au tout-économique capitaliste, de la colère à l'arrogance fasciste ou de la véhémence apeurée à sa haine. Il s'agit de se mettre poétiquement du côté de la vie, dans un monde de culture et de Beauté que les fascistes ne peuvent même pas imaginer.
par Ndongo Samba Sylla et Jomo Kwame Sundaram
LA DETTE PUBLIQUE EST UN SYMPTÔME, PAS UNE CAUSE
L'endettement chronique de la plupart des pays en développement et les crises qui en découlent sont des manifestations de la nature inégalitaire et injuste du système économique et financier international
Ndongo Samba Sylla et Jomo Kwame Sundaram |
Publication 22/06/2024
Les gouvernements des pays en développement sont accusés d'avoir trop emprunté et de manière irresponsable. Le stress de la dette qui en résulte a bloqué les investissements et la croissance dans cet ordre économique mondial inégal et injuste.
La monnaie comme dette
Les mythes sur la dette publique sont légion. Les plus pernicieux considèrent les gouvernements comme des ménages. Par conséquent, un gouvernement "responsable" doit essayer de dégager un excédent comme un chef de famille exemplaire ou d'équilibrer son budget.
Cette analogie est simpliste, infondée et trompeuse. Elle ne tient pas compte du fait que les gouvernements et les ménages ne sont pas des entités monétaires équivalentes. Contrairement aux ménages, la plupart des gouvernements nationaux émettent leur monnaie.
Comme la monnaie est largement utilisée pour les transactions économiques, la dette et les engagements financiers des gouvernements influencent les revenus et l'accumulation de richesse des ménages et des entreprises.
Cette analogie ignore également les principes de la comptabilité en partie double, car les dépenses d'une entité sont les revenus d'une autre, les débits d'une entité sont les crédits d'une autre, et ainsi de suite. Le déficit public est égal à l'excédent du secteur non gouvernemental, qui comprend les ménages, les entreprises et le "reste du monde".
Ainsi, lorsqu'un budget public est déficitaire - les dépenses sont supérieures aux recettes - le gouvernement a créé une richesse financière nette pour le secteur non gouvernemental. Les déficits publics augmentent donc l'épargne privée et la masse monétaire.
Étant donné que seul le gouvernement émet la monnaie nationale, ses dépenses n'évincent pas celles du secteur privé, mais les complètent. La monnaie étant une dette émise par l'État, il ne resterait plus d'argent dans une économie si le gouvernement remboursait toute sa dette !
L'hystérie médiatique autour de la dette publique est donc injustifiée. Il convient plutôt de s'intéresser aux impacts macroéconomiques et distributifs des dépenses publiques. Par exemple, ces dépenses vont-elles générer de l'inflation ou avoir un impact négatif sur la balance des paiements ? Qui en bénéficiera ou qui y perdra ?
Inutile : le ratio dette/PIB
Un autre mythe très répandu soutient que la dette publique au-delà d'un certain niveau n'est pas soutenable ou qu'elle a un impact négatif sur la croissance économique. Des études soutenant ce point de vue ont été discréditées à de nombreuses reprises, y compris par des recherches menées au sein du FMI. Pourtant, le mythe persiste.
Imitant les critères de la zone euro, de nombreux gouvernements d'Afrique de l'Ouest ont fixé des objectifs de politique économique tels des déficits publics inférieurs à 3 % du PIB et des ratios dette/PIB inférieurs à 70 %.
Le ratio dette/PIB indique sans aucun doute les niveaux relatifs d'endettement. Mais, pour le reste, ce ratio n'a aucune utilité analytique. Après tout, la dette publique est un "stock", alors que le PIB ou la production est un "flux".
Supposons qu'un pays ait un revenu annuel de 100 dollars et une dette nulle. Supposons que son gouvernement émette une dette de 50 dollars sur 25 ans, avec des remboursements annuels de 2 dollars. Son ratio dette publique/PIB augmentera soudainement de 50 %.
