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26 novembre 2024
Opinions
PAR Abdourahmane Sarr
ENTRE LA PEUR ET L’ESPOIR, CHOISIR SONKO-DIOMAYE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le candidat Amadou Ba a l’intention d’endetter le pays davantage pour dérouler la même vision qu’il a mise en œuvre quand il était ministre de l’Économie. Notre pays ne peut pas réaliser son développement dans le paradigme actuel
L’espoir est ce qui fait vivre et jeunesse rime avec espoir. A n’en point douter, sur le plan purement politique, Ousmane Sonko a su cristalliser les espérances de la jeunesse sénégalaise, notamment celle qui n’a pas d’espoir ou d’acquis à préserver. Pour cette frange de la population, la peur de l’inconnu ne prendra pas le dessus sur l’espoir de lendemains meilleurs par une alternance par l’alternative. Les Sénégalais qui ont des acquis à préserver, cette frange de la population pour laquelle le statu quo est source de stabilité, seront sensibles à un message d’apeurement qui peut ne pas avoir sa raison d’être. Non seulement la peur obstrue la raison, elle démotive, décourage, et empêche l’être d’atteindre son potentiel. Nous ne pourrons donc pas avoir le courage du développement par la peur.
Nous avons observé la campagne présidentielle qui est sans surprise bipolarisée entre Ousmane Sonko à travers Bassirou Diomaye Faye et Amadou Bâ. Les premiers sont porteurs d’un message d’espoir, le deuxième a misé sur la peur de l’autre et de l’inconnu pour convaincre. De ce point de vue, Bassirou Diomaye Faye ne sera que le représentant, par les urnes, d’un leadership collectif porteur de progrès et d’espérance à travers un projet. Entre l’espoir et la peur, il faut choisir l’espoir à moins qu’il y ait des raisons objectives de craindre pour se prémunir d’un danger réel. Nous avons foi en la capacité de la jeunesse sénégalaise accompagnée de réaliser le développement du pays avec courage et responsabilité en prenant son destin en main. Prendre son destin en main, c’est avoir le mandat du peuple d’utiliser tous les instruments qui devraient permettre de réaliser les espérances de vie meilleure des sénégalais de demain, donc de la jeunesse.
La majorité silencieuse a la responsabilité d’arbitrer les deux forces partisanes qui se font face par la raison. Nous disions commentant la politique générale du Premier ministre Amadou Bâ déclarée au FMI que « la ligne du Plan Sénégal Emergent (PSE) comptait sur la co-construction de notre développement avec le financement extérieur en devises du privé comme du public sans autonomie monétaire pour ensuite redistribuer les fruits d’une croissance éventuelle » (Présidentielle 2024 : DPG au FMI à reformuler). Cette vision ne libère pas les énergies du peuple lui-même, ce qui en fait un paradigme collectiviste socialisant à l’échelle centrale, et fera de l’Afrique la locomotive de l’agenda du monde. Cette vision socialisante, nous disions, ne nous a jamais réussi et a été réaffirmée dans notre programme 2023-2026 avec le FMI et dans celui du candidat Amadou Bâ baptisée « Prospérité partagée ». Le FMI a confirmé démarrant le programme en cours, que le PSE n’a pas réussi sa promesse de transformation structurelle de l’économie et que notre endettement a financé des infrastructures qui, quoique utiles, n’ont pas contribué à une croissance durable tirée par le secteur privé et génératrice d’emplois et de progrès social (voir Rapports FMI 2023). Après nous avoir dit que notre taux de change était surévalué et que nous devions nous financer en monnaie nationale ou en dette extérieure concessionnelle en devises, le FMI n’en a pas tiré de conclusions autres que l’austérité et les réformes structurelles car il n’a pas ce mandat politique. Le Premier ministre Amadou Bâ, après avoir, à travers son ministre des Finances, pris acte du bilan dressé sur le PSE, et reconnu que les ressources pétrolières et gazières en perspective sont limitées et n’auront pas d’impact sur notre cadre économique, n’a pas proposé un programme présidentiel alternatif. La réorientation annoncée du PSE lors de la déclaration de politique générale présentée aux députés suite à la nomination du Premier ministre Amadou Bâ n’a donc pas eu lieu (Amadou Bâ : DPG Reportée, Candidat de la Continuité).
Alors que notre programme avec le FMI prévoit une réduction de notre déficit budgétaire à 3% du PIB à l’horizon 2025 pour maîtriser notre rythme d’endettement dans ce paradigme, le candidat Amadou se donne 2029 comme horizon pour ce même niveau de déficit. Il a donc l’intention d’endetter le pays davantage pour dérouler la même vision qu’il a mise en œuvre quand il était ministre de l’Économie, des Finances et du Plan. Il avait réalisé une croissance non soutenable par l’endettement et donc politicienne pour la réélection du président Macky Sall en 2019. Notre pays ne peut pas réaliser son développement dans le paradigme actuel qui est basé sur la dette extérieure en devises, concessionnelle ou pas aux vues des contraintes de notre banque centrale. Changer cette option nécessite une autonomie monétaire à l’échelle nationale ou de l’UEMOA si cette dernière a les mêmes options économiques.
La coalition Diomaye Président est la seule à avoir annoncé cette perspective nécessaire comme le disait le président Macky Sall lui-même en Conseil des ministres décentralisé et perspective qu’il faudra réaliser avec les mesures d’accompagnement. Une des conditions, pour le Sénégal et la Côte d’Ivoire locomotives de l’UEMOA, est bien évidemment la réduction de leurs dettes publiques notamment en devises de même que leurs déficits budgétaires dans un proche horizon, 2025 au plus tard. Il faudra ensuite mettre un marché des changes en place, marché à approfondir et accompagner progressivement avec la libéralisation des flux de capitaux extérieurs dans la zone. Il faudra dans ce cadre s’assurer de l’inclusion financière de nos populations, de nos entreprises, et de nos collectivités locales, l’accès au crédit étant actuellement difficile sinon impossible pour la plupart. Cette inclusion financière devra se faire avec une banque centrale transparente ayant une autonomie d’objectifs et d’instruments pour assurer la stabilité des prix qui est essentielle.
De notre lecture, Ousmane Sonko et la coalition Diomaye Président ont présenté un projet souverainiste qui veut, dans l’autonomie monétaire, s’affranchir de la domination de l’étranger, mais dans le collectivisme de plans de développement à l’échelle locale. Ceci en fera un paradigme libéral puisque les pôles aux plans et processus de développement autonomes seront nécessairement en compétition. Ce projet collectivise ainsi, en partie, avec un état développementaliste à l’échelle décentralisée de pôles régionaux, la direction du pays. S’il doit co-construire avec l’étranger, ce sera à ces échelles tout en accompagnant la libération des énergies des populations là où elles vivent dans la diversité culturelle, cultuelle, et sociale renforçant la libre solidarité locale qui accompagne la justice sociale à l’échelle centrale. Cette vision se rapproche de notre préférence, c’est-à-dire la souveraineté, mais dans le libéralisme et l’autonomie monétaire nationale ou sous-régionale dans l’UEMOA seulement, mais aussi dans le progressisme social et culturel. Nous disions que cette vision responsabiliserait les Sénégalais et le secteur privé national ou sous-régional dans leur propre développement et choix culturels de même que ceux de leurs communautés de base autonomisées avec une Côte d’Ivoire acquiesçant. A défaut, ce sera Senexit pour ces objectifs. Nous avons baptisée cette vision Souverainiste Libérale et Progressiste. Nous nous sommes donc retrouvés dans la formule du candidat Bassirou Diomaye Faye : « Un Sénégal souverain, juste, prospère, dans une Afrique en progrès ». La co-construction du développement et de l’industrialisation avec l’investissement étranger en complément à l’échelle de pôles régionaux peut rencontrer la vision du maire de Sandiara qui a rejoint la coalition Diomaye Président. Cette vision est aussi compatible avec celles de Boubacar Camara, de Boun Dionne, et de Mamadou Lamine Diallo sur l’industrialisation et les moyens de son financement à cette échelle.
Nous concluons cette contribution de soutien à la coalition Diomaye Président en disant que dans les programmes des autres candidats que nous avons lus, il y a des mesures de réformes sur lesquelles les Sénégalais peuvent avoir un consensus. Ces réformes qui peuvent être utiles et pertinentes relèvent dans bien des cas du management et non du leadership ou d’une vision alternative au statu quo et ne sont donc pas déterminantes de notre point de vue. Bien sûr, nous pouvons toujours renforcer nos institutions et notre démocratie qui dans un passé récent nous ont démontré leur solidité. Nous pouvons également améliorer les performances de beaucoup de secteurs notamment la santé, l’éducation, les infrastructures et les biens et services publics horizontaux. Le préalable, cependant, c’est la création de richesses pour leur financement durable dans la souveraineté sans intervention étatique inutile au-delà de la correction des défaillances et des sous-provisions de biens publics et dans les limites des capacités objectives de l'État.
