SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
24 novembre 2024
International
LE TANGO DÉLICAT DE DIOMAYE AVEC MACRON
La méfiance réciproque devra céder le pas à "l'apprivoisement mutuel" lors du déjeuner entre le président et son homologue français. Sous les airs de la décontraction, les indiscrétions recueillies par Le Monde trahissent les attentes de part et d'autre
(SenePlus) - Pour sa première visite hors d'Afrique depuis son élection en mars, le nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a choisi Paris. Un déplacement certes qualifié de "non officiel", mais hautement symbolique selon les indiscrétions recueillies par Le Monde.
"Il ne s'agit pas d'une visite officielle, mais d'un déjeuner pour faire connaissance", tempère l'entourage de M. Faye, soucieux d'éviter les accusations de "vassalité" envers l'ancienne puissance coloniale. Une précaution d'autant plus nécessaire que les relations entre le parti au pouvoir, le Pastef, et la France sont historiquement empreintes de méfiance.
Depuis 2014, cette formation panafricaniste a fait du "rejet de la présence française au Sénégal et du franc CFA" un marqueur de son programme, le qualifiant d'"instrument néocolonial". Si le ton s'est adouci après la victoire de Faye, les coups de griffe persistent, comme lorsque le Premier ministre Ousmane Sonko a directement attaqué la politique africaine d'Emmanuel Macron devant Jean-Luc Mélenchon.
"Nous y avons presque cru lorsque le président Macron déclinait la nouvelle doctrine africaine de l'Elysée, [le] refus de tout soutien politique à des régimes autoritaires et corrompus. Ce n'est pas ce qui s'est passé au Sénégal", a-t-il lancé, selon Le Monde.
Apprivoisement en cours
Malgré ces accrocs, l'heure semble désormais à "l'apprivoisement mutuel". "On parlait de défiance de notre part et pourtant nous réservons notre premier voyage hors d'Afrique à la France", souligne un proche conseiller du président Faye, cité par Le Monde. "Cela montre notre volonté de raffermir les liens avec ce pays qui demeure un partenaire privilégié."
Du côté français aussi, on veut croire que "si l'on réussit, on va tuer l'activisme panafricaniste mortifère", espère un fonctionnaire des Affaires étrangères dans une allusion à la militante Nathalie Yamb.
Ce "déjeuner opportun" doit ainsi permettre aux deux présidents d'"apprendre à se découvrir". Pour l'Elysée, l'enjeu sera d'être "à l'écoute" afin de "redéfinir" la relation bilatérale, notamment sur les questions migratoires, la formation des jeunes ou les visas.
"Notre objectif est de nous assurer que notre aide au développement corresponde aux priorités des nouvelles autorités sénégalaises", indique la présidence française au Monde.
Stabilité régionale et mémoire
Auprès du journal, on évoque aussi l'espoir sénégalais de "renforcer la stature internationale" de Bassirou Diomaye Faye, devenu un médiateur écouté dans les crises au Sahel. "La France gagnerait à appuyer ses efforts", plaide un diplomate africain.
L'avenir de la présence militaire française à Dakar, avec ses 320 soldats, pourrait aussi être discuté. Tout comme la "reconfiguration" voulue par Paris, dans une volonté de "coconstruire" une décision.
Dernière épine sensible : la question mémorielle. Certains à Dakar espèrent que Macron, qui en a fait un "levier diplomatique", abordera le massacre de Thiaroye en 1944. L'association des tirailleurs sénégalais a transmis des propositions à l'Elysée, comme la panthéonisation d'un ancien tirailleur ou des "excuses" du président français.
Un sommet de la Francophonie à l'automne permettrait une visite officielle de Macron à Dakar. Mais dans quel contexte politique ? Le chemin vers l'apaisement des tensions postcoloniales s'annonce encore long pour les deux présidents.
