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26 novembre 2024
Opinions
Par Abdoulaye THIAM
KHALIFA SALL, LE DERNIER BAROUD D’HONNEUR
Doyen parmi les favoris ! A 68 ans depuis le 1er janvier dernier, Khalifa Ababacar Sall joue sa dernière carte pour se faire élire président de la République le 24 mars prochain
Doyen parmi les favoris ! A 68 ans depuis le 1er janvier dernier, Khalifa Ababacar Sall joue sa dernière carte pour se faire élire président de la République le 24 mars prochain. Après avoir raté la Présidentielle de 2019 dont il était donné ultra-favori, à côté de Macky Sall, l’ancien maire de Dakar va donc livrer son premier et dernier ( ?) combat en tant que candidat pour la magistrature suprême. Un énorme paradoxe au vu de la longévité politique de ce poulain de Abdou Diouf, puis de Ousmane Tanor Dieng.
Socialiste dans l’âme, homme d’Etat convaincu, Khalifa Ababacar Sall a toutes les prédispositions pour la station présidentielle. Son parcours force le respect. Responsable des Jeunesses socialistes, Secrétaire général chargé des élections et de la vie politique du Parti socialiste (PS), il a été élu député en 1983 alors que Bassirou Diomaye Faye n’avait que… 3 ans
Ministre chargé des relations avec les institutions, puis ministre du Commerce, son expérience et son sens élevé de l’Etat et du respect des principes et valeurs de la République, lui créditent un bon score. Cette confiance s’est d’abord installée lors de son passage à la mairie de Dakar lors des élections municipales du 22 mars 2009. «Khaf», alors leader de la coalition Benno Siggil Senegaal (s’unir pour un Sénégal debout, en langue wolof) adresse à Me Abdoulaye Wade (président de la République) un coup de Jarnac et se fait élire maire avec 81 des 100 voix exprimées. Inédit ! Pour la première fois, le parti au pouvoir perd la capitale. Khalifa Sall commence alors à tisser sa toile vers les sommets. Alors que son parti, le PS, rejoint avec armes et bagages la coalition Benno Bokk Yaakar ; pis, décide même de renoncer à sa raison d’être, c’est à dire la conquête du pouvoir, celui qui se dit «Boy Grand Yoff», par opposition à «Boy Dakar» pour ne pas dire un «dandy», décide de naviguer à contre-courant. Ce, après avoir remporté haut la main les Locales du 29 juin 2014. Tel un tsunami, sa coalition Taxawu Dakar balaie tout sur son passage et s’adjuge quinze (15) des dix-neuf (19) communes d’arrondissement de la ville de Dakar.
Un véritable camouflet pour Macky Sall et surtout son Premier ministre, Aminata Touré «Mimi», qui va mordre la poussière jusque dans son fief de Grand-Yoff. Avec le projet du pavage, le déguerpissement des marchands ambulants à Dakar, l’éclairage, la distribution gratuite du lait à l’école, Khalifa Sall commence à entrevoir un destin présidentiel. Il est adulé, adopté, cité en exemple. Malheureusement pour lui, il va déclarer très tôt son ambition de briguer la magistrature suprême. Un péché de lèse-majesté que le Chef de l’Etat ne pouvait accepter. La machine judiciaire s’emballe et broie le maire de Dakar.
Accusé d’avoir profité de ses fonctions pour détourner 1,8 milliard de francs CFA (2,7 millions d’euros) de la régie d’avance de la mairie de Dakar, «Khaf» sera incarcéré le 7 mars 2017. Le tribunal va par la suite le condamner à une peine de 5 ans de prison ferme, assortie d’une amende pénale de 5 millions francs CFA, sans dommages et intérêts. Un procès en mode fask-track qui va battre tous les records de célérité dans le seul et unique but de lui rendre inéligible.
Réélu, après l’élimination de Khalifa Sall et de Karim Wade, Macky Sall accorde la grâce à l’ancien maire de Dakar le 29 septembre 2019 avec une «remise totale des peines principales». La grâce n’effaçant pas les faits, Khalifa Sall se lance dans la conquête de ses droits civiques et politiques qu’il obtiendra au détour d’un dialogue politique en prélude duquel il va pêcher par égard de langage. «L’essentiel, c’est que je puisse faire partie» de la course présidentielle, soutenait-il. Ce, après une «brouille» au sein de Yewwi particulièrement entre Ousmane Sonko et lui. Ce dimanche, Khalifa Sall saura si sa popularité entre 2009 et 2021 est restée intacte ou pas pour son dernier baroud d’honneur.
par Félix Nzale
RENVERSEMENT DE PERSPECTIVES
A qui parle-t-on donc d’une société sénégalaise en lambeaux qu’il a fallu reconstruire et réconcilier ? A quoi fait-on référence ?
«Léguer un Sénégal réconcilié et en paix», telle est la raison qui aurait motivé la décision du Président Macky Sall de reporter l’élection présidentielle au dimanche 24 Mars, alors qu’elle devait se tenir le 25 février. Le concerné l’a encore réaffirmé à l’occasion d’un entretien qu’il a accordé à la Bbc.
Réconciliation et paix. Le refrain est entonné partout par les hommes et femmes du président dans quasiment toutes leurs sorties de campagne électorale. De même que par des membres de la société dite civile. Mais que l’on nous permette d’émettre quelques objections. Pour dire que le Sénégal n’a jamais été un pays divisé : pas de conflits inter-ethniques, ni de conflits inter-confrériques, ni de conflits inter-religieux… toutes choses qui sont le fondement de notre vivre-ensemble. A qui parle-t-on donc d’une société sénégalaise en lambeaux qu’il a fallu reconstruire et réconcilier ? A quoi fait-on référence ?
Les tragiques événements survenus en 2021 et qui ont couru jusqu’en 2024 ne sont rien moins que la conséquence de l’irresponsabilité de nos hommes politiques, entretenue par certaines entités dont les médias. Et des Sénégalais ont dû se lever pour exercer leur devoir citoyen de renversement de paradigmes et de perspectives.
Il s’est alors agi de se dresser contre ceux qui se sont assurément trompé en pensant que le bien commun consistait exclusivement dans leur réussite personnelle, leur pouvoir et dans la satisfaction de leur avidité.
Il s’est agi de la défense du registre moral contre le rapport de force instauré par les réalistes-cyniques où les forts et les puissants l’emportent, et les faibles perdent toujours. Il s’est agi de manifester contre les sautes d’humeur qui gagnent la vie politique au détriment de la rationalité et du long terme.
Il s’est agi de s’opposer au mépris des lois qui conduisent à l’ochlocratie.
Il s’est agi de faire barrage aux imposteurs qui, une fois au pouvoir, s’emploient à noyauter toutes les institutions.
Il s’est agi d’exiger la moralisation de la vie publique, d’aller à la chasse aux conflits d’intérêts, aux arrangements douteux… et de réaffirmer la moralité au poste de commande de l’action politique. C’est de tout cela qu’il a été question. C’est de tout cela qu’il sera question…
A moins que.
par l'éditorialiste de seneplus, ada pouye
CHASSEZ LE MACKY, IL REVIENT AU GALOP
EXCLUSIF SENEPLUS - Il a plié face à la mobilisation citoyenne, mais n’a pas rompu dans ses intentions d’empereur pour jouer dans les coulisses en vue d’un coup KO
Après s’être moqué du peuple du Sénégal avec un ni-ni puéril, après avoir reconduit envers le peuple du Sénégal la violence coloniale d’élimination de l’opposant par la déportation et l’emprisonnement, après avoir poignardé dans le dos le peuple du Sénégal le 3 février 2024 par un coup d’Etat, Macky Sall se donne à nouveau en spectacle en se livrant à une furie d’abrogation, d’amnistie, de générosité fiscale, et comble d’entourloupette il s’auto-absous : « … je n’ai commis aucune faute ». Chassez le Macky, il revient au galop.
Tous les régimes se sont maintenus au pouvoir en s’appuyant sur un appareil répressif, mais ce qui s’est passé sous le magistère de Macky Sall est sans précédent avec le nombre de morts enregistrés, le nombre de prisonniers d’opinion et le nombre de manifestations interdites.
Macky Sall a plié face à la mobilisation citoyenne qui a traversé tous les segments de la société sous le leadership des plateformes citoyennes, mais n’a pas rompu dans ses intentions d’empereur pour jouer dans les coulisses en vue d’un coup KO. Pendant 12 ans sans compter son passage bref au ministère de l’Intérieur, aout 2003-avril 2004, directeur de campagne du candidat Abdoulaye Wade en 2007 et Premier ministre d’avril 2004-juin 2007, Macky Sall connaît bien tous les subterfuges pour saboter le processus électoral en amont et en aval. Tous ces actes de gouvernance renvoient à la volonté de préserver le pouvoir à la manière des ploutocrates.