Créer de la richesse, c’est accompagner l’entreprenariat et la liberté économique dans tous les secteurs productifs même dans l’agriculture, l’élevage et la pêche et savoir distinguer ce qui est simplement de la redistribution ou de l’idéologie collectiviste socialisante interventionniste et ce qui est de l’économie pure. Même dans la fourniture de services publics de base, l'État peut privilégier de financer et subventionner mais n’est pas obligé de produire afin d’encourager l’efficacité et l’efficience, la compétition, tout en promouvant l’égalité des chances. La décentralisation et la territorialisation de la définition même des politiques publiques et la comparaison des performances d’unités territoriales autonomes en concurrence peuvent permettre l’émulation vers le haut et la sanction localisée des échecs. De ce dernier point de vue, le Sénégal gagnerait à écouter le candidat Serigne Mboup. Karim Wade quant à lui a la responsabilité d’accompagner la vision souverainiste libérale et progressiste qui parachèvera le SOPI et qui relève le défi qu’avait lancé son père à la jeunesse africaine de trouver la voie du développement dans le libéralisme (voir Eco et Libéralisme : Relever le défi d’Abdoulaye Wade).
Librement.
Dr. Abdourahmane Sarr est président CEFDEL/MRLD
Moom Sa Bopp Menël Sa Bopp
par Mamadou Abdoulaye Sow
SEUL LE POUVOIR LÉGISLATIF EST COMPÉTENT POUR ACCORDER DES EXONÉRATIONS FISCALES
L’État ne peut accorder de son propre chef une remise d’impôt à une entreprise. L’effacement de la dette fiscale décidée par le président de la République n’est rien d’autre qu’une amnistie fiscale qui ne dit pas son nom
Seul le pouvoir législatif est compétent pour accorder (ou habiliter l’Exécutif à accorder) des exonérations fiscales de toutes natures ou pour décider d’une mesure d’amnistie en matière fiscale
Notre attention a été attirée par les termes d’un article intitulé : « Le cadeau d’au revoir de Macky Sall à la presse sénégalaise » publié hier par un média. On y lit que « le président Macky Sall a annoncé un effacement de la dette fiscale contractée par les entreprises sénégalaises de presse qui s’élève à plus de 40 milliards ».
L’État a l’obligation de percevoir les impôts prévus dans les lois de finances.Il ne peut accorder de son propre chef une remise d’impôt à une entreprise.
Dès lors, les citoyens ont le droit de connaitre la disposition légale qui autorise le chef de l’Etat à passer l’éponge sur les infractions fiscales par dérogation à l’interdiction posée par l’article 715 du Code Général des Impôts (CGI) qui dispose : « En dehors des cas limitativement et expressément prévus par la loi, aucune autorité publique, ni l’administration, ni ses préposés, ne peuvent accorder de remise ou modération des impôts, droits, taxes, redevances, intérêts, amendes et pénalités légalement établis, ni en suspendre le recouvrement, sans en devenir personnellement responsables ».
Si la mesure que vient de prendre le président de la République est une remise de dette fiscale, il y a des conditions de forme (notamment la demande de remise ne peut résulter d’une décision collective) et de fond fixées par l'article 706 du CGI et son arrêté d’application à respecter. Au final, il faut un support juridique c’est à dire la décision favorable de l'autorité compétente en l’occurrence le ministre chargé des Finances qui autorise les services d'assiette à procéder au dégrèvement des impositions en cause pour permettre l'annulation de la dette fiscale dans les prises en charge du comptable public chargé du recouvrement.
Voici in extenso ce que dit l’article 706 de la loi fiscale dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-10 du 30 mars 2018 :
« 1. Le contribuable, en situation économique ou financière difficile, qui reconnaît le bien-fondé d'une imposition établie à son nom, peut introduire une demande de remise ou de modération de sa dette fiscale.
2. La demande adressée au Ministre chargé des Finances, doit être déposée auprès du chef du service des impôts compétent avec l'ensemble des justificatifs de la situation qui la motive.
3. Pour une même dette fiscale, le contribuable ne peut déposer qu'une seule et unique demande. Il est tenu, sous peine d'irrecevabilité de celle-ci, de consentir, auprès du comptable compétent, un effort fiscal sur la dette encourue.
4. La demande de remise ou de modération n'est pas suspensive du recouvrement de la dette fiscale.
5. La demande de remise ou de modération ne peut porter sur des impôts ou taxes effectivement collectés ou retenus ainsi que sur les pénalités y afférentes. Il en est de même des impôts ou taxes régularisés pour cause de manœuvres frauduleuses.
6. Les modalités d'application du présent article seront déterminées par arrêté du ministre chargé des Finances ».
Sauf l’existence d’une nouvelle règlementation qui nous est inconnue, le texte portant application des dispositions de l’article 706 du CGI est l’arrêté n° 025903 du 26 novembre 2018.
L’article 4 de l’arrêté précité règlemente l’effort fiscal obligatoire exigé avant l’instruction d’une demande de remise d'une dette fiscale. Il prévoit pour les personnes morales :
« - Pour une dette inférieure à 10 millions : 20% sans être inférieur à 500.000
- Pour une dette comprise entre 10 millions et 50 millions : 10% sans être inférieur à 2.000.000
- Pour une dette comprise entre 50 millions et 200 millions : 5% sans être inférieur à 5.000.000
- Pour une dette supérieure à 200 millions : 2% sans être inférieur à 10.000.000 »
Quant à l’article 8, il exclut les cas ci-dessous du bénéfice de la remise ou de la modération d’impôts :
« - les difficultés de l'entreprise dues à des manœuvres frauduleuses ;
- l'entreprise en procédure collective ;
- la récidive dans les infractions liées à l'assiette et au recouvrement des impôts et taxes ;
- plusieurs demandes de remise pour une même dette ;
- les impôts ou taxes effectivement collectés ou retenus ainsi que les pénalités y afférentes ;
- les impôts ou taxes régularisés pour cause de manœuvres frauduleuses ».
En résumé, selon le premier alinéa de l’article 64 du décret n° 2020-978 portant Règlement général sur Ia Comptabilité publique, « les demandes en remise ou modération doivent être adressées au ministre chargé des Finances appuyées de toutes pièces probantes dans le mois de l'évènement qui les motive, sauf celles qui sont provoquées par la gêne ou l'indigence du contribuable, lesquelles peuvent être formulées à toute époque ».
A notre sens, l’effacement de la dette fiscale décidée par le président de la République n’est rien d’autre qu’une amnistie fiscale qui ne dit pas son nom. Or, seul le législateur a le pouvoir d’accorder une amnistie. En effet, sans faire la distinction entre deux types d’amnisties, l’article 67 de la Constitution prévoit que la loi fixe les règles concernant l‘amnistie.
Au reste, il subsiste une question : quid des organes de presse qui se sont déjà acquittés de leurs impôts dans les délais ? Si ces derniers ne sont pas remboursés de leurs impôts régulièrement payés durant la période concernée par cet « effacement » d’impôts, il y a rupture du principe d’égalité fiscale entre organes de presse.
Mamadou Abdoulaye Sow est inspecteur principal du Trésor à la retraite.
Par Hamidou ANNE
CE 24 MARS, LA DEMOCRATIE DICTERA SA LOI
Comme depuis six décennies, les Sénégalais iront ce 24 mars aux urnes pour choisir leur chef d’Etat. Ce rendez-vous démocratique est une séquence importante de notre tradition républicaine.
Comme depuis six décennies, les Sénégalais iront ce 24 mars aux urnes pour choisir leur chef d’Etat. Ce rendez-vous démocratique est une séquence importante de notre tradition républicaine. Depuis nos Pères fondateurs, nous avons collectivement choisi la voie démocratique pour confier les destinées de notre pays à un homme ou une femme. La légitimité de nos dirigeants découle ainsi du suffrage universel ; et notre attachement à ce choix est une marque de grandeur de notre peuple, inspire pour nous le respect des autres et fait du Sénégal une exception. Comme le dit mon ami Ibou Fall, non sans cette espièglerie qui le caractérise, le Sénégal n’est pas un pays africain mais un pays en Afrique.
Quand, au lendemain de la vague des indépendances, le continent était enfermé dans des logiques tribales, nous fondions une nation solide orientée vers un dessein commun. A cette époque, les dictatures et autoritarismes étaient la norme, mais nous avions à la tête de notre Etat un grand homme, qui avait renoncé très rapidement au parti unique pour ouvrir le jeu démocratique. Nous avons su éviter les putschs militaires quand ils étaient une voie traditionnelle de prise du pouvoir. Nous avons résolument opté pour la démocratie, le panafricanisme et le multilatéralisme.
Depuis, sans interruption, l’espace public est un terrain d’affrontement des idées et des programmes avec comme arbitre le Peuple souverain. Ce 24 mars, après les troubles et les turbulences issus de la séquence entamée le 20 janvier avec la publication de la liste définitive des candidats à la Présidentielle, les Sénégalais vont accomplir un devoir citoyen. Le scrutin sera libre, transparent et le vainqueur sera désigné. Le lendemain, les Sénégalais auront le loisir de vaquer à nouveau à leurs occupations. L’incise démocratique totale où chaque citoyen représente une voix sera refermée pour laisser la République, avec sa promesse fondée sur le mérite, reprendre ses droits.
Il est indéniable que cette élection est particulière. Notre pays est à un point de bascule pour plusieurs raisons. Pour la première fois, un Président sortant ne sera pas candidat à sa propre succession. Le pays est désormais producteur d’hydrocarbures ; ceci promettant une transformation de sa structure économique mais générant aussi des craintes car l’or noir est en Afrique un puissant accélérateur de la déstabilisation.
Au plan social, le Sénégal sort de trois années éprouvantes avec des vagues de violences sans précédent qui ont produit des morts, blessés et destructions de biens publics et privés.
