Quelques semaines après le caillassage du cortège du président de l'Alliance pour la République et chef de l'État à l'Université cheikh Anta Diop de Dakar, "Le Populaire" vous plonge à la découverte de "Khay Senghor", qui recèle une autre histoire de guet-apens dont a été victime un ancien président de parti : Léopold Sédar Senghor. Cette histoire s'est déroulée à Keur Madiabel, une localité située à 33 km, au Sud-Ouest de Kaolack.
Le caïlcédrat, de son nom scientifique Khaya senegalensis, est un arbre de la famille des méliacées qui est également appelé acajou du Sénégal. Même s'il est très connu des populations des villes de Thiès et Mbour, parce que formant le décor des allées centrales de ces dites communes, le caïlcédrat est aussi un remède aux maux de ventre, au paludisme, aux diarrhées, aux allergies, aux inflammations des gencives, aux parasites intestinaux, entres autres maladies.
Mais au-delà de ses vertus médicinales, à Keur Madiabel, le nom scientifique du Khaya Senegalensis a été transformé en "Khay Senghor", du nom du premier président de la République du Sénégal indépendant, Léopold Sédar Senghor. Si l'appellation de cet arbre a changé dans cette localité, ce n'est nullement pour rendre hommage au "père" de la nation sénégalaise.
Bien au contraire. C'est plutôt pour marquer la journée "chaude" qu'il a vécue dans cette localité et sous cet arbre. Même si l'arbre n'est plus et les populations le confondent avec un autre arbre, le nom lui demeure toujours. Il est difficile de vivre à Keur Madiabel, sans pour autant entendre parler de "Khay Senghor".
La phrase de trop de Léopold Sédar qui a donné le nom de "Khay Senghor"
Situé à quelques mètres du marché de la ville et du garage de Wack Ngouna, "Khay Senghor" est tellement populaire qu'il est devenu le lieu qui abrite les meetings, les rencontres administratives et les manifestations les plus célèbres de la commune de Keur Madiabel.
Plus d'un demi-siècle après, l'histoire de "Khay Senghor" reste toujours un mystère, difficile à percer du fait qu'elle est racontée différemment, même par les témoins d'alors. Les natifs du village connaissent très bien "Khay Senghor" et servent une réponse sans équivoque sur le sujet.
"Qui ne connaît pas 'Khay Senghor' ? Depuis notre tendre enfance, nous fréquentons ce lieu", nous lance Ousmane Mbow, un jeune arabisant de la ville, selon qui, "Khay Senghor" a une histoire dans cette localité.
Lui emboîtant le pas Babacar Thiam, un autre Madiabelois de renchérir : "Cet arbre est un symbole pour notre communauté. Il est le lieu de rassemblement des populations. Les défilés du 4 avril et les manifestations les plus importantes se passent ici, à 'Khay Senghor'. Cet endroit est le plus populaire de la commune. Tout le monde le connaît à cause de son histoire. Il est devenu une place symbolique".
Si la popularité de cet arbre ne se pose pas dans cette localité, son histoire par contre reste mystérieuse, cela, même pour les habitants de cette commune. Même les plus âgés peinent à revisiter l'histoire de "Khay Senghor".
Selon certains témoignages que nous avons recueillis, après un périple à Kaolack où Léopold Sédar Senghor aurait prononcé sa célèbre phrase en disant aux Kaolackois : "Vous avez trente-deux dents, toute en or", pour valoriser ou se moquer de la fluorose dentaire des habitants de la capitale du Saloum, l'ancien président de la République du Sénégal aurait tenté de jouer ce jeu avec les Madiabelois. Mais ce fut de manière plutôt maladroite.
En effet, d'après les informations recueillies auprès du vieux Hady Thiam, "Léopold Sédar Senghor est venu à Keur Madiabel pour faire un meeting en 1958-1959, avant les indépendances donc. Après les doléances des populations, Senghor a tenu des propos insultants envers les gens de Keur Madiabel : Il avait dit :
'Dinalène gassal douche ngen thiy daye, seni baye dithi daye… (Ndlr : littéralement : Je vais vous construire des latrines où vous et vos parents pourrez faire vos besoins naturels)". Et l'enseignant de poursuivre : "Cette phrase a déclenché l'ire des populations qui se sont ruées sur lui à coups de pierre. Le meeting a ainsi été dispersé et il s'en est suivi une bataille rangée".
La communauté rurale transférée à Wack Ngouna, Keur Madiabel menacé
Selon lui, Léopold Sédar Senghor a été malmené, violenté, avant d'être extirpé et mis hors de danger. "Ses militants avaient du mal à le tirer des griffes de la population. C'est par la suite qu'on l'a mis dans la maison du Libanais Georges Adad, une demeure qui jouxte 'Khay Senghor'", informe-t-il.