Nous sommes dans une phase de transition complexe dont les principaux acteurs mesurent de manière différenciée les enjeux. Une transition par le bas (T.L. KARL et P. SCHMITTER) impulsée par les masses sous la forme de mouvement citoyen de vaste ampleur à travers des manifestations multiformes portées par une catalytique de la société civile et des organisations traditionnelles avec les éclairages scientifiques des universitaires flambeau du bouillonnement intellectuel.
En tirant les leçons des mandats qui se sont succédé et des conclusions tirées des Assises nationales, les pistes sont balisées pour un État post-colonial déconnecté de la colonialité, mettre en perspective la dissolution de l’Assemblée nationale, la mise en place de la constituante indépendante et souveraine, l’organisation des Assises de la citoyenneté, verrouiller toutes les velléités de l’exercice autocratique du pouvoir en s’appuyant sur des leviers autogestionnaires autour du quartier, du village comme unité de transformation citoyenne, communautaire politique, sociale, culturelle et économique. Il s’agit d’impulser la dynamique de la refondation de l’État et tuer le monstre de l’hyperprésident et empereur. Plus jamais ça.
Par Mohamed GUEYE
CHARTE D’ENGAGEMENTS : LE PATRONAT MET LA CHARRUE AVANT LES BŒUFS
La campagne électorale semble le moment rêvé pour plusieurs acteurs socio-politiques de se positionner en interpellant les candidats sur des engagements sur des points précis. - «Sursaut Citoyen» est un des groupes les plus dynamiques sur la question,
La campagne électorale semble le moment rêvé pour plusieurs acteurs socio-politiques de se positionner en interpellant les candidats sur des engagements sur des points précis. On a vu l’un des groupes les plus dynamiques sur la question, «Sursaut Citoyen», demander aux candidats à la Présidentielle de signer leur Pacte de bonne gouvernance démocratique pour une refondation des institutions. Il encourage instamment tous les candidats à signer ledit document. Cela n’est pas quelque chose de nouveau. On peut relever que depuis la Présidentielle de février 2007, les acteurs socio-politiques qui s’étaient retrouvés dans les Assises nationales, encouragent régulièrement les politiciens à s’engager à mettre en œuvre les conclusions desdites assises.
On se rappelle qu’entre les deux tours, en 2012, Macky Sall était allé signer les fameuses conclusions. Une fois au pouvoir, il avait fait valoir qu’il avait apposé sa signature «avec réserve». Cela l’avait poussé à mettre en place une Commission nationale de réforme des institutions (Cnri), qu’il avait fait présider par un monument national, Ahmadou Makhtar Mbow, pour lui donner plus de crédibilité. Une fois le travail de la commission achevé et les conclusions en sa possession, le Président avait déclaré qu’il allait y prendre ce qu’il jugeait bon. A voir ce qu’il en est advenu, on peut imaginer qu’une fois la délégation de la Cnri sortie du Palais, Macky Sall s’est dépêché de mettre leur document à la poubelle.
On exagère à peine.
Mais il faut noter que les Sénégalais ont de la suite dans les idées. La fraîcheur de l’accueil des autorités sénégalaises n’a jamais refroidi les ardeurs des militants de ce que l’on peut appeler «la Gauche sénégalaise», ainsi que de certains groupes d’activistes, de voir adoptées les décisions issues des Assises nationales ? Pour beaucoup, c’est même devenu un leitmotiv. Au point qu’ils en viennent à faire penser à Caton l’Ancien, avec son fameux «Delenda Carthago»…
Et puisqu’il faut actualiser les choses, les conclusions des Assises ayant besoin d’être mises à jour, d’autres mouvements viennent parfois ajouter d’autres revendications. On a vu ainsi un collectif dénommé And Samm jikko yi, association pour la préservation des valeurs, qui a souvent occupé le terrain politique à l’occasion des élections locales et législatives de l’année dernière, pour amener les différents partis et coalitions politiques à s’engager, une fois élus, à voter une loi criminalisant l’homosexualité. Face au refus de la coalition au pouvoir de s’engager sur cette voie, les dirigeants de la structure n’ont pas hésité à donner un mot d’ordre de vote pour faire battre les candidats soutenus par le pouvoir de Benno.
Cette fois-ci, on n’a pas encore entendu pareille prise de position, mais il reste encore des jours. Car les «activistes» ne lâchent rien encore. La mode aux engagements est telle que même les acteurs économiques s’y sont mis. On voit circuler depuis bientôt 3 jours, une «Charte des priorités & d’engagements pour le secteur privé national» qui serait signée par la Chambre de commerce de Dakar (Cciad), le Cnp, le Mdes, l’Unacois Jappo, l’Unacois Yessal, le Ges, la Cdes, la Cnes et le Cis. Bref, par toutes les structures représentatives des chefs d’entreprises du Sénégal, même ceux dont l’entreprise tient à leur attaché-case.
Dans le préambule de leur texte, ces organisations (réaffirment que) «le Sénégal ne peut se construire sans son secteur privé national, et soutenons qu’aucun pays ne peut apporter des réponses durables à l’amélioration des conditions de vie de sa population et à la création d’emplois durables, sans ses énergies nationales productrices de richesses». De ce fait, elles disent que «l’Etat-Stratège que nous voulons est celui qui considère que ses relations avec son secteur privé national sont bâties sur la confiance, l’engagement, la solidarité, la transparence et le respect mutuel».
A partir de ces considérations, ces organisations demandent à «celles et ceux qui sollicitent les suffrages des Sénégalais», de signer la Charte d’engagements présidentiels.
Ce document contient 30 engagements qui portent aussi bien sur la gouvernance politique que sur l’organisation de l’économie. Aux côtés des questions portant sur l’environnement économique, on trouve des points relatifs au contenu local, à l’emploi, la formation, le financement des entreprises, la fiscalité et la Douane, les marchés publics, le foncier et bien d’autres encore. Sur tous ces différents points, ce patronat national souhaite un engagement des aspirants dirigeants du pays, qu’il encourage à signer à la Chambre de commerce de Dakar, sur la Place de l’indépendance.
Il faut noter que ce document n’indique pas si ces membres du patronat dont on connaît la proximité de certains avec des candidats présidentiables, n’indiquent pas s’ils ont pris langue avec certains de ces candidats, et encore moins s’ils ont eu à lire leurs programmes économiques. Si cette démarche élémentaire n’a pas été accomplie, comment pensent-ils pouvoir convaincre des politiciens à adhérer à leur charte, et espérer que ces derniers ne viennent pas à changer d’avis une fois qu’ils n’auront plus besoin de leurs suffrages ? Les expériences de Macky Sall auraient dû les édifier et les rendre plus circonspects. La méthode la plus raisonnable n’aurait-elle pas dû être, depuis bien longtemps -et pas seulement à la veille de l’élection- de prendre langue avec les différentes chapelles politiques, et interroger les leaders sur leurs visions par rapport à des points précis, au lieu de vouloir leur «vendre» un cahier des charges dont on ne sait pas s’ils pourraient le remplir ?
Assez inattendu de la part de personnes dont le premier point des préoccupations porte sur le moyen de «consolider le dialogue public/privé, apprécier l’impact de la politique économique et budgétaire, ainsi que des politiques sectorielles sur l’économie nationale».
Par Pierre SANé
UNE FEUILLE DE ROUTE POUR EN FINIR DÉFINITIVEMENT AVEC LE CFA/ECO
Lettre ouverte aux militants anti-Cfa à l’occasion de l’élection présidentielle sénégalaise de 2024. 2025 marquera le 65e anniversaire de l’accès à l’indépendance des colonies françaises d’Afrique. Beaucoup de commémorations et de réjouissances à venir
Lettre ouverte aux militants anti Cfa à l’occasion de l’élection présidentielle sénégalaise de 2024
L’année 2025 marquera le 65e anniversaire de l’accès à l’indépendance des colonies françaises d’Afrique. Beaucoup de commémorations et de réjouissances à venir!.
Sauf que tout au long de l’année, l’incongruité de la permanence du franc colonial (rebaptisé eco avant sa naissance !) continuera à susciter des controverses et des exigences visant à mettre fin au statut quo. Nous avons en 2024 l’opportunité d’écrire une nouvelle page de notre histoire contemporaine de la décolonisation. Ou de rester bloqués sur notre ligne de départ de 1960 ou pire de prendre un faux départ avec l’eco français.(qui peut littéralement être qualifié de non-événement).
Battre monnaie est un droit régalien qui relève de la compétence exclusive de notre Assemblée nationale, c’est à dire du peuple souverain. Le Cfa, même dans la version “eco” que se “seraient appropriée” certains chefs d’Etats africains n’en serait pas moins une violation continuelle de notre Constitution.(1).
