SenePlus publie ci-dessous, les nominations prononcées au Conseil des ministres du mercredi 26 juin 2024.
"AU TITRE DES MESURES INDIVIDUELLES,
Le Président de la République a pris les décisions suivantes :
Monsieur Mouhamadou Bamba DIOP, Ingénieur statisticien économiste, matricule de solde n° 615 996/D, est nommé Secrétaire général du Ministère de l’Économie, du Plan et de la coopération, en remplacement de Monsieur Allé Nar Diop appelé à d’autres fonctions ;
Madame Ndèye Fatou LO, Conseiller des Affaires étrangères, matricule de solde n° 616 254/J, est nommée Directeur de l’Administration générale et de l’Equipement au Ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, en remplacement de Madame Amy MBACKE appelée à d’autres fonctions. ;
Madame Marième GUEYE, Inspecteur principal du Trésor, matricule de solde n° 624 689/A, est nommé Directeur de l’Administration générale et de l’Equipement au Ministère des Infrastructures et des Transports terrestres et aériens ;
Monsieur El Hadj SALL, Economiste-Environnementaliste spécialisé en audit et contrôle interne, matricule de solde n° 515 409/D, est nommé Inspecteur des Affaires administratives et financières au Ministère de l’Environnement et de la Transition écologique ;
Monsieur El Hadji Mamadou GUEYE, Juriste, matricule de solde n° 662 513/E, est nommé Inspecteur des Affaires administratives et financières au Ministère de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement des Territoires ;
Monsieur Mamadou Boye DIALLO, Juriste financier, matricule de solde n° 642 620/Z, est nommé Inspecteur des Affaires administratives et financières au Ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Elevage."
LES LIAISONS DANGEREUSES
Latif Coulibaly, Yoro Dia, Bougane Guèye... l'ascension des journalistes vers des carrières politiques majeures soulève des enjeux pour la crédibilité des médias. Focus sur ces parcours qui illustrent la nature ambiguë des liens presse-politique
Le Sénégal, souvent présenté comme un modèle de démocratie en Afrique, offre un paysage médiatique dynamique, mais complexe où les frontières entre journalisme et politique sont fréquemment floues. De nombreux journalistes ont franchi le Rubicon politique. Ce qui soulève des questions sur la neutralité et l’indépendance de la presse. Cet article explore divers exemples de journalistes sénégalais devenus politiciens, mettant en lumière les défis et les implications de cette dualité.
Bara Diouf : Un pionnier de la transition
Bara Diouf incarne l’un des premiers exemples marquants de cette transition. Dirigeant le quotidien national ‘’Le Soleil’’ jusqu’en 1986, il a ensuite été élu député du Parti socialiste du Sénégal pour un mandat de cinq ans. Ancien fervent défenseur des régimes de Léopold Senghor et d’Abdou Diouf, Bara Diouf n’a pas caché son admiration pour le président Abdoulaye Wade, arrivé au pouvoir en 2000. ‘’Abdoulaye Wade me plaît. Il a de l’ambition et réalise des choses importantes pour son pays. Je suis très respectueux des institutions et de la patrie. Il est donc normal que je soutienne ceux qui veulent faire de l’Afrique un grand continent’’, déclarait-il.
Malgré ses convictions politiques, Bara a su maintenir ‘’Le Soleil’’ comme une référence nationale et sous-régionale, formant plusieurs générations de journalistes. Son parcours montre qu’il est possible de jongler entre engagement politique et professionnalisme journalistique, bien que cet équilibre soit délicat.
Racine Talla : Le militantisme au cœur du service public
Racine Talla, à la tête de la Radiodiffusion télévision sénégalaise (RTS) pendant douze ans, est un autre exemple notable. Sa gestion a été critiquée par les syndicalistes du côté du Triangle sud, le faible temps d’antenne accordé aux opposants et à la société civile et même à certains de ses contempteurs au sein du régime de Macky Sall fini de démontrer sa toute-puissance au sein de la chaîne publique.
En tant que militant de l’Alliance pour la République (APR) et maire de Wakhinane Nimzatt, Talla n’a jamais caché ses positions politiques, compliquant la distinction entre ses rôles de militant et de directeur. Ses prédécesseurs avaient déjà transformé le média en outil de propagande, lui l’avait placé à un niveau qu’il sera difficile d’égaler.
Aujourd’hui, l’arrivée de Pape Alé Niang, proche du Premier ministre Ousmane Sonko, soulève des questions sur l'avenir de cette institution. Ses premiers actes tendent cependant à un retour à la vocation première de la télévision : au service du peuple.
Yakham Mbaye : La double casquette du journaliste-politicien
Yakham Mbaye représente un cas où le militantisme a pris le dessus sur l’intégrité journalistique. Directeur du ‘’Soleil’’ et militant de l’APR à Dakar-Plateau, Yakham a surfé sur une double identité de journaliste et de partisan, ce qui lui a coûté une certaine crédibilité auprès de ses pairs. Connu pour son style incisif, il avait critiqué la dynastie ''Faye-Sall'' avant de devenir un proche de la première dame. Son militantisme a souvent éclipsé ses analyses factuelles, mettant en évidence le danger de cette double casquette.
Lamine Niang, ayant pris le relais de Yakham, se trouve dans une position délicate, mais stratégique. En tant que responsable du Pôle conseils et stratégies du Secrétariat national à la communication de Pastef et directeur de Jotna TV (média de résistance durant le second mandat de Macky Sall), il doit naviguer habilement entre ses obligations politiques et son rôle dans les médias.
Ahmed Aïdara : Entre critiques et engagement politique
Ahmed Aïdara, maire de Guédiawaye et membre de l’opposition, continue de présenter une revue de presse en wolof tous les matins. Ex-animateur de l’émission ‘’Teuss’’ sur Zik FM, Aïdara est aussi populaire qu’il divise, avec un style théâtral qui inclut pleurnicheries, rires et moqueries des acteurs politiques. Ses critiques acerbes du gouvernement Sall l’ont placé en pole position au sein de la coalition Yewwi Askan Wi en janvier 2022, le propulsant à la tête de cette mairie pour remplacer un autre journaliste, Aliou Sall.
Ce dernier, très discret, est diplômé du Cesti. Il a rapidement basculé vers les milieux politiques sous l’ère Wade, poursuivant son engagement avec l’arrivée au pouvoir de son frère Macky Sall. En un temps record, il est devenu président de l’Association des maires du Sénégal et directeur de la Caisse des dépôts et consignations.