Une version de l'histoire confirmée par plusieurs habitants de cette commune qui soutiennent que l'ancien Président avait prononcé ces phrases dans une assemblée au sein de laquelle se trouvaient plusieurs notables de Keur Madiabel et des villages environnants. Il faut dire que ces échauffourées ont été lourdes de conséquences sur le plan administratif pour Keur Madiabel.
"Après qu'il y a été battu et violenté, Senghor a pris la décision de transférer le chef-lieu d'arrondissement de Keur Madiabel vers Wack Ngouna", explique Moustapha Lô, un autre habitant de la commune qui confie que "Senghor avait même soutenu que si ce n'était pas Georges, il allait rayer Keur Madiabel de la carte, c'est-à-dire le réduire en cendre".
A Keur Madiabel aujourd'hui, presque toute la population reste unanime que les propos jugés déplacés du père de la Nation avaient été mal digérés par les habitants qui se sont défoulés sur lui à leur manière. Et cette histoire est la plus populaire et la plus véhiculée pour retracer l'histoire de "Khay Senghor". Mais depuis, "Khay Senghor" a accueilli des gouverneurs, des préfets, des sous-préfets, des responsables politiques et même des présidents de la République
El Hadji Moussa Fall, ancien président du communaute rurale de Keur Madiabel : "Senghor a été malmené à Khay Senghor, mais…"
Si à Keur Madiabel la quasi-totalité de la population estime que "Khay Senghor" porte le nom du premier président de la République parce qu'il aurait tenu des propos injurieux et avait été malmené par les autochtones en retour, d'autres par contre soutiennent que l'histoire est tout autre. C'est le cas d'El Hadji Moussa Fall, ancien président de la communauté rurale de cette localité et témoin oculaire des faits.
Témoin des faits lorsque Léopold Sédar Senghor a été malmené à "Khay Senghor", au point que l'histoire a gardé son nom pour cette place, El Hadji Moussa Fall ne partage pas le récit fait de cette mésaventure du premier président du Sénégal indépendant.
D'après lui, l'histoire telle que racontée ne s'est pas déroulée comme ça. Trouvé sur son lit en train de lire le saint Coran, l'homme âgé de presque de 80 ans se souvient encore des faits.
"'Khay Senghor' était un arbre géant qui faisait face à un autre arbre et s'ouvrait sur un espace paisible qui profitait aux populations. Les manifestations les plus importantes se tenaient sur ces lieux", a d'emblée rappelé l'ancien président de la Communauté rurale de Keur Madiabel.
Et le vieux Fall d'ajouter : "A la veille des indépendances et alors que les élections devaient se tenir, Senghor a organisé un grand meeting à Keur Madiabel. Et les populations ont répondu en son appel. D'éminentes personnalités du pays de l'époque, telles que Valdiodio Ndiaye et Lamine Guèye ont pris part à ce grand rendez-vous".
A l'en croire, tout le staff de Léopold Sédar Senghor a fait le déplacement et tout allait bien jusqu'au moment où Senghor a commencé à s'adresser à la population. "Senghor a été malmené à 'Khay Senghor', mais pas pour l'histoire de toilettes ou de latrines", précise d'abord le vieux Fall.
La référence à Serigne Fallou et le début des incidents
Narrant le déroulement du meeting, El Hadji Moussa Fall de dire :
"Léopold Sédar Senghor a pris la parole. Et en bon politicien, il a commencé à parler de Serigne Fallou. Alors, un homme, un talibé mouride, est venu à lui et lui a donné un billet de banque en guise de 'Hadiya' pour le bien qu'il a dit sur Serigne Fallou. Quand Senghor a prononcé une autre phrase sur Serigne Fallou, l'homme s'est levé et lui a dit que c'est un mensonge. Et c'est le début des hostilités", raconte le 3e président de la Communauté rurale de Keur Madiabel.
Poursuivant, il ajoute que "c'était certainement un provocateur. Mais quand il a dit ça, les gens se sont rués sur lui et le meeting a été dispersé. On a mis Senghor dans une voiture et on l'a conduit dans une maison d'un Libanais du nom de Georges Adad. C'est là que l'a mis son staff. Les autres ont fui. Les deux camps se sont arrosés de pierres. C'était finalement le sauve-qui-peut".
A en croire notre interlocuteur, Léopold Sédar Senghor et son staff sont restés dans cette maison, durant toute l'après-midi, le temps que les choses se calment. C'est après qu'ils se sont retirés calmement. Et depuis lors, dit-il, "le lieu est devenu le centre de convergence de toutes les cérémonies politiques et administratives".