Cela ne pose aucun problème car le PIB augmentera probablement grâce au regain d’investissements réalisés en même temps que le remboursement de la dette de 50 dollars. Avec un taux de croissance économique annuel de 3 % en moyenne, le PIB fera plus que doubler au cours de cette période.
De plus, la dette publique est toujours soutenable lorsqu'elle est émise et détenue en monnaie nationale et que la banque centrale contrôle les taux d'intérêt.
Avec un ratio dette/PIB de 254 %, le gouvernement japonais ne manquera jamais de moyens pour rembourser sa dette. Contrairement aux pays en développement qui s'endettent en devises à des taux qu'ils ne maîtrisent pas, il sera toujours solvable. Ainsi, le Pérou a fait défaut en 2022 avec un ratio dette/PIB de 33,9% !
Le "mur de Berlin" monétaire
Il existe donc une différence significative entre les gouvernements du Nord - principalement endettés dans leur propre monnaie - et ceux du Sud, dont la dette est au moins en partie libellée en devises étrangères.
Mais les gouvernements du Sud ne sont pas endettés en devises étrangères en raison d'une épargne insuffisante.
Ils peuvent toujours financer toute dépense nécessitant des ressources locales, y compris la main-d'œuvre, la terre, l'équipement, etc. Objectivement, aucun pays émetteur de monnaie ne peut manquer de "financement" pour ce qu'il a la capacité technique et matérielle de faire.
L'endettement chronique de la plupart des pays en développement et les crises qui en découlent sont donc des manifestations de la nature inégalitaire et injuste du système économique et financier international.
Les pays du Sud sont obligés d'accumuler des "devises fortes" - généralement des dollars - pour effectuer leurs transactions internationales. Ce "mur de Berlin" monétaire sépare deux types de pays en développement.
Premièrement, les pays exportateurs nets qui accumulent "assez" de dollars qu’ils investissent généralement dans des bons du Trésor américain à faible rendement, ce qui permet aux États-Unis d'importer des biens et des services de manière quasi gratuite.
Deuxièmement, ceux qui ne gagnent pas "assez" de devises fortes ont recours à la finance transnationale, ce qui accroît généralement leur endettement extérieur. La plupart d'entre eux finissent par se tourner vers le FMI pour obtenir une aide d'urgence, ce qui ne fait qu'aggraver leur situation.
Cependant, comme ils doivent faire face à des conditions prohibitives pour accéder au financement étranger d'urgence, il est difficile d'échapper aux pièges de la dette extérieure.
Paradoxalement, les pays du Sud qui enregistrent des déficits chroniques de dollars sont souvent riches en ressources naturelles. Les institutions de Bretton Woods exigent généralement une austérité budgétaire prolongée et une dénationalisation de l'économie, ce qui compromet les chances des pays en développement d'obtenir une juste rémunération de leurs ressources et de leur travail.
Les abus et la mauvaise gestion peuvent aggraver l'endettement des gouvernements du Sud en devises étrangères, mais ils doivent toujours être compris dans le contexte d'un ordre économique et financier mondial inégal.
Journalistes, sociologues et experts dressent un scénario noir en cas d'accession au pouvoir du RN, mettant en garde contre les menaces pour la démocratie et les plus vulnérables
Dans une émission spéciale aussi captivante qu'alarmante, Médiapart a réuni un panel d'experts pour décrypter les conséquences potentielles d'une arrivée au pouvoir du Rassemblement National (RN) en France. Journalistes, libraires, psychiatres, réalisateurs, sociologues et économistes ont uni leurs voix pour mettre en garde contre ce qu'ils considèrent comme une menace imminente pour la démocratie française.
À dix jours d'échéances électorales cruciales, l'émission a brossé un tableau sombre de ce que pourrait devenir la France sous un gouvernement d'extrême droite. Au cœur des débats : la remise en cause du droit du sol et l'instauration d'une "préférence nationale", deux mesures phares du programme du RN qui, selon les intervenants, menaceraient directement le tissu social du pays.