Il faudrait donc commencer par se “réapproprier” notre droit souverain de battre notre propre monnaie au cas où il aurait été délégué par une convention quelconque. La souveraineté ne se délègue pas. A la limite, elle se partage dans un schéma d’intégration régionale (monnaie unique ou commune d’abord, forces de défense, commerce extérieur etc.). Après tout, près de 150 pays ont leur propre monnaie nationale, y compris 40 pays africains. Qu’on ne vienne surtout pas me dire que le Sénégal ne dispose pas des compétences économiques et techniques pour gérer une monnaie nationale alors que la Mauritanie et la Gambie en disposent. Ce n’est pas un problème technique mais politique.
Le subterfuge de l’Eco français
Le subterfuge de l’Eco français a été rapidement débusqué pour ce qu’il représente un leurre! La garantie accordée par la France lui donne un droit de regard sur les transactions internationales des pays de la zone Cfa/Eco et sur une dévaluation éventuelle, l’arrimage exclusif à l’Euro continuera à alimenter les transferts libres de capitaux et l’évasion fiscale et à plomber la compétitivité de nos économies, l’arrêt du compte d’opérations n’empêchera pas le “libre” dépôt des réserves ou de l’or auprès de la Banque de France ou de la Banque européenne (même si comme l’a souligné le Président français, cela ne devient plus... “obligatoire “). Quant au retrait des administrateurs français, cela ne réduit en rien la capacité à exercer la tutelle cette fois-ci par “le biais de relations plus informelles “ dixit le Président Macron dans son discours d’Abidjan. C’est la définition même du néocolonialisme : Indirect rule ! On connaît.
Mais l’élément le plus nocif c’est que la “garantie” de la France lui ouvre la possibilité d’influer sur les étapes suivantes dans la construction d’un espace monétaire commun en Afrique de l’Ouest et de le dérailler durablement. Ainsi le Président Macron dans son discours d’Abidjan du 21 décembre 2019 (disponible sur YouTube) fait-il appel au Ghana, à la Guinée, à la Gambie, à la Sierra Leone pour qu’ils se joignent à l’initiative française/UEMOA et ne mentionne pas une seule fois le Nigeria! Pas une seule fois! Tout est dit.
Mais cela dit dans ce débat, je pense que deux perspectives manquent à l’appel:
Mettre fin au franc CFA -ECO : Un débat de “nous dans nous
La discussion avec les chefs d’Etat africains des ex colonies françaises ou avec les responsables de l’Etat français ne doit pas absorber toute notre énergie. Ils nous entendent mais ils n’écoutent pas.
Alors je le redis haut et fort :
Le fait qu’une monnaie française (2) continue de circuler dans l’ancien espace colonial africain, 65 ans après les indépendances est tout simplement une aberration politique sociale et économique.
Tout simplement ...et le débat devrait être clos.
Cela a assez duré, l’immobilisme (pardon la”stabilité !) n’est pas consistant avec les besoins du développement et de l’éradication de la pauvreté. Parité fixe alors que tout bouge autour de nous? Après 65 ans on devrait savoir. Non?
Les arguments d’un Ouattara portant sur la stabilité, la garantie et l’inflation maîtrisée n’invalident en aucune manière la mise en place d’une alternative qui intègre ces critères (si tel est notre choix) tout en nous permettant d’exercer pleinement les attributs de notre souveraineté économique et monétaire indispensables à toute entreprise sérieuse de développement. Que ce soit au niveau national ou régional.
Mr Ouattara, on connaît son parcours. Après avoir dirigé la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest et porté un titre ronflant au FMI, il a été littéralement porté au pouvoir par les chars de l’armée française diligentés par l’Etat français et alliés à des gangs de rebelles surgis du Burkina Faso. (Ce que Guillaume Soro a récemment confirmé). L’allégeance de Alassane Dramane Ouattara à la Françafrique est indiscutable. Il n’est donc pas crédible.
Qui d’ailleurs en Afrique l’écoute?
L’état français quant à lui n’a jamais été respectueux et encore moins généreux avec ses ex-colonies, nonobstant la soit disant aide au développement. L’Etat français n’a jamais été “l’ami”des peuples africains. Jamais. Il suffit de relire les ouvrages d’histoire: déportations massives de nos ancêtres pour ravitailler les marchés d’esclaves outre atlantique, conquêtes coloniales d’une violence inouïe, expropriations arbitraires, travail forcé, balkanisation, pacte colonial....(5). Ce n’est pas pour rien que le colonialisme a été qualifié de crime contre l’humanité par les Nations Unies.
Vous avez dit “amis”?
Quant au Cfa, l’Administration française a quand même réussi la prouesse de rendre la BCEAO indépendante des Etats africains tout en maintenant sa tutelle à travers différents mécanismes administratifs et bureaucratiques. Prouesse d’autant plus remarquable que cette tutelle s’exerce hors de tout contrôle parlementaire français efficace bien qu’il s’agisse d’une monnaie éminemment française. In fine, le CFA est sous la seule tutelle du Ministre français des finances libre par ailleurs de toute supervision démocratique et qui, à travers la zone franc, contrôle l‘économie de tout un groupe de pays.
Chapeau! La France! Et l’Eco n’y changera rien
Soyons clairs: Si l’Etat français continue d’imposer la circulation de sa monnaie dans son ancien espace colonial, c’est tout simplement parce qu’il y trouve son intérêt et ce à notre détriment, sinon il y a longtemps qu’il y aurait mis fin. Sans état d’âme. Comme lors de sa décision unilatérale de dévaluer le CFA en 1994. Sans compter celle qui pourrait advenir ....par surprise (?)
Amplifier la campagne contre le Cfa-Eco français
Donc le débat n’est pas avec eux. Ou du moins, ce n’est pas le plus important. Ce que nous devons établir maintenant, c’est un rapport de force en portant le débat au sein de l’opinion publique et des organisations populaires. La question est la suivante: En quoi et à quelles conditions le remplacement du CfaEco par une monnaie nationale puis régionale serat-il bénéfique aux pêcheurs, aux éleveurs, aux producteurs d’arachides, de cacao, ‘aux femmes associées dans des groupements de production, aux PMEs et aux acteurs du secteur dit informel ..?
Le problème est donc politique. Et il relève du Parlement et de la société.
Pour chaque secteur, il faudrait en fait entreprendre de sérieuses recherches d’impacts futurs, développer les argumentaires et donner des réponses objectives car il s’agit de la vie des gens et il faut cesser de prendre des décisions à leur place. C’est eux qu’il faut convaincre car c’est à eux qu’il appartiendra de mener le combat (s’ils sont convaincus qu’il y va de leur intérêt) et de déclencher un processus de ruptures véritables visant in fine à mettre fin au pacte colonial, décoloniser le pays, l’Etat et les mentalités. On entame la décolonisation par quelque bout que l’on peut saisir. L’effondrement du système s’accélérant au fur et à mesure de sa déconstruction.
Mais au-delà des abstractions et autres théories macroéconomiques, il faut travailler sur des scénarios et des études de cas concrets. C’est ce qui est attendu des économistes.
Qu’ils aillent parler aux commerçants de Sandaga, futurs industriels potentiels de notre pays, et plancher sur des alternatives crédibles. Tout en faisant émerger le 1er député déterminé à soumettre à ses collègues une proposition de loi annonçant la fin du Cfa. Faire bouger les lignes. Tout le temps
Quant aux Ongs et partis politiques progressistes, ils doivent impérativement articuler leur mobilisation avec leurs alter egos français et européens pour plus d’efficacité.
Je pense notamment aux organisations italiennes et allemandes qui ont une capacité d’influence auprès de leurs gouvernements respectifs, gouvernements qui sont déjà sensibilisés sur ce sujet. Si le Cfa/Eco est un piètre pendant tropicalisé de l’Euro, les Européens devraient avoir leur mot à dire et se solidariser avec les peuples africains pris en otage par une Françafrique prédatrice qui bafoue les valeurs européennes. Mais commençons par exclure l’Etat français de la conversation.
Par quoi on remplace le Cfa?
L’Eco français est une diversion. Notre futur partagé, c’est la monnaie CEDEAO en passant éventuellement par nos monnaies nationales respectives. Le Cfa ne peut pas être réformé, il doit disparaître et la tutelle française avec, et être remplacé par les diverses monnaies nationales indépendantes puis on s’attèlera sereinement à la mise en place de la monnaie régionale tout en demeurant vigilants face aux futures tentatives de sabotage.