Il s’y ajoute que pour la première fois un candidat fasciste à la Présidentielle est capable de remporter le scrutin. Autour de lui s’agrège un mouvement qui profite des infrastructures de la démocratie mais qui n’est pas démocrate ; un mouvement qui peut se hisser au sommet des institutions de la République sans être républicain ; un mouvement dont le profil génétique est la sédition, l’islamisme et l’intolérance.
Les peuples sont souverains et jaloux de leur souveraineté. Le nôtre a fait des choix en 2022 aux Municipales et aux Législatives dont les conséquences ont pesé sur notre stabilité. Il faut se rappeler les blocages de l’Assemblée nationale poussant à deux reprises la gendarmerie à intervenir pour permettre l’expression du jeu démocratique dans l’Hémicycle.
Un ami proche me disait récemment : «On ne peut pas vouloir le bonheur des gens contre leur volonté.» Il a raison, et je suis un démocrate convaincu et un citoyen viscéralement attaché aux principes républicains. Les électeurs sont souverains et il faudra s’incliner devant leur choix, quel qu’il soit. Ils ont le choix entre poursuivre dans un régime de la paix civile en choisissant parmi des candidats aux projets divers et concurrents mais qui demeurent dans l’arc républicain. Comme ils ont le loisir d’opter pour un basculement vers l’irréparable en faisant tomber notre pays dans le gouffre du fascisme après que parmi nos voisins beaucoup ont basculé dans des régimes militaires.
Ce choix entre un horizon de paix et de démocratie et une poussée vers l’aventure m’interroge et devrait nous pousser à la prudence, au sens des responsabilités et à une extrême dextérité dans le choix que nous allons faire ce 24 mars.
Comme à chaque fois que je désespère du monde, je lis ou j’écoute l’écrivain et académicien français François Sureau. Cette fois, il citait Malraux pour, disait-il, «partager une sorte d’espoir tremblant mais réel : la vie l’emportera, l’amour, la créativité, la réforme politique l’emporteront».
Mamadou Ndiaye
TERRES NOURRICIERES
De quoi vit le monde rural, une fois l’hivernage terminé ? Autant les pluies soulagent et réconfortent, autant la saison sèche hante les esprits dès qu’elle s’installe.
De quoi vit le monde rural, une fois l’hivernage terminé ? Autant les pluies soulagent et réconfortent, autant la saison sèche hante les esprits dès qu’elle s’installe.
En parcourant l’intérieur du pays on s’aperçoit de la diversité des tableaux, des paysages changeants, de la baisse des rythmes, de l’intensité des échanges (trocs et marchandages).
Certains greniers se vident assez vite compte tenu de la consommation effrénée des récoltes de céréales et de l’écoulement d’une partie dans les marchés hebdomadaires, carrefours de transactions en hausse constante.
Cette brève photographie ne répertorie pas l’univers rural peuplé d’autres acteurs de fraîche reconversion qui portent en bandoulière leur nouvelle fierté d’appartenance.
D’autres encore, fuyant l’épouvante urbaine, se réfugient dans les enclos ruraux, la nouvelle frontière de l’épanouissement, de la tempérance, de l’harmonie, du naturel et de l’authenticité.
Ici la nature répond bien de son nom propre : faune et flore se conjuguent, sécrétant une phénoménale symphonie qui laissent pantois les nouveaux arrivants dotés d’une culture de destruction très prononcée.
La ville consomme et détruit. La campagne absorbe et restitue. Ces deux espaces de vie ne s’opposent pas frontalement mais les humains qui les habitent les ont si imprégnés de leurs modes de vie typés au point de singulariser des identités remarquables.
Le contraste est saisissant et frappant à la fois. Que perdent les campagnes en accueillant ces nouveaux venus bardés de certitudes ?
En hivernage, lorsque les paysans ont fini de scruter le ciel, s’ensuivent les tâches pénibles sur fond d’une longue période de dèche et de soudure. Donc de manque permanent voire de déficit chronique.
Seuls ceux qui le vivent, l’appréhendent quand s’épuisent les ressources alors qu’aucune panacée ne s’offre à eux comme recours ou secours.
Fonctionnant au jour le jour, ils ne parviennent pas à intégrer la prévision dans le quotidien. Si bien que les retournements de conjoncture les frappent au portefeuille et dans la grange. En se tarissant, la ressource les expose à une précarité certaine et ils vivent alors d’expédients et s’en réduisent à ces moyens pour se tirer d’embarras.
Les nouveaux ruraux, qui ne le sont que de nom, et qui les rejoignent dans ces aires de vie, s’organisent mieux et se prémunissent contre les aléas.
Désormais, ils appartiennent au même espace mais s’en démarquent par des traits de comportements acquis en ville et maintenus en campagne pour les commodités qu’ils offrent et le confort qu’ils procurent.
L’aisance accentue la différence et creuse le fossé au détriment des populations rurales dont le sort, au demeurant peu enviable, n’inspire qu’indifférence alors qu’ils affrontent d’avantage une paupérisation.
A mesure que s’étendent les habitats et les mouvements, le foncier agraire se rétrécit : moins de superficies cultivables, extensions des vergers (fermiers du du dimanche), appauvrissement des sols et assèchement progressif des terres jadis arables et riches en oligo-éléments. Les pourtours de l’aéroport Blaise Diagne de Diass démontrent à suffisance cet envahissement et l’extinction de l’authenticité rurale à mesure que la modernité pénètre les enclos familiaux.
Neufs mois de désœuvrement et trois mois d’activités agricoles, ce scénario est à abandonner pour privilégier d’autres alternatives. Il est heureux de constater que le maraîchage s’introduit peu à peu entre les deux saisons.
La formule séduit plus de monde. A ces activités traditionnelles, l’agriculteur ajoute la dimension maraîchage même si les vocations ne sont pas les mêmes.
Après tout, une diversification des sources de revenus favorise une stabilité dans le milieux paysans que les politiques ne devraient négliger aucunement.
Les saisons de pluies se suivent sans se ressembler. Compte tenu de ces aléas difficiles à cerner et à maîtriser, la cohérence dicte aux pouvoir publics la nécessité d’associer maraîchage et agriculture afin de produire plus et mieux dans une approche de sécurité et de sûreté alimentaires.
Le Kenya réussit bien cette formulation sans toutefois provoquer d’antagonisme entre maraîchers et agriculteurs. Leur complémentarité jugule les pénuries, lutte à la fois contre les pratiques inflationnistes et les bradages si les prix rémunérateurs sont promus.
Que mille zones de maraîchage éclosent, rien de mal ! Pourvu que légumes, fruits et fleurs inondent les marchés afin de réconcilier les Sénégalais avec les labels de terroirs.
Numériquement, ils constituent une force et représentent un poids.
Électoralement cela pèse. Indéniable. L’ébullition dans le monde rural renseigne sur l’engouement que suscite cette présidentielle inédite et singulière à plus d’un titre.
L’effet moutonnier ne carbure plus. Les électeurs des contrées lointaines ne sont plus perçus comme du bétail électoral « taillable et corvéable à merci » !
Autres temps, autres seigneurs terriens…
Ils sont de plus en plus conscients de leur prépondérance pour revendiquer une autonomie de pensée, de jugement et d’action.
Le vote paysan sera déterminant dans le scrutin attendu dimanche 24 mars.
Les marchés transversaux (loumas) absorbent quantité de produits
du cru issus de nos terroirs. Leur complémentarité et les différences de maturation sont des facteurs décisifs pour placer le monde rural au cœur des politiques prioritaires de développement.
Faut-il le dire à haute et intelligible voix : le désœuvrement a un coût. Il pourrait être corrigé en dégageant des perspectives appuyées sur les opportunités déjà mentionnées. Le maraîchage est ce gisement.
A l’échelle du pays, une géographie de cette activité génératrice de revenus conséquents, peut changer le visage du monde rural avec des ambitions plus affichées selon les spécificités des régions.
La meilleure façon de contourner un tel capital humain immobilisé, consisterait à appuyer les efforts consentis par les pionniers.
Ces derniers s’en sortent bien. Toute leur production trouve preneurs, tandis que les marchés sont assez approvisionnés. Ce qui augure d’une embellie dans les années à venir.
De Potou au Niombato, du Walo au Sine, sans compter les terres irrigables du Nord, l’existant peut flatter les volontés si l’Etat se décide à inverser le cours des choses.
Autrement dit, en intensifiant le soutien au monde rural qui a besoin de rompre les chaînes de son enfermement.
En clair, l’intérieur du Sénégal commence à enchanter les Sénégalais portés par ces nouvelles frontières qui se profilent.
Par Abdoulaye THIAM
IDY, L’ULTIME COMBAT !
Après 2007, 2012 et 2019, Idrissa Seck va participer pour la 4ème fois à l’élection présidentielle. A 65 ans l’ancien Premier ministre pourrait livrer son dernier combat.
Après 2007, 2012 et 2019, Idrissa Seck va participer pour la 4ème fois à l’élection présidentielle. A 65 ans l’ancien Premier ministre pourrait livrer son dernier combat. Brillant, intelligent, grand tribun, l’ancien ministre d’Etat, Directeur de campagne de Me Abdoulaye Wade, concepteur de la très célèbre «Marche Bleue» semble avoir quand même perdu beaucoup de son aura.