Les experts ont souligné les impacts potentiellement dévastateurs sur le plan économique et social, avec une attention particulière portée aux populations les plus vulnérables. La suppression de l'Aide Médicale d'État (AME) et la restriction des droits des femmes et des minorités ont été citées comme des exemples concrets des dangers qui guettent.
L'émission a également mis en lumière la stratégie médiatique du RN, pointant du doigt une couverture jugée trop complaisante par certains médias mainstream et l'utilisation habile des réseaux sociaux par le parti pour diffuser ses idées. Les intervenants ont appelé à la vigilance face à ce qu'ils considèrent comme une manipulation de l'opinion publique.
par Youssoupha Mbargane Guissé
L’AGENDA LGBT, UN CASUS BELLI
EXCLUSIF SENEPLUS - Nous sommes en face d’une entreprise de deshumanisation perfide caractérisée par un profond mépris culturel. Elle est une source grave de conflit majeur dans le monde. L’Occident a franchi la ligne rouge contre l’humanité
L’agenda LGBT a été élaboré sous l’instigation de lobbies maçonniques, de puissants groupes financiers organisés et de réseaux mafieux criminels influents dans tous les secteurs stratégiques, de l’économie, de la recherche et de la technologie, de la communication, de la géopolitique, de la sécurité, etc. Ces groupes ont réussi à prendre le contrôle de la direction historique du capitalisme libéral impérialiste dans ses différents centres d’initiatives et de décisions mondiales. Cette minorité dirigeante qui surexploite la planète au point de la menacer de destruction se présente désormais, selon Noam Chomsky (2020),[1]comme « les maitres de l’espèce ». L’agenda déroulé est une stratégie de réorganisation culturelle du monde dont l’objectif est d’assurer l’hégémonie politique de l’Occident sur les sociétés et nations non occidentales. Le but est de modifier la structure de base du fonctionnement de nos sociétés et d’atteindre leur intégrité en sapant les valeurs morales fondatrices des cultures et des traditions. A défaut de soumettre les peuples et nations du reste du monde par la guerre militaire, la stratégie de domination s’oriente plus activement vers la conquête subtile et dévastatrice des esprits[2] et des corps.
Une stratégie de dissolution par la décadence
La justification prend le prétexte de la défense des droits et de la protection d’une minorité de déviants pervers produits par les contre valeurs qui composent l’ADN du système : l’individualisme absolu, le Dieu argent et le principe de plaisir pervers. Un tel programme conduirait les Africains à une existence humaine dégradée, cause progressive de la décadence irréversible de leurs civilisations. En réalité, c’est un programme génocidaire des peuples au double plan de la dissolution de leur personnalité morale et de la modification de leur identité physique humaine. Nous sommes en face d’une entreprise de deshumanisation perfide caractérisée par un profond mépris culturel. Elle est une source grave de conflit majeur dans le monde, un casus belli, comme l’a souligné récemment avec vérité le président du Parti Pastef, Ousmane Sonko.
La stratégie LGBT s’est fixée deux cibles principales à détruire, les noyaux durs constitutifs de notre existence humaine et de nos identités culturelles : la famille et la spiritualité. Ces deux niveaux concernent l’une, notre organisation sociale vitale et l’autre, notre lien primordial avec le Divin. C’est dans ce cadre que l’éclatement du couple naturel et la dislocation de la famille sont visés. Face à cela, l’islam oppose une résistance radicale, les églises chrétiennes en Afrique manifestent leur opposition résolue. Quant aux religions traditionnelles africaines dont les cosmogonies célèbrent le couple naturel originel, la fécondité et le Vivant-sacré, elles constituent des remparts contre toute menace de dislocation d’origine contre-nature.