La CEDEAO a, sur papier du moins, changé de paradigme et remplacé l’approche institutionnelle de l’intégration régionale par une nouvelle approche dite de “l’intégration des peuples par les peuples et pour les peuples”. Néanmoins, la diplomatie des sommets continue avec sommets des chefs d’Etats précédés par des Conseils de ministres qui examinent des propositions et recommandations venant d’experts de la région et de consultants de la Banque mondiale et de la Commission Européenne porteurs du néolibéralisme ambiant. D’où le mimétisme observé dans l’évolution de la CEDEAO. On copie l’Union Européenne et on continue à faire une intégration sans les peuples
Une approche de l’intégration parles peuples voudrait que l’on parte des populations plutôt que des Etats. D’où ma question. En 2018 sur les 350 millions d’habitants de la CEDEAO, 196 millions utilisent le naira (monnaie du Nigeria). Qu’est-ce qui empêche qu’on en étende l’utilisation au reste de la population de notre région? Le CFA -ECO en Afrique de l’Ouest est utilisé par 120 millions de ressortissants des 8 ex colonies françaises. Pourquoi une monnaie française, minoritaire de surcroît devrait-elle servir de référant même sous sa nouvelle appellation? Pourquoi le Nigeria ou le Ghana devraient-ils choisir de s’assujettir à cette “servitude volontaire “? Non. Qu’on aille autour de la table chacun avec son drapeau et avec sa propre monnaie pour bâtir ensemble quelque chose de nouveau. Ensemble et sans tutelle.
Maintenant, nous savons tous que la référence pour l’Euro lors de sa mise en œuvre était le Deutsche Mark adossé à l’économie la plus puissante d’Europe. Et que le dollar américain, monnaie de référence mondiale, est adossé à l’économe la plus puissante de la planète. Le Nigeria est la 1ere puissance économique africaine. Son PIB s’élevait en 2018 à 398 milliards de dollars américains sur 614 milliards pour l’ensemble de la CEDEAO (15 pays) et 291 milliards pour les 8 pays de l’Uemoa pris ensemble. Ne serait-il pas logique que le naira soit une option sur la table lors des discussions sur le remplacement du CFA ? Et nous savons aussi que le naira est indubitablement géré de manière souveraine par la Banque du Nigeria. Une nouvelle Banque Centrale de la CEDEAO pourra bénéficier du panafricanisme sourcilleux de nos compatriotes du Nigéria, Ghana, Gambie, Guinée, pour faire du naira nouveau un outil de développement dégagé de toute tutelle coloniale. Vous imaginez l’administration française décidant de dévaluer le naira? Et nous avons assez d’or dans cette région pour constituer des réserves majestueuses pour notre nouvelle monnaie, réserves qui pourraient être centralisées en attendant l’unité monétaire.
Qui a peur du Nigeria ?
Ceci étant, il est de notoriété publique que le Nigeria souffre d’une gouvernance que nul ne saurait qualifier de performante. Mais si la monnaie devient régionale par la volonté des Parlements nationaux et sans interférence extérieure, elle sera nécessairement gouvernée par un nouveau dispositif régional à mettre en place y compris par une nouvelle Banque Centrale qui relèvera de l’autorité des 15 Etats partenaires se fixant comme priorités, enfin, le développement et l’accélération de l’intégration politique éléments qui sont exclus des fameux critères de convergence autre vulgate du dogme néolibéral s’il en est.
N’ayons pas peur du Nigeria! Ce sont nos voisins et nos frères. Nous sommes dans le même camp. Nous partageons les mêmes ambitions et faisons face aux mêmes défis contrairement à l’ancienne puissance coloniale qui nous enserre dans une dépendance structurelle mortifère
Rappelons-nous que l’ambition de l’Etat français depuis les années 60 a toujours été de fragiliser et si possible démembrer le Nigeria qu’il considérait (et considère toujours) comme un rival en Afrique de l’Ouest. Il a fourni armes mercenaires et soutiens logistiques aux rebelles du Biafra tout en instrumentalisant le soutien politique de Houphouet Boigny et Omar Bongo. Une guerre (1967-1970) qui a causé plus de 2 millions de morts et 4.500.000 déplacés et qui a plombé les ambitions de développement du Nigeria pendant des décennies. Délibérément. Quel camp choisissons nous? L’UEMOA porte-voix de la France ou la CEDEAO avec le Nigeria et nos voisins?
Sortir du pré carré
Car la vraie question est de savoir si nous avons confiance en nous et entre nous et si nous sommes après 65 ans d’indépendance prêts à prendre en mains ensemble les leviers de notre destinée commune? Sans tuteur. Comme 40 autres pays africains ayant une monnaie indépendante dont certaines sont bien gérées et d’autres pas. Pourquoi une rupture de tutelle devrait-elle d’ailleurs plonger la BCEAO dans une mauvaise gestion de notre future monnaie? Au contraire, cela donnerait la latitude aux chefs d’Etats de déterminer la vision et les stratégies qui permettront à la Banque Centrale de jouer le rôle historique que les populations sont en droit d’attendre d’elles à savoir rendre possible le développement et l’intégration régionale. Les élites françaises informées vous confirmeront sans ambages que l’Afrique, c’est l’avenir de la France. Elles le répètent à l’envi. Il convient donc pour elles de maintenir les liens coloniaux, quitte à les “faire évoluer”(sic).
Les élites africaines conscientes vous diront spontanément que la France c’est le passé de l’Afrique et que le passé, ça suffit, le futur nous appartient. Décoloniser le futur passe par la récupération de notre autonomie intellectuelle et culturelle. Sans quoi nous ne serons jamais en mesure de nous défendre dans cette guerre économique mondiale qu’on appelle globalisation. Nous serons tout au plus des auxiliaires et tirailleurs d’un camp ou de l’autre.
Sounds familiar?
Il est donc impératif que tous les candidats à l’élection présidentielle du Sénégal nous disent catégoriquement et sans faux fuyants où ils se situent.
1-L’Article 67 de la Constitution sénégalaise stipule qu’il relève de la prérogative de l’Assemblée nationale de déterminer “ le régime d’émission de la monnaie “.
2. Le F Cfa a été créé par décret de l’Etat français le 26 décembre 1945, il est géré par une Banque Centrale établie par la France et dont le siège n’a déménagé de Paris qu’en 1979. Le taux de change de la monnaie est décidé par le Ministre français des Finances de même que le montant de la masse monétaire et donc du crédit disponible. Sans parler de sa fabrication. Le Cfa est une monnaie française utilisée par le pré carré. La France en demeure le propriétaire légal.
3. Pour mémoire, ce sont les chefs d’Etat africains qui ont décidé ! Un fusil sur la tempe ! Comme au bon vieux temps !
4. Il se dit que ce serait une exigence du FMI avant le passage à l’Eco.
AMNISTIE FISCALE, ET APRÈS ?
Magnanimité ou manœuvre électorale? Si pour certains, l'amnistie fiscale accordée par le président à la presse est suspicieuse, d'autres appellent les journalistes à ne pas céder à la connivence
Une amnistie fiscale d’une valeur de 40 milliards FCfa et une réduction de moitié de la redevance télévisuelle qui passe d’un million à 500 mille F Cfa/mois. C’est la conséquence directe de l’audience accordée par Macky Sall aux patrons de presse le lundi 18 Mars.
Mais pourquoi une telle rencontre suscite-t-elle autant la controverse ? Sur les réseaux sociaux, les objections enflent. Massivement, l’on voit d’un mauvais œil cette «faveur» accordée aux médias à quelques jours de l’élection présidentielle. Pour la plupart des intervenants, l’occurrence est suspecte parce que, croit-on, le contexte et la perspective seraient très peu favorables au camp du pouvoir. L’on refuse de voir chez le président Sall un acte désintéressé qui témoignerait simplement de sa magnanimité.
Pour une partie de la presse acquise à la cause de pouvoir, il n’y a pas de problème. En ce qui concerne l’autre, il serait nécessaire et stratégique de «la faire adhérer». Ou en tout cas de la rendre moins «rebelle» et moins «malveillante». Ce sont là des opinions largement exprimées dans le débat qu’a occasionné l’audience.
Magnanimité ou acte sournois, toujours est-il que c’est aux journalistes de prendre leurs responsabilités en ne s’inscrivant pas dans une relation de connivence au détriment de la rigueur et de l’objectivité dans la relation des faits et le traitement de l’information. Nous le savons tous : les relations (interpersonnelles) et/ou les faveurs sont souvent de nature à conditionner les messages. Elles sont généralement perçues ici et là comme une sorte de prescription subliminale pour un regard… orienté.
En tout état de cause, ayons un préjugé favorable. L’on ne peut pas condamner toute la presse pour délit d’intention. La perspective pour notre pays est trop sérieuse pour qu’on se mette à jouer avec le feu.
Par Alioune TINE
VOIR LOIN, VOIR LARGE
On ne peut envisager la gouvernabilité de ce pays dans le long terme sans étudier les dysfonctionnements du présidentialisme exacerbé, (de droit divin) mais aussi le cumul entre la fonction de président de la République et celle de chef de parti
La période 2021-2024 est une séquence historique, politique et démocratique inédite dans l’histoire politique du Sénégal : pour la première fois un président de la République y organise une élection à laquelle il n’est pas candidat et le leader le plus populaire de l’opposition ne pourra pas y participer comme candidat parce qu’exclu par une condamnation de la justice pénale.