Certainement à cause d’une tortuosité qui lui colle à la peau. En 2007, il ne faisait l’ombre d’aucun doute que Idrissa Seck devrait abréger le régime de son mentor Me Abdoulaye Wade. L’opinion publique était acquise à sa cause. Malheureusement, Idy s’est perdu dans les «rencontres de Midi» sur initiative de Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine, porte-parole d'alors du Khalife Général des Tidianes.
Ce qui avait permis à Me Wade de remporter les élections, haut la main avec 55,90 % contre 14,92 % pour Ndamal Cadior. Il va ensuite connaître une descente aux enfers symbolisée par une dégringolade de son score à l’élection présidentielle de 2012 où il n’obtiendra que 7,86 % des suffrages. Une très peu honorable 5ème place pour quelqu’un qui s’est vu tracer un destin de président de la République.
Toutefois contre toute attente, tel un phénix, Idrissa Seck va encore renaitre de ses cendres. En 2019, il réussit à réunir une bonne partie de l’opposition à sa cause. 899556 électeurs lui accordent leur voix. Soit 20,51 % des suffrages valablement exprimés. Sauf qu’un tel pourcentage ne lui permettra pas de mettre Macky Sall en ballotage.
Chef de l’opposition, Idrissa Seck pouvait alors garder ses chances intactes en perspective de la Présidentielle de 2024. Que nenni ! Comme en 2007, il rejoint la coalition Benno Bokk Yaakaar et se voit octroyer le poste de président du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Mieux, deux de ses collaborateurs (Diatara et Saleh) sont nommés ministres dans le gouvernement. Mais à l’approche de la Présidentielle, Idy claque à nouveau la porte du Benno et s’engage dans un ultime combat. Atteindra-t-il enfin, cet ultime but qui le fuie depuis 2007 ? Rendez-vous ce dimanche 24 mars.
Par Félix NZALE
AU NOM DE LA MEMOIRE DES VICTIMES
Trois années de massacres, de traque d’opposants et de journalistes, d’embastillement tous azimuts de citoyens dont le seul tort, au fond, a été de se soulever contre une tendance autoritaire et pour plus de dignité
C’est une des voix les plus fortes et les plus crédibles qui s’est prononcée dimanche dernier sur les ondes de la Rfm, en ce temps de campagne électorale. Non pour s’égarer dans des propos et considérations politiciens, mais pour exprimer le sentiment de millions de Sénégalais. Thiaba Camara Sy, président de «Demain Sénégal», a raison : personne ne doit se conformer à l’oubli de ce qui s’est passé durant les tragiques événements de 2021 à 2024.
Trois années de massacres, de traque d’opposants et de journalistes, d’embastillement tous azimuts de citoyens dont le seul tort, au fond, a été de se soulever contre une tendance autoritaire et pour plus de dignité. Au bout du compte, des dizaines de Sénégalais (hommes et femmes) tués parce que des politiciens en ont décidé ainsi pour assouvir leur appétit de pouvoir !
Le président Macky, dont le mandat a quasiment expiré, a eu la «géniale» idée de nous sortir une loi d’amnistie (du 6 mars 2024) par laquelle l’on veut nous imposer l’oubli au nom d’une prétendue «réconciliation nationale». On ne parle pas de pardon parce que pour pardonner, il faut préalablement identifier les coupables et établir les responsabilités. Pardonner qui et pourquoi, alors qu’aucune enquête n’a été menée à ces fins ? Qui y a intérêt ? Oui Thiaba, vous avez raison : «cette loi d’amnistie est une insulte qu’on rajoute à l’injure ; une reconnaissance de culpabilité, mais également un déni de justice». Mais qu’en pensent donc nos candidats à la présidentielle ?
Bassirou Diomaye Faye a évoqué la question de l’indemnisation future des victimes. Il est toutefois clair qu’aucune somme ne saurait guérir les familles endeuillées et les blessés du traumatisme moral et psychologique. Les victimes ont besoin que quelqu’un, le Tribunal en l’occurrence, établisse la faute qui a causé le préjudice. De quelle faute s’agit-il ? Qui l’a commise ? Préciser le préjudice est important pour les victimes ; dire quel comportement est fautif, quel comportement ne l’est pas est aussi important pour la société et pour ceux qui courent le risque d’avoir un comportement fautif.
Lorsque Mme Thiaba Camara Sy invite la société civile à s’engager dans un processus de mémoire pour que les noms des victimes ne tombent pas dans l’oubli, elle a conscience de la défaillance morale et éthique de nos autorités, pourtant astreintes - en l’occurrence - au principe de désignation de la faute. Il est par conséquent heureux de savoir qu’une procédure au niveau international «en faveur du rétablissement de la vérité, de la justice avant le pardon» va être engagée.
par Ndongo Samba Sylla
QUI A PEUR D’UNE MONNAIE NATIONALE POUR LE SÉNÉGAL ?
EXCLUSIF SENEPLUS - La plupart des pays CFA ont soit décliné ou stagné. Rester dans le franc CFA, c’est souscrire une assurance sous-développement. En sortir n’est pas promesse de développement. Tout dépend du modèle économique
Depuis que le candidat à la présidentielle Bassirou Diomaye Faye a évoqué l’idée d’une monnaie nationale, les réactions catastrophistes et démagogiques, typiques de l’esprit françafricain, n’ont cessé de pleuvoir. Beaucoup d’experts autoproclamés et de « gens d’expérience » ont dit des choses - qu’ils ne maîtrisaient pas ou de nature biaisée - dans le seul but de défendre le statu quo économique et monétaire. De mon point de vue, cette proposition courageuse et lucide est salutaire pour le Sénégal compte tenu de son nouveau statut de pays exportateur d’hydrocarbures, du bilan désastreux de la zone franc et de la chimère qu’est le projet de monnaie unique CEDEAO. Nonobstant la tentative de sabotage des présidents Emmanuel Macron et Alassane Ouattara, ce dernier projet revient à dire : voulez-vous du naira comme monnaie unique régionale ? Il ne s’agit pas pour moi de réitérer mon plaidoyer pour une monnaie nationale sénégalaise mais plutôt de répondre à des questions que la plupart de nos compatriotes soucieux de progrès économique pour eux-mêmes et les futures générations ne peuvent manquer de se poser.
Avoir une monnaie nationale est-ce quelque chose d’exceptionnel ?
Non, c’est la norme partout à travers le monde. Tous les pays africains disposent de leur propre monnaie nationale, à l’exception des quatorze pays qui utilisent le franc CFA. Soit un total de 40 pays souverains sur 54. Même s’il est nominalement national, le franc comorien fonctionne comme le franc CFA car il est sous le contrôle du Trésor français.
Les unions monétaires rassemblent des États souverains qui partagent une même devise émise par une banque centrale commune. Elles ont connu leur apogée dans la période coloniale. Il n’en existe que quatre aujourd’hui : le bloc CFA en Afrique de l’ouest ; le bloc CFA en Afrique centrale ; l’Union monétaire des Caraïbes Orientales ; la zone euro. La zone euro est la seule union monétaire en activité qui ait vu le jour dans la période « postcoloniale ». D’ailleurs, selon Benjamin Cohen, la zone euro est une anomalie historique : « Jamais auparavant, dans l’histoire moderne, un groupe d’États totalement indépendants n’a volontairement accepté de remplacer les devises nationales existantes par un type de devise nouvellement créé. »
Au total, c’est moins de 7 % de la population mondiale qui vit dans une union monétaire. Le principe « un État, une monnaie » est donc la norme. Les unions monétaires sont l’exception.
Une monnaie nationale est-elle une démarche aux antipodes du panafricanisme ?
Non. La monnaie étant la créature et l’instrument d’un État, une cohérence s’impose : soit elle est nationale, soit elle est fédérale. La vraie « balkanisation » n’est pas dans la pluralité monétaire, qui est rationnelle tant que la politique économique demeure au niveau national, mais dans l’absence de coordination en matière diplomatique, militaire, industrielle, de vente des matières premières, etc.
Ceux qui pensent que battre monnaie va à l’encontre de l’intégration africaine devraient songer à laisser la politique budgétaire et fiscale de leur pays être décidée par un pays tiers…au nom du « panafricanisme » ! Un État qui n’est pas prêt à se dissoudre dans un ensemble politique plus large, et à renoncer à sa souveraineté fiscale, ne devrait pas se priver de sa monnaie nationale.
En attendant d’avoir un État fédéral régional ou continental, il est possible d’avoir un système de monnaies nationales solidaires, comme l’ont défendu Samir Amin, Joseph Tchundjang Pouemi et Mamadou Diarra.
Pourquoi battre monnaie est-il associé à la souveraineté politique ?
Citons feu l’économiste britannique Wynne Godley qui écrivait en 1992 :
« Le pouvoir d'émettre sa propre monnaie, de faire des tirages sur sa propre banque centrale, est l'élément principal qui définit l'indépendance nationale. Si un pays abandonne ou perd ce pouvoir, il acquiert le statut de collectivité locale ou de colonie. » Wynne Godley, Maastricht and All That, London Review of Books, 1992
La monnaie doit-elle être adossée à quelque chose, à l’or par exemple ?
Depuis le début des années 1970, nous vivons dans un monde de monnaies fiduciaires. Les monnaies existantes ne sont adossées à aucun métal. Leur valeur découle de la puissance des États qui les émettent, et notamment de leur capacité à prélever des impôts et taxes dans leur unité de compte. La notion de « viabilité » d’une monnaie ne fait pas grand sens. Ce qui « garantit » la « viabilité » d’une monnaie est ce qui garantit la viabilité d’un État. Tout État qui s’estime viable sur les plans économique et institutionnel devrait être capable de battre monnaie.