Son parcours souligne l’influence que les journalistes peuvent exercer, même en restant partiellement actifs dans leur profession d’origine.
La transition vers la politique : Une tendance répandue
La tendance des journalistes sénégalais à se tourner vers la politique n’est pas nouvelle. Latif Coulibaly, Abou Abel Thiam, Aliou Sow, Ibrahima Ndoye, Mamadou Ibra Kane et Pape Djibril Fall ont tous mis fin à leurs activités journalistiques pour se consacrer à leurs carrières ou fonctions politiques. Cette transition leur a permis de capitaliser sur leur notoriété médiatique pour gagner en influence politique. Mais elle pose des questions sur la déontologie et l’indépendance de la presse.
Latif Coulibaly, ex-secrétaire général du gouvernement, avait défendu son choix en arguant que son engagement politique était une continuation logique de son combat pour la justice et le développement du Sénégal.
Ce qui est constant, c’est que parmi ces susmentionnés, personne n’est revenu dans les rédactions, après avoir pris goût à la politique. Certains comme Abdou Mbow ont eu une carrière éphémère dans le métier. Le journalisme n’a été qu’un statut pour eux.
Bougane Guèye Dany : Une double posture controversée
Bougane Guèye Dany, ancien journaliste (Walfadjri) et propriétaire du groupe de presse D-Média et leader du mouvement Gueum Sa Bopp, est un exemple particulièrement controversé. Patron de presse et acteur politique, il utilise ses médias pour promouvoir ses idéaux, ce qui lui vaut des critiques pour usage excessif de ses plateformes à des fins politiques.
Sa posture lui offre une tribune puissante pour influencer l’opinion publique, mais elle peut aussi se retourner contre lui, certains régimes pouvant utiliser cette double posture pour solder leurs comptes. D’aucuns pensent qu’il fait usage de ses combats politiques pour embarquer une certaine partie de la presse dans sa croisade.
Thierno Amadou Sy : L’engagement continu
Thierno Amadou Sy a fait son entrée en politique en 2018, rejoignant l’ex-parti présidentiel (APR) et déclenchant une vive polémique. Sy considère son engagement politique comme une extension de sa passion pour les questions de développement qu’il explorait déjà à travers ses émissions. ‘’Je considère mon engagement en politique comme un prolongement de ma passion pour les questions de développement quand j’étais journaliste’’, se justifie-t-il.
Son parcours montre comment l’engagement politique peut naître d’une vocation journalistique axée sur les questions de société. L’actuel directeur de l’APS est dans une posture indécise, depuis l’arrivée au pouvoir du duo Sonko-Diomaye en mars 2024. Plusieurs de ses collaborateurs militent pour qu’on le maintienne au poste, mettant en avant ses prouesses dans cette société. Alors qu’une autre partie réclame son départ à cause de sa proximité avec l’ancien régime.
Mais le nouveau régime continue de lui faire confiance. Ce qui n’est pas le cas de Bara Ndiaye qui avait retourné sa veste une semaine avant le scrutin. Il a été limogé depuis un mois.
Pour rappel, Bara Ndiaye était un responsable de l’APR et ancien maire de Méwane.
Amadou Ba : Un exemple de déontologie
Directeur général du quotidien ‘’L’AS’’ et maire de Missirah depuis janvier 2022, Amadou Ba se distingue par son engagement envers l'éthique et la déontologie. Depuis qu’il a été élu maire, il met en avant son respect strict des principes journalistiques. En tant que directeur général de ‘’L’AS’’, il a cessé de signer des articles depuis plus de deux ans, affirmant que son rôle politique était incompatible avec l'exercice actif du journalisme.
Cette décision souligne son engagement à éviter les conflits d'intérêts et à maintenir l'intégrité de la profession.
Souleymane Jules Diop, Yoro Dia, Sadikh Top et Mamadou Bamba Ndiaye : De la plume à la tribune
Actuel ambassadeur du Sénégal à l'Unesco à Paris, Souleymane Jules Diop fut responsable du desk politique du journal ‘’Wal Fadjri’’. Au début de la première alternance, il devient le conseiller en communication du Premier ministre Idrissa Seck. Le clash de ce dernier avec Wade l'exile au Canada où il se radicalise contre le régime du ‘’Pape du Sopi’’. En tant que journaliste, il s'est imposé comme une voix influente, n'hésitant pas à dénoncer ce qu'il percevait comme des abus de pouvoir ou des dysfonctionnements au sein du gouvernement. Il fait partie des premiers influenceurs et activistes politiques sur les réseaux sociaux.
À la chute de Wade, il est revenu au bercail, occupant diverses responsabilités dans les gouvernements successifs de Macky Sall.
Yoro Dia est connu pour ses analyses politiques et son approche critique des questions sociopolitiques au Sénégal. Ancien rédacteur en chef de Wal Fadjri FM, ses écrits et ses commentaires dans divers médias ont fait de lui une personnalité incontournable du paysage médiatique sénégalais. Mais comme beaucoup de journalistes de sa génération, il a fait le saut vers la politique.
Il a été nommé ministre et porte-parole sous l'administration du président Macky Sall. Ce passage du journalisme à la politique a suscité beaucoup de débats et de critiques. Certains observateurs ont vu en cela une trahison de ses idéaux journalistiques et une compromission de son indépendance.
Sadikh Top a commencé sa carrière comme journaliste où il a rapidement acquis une réputation pour son professionnalisme et sa rigueur. En rejoignant le Pastef, il a fait le choix de mettre fin à sa carrière journalistique pour se consacrer pleinement à la politique. Cette décision n’est pas sans rappeler celle de nombreux journalistes qui, ayant passé des années à analyser et critiquer les systèmes politiques, se sont engagés dans la sphère politique pour apporter le changement qu’ils prônent.
Feu Mamadou Bamba Ndiaye incarne parfaitement le parcours de nombreux journalistes sénégalais qui ont transité vers des rôles politiques de premier plan. Ancien directeur de publication et journaliste réputé, Bamba Ndiaye a franchi le pas vers la politique en devenant ministre des Affaires religieuses sous la présidence d'Abdoulaye Wade, un parcours qui met en lumière les interactions complexes entre journalisme et politique au Sénégal.