La stratégie de communication de masse
La stratégie déploie l’apologie du plaisir pervers à travers une communication massive et multiforme par les Media et réseaux sociaux, les nombreuses applications sur l’Internet et les multiples sites de rencontres. Toute cette infrastructure digitale anime les émotions et les phantasmes, influence de plus en plus la vie intime des populations, désormais soumises à une aliénation quotidienne d’une subtile agressivité. Cette idéologie libertaire et permissive devient dominante et garantit à l’individu le droit de bouleverser toutes les règles et lois considérées désormais comme des tabous, des obstacles à son plaisir personnel sans limites. C’est ainsi qu’une diffusion massive des images de pornographie, des agressions publicitaires par des réseaux de pédophilie et de tourisme sexuel, parasitent le quotidien des enfants, des jeunes et des adultes et dévastent ainsi les sociétés occidentales sous l’emprise de l’Etat capitaliste, le seul et tout puissant Maitre.
La croissance démographique africaine, une menace
L’Agenda LGBT est aussi une composante centrale dans la programmation stratégique de réduction à tout prix de la démographie des populations africaines. En effet sa rapide croissance fait peur, perçue à terme comme un facteur défavorable à l’hégémonie de l’Occident global. Alors sont mis en place plusieurs moyens pour contrer une telle perspective dont la dévirilisation et la féminisation du mâle, la déstabilisation de la famille, la perversion du couple naturel, la désorientation sexuelle et psychologique des enfants, l’annulation de l’autorité parentale, la corruption morale du système éducatif, la vaccination douteuse, etc.
Le projet d’une identité humaine hybride
La mondialisation capitaliste libérale produit une incertitude de position et une incertitude d’identification dans la mesure où par son extension à la planète entière, elle engendre selon Balandier (2000)[3] « une érosion des différences, des configurations d’altérité par lesquelles se manifeste la diversité des cultures et grâce auxquelles se forment les identités ». Dans cette logique la différence biologique de sexe ne serait pas naturelle, mais un tabou, une construction purement culturelle, un obstacle idéologique au champ infini du droit naturel au plaisir pervers. Le capitalisme à ce stade impérialiste a dégénéré en un système puissant d’aliénation, de détérioration de toutes les valeurs qui honorent la vie de l’être humain et fondent sa dignité de créature suprême. Jamais l’humanité n’a été aussi proche de sa négation.
L’animalisation de l’humain
Ayant déclaré Dieu mort et le sacré avec, le corps humain devient objet de manipulations génétiques, le corps de la femme est dénudé, l’homosexualité est sans entraves, le mariage gay et le phénomène transgenre établis, l’adultère admise et organisée, la pédophilie gagne en légitimité, la zoo-sexualité bientôt permise. Cette perversion de la sexualité humaine rabaissée au stade de l’animalité vise à disloquer la cellule familiale, base de la société humaine. L’homme est dévirilisé, féminisé et la femme est déconnectée du couple naturel et réduite à une simple marchandise dans un vaste marché sexuel impitoyable. On aboutit fatalement au stade final de la décadence, au phénomène transgenre qui est de changer de sexe, de statut humain, selon son bon vouloir. C’est comme si le capitalisme libéral fasciné par les possibilités technologiques extraordinaires de l’intelligence, considérait désormais et aveuglement le genre humain comme une masse virtuelle, une matière molle malléable dont on peut modifier à sa guise les catégories, changer les composantes, reconfigurer les positions, déplacer les mouvements pour en créer de nouvelles identités génétiques hybrides vivantes. Avec la fabrique du transgenre, tout indique que l’Occident a franchi la ligne rouge contre l’humanité entière.