Par Texte Collectif
TEMPS D’ALERTE
Le Sénégal ne dispose pas de centres d’accueil pour les demandeurs d’asile les plus vulnérables, tels que les femmes enceintes, les enfants non accompagnés et les personnes âgées
Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR), 117,3 millions de personnes ont été déplacées de force dans le monde à la fin de 2023, en raison de persécutions, de conflits, de violences ou de violations des droits humains. Parmi elles, 75,9 millions sont des déplacés internes. De plus, les projections actuelles estiment que le nombre de personnes déplacées à cause du changement climatique pourrait atteindre entre 100 millions et 1 milliard d’ici 2050.
En 2023, le Sénégal a accueilli près de 15 000 réfugiés et plus d’un millier de demandeurs d’asile de diverses nationalités, attirés par la relative stabilité politique du pays.
Malgré les efforts des autorités sénégalaises, les demandeurs d’asile font face à des difficultés, notamment pour ce qui concerne la procédure de détermination du statut de réfugié et la reconnaissance des documents par certaines institutions privées.
Pour rappel, est considéré comme réfugié toute personne qui, craignant, avec raison, d’être persécutée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou ne veut se réclamer de la protection de ce pays (Convention de Genève de 1951 et son Protocole additionnel de 1967).
Le Sénégal, signataire de cette convention ainsi que celle de la Convention de l’UA de 1969, a créé la Commission Nationale d’Éligibilité au statut de réfugié par décret n°68-27 du 24 juillet 1968, modifié par la loi n°75- 109 du 20 décembre 1975.
La nécessité de trouver des solutions
Le système d’asile sénégalais présente des lacunes majeures, particulièrement en ce qui concerne la procédure de détermination du statut de réfugié. Les lacunes administratives et procédurales empêchent ceux qui ont besoin de protection d’en bénéficier pleinement. La Commission Nationale d’Éligibilité est souvent très lente, obligeant certains demandeurs d’asile à attendre près de trois ans pour une décision, aggravant ainsi leur situation. ADHA, MET et MIAMSI-SÉNÉGAL saluent les efforts déjà consentis par les autorités sénégalaises, mais reconnaissent que des défis subsistent. À ce titre, une législation fixant un délai pour le traitement des demandes d’asile serait cruciale. Actuellement, le taux d’octroi du statut de réfugié est très bas et les demandeurs d’asile n’ont souvent pas accès à l’aide humanitaire jusqu’à la reconnaissance de leur statut. De plus, le Sénégal ne dispose pas de centres d’accueil pour les demandeurs d’asile les plus vulnérables, tels que les femmes enceintes, les enfants non accompagnés et les personnes âgées.
En outre, le système d’asile sénégalais ne prévoit pas d’instance de deuxième degré permettant aux réfugiés qui le souhaitent de faire appel. Les membres de la Commission étudient les demandes d’asile en première instance et les recours, laissant les demandeurs d’asile sans assistance pendant toute la période d’attente. Pour mieux prendre en charge les réfugiés, certains pays ont mis en œuvre des mesures concrètes. Par exemple, le Togo a créé une commission de recours en 2016, offrant ainsi une seconde chance aux demandeurs d’asile en cas de rejet en première instance.
De nombreux réfugiés rencontrent des difficultés pour obtenir une carte d’identité de réfugié et un titre de voyage. Des documents qui ne sont pas souvent reconnus par certains établissements publics et privés. Une législation clarifiant les procédures d’obtention de ces documents serait une première étape importante, accompagnée de campagnes de sensibilisation pour que tous les fonctionnaires concernés reconnaissent ces documents. Autre écueil, l’impact socio-économique négatif de la pandémie et les mesures de prévention imposées dans la région qui ont commencé à générer des troubles sociaux. Au Sénégal, des milliers de jeunes ont quitté le pays pour fuir l’emprisonnement durant les répressions politiques. Certains ont pris des pirogues de fortune, risquant leur vie en mer, à l’image du célèbre détenu politique Papito KARA qui finira par rendre l’âme par la suite. Les risques et défis spécifiques de protection pour les populations déplacées de force sont donc bien présents.