Au cours de cette séquence historique, la majorité et l’opposition ont essayé de conserver le pouvoir ou de le conquérir par tous les moyens, y compris par des moyens politiques non conventionnels.
C’est la raison pour laquelle on a failli tous frôlé la catastrophe, et il nous semble nécessaire d’en tirer les meilleures leçons.
Cette situation politique a créé une forte polarisation de la société sénégalaise. Toutes les normes de la démocratie, de l’État de droit et des droits humains ont été transgressées, créant un lourd passif humanitaire. On a vécu une situation politique et sociale hors norme, une forme d’anomie et de perte de sens face auxquelles, par moment, on s’est senti tous impuissants.
Gaz et pétrole
Au cœur de cette problématique se trouve certes, la question récurrente de l’éligibilité et de la limitation des mandats présidentiels à deux, mais aussi l’aggravation des enjeux de pouvoirs au Sénégal avec la découverte du gaz et du pétrole qui aiguise de façon exacerbée tous les appétits. La lancinante question du retour comme par effet de boomerang du troisième mandat depuis 2012, semble être la conséquence de la découverte du pétrole et du gaz (rarement soulevée de façon explicite dans les débats publics).
Les raisons de ce recul sont étroitement liées à la crise structurelle du système démocratique sénégalais, de l’État de droit, de la gouvernance, des droits humains et la compétition sans merci exacerbée depuis 2011-2012 par les enjeux de pouvoir et les nouveaux enjeux géopolitiques liés à la découverte d’immenses ressources gazières et pétrolières.
Les crises et les violences politiques lors d’élections présidentielles ou d’enjeux de pouvoir élevés ont souvent donné lieu à des violences suivies de morts d’hommes, des détentions arbitraires, des cas de tortures, de destructions massives de biens publics et privés et donné lieu à des négociations pour trouver un consensus (1963, 1968, 1988, 1993, 2011).
Institutions
En réalité, le report du scrutin présidentiel initialement prévu le 25 février 2024 a provoqué un séisme politique sans précédent dans l’histoire politique du Sénégal, considéré par l’écrasante majorité du peuple sénégalais comme un « coup d’État constitutionnel » qui a contribué à l’aggravation de la crise. Pour comprendre comment on en est arrivé là, il importe de porter un regard rétrospectif dans la durée sur les crises cycliques et structurelles qui ont scandé l’histoire du système politique et social du Sénégal.
Le report brutal et inconstitutionnel de l’élection présidentielle a ouvert la voie à diverses manœuvres politiques avec le « dialogue politique » et la loi d’amnistie très contestée par l’opinion sénégalaise, créant incompréhensions, cacophonies, prévisibles du reste chaque fois qu’une société est confrontée à de grands dilemmes et à des choix difficiles comme celui de la justice et de la paix. Si bien que toute médiation pour le dialogue politique, nécessaire pour une sortie de crise, était considérée comme suspecte pour la majorité de l’opinion. Quand on arrive à ce degré d’influence radicale, où personne ne croit plus à personne, on doit s’arrêter pour nous interroger sur notre société.
Ce que les prochaines autorités publiques doivent éviter à tout prix c’est le discrédit de la parole donnée.
Il faut préciser qu’au regard du droit international pénal, la loi d’amnistie ne permet jamais d’exonérer les crimes internationaux imprescriptibles et les crimes de sang (tortures, crimes contre l’humanité, génocides, crimes de guerre).
Les questions graves et sérieuses de l’impunité pourraient trouver une solution dans un mécanisme qui accompagnent la loi d’amnistie, notamment une Commission Paix, Vérité, Justice, Réconciliation, Pardon, Réparation des Victimes pour purger les cœurs et les esprits et les laver de tous les ressentiments, de toutes les haines et de toutes les revanches.
On ne peut envisager la gouvernabilité de ce pays dans le long terme sans étudier les dysfonctionnements du présidentialisme exacerbé, (de droit divin) mais aussi le cumul entre la fonction de président de la République et celle de chef de parti, car la responsabilité massive de tout ce qui s’est passé incombe d’abord aux décisions souvent hors-la loi et impunies du Président de la République.
Redistribution
La prise en charge des préoccupations essentielles des populations les plus marginalisées notamment les jeunes et les femmes qui représentent l’écrasante majorité de la population du Sénégal, notamment les préoccupations liées à l’éducation, à la formation et à l’emploi sont pour le Sénégal et la plupart des pays de l’Afrique de l’ouest le défi à relever pour les années qui viennent.
Il est inadmissible et dangereux que les jeunes et les femmes continuent à être marginalisés, continuent à ne voir aucun horizon, aucun futur pour leur épanouissement et leur bien-être et qui se sentent si mal et sans espoir aucun sur le continent au point de risquer leur vie pour un ailleurs où ils ne sont d’ailleurs pas désirés.
Se pose ici la question de la redistribution des ressources naturelles aux citoyens sur toute l’étendue du territoire national, comment mettre en œuvre de façon concrète la disposition de la Constitution disant que « les ressources appartiennent au peuple ».
Concernant les fractures territoriales, elles sont abyssales quand on compare Dakar au reste du pays. Dakar une capitale saturée, polluée, défigurée et de moins en moins vivable, réceptacle de toutes les vieilles voitures d’Europe, n’a pratiquement plus d’espace pour que les humains eux-mêmes puissent se promener en paix et en toute tranquillité, en dehors de quelques rares espaces aménagés de la Corniche.
Le débat sur le changement de la capitale est un grand débat qu’il faut mener aujourd’hui, parce que posé avec juste raison parle président Abdoulaye Wade en 2000, il a été escamoté et oublié. Il faut reprendre ce débat et créer une capitale au centre du pays et tisser une toile d’araignée avec les chemins de fer et toutes les formes d’infrastructures sur l’ensemble du territoire national, envisager de grands travaux qui permettent de trouver de l’emploi pour les jeunes. Transformer le pays dans la durée, relier le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest, corriger dans la durée les fractures territoriales et les fractures ethniques émergentes, qui il faut bien le reconnaître sont connectées.
État et confréries religieuses
La question de l’État du Sénégal et de ses rapports avec les confréries religieuses est un des legs de l’État colonial. Car les confréries religieuses, de sensibilité soufie par leur influence sur les populations sénégalaises fonctionnent d’une certaine manière comme les références idéologiques, axiologiques et spirituelles pour la plupart des populations sénégalaises.
Mais avec l’influence grandissante d’une nouvelle sensibilité religieuse de nature wahabite ou salafiste promue par des puissances arabes émergentes du Golfe et du Moyen-Orient, qui considère d’ailleurs les confréries religieuses soufies comme des déviances constituent de nouveaux défis pour toute la sous-région qui méritent réflexion. D’où l’intérêt aujourd’hui de repenser la question de la laïcité au Sénégal et de lui trouver un contenu consensuel qui permette à chaque citoyen d’exercer librement et en toute sécurité sa croyance.
État impartial
Cette crise a également créé des tensions entre les différentes institutions, notamment entre le pouvoir judiciaire, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Avec la crise que nous avons traversée, tous les seuils critiques en matière de démocratie, d’État de droit et de droits humains ont été franchis.
Le paradoxe de cette séquence politique, c’est que la justice qui est au centre des polémiques, et des débats a été à la fois un remède parce qu’après tout, c’est le Conseil constitutionnel et la Cour suprême qui ont sauvé le processus électoral. La justice a été aussi une espèce de poison car tout au long de la crise on a dénoncé avec juste raison une justice partisane, genre « Coumba am ndeye Coumba amoul ndeye ». Repenser la justice au Sénégal doit être une nécessité absolue.
D’où l’intérêt de revenir sur toutes les pathologies démocratiques et institutionnelles et les crises que ce pays a traversées et qui lui ont permis tout au long de sa trajectoire et dans le passé de trouver des anticorps qui lui ont permis d’avancer et d’avoir sa propre immunité démocratique, comme toutes formes de sociétés démocratiques dans le monde.
Mais la spécificité de la crise que le Sénégal traverse depuis 2021 est révélatrice d’une vulnérabilité toute particulière, et des menaces sur l’État, la Nation, le Vivre ensemble et le Contrat social. Cette vulnérabilité est perceptible avec l’émergence de la haine, des ressentiments et d’une défiance radicale vis-à-vis des institutions et qui constituent de véritables poisons qui gangrènent le champ politique et le champ social sénégalais. Si on y prend garde, le Sénégal pourrait connaître dans le futur un sérieux problème de gouvernabilité ou pire le sort de certaines démocraties de la sous-région qui se sont effondrées.
La grande question aujourd’hui c’est la gouvernabilité, les formes de gouvernement et la question centrale d’un gouvernement démocratique, républicain et impartial dans les années qui viennent dans le contexte où le pays change de statut avec l’exploitation du gaz et du pétrole, dans un contexte où les relations internationales changent à une grande vitesse avec une compétition de plus en plus accrue des grandes, des moyennes et des puissances émergentes qui cherchent à exercer leur influence dans les pays de la sous-région.