"Senghor n'a jamais tenu de propos injurieux envers la population de Keur Madiabel. J'étais trop jeune pour me rappeler de ce qu'il avait dit, mais ce ne sont pas des insultes. C'est Iba Der Thiam qui avait promis de faire des lits de 'Formica' aux femmes. A son élection, on a baptisé l'arbre sous lequel cela s'était passé 'Khay Senghor'. Mais cet arbre n'existe plus. C'était un gros arbre avec une ombre fraîche", indique M. Fall.
Revenant sur le transfert du chef lieu d'arrondissement à Wack Ngouna, El Hadji Moussa Fall estime que si Keur Madiabel n'a pas été choisi pour abriter le chef lieu d'arrondissement, c'est parce que le village ne se trouve pas au centre des autres collectivités. "Contrairement a ce qui a été dit, Wack Ngouna a été choisi grâce à sa position géographique", corrige-t-il.
Keur Madiabel : une ville en panne d'infrastructures de base et de santé
Créé en 1860, la ville de Keur Madiabel tarde à décoller. Elle est dépourvue d'infrastructures de base dignes de ce nom. Le stade est inachevé. Le seul poste de santé qui y fonctionne est vétuste, parce que datant de 1946. Il est dans un état de délabrement très avancé.
Chose décriée par l'Infirmier chef de poste (Icp), Serigne Modou Top. Trouvé dans son lieu de travail, l'Icp nous diagnostique le poste de santé.
"Le poste de santé peut s'effondrer à tout moment. J'ai trouvé le poste dans un état très vétuste. Mais puisque je suis tenu d'être là à chaque fois qu'un malade se présente, j'ai essayé de refaire et de retoucher quelques fissures", confie M. Top qui insiste sur le fait que, compte tenu de la menace d'affaissement de la bâtisse, "ce n'est pas un endroit adéquat pour consulter un malade".
"Le bâtiment peut s'affaisser à tout instant. J'ai été logé dans le poste de santé. Mais pour des raisons de sécurité j'ai abandonné cette maison pour prendre en location une villa à l'intérieur de la ville", ajoute M. top selon qui, "les autorités de cette localité devaient plus penser à la structure sanitaire de Keur Madiabel. Parce que ce qu'on a ici ne correspond pas aux autres structures modernes du pays".
A en croire l'Icp, le poste de santé reçoit entre 800 et 1 000 malades par mois avec des patients venant des villages environnants. Cela, alors que même la vieille guimbarde qui sert d'ambulance est en panne depuis des lustres. Ainsi, les malades les plus inquiétants sont évacués à bord de véhicules de transport en commun ou de motos "Jakarta".
L'autre poste de santé construit par le marabout de la localité, El Hadji Barham Niasse n'est pas encore fonctionnel, renseigne-t-il. Idem pour la maternité qui peine à gérer ses malades. Les femmes souffrent pour accéder aux soins. Envahie par les mouches et les moustiques, la maternité ne dispose que de deux salles d'hospitalisation et d'une salle d'accouchement.
Selon la sagefemme Awa Niang, elle reçoit plus 200 malades par mois, mais n'a pas les équipements nécessaires. La ville possède en outre deux mosquées. L'une qui date de plus de 50 ans a été réfectionnée par Moustapha Niasse, l'actuel président de l'Assemblée nationale. L'autre en phase de finition est construite par le chef religieux de la localité.
C'est dire que les 15 000 âmes de Keur Madiabel n'ont toujours pas pu sortir du gouffre, bien que des fils prodiges de la ville occupent de hautes fonctions dans la sphère gouvernementale.
Crise de décembre 1962. Senghor ne partageait pas la même vision de la souveraineté du Sénégal que Mamadou Dia et Valdiodio Ndiaye. Pour autant, ces derniers auraient-ils poussé le bouchon jusqu'à fomenter un coup d'État contre Senghor ? Ancien ministre français de la Justice, Robert Badinter jure que non. "Il n'y a jamais eu de complot auquel Valdiodio Ndiaye aurait participé", lance-t-il dans cette vidéo.
PAGANON : ''SENGHOR A ÉTÉ À L'ACADÉMIE FRANÇAISE POUR SES CAPACITÉS INTELLECTUELLES'
Dakar, 17 avr (APS) – L’ancien président de la République du Sénégal Léopold Sédar Senghor n’a jamais été admis à l’Académie française ''pour services rendus à la France'', mais pour ses capacités intellectuelles, a soutenu, vendredi à Dakar, l’ambassadeur de France Jean-Félix Paganon.
''Il est injuste de dire que le président Senghor a été admis à l’Académie pour services rendus à la France. Cela ne jamais été le cas. Ce n’est pas même respecter Senghor, les Sénégalais ou les Français’’, a notamment dit Jean-Félix Paganon.
Le diplomate français animait une conférence publique sur ''La nouvelle diplomatie de la France en Afrique'', à l’initiative du Groupe Sup De Co de Dakar.