Les réfugiés et personnes déplacées vivent souvent dans des conditions de surpeuplement et de précarité. Il est important de rappeler que les réfugiés ne quittent pas leur pays par choix, mais par contrainte, fuyant la guerre, la persécution, la discrimination et les violations des droits de l’homme. Ils ont donc besoin d’une protection effective de leur pays d’accueil. Ainsi. ADHA, MET et MIAMSI-SÉNÉGAL encouragent vivement le gouvernement sénégalais à réexaminer sa législation nationale pour pallier les faiblesses de son système d’asile. Ils recommandent également la ratification de la Convention de l’Union Africaine sur la Protection et l’Assistance aux Personnes Déplacées en Afrique (Convention de Kampala) pour mieux prendre en charge les déplacés internes en Casamance. Enfin, ADHA, MET et MIAMSI-SÉNÉGAL suggèrent d’adopter le modèle ougandais, qui facilite l’accueil, la protection et l’insertion des réfugiés en allouant des terres à chaque famille de réfugiés pour la construction d’abris et pour la culture. Pour finir, nous encourageons les citoyens à continuer la lutte contre la spoliation des terres au Sénégal et pour la préservation du littoral. En autorisant des constructions privées pour une minorité privilégiée et en détruisant le littoral, les autorités avaient contribué à accélérer les phénomènes de migration climatique et de déplacements.
SIGNATAIRES :
- Action pour les Droits Humains et l’Amitié (ADHA)
- Mouvement pour l'Ethique et la transparence (MEt)
- Mouvement International d'Apostolat des milieux indépendants (MIAMSI Sénégal).
BISSAU FERME PARTIELLEMENT SA FRONTIÈRE AVEC LE SÉNÉGAL
Le président Umaro Sissoco Embalo dit avoir pris cette mesure par crainte d'une escalade des violences sur son territoire après les affrontements meurtriers entre deux communautés à Médina Gounass lundi dernier en marge de la célébration de l'Aïd
(SenePlus) - Les violents affrontements survenus lundi à Médina Gounass, une ville sainte du sud du Sénégal, entre deux communautés musulmanes rivales ont poussé le président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo à prendre une décision forte. Selon des informations rapportées à l'AFP, le chef d'État a ordonné mercredi la fermeture d'une partie de la frontière entre son pays et le Sénégal voisin.
Les heurts sanglants ont éclaté le jour de l'Aïd el-Fitr dans cette localité accueillant chaque année un important pèlerinage de la confrérie tidiane. Ils ont opposé les fidèles du khalife Thierno Amadou Tidiane Ba, appelés les "Futankés", à ceux du marabout Thierno Mounirou Baldé, dénommés les "Gabunkés". Un mort et une vingtaine de blessés ont été déplorés selon les autorités sénégalaises.
"L'une des communautés avait appelé en renfort des peuls Gabunkés vivant en Guinée-Bissau", a expliqué le président Embalo pour justifier sa décision de fermeture partielle de la frontière. "J'ai aussitôt pris cette mesure pour empêcher toute escalade de violence", a-t-il ajouté, précisant que "les forces de sécurité de mon pays veillent au respect scrupuleux" de ces restrictions.
Cette décision vise à circonscrire un conflit aux racines anciennes. Comme le souligne un observateur local cité par l'AFP, "les deux communautés s'opposent de longue date pour le contrôle de la grande mosquée" de Médina Gounass. "Elles s'accusent mutuellement d'être à l'origine des tensions qui ont fait plusieurs morts par le passé".
Rares sont de telles confrontations communautaires d'une telle violence au Sénégal, réputé pour sa tradition de paix entre confréries musulmanes. Médina Gounass, à une soixantaine de kilomètres de la Guinée-Bissau, voit pourtant converger chaque année des milliers de pèlerins tidianes, l'une des plus importantes confréries du pays.
La décision musclée du président bissau-guinéen a ainsi pour objectif de circonscrire un foyer de violences susceptible de dégénérer au-delà des frontières. Elle rappelle les liens étroits entretenus de part et d'autre de la longue frontière de près de 300 km séparant les deux États voisins.