Le Franc CFA est-il une monnaie indépendante ?
Non. C’est une monnaie créée par le ministère français des Finances en 1945 et qui est toujours sous son contrôle. Les banques centrales qui émettent le franc CFA n’ont donc jamais eu d’expérience de gestion d’une monnaie indépendante de l’ancien colonisateur et qui évolue en régime de change flexible.
Même si les officiels français parlent de soixante-quatre ans de « coopération monétaire » (1960-2024) à propos du Franc CFA, ils n’ont jamais appris aux deux banques centrales de la zone franc comment fabriquer elles-mêmes leurs billets de banque et leurs pièces de monnaie. Ce qui se comprend. L’impression des signes monétaires de la zone franc constitue pour la Banque de France « près de la moitié de son plan de charges sur l’avenir », selon un de ses cadres.
La France garantit-elle le Franc CFA ?
On entend souvent dire que c’est la France qui « garantit » le franc CFA. C’est une vue de l’esprit. La « garantie » est une promesse de prêt du Trésor français vis-à-vis des deux banques centrales qui émettent les francs CFA. Or, le système franc CFA est paramétré pour que cette « promesse », cette « garantie », ne soit jamais mise à exécution. Résultat, au lieu que le Trésor français prête des devises aux deux banques centrales, c’est le contraire qui a prévalu de 1960 à 1980 et de 1994 à aujourd’hui. Autrement dit, ce sont les pays africains qui mettent à la disposition du Trésor français une partie de leurs devises à des taux avantageux.
Les pays CFA et leurs élites sont-ils si aliénés au point de ne pouvoir jamais envisager leur indépendance vis-à-vis du Trésor français ?
Oui, jusque-là. Les 14 pays qui utilisent le franc CFA ont une population de plus de 200 millions. Leurs dirigeants, leurs financiers et économistes pour la plupart, ont considéré jusque-là qu’ils sont incapables de faire quoi que ce soit sans le Trésor français qui, pourtant, ne leur apporte rien…sinon une discipline collective qui s’est avérée ruineuse sur le plan économique sur le long terme.
Par contraste, notons que les Seychelles avec 100 mille habitants ont une monnaie nationale qui évolue en régime de change flexible. Leurs taux d’intérêt directeurs sont parmi les plus faibles au monde malgré les nombreux chocs que subit le pays. De 1976 à 2022, les Seychelles n’ont eu une balance commerciale excédentaire qu’une seule fois : en 2003 ! Une expérience à méditer pour ceux qui disent que le Sénégal ne peut pas avoir de monnaie nationale tant qu’il n’aura pas de surplus commerciaux ! En 1960, les Seychelles avaient un revenu réel par habitant trois fois supérieur à celui du Sénégal. En 2022, l’écart est passé de trois à dix.
Le Franc CFA est-il compatible avec la souveraineté nationale ?
Non. La preuve est que le système franc CFA peut être utilisé par la France et ses alliés africains pour asphyxier financièrement les gouvernements dissidents, en leur privant l’accès à leurs comptes auprès de la banque centrale et au marché financier régional. En 2011, la Côte d’Ivoire, sous Laurent Gbagbo, a été victime de ces mesures illégales tout comme le Mali, sous Assimi Goïta, en 2022 et le Niger depuis juillet 2023. Ce type de sanction est impossible à mettre en œuvre dans les pays qui disposent de leur monnaie nationale.
Instrument de protection des intérêts français, le franc CFA est donc également un outil de répression contre les dirigeants qui ne se plient pas à la discipline françafricaine.
Le Franc CFA a-t-il facilité le commerce entre ses pays membres ?
La réponse est non. Entre 1995 et 2021, les échanges au sein la CEMAC sont de l’ordre de 1,5 % du commerce extérieur des pays membres malgré le partage d’une même monnaie depuis 1945. Le commerce intra-zone est plus élevé en zone UEMOA (13,6% sur la même période), du fait notamment des spécialisations économiques différentes et de la dépendance des pays enclavés vis-à-vis des pays côtiers.
Le Franc CFA est-il surévalué ?
Oui. Le franc CFA est né surévalué, c’est-à-dire sa valeur externe ne se justifie pas au regard des caractéristiques économiques des pays qui l’utilisent. Cette surévaluation est chronique. Dans le tome 3 de son histoire de l’UMOA, page 47, la BCEAO note que le franc CFA a été surévalué dans tous les pays membres selon des proportions variables entre la fin des années 1960 et 1994. Ce qui, selon son propre constat, a « fortement entamé la compétitivité de la zone dans la mesure où les coûts de production restaient élevés ».
Une monnaie surévaluée agit comme une subvention pour les importations et comme une taxe sur les exportations. Ali Zafar, ancien économiste de la Banque Mondiale, dans un récent ouvrage, montre que le franc CFA demeure encore largement surévalué. Utiliser le franc CFA, selon lui, c’est comme courir un marathon avec un frigo sur le dos.
Les déficits commerciaux chroniques des pays de l’UEMOA ont donc partie liée avec le système CFA qui pénalise leur compétitivité et les prive de financements, tout ceci au nom de la défense de la parité vis-à-vis de l’euro.
Le Franc CFA a-t-il favorisé l’attractivité économique des pays qui l’utilisent ?
Non. Jusqu’en 2018, le Ghana, dont la monnaie, le cedi, est réputée moins stable que le franc CFA, a enregistré un stock d’investissements directs étrangers (IDE) entrants supérieur à celui de tous les pays de l’UEMOA réunis. En Afrique centrale, en termes de stock d’IDE entrants, le Congo est le seul pays de la zone franc plus « attractif » que la République démocratique du Congo dont la monnaie est dollarisée.
Toutefois, les pays CFA font souvent face à des taux d’intérêt moins élevés sur les marchés financiers internationaux comparés à la plupart de leurs homologues. Cet avantage apparent pose problème : pourquoi ces pays qui se sont surendettés dans les années 1980 au point de forcer en 1994 une dévaluation – évitable si la France avait activé sa « garantie » – sont si prompts à se réendetter en monnaie étrangère ? En fait, dans le cas de l’UEMOA, tous les pays membres sauf la Côte d’Ivoire, pour certaines années, ont des balances commerciales et des balances courantes déficitaires : ils perdent des devises. Cette situation ne peut durablement coexister avec un régime de parité fixe immuable qu’à la condition de mettre le frein sur le crédit intérieur et de renforcer la dépendance financière vis-à-vis de l’extérieur (s’endetter en monnaie étrangère et attirer vaille que vaille l’investissement direct étranger).
Les deux blocs franc CFA sont-ils des « zones monétaires optimales » ?
La littérature sur les « zones monétaires optimales » s’intéresse aux conditions idéales qui font de l’unification monétaire une alternative plus avantageuse au plan microéconomique (réduction des coûts de transaction) que l’usage de monnaies nationales. Aucune étude ne montre que les deux blocs CFA répondent chacun à la définition d’une zone monétaire optimale. Comme l’expliquent les économistes Christina Laskaridis et Jan Toporowski, « la plupart des auteurs qui [ont étudié cette question] concluent que la zone franc ne peut être évaluée en termes de zone monétaire optimale [...] Les raisons de la création et de la pérennité de la zone franc s'expliquent plus adéquatement par des motifs politiques que par des motifs économiques ».
Autrement dit, l’UEMOA et la CEMAC n’ont pas de justification économique. C’est la politique (la « Françafrique) qui explique leur survivance.
Rappelons que la zone franc (en réalité « zone du franc français ») a été créée pour permettre à la France de s’ajuster dans un monde dominé par le « privilège exorbitant » du dollar américain.
Le paradoxe, et ce n’est pas l’un des moindres : bien que les pays de l’UEMOA fassent déjà partie d’une zone monétaire, ils ont jusque-là échoué à remplir collectivement les critères pour faire partie de la zone monétaire entrevue par la CEDEAO !
Le Franc CFA a-t-il permis une « stabilité monétaire » ?
Oui. C’est là l’argument majeur des partisans du franc CFA qui auraient connu une dépréciation de sa valeur externe et interne plus limitée que la plupart des pays africains. Ceci est une conséquence de l’arrimage à l’euro. L’escudo cap-verdien arrimé à l’euro a donné des résultats similaires sur ce point précis. Les pays CFA n’ont donc aucun mérite pour cela. Le Franc CFA, c’est de l’euro déguisé. C’est pourquoi il est logiquement « prisé » des pays voisins. Il est même ridicule de se vanter de cet état de fait. Selon les données de la Banque mondiale, entre 1996 et 2019, le Sénégal a eu un en moyenne annuelle un taux d’inflation (mesuré par l’indice des prix à la consommation) de 1,3%, le même que la France. À l’échelle mondiale, le Sénégal n’a été « devancé » que par le Japon, pays dans une situation de léthargie économique depuis les années 1990. La plupart des pays dynamiques comme la Chine, la Corée du Sud, la Malaisie, le Brésil, etc. ont connu des taux d’inflation supérieurs à celui du Sénégal. Qui peut croire que cette « exception sénégalaise » est due à une quelconque maîtrise économique ? Un ami économiste espagnol a l’habitude de dire que les pays CFA utilisent l’euro mais sans être invités à la table au niveau de la Banque centrale européenne.