L'impact sur la crédibilité des médias
Ces parcours mettent en lumière un défi majeur pour le journalisme sénégalais : maintenir l’intégrité et la crédibilité face aux engagements politiques des journalistes. La frontière entre journalisme et politique est souvent floue, brouillant la perception d’indépendance des médias.
Pour restaurer la confiance dans les médias, une réforme des pratiques journalistiques pourrait être nécessaire, mettant l’accent sur la déontologie et l’indépendance. Les journalistes doivent pouvoir exercer leur métier sans pressions politiques, tout en ayant la liberté de s’engager politiquement de manière transparente et sans conflit d’intérêts.
Le cas des journalistes sénégalais devenus politiciens illustre les défis posés par la nature ambiguë des relations entre les uns et les autres. Tandis que certains ont réussi à naviguer dans ces eaux troubles avec une certaine dignité, d'autres ont vu leur crédibilité compromise. Pour assurer un avenir où la presse reste un pilier de la démocratie, il est important de renforcer les mécanismes garantissant l'indépendance et l'intégrité des médias au Sénégal.
La célèbre citation de Claude Julien, ‘’les journalistes aiment les politiciens comme les mouches aiment le miel’’, illustre à merveille la relation complexe entre les journalistes et les politiciens au Sénégal.
SÉNÉGAL, OPPORTUNITÉS ET IMPÉRATIFS DANS LES RELATIONS AVEC L'OCCIDENT
La volonté de Diomaye de renégocier des partenariats et de redéfinir le leadership régional laissent entrevoir une inflexion majeure. Les Occidentaux sont face à un double défi : répondre aux aspirations des Sénégalais et rétablir la confiance ébranlée
Le nouveau paysage politique au Sénégal ouvre des perspectives inédites pour les relations avec les pays occidentaux. La nette victoire du président Faye face à l’ancien Premier ministre Amadou Ba a été saluée par des partenaires internationaux, dont la France, les États-Unis et le Royaume-Uni. Emmanuel Macron s’est même distingué en adressant ses félicitations en wolof, un geste interprété comme une volonté active de rapprochement avec la nouvelle administration.
En effet, une frange importante du Pastef, parti panafricaniste de gauche, avait fortement préconisé une rupture avec la France durant la campagne présidentielle. Le président Faye, de son côté, avait promis de renégocier les contrats pétroliers et gaziers pour obtenir des conditions plus avantageuses, suscitant des inquiétudes dans certaines chancelleries occidentales.
Cependant, les premières décisions du nouveau chef d’Etat suggèrent que les craintes d’une rupture radicale étaient infondées. Celui-ci a préféré plutôt insister sur l'importance de maintenir des relations solides avec les partenaires étrangers tout en priorisant les intérêts nationaux.
Lors de l'une de ses premières déclarations publiques en tant que président élu, Bassirou Diomaye Faye a exhorté le Niger, le Mali et le Burkina Faso, qui ont annoncé leur intention de quitter la CEDEAO en début d'année, à réintégrer l'union économique régionale. Dans son discours d’investiture, le président Faye a réaffirmé encore une fois que le Sénégal, sous son magistère, privilégierait la coopération avec la communauté internationale plutôt que la confrontation.
Cette nouvelle réalité offre aux pays occidentaux une courte fenêtre d'opportunité pour redéfinir durablement leurs relations avec le Sénégal et la région, relations qui ont été fragilisées par les tensions persistantes avec l’ensemble des pays du Sahel.
Pour saisir cette chance, il est impératif que l'Occident revoie sa posture et propose des partenariats véritablement équitables. Ces partenariats doivent être conçus dans la perspective de soutenir le co-développement et renforcer la stabilité régionale, répondant ainsi aux besoins locaux tout en respectant la souveraineté des nations impliquées.
En adoptant une approche collaborative et respectueuse, les pays occidentaux peuvent non seulement réparer les liens endommagés mais aussi bâtir une base solide pour une coopération fructueuse et durable avec le Sénégal et ses voisins.
Une nouvelle ère pour les relations entre le Sénégal et l'Occident
La victoire du président Faye incarne donc la profonde frustration de la jeunesse sénégalaise face à un taux de chômage élevé. Une problématique persistante. En 2023, le chômage des jeunes au Sénégal atteignait 4,2 % selon les chiffres officiels. Toutefois, avec 84 % de l'emploi concentré dans le secteur informel, une grande majorité des moins de trente-cinq ans vivent dans une situation de précarité absolue, ayant un accès limité à l'éducation, à l'emploi formel et aux besoins de base.
C'est pourquoi les promesses de réforme économique, de lutte contre la corruption et de promotion de la préférence nationale du président Faye résonnent fortement auprès des jeunes des grands centres urbains, des populations marginalisées et de certains intellectuels frustrés par la complaisance traditionnelle du Sénégal envers les pays occidentaux.
Ces engagements de campagne de la Coalition Diomaye 2024 répondent aux attentes des citoyens en quête d'un système plus juste et transparent, capable de leur offrir de meilleures perspectives de stabilité économique et de gouvernance fondée sur le mérite, la responsabilité et l'intégrité.
En s'attaquant à la corruption endémique et en favorisant les entreprises nationales, le président Faye pourrait redonner aux Sénégalais un plus grand contrôle sur leurs ressources et leur avenir. De telles réformes ambitieuses sont de nature à susciter l'espoir et l'enthousiasme chez les citoyens en quête de changement.
Les enjeux de développement au Sénégal sont considérables, offrant une opportunité précieuse aux pays occidentaux de revoir leur posture et de redéfinir leur approche de coopération. En soutenant les ambitions de la nouvelle équipe gouvernementale, qui vise à créer des emplois pour la jeunesse et à promouvoir la croissance d'un secteur privé national solide, les pays occidentaux peuvent jouer un rôle clé dans la transformation économique du Sénégal.
Cette coopération technique et financière ciblée, ainsi que les investissements favorisant le transfert de compétences et de technologies, permettent non seulement de soutenir le développement durable du Sénégal mais également de démontrer l'engagement en faveur d'un partenariat gagnant-gagnant, bénéfique pour les deux parties.
Aussi, les récentes découvertes de réserves de pétrole et de gaz au Sénégal sont sur le point de transformer radicalement les perspectives économiques et sociales du pays. En engageant un dialogue constructif sur des questions cruciales telles que la gestion durable des ressources naturelles, les pays occidentaux ont l'occasion de soutenir activement un partenariat mutuellement bénéfique avec le Sénégal. En apportant leur expertise et leur soutien, ils peuvent contribuer à une gestion responsable de ces nouvelles richesses, tout en renforçant les liens économiques et diplomatiques entre les deux parties.