Au cours de cette rencontre, Jean-Félix Paganon a largement abordé ‘’la nouvelle configuration’’ des relations entre la France et les pays africains, les nouveaux défis sécuritaires et la logique de partenariat qui lie les pays africains à l’ancienne métropole.
''Il faut cesser de dire cela qui ne repose sur aucun fondement. Dire que l’ancien président sénégalais a été admis à cette académie pour les services qu’il a rendus à la France est faux, injuste et sans fondement’’, a insisté le diplomate
AMADOU LAMINE SALL : "JE ME SUIS INTÉRESSÉ DANS MON LIVRE A L'AVENIR DE LA PENSÉE DE SENGHOR"
Dakar, 26 mars (APS) - Le poète Amadou Lamine Sall déclare s’être intéressé à l’avenir de la pensée de Léopold Sédar Senghor (1906-2001) dans le nouveau livre qu’il lui a consacré.
M. Sall, lauréat du Grand prix de l’Académie française et président de la Maison africaine de la poésie internationale (MAPI), a présenté son dernier livre ''Senghor : ma part d'homme'' au public, ce jeudi, à Dakar, en présence de plusieurs personnalités, dont le président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse.
Il n’est pas question du ''passé de Senghor'' dans cet ouvrage de 390 pages, mais de ''l’avenir de sa pensée'', a-t-il précisé.
''Je n'aborde pas son passé, mais l’avenir de sa pensée et de son action. Son héritage mérite d’être revisité en ces temps inquiétants. Senghor nous a appris que ce qui décide de la valeur d’un pays, c’est la qualité de la morale que ce pays défend et incarne'', a expliqué Amadou Lamine Sall.
''Par ce livre, je ne fais que participer fort humblement à l’histoire de sa vie, évoquer mon compagnonnage unique avec le poète considérable qu’il est et qu’il restera'', écrit l’auteur sur la dernière de couverture du livre.
En lui consacrant ce livre, "je raconte mon Senghor à moi, celui que j’ai vu rire, aimer, pleurer (...) Poète, professeur, théoricien et homme d’Etat, sa pensée et son action se résumaient à l’investissement dans l’éducation et la culture. Cet investissement est pour lui le premier investissement économique de notre civilisation'', a expliqué M. Sall.
Il ajoute, en parlant de l’homme de lettres et premier président de la République du Sénégal : ''On peut l’aimer ou ne pas l’aimer, mais il est difficile de ne pas le respecter (…) Il est difficile de prendre sa place dans l’histoire de notre pays, de notre continent et du monde.''
Moustapha Niasse, qui a été directeur de cabinet du président Senghor, a dit qu’il a surtout retenu de lui son ''engagement'', sa ''vertu'' et sa ''morale''.
''Senghor n’était pas un politicien, mais un homme politique. Il était homme d’abord et mettait ses qualités au service de la société'', a ajouté M. Niasse.
Plusieurs personnes ayant connu Senghor sont intervenus pour louer les nombreuses ''anecdotes'' sur sa vie, que contient le livre d’Amadou Lamine Sall.
LES JOURNALSITES À LA DÉCOUVERTE DE LA MAISON DU POÈTE
Pour comprendre Senghor et le connaître - ne serait-ce qu’un tout petit peu - rien de tel qu’une découverte de son environnement, le milieu dans lequel il a vécu. Et ils en ont appris, les journalistes présents, hier dans la matinée, aux Dents de la Mer (la résidence du président poète rachetée par l’Etat du Sénégal et érigée en musée avec conservateur et guide), rue Léo Frobenius, FannRésidence.
Guidée par le conservateur, Mme Maïmouna Ndoye Mbengue, Mme Léna Diop Keïta et Mme Dème d’Eiffage, et du monument des lieux, Barthélémy qui est là depuis 1978, la poignée de journalistes est comme éberluée…
Une des premières étapes de cette visite guidée, c’est les appartements privés : la chambre de Senghor et celle de son épouse Colette, aux murs tapissés d’une toile vert menthe : tout est agréable, mais tout est si sobre, dépouillé… Pas de tarabiscotage, ni des lourdeurs, ni de clinquants….
Tout est si simple ! Et renvoie tant de sérénité ! Les photos de ses enfants Guy Waly, Francis Arfang, Philippe Maguilen, la fiancée allemande de ce dernier, morte avec lui dans un funeste accident de voiture en juin 1981 à Dakar… ne laissent pas la tragédie vécue par le poète.
La propriété est vaste, enchanteresse, conçue par l’architecte Fernand Bonamy, selon un style soudano-sahélien qui n’est pas sans rappeler Tombouctou. Tout est poétique, à commencer par la quiétude et la gaieté des lieux voulus par un artiste dans l’âme.