Peter Doyle, ancien économiste du FMI, a donné l’exemple de l’Eswatini (ex-Swaziland) qui a un taux de change fixe avec la monnaie sudafricaine. Dans les années 1960, l’Eswatini avait environ le même niveau de revenu réel par habitant que le trio Niger, Burkina Faso et Mali. 50 ans plus tard, l’Eswatini, avec des taux d’inflation comparativement plus élevés, a enregistré un niveau de réel par habitant cinq fois supérieur.
Le Franc CFA a-t-il favorisé le développement économique ?
Non. La Côte d’Ivoire est le pays le plus grand par la taille économique dans la zone franc. Selon les indicateurs de la Banque mondiale, son meilleur niveau de PIB réel par habitant remonte à 1978, niveau qui n’a toujours pas été « rattrapé ». Les sept autres pays de l’UEMOA sont classés parmi les Pays les Moins Avancés (PMA), catégorie créée dans les années 1970. Le Sénégal a rejoint cette catégorie en 2000 et n’en est toujours pas sorti. En effet, c’est en 2014 que le Sénégal a retrouvé son meilleur niveau de PIB réel par habitant qui date de 1961. Quant au Niger, son PIB réel par habitant de 2022 est inférieur de 37% à son meilleur niveau qui date de 1965 ! La Guinée-Bissau, ex-colonie portugaise a obtenu son meilleur niveau de PIB réel par habitant en 1997, année de son entrée dans l’UEMOA. Depuis lors, son appauvrissement a été le prix à payer pour mettre fin à son record impressionnant d’instabilité macroéconomique et politique !
En Afrique centrale, le Gabon a actuellement un niveau de PIB réel par habitant inférieur de presque de moitié à son meilleur niveau qui date de 1976. Le Cameroun n’a pas encore « retrouvé » son meilleur niveau de PIB réel par habitant qui remonte à 1986. La Guinée équatoriale, petit pays pétrolier, qui a connu des taux de croissance économique monstrueux à la fin des années 1990 jusqu’au milieu des années 2000 a vu son revenu réel par habitant diminuer de 59 % entre 2008 et 2018, alors que le pays n’est pas en guerre ou sous sanction…mais, par contre, utilise une monnaie arrimée à l’euro : le franc CFA.
Y a-t-il des pays pétroliers qui ont fixé leur monnaie à l’euro ?
Le FMI publie chaque année la classification des régimes de change et des cadres de politique monétaire à travers le monde. On constate que les seuls pays pétroliers et gaziers au monde à avoir fixé leur monnaie uniquement à l’euro sont les pays CFA. Ce « choix » qui défie le bon sens économique et qui est contraire aux intérêts de ces pays s’explique par des raisons politiques – la France a toujours voulu avoir un contrôle sur ses ex-colonies et avoir la possibilité d’acheter leurs ressources dans sa monnaie dans un monde dominé par le dollar américain. La conséquence, notamment pour les pays pétroliers en Afrique centrale, est la création de rentes pour le secteur financier français : ces pays sont dans l’obligation de convertir en euro la moitié de leurs réserves officielles de change et de les déposer auprès du Trésor français…alors que l’essentiel de leur commerce extérieur est libellé en dollar.
L’erreur qui est souvent commise est de considérer uniquement la destination géographique des échanges extérieurs et d’ignorer la monnaie dans laquelle ils sont facturés. Dans le cas du Sénégal et de ses homologues de l’UEMOA, la zone euro n’est pas la première destination à l’exportation mais la principale source d’approvisionnement. Ce qui s’explique : l’arrimage à l’euro fonctionne comme une « préférence commerciale » pour les produits européens et empêche le taux de change de jouer son rôle d’amortisseur des chocs.
Dans tous les cas, plus de 75 % du commerce extérieur de ses pays se passe dans des devises autres que l’euro et cette tendance va s’accentuer avec l’exploitation d’hydrocarbures dans des pays comme le Sénégal et le Niger.
La parité fixe à l’euro est un legs colonial. C’est la contrepartie de l’inexistante « garantie » française, soit un moyen pour Paris de continuer à avoir son mot à dire dans les affaires économiques, monétaires et politiques de ses anciennes colonies.
Est-il possible de se développer avec le Franc CFA ?
Jusque-là, la réponse est négative. Sur le long terme, la plupart des pays CFA ont soit décliné ou stagné sur le plan économique. La surévaluation du franc CFA, la rigidité de la parité fixe, les saignées financières que subissent ces pays et l’absence de financements adéquats sont autant de handicaps à déplorer. Un exemple édifiant est le suivant : au Sénégal, le secteur primaire – agriculture, élevage, pêche - qui occupe une proportion significative de la population active ne reçoit annuellement au titre des crédits bancaires de plus d’un an que 24-25 milliards de francs CFA. Oui, 24 et 25 milliards francs CFA. À titre de comparaison, les prêts que la BCEAO accorde à son personnel (plus de 3000 personnes) ont baissé en 2022 pour atteindre un peu moins de 43 milliards de francs CFA.
Epilogue….
Bref, rester dans le franc CFA c’est souscrire une assurance sous-développement (d’autant plus qu’on ne connaît pas de pays du Sud qui se soit développé en restant dans une union monétaire non fédéraliste et de surcroît contrôlée par l’ex-puissance coloniale). En sortir n’est pas promesse de développement. Tout dépend du modèle économique, comme les deux plus grands économistes africains à avoir réfléchi sur ces questions, Samir Amin et Joseph Tchundjang Pouemi, n’ont eu de cesse de le dire en leur temps.
Le propos est déjà long. Beaucoup d’autres choses pourraient être dites, notamment sur l’impossibilité d’une politique financière cohérente dans le cadre de la zone franc et la responsabilité du système monétaire et financier vis-à-vis du lancinant problème du chômage. Au fond, qu’est-ce que le chômage ? Si l’on part de l’idée qu’il décrit la situation de personnes désireuses de louer leurs services de travail en échange de la monnaie émise par l’État, on comprend dès lors que quand la masse monétaire est artificiellement restreinte pour défendre une parité fixe…on crée nécessairement du chômage. Comme l’écrit l’économiste américain Randall Wray :
"Il existe de solides arguments éthiques contre l'utilisation de la pauvreté et du chômage comme principaux outils politiques pour atteindre la stabilité des prix et des taux de change - d'autant plus que les coûts de la pauvreté et du chômage ne sont pas répartis de manière égale au sein de la population. Et même si la stabilité des prix et de la monnaie est désirable, il est douteux que l'on puisse le défendre comme un droit humain au même titre que le droit au travail."
Comme on le dit souvent, on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. De la même manière, on ne peut libérer un esclave satisfait de sa servitude sucrée.
par Nioxor Tine
DE LA PREMIÈRE ALTERNANCE À LA FIN DU SYSTÈME
Le tollé suscité par le report de la présidentielle traduit l'exaspération de la population face aux dérives antidémocratiques du pouvoir. Derrière les manœuvres électorales, c'est la fin annoncée d'un régime oppressif qui se joue
Habituellement, l’élection présidentielle sénégalaise se tient le dernier dimanche du mois de février de la dernière année du mandat en cours. Cette année, elle va finalement se tenir avec quatre semaines de retard, après moult rebondissements liés à la volonté farouche du président sortant de différer la tenue du scrutin. Cela traduit-il une peur panique face au crépuscule du système d’oppression néocolonial déjà malmené dans les pays frères voisins ?
Si cette volonté de report injustifié a suscité un immense tollé au niveau international, elle a buté sur une désapprobation massive dans notre pays, même si elle n’a finalement été considérée que comme la goutte d’eau qui a fait déborder le vase des violations itératives des normes et principes démocratiques.
Pourtant, les Assises nationales de 2008-2009, dans un remarquable exercice de prospective politique aux conclusions desquelles, le président Macky Sall avait fini par – ou fait semblant de – souscrire, avaient indiqué, entre autres pistes de solution, la refondation institutionnelle, l’émergence citoyenne et l’obtention / parachèvement de nos souverainetés politique, économique et monétaire.
Paradoxalement, depuis le début de la deuxième alternance, une lourde chape de plomb s’est abattue sur notre pays instaurant un autoritarisme pesant sur la vie publique en général et la scène politique, en particulier, tentant de faire tourner la roue de l’Histoire à l’envers et de nous ramener à l’ère de la glaciation senghorienne (voire à celle de la sujétion coloniale).
On en est ainsi arrivé à un stade où des mesures antidémocratiques extrêmes ont eu droit de cité. Il s’agit, notamment de l’interdiction pour les partis politiques de l’opposition d’accéder à leurs sièges pour y tenir leurs réunions ordinaires, de la dissuasion de manifestations par des rafles systématiques de passants dans la rue, d’arrestations arbitraires de supposés militants de l’opposition dans leurs domiciles, de la dissolution du Pastef, 60 ans après celle du PAI….