L'exploitation minière dans la région de Kédougou, par exemple, offre un aperçu des conséquences néfastes que peut engendrer le décalage entre les intérêts économiques des entreprises étrangères et les réalités des populations locales. Dans cette région, les activités minières ont parfois entraîné des expulsions forcées et porté atteinte aux moyens de subsistance des habitants, suscitant un profond ressentiment anti-occidental. Les communautés locales ont ainsi organisé de nombreuses manifestations, parfois violentes, pour protester contre les pratiques abusives des entreprises.
Seule une approche soucieuse des populations et de leur développement durable peut donc créer un climat propice à une coopération mutuellement bénéfique. À défaut, le risque est grand de voir se multiplier les conflits et les mouvements de rejet, au détriment des bonnes relations entre le Sénégal et ses partenaires occidentaux.
Une opportunité de repenser les alliances dans le Sahel
La posture anti-establishment de la coalition Diomaye 2024 avait suscité des inquiétudes au sein de la communauté internationale durant la campagne, alimentant des craintes quant à la stabilité et à la direction future du Sénégal.
Cependant, les premières annonces du Président Faye ont rapidement rétabli la confiance. Son engagement à promouvoir la transparence dans la gouvernance, à maintenir une équidistance dans les relations internationales et à mettre en œuvre des mesures fortes contre la corruption a démontré sa détermination à améliorer la gestion des affaires publiques.
Preuve supplémentaire de ce regain de confiance, le prix des obligations du Sénégal sur les marchés internationaux a connu une croissance spectaculaire le jour suivant l'élection, passant de 1,4 cent à 75,88 cents sur le dollar, réalisant ainsi la meilleure performance de la journée parmi les émetteurs de dette souveraine sur les marchés émergents. Ce rebond post-électoral suggère un optimisme prudent de la part des investisseurs quant aux perspectives économiques du Sénégal sous le leadership du Président Faye.
Afin que cet élan positif se concrétise durablement, il est désormais essentiel que la communauté internationale apporte son soutien inconditionnel à la nouvelle diplomatie régionale du Sénégal.
En effet, le président Faye a clairement affiché sa détermination à défendre une idéologie souverainiste, en appelant notamment le Niger, le Burkina Faso et le Mali à réintégrer la CEDEAO. De plus, le Chef de l’Etat s'est engagé à promouvoir une intégration africaine plus forte, en prenant le leadership en faveur d'une réforme profonde du franc CFA. Ces initiatives ambitieuses visent à redonner au Sénégal un rôle de leader dans la définition des orientations stratégiques de l'Afrique de l'Ouest.
Cette position tranche nettement avec l'approche de son prédécesseur, Macky Sall, qui privilégiait la recherche d'un consensus au sein de l'organisation régionale avant de définir la position du Sénégal sur les questions régionales.
Le changement de cap stratégique annoncé par Bassirou Diomaye Faye offre une opportunité pour les pays occidentaux de s'appuyer sur le leadership régional du Sénégal pour réinitialiser leurs relations, devenues exécrables, avec un certain nombre de pays du Sahel par exemple. Ce partenariat permettrait ainsi d'envisager une coopération plus fructueuse dans une région rongée par l'instabilité, devenue le théâtre de conflits entre grandes puissances et où le sentiment anti-occidental est répandu.
Le panafricanisme de gauche prôné par le président Faye ne se limite pas à une vision de souveraineté nationale et d'autonomisation économique du Sénégal. Il représente également une occasion pour les pays occidentaux de repenser leur approche de coopération, en adoptant une logique d'équité et de co-développement avec le Sénégal et, plus largement, avec la région du Sahel. Le nouveau contexte politique au Sénégal constitue une opportunité unique pour la communauté internationale de démontrer son sérieux dans l'établissement de relations avec les pays africains basées sur le respect mutuel et une coopération gagnant-gagnant.
En changeant de paradigme, les pays occidentaux peuvent inaugurer une nouvelle ère de coopération et de prospérité partagée dans la région. Cependant, s'ils tardent à adopter cette nouvelle approche, le sentiment anti-occidental croissant dans la région risque de s'ancrer durablement.
Mayecor Sar conseille les gouvernements africains dans la conception de politiques publiques, le développement de stratégies et la mise en œuvre de leurs priorités (Delivery/Delivery Units) en Afrique. Il est également le fondateur et Directeur de l’Initiative pour un développement endogène de l'Afrique (IDEA), un Think Tank Panafricain travaillant sur les thématiques géopolitique et relations internationales, gouvernance et finances publiques et développement du capital humain.
LE PROCUREUR DE LA CPI SALUE LA CONDAMNATION D’AL HASSAN POUR CRIMES DE GUERRE
Présenté comme le commissaire de la police islamique du groupe Ansar Din, il a été condamné pour des actes de torture et d’atteinte à la dignité de la personne commis en 2012 et 2013 à Tombouctou, dans le centre du Mali.
Le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Ahmad Khan, a salué, la condamnation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité du militant islamiste malien Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud, estimant que le verdict marque une étape significative dans l’objectif de faire comparaître les responsables d’atrocité commises à Tombouctou.
‘’Je salue la condamnation prononcée aujourd’hui à l’encontre de M. Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud, un responsable de la police d’Ansar Eddine et d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à Tombouctou, au Mali, alors que la ville était sous le contrôle de ces groupes armés entre avril 2012 et janvier 2013’’, a réagi le procureur de la CPI.
Karim Ahmad Khan fait valoir, dans une déclaration rendue publique après le prononcé du verdict, que les juges de la CPI ont, sur la base d’éléments de preuve présentés par son Bureau, acquis la conviction que la culpabilité pénale avait été établie au-delà de tout doute raisonnable.
‘’La condamnation de M. Al Hassan marque une étape significative qui nous rapproche de notre objectif visant à amener les principaux responsables des atrocités commises contre la population civile à Tombouctou et dans la région à rendre des comptes’’, a commenté le procureur de la CPI.
Il n’a pas manqué d’insister sur le fait que cette affaire revêtait une importance particulière pour la Cour et pour son Bureau.