Le bureau, la bibliothèque, les appartements privés… tout est élégant dans la sobriété. Que l’étiquette d’ancien président de la République n’abuse pas ceux qui auraient cru pouvoir voir des ors, du luxe, un décorum lourd….
Non, tout est plutôt dépouillé, simple, mais quand même beau. Il y a une sorte de mythe qui se dégage de chacun de ces coins, recoins, objets et qu’on suppose que Senghor a touchés leur conférant, de ce fait, un statut de relique précieuse.
Les rayons de la bibliothèque révèlent ce que les lisait Senghor. Une dé- couverte intéressante d’avoir une idée de ce qu’a pu lire cet intellectuel, poète, esthète, poète…
Les murs sont ornés de tapisseries et de toiles de maîtres séné- galais – ces artistes qu’il a soutenus par un mécénat personnel et d’Etat. Il y a là la piscine, dans laquelle Senghor faisait ses longueurs et, en sortant du bassin, soutenir que « pour être beau comme un dieu, il faut faire de la natation ».
La maison est à présent redevenue comme elle était quand le propriétaire la bâtit pierre par pierre ; pas en un seul jet, comme l’explique, le conservateur Mme Mbengue, ancienne directrice du Livre au ministère de la Culture.
Le président y allait (dans la construction de sa maison) selon ses propres moyens… Mais, depuis des années, les Dents de la mer – un nom donné non pas par Senghor lui-même, mais par les Sénégalais, précise Mme Mbengue - se mourrait, se morfondait, envahie par les poussières, vieillie par des infiltrations d’eau, rendue lugubre par des arbres aux branchages pendants…
Jusqu’au jour où la présidence de la République demanda l’appui de l’entreprise de Btp Eiffage Sénégal qui entreprit des travaux de restauration de fond en comble et qui coûtèrent 300 millions de francs.
Aujourd’hui encore, Eiffage est là, ses jardiniers, ses «maintenanciers« de différentes branches… Ils seront là en attendant que l’Etat prenne en charge son musée et assume ses responsabilités de propriétaire de la maison Senghor en envoyant du personnel adéquat pour l’entretien et l’animation des lieux.
Le musée est ouvert au public et les entrées payantes : On peut venir là tenir des afterwork, mais pas des activités qui risquent de défigurer la maison.
QUARANTE-DEUX TEXTES INÉDITS DE SENGHOR DANS UN RECUEIL DE 376 PAGES
Dakar, 17 déc (APS) - La Fondation Léopold Sédar Senghor a compilé dans un ouvrage 42 textes inédits de son parrain, dans le but notamment de sauvegarder son patrimoine, a-t-on appris, mercredi à Dakar.
‘’Il s’agit de rassembler ces textes pour contribuer à bâtir cet Etat grâce à une mémoire qui nous permettra de ne pas reprendre le travail mais d’avoir une assise solide [...]’’, a dit son directeur général Raphaël Ndiaye, lors de la présentation de l’ouvrage, intitulé ‘’Education et culture’’.
Cet ouvrage de 376 pages est un recueil de textes de Senghor, écrits entre 1963 et 1987. Ces textes comprennent des discours prononcés en diverses occasions : cérémonies de réception de prix, de distinction, colloques scientifique, etc.
Le livre a été co-édité en partenariat avec la maison d’édition Présence africaine. Il est préfacé par Felwine Sarr.
Raphaël Ndiaye a tenu à remercier le président de la République, Macky Sall, et le Premier ministre Mahammed Dionne qui ont au nom du gouvernement commandé 500 ouvrages.
‘’Senghor a écrit tout au long de sa vie (…) ceci parce que c’est un intellectuel, mais surtout parce qu’il est conscient que la page blanche est une vrai épreuve pour clarifier les idées (…). C’est la raison pour laquelle il nous a laissé un patrimoine très important de textes’’, a ajouté M. Ndiaye.
Il s’est agi selon lui de passer en revue 198 textes de la série Liberté 5 à Liberté 1, précisant qu’une trentaine d'entre eux a été publiée dans la revue Ethiopique, de 1975 jusqu’à la mort du président-poète.
‘’Nous avons, à partir des archives de la fondation, pu sortir une quarantaine de textes qui ne figuraient pas dans toutes ses œuvres (…). Il a donc été visionnaire, car la fondation n’a été créée qu’en 1975. Mais il a veillé à ce que les textes, qu’il a écrits des années avant, soient répertoriés et envoyés à la fondation’’, a-t-il relevé.
Cette publication est aussi une manière de rendre Senghor présent, a en outre soutenu M. Ndiaye. Selon lui, Senghor s’est retiré de la vie politique, ‘’mais l’homme de culture, le poète, l’universitaire a été invité un peu partout dans le monde pour continuer à délivrer des messages''.