Si cette stratégie d’asservissement du citoyen a pu prospérer, c’est parce que le régime du Benno-APR a procédé à une instrumentalisation des institutions et à une criminalisation de l’activité politique, avec comme point culminant, la cabale contre le leader du Pastef identifié comme un des principaux obstacles à la perpétuation du système néocolonial. Des lois ont été perverties, de telle manière que les infractions relatives au terrorisme ont été rendues vagues et floues, pour en élargir l’acception, notamment l’article 279-1, assimilant à des actes terroristes, les violences ou voies de fait commises contre les personnes et des destructions ou dégradations commises lors des rassemblements. Il y a aussi eu les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication. Cette législation liberticide sera corsée, au lendemain des émeutes ayant trait à l’affaire Ousmane Sonko – Adji Sarr. Au vu de ces rappels, on appréhende mieux cette obsession du pouvoir apériste à susciter et à entretenir une atmosphère de tension avec une interdiction systématique des manifestations doublée d’un déploiement massif et irréfléchi des forces de l’ordre suivi d’usage abusif de la force. C’est par ces prétextes et provocations, qu’on a embastillé, sans aucune enquête digne de ce nom, des milliers de jeunes gens présumés innocents, sans désigner un quelconque coupable pour tous ces crimes apparentés à des actes terroristes.
Force est de reconnaître, que face à cette réduction sans précédent des espaces civiques, les capacités de revendication, de protestation et d’indignation ont également diminué, avec une propension de larges secteurs de la société civile et de la presse à jouer à l’équilibrisme, se tenant à équidistance entre le bourreau et la victime. C’est donc dans une indifférence quasi-générale, que le régime du Benno-APR a reconduit, comme en 2019, le système inique du parrainage citoyen ainsi que l’éviction judiciaire de concurrents politiques et dénaturé notre processus électoral.
Adossé aux appareils sécuritaire et judiciaire et brandissant l’épouvantail d’un prétendu terrorisme salafiste, le président Macky Sall et les pontes du Benno-APR ont cru pouvoir prendre des raccourcis et s’exonérer de leurs tâches politiques dans un pays aux solides traditions démocratiques.
C’est ce qui explique cette monumentale bévue politique consistant à vouloir prolonger indûment un mandat arrivé à terme, sanctionnée par deux désaveux cinglants du juge électoral suprême qu’est le conseil constitutionnel. On assiste, depuis lors, à un repli désordonné de la coaltion Benno-APR, dont le patron s’est mué en « chantre de la réconciliation nationale », initiateur d’une « généreuse amnistie » votée le 6 mars 2024, avec une célérité, qui interroge sur l’unilatéralité du mode de prise de décision au plus haut sommet de l’Etat, qu’une certaine gauche fait semblant de ne découvrir que maintenant.
En réalité, le président actuel, écarté bien malgré lui, des prochaines joutes électorales par la limitation des mandats et échaudé par les exemples mauritanien et angolais, est en train d’assurer ses arrières. Mais il feint d’ignorer, qu’en garantissant l’impunité à ses collaborateurs zélés, surtout ceux coupables de graves et multiples violations des droits humains, il commet un affront à l’endroit des familles des victimes.
Électoralement et sociologiquement minoritaire, le Benno-APR, son candidat milliardaire et leurs affidés libéraux, socio-démocrates et ex-communistes ne sont plus en mesure de s’opposer à la profonde aspiration populaire au changement et à l’alternative politique tant attendue.
Par Oumar SAKHO
LES POPULATIONS DU DEPARTEMENT DE BAKEL MERITENT D’ACCUEILLIR LA «COALITION DIOMAYE PRÉSIDENT»
Rien n’est trop tard, rien n’est gravé dans le marbre, Monsieur le Président, Ousmane SONKO, il est encore temps de faire un tour dans le département de Bakel et vous ne serez absolument pas déçu, comme lors de votre dernier passage à Bakel juillet 2022
Nous remercions Allah SWT, Le Tout Puissant, Celui dont les Pouvoirs sont au-dessus de tout, de vous avoir fait libéré, ainsi que notre futur et magnifique Président, M. Bassirou Diomaye Diakhar FAYE. Le Peuple sénégalais vous sera toujours reconnaissant, vous êtes une chance et pour le Sénégal et pour l’Afrique tout entière qui aspire à se libérer des chaines du sous-développement et du néo-colonialisme.
Monsieur le Président, nous avons appris, avec une surprise bien amère, que la Grande Caravane de notre Coalition DIOMAYE PRÉSIDENT, contournera les villes et villages soninkés du département de Bakel, de Kidira, de Goudiry et de Kédougou, bref, entièrement la partie Est du pays. En effet, par une vidéo dans laquelle nous apercevons notre camarade Moustapha Mamba GUIRASSY, qui donne les dates et lieux de ladite Caravane, il s’avère qu’une fois à Ourossogui, vous allez bifurquer sur votre gauche, en suivant un itinéraire qui passera par Matam, Podor, Dagana, Saint-Louis, vers le Ferlo, etc., en laissant de côté des dizaines et des dizaines de milliers de militants, de sympathisants du PASTEF. Car de Kanel à Bakel, Kidira, Goudiry, Kédougou, etc., Monsieur le Président, la non considération de l’élite politique sénégalaise reste inexpliquée, au point que beaucoup disent que cette partie du pays que vous avez évitée de sillonner en 2019 lors de la présidentielle de cette même année, est délaissée, elle ne semble pas être considérée comme une partie à part entière du Sénégal, et c’est extrêmement humiliant pour ces populations, mais également pour nous, Patriotes, du pays et de la Diaspora ; car la Diaspora du Département de Bakel a entamé depuis deux ans, un travail acharné sur le terrain, en finançant les différentes sections et cellules du Pastef, en organisant le parti dans les différentes localités du département, en menant une campagne de réinformation intensive et objective auprès des populations, à tel point qu’aujourd’hui, le régime agonisant de Macky Sall désespère de gagner dans ces territoires qui étaient pourtant réputés être son « pré-carré ». Malheureusement, en snobant ces localités, Monsieur le Président, vous donnez raison à ce que beaucoup parmi nous pensons : nous ne sommes absolument pas considérés au Sénégal, et le Pastef, une fois au pouvoir, ne dérogera probablement guère à cette règle.
L’argument selon lequel le temps est court pour tout faire, certes nous l’entendons, mais il n’est pas suffisant et pertinent pour justifier la mise de côté de toute la partie Est du pays, vous délaissez ces territoires soninkés comme ces anciens dirigeants du Sénégal, ce n’est pas un message positif que vous envoyez à ces populations et cela conforte beaucoup dans le sentiment d’être abandonnés par vous aussi.
Rien n’est trop tard, rien n’est gravé dans le marbre, Monsieur le Président, Ousmane SONKO, il est encore temps de faire un tour dans le département de Bakel et vous ne serez absolument pas déçu, comme lors de votre dernier passage à Bakel, ce jeudi 21 juillet 2022, vous avez été reçus et ovationnés par des milliers de personnes, chose qu’on n’a jamais vue dans l’accueil d’une personnalité politique dans cette localité.
Nous vous attendons, Monsieur le Président, avec la Grande Caravane de notre Coalition DIOMAYE PRÉSIDENTE, dans le Département de Bakel, avec une immense ferveur.
par Madiambal Diagne
LE GROS COUP PERDANT DE MACKY SALL
Les Sénégalais sont médusés de découvrir un Ousmane Sonko qui, après sa sortie de prison, affiche un nouvel ami, en la personne du président. Je refuse de croire qu’il puisse être sincère
Le premier tour de l’élection présidentielle devait se tenir le 25 février 2024 mais, en fin de compte, il se tiendra le 24 mars 2024. Le Sénégal est passé, depuis le 3 février 2024, à des situations les plus périlleuses et l’incertitude subsiste. La classe politique continue à jouer avec le feu, et à nous faire peur.
C’est fou ! Ont-ils entrepris tout ça, pour se retrouver à l’arrivée avec Ousmane Sonko, Bassirou Diomaye Faye et leurs centaines de casseurs en liberté et même amnistiés, et le Pastef dissous ressuscité ? Ont-ils entrepris tout ça pour se retrouver avec Amadou Ba toujours candidat de Benno bokk yaakaar (Bby) et qui rallie les foules excitées de militants et de sympathisants ? Ont-ils entrepris tout ça pour se retrouver avec Karim Meïssa Wade et Ousmane Sonko, toujours hors de course pour la Présidentielle, parce qu’ils n’ont pas réussi à faire rebattre les cartes de la sélection des candidatures par le Conseil constitutionnel ? Ont-ils entrepris tout ça pour se retrouver avec la perspective que le président Macky Sall aura à quitter le pouvoir au terme fatidique de son mandat, à savoir le 2 avril 2024, et que le Conseil constitutionnel en arrive à devoir le lui rappeler ? Ont-ils entrepris tout ça pour se retrouver avec l’image on ne peut plus chahutée d’un président Sall alors qu’il n’y a guère, sa cote de popularité était au pinacle ? Le supplice de Macky Sall aura été de bien mesurer que nombre de ses «obligés» ne pouvaient plus le suivre dans la logique d’une hostilité absurde à l’encontre de son propre candidat Amadou Ba et qu’il s’est senti presque forcé de lui renouveler son soutien. Assurément, il lui devenait impossible de se mettre à la face du monde pour appeler à voter pour un autre candidat ! Au corps défendant de ses collaborateurs et camarades de parti, qu’il a pu percevoir comme des traîtres à sa personne, il ne leur a jamais clairement confié ses intentions de bouder la candidature de Amadou Ba, qu’il leur avait préalablement vendue publiquement avec force arguments. Peut-être qu’il appartenait aux autres de deviner ce que Macky Sall avait à l’esprit ! Ainsi, lui sera-t-il difficile de jubiler au soir d’une victoire de Amadou Ba s’il manque de s’afficher à ses côtés durant la campagne.