‘’C’est la première fois qu’un accusé est poursuivi et condamné pour persécution religieuse et pour avoir prononcé des peines en dehors de toute procédure régulière’’, a-t-il fait remarquer.
Le militant islamiste malien, âgé de 46 ans, a été reconnu coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, mercredi, par la Cour pénale internationale (CPI).
Présenté comme le commissaire de la police islamique du groupe Ansar Din, il a été condamné pour des actes de torture et d’atteinte à la dignité de la personne commis en 2012 et 2013 à Tombouctou, dans le centre du Mali.
La chambre de première instance de la CPI n’a pas encore indiqué la durée de la peine requise contre Al Hassan.
L’homme est présenté également comme un associé du tribunal islamique que des groupes se réclamant de la mouvance islamiste avaient institué à Tombouctou.
Le bureau du procureur de la CPI avait évoqué, à son sujet, des actes de torture, de viol, d’esclavage sexuel, etc.
Cinquante-deux témoins présentés par le procureur et 22 autres par la défense ont comparu à l’audience ouverte les 14 et 15 juillet 2023 pour le jugement du militant islamiste.
LE PRÉSIDENT KENYAN RETIRE LE PROJET DE BUDGET À L’ORIGINE DE VIOLENCES À NAIROBI
Une vingtaine de manifestants opposés à l’adoption du projet de budget 2024-2025 prévoyant de nouvelles taxes ont péri dans les violentes contestations qui ont secoué mardi la capitale et d’autres localité du pays.
Le chef de l’Etat kenyan, William Ruto, a annoncé, mercredi, le retrait du projet de loi de finances violemment contesté la veille dans la capitale de son pays, Nairobi.
Une vingtaine de manifestants opposés à l’adoption du projet de budget 2024-2025 prévoyant de nouvelles taxes ont péri dans les violentes contestations qui ont secoué mardi la capitale et d’autres localité du pays.
‘’Après avoir écouté attentivement le peuple kényan, qui a dit haut et fort qu’il ne voulait rien avoir à faire avec ce projet de loi de finances 2024, je m’incline et je ne promulguerai pas le projet de loi de finances 2024, qui sera par conséquent retiré’’, a indiqué le président kenyan lors d’un discours.
Dans des propos rapportés par le site d’information de Radio France internationale, William Ruto a déclaré : ‘’Je dirige un gouvernement, mais je gouverne aussi un peuple. Et le peuple a parlé’’.
LE PARI ÉCOLOGIQUE ET FUTURISTE DES BRT
Depuis le lancement de ce réseau révolutionnaire, les habitants de la capitale sénégalaise ont enfin accès à un transport rapide, confortable et respectueux de l'environnement. Un progrès salué par tous après des années d'embouteillages monstres
(SenePlus) - Dakar, la capitale a récemment lancé un tout nouveau système de transport public révolutionnaire : un réseau de bus rapides 100% électriques, baptisé Bus Rapid Transit (BRT). Cette initiative audacieuse, une première en Afrique selon RFI, vise à réduire les embouteillages monstres et la pollution atmosphérique qui sévissent dans cette ville ultra-congestionnée.
Comme le rapporte Léa-Lisa Westerhoff pour RFI, les nouveaux bus électriques offrent un confort et une rapidité inédits aux usagers. Cheikh, un jeune conseiller commercial, se réjouit : "Moi, d'habitude je faisais plus de deux heures pour arriver ici à destination à Sacré-Cœur. Maintenant, je le fais en 30 minutes. C'est une aubaine, pour nous. C'est bien, il est confortable, climatisé. On se sent bien, là."
Avec 55 places assises, 150 debout, la climatisation et une voie dédiée de 14 arrêts entre la banlieue et le centre-ville, ces bus électriques permettent des trajets fluides sans bouchons. "La rapidité, lance un passager enthousiasmé. En un temps record, je suis arrivé au travail. En 7 ou 8 minutes de trajet, c'est très rapide."
Pour une ingénieure civile, "c'est super efficace". "J'ai laissé ma voiture à la maison [...] Et ça nous aide avec les bouchons à Dakar qui sont monstrueux. Il était temps qu'on ait une meilleure mobilité au Sénégal."
Malick Ndiaye, le ministre des Transports, promet une extension majeure: "Plus de 1000" bus électriques et à gaz sont prévus, avec "des bus de rabattement pour permettre aux usagers de rejoindre le BRT et d'aller en ville".
La société concessionnaire Dakar Mobilité vise 300 000 voyageurs par jour à terme, avec un temps de trajet réduit de moitié.
Au-delà de fluidifier la circulation, cette révolution verte des transports vise à lutter contre la pollution meurtrière. Selon Thierno Birahim du Conseil exécutif des transports urbains de Dakar, "avec ce mode de transport non-polluant, nous faisons des économies de 59 000 tonnes de CO2 par an."
Toutefois, il souligne que "le BRT à côté du TER [train régional], ça ne suffit pas" face à l'explosion démographique et l'essor de la motorisation privée. "On est juste au début" d'une nécessaire transition vers des transports urbains durables.
En somme, ce réseau de bus électriques marque "un saut qualitatif énorme" selon M. Birahim, à la fois pour la mobilité et l'environnement des Dakarois, tout en appelant à poursuivre les efforts.
LA COOPÉRATION ENTRE RÉGIMES DE L'AES A PRIS UN CHEMIN DE NON-RETOUR, ESTIME ASSIMI GOITA
Mi-mai, les ministres des Affaires étrangères de l'Alliance des Etats du Sahel ont finalisé un projet de texte créant la Confédération de cette alliance que les chefs d'Etat de ces trois régimes militaires devraient adopter lors d'un prochain sommet.
La coopération entre les régimes militaires de l'Alliance des Etats du Sahel (AES - Mali, Burkina, Niger) a "pris un chemin de non-retour", a déclaré le chef du pouvoir malien, le colonel Assimi Goïta, après un entretien mardi à Ouagadougou avec son homologue burkinabè.
"Nos destins sont liés, nous avons pris un chemin de non-retour. Que ce soit clair", a affirmé le colonel Assimi Goïta à Ouagadougou, cité dans un communiqué du régime burkinabè, après un entretien avec son homologue, le capitaine Ibrahim Traoré. Selon le texte, Assimi Goïta est au Burkina pour "une visite d’amitié et de travail", dont la durée n'a pas été communiquée.