AU BURKINA-FASO, TV5 MONDE-AFRIQUE SUSPENDUE POUR SIX MOIS
Le Conseil supérieur de la communication du Burkina Faso a suspendu, mardi, les programmes de la chaîne de télévision TV5 Monde-Afrique pour une durée de six mois, assortie d'une amende de 50 millions de francs CFA (81.853 dollars)
Le Conseil supérieur de la communication (CSC) du Burkina Faso a suspendu, mardi, les programmes de la chaîne de télévision TV5 Monde-Afrique pour une durée de six mois, assortie d'une amende de 50 millions de francs CFA (81.853 dollars), suite à "des manquements à la loi", a-t-on appris de source officielle.
Le Président du Conseil supérieur de la communication Idrissa Ouédraogo a expliqué dans un communiqué que la décision de l'instance de régulation de la communication fait suite à "des manquements à la loi" constatés dans le contenu d'une des éditions du journal télévisé en date du 17 juin 2024.
Ouédraogo a soutenu que dans cette édition qui avait pour invité Newton Ahmed Barry, ancien journaliste burkinabè et ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) , le CSC y a relevé des "insinuations malveillantes, des propos tendancieux frisant la désinformation et des affirmations de nature à minimiser les efforts consentis par les autorités de la Transition, des Forces de défense et sécurité (FDS) et des populations dans l'élan de reconquête du territoire national".
En rappel, la chaîne de télévision TV5 Monde-Afrique avait fait l’objet de sanction par le CSC, le 27 avril 2024, en lien avec la diffusion du contenu d'un rapport de l'ONG Human Rights Watch portant des accusations sur les forces armées nationales du Burkina Faso.
En effet, le CSC avait suspendu à l’époque la diffusion des programmes de la télévision française pour une durée de deux semaines au Burkina Faso.
"Le CSC saisit cette occasion pour interpeller l'ensemble des médias à faire preuve de plus de professionnalisme dans le traitement des informations liées à la crise sécuritaire au Burkina Faso", a lancé Ouédraogo.
Les relations entre Ouagadougou et Paris sont tendues depuis le 30 septembre 2022, date d'arrivée du capitaine Ibrahim Traoré au pouvoir.
Les médias français Radio France Internationale (RFI), France 24 et Le Monde sont suspendus au Burkina Faso pour leur traitement de l'information jugé "partisan". C'est également le cas du mensuel Jeune Afrique.
UNE RENCONTRE À FORTS ENJEUX
Bassirou Diomaye Faye débarque à Paris avec l'ambition de remodeler l'héritage postcolonial encombrant avec l'ancienne métropole. Son face-à-face avec Macron s'annonce tendu, sur fond de vieilles rancœurs à dissiper
(SenePlus) - Le nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye effectue sa première visite en France depuis son élection. Une visite hautement attendue, dans un contexte de relations tendues avec l'ancien allié français, selon l'expert Pape Ibrahima Kane interrogé par RFI.
Pour Kane, cette rencontre avec Emmanuel Macron est cruciale car "ils ont quand même beaucoup de choses à se dire". D'autant que le président français "traverse quelques difficultés politiques" tandis que le Sénégal connaît "une situation économique pas du tout bonne".
Avant d'envisager l'avenir, il faudra d'abord "purger le passé", estime Kane. Un mois plus tôt, le Premier ministre Ousmane Sonko avait violemment chargé Macron, l'accusant d'avoir "fait le jeu du régime répressif" de l'ex-président Macky Sall. Pour l'expert, "cela doit servir de leçon" afin que les dirigeants occidentaux traitent l'opposition "avec déférence".
Malgré ces récriminations, Kane assure que "les relations ne vont pas être compliquées". Car si Sonko, en tant que chef de parti, peut s'exprimer, "celui qui est aux manettes, c'est Diomaye Faye". Un président réputé posé qui "ne parle pas trop", qualité appréciable "en diplomatie".
Plusieurs dossiers brûlants attendent les deux hommes, à commencer par la base militaire française à Dakar qui fait tousser l'opposition. "La souveraineté du Sénégal est incompatible avec la présence de bases étrangères", martèle Sonko. Une position que partage Kane : "Un État revendique une certaine façon de tisser des rapports avec l'extérieur".
La fermeture de cette base pourrait donc être actée rapidement selon l'expert. "S'ils s'entendent demain, la procédure peut s'accélérer", affirme-t-il, tout en soulignant la complexité logistique d'une telle opération.