Une victoire de l’opposition serait également sa propre défaite. On semble vivre les mêmes situations qu’en France où l’histoire de la Vème République révèle parfois un manque d’enthousiasme débordant du président sortant en faveur de son poulain. François Mitterrand avait choisi du bout des lèvres Lionel Jospin contre Jacques Chirac en 1995, ou quand le même Jacques Chirac faisait le service minimum pour Nicolas Sarkozy en 2007 contre Ségolène Royal. Au Kenya, en 2022, Uhuru Kenyatta avait joué contre son propre camp, en choisissant de soutenir son opposant Raïla Odinga, au détriment de son propre vice-président William Ruto.
Chaque fleur de Ousmane Sonko pour Macky Sall est une insulte à la morale !
Les Sénégalais sont médusés de découvrir un Ousmane Sonko qui, après sa sortie de prison, affiche un nouvel ami, en la personne de Macky Sall. Désormais, il lui épargne ses féroces injures, ses diatribes et ses quolibets assassins, qui sont désormais exclusivement destinés au vilain Amadou Ba. Le leader de Pastef réhabilité, pousse l’indécence jusqu’à dire à ses troupes : «Il ne faut pas céder à l’émotion et il ne faudrait pas se tromper de combat, le Sénégal a encore besoin de la sagesse de Macky Sall, et Amadou Ba est de loin pire que Macky Sall.»
Je devine la gêne de Macky Sall à entendre ces propos ! En effet, je relate, dans mon livre paru en novembre 2023, Amadou Ba, la dernière marche, comment Macky Sall et son régime avaient fait payer à Amadou Ba d’avoir cherché à sauver la tête ou à protéger l’ancien jeune inspecteur des Impôts et domaines dont les activités syndicales et politiques donnaient du fil à retordre aux autorités de l’Etat. Tous les déboires de Amadou Ba aux côtés de Macky Sall tenaient à des accusations d’une supposée collusion avec Ousmane Sonko.
La famille de Ousmane Sonko devrait elle aussi vivre un certain malaise, notamment sa maman, Khady Ngom, qui n’a de cesse de témoigner de la reconnaissance à l’endroit de Amadou Ba pour diverses civilités ; ou son épouse Anna Diamanka dont la main a été demandée pour Ousmane Sonko, par Amadou Ba en personne. C’est sans doute qu’il fait dans de l’ironie cynique lorsque Ousmane Sonko tisse des lauriers pour Macky Sall. Je refuse de croire qu’il puisse être sincère ! Et comme aucune charge ne serait trop lourde pour la pauvre mule Amadou Ba, ce dernier qu’il a pourtant assez ménagé et même épargné depuis son entrée en politique, Ousmane Sonko le charge subitement et à volonté. A l’étape de Ziguinchor, il déclare sans sourciller : «Amadou Ba a tout fait pour que Diomaye et moi restions en prison. Amadou Ba a organisé toutes les attaques dont j’ai fait l’objet ces dernières années.»
La grande humiliation pour les victimes et toutes les personnes qui défendaient Macky Sall et/ou l’Etat du Sénégal contre Ousmane Sonko
Chercher à apaiser le Sénégal grâce à la libération des casseurs du parti Pastef et de leurs leaders est sans doute un calcul erroné. On ne le dira jamais assez, le Sénégal a été paisible durant tous les mois d’emprisonnement de Ousmane Sonko et de ses sbires. S’il y a eu une brève recrudescence d’actes de violences, le 9 février 2024, c’était justement parce que l’élection présidentielle, initialement prévue pour le 25 février 2024, avait été reportée, sans aucune raison qui a pu convaincre grand monde. Autrement dit, l’agression barbare, le 29 février 2024, contre la journaliste Maïmouna Ndour Faye, que tout le monde savait menacée par les troupes du parti Pastef, constitue indubitablement une conséquence dramatique de cette vague de libérations de groupes de fauteurs de troubles.
Qui a pensé aux victimes en amnistiant les terroristes ? On annonce recenser ces victimes pour des dédommagements payés par l’Etat. Dites-moi quelle est la responsabilité de l’Etat de voir des citoyens saccager les biens d’autres citoyens, les tuer, les blesser, les insulter et traîner leur réputation dans la boue. Avant que ses services ne finissent d’ailleurs de nous recenser, nous, les innombrables victimes, Macky Sall aura fini de quitter le pouvoir… Qui nous fixera un barème pour réparer nos peines, nos douleurs morales ? Les magistrats, policiers et gendarmes, qui ont rempli leur devoir de protection de l’Etat, se sentent humiliés. La situation sera encore plus regrettable si ces hordes de démolisseurs reprennent du service avec de sinistres actes contre les personnes, les biens privés et publics, mais surtout contre les institutions. A chaque fois qu’ils nous casseront la gueule, nous nous souviendrons que c’est Macky Sall qui nous aura laissés avec cette gangrène et qui se la coule douce dans son exil au Maroc. Que nous nous le tenions pour dit, Ousmane Sonko a déjà préparé ses gens à contester violemment les résultats d’une élection que Bassirou Diomaye Faye ne gagnerait pas !
Cette libération devrait-elle constituer un obstacle de plus sur la route de la campagne de Amadou Ba ? Tout porte à le croire, mais on peut leur trouver une certaine vertu. Si d’aventure les électeurs choisissaient Bassirou Diomaye Faye, ils le feraient en pleine connaissance de cause. Nul ne pourra invoquer avoir voté à l’aveuglette et ne rien savoir du candidat, de ses idées, de ses lacunes et carences, comme excuse ou circonstance atténuante. En effet, l’implication dans la campagne des principales têtes de file de la campagne «Diomaye Président» a permis de mieux mesurer l’impréparation et la vacuité du discours de ces personnes qui aspirent aux plus hautes fonctions. A chaque fois que leur poulain ouvre la bouche, bien des électeurs réalisent l’hérésie de songer à confier le destin du pays à un tel personnage. «Il aurait été peut-être mieux qu’il ne prenne plus la parole», regrette un membre du directoire de campagne. Finalement, les spin-doctors vont essayer de faire parler leur candidat le moins possible, pour lui éviter de proférer des énormités.
Gaffer est aussi le côté pittoresque d’une campagne électorale. Pas un mot de compassion pour les victimes décédées, mais Ousmane Sonko, narcissique et égocentrique à souhait, pousse l’indécence jusqu’à parler de son grand confort en prison avec une «suite» (présidentielle ?) qui a pu abriter des nuits de noces avec une nouvelle épouse, troisième du rang. Il ne nous apprend rien car tout Dakar avait pu voir à partir des appels vidéo du lugubre entremetteur malien, Ousmane Yara, la couleur rouge des fauteuils de la «Suite» pénitentiaire de Ousmane Sonko à la prison du Cap Manuel. Le pauvre Bassirou Diomaye Faye restait cloitré dans un 9 mètres carrés (Ousmane Sonko dixit) jusqu’à appeler au secours Amadou, le fils de Macky Sall ! C’est lui-même qui le dit. Le temps des confessions.
Ousmane Sonko, pour sa part, a révélé avoir discuté et demandé au président Macky Sall de rester au pouvoir. Il avoue donc faire partie du groupe de conjurés du report de l’élection présidentielle. Il acte ainsi publiquement son protocole du Cap Manuel, lui qui se gaussait des protocoles de Rebeuss ou de Doha, pour tourner en dérision ses rivaux Idrissa Seck, Khalifa Ababacar Sall et Karim Wade. Comme pour remuer le couteau dans la plaie, Ousmane Sonko et sa bande se considèrent comme des victimes et certains demandent à l’Etat des réparations. Ousmane Sonko avait attrait le Sénégal devant la Cour de justice de la Cedeao pour demander réparation de préjudices à lui causés, pour la rondelette somme de 1500 milliards de francs, à savoir 25% du budget annuel du pays.
Un beau bilan abîmé
«Quand on rate sa sortie, c’est aussi triste que de ne pas réussir sa mission» (Carlos Ghosn). On reprochera toujours à Macky Sall d’avoir cherché à torpiller le processus électoral, pour avoir demandé à sa majorité parlementaire et à son parti d’endosser toutes les initiatives de Karim Wade tendant à empêcher la tenue de l’élection présidentielle. Si cette élection aura pu se tenir, c’est parce qu’ils n’y ont pas réussi, freinés par des institutions fortes de l’Etat du Sénégal. Nous pouvons nous féliciter de ce qu’au Sénégal, un chef d’Etat, tout puissant qu’il puisse être, ne peut confisquer le processus démocratique. On l’avait observé avec Abdoulaye Wade en 2012, et une nouvelle fois avec Macky Sall en 2024. Seulement, on ne peut ne pas être en rage de constater que le président Macky Sall, qui avait réussi à se tailler la plus belle des images en Afrique et dans le monde, arrive à devoir raser les murs, simplement parce qu’il a tenté le mauvais coup de trop. Cela est d’autant plus regrettable que des amis ont eu à chercher à l’arrêter, pour ne pas dire à le sauver de lui-même et d’un entourage nocif. Quand on voit la qualité des personnels politiques qui ont voulu entonner avec lui la chanson du report de l’élection présidentielle, on réalise bien le grand niveau de fourvoiement. D’aucuns comme moi, pourront se consoler, considérant qu’il n’avait plus tous ses esprits. C’est sans doute une explication commode. Qu’à cela ne tienne !