Le Mali, le Burkina Faso et le Niger, voisins et alliés depuis l'arrivée de militaires à leur pouvoir après des coups d'Etat – respectivement en 2020, 2022 et 2023, ont multiplié les actes de rupture avec la France, ex-puissance coloniale. Ils ont également annoncé en janvier leur retrait de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), une organisation qu'ils jugent instrumentalisée par la France.
L'AES a notamment pour but de "sortir des partenariats de façade et non efficaces pour nous orienter vers des partenaires sincères tels que la Russie, la Chine, la Turquie", a affirmé le colonel Goïta. "Ces nouveaux partenariats ont permis aux trois pays de bien s’équiper et de mener avec efficacité les opérations contre les groupes armés terroristes", a-t-il poursuivi.
Le Mali, le Burkina et le Niger sont minés par les violences meurtrières de groupes jihadistes. "Nous avons fait le point de notre coopération sur le plan bilatéral, abordé les questions sécuritaires et les questions sur le plan du développement économique", a également affirmé Assimi Goïta.
Le Mali et le Burkina travaillent ensemble sur des "formations conjointes" pour "renforcer nos capacités opérationnelles terrestres et aériennes", sur "le partage de renseignement entre nos services de renseignements et la mutualisation de nos moyens", a-t-il expliqué.
Mi-mai, les ministres des Affaires étrangères de l'AES ont "finalisé" à Niamey un projet de texte créant la Confédération de cette alliance, que les chefs d'Etat de ces trois régimes militaires devraient adopter lors d'un prochain sommet. Ni le contenu ni la date de la rencontre n'ont été communiqués.
LE GÉNÉRAL KOULIBALY, EX-N°2 DE LA JUNTE GUINÉENNE, EST MORT EN DÉTENTION
Il avait été condamné le 14 juin à cinq ans de prison ferme pour désertion et détention illégale d’armes par un tribunal militaire.
L'ancien chef d’état-major de l'armée guinéenne et ex-numéro deux de la junte au pouvoir est mort en détention des suites probables d'un traumatisme psychologique et d'un "stress prolongé", a annoncé la justice militaire mercredi.
Le général Sadiba Koulibaly, second du général Mamadi Doumbouya lors du coup d'Etat de septembre 2021, avait été condamné le 14 juin à cinq ans de prison ferme pour désertion et détention illégale d’armes par un tribunal militaire. Il est décédé le 24 juin, a annoncé le parquet militaire dans un communiqué qui suggère qu'il avait auparavant été transféré à l'hôpital.
L'autopsie ordonnée par la justice militaire à l'hôpital Ignace-Deen de Conakry indique que "le décès pourrait être imputable à un pyscho-traumatisme important et un stress prolongé" qui ont causé un arrêt cardiaque, dit le communiqué. Ses défenseurs avaient dénoncé son procès en criant à la machination.
Son décès survient dans une période de forte crispation intérieure, au moment où l'opposition critique un exercice du pouvoir autoritaire et solitaire par le général Mamadi Doumbouya, aujourd'hui investi président. La junte s'était engagée sous la pression internationale à rétrocéder le pouvoir à des civils élus d'ici à fin 2024, mais ce transfert est à présent repoussé à un horizon incertain.
Après le putsch de 2021, le général Koulibaly avait été nommé chef d'état-major de l'armée, poste qu'il a occupé jusqu'en mai 2023. Devenu ensuite chargé d'affaires à l'ambassade à Cuba, il était rentré en Guinée en mai afin selon lui de réclamer le paiement des salaires des personnels de la mission diplomatique. Il a été arrêté le 4 juin au motif que sa hiérarchie n'avait pas autorisé son voyage et qu'il avait abandonné son poste. Des armes ont été saisies chez lui, selon l'accusation.
Par Rama YADE
LES AFRICAINS TIENNENT L’AVENIR DE LA DÉMOCRATIE ENTRE LEURS MAINS
Si les putschistes convainquent, c'est parce que la pratique démocratique moderne a déçu, loin de l'héritage africain. Enseigner l'histoire démocratique africaine est essentiel pour concilier démocratie et souveraineté nationale sur le continent
D’ici la fin de l’année 2024, le visage de l’Afrique politique ne sera -théoriquement- plus le même. Avec dix-neuf élections programmées cette année, le continent verra partir des présidents élus il y a plus de dix ans (au Sénégal et au Ghana), des transitions civiles incertaines (au Mali et au Burkina Faso), des élections à enjeux élevés (comme en Afrique du Sud) et des hommes forts s’accrocher (en Tunisie, au Tchad, au Rwanda). Cette volatilité, conjuguée aux récents coups d’Etat sur le continent, rend de nombreux observateurs pessimistes quant à l’état de la démocratie en Afrique.
L’«hiver démocratique » africain
Cet «hiver démocratique» n’est pas propre à l’Afrique. Aux Etats-Unis, selon Gallup, seuls 28% des Américains - un niveau record, encore plus bas qu’au lendemain de lattaque du Capitole le 6 janvier 2021- sont satisfaits du fonctionnement de leur système démocratique. En France, dans le cadre d’élections législatives anticipées, l’Extrême-droite, pour la première fois dans l’histoire de la 5ème République, est aux portes de Matignon après avoir viré en tête aux élections européennes de juin 2024. Il n’est pas surprenant que la valeur de la démocratie soit également contestée en Afrique, et que les arguments contre elle prennent la forme de revendications de souveraineté nationale et soient principalement dirigés contre les anciennes puissances coloniales. Partout où des coups d’Etat récents ont eu lieu, les putschistes ont publiquement rejeté l’influence des anciennes puissances coloniales (comme dans la région du Sahel avec la France) ou des institutions occidentales (comme au Soudan, où le Général Abdel Fattah al-Burhan a utilisé les réformes structurelles inspirées par la Banque mondiale pour justifier son coup d’Etat d’octobre 2021). Les putschistes ont reproché aux gouvernements précédents d’avoir mis en place des régimes faussement démocratiques, faibles et responsables de la persistance du sous-développement. Au Niger, le Président Mohamed Bazoum est détenu contre son gré depuis le 26 juillet 2023, accusé par une junte militaire d’avoir eu des «échanges» avec des «chefs d’Etat étrangers» et des «responsables d’organisations internationales»
Comment le concept de démocratie, hier si consensuel, du moins en termes d’aspiration, est-il devenu si clivant que son rejet n’est même plus tabou ? Il n’est guère de conférence internationale où des putschistes africains qui n’ont été élus par qui que ce soit ne revendiquent leur légitimité pour prendre le pouvoir par la force, comme le Colonel guinéen Doumbouya aux Nations unies en septembre 2023, avec l’approbation d’une partie des opinions africaines, en particulier parmi les jeunes générations.