Autre épine dans le pied : le franc CFA, hérité de la colonisation. "Le Sénégal est dans une démarche de réforme dans le cadre de la CEDAO", explique Kane, visant à créer une monnaie unique régionale. Mais si cette option échoue, "le Sénégal va revoir sa position".
Enfin, la situation au Sahel et les régimes militaires malien et burkinabè seront abordés. Profitant de ses bonnes relations avec ces juntes, Diomaye Faye pourrait "avoir le point de vue français" et faciliter un dialogue, estime l'expert.
Si Kane écarte un rôle de médiateur, le président sénégalais devra composer avec ces dossiers sensibles. Son objectif : recadrer une relation française jugée à sens unique, mais sans rompre des liens séculaires.
VIDEO
PERCÉE INÉDITE DE L'EXTRÊME DROITE CHEZ LES FRANÇAIS D'AFRIQUE
Les listes de Le Pen et Bardella sont arrivées en tête dans une dizaine de capitales, dont Libreville, Kinshasa et Antananarivo, supplantant la gauche. Cela pourrait s'expliquer par leur proximité idéologique avec la mouvance souverainiste panafricaine
Dans une intervention remarquée, François Soudan, directeur de la rédaction du magazine Jeune Afrique, a disséqué la percée inattendue de l'extrême droite française lors des élections européennes du 9 juin dernier auprès des expatriés résidant sur le continent africain.
Contre toute attente, les listes retenues par Marine Le Pen et Jordan Bardella sont arrivées en tête dans une dizaine de capitales majeures comme Libreville, Kinshasa ou Antananarivo, délogeant la gauche traditionnellement préférée. Un phénomène d'autant plus paradoxal que ces partis à la rhétorique xénophobe ont séduit les Français établis à l'étranger.
Selon François Soudan, ce vote protestataire s'explique par "le désarroi" et "le sentiment de déclassement" d'une partie de cette diaspora face à "l'illisibilité de la politique d'Emmanuel Macron" en Afrique. Les retraités se sentiraient particulièrement précarisés.
Mais au-delà de ce rejet, l'analyste pointe aussi la proximité idéologique entre l'extrême droite et la mouvance souverainiste panafricaine. Si Marine Le Pen et Jordan Bardella ont une « connaissance approximative » du continent, essentiellement par le prisme migratoire, certaines de leurs propositions font écho localement.
Le RN prône ainsi la dénonciation des accords migratoires avec l'Algérie, remet en cause le franc CFA, réclame un siège permanent pour l'Afrique à l'ONU, et dénonce les ingérences militaires françaises passées. Un discours anti-impérialiste qui trouve une audience chez les nationalismes africains, malgré les relents racialistes du RN.
Pour se faire entendre, l'extrême droite mise notamment sur quelques relais d'influence comme Louis Aliot, focalisé sur l'Afrique centrale ou l'homme d'affaires Philippe Bonne qui a organisé le voyage controversé de Marine Le Pen au Sénégal en 2022 .
Une dynamique inattendue qui bouleverse les rapports de force traditionnels et pose la question du positionnement de la France vis-à-vis d'une partie de sa diaspora en Afrique, séduite par une rhétorique souverainiste aux accents xénophobes et racialistes.
DIOMAYE-MACRON, L'HEURE DE VÉRITÉ
Les liens complexes entre Dakar et son ancienne puissance coloniale mettront à l'épreuve les ambitions réformatrices du président en déplacement à Paris ce mercredi. Les dossiers de la monnaie et du partenariat militaire sont de vrais tests
(SenePlus) - Dans sa première visite officielle hors d'Afrique depuis son investiture en avril, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye se rend à Paris ce mercredi pour afficher sa vision souverainiste, mais dans un contexte de liens profonds et complexes entre le Sénégal et son ancienne puissance coloniale, rapporte l'AFP.
"Le chef de l'État sera convié à un déjeuner par son homologue français", a indiqué la présidence sénégalaise, précisant que M. Faye participera au préalable au Forum mondial pour la souveraineté et l'innovation vaccinales à l'invitation de Gavi et de l'Union africaine.