Il a rappelé que Senghor a eu une réflexion de dimension mondiale, ‘’tout en s’appuyant sur son patrimoine culturel local''. D'après lui, il a fait avancer ''la question du dialogue des cultures, et a popularisé le terme de civilisation de l’universel''.
‘’Le fait de dire que toutes les cultures, toutes les civilisations ont leur dignité et doivent être respectées en tant que telles, doivent avoir un dialogue les uns avec autres pour l’enrichissement mutuel, c’est un message intemporel. Il est indépassable, car à tout moment nous aurons besoin de le rappeler pour le vivre’’, a déclaré Raphaël Ndiaye.
Pour Felwine Sarr, enseignant à l'Université Gaston Berger, le thème du livre ''Education et culture'' a toujours été la préoccupation de Senghor, car il avait le souci de construire une nation ancrée dans sa culture et ouverte au monde, mais il a aussi le souci d’éduquer les hommes.
Senghor est également revenu selon lui, dans ce livre, sur des vieux débats, où il répond à des questions, ou à des objections qui lui ont été adressées, comme le fameux vers controversé '' La raison est hélène, l'émotion est nègre''.
Plusieurs personnalités ont honoré de leur présence la cérémonie. Il y avait entre autres Lilyane Kesteloot (chercheuse belge), l'ancien directeur de la Fondation Basile Senghor, l'ancien ministre Mamoudou Touré, ou encore Elhadj Kassé, président du comité scientifique du Sommet de la francophonie.
L’aide de camp du président Senghor entre 1962 et 1964, le général Amadou Bélal Ly, a joué un rôle important dans la crise politique qui avait secoué le Sénégal à l’époque. Un livre-témoignage a été lancé samedi, retraçant le parcours de cet homme.
Le véritable tombeau des morts, c’est le cœur des vivants. L’hommage rendu samedi au général Bélal Ly par ses pairs et sa famille confirme cet adage. "Le général Ly a eu beaucoup de mérite. Plus qu’un militaire, il a été le pompier de la République", a déclaré l’ancien ministre et Chef d’état major des armées, général Lamine Cissé.
La cérémonie de présentation et dédicace de l’ouvrage de Mouhamed Abdallah Ly intitulé "Général Amadou Bélal Ly le dernier mot" s’est tenue à la caserne Samba Diéry Diallo. Le livre est un recueil des témoignages de l’aide de camp du président Léopold Sédar Senghor durant les périodes troubles qui ont suivi l’indépendance du Sénégal.
"Il a fait des prouesses dans certaines négociations. Il a été préfet de Kédougou et de Tambacounda et gouverneur de Casamance, avec tout ce que cela voulait dire à l’époque", poursuit le Général Cissé qui a préfacé l’ouvrage. Ainsi, un accent a été mis sur le rôle de pacification que le général Ly a joué, en compagnie du général Jean Alfred Diallo et du major Foster Preira.
L’œuvre qui retrace tout un pan de l’histoire du pays aborde toutefois des contenus qui dépassent les événements de la crise politique de 1962, selon l’auteur. "Il y a le caractère multidimensionnel de l’homme qui est passé de talibé à imam, de soldat de 2ème classe à inspecteur général des Forces armées, Bélal est un homme qui a pratiqué sa vie durant les hautes vertus du soldat", a soutenu Mouhamed Abdallah Ly, chercheur à l’UCAD.
L’auteur trouve que la coïncidence de la parution de son livre avec celui des mémoires de l’ancien président Abdou Diouf est une heureuse tendance qui va profiter à la postérité : "Aujourd’hui ce geste est de plus en plus croissant. Les acteurs-clés de la vie publique souhaitent léguer une partie de l’histoire du Sénégal à la jeune génération", a-t-il déclaré.
LA SAGESSE D’ABDOU DIOUF
À son accession à la tête du Sénégal, le successeur de Léopold Senghor refusa de créer une garde présidentielle composée exclusivement de son ethnie – Il voit aujourd’hui d’un très mauvais œil les partis fondés sur des bases confessionnelles ou ethniques
IBRAHIMA FALL DE SENEPLUS |
Publication 21/10/2014
Abdou Diouf s'est toujours démarqué du sectarisme fondé sur la religion et l’appartenance ethnique. À 79 ans, il ne semble pas près de changer.
Abdou Diouf a peut-être été pour beaucoup dans la crédibilité de l’armée sénégalaise. Il a probablement beaucoup contribuer à éviter au Sénégal ces interminables conflits inter ethniques ou/et religieux source de chaos dans nombre de pays africains.