Mais aussi de la disruption sur l’ensemble des aspects de la vie politique, économique et sociale et même familiale ou individuelle que va inéluctablement entrainer l’Intelligence Artificielle dans les années qui viennent, si l’on n’anticipe pas ces risques et ces menaces dès maintenant.
Comment faire des pays africains non pas seulement de simples objets de géopolitique mais des sujets et des acteurs à part entière capables de défendre leurs intérêts stratégiques dans le cadre d’union régionale comme la CEDEAO ?
Comment faire face aujourd’hui aux risques de désintégration de la CEDEAO face à la création de l’Alliance des États du Sahel (AES) ? En dépit de tout ce qu’on peut penser, cela pose des questions et des défis sur lesquels il serait mal venu de rester indifférent, notamment la question majeure de la souveraineté sécuritaire qui se pose pour tous les pays africains et pour la région
Par Vieux SAVANÉ
LA VÉRITÉ DES URNES N’EST PAS CELLE DES FOULES
La guerre des foules fait rage, même s’il est hasardeux de se focaliser sur la capacité de mobilisation de tel ou tel camp pour subodorer d’une victoire ou d’une défaite à venir
Assurément, jusqu’au bout tout aura été inédit dans cette course à l’élection présidentielle. Après l’arrêt brutal du processus à quelques heures de l’ouverture de la campagne électorale, l’organisation avortée du dialogue qui s’en est suivi, voilà qu’avec le vote d’une amnistie et l’élargissement de prison de Ousmane Sonko, président de l’ex Pastef et son adjoint Bassirou Diomaye, candidat de la coalition Diomaye Président, la campagne électorale emprunte un nouveau tournant.
La guerre des foules fait rage, même s’il est hasardeux de se focaliser sur la capacité de mobilisation de tel ou tel camp pour subodorer d’une victoire ou d’une défaite à venir. Il est même à se demander si ce ne sont pas les mêmes foules qui se retrouvent, au gré des meetings et des cortèges, étant entendu que le temps de la campagne est un moment particulier pour sortir certaines contrées de leur torpeur en y apportant de l’animation et l’opportunité de bénéficier des largesses des candidats, à coup d’argent, de tee-shirts et autres gâteries.
La foule ne saurait donc à elle seule être une mesure d’appréciation des forces politiques en présence. Si tel était le cas, le Sénégal n’aurait pas connu deux alternances démocratiques puisqu’à vue d’œil et de télévision, il n’y avait pas photo avec les foules que drainaient les cortèges des anciens candidats à la présidentielle, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. La vérité des urnes n’étant pas celle des foules bigarrées et exaltées, il a fallu se rendre à l’évidence avec leurs défaites respectives en 2000 et 2012. Une autre donne est celui des inscriptions avec notamment les primo-votants. Se sont-ils majoritairement inscrits ? Ont-ils majoritairement retiré leurs cartes électorales ? Rien n’est moins sûr puisque des préfets de région attirent déjà l’attention sur les milliers de cartes d’électeur en dormance dans les commissions de distribution. Quoi qu’on en dise, ce sont là un certain nombre de paramètres qui vont influer sur l’issue des élections.
L’autre paradoxe qui travaille cette élection présidentielle est qu’ils sont 19 candidats à sillonner le pays en quête des suffrages de leurs compatriotes. Un record jamais atteint comme pour signifier l’attractivité de la fonction présidentielle, chacun essayant de se positionner au mieux dans une future « guerre des places ».
L’ego hypertrophié, nombre d’hommes et de femmes politiques demeurent sensibles aux manifestations furieuses et décadentes des attributs du pouvoir, faisant dire à une observatrice avisée qu’ « ils donnent l’impression que même Dieu est plus modeste qu’eux ».
A se demander alors si la rupture tant souhaitée est encore possible avec de tels travers ? Est-il seulement permis de rêver d’un président, avec les traits tirés, tendu et soucieux, les cheveux blanchis, tout occupé à sortir les Sénégalais de la pauvreté, refusant avec force cette « Comédie du pouvoir » qui se joue dans le ballet des va et vient des membres du gouvernement presque au complet, s’agglutinant à l’aéroport pour saluer « le grand patron», au départ et au retour de voyage. Va-t-on avoir un président de la République garant de la Constitution qui va défendre la laïcité, les libertés individuelles et collectives, promouvoir l’égalité entre hommes et femmes ? Va-t-on enfin voir un président qui veille au strict respect de la séparation des pouvoirs, refuse d’instrumentaliser la justice en mettant le coude sur des dossiers sensibles?
Dans leur grande majorité, nos compatriotes qui ne veulent nullement être les dindons de la farce, semblent pourtant disposés à consentir à tous les sacrifices, à condition que le chef donne le la. Une disposition psychologique dans laquelle ils se trouvaient d’ailleurs suite à la première alternance démocratique, sauf qu’ils ont dû déchanter quand ils ont compris que le pouvoir s’organisait autour de ce que Me Abdoulaye Wade avait confié à un de ses plus proches collaborateurs : « nos problèmes d’argent sont maintenant terminés ». Une situation qui perdure puisque de nos jours encore, l’insulte à la bouche, le laxisme et le népotisme en bandoulière, on continue d’enfanter des milliardaires, pour ne pas dire des enrichis sans cause.
Au-delà de la nécessité de ne pas céder à un dégagisme ravageur, l’enjeu de cette élection présidentielle consiste à choisir une personne dotée de vision et d’expérience, loin d’être sous la fascination du pouvoir ni obnubilé par un second mandat, mais plutôt mue par une vision, un esprit de conquête et de sacrifice. Car il s’agit de refonder les institutions et de participer par l’exemple à la mise en orbite de la conviction selon laquelle seul le travail crée la richesse. Au risque de flirter avec le chaos, ne perdons donc pas de vue que ce pays, constitué de 75 % de jeunes, est tenaillé avant tout par l’urgence de l’espérance.
par Ndiaga Gueye
UN PLAN DE RAMASSAGE DES PROCÈS-VERBAUX, ILLÉGAL, OPAQUE ET SUSPECT
Une enquête révèle l'existence de 826 bureaux de vote fantômes sur la carte électorale, ouvrant la voie à des fraudes massives. Par ailleurs, un second plan de ramassage des PV en dehors de tout contrôle met en péril la sincérité du scrutin
L’analyse de la carte électorale de l’élection présidentielle du 24 mars 2024 nous a permis de découvrir que 826 bureaux de vote supplémentaires étaient créés dans la carte électorale du territoire national.
Ces bureaux de vote apparaissent en réalité dans deux lieux de vote différents dans la carte électorale. Par exemple, dans la commune de Biscuiterie (Département de Dakar) les bureaux de vote № 20 à 24 apparaissent aussi bien dans la rubrique «Lieu de vote» à « École Biscuiterie » que dans la rubrique « Implantation » à « École Niang ». En conséquence, plutôt que 5 bureaux de votes, ce sont en réalité 10 bureaux de vote qui ont été créés.
Avec cette technique de réalisation de la carte électorale par la duplication des bureaux de vote qui peuvent être qualifiés de parallèles, délocalisés ou fictifs, 826 bureaux de vote ont été créés.
En définitive, il y a sur la rubrique « Lieu de vote » de la carte électorale, 15 633 bureaux de vote et sur la rubrique « Implantation », 826. En fin de compte, Il existe en réalité un nombre un total de 16 459 bureaux de vote sur le territoire national.
Il est important de noter que tous ces 826 bureaux de vote sont indiscernables aux candidats car dans aucun document relatif aux opérations de vote, il n’est point mentionné la rubrique « Implantation ».
Par conséquent, aucun candidat n’aura de représentants dans ces 826 bureaux de vote fictifs. En effet, le Préfet dans sa lettre de saisine aux candidats ne mentionne pas dans le canevas de désignation la rubrique « Implantation ». Les candidats ne seront ainsi représentés que dans les 15 633 bureaux de vote de la rubrique « Lieu de vote ». Dès lors, il est possible de produire des procès-verbaux fictifs de résultats depuis ces 826 bureaux de vote dupliqués.
Il apparaît ainsi la question de savoir les électeurs qui pourraient voter dans ces bureaux de vote fictifs. La réponse a une telle interrogation se trouve dans les résultats de notre étude sur la fiabilité du fichier électoral du Sénégal. Et la conclusion est qu’il n’est ni fiable, ni transparent car plus 1 500 000 électeurs inscrits frauduleusement y sont toujours présents.