Cette visite revêt un symbole fort pour le dirigeant panafricaniste de gauche de 44 ans, élu en mars sur la promesse d'une "rupture" avec l'ancien système. "Se déclarant panafricaniste de gauche, il a affirmé sa volonté de partenariats mutuellement bénéfiques à l'international", souligne l'AFP.
Pourtant, les relations entre Dakar et Paris sont historiquement denses, la France revendiquant d'être "le premier investisseur et bailleur d'aide publique au développement au Sénégal". Une présence remise en cause par le camp présidentiel, à l'image du Premier ministre Ousmane Sonko, ancien mentor de Faye.
"M. Sonko a accusé en mai l'Elysée d'avoir incité à la "persécution" d'opposants sous l'ancienne présidence sénégalaise", rapporte l'AFP, ajoutant que "MM. Sonko et Faye étaient encore en prison 10 jours avant la présidentielle".
Au cœur des discussions à venir, l'avenir du partenariat militaire franco-sénégalais cristallise les tensions. "M. Sonko a également jugé la présence de bases étrangères au Sénégal "incompatible" avec la souveraineté nationale", alors que "la France dispose de plusieurs emprises militaires à Dakar" et a entamé un désengagement sur le territoire.
Au-delà, la réforme de la monnaie, le franc CFA, héritage colonial, ou encore l'alignement du Sénégal sur le Mali et le Burkina Faso, qui ont "tourné le dos à la France", selon l'AFP, pourraient être sources de frictions.
Quelques mois après son accession au pouvoir, ce déplacement à Paris de Bassirou Diomaye Faye s'annonce comme un véritable test pour mesurer l'équilibre qu'il compte trouver entre ses ambitions souverainistes et le poids des réalités sur le terrain avec l'ancienne puissance tutélaire.
BASSIROU DIOMAYE FAYE ATTENDU EN FRANCE MERCREDI
Le président sénégalais va effectuer son premier voyage hors du continent sur invitation du Gavi (Alliance mondiale des vaccins) et de l’Union Africaine (Us), pour prendre part au Forum mondial pour la souveraineté et l'innovation vaccinales.
Le président sénégalais va effectuer son premier voyage hors du continent. Il va se rendre en France, a annoncé la présidence de la République.
Le chef de l’Etat se rendra en France ce mercredi 19 juin 2024. Ce, sur l’invitation du Gavi (Alliance mondiale des vaccins) et de l’Union Africaine (Us), pour prendre part au Forum mondial pour la souveraineté et l'innovation vaccinales, renseigne la présidence.
«Cette rencontre de haut niveau marquera le lancement de l'initiative "Accélérateur de la production des Vaccins en Afrique (Avma)" ainsi que le début de la campagne de reconstitution des fonds de Gavi pour la période 2026-2030», renseigne la même source.
À l'issue de cet événement, le Chef de l'État sera convié à un déjeuner par son homologue français, renseigne la présidence de la République.
VIDEO
PARIS ACCUSÉ DE VENGEANCE D'ÉTAT CONTRE LES VOIX DISSIDENTES
Seidik Abba et Niagalé Bakayoko réagissent aux propos chocs d'une ambassadrice de France pointant du doigt des journalistes "anti-français". Ils dénoncent une dérive antidémocratique en porte-à-faux avec les principes fréquemment brandis par la France
Dans un extrait choc de l'émission "Décrypter l'Afrique" de Le Média, le journaliste, auteur et chercheur Seidik Abba et Niagalé Bakayoko, présidente de l'African Security Sector Network, ont vivement réagi aux propos controversés de l'ambassadrice pour la diplomatie publique française en Afrique Anne Sophie Avé. Cette dernière avait en effet pointé du doigt les journalistes Alain Foka et Claudy Siar, les accusant d'alimenter un "discours anti-français" à travers leurs médias supposément financés par des pouvoirs publics.