En effet dans une longue interview parue ce lundi sur le site de l’hebdomadaire français L’Express (lexpress.fr), l’ancien chef de l’État (1981-2000) révèle avoir fait la sourde oreille devant certains de ses pairs- ses aînés à l’époque- qui lui suggéraient, à son accession au pouvoir, il y a plus de 30 ans, de "créer une garde présidentielle composée exclusivement de gens de (s)a tribu". Il se montra catégorique : "D'abord, je n'ai pas de tribu. Ensuite, il existe déjà une garde. Enfin, la plupart de ceux qui me servent au palais de la République sont des Casamançais, en qui j'ai entière confiance."
Cet épisode démontre que le successeur de Léopold Senghor s'est toujours montré prudent face aux questions religieuses et ethniques. Dans ses mémoires, relève le journaliste de L’Express, Diouf raconte "comment il a persuadé Senghor de bannir constitutionnellement tout parti fondé sur des bases confessionnelles ou ethniques".
Sa position sur le sujet n’a pris aucune ride avec le temps. C’est pourquoi, il voit aujourd'hui d’un très mauvais œil l’éclosion en Afrique de partis politiques fondés sur des bases confessionnelles ou ethniques. Il dit : "Je ne fais la leçon à personne. Mais, dans mon pays, ça a marché. Très ami avec Chadli Bendjedid (président de l'Algérie, de février 1979 à janvier 1992), je lui avais suggéré d'agir de la même manière chez lui. Il ne l'a pas fait. Et un parti islamiste- le Front islamique du salut- a gagné les élections. Au Sénégal, quand on parle d'ethnies, c'est sous forme de boutade. On appelle cela la parenté à plaisanterie. J'ai un patronyme à consonance sérère. Les Toucouleurs, les Dioulas, les Mandingues, les Soninkés me considèrent donc comme un esclave. Mais ils le disent sur le ton de la blague, pour évacuer toute tension en la matière."
Le legs de Léopold Senghor
L’accession d’Abdou Diouf à la magistrature suprême a suivi une trajectoire linéaire. Gouverneur, ministre, Premier ministre et président de la République à la faveur de la démission de Senghor. Un legs "écrasant" ? "Non, j'ai vécu des années durant dans son ombre, avec la certitude qu'il m'avait choisi pour lui succéder, répond l’ancien chef de l’État. Je me suis moulé dans la fonction en suivant ses traces. Sur la fin de son ultime mandat, il s'est comme placé en retrait, m'envoyant en première ligne. Quand j'allais, à sa demande et en qualité de Premier ministre, en tournée dans les régions, ai-je appris, il convoquait les gouverneurs et leur livrait cette instruction : ‘Abdou va venir chez vous, je veux qu'il soit accueilli aussi bien que moi.’"
Élu (1983) et réélu deux fois (1988 et 1993), Abdou Diouf a perdu le pouvoir en 2000 à la suite de sa défaite à la présidentielle face à Abdoulaye Wade. Depuis 2003, il est secrétaire général de la Francophonie. À l’heure de quitter définitivement ses fonctions, au détour du prochain sommet de la Francophonie, prévu à Dakar les 29 et 30 novembre prochain, il estime avoir "réalisé les rêves des pères fondateurs" de l’Organisation des pays ayant le français en partage.
Il explique : "L'OIF est une organisation respectable et respectée, qui, en partant de la langue, se bat pour la diversité culturelle et travaille en faveur du développement, de l'éducation, des jeunes et de leur formation, de la promotion des femmes et de l'égalité hommes-femmes, ou encore à l'essor de sociétés civiles solides et influentes."
Et à propos de la "santé de la langue française dans le monde", il se dit également satisfait. "Croyez-moi, elle est bien vivante, clame le Président Diouf. Le nombre de locuteurs francophones augmente, de même que l'effectif des apprenants. Notre grand regret, c'est de manquer de moyens pour répondre à toutes les demandes. Au passage, le continent qui progresse le moins en la matière, c'est l'Europe ; et celui qui assurera l'avenir du français, c'est l'Afrique."
A quelques jours du XVe sommet de la Francophonie, où se retrouveront à Dakar des représentants des 77 pays (57 membres de plein exercice et 20 observateurs), un rappel du rôle que joua Léopold Sédar Senghor dans la création même du concept de francophonie s’impose.
Dans Anglophonie et francophonie , Senghor affirmait : «J’ai regretté, pour ma part, qu’on n’eût pas maintenu, en l’adoptant à nos indépendances, le «Commonwealth à la française» qu’était la communauté. Je le regrette encore aujourd’hui, car les relations entre la France et les pays indépendants d’Afrique -ses anciennes colonies, anciens protectorats et anciens territoires sous tutelle- restent, malgré tout, ambiguës. Ce qui est une mauvaise situation pour toutes les parties.»
La Francophonie s’inscrit donc dans le prolongement de la communauté et des conférences franco-africaines organisées par Georges Pompidou et que Senghor présenta en 1979 et 1980, comme un projet de «communauté organique de la francophonie». Mais quel rôle a véritablement joué Léopold S.Senghor dans la création de l’organisation ?