Pour rappel, les inscriptions frauduleuses sur le fichier électoral ont d’abord été révélé par le rapport final de la mission d’audit du fichier électoral de 2018 en perspective de l’élection présidentielle de 2019. A la page 35, le rapport révèle l'utilisation de certificats de résidence de complaisance et de faux extraits de naissance pour s'inscrire sur les listes électorales ou opérer des transferts d’électeurs fictifs.
Elles furent confirmées par le rapport final de l'audit de 2021 du fichier électoral qui précise qu'il y a eu 1 114 641 électeurs inscrits indûment entre 2016 et 2018 et selon celui provisoire 1 515 189.
Il est à remarquer, en outre, que lors de cet audit, la sincérité du fichier électoral n’a pas fait l’objet d’une investigation. En d’autres termes, il n’y a pas eu une enquête de terrain pour vérifier et confirmer que les inscrits existent réellement à au moins 90%, et qu’ils habitent ou ont habité à l’adresse déclarée au moment de l’inscription. Ainsi, il n’y a aucune donnée probante issue de ce rapport qui indique que ces inscrits existent physiquement. Ils peuvent ainsi être considères comme des électeurs fictifs tels que étayés par le rapport de 2018.
Enfin, le rapport final de l’audit de 2021 n’a pas recommandé la radiation des 1 114 641 électeurs inscrits frauduleuses dans le fichier électoral à partir de 2016 pour se poursuivre jusqu’à la révision exceptionnelle des listes électorales en vue de la présidentielle 2019. Il ressort de ce qui précède, que ces électeurs fictifs sont toujours présents dans le fichier électoral en vue de la présidentielle du 24 mars 2024.
Aussi, il suffit d’affecter ces électeurs fictifs aux 826 bureaux de vote fictifs, pour les rendre indiscernables et introuvables aussi bien pour les électeurs que pour les candidats. Personne ne se rendra compte de leur existence, ce qui favorise la production de procès-verbaux fictifs de résultats, non issus de vote effectifs d’électeurs.
Au regard de ce qui précède, il est crucial de faire une recherche visant à découvrir le plan de ramassage des procès-verbaux qui sera mis en place en vue du scrutin du 24 mars 2024.
Pour rappel, il ressort de l’article L.87 du code électoral relatif à la transmission des procès-verbaux qu'1 seul plan de ramassage doit être mis en place.
Or dans le guide pratique d'organisation et de fonctionnement du bureau de vote de l'élection présidentielle du 24 février 2019 élaboré par le ministère de l’Intérieur, deux (2) plans de ramassage étaient mis en œuvre.
Dans le 1er plan de ramassage, l’autorité administrative envoie une équipe pour collecter les procès-verbaux, sous le contrôle des délègues de la Cour d'Appel, de la CENA, et des représentants des candidats. Et dans le 2d, elle demande au président du bureau de vote d’amener en personne le procès-verbal à la commission départementale de recensement des votes. Ce deuxième plan de ramassage, prévu dans ce texte réglementaire, est illégal en vertu de l’article L.87.
Une autorité administrative qui prend des décisions de faire convoyer des procès-verbaux à la commission départementale de recensement des votes, en dehors de tout contrôle, des délègues de la Cour d'Appel, de la CENA et des représentants des candidats, rend possible l’acheminement de procès-verbaux fictifs.
A la lumière de ce qui précède, il est d’une urgente nécessité d’initier une investigation afin d’établir si ce second plan de ramassage problématique de procès-verbaux sera redéployé pour le scrutin du 24 mars 2024.
A cette fin, une recherche documentaire a été effectué dont le résultat a été la collecte d’une copie du guide pratique d'organisation et de fonctionnement du bureau de vote de l'élection présidentielle du 25 février 2024, qui aura finalement lieu le 24 mars 2024.
L’examen du document dévoile, à la page 14, que les deux (2) plans de ramassage des procès-verbaux de l’élection présidentielle 2019 sont reconduits pour l’élection présidentielle du 24 mars 2024.
Le deuxième plan de ramassage qui donne aux autorités administratives la prorogative de prendre la décision de faire convoyer, par des présidents de bureaux de vote, des procès-verbaux à la commission départementale de recensement des votes, en dehors de tout contrôle, des délègues de la Cour d'Appel, de la CENA et des représentants des candidats, est lourde de dangers pour l’intégrité du scrutin.
Ce plan de ramassage de procès-verbaux, illégal, opaque et suspect est à faire invalider immédiatement, et sans tarder par les candidats.
L’article L.87, alinéa 2 et 3 du code électoral dispose:«Le plan de ramassage est porté à la connaissance des représentants des candidats ou liste de candidats.
Le plan de ramassage est transmis à la C.E.N.A, pour visa, au moins soixante-douze heures avant le jour du scrutin. En cas de modification, la C.E.N.A, est immédiatement saisie.»
Il ressort de ces dispositions que le plan de ramassage est visé par la CENA au plus tard le jeudi 21 mars 2024 et notifié aux candidats. Ces derniers doivent donc exiger sa transmission le même jour et ainsi saisir, séance tenante, la CENA pour faire annuler le deuxième plan de ramassage.
A défaut, les résultats de ce scrutin ne refléteront la volonté de la majorité des sénégalais car tout procès-verbal fictif acheminé à la commission départementale de recensement des votes est validé.
Une fois l’étape de la commission départementale de recensement des votes franchie, il faut pas compter sur la Commission nationale de recensement des votes, qui n’a ni le temps, ni les ressources humaines, pour délibérer en 3 jours sur des observations issus 16 440 procès-verbaux. Ce sera alors, une victoire des bureaux et électeurs fictifs sur les électeurs sénégalais.
par Youssouph Mbargane Guissé
SOUVERAINETÉ POLITIQUE ET ÉCONOMIE ENDOGÈNE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le bilan des 60 ans d'indépendance force le constat d'échec d'un modèle néolibéral générateur d'inégalités. Il est urgent de cultiver de nouveaux paradigmes au service d'une économie intégrée à l'échelle du continent
Cette réflexion est une contribution à l’enjeu principal de l’élection présidentielle au Sénégal, celui d’un projet alternatif de rupture avec un modèle économique fondé sur la croissance qui depuis l’indépendance de 1960, n’a cessé de creuser des fractures au niveau des territoires et régions, développé des inégalités sociales profondes et crée le désarroi au sein de la jeunesse en proie au mal vivre. Ce modèle dépendant et extraverti a marginalisé les intellectuels académiques et leurs productions critiques ainsi que celles des lettrés, savants et sages des diverses communautés culturelles, spirituelles et religieuses. Cette marginalisation des élites du pays s’est maintenue sous l’hégémonie politique d’une classe dirigeante compradore soumise aux intérêts capitalistes étrangers et en connexion particulièrement depuis le début des années 2000, avec la mafia financière internationale. Les profonds et vastes mouvements populaires de résistance pour la souveraineté et le développement du Sénégal, mais aussi dans notre région ouest, remettent de plus en plus en cause le système néocolonial et son modèle appauvrissant. L’élection présidentielle de ce mois de mars a comme enjeu central de dégager les voies salutaires d’un véritable développement endogène égalitariste et démocratique.
Retour sur le modèle dominant
La mondialisation achevée au début des années 80, a imposé une nouvelle configuration de l’économie capitaliste libérale aux Etats, nations et pays, les obligeant à des réadaptations, regroupements régionaux et à de nouvelles alliances géostratégiques. On assiste à l’entrée de puissances émergentes sur le marché universel grâce à des innovations technologiques du Numérique, rendant farouche la concurrence des productions et du commerce entre groupes industriels privés et géants de la finance internationale. En Afrique, les Etats- nations désunis et fragiles du fait de leurs économies encore coloniales, ont été obligés d’accepter les conditionnalités d’une restructuration de leurs économies par les institutions de Breton Wood, le Front Monétaire International et de la Banque Mondiale. Ce fut le cas du Sénégal. Cette période drastique d’ajustement structurel et de privatisation libérale des économies a vu la confiscation de leur souveraineté d’Etat et la destruction des acquis sur le plan agricole et industriel pour imposer un modèle de développement productiviste capitaliste, fondé sur la croissance du PIB et les équilibres macro-économiques. Ce modèle néo-libéral favorable aux investisseurs et industriels privés étrangers, a marginalisé les entreprises nationales porteuses de croissance et productrices de richesses. Il a conduit à des inégalités sociales insoutenables, aux violences et à l’insécurité dans les pays victimes d’attaques terroristes jihadistes.
L’hégémonie conceptuelle
A partir de l’application des PAS, l’hégémonie conceptuelle occidentale s’est affirmée, assurée par les experts du FMI et de la Banque mondiale qui ont élaboré une panoplie de concepts imposés aux Etats surendettés et sans « corps d’idées autonomes ». Sous la supervision serrée de ces Institutions, les Etats africains ont comme objectif d’atteindre le développement, concept conçu selon le modèle universaliste occidental,[1]comme un processus de croissance productive de l’activité économique, quantifiée par les outils statistiques. Mais ce concept de développement se révèle un mythe savamment distillé pour masquer la confiscation de la souveraineté des Etats africains, plongés ainsi dans une crise structurelle de domination et de spoliation aggravée. Il a servi à créer l’illusion entretenue que le modèle économique d’exploitation capitaliste et d’asservissement de nos pays allait les conduire à une étape finale de création de richesses et de bien être pour les populations.