Les arguments qui servent de prétexte au rejet de la démocratie sont de piètres excuses, sans compter qu’il y a quelque chose de profondément insultant à suggérer que les Africains ne méritent pas de choisir leurs dirigeants et, par conséquent, de vivre librement. D’ailleurs, pourquoi devrait-on croire que la démocratie n’est qu’un concept occidental ?
Une vision africaine de la démocratie
La Charte du Manden, proclamée en 1222, à l’époque de l’Empire du Mali -des siècles avant la Déclaration des droits du Royaume-Uni- est considérée en Afrique comme la première déclaration des droits de l’Homme de l’histoire. La charte célébrait la préservation de la vie (article 5 : «Toute personne a droit à la vie et à la préservation de l’intégrité physique») et organisait la coexistence entre les communautés (article 11 : «En cas de disparition de votre femme ou de votre enfant, cessez de courir après eux dans la maison du voisin»). Elle protège également les droits des femmes (article 14 : «N’offensez jamais les femmes, nos mères» ; Article 16 : «Les femmes, en dehors de leurs occupations quotidiennes, doivent être associées à toutes nos directions»), les étrangers (article 24 : «Au Manden, ne maltraitez pas les étrangers»), les sans-abri (article 31 : «Nous devons aider ceux qui sont dans le besoin») et même l’ennemi dans la bataille (article 41 : «Vous pouvez tuer l’ennemi, mais non l’humilier»).
On le voit, les Africains connaissent très bien la pratique démocratique, et c’est vrai bien au-delà de l’Empire du Mali. Chez les Yoruba, le pouvoir du chef était révocable. Chez les Ashanti du Ghana, le chef du village était choisi par les chefs de famille, qui formaient un conseil. Une association d’adultes de chaque village représentait l’opinion publique et élisait un président.
De nombreux succès démocratiques en Afrique
Aujourd’hui, les exemples de réussites démocratiques en Afrique ne manquent pas. Dans son rapport de 2023, Freedom House écrit : «La liberté en Afrique a légèrement progressé en 2022, 11 pays ayant connu une amélioration des droits politiques et des libertés civiles, et 9 connaissant un déclin.» Au Liberia, en janvier 2024, Joseph Boakai a succédé pacifiquement à George Weah, qui avait succédé à la première femme Présidente d’Afrique, Ellen Johnson Sirleaf, en janvier 2018. Au Botswana, toutes les élections depuis l’indépendance en 1966 se sont déroulées dans le calme, dans un système institutionnel multipartite où les minorités sont représentées. De l’île Maurice aux Seychelles, en passant par le Cap-Vert, les îles africaines jouissent d’une stabilité politique remarquable. La Namibie se distingue par le fait qu’elle n’a connu que trois présidents depuis 1990. Le troisième, Hage Geingob, décédé en février 2024, a été élu pour la première fois en novembre 2014 lors des premières élections entièrement électroniques d’Afrique. Il a succédé à Hifikepunye Pohamba, qui a respecté la Constitution en démissionnant après deux mandats.
Le Ghana est l’un de ceux qui ont vu leur pratique démocratique notablement progresser. Depuis la réforme constitutionnelle de 1992, le pays a organisé huit élections libres, alors que l’actuel Président, Nana Akufo-Addo, s’apprête à quitter le pouvoir en décembre 2024 après deux mandats.
En Zambie, le Président Hakainde Hichilema a pris ses fonctions en août 2021, à l’issue d’une transition politique en douceur avec le Président sortant Edgar Lungu, malgré une rivalité de longue date entre les deux hommes. Hichilema se présentait à l’élection présidentielle pour la sixième fois dont trois contre Lungu. C’est la troisième fois depuis 1991 que le pouvoir passe à l’opposition en Zambie. Au Sénégal, dans un geste exemplaire qu’on ne trouve pas dans les démocraties les plus abouties du monde, le pays a porté à la tête du pays le plus jeune Président de son histoire, un opposant qui était encore en prison quelques semaines avant le scrutin.
Il convient de noter que si toutes ces expériences réussies sont individuellement célébrées comme des exceptions, elles représentent une tendance significative des succès démocratiques africain.
La diversité culturelle, une chance pour l’Afrique
Contrairement à la croyance populaire selon laquelle l’Afrique est une terre de guerres interethniques, l’importante diversité culturelle du continent, loin d’être un simple défi, est l’un des éléments les plus originaux des systèmes démocratiques africains. Par exemple, le Sénégal a été dirigé pendant vingt ans par un Président qui appartenait à deux groupes minoritaires, les Sérères et les catholiques, dans un pays majoritairement wolof et musulman. Avec plus de trois mille langues parlées et des défis culturels multiethniques, les modèles politiques africains n’ont pas d’équivalent ailleurs dans le monde.
L’histoire de l’Afrique est pleine d’expériences de gouvernance multiculturelle. Dans l’Empire du Mali, divers peuples ethniques -Touaregs, Wolofs, Malinkés, Bambaras, Peuls et Toucouleurs- vivaient ensemble, et la tolérance religieuse était telle qu’aucun roi malien n’avait mené de guerre sainte. L’empire du Ghana, qui couvrait une vaste zone allant du Tekrour à Awdaghost, comprenait des populations aussi diverses que les Bambaras, les Toucouleurs, les Wolofs et les Sérères. Bien que l’empereur soit de religion animiste, il faisait preuve d’une grande tolérance envers les musulmans et choisissait la plupart de ses ministres parmi eux, ainsi que le rappelait l’historien burkinabè Joseph Ki-Zerbo dans son Histoire de l’Afrique noire en 1972.
Il n’y a pas de conflit entre la démocratie et la souveraineté
Mais si les arguments contre la démocratie avancés par les putschistes et leurs partisans font mouche, c’est parce que la pratique démocratique moderne, loin de cet héritage africain, les a déçus. Tout d’abord, la période coloniale a entraîné la destruction des structures participatives africaines traditionnelles telles que «les sociétés acéphales, les royaumes centralisés, les théocraties électives, les cités-Etats indépendantes et les républiques oligarchiques», comme l’ont rapporté les chercheurs Fanny Pigeaud et Ndongo Samba Sylla dans un livre de janvier 2024, De la démocratie en Françafrique.