Mame Birame Diouf, ancien ministre de la Culture, lors de la cérémonie d’ouverture du colloque du Cercle Richelieu Senghor sur Senghor et Francophonie, tenu à Dakar le 29 novembre 2006, rappelait que la Francophonie est, si l’on peut dire, la figure arche type de l’idéal et de l’œuvre «senghoriens».
«C’est le testament qu’il nous lègue, où il nous donne à lire non seulement le monde tel qu’il voudrait qu’il soit, mais aussi les voies et moyens d’atteindre cet idéal. Nous le savons, c’est au moment même où le Général de Gaulle lançait son projet de communauté franco- africaine que Léopold Sédar Senghor se faisait l’avocat d’une francophonie «fille de la liberté et sœur de l’indépendance»», disait- il.
Le projet Francophonie avait identifié, dès l’entame, le refus de la contrainte et toutes les oppressions comme le fondement le plus sûr du dialogue interculturel. Sans perdre de temps, le Président Senghor œuvrera à rassembler les pays adhérant à ces retrouvailles impulsées par un «commun vouloir de vie commune».
Ce fut la création de l’union africaine et malgache, creuset de l’organisation commune africaine et malgache. Dans la revue Esprit, Senghor affirmait que la Francophonie est «un humanisme intégral qui se tisse autour de la terre : [une] symbiose des «énergies dormantes» de tous les continents, de toutes les races qui ne réveillent à leur chaleur complémentaire».
Ce qui fait dire à l’ancien ministre, Mame Birame Diouf, que l’interdépendance, le co-développement et la solidarité des peuples et des nations, dont Senghor s’est fait le chantre n’auraient pu être visés hors d’un contexte de fraternité dans le respect mutuel et le dialogue des cultures. Pour lui, il s’agit là, d’ «une solidarité des esprits facilitant la promotion d’un monde pluriel et garantissant, par cette pluralité même, sa propre durabilité».
Un exemple suffit pour illustrer cette assertion, défendait-il : «Senghor a souvent déploré l’indifférence des intellectuels africains pour leurs propres langues. «Hélas, a-t-il dit, quand, en 1937, dans une conférence à la Chambre de commerce de Dakar, j’ai préconisé l’enseignement des langues nationales, je n’ai trouvé aucun intellectuel pour m’appuyer».»
Greffe de toutes les cultures du monde
Pour l’ancien ministre de la Culture, la Francophonie a permis au Président- poète de résoudre cette difficulté. «Aujourd’hui, l’on ne peut que se réjouir de la multiplicité et de la qualité des programmes d’appui aux langues nationales, développés par les organisations francophones. C’est bien la preuve que nous venons tous à ce lieu de rencontres en sachant qu’il s’agit d’un lieu du «donner et du recevoir» où nous devons nous rendre avec ce que nous avons de plus précieux, notre culture et, d’abord, nos langues», avait-il mentionné.
Non sans omettre d’ajouter que pour Léopold Sédar Senghor, la Francophonie n’est pas une fin en soi. Pour Senghor, rappelait-il, la Francophonie est un exemple. N’a- t-il pas caractérisé son projet en parlant de «Common wealth à la française» ?, s’était interrogé M. Diouf avant de conclure qu’en réalité, la conviction «senghorienne» est que les peuples peuvent toujours trouver, dans la géographie, l’histoire, la culture, des principes qui les feront converger les uns vers les autres.
Et ces lieux et moyens de convergence seront inévitablement entraînés, grâce à l’esprit qui les meut, dans une dynamique de symbiose dont la civilisation de l’Universel.
Bernard Dorin, président d’honneur du cercle Richelieu Senghor de Paris, affirmait d’ailleurs à juste raison que pour Senghor, la Francophonie n’est pas une simple institution, une simple organisation internationale.
«Pour celui qui, avant d’être un homme d’Etat, fut d’abord poète, grammairien et académicien, la Francophonie, c’est avant tout une philosophie, une vision du monde. Père de la francophonie, Léopold Sédar Senghor était en effet un humaniste avant tout. Si ses idées fondamentales sont issues du mouvement d’affirmation noir appelé «Négritude», elles sont également nées des greffes de toutes les cultures du monde», disait-il. M. Dorin de préciser somme toute que pour
Senghor, la Francophonie est aussi, fondamentalement, un projet de développement culturel puisque «le français comme langue représente, au demeurant, une culture de synthèse». «Loin d’uniquement se fonder en un lieu et une culture, comme le voulait la pratique coloniale, la francophonie «senghorienne» se présente plutôt comme une refondation, appelant à la construction de nouvelles bases, à la création d’un nouvel espace collectif», avait-il indiqué.