Une croissance qui ne se mange pas
Selon l’important Rapport RASA/AROA[2] : « Le développement est le concept sacralisé pour catégoriser le monde selon des indicateurs économiques définis sur la base des réalités des pays d’Europe et d’Amérique du Nord pour rendre compte de leur état « d’avancement » et du retard des « autres » dans leur marche vers le progrès social ». C’est donc la même stratégie qui se perpétue avec les mêmes principes par un renouvellement de concepts savamment dérivés les uns des autres : « Ajustement structurel », « lutte contre la pauvreté », « objectifs du Millénaire pour le développement », « Document stratégique de réduction de la pauvreté », « Emergence », etc.
C’est pourquoi les rapports sur le développement de l’Afrique reflètent surtout un économisme universaliste, étatiste et linéaire avec des indicateurs standards occidentaux qui cherchent à mesurer les prétendus progrès de pays dominés et surexploités. Les évaluations rectificatives, les classements et notations encourageantes, les projections statistiques optimistes des institutions spécialisées, n’ont été en général jusqu’ici que falsifications et manipulations car « l’écart reste important entre les données produites et les réalités des populations, entre les indicateurs théoriques et les situations et pratiques réelles ». Certes « la croissance est bien là, mais elle creuse les inégalités, exclut les populations vulnérables et surexploite les ressources naturelles ».
Les carences du FMI et de la Banque mondiale
Selon le rapport du Bureau indépendant d’évaluation du FMI publié en mai 2011, l’intervention de L’institution en Afrique est un échec global. Cet échec de l’institution financière est dû aux paradigmes universalistes des lois de l’économie capitaliste libérale imposées aux Etats africains, mais également aux méthodes de recherche utilisées sur les réalités du terrain. Le rapport indique les carences suivantes :« une recherche institutionnelle orientée », des « biais idéologiques » donnant « des conclusions préconçues ». Il souligne que « certaines études reposent sur un cadre analytique inapproprié aux réalités des pays étudiés ». Il s’y ajoute selon toujours le Rapport, dans les recherches du FMI, « une incapacité répétée à citer les travaux des chercheurs locaux ».
Quant à la Banque mondiale, elle a été secouée dans un Rapport interne publié en 2015 par un scandale concernant des décaissements au profit des pays en voie de développement. Ce rapport établit que 7,5% de ces décaissements seraient détournés par le biais de sociétés écrans vers les paradis fiscaux comme la Suisse, le Luxembourg, Singapour. L’Union Africaine avait déjà tiré la sonnette d’alarme sur la gravité d’une telle situation dans les conclusions d’un groupe de travail conduit par Tabo Mbeki, l’ancien Président sud-africain. Le rapport estimait à 56 milliards de dollars annuels la perte subie par le continent africain dues à des transactions illégales.
Aujourd’hui « la Commission Economique des Nations-Unies pour l’Afrique évaluerait les pertes annuelles subies par le continent à environ 148 milliards de dollars, soit une moins-value en termes de croissance de l’ordre de 25% du PIB ». L’auteur en conclut : « On commence à y voir plus clair sur les raisons expliquant qu’en près de 60 ans d’indépendance, pour de nombreux pays africains la contribution de la Banque mondiale reste encore marginale ». A un tel scandale s’ajoutent des résultats de croissance globalement désastreux.
Le règne en plus de la corruption financière et de l’influence des réseaux mafieux jusqu’au sommet des Etats rendent les politiques publiques inopérantes. C’est ainsi que les bilans élogieux sur les grandes infrastructures réalisées n’impressionnent outre mesure les jeunes, les ménages et les populations qui aspirent à la sécurité, à l’emploi et au bien-être, à la dignité.
Des échecs masqués
En aucun cas la crise sociale profonde, l’aggravation de la pauvreté des populations et le désarroi profond de la masse des jeunes, n’empêchent les sempiternels discours officiels présentant les statistiques sur les performances économiques fictives en général. En effet, la dure réalité sociale de la précarité et du dénuement reste têtue. Mais tout ceci est soigneusement masqué, en plus des chiffres et statistiques brandis, par :
- La délivrance de note de satisfécit aux Gouvernants grâce aux taux de croissances dit en bonne évolution, cela malgré la gangrène de la corruption et de la mal gouvernance institutionnelle.
- Le classement dans des revues soi-disant de références comme le Doing Business dont s’indignait l’économiste Ndongo Samba Sylla de la faiblesse des critères et des choix méthodologiques. Ce guide s’avère non scientifique et non pertinent politiquement, rendant les bons élèves bien classés, les plus démunis.
- La distinction par des prix honorifiques à certains dirigeants politiques dans le but de redorer leur blason terni. Toute cette mise en scène théâtrale solennelle et protocolaire est planifiée et organisée à dessein par des groupes de la mafia affairiste internationale pour masquer l’ignoble exploitation financière subie par les peuples sous domination. Un tel bilan désastreux pour les Africains a fait dire à Théophile Obenga que la Banque mondiale et le FMI devraient être interdits de mettre leurs pieds en Afrique. Un tel échec aux conséquences sociales et humaines catastrophiques milite impérativement pour l’alternative de déconnexion du système de dépendance et d’extraversion en place depuis la colonisation, et la reconnexion à une économie continentale africaine souveraine et intégrée.
Le changement de paradigmes
C’est pourquoi un véritable changement de paradigme s’impose pour édifier des économies fortes dépassant le cadre des faibles productions et de l’étroitesse des marchés des Etats-nation actuel. La libération de l’hégémonie conceptuelle universaliste du développement conçu en termes de croissance du PIB, de productivité et de ses outils d’évaluation quantitativistes et statistiques. Cette nouvelle conceptualisation identifie les espaces régionaux naturels de production et d’échanges intégrés ainsi que les acteurs historiques porteurs d’innovation et renouveau du continent. En sortant du morcellement et en élargissant l’horizon par la réunification politique et l’intégration des productions, filières et marchés, les vastes ensembles, on pourrait acquérir « la réduction des couts unitaires grâce aux économies d’échelle par un niveau accru de spécialisation et de concurrence économique, par l’accès à la technologie et par un meilleur partage des idées et des expériences à tous les niveaux ».[3]Les Africains pourront alors produire des économies d’abondance, le bien-être et la prospérité collective.
Un leadership nouveau
Les intellectuels africains, chercheurs et savants, industriel et entrepreneurs, ingénieurs, professionnels de métiers, architectes et aménagistes, inventeurs, artistes, conteurs et philosophes, doivent impérativement prendre leur place stratégique dans la direction politique des Etats fédérés de l’Afrique. Ils doivent s’appuyant la mobilisation politique des masses et de la jeunesse, pousser à la sortie les actuelles élites politiques paresseuses, corrompues et contre-productives. Cette nouvelle catégorie politique dirigeante d’avant-garde constitue en ce temps critique, l’armature intellectuelle créative du nouveau monde africain à inventer. Leur mission est d’apporter de nouvelles visions et des choix pertinents dictées par le cours actuel de l’histoire. En effet, la Raison et la Justice, le Bien, le Beau et l’Ethique doivent enfin soutenir les pratiques d’une nouvelle philosophie politique, celle du Renouveau culturel et civilisationnel de tous les Etats fédérés de l’Afrique enfin libre. Nul n’ignore à présent les immenses ressources et richesses matérielle, humaines et culturelles dans chaque pays, chaque région, dans tout le continent de part et d’autre de l’Equateur. L’exploitation coordonnée et la mise en valeur de ce potentiel peuvent alors permettre la montée en puissance rapide de l’Afrique sur le plan économique, politique, culturelle et diplomatique dans un contexte de reconfiguration des rapports de forces à l’échelle mondiale. En tout état de cause, le développement intégral de l’humain n’est pas que matériel, mais aussi culturel et spirituel ; il repose sur ce qui n’est ni quantifiable, ni chiffrable, sur le génie créateur des peuples, leurs cultures, leurs langues, leurs valeurs de vie, l’attachement à la communauté, légalité sociale, la joie de vivre, l’amour de la Création et le respect du Vivant.
[1] Voir à ce titre l’ouvrage qui a fait date sur cette vision : Rostow (1970). Les étapes de la croissance économique. Paris. Points
[2] RASA AROA (2018). Rapport alternatif sur l’Afrique. Un rapport pour l’Afrique et pour l’Afrique. Dakar :
[3] Real Lavergne Dir. 1996. Préface. Intégration et coopération régionales en Afrique de l’Ouest. Paris, éd. Karthala-CRDI.