La ligne rouge franchie
Tant que ce phénomène de l’homosexualité et d’autres similaires étaient vécus dans la discrétion intime et dans la marge par un petit nombre, les sociétés africaines les considéraient comme des formes pathologiques, objet de traitement traditionnel et de prise en charge au niveau familial. Le suivi à ce niveau pouvait donner des résultats de réintégration sociale. Cela était rendu possible d’autant que les familles et parents des concernés vivaient eux, en parfaite harmonie selon les règles de la communauté. Une certaine tolérance sociale existait donc au lieu du rejet systématique ou de châtiments infligés, car ce phénomène n’avait ni la dimension, ni la capacité de dissoudre la vie de la communauté et ses liens sacrés. Il n’était pas une menace de désagrégation pour elle. Donc le durcissement et le lever de bouclier qui s’opèrent aujourd’hui contre l’adoption de l’Agenda découle de son danger pour la survie des sociétés et des méthodes arrogantes et autoritaires de vouloir l’imposer, mais aussi de la révolte née du soupçon de l’implication de certains cercles dirigeants à sa promotion. Nous assistons alors à un choc des civilisations[4] auquel se greffent des conflits de classe internes dans les pays non occidentaux ou l’enjeu politique est la souveraineté culturelle et l’autonomie nationale.
Contre l’occidentalisation du monde
L’Occident conçoit son modèle de développement, son mode de vie et ses valeurs comme le miroir et la mesure du développement de l’humanité tout entière. Selon Maurice Godelier (1996 : 83),[5] l’Occident s’est attribué « le statut exclusif de producteur de l’universalité ». Toutes les sociétés humaines doivent impérativement se soumette à l’Occident, adopter ses valeurs capitalistes, sa démocratie bourgeoise, ses droits de libertés et ses tares également. C’est pourquoi l’impérialisme libéral occidental accorde à l’homosexualité un statut de valeur universelle et impose sa reconnaissance légale comme un critère majeur du progrès humain et de la civilisation. Cela au point que les rapports de partenariat financiers et commerciaux et les relations diplomatiques avec l’Occident doivent en dépendre. Or les sociétés africaines n’ont nullement de leçon à recevoir de l’Occident capitaliste libéral, s’agissant de tolérance et de respect des droits de l’individu et des minorités. Nos traditions communautaires humanistes ignorent par exemple le régime d’incarcération de la personne humaine, la cruauté et les violences destructrices qui sont la face sombre de l’histoire du capitalisme impérialiste occidental de sa genèse à nos jours.
La question de l’homosexualité révèle sa véritable dimension politique dès lors que l’objectif stratégique de l’Occident impérialiste est l’implosion programmée de nos sociétés. En réalité, l’Agenda LGBT n’est plus simplement cause de guerre, mais est déjà la guerre sur le terrain. Mais il se heurte frontalement à des résistances culturelles souveraines radicales, frontales et sans concession qui vont s’amplifier et certainement peser sur l’issue des luttes politiques à l’échelle mondiale.
Sur le toit du monde
La sauvegarde de l’intégrité de l’humanité, des cultures des peuples et de l’écologie de notre planète, est devenue par conséquent l’enjeu existentiel et civilisationnel de notre temps. C’est pourquoi les Africains du continent et de la Diaspora, à l’instar des autres peuples et nations, doivent, face à la menace d’une occidentalisation permissive du monde,[6]gagner leur souveraineté politique unitaire, sécuriser leur développement autonome et affirmer leur personnalité culturelle. Les politiques publiques doivent préserver la stabilité de la famille et s’appuyer sur nos valeurs d’éducation et de sagesse et sur nos belles traditions de vie commune. Ainsi seulement l’Afrique achèvera la construction féconde de sa propre modernité et rayonnera à nouveau sur le toit du monde.
[1] Noam Chomsky. (2020). La lutte ou la chute. Pourquoi il faut se révolter contre les maitres de l’espèce. Entretiens avec Emran Feroz. Lux Éditeur.
[2] Voir Yves Eudes (1982).La conquête des esprits. L’appareil d’exportation culturelle américain. Paris, éditions François Maspero.
[3] Georges Balandier. (2000). Le grand système. Paris, éditions Fayard.
[4] Samuel. P. Huntington (1996). Le choc des civilisations. Editions Odile Jacob
[5] Maurice Godelier (1996). Anthropologie sociale et histoire locale, in Graphita, revue d’histoire et d’archive de l’anthropologie, n°20, n° 20, p 83.
[6] Serge Latouche (2005). L’occidentalisation du monde. Paris, Editions La Découverte.