Une attaque frontale qui soulève de vives inquiétudes quant au respect de la liberté de la presse et du droit à la critique. Seidik Abba dénonce ainsi une forme de "vengeance d'État" à l'encontre des voix dissidentes, citant les cas de Michel Zodzi au Niger qui s'est vu révoquer son visa, ou encore son propre cas où on lui a refusé l'accès à un avion du ministère français, en raison de ses positions critiques.
"Cette forme de vengeance d'État n'apporte rien à la France et peut même contribuer à sa non-popularité", martèle le chercheur, appelant Paris à faire preuve de cohérence en acceptant les critiques, comme elle l'exige d'autres États sur les questionsdes droits humains.
De son côté, Niagalé Bakayoko pointe une grave confusion entre médias d'État asservis et médias de service public indépendants. Elle rappelle qu'en France, si l'État finance certains médias, ceux-ci gardent une ligne éditoriale libre, contrairement aux injonctions du président Macron jugées "préoccupantes".
Un débat brûlant qui met en lumière les défis de l'indépendance des médias et de la liberté d'expression, piliers fondamentaux d'une réelle démocratie. Les mises en garde de Seidik Abba et Niagalé Bakayoko résonnent avec force : la France doit elle-même respecter ces principes si elle veut conserver sa crédibilité et légitimité à les défendre ailleurs.
VIDEO
AES-CEDEAO : LES CLÉS DE LA MÉDIATION SÉNÉGALAISE
L'avenir de l'intégration régionale repose sur un délicat compromis à trouver. Les nouvelles autorités sénégalaises, fières de leur légitimité électorale, semblent les mieux placées pour ce rôle de médiateur auprès des deux parties
(SenePlus) - Le nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye semble déterminé à jouer les médiateurs pour résoudre la crise entre la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et les trois pays membres de l'Alliance des États du Sahel (AES) - Mali, Burkina Faso et Niger. Selon une récente étude de l'Institut d'études de sécurité (ISS), "les nouvelles autorités sénégalaises, s'appuyant sur les efforts déjà consentis par des États de la région, sont bien placées pour apporter une contribution utile, au regard du sentiment favorable dont elles jouissent auprès des dirigeants des pays de l'AES."
Cette médiation s'avère cruciale pour préserver les acquis de près de 50 ans d'intégration en Afrique de l'Ouest. Comme le souligne l'ISS, "la CEDEAO, malgré les difficultés qu'elle traverse, est un outil indispensable qui doit être préservé. La libre circulation des personnes et des biens est un acquis majeur qui distingue l'Afrique de l'Ouest des autres régions du continent."
Cependant, la tâche s'annonce ardue. D'un côté, les dirigeants militaires des pays de l'AES, arrivés au pouvoir par des coups d'État, semblent déterminés à consolider leur emprise en repoussant indéfiniment les élections. De l'autre, la CEDEAO peine à faire respecter ses principes démocratiques et son rejet des changements anticonstitutionnels.
"Les dirigeants des États de l'AES indexent la CEDEAO pour son manque d'assistance dans leur lutte contre le terrorisme", note l'ISS. Un soutien accru dans ce domaine pourrait être un levier pour convaincre le Mali, le Burkina et le Niger de rester au sein de l'organisation régionale.
Mais l'institut prévient : "La volonté affichée des régimes militaires de rester de façon durable au pouvoir, en faisant fi de leurs engagements initiaux de diriger des transitions de courte durée est de plus en plus remise en cause par les acteurs politiques et de la société civile."
Une solution intermédiaire pourrait être de "prolonger raisonnablement les transitions en cours, avec des indicateurs clairs" sous l'égide de la CEDEAO, pour ensuite organiser des élections crédibles et inclusives.
L'ISS voit aussi dans cette crise "l'occasion d'accélérer le processus de réforme de l'organisation régionale" afin de la doter de plus de moyens politiques et financiers pour prévenir les coups d'État.
En définitive, l'avenir de l'intégration régionale repose sur un délicat compromis à trouver. Les nouvelles autorités sénégalaises, fières de leur légitimité électorale, semblent les mieux placées pour ce rôle "d'honest broker" auprès des deux parties. Un échec les condamnerait à regarder impuissantes le naufrage de l'un des rares projets d'unité réussis du continent africain.