La démocratie en Afrique a aussi été la victime collatérale des rivalités géopolitiques, car des hommes ordinaires, qui cherchaient à diriger leurs pays au lendemain de l’indépendance -tels que Patrice Lumumba en République démocratique du Congo, Samora Machel au Mozambique et Amilcar Cabral en Guinée-Bissau-, ont rapidement perdu la vie.
Deuxièmement, dans un contexte d’essor du terrorisme, la sécurité a été privilégiée par rapport à la démocratie. Quelquefois, elle a été une excuse commode pour museler les dissidents, esquiver ou même falsifier les élections. Dans les années 1990, l’ouverture démocratique a pu balayer de vieux dirigeants -comme le premier Président de la Zambie, défait en 1991 après vingt-sept ans au pouvoir, ou le premier Président du Malawi, Hastings Kamuzu Banda, battu en 1994 après trente ans de règne-, mais les transitions familiales et militaires sont restées une réalité largement partagée en Afrique. Les expériences démocratiques les plus réussies se sont apparentées à des luttes de libération nationale et se sont faites à un prix élevé, comme en Afrique du Sud, où le destin de l’ancien Président Nelson Mandela illustre la dureté de la lutte démocratique.
Il ne fait aucun doute que ces épreuves ont créé une «fatigue démocratique» qui a été renforcée par la persistance du sous-développement dans des pays dont beaucoup sont pourtant richement dotés par la nature.
La démocratie, c’est en effet bien plus qu’un processus électoral. L’organisation d’une élection, aussi parfaite soit-elle, si elle est une condition à la démocratie, elle n’en est pas la garantie si le taux de participation est faible, si les partis politiques en lice représentent le même camp politique, si les conditions de la concurrence sont biaisées, si les citoyens ne sont pas éduqués ou informés des enjeux, ou s’il n’y a pas de recours possible. Autant d’éléments qui relèvent de la politique éducative, de la formation civique, de l’existence d’institutions fortes, et qui échappent souvent aux missions d’observation et aux classements internationaux.
Alors que sa population devrait doubler au cours des vingt-cinq prochaines années et qu’une génération émerge avec l’ambition de faire entendre sa voix, l’Afrique tient entre ses mains une grande partie de l’avenir de la démocratie dans le monde. La jeunesse africaine est farouchement engagée dans les affaires publiques. Il y a certes un fossé évident entre les jeunes Africains, y compris des mouvements citoyens comme Le Balai Citoyen et Lucha, qui pourchassent les régimes autoritaires, et ceux de la même génération qui applaudissent les putschistes sahéliens. Néanmoins, les jeunes Africains sont unis par un désir commun de souveraineté nationale.
Les voies d’une restauration démocratique en Afrique
Pour retrouver de la valeur aux yeux des peuples, la démocratie version africaine devra non seulement rajeunir ses cadres (les nouveaux dirigeants quadragénaires d’Afrique de l’Ouest tranchent avec l’âge avancé des dirigeants africains), mais également incarner cette aspiration à la souveraineté et à une dignité retrouvée. Ni Washington ni Pékin ne peuvent apporter cela aux Africains.
Quant aux Occidentaux qui veulent renouer avec ce vieux continent à la population si jeune, il est important qu’ils ne pratiquent pas les deux poids deux mesures, mais qu’ils appliquent plutôt à l’Afrique le niveau d’exigences démocratiques qu’ils ont pour leurs propres citoyens.
Les dirigeants africains, quant à eux, doivent comprendre que la démocratie est d’abord un acte de patriotisme. C’est pourquoi il est fondamental d’enseigner l’histoire démocratique de l’Afrique, afin que démocratie et souveraineté nationale sur le continent cessent de s’opposer. Il est également essentiel de renforcer l’éducation civique, dès l’école primaire. Dans l’arène politique, le renforcement des institutions est crucial, y compris les administrations et les services centraux, ainsi que les contre-pouvoirs tels que la Justice et les médias. Il sera également nécessaire que les institutions reflètent mieux les réalités africaines, grâce à une meilleure représentation des anciens, le renforcement de la gouvernance locale et l’inclusion des associations de jeunes. Enfin, il est crucial que les responsables des partis politiques, souvent affaiblis par des années, voire des décennies d’opposition, d’exil ou de prison, soient à la hauteur de leur lourde tâche. Si les hommes en treillis sont en vogue aujourd’hui, il y a fort à parier que ce ne sera pas toujours le cas, et qu’il faudra alors que des patriotes visionnaires soient prêts à prendre la relève.
Rama Yade est Directrice Afrique d'Atlantic Council à Washington DC
LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE PRÉOCCUPÉE PAR L’EXPLOSION DE LA VIOLENCE AU KENYA
L’Union africaine et l’Organisation des nations unies ont exprimé mardi leur inquiétude après les violentes manifestations survenues, mardi, à Nairobi, la capitale du pays, contre un projet de loi de finances controversé
L’Union africaine et l’Organisation des nations unies ont exprimé mardi leur inquiétude après les violentes manifestations survenues, mardi, à Nairobi, la capitale du Kenya, contre un projet de loi de finances controversé.
Moussa Faki Mahamat a, dans un communiqué, fait part de sa ‘’profonde inquiétude [face] aux explosions de violence qui ont suivi les manifestations publiques et ont entraîné des pertes en vies humaines et dégâts matériels.
Au moins cinq personnes ont été tuées au cours de cette manifestation de protestation contre le projet de loi de finances présenté par le parlement, le 13 juin dernier.
Ce projet de budget 2024-2025 prévoit l’instauration de nouvelles taxes, dont une TVA de 16% sur le pain et une taxe annuelle de 2,5% sur les véhicules particuliers.
Le secrétaire général des Nations unies António Guterres a également exprimé son inquiétude.
Dans un communiqué conjoint de leurs représentations diplomatiques, le Canada, le Danemark, la Finlande, l’Allemagne, l’Irlande, les Pays-Bas, l’Estonie, la Norvège, la Suède, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Belgique et les États-Unis ont également déploré les morts et blessures par balle enregistrés au cours de cette journée.
Le Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche a condamné les actes de violence et appelé au ‘’calme’’ indiquant que les ‘’États-Unis surveillent de près la situation à Nairobi’’.